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Urteil Kantonsgericht (VD)

Kopfdaten
Kanton:VD
Fallnummer:Jug/2024/381
Instanz:Kantonsgericht
Abteilung:
Kantonsgericht Entscheid Jug/2024/381 vom 14.08.2024 (VD)
Datum:14.08.2024
Rechtskraft:
Leitsatz/Stichwort:
Zusammenfassung : Der Angeklagte A.Y. wurde vom Bezirksgericht für die Bezirke La Broye und Nord vaudois wegen Betrugs und Geldwäscherei verurteilt. Er erhielt eine Freiheitsstrafe von 18 Monaten, von der die Vollstreckung ausgesetzt wurde. Zudem wurde er zu einer Geldstrafe von 2'500 CHF verurteilt und musste eine Geldforderung von 30'000 CHF zugunsten des Staates begleichen. A.Y. legte Berufung ein und forderte einen Freispruch vom Betrugsvorwurf sowie eine Reduzierung der Freiheitsstrafe auf 12 Monate. Die Berufung wurde abgelehnt, da die Beweise gegen ihn erdrückend waren. Die Gerichtskosten betrugen 13'373 CHF, die A.Y. tragen musste.
Schlagwörter : été; Appel; Argent; Appelant; ’appel; était; Autre; Escroquerie; èces; édité; Office; Auteur; ’office; ’AY; Autres; Infraction; écution; éfense; éfenseur; Exécution; Suisse; érent; énal; élai; épreuve; éance
Rechtsnorm:Art. 10 StPo; Art. 100 BGG; Art. 382 StPo; Art. 398 StPo; Art. 428 StPo; Art. 49 VwVG;
Referenz BGE:-
Kommentar:
Entscheid

TRIBUNAL CANTONAL

304

PE21.016810-DTE



COUR D’APPEL PENALE

________________

Audience du 14 août 2024

__________

Composition : Mme Kühnlein, présidente

MM. Winzap et Parrone, juges

Greffière : Mme Choukroun

*****

Parties à la présente cause :

A.Y.____, prévenu, représenté par Me Patricia Spack Isenrich, défenseur d’office à Lausanne, appelant,

et

MINISTÈRE PUBLIC, représenté par le Procureur de l'arrondissement du Nord vaudois, intimé.


La Cour d’appel pénale considère :

En fait :

A. Par jugement du 24 janvier 2024, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a notamment constaté qu’A.Y.____ s'est rendu coupable d'escroquerie et de blanchiment d'argent qualifié (V) ; l’a condamné à une peine privative de liberté de 18 mois (VI) ; a suspendu l'exécution de la peine privative de liberté fixée sous chiffre VI ci-dessus et imparti à A.Y.____ un délai d'épreuve de 4 ans (VII) ; a condamné en outre A.Y.____ à une amende de 2'500 fr. convertible en 25 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif (VIII) ; a révoqué le sursis accordé à A.Y.____ le 25 août 2016 par le Tribunal de police de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois et ordonné l'exécution de la peine pécuniaire de 40 jours-amende à 30 fr. (IX) ; a prononcé à l'encontre d'A.Y.____, en faveur de l'Etat, une créance compensatrice de 30'000 fr. (XI) ; a ordonné la confiscation et la dévolution à l'Etat, au titre de remboursement partiel des frais de la cause, de la somme de 6'973 fr. 60 à la suite de la clôture du compte d'A.Y.____ auprès de la Banque Migros, IBAN CH[...], somme qui a été versée sur le compte du Ministère public (= cf. pièce n° 43) (XII) ; a ordonné le maintien au dossier, à titre de pièces à conviction, d'un disque externe WD ELEMENTS contenant les données brutes des extractions des téléphones sous fiche n° 52010/23, ainsi que les objets répertoriés sous fiche n°52009/23 (XIII) ; a alloué à l’avocate Patricia Spack Isenrich, défenseur d’office d’A.Y.____ une indemnité de 7'233 fr. 20, TVA et débours compris (XV) ; a mis une part des frais de la cause, par 13'373 fr. 20, à la charge d’A.Y.____, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office ci-dessus, dont à déduire un montant de 6'973 fr. 60 confisqué selon chiffre XII ci-dessus (XVI).

B. Par annonce du 29 janvier 2024, puis déclaration d’appel motivée du 5 mars 2024, A.Y.____ a contesté le jugement précité. Il a conclu à sa réforme en ce sens qu’il est acquitté du chef d’accusation d’escroquerie, reconnu coupable de blanchiment d'argent qualifié et condamné à une peine privative de liberté de 12 mois, sans révocation du sursis antérieurement accordé. Il a également conclu à ce qu'aucune créance compensatrice ne soit prononcée à sa charge en faveur de l'Etat et à ce que tous les documents originaux ou copie en lien avec l'achat de terrains au Congo avant 2020 se trouvant maintenus au dossier comme pièces à conviction sous fiche n° 52009/23 lui soient restitués, en tant qu'il en est le dernier possesseur légitime.

C. Les faits retenus sont les suivants :

1. A.Y.____ est un ressortissant congolais né le [...] 1987 à [...]. Il est arrivé en Suisse où il a rejoint ses parents en 2004 et bénéficie d’une autorisation d’établissement en Suisse. Il a cinq sœurs et deux frères qui vivent en Suisse. Il a fréquenté l’OPTI durant une année, puis a effectué un apprentissage au terme duquel il a obtenu un CFC d’électricien en 2009. Il a ensuite travaillé dans ce domaine d’activité pour différents employeurs au fil des années. A.Y.____ travaille actuellement et depuis le 1er octobre 2020 à plein temps comme monteur de service externe pour le département SAV auprès de l’entreprise [...] SA à [...]. Son salaire annuel net s’est élevé à 96'871 fr. 45 en 2023, y compris une gratification. Les fiches de salaire produites énoncent un salaire mensuel brut de 6'200 fr., versé treize fois l’an, auquel s’ajoutent des indemnités pour semaine de piquet. Le revenu mensuel net moyen, hors allocations familiales, s’élève ainsi à 6'235 fr. 80, part au treizième salaire comprise. Lors de sa première audition par les enquêteurs, A.Y.____ avait dépeint une situation financière compliquée, avec des factures en retard et des poursuites. L’extrait du registre des poursuites produit aux débats mentionne deux actes de défaut de biens pour un montant arrondi à 8'000 fr. et un certain nombre de poursuites. A.Y.____ a épousé sa co-prévenue, B.Y.____. Le couple, qui vit séparé depuis septembre 2023, est propriétaire de trois terrains constructibles en République démocratique du Congo. A.Y.____ est aussi membre actif d’une école de judo qui a décrit l’appelant comme quelqu’un de respectueux, de nature joviale et dont le comportement est celui que l’on peut attendre d’un judoka. En outre, l’appelant n’hésite pas à rendre service à l’école de judo en se portant bénévole pour des événements et il a été occasionnellement titularisé dans l’équipe de judo en ligue nationale A.

Le casier judiciaire d’A.Y.____ mentionne les condamnations suivantes :

- 15 mars 2013, Ministère public du canton de Fribourg, peine pécuniaire de 60 jours-amende à 80 francs, avec sursis pendant 3 ans (sursis non révoqué le 25.08.2016), amende de 400 francs, pour lésions corporelles simples ;

- 25 août 2016, Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois, Yverdon-les-Bains, peine pécuniaire de 40 jours-amende à 30 francs, avec sursis pendant 5 ans (sursis non révoqué le 20.05.2019 mais prolongation du délai d’épreuve d’un an ; sursis non révoqué le 22.10.2019), pour dommages à la propriété ;

- 20 mai 2019, Tribunal de police de Lausanne, peine pécuniaire ferme de 120 jours-amende à 30 francs, pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires ;

- 22 octobre 2019, Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois, Yverdon, peine pécuniaire ferme de 40 jours-amende à 30 francs, pour conduite d’un véhicule automobile avec un taux d’alcool qualifié dans le sang ou dans l’haleine.

2. La présente affaire trouve son origine dans une mouvance de type ZAIREAN CONNECTION, dont les membres sont principalement des ressortissants de la République démocratique du Congo, lesquels agissent généralement en bande, depuis l’étranger (la plupart du temps depuis la France et/ou la Belgique, profitant souvent de complicités en Suisse). Le mode opératoire comprend, en substance, les phases suivantes : interception de la correspondance d’une personne résidant généralement en Afrique et possédant des relations bancaires en Europe, identification des coordonnées bancaires, prélèvement d’un exemplaire de la signature du titulaire ; dans certains cas, modification des coordonnées téléphoniques, postales et électroniques des comptes du client afin d’en prendre le contrôle ; recrutement d’un « attaquant » et falsification du passeport libellé au nom du titulaire du compte, avec la photo de « l’attaquant » ; après octroi d’une commission, transmission, par « l’attaquant », de l’argent aux organisateurs ou à leurs intermédiaires ; transmission d’un faux ordre de virement à la banque, dans le but de créditer le compte d’une « money mule » (située dans un pays différent de celui où se trouve le compte pris pour cible) ; retrait d’argent par la « money mule » puis remise en espèces (après octroi d’une commission, qui oscille généralement entre 5 et 30% du montant récolté), très rapidement, aux organisateurs ou à leurs intermédiaires. Dans ce contexte, il est reproché à A.Y.____ les faits suivants :

Entre les 29 janvier 2021 et 3 août 2021, soit sur une période d'à peine plus de six mois, les relations bancaires dont B.Y.____ et A.Y.____ étaient titulaires auprès de divers établissements de la place financière suisse (BCV, Crédit Suisse, PostFinance, UBS et Banque Migros) ont été crédités, via des virements frauduleux, pour un montant total de 463'222 fr. 46. Cette somme se décompose de la manière suivante :

- Le 29 janvier 2021, le compte CH[...] dont B.Y.____ est titulaire auprès de la Banque [...] (ci-après : BCV) a été crédité à hauteur de 51'597 fr. 65 (48'700 euros), dite somme d'argent provenant d'un compte ouvert à l'étranger, au nom d'un certain W.____. Le même jour, 47'180 fr. (180 fr. retirés en espèces au bancomat de I'UBS à [...], 1'000 fr. retirés en espèces au bancomat de la BCV à [...], 45'000 fr. retirés en espèces à [...], 1'000 fr. retirés en espèces au bancomat de la BCV à [...]) ont été retirés en cash (avant que l'essentiel ne soit remis à d'autres participants au schéma criminel), 2'000 fr ont été virés sur le compte CH[...] dont B.Y.____ est également titulaire auprès de la BCV et 2'417 fr. 65 sont restés sur le compte ;

- Le 3 mai 2021, le compte CH75 [...] dont B.Y.____ est titulaire auprès du Crédit Suisse a été crédité à hauteur de 19'425 fr. 56 (18'000 euros), dite somme d'argent provenant d'un compte français ouvert au nom d'un certain Q.____. Le même jour, 14'000 fr. ont été retirés en espèces au Crédit Suisse [...] (avant que l'essentiel ne soit remis à d'autres participants au schéma criminel), 2'500 fr. ont été virés sur des comptes bancaires dont B.Y.____ et deux de ses proches étaient titulaires, le solde (soit 2'925 fr. 56) demeurant sur le compte ;

- Le 6 mai 2021, le compte CH36 [...] dont A.Y.____ est titulaire auprès de la BCV a été crédité à hauteur de 16'125 fr. (15'000 euros), dite somme d'argent provenant d'un compte français ouvert au nom de L.____. Le jour même, 753 fr. ont été transférés sur l'un des comptes Crédit Suisse de B.Y.____. Enfin, 15'500 fr. ont été retirés en espèces, entre les 7 et 9 mai 2021, dont l'essentiel a été remis à d'autres participants au schéma criminel ;

- Le 7 mai 2021, le compte CH75 [...] dont B.Y.____ est titulaire auprès du Crédit Suisse a été crédité à hauteur de 15'293 fr. 91 (14'200 euros), dite somme d'argent provenant du compte précité ouvert au nom de Q.____. Sur ce montant, 850 fr. ont été envoyés à A.Y.____, via trois versements Twint effectués les 8, 9 et 11 mai 2021, 8'170 fr. ont été retirés en espèces entre les 10 et 11 mai 2021 (dont l'essentiel a été remis à d'autres participants au schéma criminel) et 3'750 fr. ont été virés sur le compte BCV d'A.Y.____ (avec la mention « pour les factures »), le solde de 2'523 fr. 91 demeurant sur le compte ;

- Le 26 mai 2021, le compte CH75 [...] dont B.Y.____ est titulaire auprès du Crédit Suisse a été crédité à hauteur de 52'125 fr. 93 (48'200 euros), dite somme d'argent provenant du compte précité ouvert au nom de Q.____. Sur ce montant, 36'150 fr. ont été retirés en espèces, entre les 26 et 27 mai 2021 (dont l'essentiel a ensuite été remis à d'autres participants au schéma criminel), 3'770 fr. ont été virés pour des paiements (gérance immobilière, fisc), et 10'000 fr. ont été virés sur des comptes bancaires dont B.Y.____ et deux de ses proches étaient titulaires, le solde de 2'205 fr. 93 demeurant sur le compte ;

- Le 8 juin 2021, le compte CH72 [...] dont B.Y.____ est titulaire auprès de Postfinance a été crédité à hauteur de 79'097 fr. 20 (72'800 euros), dite somme provenant d'un compte français ouvert au nom de [...]. Sur ce montant, 70'199 fr. ont été retirés en espèces, entre les 9 et 10 juin 2021 (dont l'essentiel a ensuite été remis à d'autres participants au schéma criminel), 6'320 fr. ont été transférés sur le compte BCV dont B.Y.____ est titulaire, et 1'485 fr. 60 ont été virés a l'Etat de Vaud, pour le paiement d'une facture. Le solde de 2'578 fr. 20 est demeuré sur le compte ;

- Le 9 juin 2021, le compte CH09 [...] dont A.Y.____ est titulaire auprès de l'UBS a été crédité à hauteur de 96'650 fr. 34 (89'740 euros), dite somme d'argent provenant d'un compte français ouvert au nom de K.____. Entre les 9 et 16 juin 2021, 93'750 fr. ont été retirés en cash (dont l'essentiel a ensuite été remis à d'autres participants au schéma criminel), le solde de 2'900 fr. 34 demeurant sur le compte. Pour ce cas, B.Y.____ et A.Y.____ ont perçu une commission d'à tout le moins 7'732 fr. 03 ;

- Le 16 juin 2021, le compte CH09 [...] dont A.Y.____ est titulaire auprès de Postfinance a été crédité à hauteur de 83'349 fr. 37 (76'990 euros), dite somme d'argent provenant d'un compte français ouvert au nom de K.____. Entre les 16 et 17 juin 2021, 83'200 fr. ont été retirés en cash (dont l'essentiel a ensuite été remis à d'autres participants au schéma criminel), le solde de 149 fr. 37 demeurant sur le compte. Pour ce cas, B.Y.____ et A.Y.____ ont perçu une commission de l'ordre de 25'000 fr. ;

- Le 2 juillet 2021, le compte CH73 [...] dont B.Y.____ est titulaire auprès de la Banque Migros a été crédité à hauteur de 19'961 fr. 50 (18'500 euros), dite somme d'argent provenant d'un compte ouvert au nom d'un certain E.____, celui-ci résidant au Congo/Brazzaville. Entre les 3 et 10 juillet 2021, 19'506 fr. ont été retirés en cash, le solde de 455 fr. 50 demeurant sur le compte. Sur la somme de 19'506 fr. dont il vient d'être question, B.Y.____ et A.Y.____ ont remis 12'884 fr. à des tiers (résidant en France, respectivement au Congo/Brazzaville), cette fois via des agences de transfert de fonds. Corollaire, B.Y.____ et A.Y.____ ont perçu une commission correspondant à 7'077 fr. 50 ;

- Le 3 août 2021, le compte CH45 [...] dont A.Y.____ est titulaire auprès de la Banque Migros a été crédité à hauteur de 29'596 fr. (28'000 euros), dite somme d'argent provenant d'un compte français ouvert au nom de G.____. Entre les 4 et 6 août 2021, 23'202 fr. ont été retirés en cash (dont l'essentiel a été remis à d'autres participants au schéma criminel), 6'000 fr. ont été virés sur le compte dont B.Y.____ est elle-même titulaire au sein de la Banque Migros, le solde de 394 fr. demeurant quant à lui sur le compte.

Le 28 septembre 2021, le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent a notamment dénoncé ces faits au Ministère public.

En droit :

1. Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 385 et 399 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0]), par le prévenu ayant qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.

2. Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié (let. a), pour constatation incomplète ou erronée des faits (let. b) et pour inopportunité (let. c) (al. 3).

La voie de l’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel, laquelle ne peut se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier, mais doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement (TF 6B_238/2020 du 14 décembre 2020 consid. 3.2 ; TF 6B_481/2020 du 17 juillet 2020 consid. 1.2 ; TF 6B_952/2019 du 11 décembre 2019 consid. 2.1).

3. Dans un moyen qu'il convient d'examiner en premier, l'appelant se plaint d'une violation de la présomption d'innocence. Il ressort du rapport de police, lequel décrit le mode opératoire du système mis en place pour escroquer les victimes, que « l’attaquant » falsifiait un faux passeport avec sa photographie, retirait l'argent liquide aux guichets des banques avec le document falsifié et percevait une commission pour son activité sur l'argent prélevé. Dans un deuxième temps, « l’attaquant » transmettait l'argent aux organisateurs ou à leurs intermédiaires, qui à leur tour, transmettaient un faux ordre de virement à la banque dans le but de créditer un compte bancaire d'une money mule dans un pays différent de celui du compte attaqué.

3.1 L'art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).

S'agissant de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l'application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d'indices ; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d'autres termes, ce n'est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in : Jeanneret et al. [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse [ci-après : CR CPP], 2e éd., Bâle 2019, n. 34 ad art. 10 CPP).

La présomption d'innocence, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 38 consid. 2a). En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 ; TF 6B_47/2018 consid. 1.1). Comme règle d'appréciation des preuves, elle signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective.

Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe in dubio pro reo, celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; ATF 143 IV 500 consid. 1.1 ; ATF 138 V 74 consid. 7).

3.2 En l’espèce, la Cour de céans constate que l’acte d'accusation a été élaboré sur la base d'un rapport de police extrêmement complet, qui décrit de façon précise l'ensemble des flux financiers, dissèque chacun des cas énumérés en faisant les liens avec l'étranger (P. 29). Le téléphone de l’appelant a été examiné, il contient des fausses factures justificatives, des quittances d'envois d'argent à l'étranger et différents documents liés aux escroqueries en France (P. 29 2.4.2 p. 10) ; B.Y.____ a admis l'implication de son mari (PV aud. 2 R 33 ; PV aud. 3 R 7ss) ; l’appelant avait reconnu son implication et s'était exprimé sur les retraits d'argent effectués dans des banques différentes (PV aud. 1, R 32 il est « soulagé que tout s'arrête », R 4 « nous avons mis le pied dans quelque chose qu'il ne fallait pas »). De manière générale, il avait admis les faits et la perception de commissions, ne contestant que leur quotité (cf. jgmt p. 6). Contrairement à ce que soutient A.Y.____ en appel, son compte n'a pas seulement été crédité après que du cash avait été retiré, mais aussi directement depuis des comptes suisses ou étrangers, soit celui de L.____ le 6 mai 2021 (15'000 Euros) ; de K.____ le 9 juin 2021 (96'000 fr.) ; de K.____ le 16 juin 2021 (83'349 fr. 37) et de G.____ le 3 août 2021 (29'596 fr.).

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, on ne comprend pas sur quels éléments de fait, tels qu'ils ont été décrits dans l'acte d'accusation (cf. ch. 2 supra), le doute devrait l'emporter. Le grief, mal fondé, doit être rejeté.

4. L’appelant invoque une constatation incomplète ou erronée des faits et que c'était à tort qu’il avait été condamné du chef de l'art. 146 CP. Pour le condamner du chef d'escroquerie, il eut fallu qu'il participe intentionnellement et de manière déterminante à la décision, à la planification ou à la commission de cette infraction, cela dans une mesure qui le distingue du participant accessoire, mais tel n'était pas le cas. Il ressortait du rapport de police qu'il n'avait eu qu'un second rôle, dès lors qu'il s'était limité à mettre ses comptes à disposition de son épouse et à retirer de l'argent (P. 29 p. 119 ch. 4.3, 2ème §). L'escroquerie devait être considérée comme consommée au moment où « l'attaquant » retirait l'argent liquide aux guichet des banques en Europe avec le passeport falsifié. Elle était pleinement réalisée à ce stade et avant l'intervention des « money mules » dont le rôle était de mettre à disposition des relations bancaires dans le but de recevoir le produit des escroqueries. D'ailleurs il ignorait totalement quel type d'infractions préalables avaient été commises en France lorsque les transferts frauduleux avaient été effectués sur ses propres comptes bancaires (PV aud. 1 p. 5, PV aud. 8 I. 272, jgmt p. 6). Les activités illicites qui utilisaient des « money mules » étaient nombreuses et l'appelant ne pouvait pas se douter qu'il s'agissait d'escroquerie. A défaut de participation effective, l'appelant ne pouvait pas être condamné pour escroquerie.

4.1

4.1.1 La constatation des faits est incomplète au sens de l’art. 398 al. 3 let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Jeanneret et al. [éd.], CR CPP, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP et réf. cit.).

4.1.2 L'art. 146 CP, qui réprime l'escroquerie, exige l'existence d'une tromperie astucieuse. Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit donc pas. Il faut encore qu'elle soit astucieuse. L'astuce est réalisée lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 142 IV 153 consid. 2.2.2 ; ATF 135 IV 76 consid. 5.2). Tel est notamment le cas si l'auteur conclut un contrat en ayant d'emblée l'intention de ne pas fournir sa prestation alors que son intention n'était pas décelable (ATF 118 IV 359 consid. 2 ; Dupuis/Moreillon/Piguet/Berger/ Mazou/Rodigari [éd.], Petit commentaire CP, 2e éd., Bâle 2017, n. 15 ad art. 146 CP).

Une tromperie portant sur la volonté d'exécuter un contrat n'est pas astucieuse dans tous les cas. Il est trop schématique d'affirmer que la volonté affichée est un phénomène intérieur invérifiable et qu'une tromperie relative à cette volonté est toujours astucieuse (ATF 118 IV 359 consid. 2). L'auteur qui conclut un contrat ayant d'emblée la volonté de ne pas fournir sa prestation agira de façon astucieuse dans le cas d'opérations courantes, de faible valeur, pour lesquelles une vérification entraînerait des frais ou une perte de temps disproportionnés ou ne peut être exigée pour des raisons commerciales. En revanche, dans une vente conclue sur internet, il a été admis que la dupe avait agi avec légèreté en livrant contre facture un produit d'une importante valeur marchande à un inconnu sans examiner, au moins de manière sommaire, la solvabilité de celui-ci ; l'escroquerie a donc été niée (ATF 142 IV 153, confirmé notamment par TF 6B_943/2021 du 2 février 2022 consid. 1.1 ; TF 6B_584/2018 du 30 août 2018 consid. 2.1).

L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si la dupe est coresponsable du dommage parce qu'elle n'a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s'imposaient. Une coresponsabilité de la dupe n'exclut l'astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 142 IV 153 ; ATF 135 IV 76 consid. 5.2).

Pour que le crime d'escroquerie soit consommé, l'erreur dans laquelle la tromperie astucieuse a mis ou conforté la dupe doit avoir déterminé celle-ci à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires, ou à ceux d'un tiers sur le patrimoine duquel elle a un certain pouvoir de disposition. L'escroquerie ne sera consommée que s'il y a un dommage (TF 6B_552/2013 du 9 janvier 2014 consid. 2.3.2 ; Corboz, Les infractions en droit suisse, 3e éd., 2010, n. 32 ad art. 146 CP).

Sur le plan subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. L'auteur doit en outre avoir agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, correspondant au dommage de la dupe (ATF 134 IV 210 consid. 5.3).

4.1.3 Par opposition au complice, qui prête intentionnellement assistance à l'auteur pour commettre un crime ou un délit par une participation accessoire (art. 25 CP [Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; RS 311.0] ; ATF 132 IV 49 consid. 1.1 ; TF 6B_4/2020 du 17 décembre 2020 consid. 5.1 ; TF 6B_909/2020 du 15 décembre 2020 consid. 1.3), le coauteur est celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux. Il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas. Il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet, auquel il peut adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité ; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Ce qui est déterminant, c'est que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.1 ; ATF 130 IV 58 consid. 9.2.1, JdT 2004 I 486 ; ATF 125 IV 134 consid. 3a ; TF 6B_103512020 du 20 mai 2021 consid. 2.1.2). L'intérêt personnel dans la commission de l'infraction peut être un critère de distinction entre la complicité et la coaction : le complice se contente généralement d'une rémunération fixe pour ses services, alors que le coauteur, le plus souvent, est rétribué selon une participation au gain (Killias Martin/Kuhn André/Dongois Nathalie, Précis de droit pénal général, 4e éd., Berne 2016, p. 83).

4.2 En l'espèce, si c'est bien « l’attaquant » qui retirait de l'argent au guichet et si, dans le schéma des escroqueries dites « Zairean Connection » tel que décrit par le rapport de police (P. 29), l'appelant ne participait pas aux prélèvements frauduleux ni ne connaissait les plaignants étrangers victimes du réseau, son rôle a été néanmoins essentiel dans la chaîne délictueuse telle qu'elle a été construite. Certes, il n'a pas ferré les dupes et il semble ne pas s’être autant investi que son épouse dans ce trafic. Cependant, la mise à disposition d'un compte bancaire est un maillon indispensable à la commission de l'infraction. En effet, il n'était pas possible de dépouiller les victimes des montants déposés sur leurs comptes bancaires sans disposer d'un compte en banque sur lequel l'argent serait crédité, compte fourni par les « money mule ». Contrairement à ce que soutient l'appelant, il ne s'agit pas uniquement de blanchir l'argent après la commission de l'infraction dès lors que parfois les virements s'opéraient directement depuis les comptes des victimes. La mise à disposition de ce compte a permis la réalisation de l'escroquerie en en réceptionnant les fruits. Sans les « money mule », l'enrichissement n'était pas possible. Par ailleurs, l'appelant a admis percevoir des commissions, ce qui vient corroborer le fait qu'il était un « partnership » dans les escroqueries de la « Zairean Connection ». Enfin, à ce stade, l’appelant ne conteste plus l’infraction de blanchiment d’argent qualifié, ce dont on doit déduire qu’il admet que les fonds avaient une origine criminelle. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, on ne discerne aucune constatation erronée ou incomplète des faits. L’appelant est en outre bien coauteur des escroqueries commises. Les griefs, mal fondés, doivent être rejetés.

5. L'appelant invoque une violation des art. 70 CP et 267 CPP. Il estime qu'une partie des objets séquestrés doit lui être restituée, notamment les actes notariaux originaux et copies qui se trouvent dans les différentes fourres énumérées à la fin de la liste, pour l'achat de terrains au Congo en 2018 et 2019. Ces terrains avaient été acquis bien avant la commission des infractions en 2021 et n'étaient pas le résultat d'une infraction.

5.1

5.1.1 Aux termes de l'art. 70 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits (al. 1) ; la confiscation n'est pas prononcée lorsqu'un tiers a acquis les valeurs dans l'ignorance des faits qui l'auraient justifiée, et cela dans la mesure où il a fourni une contre-prestation adéquate ou si la confiscation se révèle d'une rigueur excessive (al. 2).

Le but poursuivi au travers de l'art. 70 CP est d'empêcher qu'un comportement punissable procure un gain à l'auteur ou à des tiers, conformément à l'adage selon lequel "le crime ne doit pas payer". La confiscation suppose une infraction, des valeurs patrimoniales, ainsi qu'un lien de causalité tel que l'obtention des secondes apparaisse comme la conséquence directe et immédiate de la première. L'infraction doit être la cause essentielle, respectivement adéquate, de l'obtention des valeurs patrimoniales et celles-ci doivent typiquement provenir de l'infraction en cause (ATF 144 IV 1 consid. 4.2.1 et les réf. cit. ; ATF 141 IV 155 consid. 4.1).

Selon la jurisprudence, les règles sur la confiscation doivent être appliquées de manière restrictive lorsque des tiers non enrichis sont concernés (TF 7B_17/2022 du 18 juillet 2023 consid. 2.1.3 ; TF 6B_1017/2022 du 7 juin 2023 consid. 7.1.2 ; TF 1B_343/2019 du 23 janvier 2020 consid. 4.1). L'esprit et le but de la confiscation excluent en effet que la mesure puisse porter préjudice à des valeurs acquises de bonne foi dans le cadre d'un acte juridique conforme à la loi (ATF 115 IV 175 consid. 2b/bb ; TF 7B_17/2022 précité consid. 2.1.3). Les conditions posées à l'art. 70 al. 2 CP soit d'une part la bonne foi du tiers et d'autre part la contre-prestation adéquate ou la rigueur excessive d'une éventuelle confiscation ultérieure sont cumulatives (TF 7B_17/2022 du 18 juillet 2023 consid. 2.1.3 ; TF 1B_623/2022 du 1er juin 2023 consid. 3.2.2).

5.2 L'argument de l'appelant est vain dès lors que le séquestre est probatoire et indépendant de la question de savoir si les terrains en question sont le résultat d'une infraction.

6. L'appelant se plaint d'une violation de l'art. 71 CP. Il conteste le montant de la créance compensatrice retenue dans le jugement entrepris. Pour lui, les montants de 3'750 fr. en lien avec le virement du 7 mai 2021, celui de 3'866 fr. en lien avec le virement du 9 juin 2021 et celui de 12'500 fr. en lien avec le virement du 16 juin 2021 et encore de 3'311 fr. en lien avec le virement du 2 juillet 2021 n'étaient aucunement justifiés. Selon lui, ce serait donc un montant de 8'796 fr. 50 au maximum qui pourrait faire l'objet d'une créance compensatrice.

6.1 Lorsque l'avantage illicite doit être confisqué, mais que les valeurs patrimoniales en résultant ne sont plus disponibles — parce qu'elles ont été consommées, dissimulées ou aliénées —, le juge ordonne le remplacement par une créance compensatrice de l'Etat d'un montant équivalent (art. 71 CP) ; celle-ci ne peut être prononcée contre un tiers que dans la mesure où les conditions prévues à l'art. 70 al. 2 CP, qui exclut la confiscation lorsqu'un tiers a acquis des valeurs dans l'ignorance des faits qui l'auraient justifiée s'il a fourni une contre-prestation adéquate ou si la confiscation se révèle d'une rigueur excessive, ne sont pas réalisées (art. 71 al. 1 CP). Le but de cette mesure est d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés ; elle ne joue qu'un rôle de substitution de la confiscation en nature et ne doit donc, par rapport à celle-ci, engendrer ni avantage ni inconvénient. En raison de son caractère subsidiaire, la créance compensatrice ne peut être ordonnée que si, dans l'hypothèse où les valeurs patrimoniales auraient été disponibles, la confiscation eût été prononcée : elle est alors soumise aux mêmes conditions que la confiscation. Néanmoins, un lien de connexité entre les valeurs saisies et l'infraction commise n'est pas requis (ATF 144 IV 1 consid. 4.2.4 ; ATF 140 IV 57 précité ; TF 1B_398/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5.2).

L’art. 71 al. 2 CP dispose que le juge peut renoncer totalement ou partiellement à la créance compensatrice s'il est à prévoir qu'elle ne serait pas recouvrable ou qu'elle entraverait la réinsertion de la personne concernée.

6.2 L'appelant soutient que quatre des montants retenus par les premiers juges pour fixer le montant de la créance compensatrice ne sont pas justifiés. Pour le montant de 3'750 fr., il explique que seule la moitié aurait dû être retenue. Or il s'agit bien d'un versement de B.Y.____ à son mari. On ne voit pas pour quel motif elle lui aurait versé l'entier des commissions dues si seule la moitié lui revenait. Quant au libellé du versement, soit « pour les factures », il n'est absolument pas déterminant s'agissant en réalité du produit d'une infraction, ce que le débiteur n'allait assurément pas mentionner. S'agissant des montants de 3'866 fr., 12'500 fr, et 3'311 fr, il s'agit chaque fois de la moitié des commissions perçues pour les opérations effectuées par le couple. L'appelant ne peut pas se dédouaner en expliquant ne pas avoir reçu de commission sur l'une ou l'autre des transactions. Il ne s'agit pas de procéder ici à une liquidation du régime matrimonial. Le couple a perçu des commissions et il convient qu'une créance compensatrice soit prononcée à concurrence du montant de celles-ci. Les deux conjoints sont coauteurs. Le fait de répartir celle-ci par moitié pour chacun des prévenus n'est pas critiquable.

S'agissant encore du fait que l'art. 71 al. 2 CP devrait trouver application, on rappellera qu'il s'agit d'une norme potestative, qu'il n'est pas question de réinsertion et que rien n'indique que la situation patrimoniale de l'appelant, qui est salarié et qui est propriétaire de terrains à l'étranger, soit à ce point en péril qu'il n'y a pas de possibilité de recouvrement, ne serait-ce partiellement.

7. L'appelant fait encore grief aux premiers juges d'avoir violé l'art. 47 CP. D'une part il devait être libéré de l'infraction d'escroquerie. D'autre part, le jugement ne tenait pas suffisamment compte du fait qu'il avait participé activement à l'instruction et n'avait pas inquiété les services de la police depuis 2021. L'écoulement du temps était également un élément à prendre en compte. Tout bien pesé, une peine privative de liberté de 12 mois était adéquate au vu des faits qui lui étaient finalement reprochés et des infractions finalement retenues.

7.1 Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier, ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 et les références citées).

7.2 L'appelant n'étant pas libéré du chef d'escroquerie (cf. consid. 4 supra), il n'y a pas lieu de réduire sa peine pour ce motif. Par ailleurs, les éléments à décharge évoqués par l'appelant ont été intégrés à la pondération telle qu'elle a été effectuée par les premiers juges (cf. jgmt, pp. 39-40). En effet, ces derniers ont tenu compte du fait que l’appelant n'avait pas le lead sur les infractions au sein du couple, jouant un rôle secondaire par rapport à son épouse, mais qu'il avait quand même utilisé des stratégies criminelles en alternant les lieux de retrait, effectué des prélèvements pour un montant de plus de 200'000 fr., qu'il était déterminé en procédant à l'ouverture d'un nouveau compte après blocage, qu’il avait agi par appât du gain facile alors qu'il gagnait sa vie honnêtement, qu’il avait un casier judiciaire déjà bien fourni et qu’il avait récidivé pendant le délai d'épreuve. Le concours des infractions a également été retenu à charge. A décharge les premiers juges ont pris en considération que l’appelant avait admis les faits et ont tenu compte de sa bonne insertion sociale et professionnelle. La peine de 18 mois, avec sursis pendant 4 ans paraît ainsi adéquate et doit être confirmée.

8. L'appelant invoque finalement une violation de l'art. 46 al. 2 CP. Il soutient que, bien qu'il ait commis une infraction pendant le délai d'épreuve, l'ensemble des circonstances lui étaient particulièrement favorables et permettaient de penser qu'il ne commettrait pas d'autres infractions. Il n'avait commis aucune faute pendant les années qui avaient suivi la commission de la dernière infraction et sa personnalité s'était développée de manière positive. Il était bien intégré sur le plan professionnel et personnel et était désormais père de 4 enfants. Le nouveau délai d'épreuve de 4 ans suffirait à le dissuader de commettre de nouvelles infractions.

8.1 Aux termes de l'art. 46 al. 1 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Si la peine révoquée et la nouvelle peine sont du même genre, il fixe une peine d'ensemble en appliquant par analogie l'art. 49. Par « peine révoquée », il faut entendre la peine dont le sursis est révoqué, ainsi que cela ressort du texte italien (CAPE 2 février 2022/98 consid. 4.2.2).

La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Celle-ci ne se justifie qu'en cas de pronostic défavorable, à savoir lorsque la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve (ATF 134 IV 140 consid. 4.2 et 4.3, rés. in JdT 2008 IV 63). Par analogie avec l'art. 42 al. 1 et 2 CP, le juge se fonde sur une appréciation globale des circonstances du cas d'espèce pour estimer le risque de récidive (ATF 134 IV 140 consid. 4.4 ; TF 6B_139/2020 du 1er mai 2020 consid. 3.1). Lors de l'appréciation des perspectives d'amendement, le juge doit prendre en considération l'effet dissuasif que la nouvelle peine peut exercer, si elle est exécutée (ATF 134 IV 140 consid. 4.4 et 4.5). Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible : si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (ATF 134 IV 140 consid. 4.5 ; TF 6B_139/2020 du 1er mai 2020 consid. 3.1).

8.2 La nouvelle peine a été prononcée avec sursis. Si le délai d'épreuve est relativement long, l'appelant a démontré que l'existence d'un sursis ne le tenait pas éloigné de la commission d'une nouvelle infraction. Pour ces motifs, il faut confirmer la révocation du sursis qui lui avait été accordé le 25 août 2016 pour espérer un amendement, ce qui entraîne la condamnation au paiement de la peine pécuniaire de 40 jours-amende à 30 francs.

9. En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé.

Selon la liste d’opérations produite par Me Patricia Spack Isenrich, défenseure d’office d’A.Y.____, dont il n’y a pas lieu de s’écarter (P. 73), c’est une indemnité de 2’577 fr. 55, TVA et débours inclus, qui lui sera allouée pour la procédure d’appel.

Les frais de la procédure d’appel, par 5’587 fr. 55, constitués de l’émolument de jugement, par 3'010 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; BLV 312.03.1]), ainsi que de l’indemnité allouée à son défenseur d’office, par 2’577 fr. 55, seront mis à la charge d’A.Y.____, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).

A.Y.____ sera tenu de rembourser à l’Etat l’indemnité due à sa défenseure d’office dès que sa situation le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).

Par ces motifs,

la Cour d’appel pénale,

appliquant les articles 40, 42 al. 1 et 4, 44 al. 1, 46 al. 1, 47, 49 al. 1, 50, 70, 71, 106, 146 al. 1, 305bis ch. 1 et 2 let. c CP ; 398 ss CPP,

prononce :

I. L’appel est rejeté.

II. Le jugement rendu le 24 janvier 2024 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois est réformé d’office par l’ajout d’un chiffre XVIII, et confirmé selon le dispositif suivant :

"I. – IV. inchangés ;

V. constate qu’A.Y.____ s’est rendu coupable d’escroquerie et de blanchiment d’argent qualifié ;

VI. condamne A.Y.____ à une peine privative de liberté de 18 (dix-huit) mois ;

VII. suspend l’exécution de la peine privative de liberté fixée sous chiffre VI ci-dessus et impartit à A.Y.____ un délai d’épreuve de 4 (quatre) ans ;

VIII. condamne en outre A.Y.____ à une amende de 2'500 fr. (deux mille cinq cents francs) convertible en 25 (vingt-cinq) jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif ;

IX. révoque le sursis accordé à A.Y.____ le 25 août 2016 par le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois et ordonne l’exécution de la peine pécuniaire de 40 (quarante) jours-amende à 30 fr. (trente francs) ;

X. inchangé ;

XI. prononce à l’encontre d’A.Y.____, en faveur de l’Etat, une créance compensatrice de 30'000 fr. (trente mille francs) ;

XII. ordonne la confiscation et la dévolution à l’Etat, au titre de remboursement partiel des frais de la cause, de la somme de 6'973 fr. 60 (six mille neuf cent septante-trois francs et soixante centimes) à la suite de la clôture du compte d’A.Y.____ auprès de la Banque Migros, IBAN CH[...], somme qui a été versée sur le compte du Ministère public (cf. pièce n° 43) ;

XIII. ordonne le maintien au dossier, à titre de pièces à conviction, d’un disque externe WD ELEMENTS contenant les données brutes des extractions des téléphones sous fiche n° 52010/23, ainsi que des objets suivants sous fiche n°52009/23 :

feuille pliée avec inscriptions manuscrites avec une répartition des % contenant CHF 600.- (2 x CHF 100.et 2 x CHF 200.-) ;

sac en papier servant de poubelle contenant (une AO, un relevé Raiffeisen au nom de [...], quittances de transfert d'argent, quittances de retrait d'argent, etc) ;

quittance UBS du 09.06.2021, solde CHF 96'789.14 ;

quittance PostFinance du 17.06.2021 pour un retrait de CHF 9'800.- ;

- document SwissBankers Crédit Suisse pour la carte N° [...] ;

ticket Coop Pronto du 09.06.2021 avec inscriptions manuscrites au verso ;

quittance PostFinance du 17.06.2021 pour un retrait de CHF 10'000.- ;

quittance PostFinance du 17.06.2021 pour un retrait de CHF 2'500.- ;

- document Raiffeisen au nom de X.____ du 09.06.2021 pour un retrait de CHF 2'000.- ;

quittance Western Union du 11.06.2021 pour le transfert de CHF 54.70 ;

reçu du 02.07.2013 et 23.12.2019 pour CHF 1'586.60 et CHF 650.- ;

fourre ZeyTours contenant différents documents de voyages ;

- document CapitalServices pour le transfert de CHF 2'175.le 13.10.2021 au nom de [...] ;

- document CapitalServices pour le transfert de CHF 2'175.le 13.10.2021 au nom de A.Y.____ ;

quittance Western Union du 13.10.2021 ;

fourre rouge contenant différents documents au sujet de l'achat d'un terrain à Kinshasa ;

fourre brune contenant différents documents en lien avec l'achat d'un terrain, signé à Kinshasa le 23.07.2021 ;

fourre brune contenant différents documents en lien avec l'achat d'un terrain, signé à Kinshasa le 10.08.2021 ;

quittance PostFinance du 30.06.2021 pour un versement de CHF 600.- ;

quittances BCV du 09.07.2021 pour des retraits de CHF 3'500.et CHF 260 ;

XIV. inchangé ;

XV. alloue à l’avocate Patricia Spack Isenrich, défenseur d’office d’A.Y.____, une indemnité de 7'233 fr. 20 (sept mille deux cent trente-trois francs et vingt centimes), TVA et débours compris ;

XVI. met les frais de la cause :

par 20'431 fr. 75 (vingt mille quatre cent trente et un francs et septante-cinq centimes), à la charge de B.Y.____, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office ci-dessus ;

par 13'373 fr. 20 (treize mille trois cent septante-trois francs et vingt centimes), à la charge d’A.Y.____, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office ci-dessus, dont à déduire un montant de 6'973 fr. 60 (six mille neuf cent septante-trois francs et soixante centimes) confisqué selon chiffre XII ci-dessus ;

XVII. inchangé ;

XVIII. dit que l’indemnité de défense d’office mise à la charge d’A.Y.____ est remboursable dès que sa situation financière le permet."

III. Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 2’577 fr. 55 (deux mille cinq cent septante-sept francs et cinquante-cinq centimes), TVA et débours inclus, est allouée à Me Patricia Spack Isenrich.

IV. Les frais d'appel, par 5’587 fr. 55 (cinq mille cinq cent huitante-sept francs et cinquante-cinq centimes), y compris l'indemnité allouée au défenseur d'office au chiffre III ci-dessus, sont mis à la charge de A.Y.____.

V. A.Y.____ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office prévue au ch. III ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra.

La présidente : La greffière :


Du

Le jugement qui précède, dont le dispositif a été communiqué par écrit aux intéressés le 19 août 2024, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à :

- Me Patricia Spack Isenrich, avocate (pour A.Y.____),

- Ministère public central,

et communiqué à :

- M. le Président du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois,

- M. le Procureur de l'arrondissement du Nord vaudois,

- Office d'exécution des peines,

- Bureau des séquestres,

- Service de la population,

- Département fédéral de justice et police,

par l'envoi de photocopies.

Le présent jugement peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF).

La greffière :

Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.

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