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Urteil Kantonsgericht (VD)

Zusammenfassung des Urteils Jug/2023/316: Kantonsgericht

X.________ wurde vom Gericht für Betrug bei Steuerangelegenheiten verurteilt und zu einer Geldstrafe von 72'206'133 Fr. 25 sowie 270 Tagessätzen zu je 3'000 Fr. auf Bewährung verurteilt. Das Gericht bestätigte auch die Beschlagnahmung von Geldern auf Konten von Z.________ und Y.________. X.________ legte gegen das Urteil Berufung ein und argumentierte unter anderem, dass die Verjährung für die Steuerjahre 2006 und 2007 eingetreten sei. Das Gericht entschied, dass das Recht auf Anhörung verletzt wurde und hob das Urteil auf, wobei keine Gerichtskosten erhoben wurden und der Kanton Vaud dem Berufungsführer eine Entschädigung von 3'000 Fr. zahlen musste.

Urteilsdetails des Kantongerichts Jug/2023/316

Kanton:VD
Fallnummer:Jug/2023/316
Instanz:Kantonsgericht
Abteilung:
Kantonsgericht Entscheid Jug/2023/316 vom 11.07.2023 (VD)
Datum:11.07.2023
Rechtskraft:
Leitsatz/Stichwort:
Schlagwörter : été; édure; énal; Appel; était; énale; étés; ’appel; écis; Alumine; Appelant; édé; ’al; ’il; édéral; ’alumine; ’AFC; écision; écembre; ’appelant; évenu; Suisse; égal
Rechtsnorm:Art. 10 StPo;Art. 100 BGG;Art. 107 BGG;Art. 11 StPo;Art. 112 BGG;Art. 14 VwVG;Art. 14 VwVG;Art. 20 VwVG;Art. 323 StPo;Art. 390 StPo;Art. 398 StPo;Art. 4 VwVG;Art. 406 StPo;Art. 428 StPo;Art. 55 VwVG;Art. 6 VwVG;Art. 64 VwVG;Art. 70 VwVG;Art. 73 VwVG;
Referenz BGE:-
Kommentar:

Entscheid des Kantongerichts Jug/2023/316

TRIBUNAL CANTONAL

285

PE19.012006



COUR D’APPEL PENALE

________________

Séance du 11 juillet 2023

__________

Composition : Mme ROULEAU, présidente

MM. Winzap et Pellet, juges

Greffière : Mme Vuagniaux

*****

Parties à la présente cause :

X.____, prévenu et appelant, représenté par Me Saverio Lembo, avocat de choix à Genève,

et

ADMINISTRATION FEDERALE DES CONTRIBUTIONS, intimée, Division affaires pénales et enquêtes.


A la suite de l’arrêt rendu le 28 novembre 2022 par la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral, la Cour d’appel pénale statue à huis clos sur l’appel formé par X.____ contre le jugement rendu le 29 juin 2020 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne dans la cause le concernant.

Elle considère :

En fait :

A. Par jugement du 29 juin 2020, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que X.____ s’était rendu coupable d’escroquerie en matière de contributions (I), a condamné X.____ à 270 jours-amende à 3'000 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans (II et III), a condamné X.____ à une amende de 72'206'133 fr. 25 (IV), a constaté que le prononcé rendu le 20 mai 2020 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne avait été intégralement exécuté par les établissements bancaires concernés et que Z.____, Y.____ et E3.____SA n’étaient plus parties à la présente procédure pénale (V), a maintenu le séquestre sur le compte no [...] ouvert au nom de Z.____ et Y.____ auprès de S1.____ portant sur un montant de USD 4'280'964, en application de l’art. 46 al. 1 let. b DPA (loi fédérale sur le droit pénal administratif du 22 mars 1974 ; RS 313.0), aux fins d’une éventuelle confiscation dans le cadre de l’enquête instruite, sous la référence [...], par la Division affaires pénales et enquêtes de l’Administration fédérale des contributions (ci-après : AFC) à l’encontre de X.____ pour les faits concernant l’exercice fiscal de l’année 2005 (VI), a mis les frais de la procédure pénale administrative dus à l’AFC, par 9'718 fr. 10, à la charge de X.____ (VII), et a mis les frais de la procédure judiciaire, par 10'200 fr., à la charge de X.____ (VIII).

B. Par annonces des 8 et 9 juillet 2020, puis déclaration motivée du 31 août 2020, X.____ a fait appel de ce jugement, en concluant, à titre préjudiciel et principal, à ce qu’il soit constaté une violation du principe ne bis in idem, de sorte que la présente procédure soit classée et la caducité du jugement de première instance prononcée. Subsidiairement, il a conclu à ce qu’il soit constaté que la prescription pénale est acquise pour les périodes fiscales 2006 et 2007, de sorte que la présente procédure soit classée à cet égard. Au fond et dans l'hypothèse où sa conclusion préjudicielle principale serait rejetée, il a conclu à la réforme du jugement en ce sens qu’il soit acquitté. En tout état de cause, il a conclu à ce que les frais de la procédure pénale administrative, de la procédure de première instance et de la procédure d'appel soient laissés à la charge de l'Etat, et s’en est remis à l’appréciation de la Cour d’appel pénale quant au principe de l’allocation et aux montants d’indemnités dues à titre de dépens encourus dans la procédure pénale administrative, la procédure de première instance et la procédure d'appel.

Le 10 septembre 2020, le Ministère public central vaudois, Cellule For et Entraide, a déclaré renoncer à déposer une demande de non-entrée en matière ou un appel joint.

Le 28 septembre 2020, X.____ a déposé une demande de non-entrée en matière tendant au classement pur et simple de la procédure pénale le concernant du fait de l’empêchement de procéder au sens de l’art. 403 al. 1 let. c CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0) et à ce que les débats oraux portent uniquement sur cette question.

Le 20 octobre 2020, la Présidente de la Cour d’appel pénale a informé X.____ qu’il ne serait pas donné plus ample suite à sa demande de non-entrée en matière, présumant qu’il souhaitait que son appel soit examiné.

Le 22 octobre 2020, les parties ont été informées de la composition de la Cour d’appel pénale et citées à comparaître le 11 janvier 2021.

Le 23 octobre 2020, X.____ a réitéré sa demande de non-entrée en matière et sollicité que l’audience du 11 janvier 2021 soit consacrée exclusivement à l’incident soulevé le 28 septembre 2020.

Le 28 octobre 2020, la Présidente de la Cour d’appel pénale a informé X.____ que, selon l'art. 403 al. 1 let. c CPP, la juridiction d'appel rendait par écrit sa décision sur la recevabilité de l'appel lorsqu’une partie faisait valoir que les conditions à l'ouverture de l'action pénale n’étaient pas réunies ou qu'il existait un empêchement de procéder, et que l'appel serait examiné dans son ensemble à l'audience fixée.

Le 6 novembre 2020, X.____ a réitéré sa demande tendant à ce que l’audience du 11 janvier 2021 soit consacrée exclusivement à l’incident soulevé le 28 septembre 2020.

Le 12 novembre 2020, la Présidente de la Cour d’appel pénale a informé l’appelant qu’elle maintenait sa position.

Le 24 novembre 2020, X.____ a requis que la procédure d’appel soit menée dans son ensemble en la forme écrite au sens de l’art. 406 al. 2 CPP, en ajoutant que la Division affaires pénales et enquêtes (DAPE) de l’AFC avait déjà donné son accord, ce que celle-ci a confirmé le 27 novembre 2020.

Le 30 novembre 2020, la Présidente de la Cour d’appel pénale a informé les parties que l’appel serait traité en procédure écrite et a imparti à X.____ un délai au 11 janvier 2021 pour déposer un mémoire complémentaire.

Le 11 janvier 2021, X.____ a déposé un mémoire d’appel complémentaire.

Le 19 mars 2021, X.____ a produit la décision rendue le 16 mars 2021 par la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (BB.2020.241), dans le cadre du classement de la procédure pénale SV.09.0152 ouverte à son encontre le 5 octobre 2009 par le Ministère public de la Confédération (ci-après : MPC), et a sollicité qu’un délai lui soit imparti pour se déterminer sur ses conséquences, notamment sur l’application du principe ne bis in idem.

Le 25 mars 2021, la Présidente de la Cour d’appel pénale a informé l’appelant qu’aucun délai ne lui serait fixé, mais qu’il avait la possibilité de déposer des déterminations spontanées.

Le 1er avril 2021, X.____ a déposé des déterminations spontanées dans lesquelles il a conclu au classement de la procédure d’appel sur la base de l’empêchement de procéder soulevé, ou, à défaut, à la suspension de la procédure d’appel jusqu’au prononcé, respectivement jusqu’à l’entrée en force de l’ordonnance de classement de la procédure SV.09.0152.

Le 29 juin 2021, X.____ a produit l’ordonnance de classement rendue le 23 juin 2021 par le MPC dans la procédure SV.09.01562, en annonçant qu’il se déterminerait « sous quinzaine » de manière circonstanciée sur ce fait nouveau.

L’AFC ne s’est pas vu fixer de délai de réponse (art. 390 al. 2 CPP a contrario).

Par jugement du 14 juillet 2021 (no 4), la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal a rejeté l’appel formé par X.____ contre le jugement rendu le 29 juin 2020 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne (I), a confirmé celui-ci (II), a dit que les frais d’appel, par 5'280 fr., étaient mis à la charge de X.____ (III) et a dit que le jugement était exécutoire (IV).

Par arrêt du 28 novembre 2022 (6B_1031/2021), la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a admis le recours formé par X.____ contre le jugement rendu le 14 juillet 2021 par la Cour d’appel pénale, a annulé celui-ci et renvoyé la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement (1), a dit qu’il n’était pas perçu de frais judiciaires (2) et a dit que le canton de Vaud devait verser au recourant une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral (3).

Le Tribunal fédéral a traité la violation du droit d’être entendu invoquée par le recourant à deux égards comme il suit :

« 1.3 Le recourant a sollicité la faculté de se déterminer sur l'ordonnance de classement rendue en sa faveur par le MPC, nouvellement versée au dossier. Au vu de la requête du recourant, il incombait à la cour cantonale de laisser le temps nécessaire au recourant pour procéder comme annoncé. En l'occurrence, la cour cantonale ne pouvait pas déjà considérer, en date du 14 juillet 2021, que le recourant avait renoncé à déposer les observations annoncées, dans la mesure où le recourant lui avait transmis sans délai la décision reçue du MPC, ce qui n’est pas contesté, tout en annonçant son intention de se déterminer au sujet de celle-ci "sous quinzaine". Cette terminologie peu précise imposait à la cour cantonale d'attendre un laps de temps suffisant voire de fixer un délai au recourant. Quoi qu'il en soit, en statuant le 14 juillet 2021, la "quinzaine" annoncée n'était pas encore écoulée. Il s’ensuit qu'en rendant son jugement le 14 juillet 2021, la cour cantonale a violé le droit d'être entendu du recourant.

Les observations que le recourant entendait soumettre à la cour cantonale avant qu'elle ne rende son jugement concernaient notamment des éléments factuels, selon ce qu'il indique. La présente procédure devant le Tribunal fédéral, qui dispose d'un plein pouvoir d'examen en droit mais limité à l’inexactitude manifeste des faits, ne permet pas de considérer que le vice pourrait être réparé devant lui s'agissant de l'appréciation d'éléments factuels. On ne saurait par ailleurs considérer qu’un renvoi de la cause à l'autorité précédente constitue une vaine formalité, dès lors que rien ne permet d'exclure que les observations du recourant auraient pu influencer l'appréciation de la cour cantonale.

Il s'ensuit que la violation du droit d'être entendu du recourant entraîne l’annulation de la décision entreprise, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Ce qui précède rend sans objet les autres griefs soulevés par le recourant. Par économie de procédure, le second volet du grief tiré de la violation du droit d'être entendu sera toutefois traité à ce stade.

« 2. Le recourant invoque un défaut de motivation. Il fait grief à la cour cantonale de ne pas avoir développé les faits sous-jacents au grief – invoqué devant elle – de la violation du principe ne bis in idem. La cour cantonale aurait d'emblée considéré que les procédures parallèles conduites au Royaume-Uni et en Suisse contre le recourant ne visaient pas les mêmes faits, sans précisément expliciter quels étaient ces faits.

(…).

2.3 La cour cantonale a confirmé l'appréciation des premiers juges, qui avaient estimé que la procédure anglaise concernait des faits de corruption en lien avec 59 paiements intervenus entre le 4 septembre 1998 et le 30 juin 2006, soit des faits différents du comportement reproché au recourant dans la présente affaire, et pour l'essentiel antérieurs au comportement de celui-ci. De même, le classement partiel du MPC concernait en premier lieu une prévention de corruption en lien avec les 59 paiements précités, en deuxième lieu une prévention de faux dans les titres pour la comptabilité de E3.____SA, soit des faits différents de ceux qui doivent être examinés dans le cadre d'une enquête pour escroquerie en matière de contributions, et en troisième lieu une prévention de blanchiment d’argent pour un transfert d'argent de 2004. Dans la procédure anglaise, le recourant était accusé d'avoir tenté de corrompre diverses personnes dans le but de s'approprier la clientèle de la société U.____ et de leur avoir versé de l'argent à cette fin. Les ventes d'alumine constituaient le contexte, le but de cette corruption. Le comportement reproché au recourant n'était pas le même. Les juges anglais avaient examiné une accusation de corruption dans le but d'obtenir la clientèle de la société U.____. Les juges suisses avaient examiné une accusation d’escroquerie au fisc. Les faits punissables n'étaient pas les mêmes et il importait peu qu'ils aient été commis dans le même contexte. Le MPC avait ouvert une enquête pour corruption et blanchiment d'argent, notamment, mais aussi pour faux dans les titres et gestion déloyale. Le recourant ne prétendait pas que le volet corruption et blanchiment d'argent portait sur le même état de fait. Il était vrai que le volet "faux dans les titres et gestion déloyale" concernait le même complexe factuel, à savoir les ventes d'alumine par E3.____SA à U.____. Mais l'enquête du MPC et la présente procédure portaient sur des comportements pénaux différents : avoir établi une comptabilité de contenu mensonger et avoir lésé la société E3.____SA d'une part, et avoir trompé le fisc pour échapper à un impôt d'autre part.

2.4 En l'espèce, il s'agit de se demander si la condamnation du recourant pour escroquerie en matière de contributions au sens de l'art. 14 al. 2 DPA, qui fait l’objet de la présente procédure, viole la règle ne bis in idem, dès lors que le recourant bénéficie d'une ordonnance de classement du MPC (23 juin 2021) et d’une ordonnance de classement partiel du MPC (8 avril 2015) dans la même procédure, ainsi que d'un acquittement anglais du 10 décembre 2013. Pour procéder à cette analyse, il est nécessaire d'examiner en détail quels sont les faits qui ont été retenus pour fonder chaque condamnation, respectivement chaque classement ou acquittement (volet "idem" du principe ne bis in idem). Il importe également d'examiner l’existence ou non d’un traité avec la Grande-Bretagne (supra consid. 2.2 in fine), aspect non traité à ce stade.

Ainsi, il convient de partir des faits qui ont été retenus par la cour cantonale pour fonder la condamnation du recourant pour escroquerie en matière de contributions (art. 14 al. 2 DPA). Il s’agit ensuite d'établir précisément, d'une part, les faits qui ont fait l'objet du classement de la procédure ouverte contre le recourant pour faux dans les titres, au regard des faits fondant alors la poursuite du soupçon de gestion déloyale contre le recourant, et le blanchiment en découlant, à teneur de l'ordonnance de classement partiel du 8 avril 2015, et, d’autre part, les faits sous-jacents, en fin de compte, au classement de la procédure ouverte contre le recourant pour gestion déloyale, et le blanchiment d’argent en découlant, selon l'ordonnance du 23 juin 2021 (cf. ordonnance de classement partiel du 8 avril 2015 et ordonnance de classement du 23 juin 2021, pièces 66 et 99/1 du dossier cantonal). Il en va de même des faits pour lesquels le recourant a bénéficié d'un acquittement en vertu du jugement anglais du 10 décembre 2013, à plus forte raison qu'il apparaît que ceux-ci ne ressortent pas d'un seul document. Ces faits nécessitent tous d'être établis, afin d'être comparés. Or, à la lecture du jugement attaqué, la cour de céans ignore quels sont spécifiquement ces faits. Elle ne peut en conséquence déterminer s’il y a identité de la personne visée et des faits retenus, soit que les procédures ont pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes. Le jugement entrepris ne permet pas de veiller à la correcte application du droit. L'état de fait étant lacunaire sur cette question, il convient d'annuler le jugement attaqué et de renvoyer la cause à la cour cantonale pour qu'elle complète l'état de fait (art. 112 al. 3 LTF). »

Le 15 décembre 2022, la Cour d’appel pénale a imparti aux parties un délai au 30 décembre 2022 pour se déterminer sur l’arrêt du Tribunal fédéral du 28 novembre 2022.

Le 19 décembre 2022, l’AFC a sollicité une prolongation de délai au 31 janvier 2023 pour se déterminer, en raison d’une surcharge de travail. Elle a en outre sollicité la production de plusieurs pièces figurant au dossier et rappelé qu’elle avait la qualité de partie à la procédure.

Le 23 décembre 2022, Me Saverio Lembo a informé la Cour de céans qu’il interviendrait désormais comme seul conseil de X.____. Il a sollicité une prolongation de délai au 16 janvier 2023 pour se déterminer sur l’arrêt du Tribunal fédéral du 28 novembre 2022, en raison des fêtes de fin d’année.

Le 28 décembre 2022, la Cour d’appel pénale a accordé à X.____ une prolongation de délai au 16 janvier 2023.

Le 29 décembre 2022, la Cour d’appel pénale a accordé à l’AFC une prolongation de délai au 31 janvier 2023.

Le 30 décembre 2022, le Ministère public central vaudois, Cellule For et Entraide, a renoncé à se déterminer sur l’arrêt du Tribunal fédéral du 28 novembre 2022.

Le 6 janvier 2023, X.____ a sollicité une prolongation de délai au 31 janvier 2023 pour se déterminer, en vertu du principe de l’égalité des armes dans la mesure où ce délai avait été accordé à l’AFC. Le 10 janvier 2023, la Cour d’appel pénale a accordé à X.____ une prolongation de délai au 31 janvier 2023.

Le 20 janvier 2023, X.____ a sollicité une nouvelle prolongation de délai au 15 mars 2023 pour se déterminer, en se prévalant de la complexité des éléments à examiner, notamment de l’application post-Brexit du principe ne bis in idem par un tribunal suisse. Le 30 janvier 2023, la Cour d’appel pénale a accordé à X.____ une prolongation de délai au 15 mars 2023.

Le 30 janvier 2023, l’AFC a sollicité que la prolongation de délai au 15 mars 2023 accordée à X.____ le soit également pour elle. Le 1er février 2023, la Cour d’appel pénale a accordé à l’AFC la prolongation de délai demandée.

Le 14 mars 2023, l’AFC a conclu, sous suite de frais, principalement à ce qu’il soit constaté que le principe ne bis in idem ne trouve pas application dans la présente cause et à ce que la conclusion préjudicielle de l’appelant tendant au classement sans suite de la procédure soit rejetée. Subsidiairement, elle a conclu à ce qu’il soit constaté que la prescription de l’action pénale n’est pas acquise pour les exercices 2006 et 2007 et à ce que la conclusion préjudicielle de l’appelant tendant au classement de la procédure pour les infractions relatives à ces exercices soit rejetée. S’agissant du fond de la procédure, elle a conclu au rejet de l’appel dans la mesure où il était recevable.

Le 15 mars 2023, X.____ a conclu principalement à ce qu’il soit constaté que la conduite de la présente procédure et sa condamnation subséquente consacrent une violation du principe ne bis in idem à son encontre, respectivement à ce que la procédure PE19.012006 soit classée. En tout état de cause, il a conclu à ce que les frais de la procédure pénale administrative, de la procédure de première instance et de la procédure d'appel soient laissés à la charge de l'Etat, et s’en est remis à l’appréciation de la Cour d’appel pénale quant au principe de l’allocation et aux montants d’indemnités dues à titre de dépens encourus dans les procédures pénale administrative, de première instance et d'appel.

Le 19 mai 2023, X.____ s’est déterminé sur les déterminations de l’AFC du 14 mars 2023.

Le 12 juin 2023, l’AFC s’est déterminée sur les déterminations de X.____ des 15 mars 2023 et 19 mai 2023.

X.____ s’est déterminé spontanément le 21 juin 2023.

Le 29 juin 2023, la Cour d’appel pénale a informé les parties qu’elle considérait que l’échange d’écritures était clos.

C. Les faits retenus pour la présente procédure sont les suivants :

1. X.____, de nationalités [...] et [...], est né le [...]. Il est domicilié à [...], dans le canton de Vaud, mais réside également à [...]. Il préside le Groupe T.____, actif dans les investissements financiers, la production et le négoce de matières premières notamment. Il se définit lui-même comme un philanthrope qui a investi des dizaines de millions de francs dans les domaines de la santé et de l’éducation, au travers de la fondation qui porte son nom. Il est marié à Z.____ et le couple a une fille, Y.____, majeure. Sur le plan de sa formation, il a tout d’abord été scolarisé en [...], avant de poursuivre des études au [...] et au [...]. Il a également poursuivi des études supérieures dans le domaine du commerce et de l’économie au sein de plusieurs universités. Sur le plan professionnel, il a obtenu son premier emploi autour de l’année [...] auprès d’une entreprise active dans le domaine du commerce de pétrole, avant de rejoindre son père au sein de l’entreprise familiale en [...]. Sur la base du curriculum vitae produit par le prévenu (P. 63/125a), celui-ci a développé l’entreprise familiale jusqu’à constituer un groupe d’environ trente sociétés actives dans plusieurs domaines, les principales se trouvant au sein du Groupe T.____. Il est indiqué que le Groupe T.____ est actif en matière d’investissement, de production et de négoce en lien avec l’industrie de l’aluminium depuis plus de 50 ans ; qu’il est l’un des principaux fournisseurs de produits et de services à base d’alumine de haute qualité en Europe, avec un savoir-faire reposant sur des décennies d’expérience et de nombreuses relations dans le secteur industriel ; et qu’il possède notamment une raffinerie à [...], dont la production annuelle s’élève à plus d’un million de tonnes métriques d’alumine par an et emploie plus de 500 personnes au sein de nombreux sous-traitants locaux et internationaux. Sur le plan philanthropique, par l’intermédiaire de la Fondation X.____ (ci-après : la Fondation), le prévenu mentionne, dans son curriculum vitae, qu’il a apporté un soutien important dans de nombreuses causes en lien avec l’accès à l’éducation, la santé publique et les soins. Ainsi, la Fondation est décrite par le prévenu comme une donatrice de premier ordre en faveur de [...], ayant financé plusieurs nouvelles installations dans l’établissement et des bourses dans le cadre d’un programme d’aide aux étudiants défavorisés désireux d’étudier au sein de cette institution ou d’autres universités. Le prévenu est par ailleurs administrateur de cette université depuis 1995, avec pour mission de promouvoir les intérêts de celle-ci dans le monde entier. Au travers de sa Fondation, le prévenu apporte son soutien à l’Université [...] en finançant 32 bourses d’études destinées aux étudiants méritants de premier cycle originaires de pays à faibles revenus, avec une préférence accordée aux pays du [...]. La Fondation a fait un don de 15 millions [...][...] en 2015/16 au programme de bourses mis sur pied par [...], ce qui aurait permis de favoriser des versements d’autres donateurs pour un montant supplémentaire de 85 millions [...]. La Fondation a encore fait un don d’un million [...] en 2017 pour établir un fond de bourses d’études auprès de l’Université [...] et une donation de 3 millions [...] pour fonder une chaire en démocratie et gouvernance au sein de cette université. Enfin, dans le domaine de l’accès à l’éducation, le curriculum vitae du prévenu fait état que sa Fondation soutient également plusieurs écoles du centre-ville de [...] et en [...]. Toujours dans le domaine philanthropique, mais en lien avec la santé publique et les soins, le prévenu a fait une donation de 20 millions [...] au travers de sa Fondation, en faveur de l’Université de [...], ce qui constitue la plus grande donation jamais perçue par cette université, dont le prévenu est un ancien étudiant. Cette donation a permis la constitution de [...] au sein de l’université. La Fondation a également financé la création d’une nouvelle chaire en neurosciences à l’Université [...] par un don de 3.5 millions [...]. Elle a soutenu les principaux centres de recherche du [...] sur les maladies cardio-vasculaires. Elle a en outre financé la recherche sur le mésothéliome en 2016 par un don de 5 millions [...] en faveur de la [...]. Enfin, depuis 2020, elle finance des recherches sur le COVID-19. Le Groupe T.____, quant à lui, a procédé à des investissements en [...] et participe depuis de nombreuses années au soutien de plusieurs causes en matière de soins et d’éducation. Le groupe a également financé [...] dans le cadre des projets en [...]. Il faut encore signaler que l’on trouve un bâtiment au nom du prévenu sur le campus de l’Université de [...] et que des images accessibles sur Internet montrent notamment le prévenu photographié en compagnie de [...] et [...]. Comme indiqué précédemment, les informations qui précèdent ont pu être obtenues sur la base du curriculum vitae produit par le prévenu peu avant les débats de première instance et ressortent également des informations publiées sur le site Internet à son nom, celui de sa fondation ou encore sur différents sites Internet aisément accessibles.

Interpellé aux débats de première instance sur sa situation financière actuelle, le prévenu a fait usage de son droit au silence et n’a pas voulu donner de précision, se contentant d’indiquer qu’il avait « des moyens ». Différents médias sur Internet prétendent que le prévenu serait milliardaire.

L’extrait du casier judiciaire suisse du prévenu ne comporte aucune inscription.

2. X.____ a été renvoyé devant le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne ensuite de l’opposition qu’il avait formée contre le prononcé pénal rendu le 25 janvier 2019 (P. DAPE 170.090.001) par l’AFC, qui l’a condamné pour escroquerie en matière de contributions au sens de l’art. 14 al. 2 DPA. Le 2 mai 2019, l’AFC a établi un acte de renvoi pour jugement, valant acte d’accusation en vertu de l’art. 73 DPA.

Les faits dénoncés sont les suivants :

« (…)

1. De la procédure pénale

Suite à une dénonciation du 21 février 2012 du Ministère public de la Confédération (ci-après : MPC), l’AFC a ouvert le 15 août 2012 une procédure pénale administrative sur la base des articles 37 et suivants DPA à l’encontre de X.____ domicilié à [...] et de B.____ domicilié à [...], en raison de soupçons d’escroqueries en matière de contributions au sens de l’article 14, alinéa 2 DPA, respectivement de soustractions d’impôt au sens de l’article 61, lettre a de la loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l’impôt anticipé (LIA ; RS 642.21), commises dans la gestion de la société E3.____SA, sise à [...] pour les exercices 2005 à 2009.

1.1 Résultats de l’enquête

L’enquête a permis d’établir ce qui suit :

Au cours des exercices 2005 à 2009, la société E3.____SA a effectué 236 opérations de vente d’alumine à U.____. Toutefois, le produit des ventes n’a pas été versé sur le compte de la société E3.____SA mais a été directement versé sur les comptes des sociétés E1.____Ltd et E2.____Ltd auprès de la W.____.

La société E3.____SA n’a ni déclaré au cours des exercices 2005 à 2009 les revenus provenant de ces opérations de vente ni comptabilisé les factures relatives à ces ventes dans les comptes des exercices concernés. Les revenus provenant du commerce d’alumine ont été versés à la société E1.____Ltd et à la société E2.____Ltd, soit à des sociétés proches.

Les comptes de la société E3.____SA des exercices concernés sont faux ou ont un contenu inexact voire incomplet, l’activité commerciale réalisée dans le commerce d’alumine ayant été totalement occultée. B.____, administrateur-président avec signature individuelle de la société E3.____SA au moment des faits, a signé les déclarations d’intégralité du bilan des exercices concernés de la société E3.____SA pour les années 2005 à 2008 au moins.

Une structure de sociétés homonymes difficilement décelable a été utilisée. Le compte de paiement indiqué sur les factures émises au nom de la société E3.____SA aux fins des paiements de la société U.____, était, du 1er janvier 2005 au 30 juin 2005, un compte au nom de la société E1.____Ltd (compte 1, no [...]), puis, depuis le 1er juillet 2005, un compte au nom de la société E2.____Ltd (compte 2, no [...]), tous deux auprès de la W1.____. Toutefois, la dénomination du compte au nom de E.____ ne laissait aucunement apparaître pour la société cocontractante U.____ que la société E3.____SA n’était pas titulaire du compte indiqué sur les factures établies à son nom aux fins des paiements.

La société E3.____SA a distribué intégralement le bénéfice provenant du commerce d’alumine à son actionnaire final X.____, de manière directe ou indirecte.

Dès lors, en effectuant en son nom et pour son compte les opérations de vente et en renonçant au produit en résultant au profit des sociétés E1.____Ltd et E2.____Ltd et, finalement, en faveur de X.____, la société E3.____SA a réalisé des distributions dissimulées de bénéfice.

La société E3.____SA a concédé à X.____ au cours des exercices 2005 à 2009 des prestations appréciables en argent s’élevant au total à CHF 258'765'478.-. Ces prestations appréciables en argent n’ont pas été comptabilisées dans la comptabilité des exercices concernés. Ces dividendes dissimulés n’ont pas été déclarés à l’AFC et l’impôt anticipé dû s’élevant à CHF 90'567'917.60 (35 % x 258'765'478.-) pour les exercices 2005 à 2009 n’a pas été payé. Ces faits sont constitutifs objectivement d'escroquerie en matière de contributions au sens de l’article 14, alinéa 2 DPA.

L’AFC a dressé le procès-verbal final dans la procédure pénale administrative ouverte contre X.____ le 21 mars 2016 et l’a notifié par écrit au prévenu, par son mandataire (Annexe 5). X.____ a fait usage du droit de s’expliquer prévu par l’article 61, alinéa 3 DPA, par courrier du 22 avril 2016 (Annexe 6).

1.2 Mandat de répression et ordonnances de confiscation

Considérant que X.____ s'était rendu coupable d’escroqueries en matière de contributions pour les exercices 2005 à 2009, l’AFC, par mandat de répression du 23 octobre 2017 (Annexe 7), l'a condamné en application de l'article 14, alinéa 2 DPA à une peine pécuniaire de 360 jours-amende à CHF 3'000.le jour-amende (soit CHF 1'080'000.-) avec sursis pendant 4 ans et à une peine pécuniaire ferme de 340 jours-amende à CHF 3'000.le jour-amende (soit CHF 1’020'000.-), ainsi qu’aux frais de procédure par CHF 7’118.10.

Dans le mandat de répression du 23 octobre 2017, l’AFC a ordonné à l’encontre de X.____ la confiscation au sens de l’article 70, alinéa 1 CP de l’immeuble séquestré sis [...], du montant séquestré de USD 963'890 (valeur octobre 2017) sur le compte no [...] au nom de X.____ et Z.____ auprès de la W1.____ (compte 6, no [...]) et du montant à hauteur de USD 5'175'339 sur le montant total séquestré de USD 69'123'595 (valeur octobre 2017) sur le compte no [...] auprès de la S1.____ au nom de Z.____ et de Y.____ (compte 7, no [...]). Elle a prononcé à l’encontre de X.____ en application de l'article 71, alinéa 1 CP une créance compensatrice d’un montant de CHF 77'229'529.et a maintenu en application de l’article 71, alinéa 3 CP, en garantie du paiement de la créance compensatrice, le séquestre sur le compte no [...] auprès de la S1.____ au nom de Z.____ et Y.____, sur le compte no [...] auprès du K.____ au nom de X.____ et Z.____ et sur le compte no [...] auprès de l’A.____ au nom de X.____ et Z.____.

Dit mandat de répression précisait que les montants perçus dans le cadre de l’exécution de créances compensatrices prononcées à l’égard de tiers, en particulier à l’égard de la société E3.____SA, qui a été directement favorisée par le gain illicite, seront cas échéant défalqués de la créance compensatrice prononcée à l’égard de X.____, de sorte que les confiscations et créances compensatrices prononcées en raison du gain illicite issu des escroqueries poursuivies n’excèdent pas le montant du gain illicite arrêté à CHF 90'567'917.60.

L’enquête a en effet permis de démontrer qu'en dépit des apparences, X.____ était le véritable ayant droit économique des fonds déposés sur les comptes bancaires séquestrés au nom de lui-même et de son épouse (compte 6, no [...]) ou au nom de son épouse et de sa fille (compte 7, no [...]) ainsi que des fonds investis dans l’immeuble séquestré. Les opérations par lesquelles X.____ avait transféré d'importants avoirs sur les comptes séquestrés ont été exécutées après le début des procédures judiciaires à l’étranger le visant et ces opérations avaient manifestement pour but d’éviter la mainmise des Etats concernés et d’éventuels créanciers sur les fonds transférés sur des comptes en Suisse, en particulier par des actes de donation simulés de plusieurs millions de dollars/francs suisses à des membres de sa famille proche.

Afin d’ouvrir les voies de droit à Z.____ et Y.____ en relation avec les actifs séquestrés figurant en apparence à leur nom, l’AFC a également rendu le 23 octobre 2017 à leur égard des ordonnances de confiscation.

Par ordonnance de confiscation du 23 octobre 2017 à l’égard de Z.____ (Annexe 8), l’AFC a ordonné la confiscation au sens de l’article 70, alinéa 1 CP de l’immeuble séquestré sis [...] appartenant à Z.____, du montant séquestré de USD 963'890 (valeur octobre 2017) sur le compte no [...] au nom de X.____ et Z.____ auprès de la W1.____ et du montant à hauteur de USD 5'175'339 sur le montant total séquestré de USD 69'123'595 (valeur octobre 2017) sur le compte no [...] auprès de la S1.____ au nom de Z.____ et Y.____. Par la même ordonnance, l’AFC a prononcé en application de l'article 71, alinéa 1 CP une créance compensatrice d’un montant équivalent aux valeurs licites figurant sur les comptes séquestrés correspondant à la contre-valeur de CHF 65'586'951 (cours CHF/USD à 1.0167) et a maintenu en application de l’article 71, alinéa 3 CP, en garantie du paiement de la créance compensatrice, le séquestre sur le compte no [...] auprès de la S1.____ au nom de Z.____ et Y.____, sur le compte no [...] auprès du K.____ au nom de X.____ et Z.____ et sur le compte no [...] auprès de l’A.____ au nom de X.____ et Z.____.

Par ordonnance de confiscation du 23 octobre 2017 à l’égard d’Y.____ (Annexe 9), l’AFC a ordonné la confiscation au sens de l’article 70, alinéa 1 CP du montant à hauteur de USD 5'175'339 sur le montant total séquestré de USD 69'123'595 (valeur octobre 2017) sur le compte no [...] auprès de la S1.____ au nom de Z.____ et Y.____. Par la même ordonnance, l’AFC a prononcé en application de l'article 71, alinéa 1 CP une créance compensatrice d’un montant équivalent aux valeurs licites figurant sur le compte séquestré correspondant à la contre-valeur de CHF 62'897'861.- (cours CHF/USD à 1.0167) et a maintenu en application de l’article 71, alinéa 3 CP, en garantie du paiement de la créance compensatrice, le séquestre sur le compte no [...] auprès de la S1.____ au nom de Z.____ et Y.____.

Dites ordonnances précisaient en outre que les montants perçus dans le cadre de l’exécution de créances compensatrices prononcées à l’égard de tiers, qui ont été directement favorisés par le gain illicite, seront cas échéant défalqués de la créance compensatrice prononcée à leur égard, de sorte que les confiscations et créances compensatrices prononcées en raison du gain illicite issu des escroqueries poursuivies n’excèdent pas le montant du gain illicite arrêté à CHF 90'567'917.60.

Par ordonnance de confiscation du 23 octobre 2017 à l’égard de la société E3.____SA (Annexe 10), l’AFC a prononcé en application de l’article 71, alinéa 1 CP une créance compensatrice d'un montant de CHF 1'544'670.- (valeur au 09.01.2017) et a maintenu en application de l’article 71, alinéa 3 CP en garantie du paiement de la créance compensatrice le séquestre sur le compte no [...] auprès de l’A.____ au nom de la société E3.____SA.

1.3 Oppositions et suspension de la procédure pénale

Par mémoire du 23 novembre 2017, X.____ a formé opposition, par son mandataire, au mandat de répression (Annexe 11).

Par mémoires du 23 novembre 2017, Z.____, Y.____ et la société E3.____SA ont formé opposition, par leur mandataire, aux ordonnances de confiscation (Annexes 12-14).

La procédure administrative et la procédure pénale administrative sont interdépendantes. Alors que la procédure administrative vise à l'assujettissement à une prestation, la procédure pénale vise à sanctionner un comportement illicite. Lorsque l'autorité administrative fédérale compétente pour statuer sur l'assujettissement est également compétente pour poursuivre et juger, les deux procédures peuvent être menées parallèlement. Aux termes de l’article 69, alinéa 2 DPA, lorsque le mandat ou l'ordonnance se fonde sur une décision d'assujettissement à une prestation ou à une restitution et que cette décision est attaquée, la procédure d'opposition est suspendue jusqu'à droit connu sur la décision. Lorsque la procédure pénale administrative dépend du sort de la procédure administrative, la procédure pénale administrative est suspendue jusqu'à droit connu sur l'issue de la procédure administrative.

La décision de l’AFC du 15 mai 2013 relative à la prestation appréciable en argent concernant l’exercice 2005 a été attaquée par réclamation du 17 juin 2013. La procédure de réclamation puis de recours qui s’en est suivi est toujours pendante.

La décision de l’AFC du 9 avril 2014 relative aux prestations appréciables en argent concernant les exercices 2006 à 2009 (cf. Annexe 1) a été attaquée par réclamation du 26 mai 2014. La procédure de réclamation puis de recours qui s’en est suivi a duré jusqu’au 13 décembre 2018.

Par arrêt du 13 décembre 2018 (arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2017, cf. Annexe 4), le Tribunal fédéral a rejeté les recours interjetés par X.____ et la société E3.____SA contre l’arrêt du 2 mars 2017 du Tribunal administratif fédéral et contre la décision sur réclamation de l’AFC du 1er juillet 2015 concernant les exercices 2006 à 2009.

La procédure d’opposition qui a été suspendue de plein droit jusqu’à droit connu sur la question de l’assujettissement à la prestation de X.____ et de la société E3.____SA en relation avec la prestation appréciable en argent de l’exercice 2005 est toujours suspendue à ce jour, dès lors que la procédure administrative est pendante devant le Tribunal administratif fédéral (art. 69, al. 2 DPA). La procédure d’opposition, suspendue de plein droit jusqu’à droit connu sur la question de l’assujettissement à la prestation de X.____ et la société E3.____SA en relation avec les prestations appréciables en argent des exercices 2006 à 2009 (art. 69, al. 2 DPA), a été reprise de plein droit, vu l’arrêt du 13 décembre 2018 du Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2017), entré en force.

Dès lors que la question administrative avait été définitivement jugée en relation avec les prestations appréciables en argent des exercices 2006 à 2009, que la procédure pénale en relation avec ces états de faits n’était plus suspendue et pouvait être reprise, que la prescription de l’action pénale relative aux escroqueries en matière de contributions des exercices 2006 à 2009 avait repris son cours, la procédure pénale ayant trait à l’escroquerie en matière de contributions de l’exercice 2005 et celle ayant trait aux escroqueries en matière de contributions des exercices 2006 à 2009 ont été disjointes.

1.4 Prononcé pénal et prononcés de confiscation

Par prononcé pénal du 25 janvier 2019 (Annexe 15), l’AFC a condamné X.____ en raison d’escroqueries en matière de contributions pour les exercices 2006 à 2009 en application de l'article 14, alinéa 2 DPA à une peine pécuniaire de 360 jours-amende à CHF 3'000.le jour-amende (soit CHF 1'080'000.-) avec sursis pendant 4 ans et à une peine pécuniaire ferme de 200 jours-amende à CHF 3'000.le jour-amende (soit CHF 600'000.-), ainsi qu’aux frais de la procédure s’élevant à CHF 9'718.10.

Dans le prononcé pénal du 25 janvier 2019, l’AFC a ordonné à l’encontre de X.____ la confiscation au sens de l’article 70, alinéa 1 CP de l’immeuble séquestré sis [...], du montant séquestré de USD 950'660 (valeur décembre 2018) sur le compte no [...] au nom de X.____ et Z.____ auprès de la W1.____ (compte 6, no [...]) et du montant à hauteur de USD 894’375 sur le montant total séquestré de USD 70'340'773 (valeur novembre 2018) sur le compte no [...] auprès de la S1.____ au nom de Z.____ et Y.____ (compte 7, no [...]). Elle a prononcé à l’encontre de X.____ en application de l'article 71, alinéa 1 CP une créance compensatrice d’un montant de CHF 54'760'910.05 et a maintenu en application de l’article 71, alinéa 3 CP en garantie du paiement de la créance compensatrice le séquestre sur le compte no [...] auprès de la S1.____ au nom de Z.____ et Y.____, sur le compte no [...] auprès du K.____ au nom de X.____ et Z.____ et sur le compte no [...] auprès de l’A.____ au nom de X.____ et Z.____.

Dit prononcé pénal précisait que les montants perçus suite à l’exécution des créances compensatrices prononcées à l’égard des autres personnes concernées dans le cadre de cette procédure, en particulier à l’égard de la société E3.____SA, qui a été directement favorisée par le gain illicite, seront cas échéant défalqués de la créance compensatrice prononcée à l’égard de X.____, de sorte que les confiscations et créances compensatrices prononcées en raison du gain illicite issu des escroqueries poursuivies n’excèdent pas le montant du gain illicite arrêté à CHF 72'206'133.25.

L’enquête a en effet permis de démontrer qu'en dépit des apparences, X.____ était le véritable ayant droit économique des fonds déposés sur les comptes bancaires séquestrés au nom de lui-même et de son épouse (compte 6, no [...]) ou au nom de son épouse et de sa fille (compte 7, no [...]) ainsi que des fonds investis dans l’immeuble séquestré.

Par prononcé de confiscation du 25 janvier 2019 à l’égard de Z.____ (Annexe 16), l’AFC a d’une part ordonné la confiscation au sens de l’article 70, alinéa 1 CP de l’immeuble séquestré sis [...] appartenant à Z.____, du montant séquestré de USD 950'660 (valeur décembre 2018) sur le compte no [...] au nom de X.____ et Z.____ auprès de la W1.____ et du montant à hauteur de USD 894’375 sur le montant total séquestré de USD 70'340'773 (valeur novembre 2018) sur le compte no [...] auprès de la S1.____ au nom de Z.____ et Y.____. Elle a d’autre part prononcé en application de l'article 71, alinéa 1 CP une créance compensatrice d’un montant équivalent aux valeurs licites figurant sur les comptes séquestrés correspondant à la contre-valeur de CHF 54'760'910.05 et a maintenu en application de l’article 71, alinéa 3 CP en garantie du paiement de la créance compensatrice le séquestre sur le compte no [...] auprès de la S1.____ au nom de Z.____ et Y.____, sur le compte no [...] auprès du K.____ au nom de X.____ et Z.____ et sur le compte no [...] auprès de l’A.____ au nom de X.____ et Z.____.

Il sied de préciser que dans l’hypothèse où il était retenu que X.____ n’était pas le véritable ayant droit économique des fonds déposés sur le compte bancaire séquestré au nom de lui-même et de son épouse (compte 6, no [...]) et des fonds investis dans l’immeuble séquestré, Z.____ a été favorisée par le gain illicite qui a été versé sur ses comptes, respectivement qui a transité sur ses comptes à concurrence d’un montant de USD 58'476'156 (CHF 2'056’400, CHF 21'268'429.40, CHF 32'631’503, CHF 5'173'268.85 = CHF 61'129'601.25).

Il s’agit des montants suivants :

- USD 2'000'000 virés le 23.05.2008 sur le compte no [...] au nom de X.____ et Z.____ auprès de la W1.____ [valeurs illicites issues de l’escroquerie fiscale de l’exercice 2007],

- USD 20'355'817 virés le 31.07.2008 sur le compte no [...] au nom de X.____ et Z.____ auprès de la W1.____ [valeurs illicites issues de l’escroquerie fiscale de l’exercice 2007],

- USD 30'945'000 versés le 30.12.2008 sur le compte no [...] au nom de X.____ et Z.____ auprès de la W1.____ [valeurs illicites issues des escroqueries fiscales des exercices 2006-2008],

- USD 5'175'339 virés le 12.10.2009 sur le compte no [...] auprès de la S1.____ au nom de Z.____ et Y.____ et viré précédemment le 29.02.2008 sur le compte no [...] au nom de X.____ et Z.____ auprès de la S2.____ [valeurs illicites issues des escroqueries fiscales des exercices 2005 et 2006].

Vu la disjonction des procédures concernant l’escroquerie en matière de contributions de l’exercice 2005 et les escroqueries en matière de contributions des exercices 2006 à 2009, Z.____ a été favorisée par le gain illicite issu des infractions fiscales des exercices 2006 à 2009 qui a été versé sur ses comptes, respectivement qui a transité sur ses comptes à concurrence d’un montant de USD 54'195'192 (CHF 2'056’400, CHF 21'268'429.40, CHF 32'631’503, CHF 894'017.25 = CHF 56'850'349.65) [USD 58'476'156 – USD 4'280'964]).

Par prononcé de confiscation du 25 janvier 2019 à l’égard d’Y.____ (Annexe 17), l’AFC a d’une part ordonné la confiscation au sens de l’article 70, alinéa 1 CP du montant à hauteur de USD 894’375 sur le montant total séquestré de USD 70'340'773 (valeur novembre 2018) sur le compte no [...] auprès de la S1.____ au nom de Z.____ et Y.____. Elle a d’autre part prononcé en application de l'article 71, alinéa 1 CP une créance compensatrice d’un montant équivalent aux valeurs licites figurant sur le compte séquestré correspondant à la contre-valeur de CHF 54'760'910.05 et a maintenu en application de l’article 71, alinéa 3 CP en garantie du paiement de la créance compensatrice le séquestre sur le compte no [...] auprès de la S1.____ au nom de Z.____ et Y.____.

Il sied de préciser que dans l’hypothèse où il était retenu que X.____ n’était pas le véritable ayant droit économique des fonds déposés sur le compte bancaire séquestré au nom de son épouse et de sa fille (compte 7, no [...]), Y.____ a été favorisée par le gain illicite qui a été versé sur son compte à concurrence d’un montant de USD 5'175’339 (CHF 5'173'268.85).

Il s’agit du montant suivant :

- USD 5'175'339 virés le 12.10.2009 sur le compte no [...] auprès de la S1.____ au nom de Z.____ et Y.____ et viré précédemment le 29.02.2008 sur le compte no [...] au nom de X.____ et Z.____ auprès de la S2.____ [valeurs illicites issues des escroqueries fiscales des exercices 2005 et 2006].

Vu la disjonction des procédures concernant l’escroquerie en matière de contributions de l’exercice 2005 et les escroqueries en matière de contributions des exercices 2006 à 2009, Y.____ a été favorisée par le gain illicite issu des infractions fiscales des exercices 2006 à 2009 qui a été versé sur son compte à concurrence d’un montant de USD 894’375 (CHF 894'017.25).

Dits prononcés de confiscation précisaient que les montants perçus suite à l’exécution des créances compensatrices prononcées à l’égard des autres personnes concernées dans le cadre de cette procédure seront cas échéant défalqués de la créance compensatrice prononcée, de sorte que les confiscations et créances compensatrices prononcées en raison du gain illicite issu des escroqueries poursuivies n’excèdent pas le montant du gain illicite arrêté à CHF 72'206'133.25.

Par prononcé de confiscation du 25 janvier 2019 à l’égard de la société E3.____SA (Annexe 18), l’AFC a prononcé en application de l'article 71, alinéa 1 CP une créance compensatrice d’un montant équivalent aux valeurs licites figurant sur le compte séquestré correspondant au montant de CHF 1'527'914.90 et a maintenu en application de l’article 71, alinéa 3 CP en garantie du paiement de la créance compensatrice le séquestre sur le compte no [...] auprès de l’A.____ au nom de la société E3.____SA.

1.5 Demandes de jugement par le tribunal

Par courrier du 30 janvier 2019 (Annexe 19), X.____ a demandé à être jugé par le tribunal.

Par courrier du 30 janvier 2019 (Annexe 20), Z.____ a demandé à être jugée par le tribunal.

Par courrier du 30 janvier 2019 (Annexe 21), Y.____ a demandé à être jugée par le tribunal.

Par courrier du 30 janvier 2019 (Annexe 22), la société E3.____SA a demandé à être jugée par le tribunal.

S’agissant des faits, il est renvoyé pour le surplus au prononcé pénal et aux prononcés de confiscation du 25 janvier 2019 (cf. Annexes 15-18).

2. De la procédure administrative concernant les prestations appréciables en argent des exercices 2006 à 2009

Par décision du 9 avril 2014 (cf. Annexe 1), l'AFC a considéré que la société E3.____SA avait renoncé au produit de la vente d’alumine au profit de ses actionnaires ou personnes proches et a retenu l'existence d'une prestation appréciable en argent imposable. Elle a déclaré la société E3.____SA redevable d’un montant d’impôt anticipé de CHF 72‘206‘133.25 sur les recettes non comptabiIisées au cours des exercices 2006 à 2009 et a assujetti solidairement X.____ au paiement de ce montant d’impôt anticipé au sens de l’article 12, alinéa 2 DPA.

En date du 26 mai 2014, la société E3.____SA a formé réclamation contre la décision de l’AFC du 9 avril 2014.

En date du 26 mai 2014, X.____ a également formé réclamation contre la décision de l’AFC du 9 avril 2014.

Par décision sur réclamation du 1er juillet 2015 (cf. Annexe 2), l'AFC a rejeté les réclamations et a confirmé la décision du 9 avril 2014.

En date du 2 septembre 2015, la société E3.____SA a formé recours au Tribunal administratif fédéral contre la décision sur réclamation de l’AFC du 1er juillet 2015.

En date du 7 septembre 2015, X.____ a également formé recours au Tribunal administratif fédéral contre la décision sur réclamation de l’AFC du 1er juillet 2015.

Par arrêt du 2 mars 2017 (cf. Annexe 3), le Tribunal administratif fédéral a rejeté les recours interjetés par X.____ et la société E3.____SA contre la décision sur réclamation de l’AFC du 1er juillet 2015.

En date du 24 avril 2017, X.____ et la société E3.____SA ont formé un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre la décision du Tribunal administratif fédéral du 2 mars 2017.

Par arrêt du 13 décembre 2018 (arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2017, cf. Annexe 4), le Tribunal fédéral a rejeté les recours interjetés par X.____ et la société E3.____SA.

Le Tribunal fédéral a retenu que c’était à juste titre que le Tribunal administratif fédéral avait considéré que la société E3.____SA avait participé en son nom et pour son propre compte au commerce d’alumine avec U.____ entre 2006 et 2009 et a confirmé que c’était à bon droit que le Tribunal administratif fédéral avait considéré que la renonciation par la société E3.____SA au produit de la vente d’alumine en faveur de la société proche E2.____Ltd constituait une prestation appréciable en argent soumise à l’impôt anticipé. (…) ».

3. La présente affaire s’inscrit dans le prolongement d’une vaste enquête internationale initiée en 2008 à la suite d’une plainte déposée par la société U.____ et menée notamment au [...] et [...] dans un contexte de corruption internationale à large échelle en lien avec le commerce d’alumine. Le MPC a ouvert sa propre instruction en date du 5 octobre 2009 après réception d’une demande d’entraide judiciaire du Ministère de la justice [...] datée du 25 novembre 2008. Les éléments recueillis par le MPC en relation avec la société E3.____SA, domiciliée à [...], ont été communiqués à l’AFC en date du 21 février 2012 qui a alors ouvert sa propre procédure pénale administrative sur la base des art. 37 ss DPA en raison de soupçons d’escroquerie en matière de contributions au sens de l’art. 14 al. 2 DPA, respectivement de soustraction d’impôts au sens de l’art. 61 al. 1 let. a LIA (loi fédérale sur l’impôt anticipé du 13 octobre 1965 ; RS 642.21). Les faits dénoncés étaient en relation avec des infractions commises dans le cadre de la gestion de la société E3.____SA concernant les déclarations fiscales pour les exercices 2005 à 2009. Cette dernière enquête a notamment été dirigée contre X.____ de par sa qualité d’ayant droit économique des sociétés impliquées. Plusieurs comptes bancaires au nom du prévenu, de son épouse, de leur fille et de la société E3.____SA ont fait l’objet de séquestres, de même que l’immeuble au nom de l’épouse de X.____ situé au [...], où le prévenu est domicilié depuis le 10 juin 2008. Un procès-verbal final a été établi par la DAPE de l’AFC en date du 21 mars 2016. L’AFC a ensuite établi un prononcé pénal en date du 25 janvier 2019 à l’encontre de X.____ qui a été condamné pour escroquerie en matière de contributions au sens de l’art. 14 al. 2 DPA à une peine pécuniaire de 360 jours-amende à 3'000 fr. le jour, avec sursis pendant 4 ans, à une peine pécuniaire ferme de 200 jours-amende à 3'000 fr. le jour et aux frais de la procédure par 9'718 fr. 10. Cette décision a également ordonné la confiscation de montants se trouvant sur les comptes bancaires de X.____, de son épouse et de sa fille, ainsi que la confiscation de l’immeuble de [...]. L’AFC a encore prononcé une créance compensatrice à l’encontre de X.____ pour un montant de 54'760'910 fr. 05 et a maintenu le séquestre sur trois autres comptes bancaires au nom de X.____, de son épouse et de sa fille à titre de garantie de paiement.

Ainsi, la présente affaire renvoyée en jugement devant l’autorité judiciaire concerne des faits en lien avec les années fiscales 2006 à 2009. La créance fiscale concernant cette période a été définitivement arrêtée par le Tribunal fédéral dans sa décision du 13 décembre 2018 (TF 2C_382/2017). Elle se monte à 72'206'133 fr. 25, étant précisé que la période fiscale concernant l’année 2005 fait toujours l’objet d’une procédure administrative pénale indépendante instruite par la DAPE à l’encontre de X.____, la créance fiscale correspondante n’ayant pas encore été arrêtée de manière définitive.

4. Les sociétés E.____

A partir de l’année 2001, X.____ a créé différentes sociétés en [...], à [...] et aux [...], lesquelles ont toutes été dénommées E.____. Par souci de simplification, la société de [...], E1.____Ltd, sera abrégée E1.____Ltd, et la société des [...], E2.____Ltd. Il n’est pas contesté par le prévenu que celui-ci est l’ayant droit économique de toutes les sociétés portant ces dénominations. Il en est l’unique actionnaire final. Le prévenu n’a jamais été administrateur et n’est jamais apparu au Registre du commerce des trois sociétés suisses qui se sont succédées entre 2001 et 2005 sous la dénomination E.____. Il n’a pas non plus été administrateur des sociétés E1.____Ltd et E2.____Ltd. Pour ces deux dernières sociétés, les administrateurs étaient des employés de la W.____, reprise par la suite par la Banque V.____ auprès de laquelle elles avaient chacune ouvert un compte en [...].

4.1 E3.____SA

La première inscription au Registre du commerce d’une société portant la dénomination E3.____SA remonte au 19 décembre 2001. La société a toutefois changé de nom en 2003 et 2004, pour s’appeler successivement M.____SA, puis N.____SA. Cette société a acquis un immeuble à [...], qui appartenait auparavant au groupe [...] O1.____, actif dans l’exploitation de réserves de bauxite, le raffinement d’alumine et la transformation en aluminium.

X.____ a ensuite créé une deuxième société portant la dénomination E3.____SA inscrite au Registre du commerce le 25 avril 2002. Cette nouvelle société a changé de nom le 22 septembre 2004 pour devenir I.____SA, avant d’être dissoute sur décision de l’assemblée générale du 28 janvier 2005. La société a encore changé de nom en devenant J.____SA en liquidation le 7 février 2005.

Enfin, X.____ a créé une troisième société en Suisse portant les dénominations E3.____SA, E3.____AG et E3.____Ltd (ci-après : E3.____SA), inscrite au Registre du commerce le 10 janvier 2005, étant précisé que les statuts ont été adoptés le 30 décembre 2004. A cette époque, B.____ était administrateur président avec signature individuelle, C.____ administrateur vice-président avec signature collective à deux et D.____ administrateur avec signature collective à deux. Le but de la société est le suivant : « Prestations de service, en particulier en matière de communication, management, comptabilité, contrôle de gestion et budgétaire, suivi du développement des ventes ; formation de collaborateurs en faveur du groupe auquel elle appartient, actif notamment dans le domaine de l’aluminium ». Le but complet de la société figurant dans ses statuts mentionne également qu’E3.____SA peut « exercer toute activité financière, commerciale et industrielle en rapport direct ou indirect avec son but ». Un compte bancaire auprès de la W.____ a été ouvert pour le compte de cette société le 20 décembre 2004 avec la mention spécifique « en formation ».

4.2 E1.____Ltd

Cette société a été fondée le 18 décembre 2001. Son siège est situé à [...], soit l’adresse des filiales du groupe bancaire W.____. X.____ est l’unique ayant droit économique des avoirs déposés sur le compte de la société, ce que confirme le formulaire A en relation avec le compte de la W1.____. Comme déjà dit, les administrateurs de cette société sont des employés de la W.____. Lors de sa fondation, la société a indiqué comme but principal le commerce d’alumine et de produits chimiques, ainsi que les investissements en relation avec ce commerce.

B.____, directeur de la société à partir du mois de janvier 2006 et à tout le moins en 2007 également (P. DAPE 180.100.828-830), n’a jamais été en mesure de fournir les comptes de la société pour les exercices 2005 à 2009, malgré l’engagement pris lors de son audition du 19 mars 2013 (P. DAPE 130.111.013). Les comptes de cette société pour les années 2005 à 2009 n’ont finalement été produits aux enquêteurs de la DAPE qu’en date du 9 septembre 2014 par le conseil de l’époque de X.____ et d’E3.____SA. Les comptes fournis ne sont pas tous datés et n’ont pas non plus tous été approuvés entre les années 2008 à 2010 (P. DAPE 141.101.232-261) ; les dates d’établissement de ces comptes sont postérieures à la réception de la demande d’entraide judiciaire du Ministère de la Justice des [...] du 25 novembre 2008. X.____ a toujours été entouré de professionnels aguerris dans le domaine légal, fiscal et commercial. B.____ ne considérait pas lui-même avoir de pouvoir de représentation pour cette société (P. DAPE 130.111.008 et 180.111.007).

4.3 E2.____Ltd

Cette société a été fondée le 12 décembre 2001 sous le nom d’I.____Ltd (P. DAPE 124.100.424). La raison sociale a ensuite été modifiée le 4 février 2005 pour devenir E3.____Ltd. X.____ est l’unique ayant droit économique des avoirs déposés sur le compte bancaire suisse de la société auprès de la W.____ (P. DAPE 120.130.151). Les administrateurs de la société sont des employés de la W.____.

5. Réalité du pouvoir de décision au sein des sociétés E.____ et de leur compte bancaire respectif en Suisse auprès de la W.____

L’ensemble des intervenants auprès de X.____, que ce soient ses conseillers légaux ou fiscaux, ou ses employés, comme B.____ au sein d’E3.____SA, s’en remettaient exclusivement à lui avant toute prise de décision ou toute intervention de leur part. X.____ participait au conseil d’administration des sociétés comme actionnaire final et ayant droit économique. Il donnait des instructions aux avocats, comme C.____, au notaire D.____, et bien entendu à B.____, que le prévenu avait lui-même engagé alors que celui-ci travaillait auprès du groupe O1.____ en [...]. G.____, conseiller spécialisé pour la gestion globale des groupes de sociétés appartenant au prévenu, dispensait ses recommandations à X.____ directement, comme le confirme la proposition formulée en date du 26 novembre 2004 (P. DAPE 182.161.122-128). Le prévenu était le seul à disposer d’une vision d’ensemble et à prendre les décisions importantes. Aucun des témoins entendus n’a donné le nom d’une tierce personne qui influerait sur les décisions prises par X.____ ou qui interviendrait à la place de ce dernier. Encore une fois, tous s’en remettaient donc constamment à lui en sorte que le prévenu apparaît comme le centre unique de toutes les décisions en lien avec les sociétés lui appartenant et leurs comptes bancaires respectifs.

Le pouvoir décisionnel exclusif de X.____, s’agissant des décisions importantes, transparait clairement dans les auditions de B.____ (audition MPC du 10 janvier 2018, p. 16 R. 41 ; Annexe D7bis [[...]] au PV d’audition MPC du 15 février 2018 ; P. DAPE 130.111.008, 130.111.019 et 180.111.271/276), de C.____ (audition MPC du 12 décembre 2017, p. 12 [P. 36] ; P. DAPE 182.101.017), de H.____ (audition MPC du 17 décembre 2017, p. 10 R. 30, p. 11 R. 35, p. 13 R. 48 [P. 36]), de D.____ (P. DAPE 182.121.001/004 et 182.101.005), de F.____ (P. DAPE 182.161.050) et enfin de G.____ (P. DAPE 132.111.003/008 R. 21 et 25).

Au sujet des comptes bancaires des sociétés E3.____SA, E1.____Ltd et E2.____Ltd auprès de la W1.____, qui ont été utilisés pour le commerce d’alumine au travers des sociétés E.____, seul X.____ en avait la maîtrise comme « ayant droit économique final », alors même qu’en réalité, il ne possédait aucun droit direct sur les comptes en question qui appartenaient aux personnes morales concernées et qui auraient normalement dû être gérés par leurs administrateurs (P. DAPE 182.161.013). Il ressort très clairement des notes réalisées par les banquiers en charge de la gestion des comptes auprès de la W.____, que X.____ était leur seul interlocuteur valable pour toute instruction en relation avec les opérations bancaires à réaliser (P. DAPE 120.130.361, 368/373/379 et 455/561-562). Ces notes sont particulièrement éloquentes à ce sujet et illustrent à chaque fois le niveau d’intervention de X.____, qui donne des instructions aux employés de la W1.____ et vers qui ces derniers se tournent systématiquement.

En dehors de X.____, les autres intervenants dans cette affaire apparaissent dès lors comme des personnes possédant des moyens d’intervention limités, voire inexistants, alors même qu’ils sont désignés comme administrateurs dans les sociétés considérées. Seul X.____ est en définitive aux commandes des activités opérées au travers des sociétés E.____.

X.____ s’est entouré constamment de professionnels particulièrement pointus dans leur domaine, en particulier s’agissant des aspects fiscaux, comme le sont G.____ et C.____. La dimension fiscale pour la gestion des affaires de X.____ est évidemment primordiale dans le contexte des activités menées par le prévenu sur le plan international. Au regard des démarches accomplies par ses conseillers fiscaux, X.____ avait une vision extrêmement précise des enjeux fiscaux auxquels il était confronté, que ce soit dans le cadre du commerce de matières premières, qu’au niveau de la distribution des dividendes de ses sociétés de par sa qualité d’actionnaire final. Il s’agit-là rien de moins que de ses revenus et l’impact fiscal exercé sur les sociétés de son groupe est une donnée importante qui influence directement et concrètement la marche de ses affaires personnelles.

En définitive, à l’époque des faits concernés par les années fiscales 2006 à 2009, X.____ était le seul à prendre toutes les décisions importantes, en tant qu’organe de fait, en relation avec la société E3.____SA, et il en allait de même pour ce qui concerne les sociétés E1.____Ltd et E2.____Ltd.

6. Commerce d’alumine

Durant l’année 2004, la société U.____ a entrepris des négociations importantes dans le but d’acquérir de grandes quantités d’alumine, en cherchant à conclure un contrat de longue durée auprès d’un fournisseur. Dans ce contexte, X.____ a engagé B.____ qui travaillait auparavant pour le groupe O1.____. B.____ a participé activement à la négociation du contrat qui a finalement été conclu les 8 avril et 11 juin 2005 entre E3.____SA et U.____ (P. DAPE 130.111.005/011, R. 19 ; TF 2C_382/2017 du 13 décembre 2018). Avec X.____, B.____ était le seul à comprendre les tenants et aboutissants des contrats de vente et d’achat d’alumine. Au départ, B.____ a été engagé par la société E.____, deuxième du nom, avant que le contrat ne soit repris par la société actuelle inscrite au Registre du commerce en janvier 2005 (P. DAPE 180.100.696). B.____ a également été inscrit comme directeur de la société E1.____Ltd le 24 janvier 2006 (P. DAPE 180.100.703) sur proposition de X.____ qui assistait à la séance du comité de direction de la société E1.____Ltd (P. DAPE 180.100.830).

Le contrat de vente d’alumine passé entre E3.____SA et U.____ a été signé par B.____ en date du 11 avril 2005, au nom de la société E3.____Ltd, avec la précision qu’il s’agissait d’une compagnie dont le siège était en Suisse (P. DAPE 180.100.430). La société E3.____SA porte trois dénominations au Registre du commerce suisse, quant à sa forme juridique, à savoir SA, AG, et Ltd. L’adresse d’E3.____SA figurant dans le contrat était la suivante : [...][...]. Le numéro de fax correspondait à celui de la société suisse, à savoir : [...] (P. DAPE 180.100.438). A cette époque, B.____ n’avait pas la possibilité de signer de contrat en faveur d’une autre société que la société E3.____SA, puisqu’il ne deviendra directeur d’E1.____Ltd qu’en janvier 2006. Dans ces conditions, B.____ n’avait donc pas le pouvoir d’engager une autre société que la société E3.____SA. L’acceptation de l’offre par U.____ a été communiquée à l’attention de B.____ le 1er novembre 2004 par fax à E3.____SA, ce que confirme l’adresse (P. DAPE 141.101.150). B.____ a ensuite adressé le 25 novembre 2004, par fax également, un projet de contrat comportant des modifications à U.____ (P. DAPE 124.100.063-065) en agissant toujours depuis les locaux de la société E3.____SA. Le partenaire contractuel de la société U.____ était bel et bien la société E3.____SA.

Les sociétés E1.____Ltd et E2.____Ltd sont des sociétés offshore. Il résulte de la proposition formulée le 26 novembre 2004 par G.____ à X.____ que la société U.____ n’entendait pas conclure de contrat avec une société domiciliée dans une juridiction offshore (P. DAPE 182.161.122). Cet élément ressort également de l’audition de F.____, qui gérait les sociétés E1.____Ltd et E2.____Ltd, en date du 8 septembre 2015 (P. DAPE 182.161.001/026) et des courriels adressés par F.____ à X.____ en date du 23 mai 2008 (P. DAPE 182.161.310 et 124.100.066). D’après ces courriels, les organes dirigeants de la société offshore ignoraient tout du contrat de vente d’alumine lors de sa conclusion ; pour eux il était évident que seule la société E3.____SA était engagée alors même que des transactions ont eu lieu sur les comptes de la société offshore.

Les parties au contrat ont toujours considéré qu’E3.____SA était la société qui intervenait dans le contrat de vente d’alumine. B.____, mais surtout X.____, en avaient parfaitement conscience. Il est exclu qu’il s’agisse d’une erreur de dénomination de la société. Le contrat porte sur une durée de 10 ans et concerne des quantités considérables d’alumine pour un chiffre d’affaires de plus de deux milliards et demi de francs. Les parties se sont montrées extrêmement précises et rigoureuses sur la dénomination de leur partenaire contractuel respectif. Le Tribunal fédéral a statué sur la créance fiscale pour les années 2006 à 2009 et a ainsi considéré également que la société E3.____SA était bel et bien le partenaire contractuel de la société U.____ dans le cadre du contrat de vente d’alumine en cause. F.____ n’a eu connaissance du contrat de vente d’alumine que durant l’année 2007 (P. DAPE 182.161.047).

En définitive, X.____ savait parfaitement que le partenaire contractuel de la société U.____ était sa société suisse E3.____SA, à l’exclusion de toute autre société de son groupe. B.____, qui a engagé la société E3.____SA, l’a fait sur les directives de X.____, car le premier n’entreprenait jamais aucune action quelconque sans s’en référer préalablement au second (P. DAPE 130.111.005/019, R. 51).

Préalablement à la conclusion du contrat de vente d’alumine avec la société U.____, un contrat d’achat d’alumine avait été passé par les sociétés E3.____SA, E1.____Ltd et E2.____Ltd avec le groupe O1.____ [...] (P. DAPE 180.100.407). Ce contrat a été signé par B.____, qui représentait la société E3.____SA, ainsi que par X.____, pour le compte des sociétés E1.____Ltd et E2.____Ltd, quand bien même ce dernier ne possédait aucun pouvoir de représentation (P. DAPE 182.161.047 ; P. DAPE 124.100.056 : courriel de F.____ – qui prend connaissance du contrat d’achat d’alumine du mois de décembre 2004 en 2007 seulement – adressé à X.____ le 3 mai 2007, dont il ressort notamment ceci : « I also note that the [...] company is already named in the Agreement, but again, we have not approved this and should have a copy of the Agreement so we can ratify it. »). De plus, la société E2.____Ltd n’existait pas sous la dénomination E3.____Ltd à cette époque lors de la conclusion du contrat de vente avec U.____, mais se dénommait I.____Ltd, le changement de nom de cette société étant intervenu en date du 4 février 2005 (P. DAPE 124.100.425). En définitive, faute de ratification du contrat par les organes officiels des sociétés offshore, seule E3.____SA était alors légalement partie au contrat.

7. Statut fiscal de la société E3.____SA

En 2004, X.____ a mandaté l’avocat C.____ pour négocier le statut fiscal de la société E3.____SA, troisième du nom, qui devait succéder aux précédentes. C.____ a tout d’abord cherché à négocier un statut fiscal pour une société commerciale en lien avec des opérations de trading. Le conseil de X.____ a tenté d’obtenir des autorités fiscales la taxation des activités envisagées par E3.____SA sur une marge imposable de 1 % du chiffre d’affaires. Ces négociations entre le fisc et C.____ se sont déroulées de janvier à mai 2005.

Dans le cadre de ces négociations, l’Administration cantonale des impôts (ci-après : ACI) a exigé, le 18 mars 2005, la présentation d’une étude à même de justifier que la société E3.____SA ne percevrait finalement qu’une marge de 1 % sur ses activités en Suisse. Une réunion a ensuite eu lieu le 5 avril 2005 entre C.____ et B.____, puis une seconde deux jours plus tard avec X.____ (P. 36/111 : liste des opérations établie par C.____ le 15 novembre 2005). Une note manuscrite intitulée « PSP [Etude de Me C.____ & X.____ 6 APRIL ’05 » rédigée par B.____, qui fait état d’une réunion devant se tenir le 14 du même mois à [...] entre lui-même, C.____, G.____ et X.____, mentionne trois options dont la première envisage qu’E3.____SA soit considérée comme société de base en Suisse dans le cadre du commerce d’alumine, dont la deuxième envisage qu’E3.____SA devienne une société de service pour les autres sociétés du groupe et dont la troisième envisage que les activités en Suisse soient abandonnées (P. DAPE 124.100.523/601). C.____ a rencontré l’ACI le 13 avril 2005 (P. 36/111) et c’est finalement l’option d’une société de service qui a été retenue, puisqu’une demande adressée à l’ACI est rédigée dans ce sens par C.____ en date du 6 mai 2005 (P. DAPE 181.131.022).

La société E3.____SA a été taxée en tant que société de service dès son premier exercice fiscal en 2005. Ce statut exclut toute activité de trading, ce que savait parfaitement C.____ (cf. son audition du 30 avril 2013 [P. DAPE 132.101.007/010-012]), étant précisé que cet avocat fiscaliste, vice-président du conseil d’administration de la société E3.____SA, déclare n’avoir jamais été mis au courant du contrat de vente passé avec la société U.____ dont il aurait découvert l’existence lors de cette audition en 2013.

X.____ était parfaitement au courant des négociations engagées avec l’ACI au sujet du statut fiscal de la société E3.____SA et avait une connaissance toute aussi parfaite des différentes taxations qui interviendraient selon l’option choisie vis-à-vis d’E3.____SA entre une société commerciale exerçant des activités de trading en Suisse et une société de service. X.____ avait une vision extrêmement claire des conséquences fiscales en lien avec les activités des sociétés E.____ et, en particulier, par rapport à la société E3.____SA (cf. audition de G.____ du 24 juin 2014 : P. DAPE 132.111.003/006, dont il ressort notamment ceci : « [X.____] m’a fait part d’un souci qu’il se pourrait que cet arrangement ne puisse être poursuivi, et qu’il serait peut-être nécessaire que la société suisse assume le rôle de "principal" dans cet arrangement. Si tel devait être le cas, il m’a demandé si je pouvais suggérer une structuration fiscale appropriée. Le problème pour moi consistait dans la question que si la société suisse devait agir comme "principal", elle réaliserait un profit plus important. Une fois les impôts suisses acquittés, si nous voulions distribuer les bénéfices, il y aurait un impôt anticipé de 35 % » ; cf. proposition adressée par G.____ le 26 novembre 2004 à X.____ : P. DAPE 182.161.122, dont il ressort expressément que la société envisagée à cette époque comme partenaire financier pour l’achat d’alumine, à savoir U.____, refusait de travailler avec une société offshore).

8. Facturation de la vente d’alumine à U.____ et utilisation des comptes des sociétés E.____ auprès de la W1.____

Dans le cadre de l’exécution du contrat de vente d’alumine passé entre E3.____SA et U.____ de 2006 à 2009, 180 factures ont été émises au nom et à l’adresse de la société suisse. En premier lieu, pour l’année 2005, la facturation (cf. P. DAPE 180.100.167-222) a été émise par E3.____SA avec la mention de sa forme juridique « SA » (cf. P. DAPE 180.100.167-178), puis sans cette mention dès la facture du 18 avril 2005 (P. DAPE 180.100.179). En revanche, aucun compte de la société suisse n’a été utilisé pour les paiements d’U.____. Au départ, c’est le compte d’E1.____Ltd auprès de la W1.____ qui a été utilisé sur les factures jusqu’au 12 juillet 2005 où est apparu le compte de la société E2.____Ltd toujours auprès du même établissement bancaire de la W1.____. Les factures indiquent manifestement qu’elles sont éditées au nom et pour le compte de la société E3.____SA en exécution du contrat de vente, à l’exclusion des sociétés E1.____Ltd et E2.____Ltd. Quant à la gestion des comptes des trois sociétés en question (E3.____SA, E1.____Ltd et E2.____Ltd) auprès de la W1.____, seul X.____ avait la faculté de maîtriser les opérations de débit et de crédit les concernant.

Contrairement à ce qui était prévu par le contrat de vente au bénéfice de la société E3.____SA et malgré les factures qui laissaient entendre que cette société cherchait à encaisser les prestations qu’elle avait fournies, aucun chiffre d’affaires n’a finalement été enregistré sur son compte bancaire, ni dans ses comptes de pertes et profits. En d’autres termes, les opérations de vente d’alumine n’ont jamais figuré dans les états financiers de la société.

9. Par ordonnance partielle du 8 avril 2015 (P. 66), le MPC a décidé que la procédure pénale à l’encontre de X.____ pour corruption était classée pour les 59 paiements intervenus entre le 4 septembre 1998 et le 30 juin 2006 tels qu’énumérés dans le document « Payments Timeline »(1), que la procédure pénale à l’encontre de X.____ pour faux dans les titres était classée (2), que la procédure pénale à l’encontre de X.____ pour blanchiment d’argent était classée en ce qui concernait le transfert intervenu le 16 avril 2004 pour un montant de EUR 1'210'038.65 au débit du compte no [...] ouvert au nom d’A1.____Ltd auprès de la W1.____ en faveur du compte no [...] ouvert au nom d’A1.____Ltd auprès de la W2.____ (3), que, pour le surplus, la demande formée par X.____ tendant au classement de la procédure pénale ouverte des chefs de blanchiment d’argent et gestion déloyale était rejetée (4) et que les frais de procédure et une éventuelle indemnité au prévenu seraient fixés ultérieurement dans le cadre de la décision finale (5).

Les faits fondant le classement partiel sont les suivants :

« I. EN FAIT

Le 5 octobre 2009, le MPC a ouvert une instruction pénale contre inconnus pour corruption active d'agents publics étrangers (art. 322septies CP).

Le 14 mars 2011, l'instruction a été étendue notamment à l'encontre de X.____ pour gestion déloyale (art. 158 CP), faux dans les titres (art. 251 CP), blanchiment d'argent (art. 305bis CP) et corruption d'agents publics étrangers (art. 322septies al. 1 CP). En effet, il était d'une part reproché à X.____ d'avoir, entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2008, procédé à l'encaissement en Suisse de factures émises par J.____SA en liquidation (anciennement E3.____SA puis I.____SA) et par E3.____SA pour un montant d'au moins USD 88'778'663, en qualité d'organe de fait présumé, sans les inscrire dans la comptabilité des sociétés et d'avoir viré une partie des montants encaissés sur des comptes bancaires ouverts à [...] notamment au nom de la société A2.____Ltd. D'autre part, il était reproché à X.____ d'avoir, entre le 29 mars 1999 et le 31 décembre 2008, versé par l'intermédiaire de plusieurs comptes ouverts en Suisse ou à l'étranger au nom de sociétés de domicile dont il est l'ayant droit économique, un montant total d'au moins USD 23'094’460 à des fins corruptives présumées sur des comptes ouverts en Suisse ou à l'étranger dont l'ayant droit économique est P.____.

X.____ a également fait l'objet d'une procédure pénale ouverte par les autorités anglaises. Les investigations menées au Royaume-Uni ont débouché sur la saisine de la Southwark Crown Court qui a tenu des débats du 4 novembre au 10 décembre 2013. A teneur de l'indictment dressé à cette fin, X.____ faisait l'objet de huit chefs d'inculpation. A teneur du count 1, il était reproché à X.____ d'avoir, entre le 4 septembre 1998 et le 30 juin 2006, conspiré ensemble avec P.____, Q.____ et des inconnus en vue de contrevenir aux dispositions de la loi sur la prévention de la corruption en rapport avec les affaires d’U.____, en particulier en procédant de manière corrompue à des paiements à des représentants d’U.____ d'une part et, d'autre part, en acceptant – à titre de corruption – des paiements en qualité de représentants d’U.____ à titre d'encouragement ou de récompense pour favoriser X.____ et/ou des entreprises dans lesquelles X.____ intervenait en rapport avec les affaires ou le commerce d’U.____, dans le cadre de l'attribution de contrats de fourniture et d'achat.

Il sied de préciser que le count 1 était un chef d'inculpation d'ordre général, les counts 2 à 7 étant une énumération, à titre d'exemples, de six paiements corruptifs ponctuels couverts par le count 1. A contrario, le count 8 concernait un chef d'inculpation de blanchiment d'argent.

Les paiements corruptifs couverts par le count 1, au nombre de 59, ont fait l'objet d'une description particulière sous la forme d'un document intitulé X.____ Payments Timeline (ci-après : Payments Timeline) qui figure au dossier de la cause. Les paiements litigieux ont été effectués en faveur de P.____ ou de sociétés dont celui-ci était le bénéficiaire économique ainsi qu'en faveur de Q.____, ancien CEO d’U.____, ou de sociétés dont celui-ci était le bénéficiaire économique.

Le procès qui s'est tenu du 4 novembre au 10 décembre 2013 devant la Southwark Crown Court de Londres dans la cause R v X.____ s'est soldé par un acquittement de X.____, ensuite du retrait de l'accusation par le SFO (réd. : Serious Fraud Office anglais). Cet acquittement est désormais devenu définitif.

Le 17 décembre 2013, par la voie de son conseil, X.____ a présenté une demande de classement au sens de l'article 319 al. 1 let b CPP portant sur l'ensemble des quatre chefs de prévention ouverts à son encontre dans la procédure suisse et fondée sur l'acquittement intervenu dans le procès anglais, en application de l'art. 54 CAAS.

Les 18 et 20 décembre 2013, le SFO a transmis au MPC divers documents relatifs au procès anglais, soit l'Opening Note (82 pages) ainsi que des transcripts des 22 jours de débats anglais (quelque 1’000 pages). Le 11 février 2014, le MPC a informé les parties du versement des pièces susmentionnées au dossier et a indiqué qu'il avait ordonné la traduction de l’indictment produit par le conseil de X.____ ainsi que des transcripts relatifs au dernier jour des débats anglais. Il a invité le conseil de X.____ à lui indiquer si d'autres pièces devaient être traduites. Par courrier du 14 février 2014, celui-ci a requis la traduction des transcripts relatifs à l'audition de [...] durant le 18ème jour des débats. La traduction de ce dernier document a été achevée à la mi-avril 2014. Après avoir pris connaissance des documents susmentionnés et afin de clarifier le périmètre couvert par le procès anglais, le MPC a adressé un courrier au SFO le 27 mars 2014, en application de l'art. 57 ch. 1 CAAS. La réponse de l'autorité anglaise est parvenue au MPC à la mi-mai 2014. »

Le MPC a ensuite retenu ce qui suit :

« Il. EN DROIT

1. Application de la CAAS

Dans ses déterminations du 20 janvier 2015, la partie plaignante U.____ considère que l'art. 54 CAAS et, par conséquent, le principe ne bis in idem, ne s'appliquerait qu'aux faits commis par X.____ après le 1er janvier 2005, au motif que les dispositions de la CAAS, notamment l'art. 54, n'ont commencé à être mises en œuvre au Royaume-Uni qu'à compter du 1er janvier 2005.

Le principe ne bis in idem s'applique à toute procédure pénale engagée dans un Etat contractant pour des faits qui ont déjà donné lieu à la condamnation d’un intéressé dans un autre Etat contractant, alors même que la CAAS n'était pas encore en vigueur dans ce dernier Etat au moment du prononcé de ladite condamnation, pour autant toutefois qu’elle ait été en vigueur dans les Etats contractants en cause au moment de l’appréciation des conditions d'application de l'art. 54 CAAS.

Ainsi, c'est au moment d'analyser les conditions d'application de l'art. 54 CAAS et, par conséquent, du principe ne bis in idem, qu'il convient de déterminer si la CAAS est entrée en vigueur dans les deux Etats contractants.

En l'espèce, la CAAS est en vigueur et applicable tant en Suisse qu'au Royaume-Uni. Elle l'était également au moment de la décision d'acquittement rendue par les autorités anglaises en décembre 2013.

En conclusion, l'art. 54 CAAS est applicable de sorte qu'il convient d'examiner si le principe ne bis in idem s'applique.

2. Principe du ne bis in idem

Selon l'adage ne bis in idem, nul ne peut être poursuivi ou puni à raison de faits pour lesquels il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif.

Le ne bis se réfère à la décision ou au jugement préalablement rendu qui doit être considéré et pris en compte pour éviter un double jugement. Le idem se réfère aux faits ou aux infractions qui sont à la base de la première décision ou du premier jugement et qui sont reconsidérés lors de la seconde décision.

L'art. 54 CAAS dispose qu'"une personne qui a été définitivement jugée par une Partie Contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre Partie Contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d'exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie Contractante de condamnation."

Au travers de l'art. 54 CAAS, il faut comprendre que seuls les mêmes faits d'un point de vue matériel (identité de faits) peuvent entrer en compte dans l'application du principe ne bis in idem. Ce principe s'applique lorsque dans un Etat, le prévenu a été acquitté définitivement pour insuffisances de preuves ou à raison de la prescription.

Il faut toutefois être rendu attentif au fait que la Suisse a fait une déclaration selon laquelle elle n'est pas liée par la règle ne bis in idem ancrée à l'art. 54 CAAS lorsque les faits visés par le jugement étranger ont été commis, en tout ou partie, sur le territoire suisse, à moins qu'ils ne l'aient été en partie sur le territoire de l'Etat de jugement.

3. La corruption

L'acquittement dont a bénéficié X.____ par la décision du tribunal britannique vaut uniquement pour les 59 paiements couverts par le count 1 qui ont fait l'objet d'une énumération exhaustive dans le Payments Timeline. Les paiements litigieux ont été effectués en faveur de P.____ ou de sociétés dont celui-ci était l'ayant droit économique ainsi qu'en faveur de Q.____ ou de sociétés dont celui-ci était l’ayant droit économique. Les 59 paiements corruptifs concernés ont eu lieu à l'intérieur de la période allant du 4 septembre 1998 au 30 juin 2006 mentionnée au count 1 de l’indictment.

Les autorités de poursuite pénale anglaises ont retenu que X.____ avait essentiellement agi depuis son domicile londonien, en envoyant depuis cet endroit des ordres de paiement à certaines banques au moyen d'un fax, afin de procéder aux paiements corruptifs. Les investigations conduites en Suisse n'ont apporté aucun élément propre à remettre en cause le fait que X.____ avait agi, au moins en partie, à Londres afin de procéder aux paiements litigieux. Par conséquent, la déclaration faite par la Suisse concernant l’art. 55 par. 1 et 2 CAAS (cf. supra) ne trouve pas application.

Sur le vu de ce qui précède, en application du principe ne bis in idem, ces paiements ne peuvent dès lors plus être pris en compte pour la poursuite pénale ouverte en Suisse à l'encontre de X.____ du chef de corruption.

Il sied de préciser que les 59 paiements corruptifs énumérés dans le Payments Timeline englobent complètement les 20 paiements recensés dans le rapport établi par le CCEF en date du 14 mars 2012 ainsi que les versements pour un montant total de USD 23'094’460 mentionnés dans l'ordonnance d’extension du 14 mars 2011.

Contrairement à l'avis exprimé par X.____ dans sa détermination du 28 juillet 2014, on ne saurait admettre que l'acquittement prononcé en sa faveur devrait couvrir tous les paiements effectués et reçus par ce dernier, y compris ceux en dehors de la période décrite dans le count 1. En effet, le SFO a clairement indiqué, dans son courrier du 8 mai 2014, que la période visée dans le count 1 de l'accusation (donc la période allant du 4 septembre 1998 au 30 juin 2006) était la période pendant laquelle X.____ était accusé de l'infraction de corruption. Il faut donc s'en tenir aux seuls paiements intervenus dans le cadre temporel défini par le count 1 et énumérés dans le Payments Timeline pour lesquels X.____ est au bénéfice d'un acquittement.

Il sied de préciser qu'aucune des personnes morales dont X.____ est l'ayant droit économique ne figurait dans l'acte d'accusation britannique, de sorte que l’acquittement dont a bénéficié X.____ ne saurait couvrir les agissements de ces personnes morales.

En conclusion, la procédure sera classée pour les 59 paiements intervenus entre le 4 septembre 1998 et le 30 juin 2006 versés par l'intermédiaire de comptes ouverts en Suisse ou à l'étranger au nom de sociétés de domicile dont X.____ est l'ayant droit économique, tels qu'énumérés dans le Payments Timeline.

4. La gestion déloyale

Par la voie de son conseil, X.____ a également demandé le classement de la procédure à son encontre pour l'infraction de gestion déloyale au motif que les éléments constitutifs de l'infraction ne seraient pas réunis, notamment du fait qu'aucune des sociétés dont X.____ est l'ayant droit n'a allégué avoir subi un quelconque dommage.

Il convient de rappeler qu'à teneur de l'art. 158 ch. 1 CP, l'infraction de gestion déloyale est poursuivie d'office ; ce n'est que la gestion déloyale commise au préjudice d'un proche ou d'un familier qui n'est poursuivie que sur plainte (art. 158 ch. 3 CP). Ainsi, il n'est pas pertinent que les sociétés qui auraient été victimes de la gestion déloyale n'aient pas allégué avoir subi un dommage.

Quoi qu'il en soit, force est de constater que l'instruction ouverte en Suisse pour le chef de prévention susmentionné vise la gestion de sociétés dont le siège est à Lausanne et que ces faits n'ont pas été examinés dans le cadre de la procédure pénale qui s'est déroulée en Angleterre. Dès lors, l'application du principe ne bis in idem est exclue.

Sur le vu de ce qui précède, le MPC refuse de donner suite à la demande de classement formée par X.____ s'agissant de l'infraction de gestion déloyale.

5. Le blanchiment d'argent

Selon l'ordonnance d'extension du 14 mars 2011, il est reproché à X.____ au titre de blanchiment d'argent d'avoir viré sur des comptes bancaires ouverts à [...], notamment au nom de la société A2.____Ltd, une partie des montants encaissés sur la base de factures émises par J.____SA en liquidation et par E3.____SA mais non déclarés dans la comptabilité desdites sociétés.

A teneur de l'art. 305bis CP, celui qui aura commis un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il savait ou devait présumer qu'elles provenaient d'un crime, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Selon la jurisprudence, les valeurs patrimoniales issues d'un acte juridique conclu au moyen de la corruption proviennent d’un crime lorsque le rapport de causalité avec ce dernier est naturel et adéquat. Elles peuvent alors être l’objet du blanchiment, quand bien même elles ne résultent pas de manière directe et immédiate de l'infraction. En l'espèce, force est toutefois de constater que l’infraction préalable au blanchiment d'argent reproché à X.____ ne peut pas correspondre aux 59 paiements énumérés dans le Payments Timeline. En effet, l'on ne saurait reprocher à X.____ d'avoir blanchi des fonds indirectement issus d'une infraction préalable pour laquelle il a été acquitté.

Cela étant, le soupçon de gestion déloyale demeure à l'encontre de X.____ notamment. Or, force est de constater que l'infraction décrite à l'art. 158 CP, dans sa forme aggravée, constitue un crime au sens de l'art. 10 al. 2 CP. C'est donc dire que cette infraction est susceptible de constituer une infraction préalable au blanchiment. C'est pourquoi l'instruction ouverte à l'encontre de X.____ pour blanchiment d'argent ne saurait être classée.

Il convient en revanche de donner suite à la demande de X.____ s’agissant du reproche de blanchiment d'argent en ce qui concerne le versement décrit dans le count 8, pour lequel X.____ a bénéficié d'un acquittement en Grande-Bretagne. Ce transfert de EUR 1’210'038.65 correspond à un paiement intervenu le 16 avril 2004 au débit du compte ouvert au nom d’A1.____Ltd auprès de la W1.____ en faveur du compte no [...] ouvert au nom d’A1.____Ltd auprès de la W2.____. Il ne peut être poursuivi en Suisse en vertu du principe ne bis in idem.

6. Le faux dans les titres

Par la voie de son conseil, X.____ a également demandé le classement de la procédure ouverte à son encontre pour l'infraction de faux dans les titres au motif que les éléments constitutifs de l'infraction ne seraient pas réunis, notamment du fait que la défense ne verrait pas de quels titres au sens de l'art. 251 CP il s'agirait.

(…)

En l'espèce, le reproche formulé à l'encontre de X.____ dans l'ordonnance d'extension du 14 mars 2011 réside dans le fait d'avoir, en sa qualité d’organe de fait présumé, procédé entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2008 à l’encaissement de factures émises par J.____SA en liquidation et par E3.____SA pour un montant d'au moins USD 88'778’663 sans les inscrire dans la comptabilité des sociétés.

L'enquête pénale ouverte en Suisse n'a pas permis d'établir l'implication directe de X.____ dans l'établissement de la comptabilité incomplète des sociétés susmentionnées. En particulier, il ne ressort pas de l’instruction qu’il aurait signé la comptabilité ou les états financiers des deux sociétés susmentionnées.

Partant, le MPC donne une suite favorable à la requête formée par X.____ et décide de classer la procédure ouverte à son encontre pour l'infraction de faux dans les titres. »

10. Les premiers juges ont considéré que l’infraction d’escroquerie en matière de contributions au sens de l’art. 14 al. 2 DPA était réalisée, pour les motifs suivants (jgt, pp. 57-62 ; consid. 2.7.2) :

« (…) Il est établi que le contrat de vente d’alumine avec la société U.____ engageait de manière indiscutable la société E3.____SA, en sorte que le produit des ventes en question aurait dû figurer dans ses états financiers. X.____ en avait parfaitement conscience puisqu’il a traité cette question spécifiquement avec son conseiller fiscal G.____ qui a proposé une structure légale pour la distribution des bénéfices à même de minimiser les impacts fiscaux en utilisant les différentes conventions de double imposition au travers d’une société qui aurait été basée au Luxembourg et d’une autre qui aurait été domiciliée à Malte. Les factures établies au nom de la société E3.____SA démontrent également qu’il ne faisait aucun doute que le partenaire contractuel d’U.____ était bel et bien E3.____SA exclusivement.

La créance fiscale due par la société E3.____SA est établie définitivement ensuite de l’arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 13 décembre 2018 (TF 2C_382/2017 du 13 décembre 2018). Cet impôt n’ayant pas été acquitté à l’époque, il en résulte une atteinte, respectivement un préjudice, vis-à-vis de la collectivité publique. Le préjudice aux intérêts pécuniaires de la collectivité correspond à la créance fiscale sur l’ensemble de la période recouvrant les années 2006 à 2009 et s’élève à CHF 72'206'133.25 au total.

L’autorité fiscale a été trompée lorsque C.____ a annoncé à l’ACI que la société E3.____SA était en définitive une pure société de service, étant rappelé que cet avocat a agi sur les instructions de X.____. L’administration fiscale n’avait pas d’autre moyen de vérifier les activités déployées par la société E3.____SA qu’en examinant ses comptes bancaires ou en analysant ses états financiers qui n’ont jamais mentionné les opérations d’achat et de vente d’alumine. C’est le lieu d’indiquer que B.____ a toujours attesté de la conformité des comptes délivrés à l’administration, alors qu’il est lui-même signataire du contrat de vente passé avec U.____. Les comptes ont été révisés par l’organe de révision qui n’avait lui-même pas la possibilité de s’apercevoir que la société faisait en réalité du trading puisque les comptes bancaires ne laissaient apparaître aucun mouvement financier en relation avec le commerce d’alumine. C.____, vice-président du conseil d’administration, ainsi que D.____, administrateur, n’ont vraisemblablement pas été tenus au courant de l’existence des contrats d’achat et de vente d’alumine et ont été radiés du Registre du commerce respectivement le 19 février 2008 et le 17 juin 2013. On peut relever que C.____, dans ses procès-verbaux d’audition des 21 septembre 2010 et 31 mai 2013, a déclaré avoir voulu quitter les sociétés commerciales dans lesquelles il intervenait en qualité d’administrateur pour limiter les risques encourus, ce dont on peut comprendre, qu’à ses yeux, la société E3.____SA n’était donc plus une société de service (P. DAPE 180.101.001/002-003 et 181.131.001/003). A tout le moins jusqu’à l’époque de sa démission en 2008, cet avocat ignorait par conséquent tout des activités réelles de E3.____SA. H.____ a quant à lui travaillé comme comptable au sein de la société E3.____SA et n’a jamais été tenu au courant de l’existence des contrats d’achat et de vente d’alumine. Ces éléments démontrent clairement que X.____, qui était au cœur de toutes les opérations en lien avec le commerce d’alumine et qui dirigeait en réalité seul les activités de E3.____SA en sa qualité d’organe de fait, a trompé les autorités fiscales helvétiques en leur dissimulant l’activité de trading en cause.

L’échec des négociations entreprises par C.____ sur mandat de X.____ auprès des autorités fiscales suisses visant à obtenir une assiette d’imposition limitée à 1 % de la marge bénéficiaire n’a laissé aucun doute au prévenu quant à l’assujettissement fiscal de la société E3.____SA et le niveau, respectivement l’ampleur, de celui-ci, pour le cas où cette société déployait des activités dans le cadre du commerce d’alumine. X.____ savait dès lors qu’en exécutant le contrat de vente d’alumine passé avec U.____, les revenus liés à cette activité étaient imposables en Suisse. Il savait donc également que les flux financiers en relation avec l’exécution des contrats d’achat et de vente d’alumine devaient figurer dans les états financiers de la société E3.____SA et être déclarés au fisc. De par sa qualité d’ayant droit économique de la société E3.____SA, X.____ était au final directement impacté sur ses propres revenus par une imposition des activités commerciales en question. Ainsi, au moment où C.____ a annoncé aux autorités fiscales que la société E3.____SA serait en définitive une société de service, X.____ savait parfaitement qu’il n’en était rien et que cette société réalisait en réalité de très importantes opérations de trading sur le marché des matières premières. Le prévenu était personnellement impliqué dans toutes les démarches accomplies dans le cadre de la négociation du contrat de vente d’alumine avec la société U.____ et auprès des autorités fiscales suisses. Il était également personnellement impliqué dans la gestion des comptes des trois sociétés E3.____SA, E1.____Ltd et E2.____Ltd ouverts auprès de W1.____. Or, c’est par le biais des comptes bancaires de E1.____Ltd, puis de E2.____Ltd, auprès de W1.____, que X.____ a géré l’ensemble des flux financiers en lien avec l’exécution des contrats d’achat et de vente d’alumine. Comme on l’a vu, c’est le prévenu qui donnait les instructions en rapport avec les comptes W.____. Dans ces conditions, il n’y a pas d’autre explication à l’indication donnée au fisc que la société E3.____SA serait une société de service qu’une volonté délibérée de dissimuler à l’administration fiscale les opérations de trading menées par cette société.

Afin de dissimuler le commerce d’achat et de vente d’alumine exécuté au travers de la société E3.____SA et éviter ainsi une taxation par les autorités fiscales, X.____ a mis en place un mode de facturation qui lui permettait de mettre la main sur les versements d’U.____ sans utiliser les comptes de la société suisse. Il fallait en outre que U.____ ne s’aperçoive pas que les versements profitaient finalement à une société offshore, puisque celle-ci refusait de commercer avec ce type de société (P. DAPE 182.161.122 ; 132.111.003/006 ; 182.151.001/036). La facturation devait donc faire apparaître qu’il s’agissait bien d’une société suisse, avec qui U.____ traitait, tout en s’assurant que les versements aboutiraient finalement sur le compte d’une société offshore pour tromper les autorités fiscales. L’utilisation de sociétés homonymes par le prévenu et de comptes bancaires au sein de la même institution financière en Suisse trouve ainsi tout son sens et c’est là que réside la manœuvre astucieuse mise en place par X.____. D’un côté, le fisc helvétique ne voit pas passer les opérations commerciales d’achat et de vente d’alumine au travers de la société E3.____SA qui est pourtant signataire des contrats en question, de l’autre, le partenaire contractuel de E3.____SA, à savoir U.____, ne réalise pas qu’elle effectue des versements en faveur d’une société offshore. Du point de vue fiscal, la manœuvre astucieuse de X.____ a donc consisté à s’emparer en amont des versements effectués par U.____, sans avoir besoin par la suite d’exercer la moindre influence sur l’établissement de la comptabilité de E3.____SA où aucun mouvement n’est finalement intervenu. En d’autres termes, l’astuce mise en place par X.____ ne trouve pas son origine dans la falsification des éléments comptables de E3.____SA, elle se situe à la source des versements opérés par U.____ lors de l’encaissement et de l’utilisation des flux financiers en lien avec le commerce d’alumine au travers des comptes W.____ des sociétés E1.____Ltd et E2.____Ltd. Dès lors que X.____ avait la maitrise complète des comptes ouverts auprès de W1.____, la situation ne pouvait pas lui échapper. Il contrôlait ainsi l’ensemble des opérations permettant de soustraire l’impôt au fisc suisse. S’emparer des fonds avant qu’ils ne se retrouvent sur les comptes de E3.____SA est au centre même du processus frauduleux mis en place par X.____.

La manœuvre astucieuse mise en place par X.____ a parfaitement fonctionné durant toutes les années couvertes par la créance fiscale constatée de manière définitive par le Tribunal fédéral et la collectivité publique a subi un préjudice de CHF 72'206'133.25 en lien avec 4 exercices fiscaux successifs.

Le comportement adopté par X.____ est indiscutablement intentionnel. L’indication erronée du compte W.____ de la société E1.____Ltd, puis de la société E2.____Ltd, sur les factures émises par E3.____SA, révèle une volonté délibérée de ne pas faire apparaître les opérations en question dans les comptes bancaires de la société suisse ou dans ses états financiers pour ne pas avoir à acquitter d’impôt en Suisse. Du reste, les opérations financières en question n’ont pas non plus été reportées dans les comptes des sociétés E1.____Ltd et E2.____Ltd, ce qui démontre là aussi la volonté de X.____ de n’avoir en définitive absolument aucun impôt à assumer dans le cadre du commerce d’achat et de vente d’alumine qu’il dirigeait. Le fait que les comptes de la société E3.____SA aient été corrigés en 2008, soit après l’ouverture de l’enquête judiciaire américaine, ne remet pas en cause les considérations qui précèdent.

X.____ aurait très bien pu se mettre en conformité avec les autorités fiscales suisses. Il bénéficiait de la proposition de structure qui lui avait été recommandée par G.____ et de l’intervention diligente de son conseiller fiscal en Suisse. X.____ avait par conséquent tout en main pour que le contrat obtenu par E3.____SA puisse être exécuté en respectant les contraintes fiscales en vigueur. On l’a dit, la mention erronée d’un compte bancaire d’une autre société sur les factures de E3.____SA n’est à l’évidence pas une erreur, mais s’explique au contraire très clairement par la volonté d’échapper au fisc. Dès lors que X.____ avait le contrôle des comptes des trois sociétés E.____ auprès de W.____, celui-ci avait donc parfaitement conscience de l’utilisation des comptes des sociétés offshore en lieu et place du compte bancaire de E3.____SA. Le fait qu’il n’ait pas réagi à l’utilisation erronée des comptes bancaires démontre qu’il savait parfaitement que les factures établies par E3.____SA étaient trompeuses à cet égard, dès le départ en 2005. Le Tribunal est donc absolument convaincu que le prévenu est directement impliqué dans la décision qui a conduit à ne pas faire figurer le compte bancaire de E3.____SA sur les 180 factures qui ont été émises dans le cadre du contrat de vente d’alumine passé avec U.____. Les autorités fiscales n’ont jamais eu les moyens de déjouer les manœuvres frauduleuses mises en place par le prévenu. Pour le reste, leur méfiance a été endormie par les déclarations mensongères qui leur ont été faites lors de la négociation du statut fiscal de E3.____SA sur instruction de X.____. Surtout, il faut rappeler, qu’à partir du moment où les flux financiers en lien avec le commerce d’alumine ne passaient pas par les comptes de E3.____SA, des mesures de vérification auraient été parfaitement illusoires. Dès le départ, X.____ savait qu’il ne devait pas utiliser les comptes de la société E3.____SA pour éviter l’imposition et il a fait en sorte que l’argent transite par ses deux sociétés offshore.

Au surplus, il faut encore insister sur le fait que ce n’est pas comme si le prévenu n’avait pas eu le contrôle des événements à l’une ou l’autre des étapes du processus et qu’il n’avait donc pas eu la possibilité de maîtriser une des opérations en lien avec le commerce de l’alumine au travers de ses sociétés. Bien au contraire, X.____ dirigeait seul l’entier de la manœuvre et était également le seul à être en mesure de le faire, respectivement à en avoir les moyens et le pouvoir de décision. Il était le seul à posséder une vision d’ensemble et à intervenir à tous les stades du processus. Enfin, on relèvera encore que malgré l’ampleur des documents recueillis durant l’enquête, il n’est pas possible de mettre la main sur un courrier, un courriel ou un autre document rédigé par le prévenu, qui a manifestement pris un soin extrême à ne laisser aucune trace écrite des directives qu’il donnait aux personnes qu’il mandatait ou qu’il engageait.

En définitive, tous les éléments constitutifs objectifs et subjectifs étant réalisés, X.____ sera reconnu coupable d’escroquerie en matière de contributions au sens de l’art. 14 al. 2 DPA. »

11. Par ordonnance du 23 juin 2021 (P. 99/1), le MPC a décidé que la procédure pénale ouverte à l’encontre d’inconnus pour blanchiment d’argent et corruption d’agents publics étrangers et de X.____ pour gestion déloyale et blanchiment d’argent était classée (1) et que la reprise de la procédure préliminaire, au sens de l’art. 323 CPP, était réservée (2).

Les faits fondant l’ordonnance de classement sont les suivants :

« 1. Historique de la procédure

1. A la suite d'une demande d'entraide judiciaire internationale en matière pénale adressée à la Suisse par les [...], le MPC a ouvert le 5 octobre 2009 une instruction (référencée sous SV.09.0152) contre inconnus pour corruption active d'agents publics étrangers au sens de l'art. 322septies CP.

2. Le 19 mai 2010, le MPC a ouvert une procédure pénale distincte (référencée sous SV.10.0071) contre inconnu pour blanchiment d'argent (art. 305bis CP) et corruption d'agents publics étrangers (art. 322septies CP) suite à une dénonciation du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS) du 10 mai 2010 transmettant une communication de la banque S1.____ du 28 avril 2010.

(…)

4. Les procédures [...] et [...] portaient sur des soupçons selon lesquels, suite à l'intermédiation de diverses sociétés dominées par X.____, l'alumine fournie par le groupe [...] O1.____ à U.____, société majoritairement détenue par [...], aurait été vendue à cette dernière société à un prix supérieur à celui du marché ; ce sans pour autant que les sociétés de X.____ n'aient effectué de prestation particulière si ce n'est d'encaisser le prix de vente surfait auprès d’U.____ et de régler les factures produites par le groupe O1.____. En contrepartie, X.____ aurait effectué plusieurs versements présumés corruptifs en faveur notamment de feu P.____, alors Ministre [...] et Président du conseil d'administration d’U.____.

5. Compte tenu du fait qu'elles portaient sur une constellation de faits identiques, les procédures [...] et [...] ont fait l'objet d'une décision de jonction du 14 mars 2011, afin qu'elles soient instruites sous le même numéro de procédure, soit SV.09.0152.

6. Le 14 mars 2011, l'instruction a été étendue à l'encontre de feu P.____ pour blanchiment d'argent (art. 305bis CP), à l'encontre de X.____ pour gestion déloyale (art. 158 CP), faux dans les titres (art. 251 CP), blanchiment d'argent (art. 305bis CP) et corruption d'agents publics étrangers (art. 322septies CP) et à l'encontre de B.____ pour gestion déloyale (art. 158 CP), faux dans les titres (art. 251 CP) et blanchiment d'argent (art. 305bis CP).

7. En lien avec le même complexe de faits que celui investigué dans le cadre de la procédure SV.09.0152, plusieurs procédures ont également été menées respectivement en Angleterre, aux [...] et en [...]. En particulier, X.____ a fait l'objet d'une procédure pénale ouverte par les autorités britanniques. Le procès qui s'est tenu du 4 novembre au 10 décembre 2013 devant la Southwark Crown Court de Londres dans la cause R v X.____ s'est soldé par l'acquittement de X.____ après que le Serious Fraud Office anglais a renoncé à poursuivre X.____. Cet acquittement est devenu définitif.

8. Suite à cette décision, le 8 avril 2015, le MPC a rendu une ordonnance de classement partiel en faveur de X.____, portant sur les chefs de prévention de corruption d'agents publics étrangers et de faux dans les titres. La procédure ouverte à l'encontre de X.____ pour blanchiment d'argent était également classée en ce qui concernait un transfert intervenu le 16 avril 2004. La procédure restait, pour le surplus, pendante à l'encontre de X.____ pour les infractions de blanchiment d'argent et de gestion déloyale.

9. Suite au décès de feu P.____ le 14 novembre 2015, le 22 mars 2016, le MPC a classé la procédure ouverte à l’encontre de ce dernier pour blanchiment d’argent (…).

10. Le 30 juin 2017, le MPC a ouvert une procédure pénale distincte (référencée sous SV.17.0984) à l'encontre d’E3.____SA et inconnus pour corruption d'agents publics étrangers (art. 322septies CP) et blanchiment d'argent aggravé (art. 305bis ch. 1 et 2 CP) en relation avec l'art. 102 al. 2 CP. Par ordonnance du 16 mars 2018, le MPC a prononcé la jonction des procédures [...] et [...] sous cette dernière référence.

11. Le 20 novembre 2017, l'instruction a été étendue, s'agissant de B.____ à l'infraction de corruption d'agents publics étrangers (art. 322septies CP).

2. Faits reprochés à X.____

12. Les faits reprochés à X.____, suite à l'ordonnance de classement partiel du 8 avril 2015, sont liés à la conclusion,

(i) les 21 et 31 décembre 2004, d'un contrat de distribution exclusive d'alumine entre la société [...] O2.____Ltd d'une part, et les sociétés E3.____SA, E2.____Ltd et A2.____Ltd, d'autre part. Selon ce contrat, O2.____Ltd s'engageait à fournir de l'alumine aux trois sociétés précitées à partir du 1er janvier 2005 et pour une durée de dix ans ;

(ii) les 11 avril et 8 juin 2005, d'un contrat de fourniture par lequel E3.____SA s'engageait à vendre à U.____ des quantités d'alumine définies, sur une période de dix ans.

13. Sur la base des contrats précités, entre 2005 et 2009, plus de 7 millions de tonnes d'alumine ont été livrées par O2.____Ltd à U.____. Des factures pour la livraison d'alumine établies au nom d’E3.____SA ont été adressées à U.____ pour un montant total de plus de USD 2,77 milliards. Les comptes bancaires indiqués sur les factures émises au nom d’E3.____SA à l'attention d’U.____ en vue de leur paiement étaient toutefois ouverts en Suisse au nom d’E1.____Ltd, puis d’E2.____Ltd, soit des sociétés tierces ayant la même raison sociale qu’E3.____SA mais incorporées dans d'autres juridictions et dont X.____ était le bénéficiaire économique final. Les factures ont ainsi été encaissées :

(i) entre janvier 2005 et juillet 2005, sur le compte no [...] au nom d’E1.____Ltd auprès de la W1.____ (société radiée depuis lors) (soit plus d'USD 215 millions), et

(ii) entre août 2005 et janvier 2010, sur le compte no [...] au nom d’E2.____Ltd auprès de la W1.____ (soit plus d'USD 2,5 milliards).

14. Qui plus est, E3.____SA a facturé l'alumine à U.____ à un prix moyen par tonne plus élevé que celui auquel elle achetait cette matière première à O2.____Ltd. Après paiement des factures d’O2.____Ltd, entre 2005 et 2010, une marge de plus de USD 185 millions a été dégagée sur les comptes d’E1.____Ltd et E2.____Ltd auprès de la W1.____. Entre 2005 et 2010, cette marge a été répartie en faveur de différents comptes d’A2.____Ltd auprès de la W1.____ ou de la W2.____ et d’E2.____Ltd auprès de la W2.____.

15. Or, E3.____SA n'a enregistré ni la vente et l'achat, ni la marge ou encore le bénéfice du commerce d'alumine dans ses comptes annuels pour les exercices 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009.

16. Initialement, en mars 2005, E3.____SA avait tenté d'obtenir un ruling de société de base, prévoyant une marge imposable en Suisse de 1 % du chiffre d'affaires, auprès de l'Administration cantonale des impôts vaudoise. En mai 2005, la demande de ruling de société de base a toutefois été retirée et remplacée par une demande de ruling de société de service, prévoyant l'imposition d’E3.____SA selon la méthode de calcul forfaitaire de la marge bénéficiaire « cost plus ».

17. X.____, bénéficiaire économique final d’E3.____SA, était administrateur de fait de cette société, prenait les décisions importantes et établissait la stratégie pour celle-ci.

18. X.____ était ainsi soupçonné d'avoir, en tant qu'administrateur de fait d’E3.____SA, porté atteinte aux intérêts de ladite société en la privant du chiffre d'affaires et du bénéfice en lien avec la vente de l'alumine à U.____, durant les années 2005 à 2009. X.____ était également soupçonné d'avoir blanchi la marge issue de la revente de l'alumine. »

Le MPC a ensuite retenu ce qui suit :

« 5. Classement des infractions reprochées à X.____

« (…)

44. Il ressort tant de la jurisprudence que de la doctrine qu'en principe le droit pénal fiscal déroge au droit pénal ordinaire en tant que lex specialis lorsque les faits reprochés ont été commis exclusivement avec pour but de contourner les réglementations fiscales. Cela vaut notamment pour l'escroquerie fiscale qui l'emporte sur l'escroquerie de droit ordinaire selon l'art. 146 CP.

45. En l'espèce, il est soupçonné que X.____ aurait, en tant qu'administrateur de fait d’E3.____SA, porté atteinte aux intérêts de ladite société en la privant du chiffre d'affaires et du bénéfice en lien avec la vente de l'alumine à U.____ durant les années 2005 à 2009. Les faits reprochés à X.____ avaient pour but de contourner les règles fiscales suisses applicables. Les actes de gestion déloyale qui auraient éventuellement été commis par ce dernier s'inscrivent dans les actes d'escroqueries en matière de contributions également reprochés à ce dernier, qui font l'objet des procédures DPA en cours à l'encontre de X.____.

46. Partant et dans la mesure où les faits reprochés à X.____ tombent sous le coup des normes pénales fiscales, il se justifie de classer la procédure à l'encontre de X.____ pour gestion déloyale (art. 319 al. 1 let. b CPP).

47. Selon l'art. 14 al. 2 DPA, l'escroquerie en matière de contributions est punissable d'emprisonnement pour un an au plus ou de l'amende jusqu'à concurrence de CHF 30'000. L'escroquerie en matière de contributions est ainsi un délit (art. 10 al. 3 CP) et ne saurait constituer un acte préalable à des actes de blanchiment d'argent au sens de l'art. 305bis CP. Dès lors, il se justifie également de classer la procédure à l'encontre de X.____ pour blanchiment d'argent (art. 319 al. 1 let. b CPP). »

En droit :

1. Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF [loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 ; RS 173.110]). L'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit contenus dans l'arrêt de renvoi. Elle ne peut en aucun cas s'écarter de l'argumentation juridique du Tribunal fédéral, aussi bien en ce qui concerne les points sur lesquels il a approuvé la motivation précédente que ceux sur lesquels il l'a désapprouvée. Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis – même implicitement – par le Tribunal fédéral (Bovey, Commentaire de la LTF, 3e éd., Berne 2022, n. 31 ad art. 107 LTF).

L’autorité à laquelle l’affaire est renvoyée est liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral et par les constatations de fait qui n’ont pas été attaquées devant lui ou l’ont été sans succès (ATF 131 III 91 consid. 5.2 ; TF 6B_29/2021 du 30 septembre 2021 consid. 1.3.1 ; TF 6B_1233/2016 du 29 août 2017 consid. 1). La motivation de l’arrêt de renvoi fixe ainsi tant le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique (ATF 135 III 334 consid. 2 ; TF 6B_1233/2016 précité consid. 1). Les faits nouveaux ne peuvent être pris en considération que sur les points ayant fait l’objet du renvoi, lesquels ne peuvent être ni étendus ni fondés sur une base juridique nouvelle (TF 6B_904/2020 du 7 septembre 2020 consid. 1.1).

2. Le Tribunal fédéral a considéré que le droit d’être entendu de l’appelant avait été violé car ce dernier n’avait pas bénéficié de suffisamment de temps pour se déterminer sur l’ordonnance de classement rendue le 23 juin 2021 par le MPC, qu’il avait déposée le 29 juin 2021 et au sujet de laquelle il avait demandé un délai « sous quinzaine » pour déposer un mémoire complémentaire. Cette violation du droit d’être entendu est désormais réparée, dès lors que l’appelant a eu la possibilité de se déterminer sur cette pièce dans ses écritures ultérieures au jugement du Tribunal fédéral.

3.

3.1 Selon le principe ne bis in idem, qui est un corollaire de l'autorité de chose jugée, nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. Ce droit est consacré à l'art. 11 al. 1 CPP et découle implicitement de la Constitution fédérale. Il est par ailleurs garanti par l'art. 4 par. 1 du Protocole no 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 22 novembre 1984 (Protocole no 7 ; RS 0.101.07) et par l'art. 14 al. 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (Pacte ONU II ; RS 0.103.2) (ATF 144 IV 362 consid. 1.3.2 ; ATF 137 I 363 consid 2.1 ; TF 6B_157/2019 du 11 mars 2019 consid. 2). Ce principe a une portée nationale. S’agissant d’un jugement d’une autorité étrangère, il convient d’examiner l’existence ou non d’un traité international (Moreillon/Parein-Reymond, Petit Commentaire, Code de procédure pénale, 2e éd., Bâle 2016, n. 5-6 ad art. 11 CPP).

L'autorité de chose jugée et le principe ne bis in idem requièrent qu'il y ait identité de la personne visée et des faits retenus, soit que les deux procédures ont pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes. La qualification juridique des faits ne constitue pas un critère pertinent (ATF 144 IV 362 consid. 1.3.2 ; ATF 137 I 363 consid. 2.2 ; ATF 125 II 402 consid. 1b ; TF 6B_279/2018 du 27 juillet 2018 consid. 1.1 ; TF 6B_1053/2017 du 17 mai 2018 consid. 4.1). L'interdiction de la double poursuite constitue un empêchement de procéder, dont il doit être tenu compte à chaque stade de la procédure (ATF 144 IV précité consid. 1.3.2).

L'interdiction de la double punition ne déploie ses effets que si le juge du premier procès avait la compétence d'examiner les faits sous toutes les qualifications envisageables (ATF 122 la 257 consid. 3 ; Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3e éd., Lausanne 2007/2011, n. 1.20 ad art. 1 CP). Le justiciable ne peut exiger que les faits qui lui sont reprochés soient jugés par une seule autorité dans une seule et même procédure (ATF 119 Ib 311 consid. 3c ; Favre/Pellet/
Stoudmann, op. cit., n. 1.23 ad art. 1 CP).

3.2 Aux termes de l'art. 54 CAAS (Convention d'application du 19 juin 1990 de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes), une personne qui a été définitivement jugée par une partie contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre partie contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d'exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la partie contractante de condamnation. Cette disposition ne règle pas, de manière générale, la question de savoir dans quelle mesure un Etat membre est lié par une décision pénale rendue dans un autre Etat membre, mais ne traite expressément que du principe ne bis in idem (TF 6B_947/2015 du 29 juin 2017 consid. 8.1 ; TF 6B_1269/2016 du 21 août 2017 consid. 3.3).

L’art. 55 CAAS admet des réserves à l’application du principe ne bis in idem. Selon cette disposition, une partie contractante peut, au moment de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation de la CAAS, déclarer qu'elle n'est pas liée par l'art. 54 CAAS dans l'un ou plusieurs des cas suivants : (let. a) lorsque les faits visés par le jugement étranger ont eu lieu soit en tout, soit en partie sur son territoire ; dans ce dernier cas, cette exception ne s'applique cependant pas si ces faits ont eu lieu en partie sur le territoire de la partie contractante où le jugement a été rendu, (let. b) lorsque les faits visés par le jugement étranger constituent une infraction contre la sûreté de l'Etat ou d'autres intérêts également essentiels de cette partie contractante, (let. c) lorsque les faits visés par le jugement étranger ont été commis par un fonctionnaire de cette partie contractante en violation des obligations de sa charge.

La Suisse a fait usage de cette réserve et a exclu l’application du principe ne bis in idem dans les cas suivants : (let. a) lorsque les faits visés par le jugement étranger ont eu lieu soit en tout, soit en partie sur son territoire ; dans ce dernier cas, cette exception ne s’applique cependant pas si ces faits ont eu lieu en partie sur le territoire de la partie contractante où le jugement a été rendu, (let. b) lorsque les faits visés par le jugement étranger constituent une infraction contre la sécurité ou d’autres intérêts essentiels de la Suisse, ou (let. c) lorsque les faits visés par le jugement étranger ont été commis par un fonctionnaire de la Confédération suisse, en violation des obligations de sa charge (cf. RS 0.361.31, « Déclarations et communication de la Suisse »).

3.3

3.3.1 L’appelant conteste le refus, prononcé à titre préjudiciel par le Tribunal correctionnel (jgt, pp. 14-19), de classer la procédure en application du principe ne bis in idem. Il estime que le jugement d'acquittement anglais rendu le 10 décembre 2013 par la Southwark Crown Court de Londres, l'ordonnance de classement partiel rendue le 8 avril 2015 par le MPC et l’ordonnance de classement rendue le 23 juin 2021 par le MPC ont déjà statué sur les mêmes points et qu'il n'y a donc plus de place pour la procédure initiée par l'AFC.

Procédures

L’appelant relève que les trois procédures précitées ont une origine commune, à savoir la plainte déposée par la société U.____ aux [...] en lien avec de prétendus actes de corruption en marge d’importants contrats passés avec la société O1.____, l’ouverture d’une enquête au Royaume-Uni à son encontre et contre Q.____ par le SFO en juillet 2009, ainsi que l’ouverture d’une enquête en Suisse par le MPC le 5 octobre 2009. Ensuite, les informations recueillies par le MPC en lien avec la société E3.____SA ont été communiquées à l’AFC le 21 février 2012 et, dans le prolongement de cette communication, la DAPE de l’AFC a ouvert la présente procédure pénale administrative le 15 août 2012.

Concernant la procédure anglaise, l’appelant soutient que le champ matériel des faits examinés couvrait une période allant de septembre 1998 à septembre 2009, en lien notamment avec les paiements d’U.____ aux sociétés qu’il contrôlait. Avant la clôture de l’administration des preuves, il a été acquitté à la suite de l’admission par le SFO qu’il n’existait pas de perspective réaliste d’obtenir sa condamnation.

Concernant la procédure MPC, l’appelant expose que cette autorité a considéré qu’une partie des faits sous-jacents pouvaient s’être produits en Suisse et a dès lors ouvert une procédure contre inconnus le 5 octobre 2009 pour soupçons de corruption d’agents publics étrangers. Le 14 mars 2011, la procédure a été étendue à son encontre pour les infractions de corruption active d’agents publics étrangers, faux dans les titres, gestion déloyale et blanchiment d’argent, intervenues entre le 29 mars 1999 et le 31 décembre 2008. A la suite de son acquittement anglais, le MPC a prononcé un classement partiel portant sur les chefs de prévention de corruption et faux dans les titres. Ensuite, le MPC a considéré – à tort à son avis – que les faits couverts par la procédure anglaise se distinguaient de ceux fondant les soupçons de gestion déloyale dans la gestion de la société E3.____SA et le blanchiment d’argent en découlant, si bien que l’instruction s’était poursuivie. Une ordonnance de classement avait finalement été rendue.

Concernant la présente procédure DAPE, l’appelant expose que, à la suite de la dénonciation du MPC, l’AFC a ouvert une procédure pénale administrative à son encontre le 15 août 2012 en raison de soupçons de violation de l’obligation de transfert, de soustraction d’impôt, respectivement d’escroquerie en matière de contributions commises dans la gestion de la société E3.____SA au cours des exercices 2005 à 2009. Le 2 mai 2019, l’AFC a transmis un renvoi pour jugement à son encontre pour les exercices 2006 à 2009. Le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne ayant conclu à sa condamnation, la cause a été transmise au Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne qui a rendu son jugement le 29 juin 2020.

L’appelant soutient que ces trois procédures ont toutes pour objets les mêmes faits. Il se fonde sur six critères pour le démontrer, soit les entités visées, les contrats concernés, les paiements intervenus, la facturation à U.____, les transferts ultérieurs et le modus operandi. Pour chaque critère, l’appelant a établi un tableau de comparaison des faits sous-tendant chacune des trois procédures pour établir les faits communs (pp. 8-.14) En résumé, il expose que les éléments suivants se recoupent :

s’agissant des sociétés portant la raison sociale E.____ : les faits poursuivis ont impliqué le recours à plusieurs sociétés, entre 2002 et 2009, sous l’enseigne E.____ ;

en ce qui concerne les contrats de vente et d’achat d’alumine : le comportement reproché a été adopté entre 2005 et 2009 ;

toujours s’agissant des contrats de vente et d’achat d’alumine : les comportements incriminés ont été mis en œuvre, entre 2005 et 2009, dans le contexte d’un contrat de distribution signé en 2004 avec O1.____ (« distribution agreement ») et un contrat de fourniture signé en 2005 (« supply agreement ») ;

s’agissant des paiements effectués par U.____ à E3.____SA : entre avril 2002 et septembre 2009, U.____ a effectué des paiements à E3.____SA pour un montant total d’environ USD 3'000’0000 ;

s’agissant des factures envoyées à U.____ : E3.____SA a été utilisée aux fins de faire croire à U.____ qu’elle faisait du commerce avec une société suisse associée à O1.____, alors qu’en réalité les paiements à effectuer devaient l’être sur des comptes bancaires de société homonymes à [...] et aux [...]. Par conséquent, aucun fonds n’a été versé à E3.____SA et aucun enregistrement n’a dès lors été fait dans les livres ou déclarations fiscales d’E3.____SA ;

s’agissant des transferts ultérieurs : seulement une partie des paiements effectués par U.____ a ensuite été transférée à O1.____, le solde lui ayant été versé in fine.

Principe ne bis in idem transnational

L’appelant fait valoir que les conditions d’application de l’art. 54 CAAS sont réalisées, à savoir l’existence d’un jugement définitif rendu par un Etat contractant (l’acquittement anglais du 10 décembre 2013), l’identité des faits (idem), la répétition des poursuites dans un autre Etat contractant (bis) et, en cas de condamnation, l’exécution passée, actuelle ou plus possible de la peine prononcée, de sorte que cela empêche tout autre Etat contractant de poursuivre la même personne pour les mêmes faits.

S’agissant de l’existence d’un jugement définitif, l’appelant considère que le verdict d’acquittement prononcé en sa faveur le 10 décembre 2013 a un caractère complet et définitif étant donné qu’il était entièrement basé sur l’appréciation qu’il n’y avait pas d’élément de preuve suffisant pour que le jury puisse le condamner, ce qui a été confirmé par le SFO au MPC le 8 mai 2014 (P. 66, annexe 190.105.284). Concernant l’identité des faits, il allègue qu’il ressort explicitement de la comparaison des faits pertinents qu’il a effectuée que la procédure anglaise et la présente procédure DAPE ont pour objets les mêmes faits ou des faits essentiellement identiques, soit qu’elles concernent les mêmes entités, les mêmes contrats, les mêmes flux de paiements, le même modèle de facturation, les mêmes transferts d’argent via des sociétés offshore et le même modus operandi, et que cela a été confirmé par le SFO dans sa lettre du 1er septembre 2020 (P. 98/1/213). Concernant la répétition des poursuites dans un autre Etat contractant, il expose que celle-ci se matérialise par la présente procédure DAPE, étant précisé qu’une seconde répétition des poursuites consiste en la procédure MPC, laquelle est désormais à juste titre définitivement classée telle qu’elle aurait dû l’être en 2015 déjà au moment du classement partiel. Enfin, dans la mesure où la décision de la Southwark Crown Court du 10 décembre 2013 constituait un acquittement, la question d’une sanction exécutée, en cours d’exécution ou inexécutable, ne se pose pas.

L’appelant soutient en outre que la contre-exception prévue à l’art. 55 al. 1 let. a, 2e phrase CAAS et répétée dans la réserve suisse, lui est applicable car une partie des faits qui lui sont reprochés ont eu lieu sur le territoire anglais, le système incriminé ayant été mis en place depuis le Royaume-Uni. En d’autres termes, il considère que la réserve de la Suisse excluant l’application du principe ne bis in idem n’est pas applicable et que la Suisse est liée par l’art. 54 CAAS.

Concernant le Brexit, l’appelant ajoute qu’il a été acquitté dans la procédure londonienne en décembre 2013, soit alors que tant la Suisse que le Royaume-Uni étaient parties à la CAAS, et que la présente procédure DAPE était pendante à ce moment-là, de sorte que l’art. 54 CAAS était déjà applicable dès décembre 2013. Il considère en effet que son acquittement définitif a éteint l’action pénale de la Suisse s’agissant des faits qui le sous-tendaient et qui sont les mêmes que ceux de la procédure DAPE. Par conséquent, le fait que l’art. 54 CAAS ne s’applique plus aujourd’hui en raison de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne est sans incidence, puisque l’art. 54 CAAS a de toute manière cessé de s’appliquer dans les rapports entre la Suisse et le Royaume-Uni dès décembre 2013, lorsque l’action pénale de la Suisse s’est éteinte.

Principe ne bis in idem national

L’appelant considère que toutes les conditions du principe ne bis in idem national sont réalisées, à savoir l’existence de deux procédures à caractère pénal (la procédure MPC et la procédure DAPE), l’identité des faits (idem), l’existence d’une décision définitive ou entrée en force et la répétition des poursuites (bis).

S’agissant de l’existence deux procédures à caractère pénal, l’appelant soutient que les procédures MPC et DAPE sont toutes deux de nature pénale et que cela se manifeste à plusieurs égards dans la présente cause, soit par le fait que la DPA constitue une loi pénale et prévoit une procédure véritablement pénale comme l’illustrent par exemple les mesures de contrainte prévues aux art. 45 ss DPA et que c’est la DAPE qui a initié la présente procédure, les procédures administratives étant du ressort d’autres divisions de l’AFC.

S’agissant de l’identité des faits (idem), l’appelant soutient que c’est une analyse des faits (idem factum) et non des infractions (idem crimen) qui est déterminante, que cela ressort de l’arrêt de principe de la CourEDH dans la cause Zolotoukhine et que l’arrêt topique du Tribunal fédéral (ATF 137 I 363) se réfère extensivement à l’arrêt Zolotoukhine et adopte le même raisonnement. L’examen doit ainsi porter sur la comparaison de l’exposé des faits concernant l’infraction pour laquelle il a déjà été jugé avec celui se rapportant à la seconde infraction dont il est accusé. Dans le cas d’espèce, l’appelant allègue que les faits objets de la procédure MPC sont les mêmes que ceux objets de la présente procédure DAPE : ces procédures concernent le même prévenu, en sa qualité d’organe de fait d’E3.____SA, le même comportement, à savoir le fait d’avoir privé E3.____SA du chiffre d’affaires et du bénéfice en lien avec le commerce d’alumine avec U.____, en omettant de les refléter dans les comptes de la société, le même modus operandi, à savoir l’existence des mêmes contrats d’achat et de vente, l’utilisation des mêmes sociétés, des mêmes factures et des mêmes comptes bancaires notamment, et le même reproche, soit celui d’avoir transféré à son compte le produit de la vente d’alumine fournie à U.____ et la marge bénéficiaire perçue sur ces ventes, en évitant au passage de payer un quelconque impôt.

Sous l’angle de l’existence d’une décision définitive ou entrée en force, l’appelant estime qu’il doit être considéré aujourd’hui comme définitivement acquitté de tous les faits que le MPC lui reprochait.

Concernant la répétition des poursuites (bis), l’appelant estime que les procédures MPC et DAPE ne forment pas un tout cohérent comparable aux procédures pénale et administrative comme en matière de circulation routière, si bien que la clôture définitive de la procédure MPC s’oppose à la poursuite de la présente procédure DAPE. Premièrement, ni la CourEDH ni le Tribunal fédéral n’ont admis que deux procédures de nature pénale (par opposition à une procédure pénale et une procédure administrative à caractère pénal) portant sur les mêmes faits échappent à l’application du principe ne bis in idem. Deuxièmement, les sanctions encourues dans le cadre de la procédure MPC, conduite notamment pour gestion déloyale, et la présente procédure DAPE, conduite pour escroquerie en matière fiscale, sont similaires, ce qui tend à démontrer qu’il existe un rapport de duplication et non de complémentarité entre elles. Troisièmement, dans la mesure où il s’agissait d’instruire un même état de fait, le MPC aurait pu se saisir de la procédure pénale fiscale, moyennant l’accord de l’AFC (DAPE), ce que prévoit par ailleurs l’art. 20 al. 3 DPA. Quatrièmement, le MPC et la DAPE ont instruit sur les mêmes faits en parallèle, sans se coordonner et en dupliquant de nombreux actes d’investigation, comme le montre le tableau synoptique joint à la déclaration d’appel du 31 août 2020 (P. 78/2).

En définitive, l’appelant considère qu’il ne lui appartient pas de subir les conséquences d’une clôture non coordonnée des deux procédures pénale et pénale fiscale. Il considère qu’en rendant une ordonnance de classement concernant la même personne et les mêmes faits objets de la présente procédure, le MPC a consommé l’action pénale des autorités suisses, à supposer qu’elle ne l’ait pas déjà été par l’acquittement anglais de 2013. Ce faisant le MPC a donc créé un empêchement durable de procéder (supplémentaire) commandant le classement de la présente procédure.

3.3.2 Concernant l’application de l’art. 54 CAAS, l’AFC soutient que les faits poursuivis du chef de prévention d’escroquerie en matière de contributions se sont déroulés sur le territoire suisse, que la société sur le compte bancaire de laquelle le chiffre d’affaires a été encaissé était sise aux [...], territoire hors Union européenne qui n’était pas lié par la CAAS, et que les montants concernés ont été versés sur un compte bancaire suisse auprès de la W1.____. Ainsi, même dans l’hypothèse – qui n’est réalisée en l’espèce – où l’acquittement anglais aurait portés sur les « mêmes faits », les autorités suisses seraient fondées à juger des faits qui se seraient déroulés entièrement sur son territoire et l’appelant ne pourrait pas se prévaloir de l’art. 54 CAAS pour faire échec à la procédure en cours. En outre, elle considère que le moment de l’application de l’art. 54 CAAS devait se faire au moment où la Cour d’appel pénale se prononçait, soit lorsque la Suisse n’était plus liée par l’art. 54 CAAS envers le Royaume-Uni.

L’AFC soutient par ailleurs que, selon la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), la notion de « mêmes faits » est celle de l’identité des faits matériels, compris comme l’existence d’un ensemble de faits indissociablement liés entre eux dans le temps, dans l’espace ainsi que par leur objet, et que, selon le Tribunal fédéral, ce n’est qu’en présence d’une même infraction qu’il convient de se demander s’il y a eu répétition des poursuites.

Concernant la procédure anglaise, l’AFC allègue que les faits retenus, à savoir les 59 paiements corruptifs présumés en faveur de P.____ et Q.____ durant la période du 4 septembre 1998 au 30 juin 2006 et le transfert d’un bien d’origine criminelle en lien avec un paiement de EUR 1'210'038.65 intervenu le 16 avril 2004, sont les mêmes que ceux de l’ordonnance partielle du 8 avril 2015, ce qui a précisément conduit au classement de la procédure pour corruption et blanchiment en application du principe ne bis in idem.

Concernant la procédure MPC, l'AFC estime que le principe ne bis in idem ne s'applique pas stricto sensu, chaque autorité ayant des compétences propres et exclusives. Le MPC n'était pas compétent pour juger d'infractions fiscales, sauf cas de jonction avec une procédure déjà ouverte. Par ailleurs, le principe ne bis in idem ne faisait pas obstacle à un concours idéal d'infractions. Ainsi, si un comportement était constitutif de deux infractions, l'une ordinaire, l'autre fiscale, deux jugements restaient possibles.

3.4 Le Tribunal fédéral a retenu que, dans la mesure ou l’appelant bénéficiait d’un acquittement anglais du 10 décembre 2013, la Cour de céans aurait dû examiner s’il existait ou non un traité avec le Royaume-Uni en relation avec le principe ne bis in idem.

En l’espèce, les parties sont d'accord pour dire que le principe ne bis in idem en matière interne à la Suisse résulte de l'art. 11 CPP, de la Cst., de l'art. 4 par. 1 Protocole no 7 et de l'art. 14 al. 7 Pacte ONU II, et, en matière internationale, entre la Suisse et le Royaume-Uni, potentiellement de l’art. 54 CAAS.

Le Royaume-Uni a formellement quitté l’Union européenne le 31 janvier 2020, avec une période de transition prévue jusqu’au 31 décembre 2020. Il n’existe aucune disposition transitoire dans la CAAS en cas de sortie d’un Etat membre de l’Union européenne et il semble qu’aucune jurisprudence européenne n’ait encore été rendue en la matière. Dans le cas particulier, le Tribunal correctionnel a statué le 29 juin 2020, soit pendant la période de transition du 1er février au 31 décembre 2020, et la Cour d’appel pénale a statué pour la première fois le 14 juillet 2021, soit après que la Suisse n’était plus liée par l’art. 54 CAAS envers le Royaume-Uni. A priori, le moyen de l’appelant consistant à soutenir que la contre-exception de la réserve de la Suisse tirée de l’art. 55 CAAS s’appliquerait – soit que la réserve de la Suisse excluant l’application du principe ne bis in idem ne s’appliquerait pas – semble pertinent dans la mesure où une partie des faits sous-jacents de l’infraction d’escroquerie en matière de contributions se serait déroulée sur territoire britannique. La résolution de cette problématique, de même que celle de savoir à quel moment l’art. 54 CAAS s’applique dans le cadre de la présente procédure peuvent toutefois demeurer ouvertes. Le principe ne bis in idem a en effet une vocation universelle et doit trouver à s’appliquer en tout temps.

Il convient donc d’examiner si le principe ne bis in idem est respecté.

3.5 Le Tribunal fédéral a estimé que les complexes des faits du jugement d’acquittement anglais du 10 décembre 2013, de l’ordonnance de classement partiel du 8 avril 2015 et de l’ordonnance de classement du 23 juin 2021 devaient être établis et comparés afin de pouvoir apprécier le principe ne bis in idem.

3.5.1 L’AFC émet d'abord des doutes sur la question de savoir si le jugement anglais a véritablement autorité de chose jugée, dès lors que c'est le SFO qui a retiré son accusation, faute de preuve. Il ressort toutefois du courrier du SFO du 8 mai 2014 (P. 66, annexe 190.105.284-286) que l’affaire ne pourra pas être rejugée en Angleterre. En effet, à la question no 1 du MPC : « Le jugement de X.____ peut-il encore faire l’objet d’un recours ? », le SFO a répondu : « La réponse est que l’Accusation n’est pas en mesure de faire appel de ce résultat et M. X.____ doit être considéré comme ayant été acquitté de ces délits » ; et, à la question no 2 : « Le jugement de X.____ prononçant un acquittement est-il définitif » », le SFO a répondu : « Ce jugement est définitif et l’Accusation ne peut pas rouvrir le dossier ». La condition de l’existence d’un jugement définitif est donc remplie.

3.5.2 L’appelant a fait l’objet d’une procédure pénale menée par les autorités anglaises. Lors des débats du 4 novembre au 10 décembre 2013, la cour anglaise a examiné huit chefs d’accusation (counts 1 à 8) regroupés dans l’indictment. Le count 1 était un chef d’accusation général reprochant à l’appelant d’avoir, entre le 4 septembre 1998 et le 30 juin 2006, effectué 59 paiements corruptifs en faveur de P.____ ([...] et président du conseil d’administration d’U.____) ou de sociétés dont il était l’ayant droit économique, ainsi qu’en faveur de Q.____ (CEO d’U.____) ou de sociétés dont il était l’ayant droit économique. Le but de l’appelant aurait été de convaincre ces derniers de lui acheter de l’alumine, préalablement achetée à O1.____, à un prix supérieur au marché. Les counts 2 à 7 consistaient en une énumération à titre d’exemple de six paiements corruptifs ponctuels couverts par le count 1. Les 59 paiements étaient inventoriés dans le document intitulé « X.____ Payments Timeline » établi par le SFO (P. 66, annexe 190.105.278-282). Le count 8 était un chef d’accusation de blanchiment d’argent et portait sur le transfert d’un bien d’origine criminelle en lien avec un paiement de EUR 1'210'038.65 intervenu le 16 avril 2004 à partir d’un compte au nom d’A1.____Ltd auprès de la W1.____ sur un compte au nom d’A2.____Ltd auprès de la W2.____. Dans son courrier du 8 mai 2014, le SFO a confirmé que l’acquittement de X.____ couvrait uniquement la période visée dans le count 1, soit du 4 septembre 1998 au 30 juin 2006 (cf. réponse à la question no 3). L’appelant n’a donc pas été acquitté « pour l'ensemble des opérations d'achat et de revente d'alumine intervenues entre 2006 et 2009 » comme il le plaide, mais seulement en ce qui concerne les 59 paiements corruptifs présumés entre le 4 septembre 1998 et le 30 juin 2006.

3.5.3 Le raisonnement de l’appelant tendant à extraire de manière isolée plusieurs faits communs aux trois procédures, selon six critères, n’est pas pertinent. Les sociétés qu’il a « utilisées comme véhicules de distribution de bénéfices en sa faveur », notamment E3.____SA, E1.____Ltd et E2.____Ltd, les contrats commerciaux passés avec O1.____ et U.____, la facturation à U.____ et les paiements effectués par celle-ci sur les comptes des sociétés offshore sont des faits qui exposent dans quel contexte les diverses infractions reprochées ont été commises, ce que les autorités anglaises ont par ailleurs également relevé (cf. infra, consid. 3.5.4). La question de savoir comment l’appelant a ventilé l’argent de la revente de l’alumine à U.____ (pour payer les factures d’O1.____, pour corrompre ou pour lui-même) n’est pas déterminante. Quant au modus operandi, il ne s’agit pas de « mêmes faits », mais du système mis en place par l’appelant pour tromper la société U.____ et les autorités compétentes, à tout le moins.

3.5.4 Dans la présente procédure, les faits constitutifs des escroqueries en matière de contributions couvrent la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2009, de sorte que, d’un point de vue temporel, l’examen du principe ne bis in idem en lien avec l’acquittement anglais ne doit être opéré pour la période du 1er janvier au 30 juin 2006. Or, dans son courrier du 8 mai 2014, le SFO a confirmé que les counts 1 à 8 ne concernaient pas les valeurs patrimoniales payées par U.____ aux sociétés E.____ en exécution des contrats de fourniture d’alumine, que lesdites sociétés E.____ n’avaient pas figuré comme prévenues ou co-conspiratrices dans l’acte d’accusation anglais et que les paiements d’U.____ avaient simplement été mentionnés dans la procédure comme contexte ou but (et résultat) de la corruption présumée (cf. réponse aux questions nos 8 et 9). De plus, le bénéfice du commerce d’achat et de vente d’alumine intervenu entre 2006 et 2009 réalisé par la société E3.____SA n’a pas été versé à P.____ ou à Q.____, mais à l’appelant par l’intermédiaire de comptes bancaires dont il était l’ayant droit économique, de sorte que les flux financiers n’ont pas bénéficié aux mêmes personnes. La condition d’identité de faits matériels n’est par conséquent pas réalisée. En outre, comme exposé par l’intimée (mémoire, pp. 8-9), durant la période examinée, soit du 1er janvier au 30 juin 2006, la divergence importante entre le montant corruptif présumé (8'143'185 fr.) et le montant des bénéfices dissimulés (27'242'173 fr.) démontre également l’absence d’identité de faits matériels.

3.5.5 Dans l’ordonnance de classement partiel du 8 avril 2015, l’accusation de corruption d’agents publics étrangers portait sur le versement de USD 23'094'460 à des fins corruptives présumées à P.____ entre le 29 mars 1999 et le 31 décembre 2008. Le MPC a constaté que l’acquittement anglais valait uniquement pour les 59 paiements corruptifs présumés intervenus entre le 4 septembre 1998 et le 30 juin 2006 en faveur de P.____ et de Q.____ et que les investigations conduites en Suisse n’avaient apporté aucun élément propre à remettre en cause le fait que l’appelant avait agi, au moins en partie, à Londres afin de procéder aux paiements litigieux. Par conséquent, la réserve de la Suisse au regard de l’art. 54 CAAS ne s’appliquait pas et la poursuite contre l’appelant du chef de corruption devait être classée, en application du principe ne bis in idem. Le MPC a précisé que les 59 paiements englobaient les 20 paiements recensés dans le rapport établi le 14 mars 2012 par le Centre de compétence des experts économiques et financiers du MPC, ainsi que les versements pour un montant total de USD 23'094'460 mentionnés dans l’ordonnance d’extension du 14 mars 2011.

Le classement partiel du MPC portait donc sur les mêmes faits que le classement anglais, soit exclusivement sur les 59 paiements corruptifs présumés effectués du 4 septembre 1998 au 30 juin 2006.

3.5.6 Toujours dans l’ordonnance partielle du 8 avril 2015, le MPC a également classé la procédure à l’encontre de l’appelant du chef de prévention de faux dans les titres commis au sein des sociétés J.____SA en liquidation (anciennement E3.____SA, puis I.____SA) et E3.____SA. Le MPC a considéré que ce chef de prévention concernait la comptabilité mensongère de ces deux sociétés, par l’omission d’inscription de l’encaissement des factures émises de 2002 à 2004 par la société J.____SA en liquidation et de 2005 à 2008 par la société E3.____SA. La procédure a été classée parce qu’il n’était pas établi que l’appelant était personnellement impliqué dans l’établissement de cette comptabilité.

En revanche, dans le cadre de la présente procédure, il n’est pas reproché à l’appelant d’avoir soustrait l’impôt anticipé en déposant une comptabilité inexacte, mais de l’avoir fait en raison de l'astuce consistant à faire verser l'argent de la vente de l’alumine à U.____ directement sur les comptes suisses de deux sociétés offshore (E1.____Ltd et E2.____Ltd) au lieu du compte suisse d’E3.____SA auprès de la même banque. Il n’y a donc aucune identité des faits matériels entre ceux ayant justifié le classement du chef de prévention de faux dans les titres et ceux poursuivis au titre de l’escroquerie fiscale.

3.5.7 Par ordonnance du 23 juin 2021, le MPC a classé l'accusation de gestion déloyale – et dans la foulée celle de blanchiment d'argent – parce qu'il a estimé que le droit pénal fiscal dérogeait au droit pénal ordinaire en tant que lex specialis, respectivement que l’escroquerie fiscale l’emportait sur l’escroquerie de droit ordinaire de l’art. 146 CP. En effet, les actes de gestion déloyale commis par l’appelant s’inscrivaient dans les actes d’escroquerie en matière de contributions. Le MPC a également classé la procédure dirigée contre l’appelant pour blanchiment d’argent, car l’escroquerie en matière de contributions selon l’art. 14 al. 2 DPA était un délit et ne pouvait donc pas constituer un acte préalable à un blanchiment d’argent au sens de l’art. 305bis CP, lequel supposait un tel blanchiment de valeurs patrimoniales provenant d’un crime ou d’un délit fiscal qualifié. Le classement pour ces chefs d’accusation ne pouvait donc déployer aucun effet ne bis in idem sur la procédure pénale fiscale pour escroquerie en matière de contributions. C’est uniquement parce que les faits reprochés à l’appelant tombaient sous le coup des normes pénales spéciales, en l’occurrence fiscales, que le MPC a renoncé à poursuivre l’appelant pour gestion déloyale et blanchiment d’argent. Par conséquent, une telle décision n’était pas un obstacle dirimant à la poursuite de la présente procédure et à la condamnation de l’appelant pour soustraction d’impôt, comme on le verra ci-dessous. L'AFC avait en outre une compétence propre dans ce domaine, puisqu’elle a ouvert une enquête le 15 août 2012, après que le MPC avait ouvert la sienne le 5 octobre 2009.

3.5.8 Toujours dans l’ordonnance du 23 juin 2021, il était reproché à l’appelant, à titre du chef de prévention de gestion déloyale, d’avoir, en tant qu’organe de fait d’E3.____SA, porté atteinte aux intérêts de cette société en la privant du chiffre d’affaires (soit des factures établies à son nom pour un montant total de USD 2.77 milliards) et du bénéfice réalisé (soit USD 185 millions), après paiement des factures d’O1.____, en lien avec l’omission d’inscrire ces transactions dans la comptabilité d’E3.____SA. A titre du chef de prévention de blanchiment d’argent, il était reproché à l’appelant d’avoir viré sur des comptes bancaires ouverts à [...], notamment au nom de la société A2.____Ltd, une partie des montants encaissés sur la base des factures émises par J.____SA en liquidation et par E3.____SA, mais non déclarées dans la comptabilité de ces deux sociétés. Dans la présente procédure, il est reproché à l’appelant d’avoir, en tant qu’organe de fait d’E3.____SA, soustrait les montants d’impôt anticipé qui auraient dû être perçus à la source sur les distributions (dissimulées) de bénéfices provenant du commerce d’alumine intervenu entre 2006 et 2009. Il n’y a aucune identité de faits entre l’accusation portant sur un comportement visant à porter atteinte aux intérêts d’une société en la privant de l’encaissement de factures, puis à blanchir l’argent que cette société aurait dû encaisser, et l’accusation portant sur un comportement visant à porter atteinte aux intérêts de la collectivité publique en se soustrayant à l’impôt anticipé.

3.6 L'appelant soutient encore qu’il n’était pas nécessaire de maintenir deux procédures pénales distinctes (de droit pénal administratif et de droit pénal ordinaire) et que le MPC aurait pu se saisir de ces deux aspects, moyennant l’accord de l’AFC, et joindre les deux procédures, d’autant que les deux autorités étaient conscientes de l’identité des faits sous enquête. Cet argument n’est pas pertinent. D’une part parce que si les causes avaient été jointes, le prévenu n'aurait rien trouvé à redire au fait qu'il soit également jugé pour escroquerie en matière de contributions, d’autre part parce qu’il aurait pu requérir cette jonction, ce qu’il n’a pas fait.

4.

4.1 L'appelant invoque ensuite la prescription de l'action pénale pour les années 2006 et 2007. Invoquant la « doctrine majoritaire », en particulier un avis de droit produit en première instance (P. 63/124), il soutient que le prononcé pénal rendu par l’AFC le 25 janvier 2019 (P. DAPE 170.090.001) ne vaudrait pas jugement mettant fin au cours de la prescription au sens de l'art. 97 al. 3 CP.

4.2 Le droit pénal administratif prévoit la procédure suivante : l'autorité administrative rend un mandat de répression (art. 64 DPA), contre lequel le prévenu peut faire opposition. Dans ce cas, elle peut rendre un prononcé pénal (art. 70 DPA) ou directement, avec l'accord de l'intéressé, considérer l'opposition comme une demande de jugement par un tribunal. Contre le prononcé pénal, le prévenu peut demander à être jugé par un tribunal.

La jurisprudence constante du Tribunal fédéral considère que la prescription est interrompue à partir du moment où l’autorité administrative a rendu un prononcé pénal au sens de l’art. 70 DPA, ce prononcé étant équivalent à un jugement de première instance au sens de l’art. 97 al. 3 CP – disposition ayant succédé à l’art. 70 al. 3 aCP – (ATF 133 IV 112 ; ATF 139 IV 62, confirmés récemment dans l’arrêt TF 6B_178/2019 du 1er avril 2020).

4.3 En l'espèce, l'appelant ne conteste pas qu'il y a eu mandat de répression, puis sur opposition, prononcé pénal, après quoi il a demandé à être jugé par un tribunal (cf. P. 18 notamment). Selon l'appelant lui-même, le délai de prescription arrivait à échéance le 5 février 2019 pour l'année 2006 et le 8 janvier 2020 pour l'année 2007. La prescription n'était donc pas acquise au moment du prononcé pénal, le 25 janvier 2019, étant précisé que l'avis de la doctrine ne peut évidemment prendre le pas sur la jurisprudence du Tribunal fédéral.

5.

5.1 L'appelant invoque une constatation erronée et incomplète des faits. Il reproche d'abord aux premiers juges d'avoir retenu en sa défaveur le fait que l'ensemble des sociétés de son groupe portait le nom E.____. Cela serait usuel et conforme au droit. Chaque société aurait été constituée pour un motif commercial précis. Il se plaint que le Tribunal correctionnel n'a pas retenu les circonstances de la création d’E3.____SA.

L'appelant conteste ensuite avoir été l’unique décideur du groupe de sociétés et donc un organe de fait. Les premiers juges auraient omis d'examiner le rôle et les responsabilités des organes de droit, alors qu'ils avaient noté qu'il s'était entouré de professionnels particulièrement pointus dans leur domaine.

L'appelant estime que les premiers juges auraient analysé de manière erronée les tractations de son avocat avec le fisc vaudois et se seraient trompés sur leur portée. Ces tractations auraient dû être décrites en détail. Il s'agissait, selon l’appelant, uniquement de définir un statut fiscal pour l'impôt direct. La possibilité que E3.____SA fasse avec U.____ du trading d'alumine, qu'elle aurait au préalable acheté à une société offshore, aurait été ouvertement discutée. L'AFC, qui prélevait l'impôt anticipé sur des distributions de bénéfices, n'aurait jamais été approchée. L'appelant en conclut qu'il serait erroné de retenir qu'il avait une parfaite connaissance des conséquences fiscales de la décision de faire d’E3.____SA une société de service. Il prétend qu'il n'aurait pas eu conscience de risquer le prélèvement d'un impôt anticipé pour le motif qu'il ne pouvait pas s'attendre à ce que l'AFC refuse d'admettre que E3.____SA, en signant le contrat avec U.____, ne faisait que représenter indirectement les sociétés offshore, réels cocontractants, en d'autres termes se serait contentée de fournir un service conformément à son statut.

En ce qui concerne les comptabilités des sociétés offshore, l’appelant soutient que c'est par erreur que le bénéfice réalisé grâce à la vente d'alumine à U.____ ne figurerait que dans la version corrigée à fin 2008 des comptes 2007. Les comptes 2008, établis en février 2010, et les comptes 2009, établis en août 2010, comporteraient le bénéfice résultant de ces ventes. Quant aux comptes 2005 et 2006, ils auraient été mis à jour en 2014. Ce serait donc à tort que les premiers juges auraient dénié toute valeur probante à ces comptes établis après la demande d'entraide formulée par [...] auprès de la Suisse. Il fait valoir à cet égard qu'il ne serait pas établi qu'il aurait été au courant de cette demande d'entraide, que les sociétés offshore n'auraient pas besoin d'établir une comptabilité et que leur comptabilité pourrait toujours être rectifiée ultérieurement.

5.2 Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (art. 10 al. 2 CPP). L'appréciation des preuves est l'acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l'application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d'indices ; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d'autres termes, ce n'est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 34 ad art. 10 CPP).

La constatation des faits est incomplète au sens de l'art. 398 al. 3 let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 19 ad art. 398 CPP).

5.3

5.3.1 En l’occurrence, les premiers juges ont décrit les sociétés en cause en pages 44 à 46 de leur jugement. Les motifs de leur création ne sont pas décrits. Cela importe peu dès lors que les premiers juges n'ont pas considéré comme problématique la seule existence de sociétés portant le même nom ou reproché au prévenu d'avoir créé E3.____SA pour un motif répréhensible. Ils ont seulement relevé que cela avait permis au prévenu d'amener U.____ à payer son dû sur des comptes de sociétés offshore.

Si l’on peut admettre que le prévenu n'a pas créé E3.____SA dans le but de commettre une infraction et qu’il espérait dans un premier temps obtenir un statut fiscal satisfaisant, le grief de constatation incomplète des faits doit être rejeté, les motifs de la création d’E3.____SA n'étant en effet pas déterminants pour statuer sur l'accusation.

5.3.2 Les premiers juges ont traité la question du pouvoir décisionnel au sein des sociétés du groupe aux pages 47 à 49 de leur jugement. Dans la présente procédure, X.____ est seul accusé. Le Tribunal correctionnel n'avait donc qu'à examiner le rôle de celui-ci. La Cour de céans relève que l'appel ne discute pas du tout des indices qui ont amené les juges à considérer que le prévenu était un organe de fait et le seul décideur. Le fait qu'il était entouré de professionnels signifie qu'il disposait d'informations lui permettant de prendre des décisions en toute connaissance de cause, non qu'il était un instrument entre leurs mains. Le grief de constatation erronée des faits doit dès lors être rejeté.

5.3.3 Les premiers juges ont traité la question des tractations avec le fisc aux pages 53 à 54 de leur jugement. Contrairement à ce que soutient l'appelant, rien ne permet de dire que le Tribunal correctionnel aurait confondu l’AFC et l’ACI. Il n'a jamais été dit que la question de l'impôt anticipé avait été abordée avec le fisc. Il est établi que le prévenu était entouré de fiscalistes chevronnés. Celui-ci fait valoir que s'il s'était entouré de spécialistes, ce serait la preuve qu'il n'avait pas ces compétences. Certes, mais le Tribunal correctionnel n'a pas retenu qu'il était lui-même un spécialiste, seulement qu'il était renseigné, à juste titre. Le choix du prévenu visait en effet l'optimisation fiscale. Espérant encaisser les bénéfices, il est logique de retenir qu'il s'était forcément renseigné sur ces questions.

Il est établi qu’U.____ ne voulait pas traiter avec une société offshore, raison pour laquelle le prévenu était contraint de contracter par le biais de la société E3.____SA, alors même qu'il n'avait pas obtenu le statut fiscal espéré pour une telle activité de trading. C'est en vain que l'appelant raisonne sur la prémisse que la société E3.____SA aurait agi comme représentante indirecte des sociétés offshore. En effet, la personne qui gérait celles-ci, à savoir F.____, n'a eu connaissance du contrat signé avec U.____ qu'en 2007 (cf. jgt, p. 51). D’ailleurs, la Cour de céans observe que ce n'était pas la thèse soutenue par la défense jusqu'en première instance, à savoir que le contrat, en ne mentionnant que la société E3.____SA, aurait été erroné (cf. jgt, p. 50). On ne peut dès lors pas suivre l'appelant lorsqu'il prétend qu'il ne pouvait pas s'attendre à ce que le fisc considère le contrat de trading comme tel, et pas comme un simple service administratif rendu par E3.____SA.

Enfin, soutenir que les comptes 2007 de la société E3.____SA auraient purement et simplement omis un chiffre d'affaires de 545 millions de dollars, s'ajoutant à celui, annoncé, de 124 millions, échappe à la raison commune. Une telle assertion est totalement dénuée de crédibilité. Il faut rappeler que C.____, administrateur vice-président d’E3.____SA, ignorait l'existence du contrat conclu par ladite société avec U.____ (cf. jgt, p. 54). Le fait que les comptes puissent être modifiés au gré des besoins, selon les propres allégations de l'appelant, ne plaide pas pour une crédibilité accrue de ces documents. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont accordé peu de poids à ces comptes.

6.

6.1 L'appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir examiné si l'infraction ne devait pas, conformément à « la doctrine et la jurisprudence bien établies », être imputée « en première ligne » aux organes de droit.

6.2 Aux termes de l’art. 102 CP, un crime ou un délit qui est commis au sein d’une entreprise dans l’exercice d’activités commerciales conformes à ses buts est imputé à l’entreprise s’il ne peut être imputé à aucune personne physique déterminée en raison du manque d’organisation de l’entreprise. Dans ce cas, l’entreprise est punie d’une amende de cinq millions de francs au plus (al. 1) ; en cas d’infraction prévue aux art. 260ter, 260quinquies, 305bis, 322ter, 322quinquies, 322septies al. 1 ou 322octies, l’entreprise est punie indépendamment de la punissabilité des personnes physiques s’il doit lui être reproché de ne pas avoir pris toutes les mesures d’organisation raisonnables et nécessaires pour empêcher une telle infraction (al. 2) ; le juge fixe l’amende en particulier d’après la gravité de l’infraction, du manque d’organisation et du dommage causé, et d’après la capacité économique de l’entreprise (al. 3) ; sont des entreprises au sens du présent titre : les personnes morales de droit privé (let. a), les personnes morales de droit public, à l’exception des corporations territoriales (let. b), les sociétés (let. c), les entreprises en raison individuelle (let. d) (al. 4).

Aux termes de l’art. 6 DPA, lorsqu’une infraction est commise dans la gestion d’une personne morale, d’une société en nom collectif ou en commandite, d’une entreprise individuelle ou d’une collectivité sans personnalité juridique ou de quelque autre manière dans l’exercice d’une activité pour un tiers, les dispositions pénales sont applicables aux personnes physiques qui ont commis l’acte (al. 1) ; le chef d’entreprise, l’employeur, le mandant ou le représenté qui, intentionnellement ou par négligence et en violation d’une obligation juridique, omet de prévenir une infraction commise par le subordonné, le mandataire ou le représentant ou d’en supprimer les effets, tombe sous le coup des dispositions pénales applicables à l’auteur ayant agi intentionnellement ou par négligence (al. 2) ; lorsque le chef d’entreprise, l’employeur, le mandant ou le représenté est une personne morale, une société en nom collectif ou en commandite, une entreprise individuelle ou une collectivité sans personnalité juridique, l’al. 2 s’applique aux organes et à leurs membres, aux associés gérants, dirigeants effectifs ou liquidateurs fautifs (al. 3).

6.3 En l’occurrence, comme seules « doctrine et jurisprudence bien établies » selon lesquelles la responsabilité pénale incomberait en premier lieu à l'organe de droit, l'appelant cite en note 53 de sa déclaration d’appel, un seul article écrit pas l’un de ses conseils et paru en 2006, à savoir : « Xavier Oberson, La responsabilité fiscale des organes dirigeant des sociétés anonymes, in Semaine judiciaire (SJ) 2006 Il p. 311 », dont on ne saurait tirer pareille conclusion.

En réalité, c'est bien l'auteur de l'infraction qui doit être recherché prioritairement (Favre/Pellet/Stoudmann, Droit pénal accessoire, Code annoté, Lausanne 2018, n. 1.3 ad art. 6 DPA). Le prévenu ayant été considéré, à juste titre par les premiers juges, comme le seul décideur pour l'ensemble des sociétés portant le nom E.____, c'est à juste titre également qu'il a été considéré comme l'auteur de l'escroquerie, dont il a d'ailleurs seul profité.

7.

7.1 L'appelant conteste la réalisation de l'infraction d'escroquerie, en particulier de la condition de l'astuce et de l'élément subjectif, savoir l'intention.

En premier lieu, il soutient que le raisonnement des premiers juges reposerait sur une appréciation incorrecte des faits. Il reproche au Tribunal correctionnel de ne pas avoir examiné « la question préjudicielle de l'attribution du contrat », mais d'avoir suivi telle quelle la position de l'AFC qui ne le lierait pas. Il allègue qu'il y aurait un rapport fiduciaire entre E3.____SA et les sociétés offshore.

L'appelant conteste ensuite avoir pu tromper astucieusement « l'autorité fiscale » en annonçant une activité de service alors qu'il s'agissait de faire du trading. Il rappelle qu'il aurait négocié avec I'ACI – et pas l'AFC, qui n'aurait jamais été approchée – en annonçant un projet de trading. Celle-ci aurait pu s'en enquérir ultérieurement, demander à voir le contrat avec U.____ et les contrats de service liant E3.____SA aux sociétés offshore. Il n'aurait pas non plus été mensonger de ne pas comptabiliser les revenus du contrat avec U.____ mais de faire virer le prix de vente directement sur les comptes des sociétés offshore, puisque dans sa compréhension de l'opération, c'était bien celles-ci qui auraient été seules cocontractantes de la société U.____.

L'appelant conteste enfin avoir agi intentionnellement. Or son argumentation repose, une fois de plus, sur sa propre conception des faits. Il ne faudrait pas s'arrêter aux termes des contrats mais à la réalité économique : dans son esprit, c'était bien les sociétés offshore qui auraient été seules venderesses à U.____, E3.____SA ne faisant que leur rendre un service administratif en apparaissant comme cocontractant sur le contrat. Il ne se seraient donc pas agi pour E3.____SA de faire du trading. L’appelant aurait de bonne foi pensé qu'aucune imposition ne serait due sur la distribution de bénéfices qui n'auraient pas été ceux de la société E3.____SA, mais ceux des sociétés offshore. Comme preuve de sa bonne foi, il fait valoir qu'il aurait acheté une maison en Suisse et s'y serait installé.

7.2 Selon l'art. 14 al. 1 DPA, celui qui aura astucieusement induit en erreur l'administration, une autre autorité ou un tiers par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou les aura astucieusement confortés dans leur erreur, et aura de la sorte, pour lui-même ou pour un tiers, obtenu sans droit une concession, une autorisation, un contingent, un subside, le remboursement de contributions ou une autre prestation des pouvoirs publics ou aura évité le retrait d'une concession, d'une autorisation ou d'un contingent, sera puni de l'emprisonnement ou de l'amende.

Pour l’interprétation de la notion d’escroquerie fiscale au sens de l’art. 14 DPA, la définition donnée par le code pénal (art. 146 CP) et la jurisprudence du Tribunal fédéral y relative sont déterminantes (ATF 115 Ib 68 consid. 3a/bb).

Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas ; il faut encore qu'elle soit astucieuse. L'astuce est réalisée lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire (ATF 135 IV 76 consid. 5.2. et les arrêts cités). Tel est notamment le cas si l'auteur conclut un contrat en ayant d'emblée l'intention de ne pas fournir sa prestation alors que son intention n'était pas décelable (ATF 118 IV 359 consid. 2), s'il exploite un rapport de confiance préexistant qui dissuade la dupe de vérifier (ATF 122 IV 246 consid. 3a) ou encore si la dupe, en raison de sa situation personnelle (faiblesse d'esprit, inexpérience, grand âge ou maladie), n'est pas en mesure de procéder à une vérification et que l'auteur exploite cette situation (ATF 120 IV 186 consid. la).

L'astuce n'est pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si la dupe est coresponsable du dommage parce qu'elle n'a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s'imposaient. Une coresponsabilité de la dupe n'exclut l'astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 135 IV 76 consid. 5.2). Pour apprécier si l'auteur a usé d'astuce et si la dupe a omis de prendre des mesures de prudence élémentaires, il ne suffit pas de se demander comment une personne raisonnable et expérimentée aurait réagi à la tromperie. Il faut, au contraire, prendre en considération la situation particulière de la dupe, telle que l'auteur la connaît et l'exploite, par exemple une faiblesse d'esprit, l'inexpérience ou la sénilité, mais aussi un état de dépendance, d'infériorité ou de détresse faisant que la dupe n'est guère en mesure de se méfier de l'auteur. L'exploitation de semblables situations constitue précisément l'une des caractéristiques de l'astuce (ATF 128 IV 18 consid. 3a).

Pour que le crime d'escroquerie soit consommé, l'erreur dans laquelle la tromperie astucieuse a mis ou conforté la dupe doit avoir déterminé celle-ci à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers. L'escroquerie ne sera consommée que s'il y a un dommage (TF 6B_552/2013 du 9 janvier 2014, consid. 2.3.2 ; Corboz, Les infractions en droit suisse, 3e éd., Berne 2010, n. 32, ad art. 146 CP).

Sur le plan subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. L'auteur doit en outre avoir agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, correspondant au dommage de la dupe (ATF 134 IV 210 consid. 5.3).

7.3 Dans la mesure où les griefs factuels ont été rejetés, le moyen devient sans objet. Il n'est pas exact de dire que les premiers juges n'auraient pas examiné si E3.____SA devait bien être considérée comme la cocontractante de la société U.____. Ils l'ont fait aux pages 49 à 52 de leur jugement.

C'est en vain que l'appelant distingue ACI et AFC. Les autorités fiscales communiquent. Lorsqu'on dépose une déclaration à l'ACI, on sait qu'elle servira aussi à fixer l'impôt fédéral. Quant aux tractations, au retrait de la demande de ruling comme société de base en faveur d'un statut de société de service, on ne voit pas en quoi ces éléments auraient pu et dû susciter la méfiance des autorités fiscales, qui pouvaient simplement en conclure que le requérant avait renoncé à son projet et décidé de procéder autrement.

Au vu des faits retenus, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu'en ne faisant pas figurer son activité de trading dans sa comptabilité, en évitant que le prix de vente passe par ses comptes bancaires, le prévenu avait trompé le fisc astucieusement.

Enfin, l'appelant ne peut être suivi lorsqu'il plaide sa bonne foi. U.____ et le fisc ayant des exigences contradictoires, il faudrait trouver normal que le but de réaliser le meilleur résultat économique justifie de louvoyer en se pliant formellement mais pas matériellement au droit. A cet égard, la Cour de céans relèvera que si on devait suivre l’argumentation de l’appelant selon laquelle U.____ aurait été liée aux sociétés offshore, on devrait alors considérer que c'est ce client qui a été escroqué de l'entier du prix de vente, dès lors que la société U.____ ne voulait pas faire affaire avec de telles cocontractantes. Or un simple prête-nom suisse, avec de l'argent ne transitant même pas sur le compte de celui-ci, ne lui aurait à l'évidence pas convenu.

8.

8.1 L'appelant, pour le cas où il ne serait pas acquitté, conteste le cumul peine pécuniaire et amende, fondé par le Tribunal correctionnel sur l'art. 14 al. 3 DPA.

8.2 Selon l'art. 61 LIA, celui qui, intentionnellement ou par négligence, à son propre avantage ou à celui d'un tiers : soustrait des montants d'impôt anticipé à la Confédération (let. a), ne satisfait pas à l'obligation de déclarer une prestation imposable (art. 19 et 20) ou fait une fausse déclaration (let. b), obtient un remboursement injustifié de l'impôt anticipé, ou quelque autre avantage fiscal illicite (let. c), encourt, pour soustraction d'impôt, une amende jusqu'à concurrence de 30’000 francs ou, s'il en résulte un montant supérieur, jusqu'au triple de l'impôt soustrait, à moins que l'art. 14 DPA ne soit applicable.

Selon l'art. 14 al. 3 DPA, si une loi administrative spéciale prévoit pour les infractions analogues, mais dépourvues de caractère astucieux, un maximum de l'amende plus élevé, celui-ci est également applicable dans les cas prévus aux al. 1 et 2.

8.3 En l’occurrence, les premiers juges se sont fondés sur de la doctrine (cf. jgt, p. 66 : Torrione, Les procédures en droit fiscal, 3e éd., Berne 2015, par. 7 ch. III p. 991) pour retenir que l'amende pouvait être cumulée à l’une des peines prévues aux al. 1 et 2 de l’art. 14 DPA (l'emprisonnement étant désormais remplacé par la peine privative de liberté ou la peine pécuniaire, en vertu de l'art. 333 al. 2 let. b CP), le but étant que l'auteur d'une escroquerie en matière fiscale ne soit pas moins sévèrement puni que l'auteur d'une simple soustraction fiscale.

L'appelant est d'avis que l'art. 14 al. 3 DPA ne peut pas être interprété dans ce sens, « que l'on se fonde sur une interprétation littérale, confirmée par les travaux préparatoires [réd. : de 1971], ou que l'on se réfère à la doctrine majoritaire en la matière », sans toutefois citer cette doctrine. Pour la Cour de céans, il n’y a pas lieu de s’écarter de la solution retenue par les premiers juges, fondée sur la doctrine pertinente. A cet égard, on observera que l'amende pourrait être du triple du montant soustrait, et serait à payer sans conditions. Or la solution consistant à ajouter une peine pécuniaire de 810'000 fr. – modeste en comparaison du montant soustrait de plus de 70 millions – et avec sursis, à une amende qui équivaut à une seule fois le montant soustrait, apparaît avantageuse pour le prévenu.

9. En définitive, l’appel de X.____ doit être rejeté et le jugement entrepris confirmé.

Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, constitués du seul émolument de jugement, par 7’370 fr. (art. 21 al. 1 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; BLV 312.03.1]), seront mis à la charge de X.____, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).

Par ces motifs,

la Cour d’appel pénale,

en application des art. 2, 6 al. 1, 14 al. 2 et 3, 46 al. 1 let. b, 79, 82, 94, 95,

97 al. 1 et 2 DPA ; 61 LIA ; 34 aCP ; 42 al. 1, 44 al. 1, 47, 48 al. 1 let. e, 48a, 49 al. 1 CP ; 398 ss, 406 al. 2 let. a CPP,

prononce :

I. L’appel est rejeté.

II. Le jugement rendu le 29 juin 2020 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne est confirmé selon le dispositif suivant :

« I. CONSTATE que X.____ s’est rendu coupable d’escroquerie en matière de contributions.

II. CONDAMNE X.____ à une peine pécuniaire de 270 (deux cent septante) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 3'000 fr. (trois mille francs).

III. SUSPEND l'exécution de la peine pécuniaire prévue sous chiffre II ci-dessus et fixe à X.____ un délai d'épreuve de 2 (deux) ans.

IV. CONDAMNE X.____ à une amende de 72'206'133 fr. 25 (septante-deux millions deux cent six mille cent trente-trois francs et vingt-cinq centimes).

V. CONSTATE que le prononcé rendu le 20 mai 2020 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a été intégralement exécuté par les établissements bancaires concernés et CONSTATE que Z.____, Y.____ et E3.____SA ne sont plus parties à la présente procédure pénale.

VI. MAINTIENT le séquestre sur le compte no [...] ouvert au nom de Z.____ et Y.____ auprès de S1.____ portant sur un montant de USD 4'280'964 (quatre millions deux cent huitante mille neuf cent soixante-quatre dollars) en application de l’art. 46 al. 1 let. b DPA aux fins d’une éventuelle confiscation dans le cadre de l’enquête instruite, sous la référence [...], par la Division affaires pénales et enquêtes de l’Administration fédérale des contributions à l’encontre de X.____ pour les faits concernant l’exercice fiscal de l’année 2005.

VII. MET les frais de la procédure pénale administrative dus à l’Administration fédérale des contributions, par 9'718 fr. 10 (neuf mille sept cent dix-huit francs et dix centimes), à la charge de X.____.

VIII. MET les frais de la procédure judiciaire, par 10'200 fr. (dix mille deux cents francs), à la charge de X.____. »

III. Les frais d'appel, par 7’370 fr., sont mis à la charge de X.____.

IV. Le présent jugement est exécutoire.

La présidente : La greffière :

Du

Le jugement qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à :

- Me Saverio Lembo, avocat (pour X.____),

- Ministère public central,

et communiqué à :

- M. le Président du Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne,

- M. le Procureur du Ministère public central, Cellule For et Entraide,

- Administration fédérale des contributions,

par l'envoi de photocopies.

Le présent jugement peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 ; RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF).

La greffière :

Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.

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