Zusammenfassung des Urteils Jug/2016/40: Kantonsgericht
Die Klägerin, geboren 1994 in Spanien, wurde aufgrund einer Herzfehlbildung operiert, die zu schwerwiegenden gesundheitlichen Problemen führte. Die Operation wurde von Institut W.________ SA durchgeführt, das später bankrott ging. Es gab Komplikationen nach der Extubation, die zu einer Invalidität der Klägerin führten. Die Eltern der Klägerin haben hohe Kosten für ihre Pflege und Behandlung aufgewendet. Ein Gutachter bestätigte die Schwierigkeiten bei der Extubation und die möglichen Ursachen für die Atemwegsobstruktion. Es wurde auch festgestellt, dass die Klägerin dauerhaft auf Pflege angewiesen ist. Es gab rechtliche Auseinandersetzungen bezüglich der Verantwortlichkeit der verschiedenen medizinischen Einrichtungen und Ärzte, die an der Behandlung beteiligt waren.
Kanton: | VD |
Fallnummer: | Jug/2016/40 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: | Zivilkammer |
Datum: | 09.10.2015 |
Rechtskraft: | - |
Leitsatz/Stichwort: | - |
Schlagwörter : | été; Institut; édecin; écembre; éfenderesse; érêt; Clinique; édical; Extubation; établi; ésé; écis; Assurance; ération; éclaration; ègle; édecins; énéral; Expert; éparation; état; étention; énérale; Après; Cité |
Rechtsnorm: | Art. 117 LDIP;Art. 133 LDIP;Art. 138 ZPO;Art. 17 ZGB;Art. 2 LDIP;Art. 265 ZPO;Art. 3 ZPO;Art. 33 VVG;Art. 35 LDIP;Art. 404 ZPO;Art. 46 VVG;Art. 6 LDIP;Art. 60 VVG;Art. 62 ZPO;Art. 65 SVG;Art. 8 ZGB;Art. 90 ZPO;Art. 92 ZPO; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: | - |
TRIBUNAL CANTONAL | CO05.018747 57/2015/PHC |
COUR CIVILE
___
Audience de jugement du 9 octobre 2015
___
Composition : Mme Byrde, présidente
Mme Carlsson et M. Hack, juges
Greffier : M. Vinçani
*****
Cause pendante entre :
X.__ P.__ A.J.__ C.N.__ A.N.__ B.N.__ | (Me H. Bercher) |
et
D.__ SA | (Me G. Aubry) |
- Du même jour -
Délibérant immédiatement à huis clos, la Cour civile considère :
Remarques liminaires :
En cours d'instance, plusieurs témoins ont été entendus, dont [...], qui a travaillé pour Z.__SA de 1999 à 2011, puis depuis lors pour la défenderesse. Celui-ci a déclaré être au courant du litige depuis 2001-2002 et avoir consulté dans ce cadre les écritures ; lorsque, en 2008, il a repris la partie sinistre, un de ses collaborateurs s’est occupé du dossier avec le conseil de la défenderesse. Au vu des liens qui unissent le témoin à la défenderesse et de son implication dans le litige, sa déposition ne sera retenue que si elle est corroborée par d'autres éléments de preuve, à moins qu'il ne s'agisse de faits d'une portée générale, sans incidence sur la solution du litige. C’est avec la même réserve qu’il sera tenu compte des témoignages de [...], qui est depuis une vingtaine d'années médecin responsable de la Clinique C.__ SA, dès lors que cette société était défenderesse au procès au jour de son audition, et de [...], qui est le beau-frère du demandeur P.__.
En fait:
1. La demanderesse X.__, née le 17 septembre 1994 à [...], en Espagne, est la fille des demandeurs P.__, né le 7 février 1950, et A.J.__, née le 2 août 1954. Elle est le seul enfant de A.J.__. La demanderesse X.__ a pour demi-frères et sœur les autres demandeurs, à savoir A.N.__, né le 29 mars 1972, C.N.__ né le 22 février 1974, et B.N.__, née le 22 avril 1977. Ces derniers avaient respectivement 22, 20 et 17 ans en 1994, année de naissance de leur demi-sœur, et étaient tous majeurs en 1995; au jour de l’ouverture de la présente action, ils avaient tous trois des domiciles séparés et distincts du domicile commun de la demanderesse X.__ et de ses parents.
Z.__SA était une société d’assurances en Suisse, avec siège à [...]; elle a été radiée du registre du commerce le 2 novembre 2011, ses actifs et passifs ayant été repris par suite de fusion par la défenderesse D.__ SA, dont le siège est à [...].
2. a) A l’époque des faits litigieux, Clinique C.__ exploitait une clinique privée (ci-après : la Clinique), autorisée à pratiquer dans le canton de Vaud à la charge de l’assurance obligatoire des soins.
b) Institut W.__ SA (ci-après : l’Institut) a été inscrite le 4 février 1994 au registre du commerce, avec pour but les « consultations et interventions médicales et chirurgicales dans le domaine du traitement des malformations cardiaques congénitales ». Le 27 septembre 1994, le Département de l’intérieur et de la santé publique du Canton de Vaud lui a délivré une autorisation d’exploiter prévoyant notamment ce qui suit :
« Genre d’établissement : Etablissement de soins spécifiques
Raison sociale et adresse : Institut W.__ SA
Clinique C.__ SA
[...]
Titulaire de l’autorisation : Institut W.__ SA
Responsable d’exploitation : Professeur W.__
Validité de l’autorisation : du 1er octobre 1994 au 30 septembre 1996
(…)
Médecin responsable : Professeur W.__
Médecin responsable
remplaçant : Professeur [...]
(…)
Personnel minimum exigé : L’établissement doit se doter d’un personnel de qualité et en nombre suffisant pour assurer le bon fonctionnement de ses services, comprenant notamment les effectifs nécessaires de médecins et d’infirmiers diplômés. »
Le chiffre 5 des conditions particulières annexées à cette autorisation stipule que « L’Institut est tenu dès obtention de l’autorisation sous chiffre 4, alinéa 4 de remplacer progressivement les médecins étrangers par des médecins porteurs du diplôme fédéral de la profession en accord avec la Faculté de médecine et le Service des hospices cantonaux ».
c) Les Professeurs W.__ et [...] jouissaient d’une grande expérience et expertise en chirurgie cardiaque pédiatrique. Institut W.__ SA avait plusieurs collaborateurs, en particulier ses propres médecins. Il n’est pas établi que ces derniers aient été des médecins de Clinique C.__, ni qu’ils aient été liés à celle-ci par un contrat.
Selon les accords passés entre ces sociétés, l’Institut devait disposer dans un premier temps de son propre personnel, à savoir trois à quatre chirurgiens, deux anesthésistes, trois cardiologues et trois internes, la Clinique fournissant au besoin deux anesthésistes, deux cardiologues, deux internes, trois infirmières OR, trente infirmières USI, dix infirmières de garde, trois perfusionnistes/techniciens en injection, six membres du personnel administratif et deux techniciens. L’Institut serait seul responsable de l’engagement de médecins supplémentaires en son sein et exercerait le contrôle opérationnel sur tout le personnel médical et non médical engagé par lui. Il paierait tous les salaires de ses médecins et la Clinique les salaires du personnel non médical. La Clinique mettrait à disposition des locaux, savoir deux laboratoires, deux salles d’opérations, huit à dix lits, un espace de consultation et des bureaux. Elle maintiendrait, à ses frais, une couverture d’assurance responsabilité civile, en désignant l’Institut comme assuré supplémentaire. Les deux sociétés déclaraient considérer que leurs relations étaient celles d’un vendeur et d’un acheteur d’équipement et de services et ne pourraient pas être qualifiées de partenariat, chacune étant seule responsable des prétentions, dettes et dommages à l’égard de tiers en relation avec des prestations fournies à ces tiers et chacune devant indemniser l’autre et la dégager de toute responsabilité de ce chef.
d) Institut W.__ SA était assurée en responsabilité civile auprès de Z.__, selon une police n° 871'912, entrée en vigueur le 16 août 1994. Le contrat conclu entre ces parties était lié à la validité de la police responsabilité civile d’entreprise n° 867'190 conclue entre Clinique C.__ SA et Z.__SA, en ce sens que l’annulation de cette police entraînait la fin du contrat sans autre formalité et pour le même terme.
La police couvrant en responsabilité civile Institut W.__ SA était régie notamment par des « Conditions générales complémentaires (CGC) pour l’assurance responsabilité civile des hôpitaux, homes et établissements pourvus d’un service médical », groupées sous un article 79, et par des « Conditions particulières à la police RCE n° 871'912 pour Institut W.__ SA - [...] », dont l’article 1 prévoit ce qui suit :
« En dérogation partielle à l’art. 79-1-b des CGC, l’assurance couvre uniquement la responsabilité civile des médecins selon la liste annexée au contrat.
Toute modification dans la composition des médecins devra être annoncée à la compagnie. La garantie de celle-ci ne prendra effet qu’après confirmation expresse »
Au moment de la conclusion du contrat d’assurance, le 1er décembre 1994, cette liste comprenait les personnes suivantes : W.__, [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], H.__, [...], [...], [...] et [...]. Avec effet au 15 septembre 1995, le Dr [...] a été remplacé par le Dr [...]. Il n’est pas établi qu’il y aurait eu d’autres modifications de la liste, en particulier entre le 17 décembre 1995 et le 17 janvier 1996. Pendant cette période, la police responsabilité civile de la Clinique C.__ SA était en vigueur.
3. a) La demanderesse X.__ a connu de graves problèmes de santé peu après sa naissance. Le 28 décembre 1994, à l’âge de 3 mois, elle a été hospitalisée pour une « présomption de myocardite ou de myocardiopathie », le diagnostic posé étant « Myocardite. Myocardiopathie dilatée ». Les 8 et 23 février 1995, à l’âge respectivement de 4 et 5 mois, elle a été suivie pour « Revision. Miocarditis », avec le diagnostic « Miocarditis. Insuficiencia cardiaca clinicamente compensada. Evolucion aceptable ». Le 23 mars 1995, à l’âge de 6 mois, elle a été hospitalisée pour une « Bronchiolite chez une fillette souffrant de myocardiopathie dilatée »; il lui a été posé le diagnostic de « Bronchiolite. Myocardiopathie dilatée ».
Le 1er décembre 1995, soit à l’âge de 14 mois, la demanderesse a été admise à la consultation du cabinet de cardiologie pédiatrique des Drs [...] et [...] ; dans leur rapport, ces médecins retiennent notamment pour motif de la consultation :
« Nourrisson souffrant de myocardite et d’insuffisance cardiaque compensée, diagnostic délivré par le Dr [...], à [...], qui nous a demandé d’approfondir le diagnostic, en ayant éventuellement recours au cathétérisme cardiaque. Le cadre clinique a commencé à l’âge de trois mois. Il était au départ caractérisé par le rejet des aliments ingérés et de l’irritabilité, suivis par un épisode de malaise général, pâleur, cyanose franche et sudation importante, qui ont imposé l’hospitalisation de la patiente à l’Hôpital central de [...]»
Le diagnostic posé à cette occasion est le suivant :
« Dysfonctionnement grave du ventricule gauche, d’origine incertaine. La diminution du rapport masse/volume est les évidences électrocardiographiques de nécrose et d’ischémie antéro-septolatérale paraissent confirmer le diagnostic d’origine anormale de l’artère coronaire gauche, au niveau de l’artère pulmonaire, ainsi que le diagnostic de myocardiopathie dilatée. Reste à déterminer l’origine de l’hypertension artérielle »
Le 3 décembre 1995, la demanderesse X.__ a été admise dans le service de cardiologie pédiatrique de l’Hôpital [...], pour le motif suivant : « Nina de 15 meses que fue diagnosticada a los 3 meses de miocardiopatía dilatada. Ingresa para estudio con elfin de descartar coronaria anomalía. ». Le diagnostic posé à cette occasion était : « Miocardiopatía isquémica por origen anómalo de la coronaria izquierda del tronco pulmonar. Disfunción ventricular izquierda severa ».
Sous rubrique « traitement et indications spécifiques », les Drs [...] et [...] ont complété leur rapport précité notamment en ces termes :
« Le lundi 11/12/1995, la patiente est présentée en session médico-chirurgicale, comme indiqué précédemment, au Service de chirurgie cardiaque pédiatrique. Au vu de la gravité du pronostic et du faible taux de réussite escompté, et en accord avec la volonté des parents d’X.__, nous nous voyons obligés de conseiller la réalisation d’une opération chirurgicale dans un centre spécialisé offrant de meilleures garanties. Nous avons donc mis la famille en relation avec Institut W.__ SA, suite à une conversation de vive voix avec le Professeur W.__ et [...], depuis le centre situé à [...], en Suisse, où il a été convenu que la patiente serait transférée le 16/12/1995. »
La demanderesse X.__ a été spécifiquement et directement adressée par les Drs [...] et [...] au professeur W.__ et à son équipe, en vue de la prise en charge par l’institut du même nom, et non à la Clinique C.__ SA.
b) Par télécopie du 12 décembre 1995, Institut W.__ SA a confirmé et/ou demandé au demandeur P.__ un certain nombre d’informations médicales, logistiques et financières, notamment un devis, en vue de l’admission de sa fille à l’Institut. Cette télécopie, qui indique en pied de page « Clinique C.__ SA - CH [...] », fait en outre état de la transmission au demandeur de quatre pages d’informations générales sur l’Institut ; ces pages ne correspondent pas à celles produites en procédure par les demandeurs en référence à ladite télécopie.
c) Souffrant ainsi de malformations cardiaque et aortique, la demanderesse X.__ a été opérée le 18 décembre 1995 dans les locaux de cette clinique par le Professeur W.__, agissant pour la société Institut W.__ SA, pour un prix de 53'488 fr. payé les 20 décembre 1995 et 18 janvier 1996.
d) Le 19 décembre 1995, lendemain de l’opération de la demanderesse X.__, le Professeur W.__ a établi, en anglais et en espagnol, un rapport concernant cette intervention, lequel mentionne notamment le nom du chirurgien et de ses assistants, à savoir respectivement lui-même et les Drs [...] et [...], les diagnostics préopératoire et postopératoire, ainsi que le déroulement de l’intervention.
La demanderesse X.__ a quitté Institut W.__ SA en date du 16 janvier 1996. Le Dr [...], cardiologue pédiatrique de cet institut, a établi le même jour, en anglais et en espagnol, une fiche de fin d’hospitalisation dont on extrait ce passage :
«(…). Le deuxième jour après l'opération apparaissent de légers symptômes de congestion pulmonaire et une diminution de la quantité d'urine. On lui administre donc du Nitroprussiate et de l'Amrinone. Ce traitement améliore nettement la fonction hémodynamique et diminue la congestion pulmonaire. Celle-ci continue à diminuer durant les quatre jours suivants. Son état respiratoire s’améliore et elle semble prête pour l'extubation au matin du 6ème jour suivant l’opération. Cependant, peu de temps après l'extubation, X.__ présente subitement des laryngospasmes et des bronchospasmes, qui affectent grandement l'arrivée d'air.
La réintubation est rendue très difficile par les laryngospasmes et la fillette commence à souffrir gravement d'hypoxie et d'acidose. L'acidose s'améliore cependant en peu de temps et la fillette est traitée par hyperventilation, administration de stéroïdes et restriction des liquides, au vu de l'éventualité d'un œdème cérébral. Durant les 24 heures qui suivent, la fillette souffre de convulsions et d'autres symptômes de troubles urologiques. On lui administre du Phénobarbital et de la Dilantine afin de maîtriser les convulsions. Le premier scanner CT indique un œdème cérébral avec une légère compression du ventricule, mais aucune lésion focale. Durant les deux à trois jours qui suivent, la fillette est traitée par hyperventilation, administration de stéroïdes et restriction des liquides. Les examens CT réalisés durant les dix jours qui suivent indiquent une réduction de l'œdème cérébral et la normalisation de la taille du ventricule, sans dilatation. Suite à cela, la fillette reste dans un état léthargique pendant environ deux semaines, après quoi elle reprend conscience. Durant ce laps de temps, on note un certain nombre de sécrétions pulmonaires et la fillette reste intubée pour nettoyer les poumons. Le 9 janvier, elle est capable de tousser spontanément et paraît pouvoir protéger de manière autonome ses voies respiratoires. Elle peut enfin être extubée sans difficultés. Elle sort de l'unité de soins intensifs le 13 janvier. »
Dans une lettre adressée le 26 janvier 1996 au Dr [...], en Espagne, le Professeur W.__ a exposé et commenté le déroulement de l’intervention pratiquée et les complications postopératoires subies par la demanderesse, en relevant notamment ce qui suit :
« J’ai dû quitter la ville quatre jours après l’opération. Le 6e jour, elle était prête à être extubée. Malheureusement, elle a, à ce moment-là, développé de très forts laryngospasmes et bronchospasmes qui ont empêché l’air de circuler correctement. L’anesthésiste pédiatrique de garde cette nuit-là, un expert dans le domaine, a eu beaucoup de difficultés à effectuer la réintubation en raison des laryngospasmes. La fillette a développé une importante acidose hypoxique durant toute cette opération de réintubation. Après cet épisode, elle présentait des signes évidents de troubles neurologiques et un examen par TAC a permis de constater la présence d’un œdème cérébral étendu. Un nouvel examen par TAC a été réalisé 10 jours plus tard. Il a révélé la régression de l’œdème cérébral et une certaine normalisation de la taille du ventricule, sans dilatation ventriculaire. La fillette est restée encore quelques jours dans un état léthargique avant de reprendre doucement conscience. Elle a finalement été extubée le 9 janvier et est sortie du service de soins intensifs le 13 janvier 1996. »
e) Entre le 15 décembre 1995, date de son admission à Institut W.__ SA, et le 16 janvier 1996, date de sa sortie, la demanderesse X.__ a été prise en charge, traitée et suivie médicalement par ledit institut. Celui-ci a établi une facture, à son en-tête, pour l’ensemble des prestations fournies pendant cette période, en indiquant que l’argent devait lui être versé; le nom et l’adresse de la Clinique C.__ SA figurent au pied de ladite facture.
4. Les demandeurs P.__ et A.J.__ ont eu immédiatement connaissance des complications postopératoires évolutives de leur fille, qui ont été décrites dans la lettre du 26 janvier 1996 précitée. Le 9 juillet 1998, date d’un des rapports établis par le Centre L.__ dont il sera question ci-après (cf. infra, ch. 11), les incidences de ces complications étaient définitivement connues.
5. Institut W.__ SA a été dissoute le 17 octobre 1997 par suite de faillite, prononcée le 13 mars 1998 et clôturée le 24 avril 2001, avec inscription au journal le 27 avril 2001 et publication dans la FOSC le 3 mai 2001.
Entre le 18 décembre 1995 et le 28 juin 1998, ni les parents de la demanderesse X.__, ni personne, n’est intervenu auprès de Institut W.__ SA puis de Institut W.__ SA en liquidation, par sa liquidatrice, [...], route [...], à [...], puis de Institut W.__ SA en faillite, ni auprès des médecins de cet institut, pour faire valoir une prétention, voire interrompre une prescription. Consulté par P.__ à une date que l'instruction n'a pas permis de déterminer, l’avocat G.__, à [...], n’a entrepris jusqu’à cette date aucune démarche auprès de qui que ce soit. Cet avocat savait, au plus tard dès réception du courrier du 20 juillet 1998 de SA dont il sera question ci-après (cf. infra, ch. 6), que Institut W.__ SA avait été déclarée en faillite. Entre le 28 juin 1998 et le 23 avril 2001, soit durant presque trois ans, ni le demandeur P.__, ni la demanderesse A.J.__, conjointement ou séparément pour leur fille mineure, n’ont produit dans cette faillite, ni personne en leur nom, que ce soit dans le délai de production ou par production tardive. Les deux seules productions enregistrées dans cette faillite sont celles de Clinique C.__ SA, l’une en dommages-intérêts pour rupture de contrat, l’autre pour des loyers impayés; les actifs de la masse se sont élevés à 311'500 fr. 80 et un dividende a été distribué.
Il n’est pas établi que les demandeurs auraient invité Clinique C.__ SA à signer une déclaration de renonciation à la prescription, ni qu’ils auraient procédé à un acte interruptif de prescription à l’encontre de cette clinique avant l’ouverture de la présente action.
6. Le 29 juin 1998, l’avocat G.__ a informé Clinique C.__ SA avoir été consulté par le père de la demanderesse X.__ en relation avec l'intervention subie par celle-ci et l’a invitée à lui communiquer les coordonnées de son assureur responsabilité civile ainsi que sa version des faits. Le 13 juillet 1998, il a transmis à la Clinique une copie de la procuration signée en sa faveur par le demandeur P.__. Le même jour, Clinique C.__ SA lui a répondu ce qui suit :
« Faisant suite à votre lettre du 29 juin 1998 concernant l’enfant susmentionné, nous vous demandons de vous adresser directement au médecin qui a opéré cet enfant, à savoir Prof. W.__, de l’Institut W.__ SA dont l’adresse est :
[...]
Guatemala City
GUATEMALA »
Toujours le 13 juillet 1998, elle a transmis la lettre du 29 juin précitée à H.__, accompagnée notamment de ces lignes (traduction de l’anglais) :
« Veuillez trouver ci-joint copie d’une lettre qui nous a été adressée par l’un de vos patients de Institut W.__ SA.
Les suites juridiques qui pourraient être engagées concernent votre assurance responsabilité et ne concernent en aucun cas la Clinique C.__ SA.
Nous en avons informé le Prof. W.__ et Me G.__. »
Le même jour, elle a communiqué ladite lettre au Professeur W.__, en annexe d’un courrier dont le contenu est notamment le suivant :
« Veuillez trouver ci-joint copie d’une lettre qui nous a été adressée par l’un de vos patients.
Comme vous le lirez, la famille pourrait vouloir engager une action judiciaire à l’encontre de la personne morale ou des personnes physiques. Vous allez devoir vous mettre en contact avec H.__ et l’assurance responsabilité civile qui couvrait Institut W.__ SA. »
Clinique C.__ SA a annoncé le cas à la société [...] SA qui, par courrier du 20 juillet 1998, a informé l’avocat G.__ de la faillite de Institut W.__ SA, ainsi que du fait que celle-ci était couverte en responsabilité civile auprès de [...] Assurances. Cette dernière, qui n’était autre que Z.__SA, s’est manifestée par courrier du 5 août 1998. Le 18 février 2000, l’avocat G.__ a demandé à Z.__SA qu’elle « renonce à évoquer toutes prescriptions pour un cas de toute façon qui n’est pas encore stabilisé ». Par lettre du 28 février 2000, cette société a accepté de renoncer à exciper de la prescription jusqu’au 18 décembre 2001, pour autant que celle-ci ne soit pas déjà acquise à cette date. Le 13 août 2001, elle a informé l’avocat G.__ avoir requis l’avis du Dr I.__ sur le cas.
Par télécopie du 10 octobre 2001, le demandeur P.__ a informé l’avocat G.__ que le médecin ayant pratiqué l’extubation de sa fille était le Dr Y.__.
7. a) Le 22 octobre 2001, le Dr I.__ a établi un rapport d’expertise à l’attention de Z.__SA, laquelle lui a versé un montant de 3'280 francs. Ce rapport contient notamment ces passages :
« (…) PREAMBULE
(…)
(ndr. : X.__) Dans sa période néonatale a présenté un purpura de type immunologique, et par la suite une hypertrophie du pylore corrigée par une intervention chirurgicale à l’âge d’un mois et demi, de laquelle nous n’avons aucune information en rapport à l’anesthésie de cette intervention qui s’est déroulée dans l’Hôpital pédiatrique de [...], en Espagne. »
(…)
Au vu de la situation catastrophique de cet enfant, le 11.12.1995, le cas est présenté au Service de chirurgie cardiaque pédiatrique qui d’après ce diagnostic sombre et démoralisateur, considère que ce type de chirurgie correctrice devrait être effectué par un centre spécialisé avec des garanties supplémentaires, et met en contact direct les parents de l’enfant avec Institut W.__ SA (…).
Evolution du traitement chirurgical et post-opératoire qui font la raison de cette expertise
(…)
Pré-anesthésie : dormicum 4mg per-os, après ordre du docteur Y.__, (anesthésiste) à 11h49 du 18.12.1995.
Une feuille d’anesthésie décrit déjà une difficulté à l’intubation de l’enfant en salle d’opération (12h).
(…)
Une autre remarque. Le diamètre du tube endo-trachéal pour l’enfant était de 4 mm, ce qui reconfirme la difficulté de l’intubation (probable sténose laryngée, d’après son intervention de 1994).
(…)
Les écritures du protocole opératoire ne montrent pas un arrêt complet de la circulation durant la procédure. L’enfant ayant bien toléré l’intervention, retourne aux soins intensifs où elle est maintenue 48h sous perfusion de drogues inotropes. Au bout de ces 48h, l’enfant présente une congestion pulmonaire, proche de l’œdème, corrigée par la perfusion de diurétiques, et une bonne reprise de la diurèse.
(…)
Toujours avec l’intubation du jour opératoire, il s’avère qu’une extubation soit décidée que le 6e jour post-opératoire, geste qui est effectué le 24.12.1995, tôt le matin, et tout soudainement, quelques minutes après l’extubation, une période d’excitabilité de l’enfant qui développe un laryngo-spasme, suivi de broncho-spasmes. Situation très confuse, car les tests gazométriques sont complétement perturbés et l’acidose ne protège aucun organe. La réintubation devient encore très difficile, comme en salle d’opération. Les anti-inflammatoires en perfusion à haute dose permet (sic) enfin l’intubation, après plusieurs manœuvres. En plus un arrêt cardiaque est traité par réanimation en même temps. L’hyperventilation réduit l’acidose à des limites normales.
On ne peut pas identifier la durée en minutes de l’arrêt cardiaque.
(…)
Avec la collaboration du service (…), un examen clinique est effectué le 27.12.1995. Cet examen décrit, à ce moment-là, avec un enfant sous sédation, un tableau clinique compatible avec une encéphalopathie hypoxique. Le 28.12.1995, l’électroencéphalogramme et CT-Scan confirment les données de l’examen clinique.»
(…)
CONCLUSIONS
1. Vues (sic) les difficultés dans la salle d’opération lors de l’intubation de l’enfant, et par la suite dans l’urgence du 24.12.1995, aux soins intensifs, une morphologie anatomique doit être en principe envisagée
2. Le calibre du tube, de 4 mm, fait état de la mention précédente. Il faut ajouter à cela que le dépôt (néo-endotélisation) dans la lumière du tube après 5 jours d’intubation, n’est pas démontré.
3. Par contre, des sécrétions, au bout distal du tube, peuvent rester au niveau de la trachée, en créant un bouchon et en conséquence un syndrome obstructif aigu. Un geste avant l’extubation, pour éviter ce problème, est de faire un rinçage et aspiration auparavant et à plusieurs reprises.
4. Evidemment, il s’agit d’un accident malheureux, sans participation fautive, que la simple minimalisation de malformation anatomique préalable et le matériel utilisé.
5. Au vu de mon expérience, l’opération s’est déroulée selon un programme bien établi, par contre le suivi fait état d’une minimalisation de la surveillance de la voie aérienne supérieure de l’enfant, qui déclenche un syndrome obstructif aigu, avec les conséquences anoxiques bien connues, suivies d’une acidose respiratoire et métabolique, responsable des lésions neurologiques. »
L’avocat G.__ a eu connaissance dudit rapport avant la fin décembre 2001; en compagnie du demandeur P.__, il a rencontré le Dr I.__ le 10 décembre 2001.
b) Le 13 décembre 2001, Z.__SA s’est adressée notamment en ces termes à l’avocat G.__ :
« Nous nous référons à l’entretien téléphonique de ce jour concernant le cas susmentionné.
Vous avez évoqué le problème que pourrait poser la prescription de la créance en dommages-intérêts de votre client, tout en nous demandant de renoncer à faire valoir cette exception.
Afin d’éviter d’inutiles frais de poursuites et soucieux de vous être agréables, nous sommes prêts, en principe, à déférer à votre vœu. Toutefois, pour nous conformer à l’esprit de la loi et pallier une certaine insécurité créée par la jurisprudence, nous vous proposons de considérer les présentes comme valant acte interruptif au sens des articles 135 et suivants du Code des Obligations : nous ne pourrons ainsi en exciper dans les deux ans à venir, pour autant bien entendu que notre dette ne se trouve pas déjà prescrite. »
c) A la demande de Z.__SA, le Dr I.__ a déposé un complément d’expertise le 2 février 2001, qui lui a été payé 650 francs. On y lit notamment ce qui suit :
«MODIFICATIONS AUX CONCLUSIONS
AU RAPPORT DU 22 OCTOBRE 2001
Préambule
D’après les entretiens téléphoniques avec les parents d’X.__ nous avons eu une entrevue le 10 décembre 2001 avec Monsieur P.__ aboutissant l’analyse (sic) des faits plus précis.
Conclusions
1. Vues (sic) les difficultés dans la salle d’opération lors de l’intubation de l’enfant le 18 décembre 1995, et par la suite l’urgence du 24 décembre 1995 aux soins intensifs, doit être considéré par défaut dans le dossier le status ORL, obligatoire pour toute intervention cardiaque surtout en vue du placement d’une prothèse. Ce statut doit prévoir la présence ou non de foyers infectieux ou de malformations anatomiques.
2. Le calibre du tube endotrachéal, 4 mm, fait état de la mention précédente. De plus, le dépôt de fibrine (néo-endotélisation) dans la lumière du tube après 7 jours sans changer, donc, c’est le cas (intubation le 18 au 24 décembre 2001) finie (sic) par une complication par obstruction.
3. Encore, des sécrétions bronchiques restent toujours au-delà du bout distal du tube au niveau de la trachée, en créant un bouchon et en conséquence un syndrome obstructif aigu.
4. Evidemment, il s’agit d’une complication par défaut vis-à-vis de trois articles précédentes (sic). Les conséquences anoxiques, bien connues, comme l’arrêt cardiaque, survienne (sic) soudain (complication qui n’été pas signaler [sic] dans le cahier de charges du dossier) suivi d’une acidose respiratoire et métabolique, responsables de lésions neurologiques irrécupérables composantes de son état actuel cerebro-moteur. »
Les faits ressortant du rapport du 22 octobre 2001 ne sont pas modifiés dans ce complément d’expertise.
d) Il est admis que le risque de complications postopératoires est plus élevés chez les enfants et qu’en raison du très jeune âge de la demanderesse X.__, de la nature de l’opération cardiaque qu’elle venait de subir, du rétrécissement du larynx (sténose) qu’elle semblait présenter et des difficultés apparemment rencontrées pour cette raison lors de l’intubation, la période post-opératoire et la désintubation exigeaient des précautions et des soins particuliers.
8. a) Le 11 avril 2002, Z.__SA a écrit ce qui suit à l’avocat G.__ :
« Nous accusons réception de votre envoi du 08.04.2002, qui a retenu toute notre attention.
Suite à notre complément d’enquête, il s’avère que seule la responsabilité de l’ Institut W.__ SA peut être engagée dans cette affaire.
Vu qu'il s'agit des conséquences d'un acte médical, la Clinique C.__ SA n'est pas concernée, car seul un anesthésiste dudit "Institut W.__ SA" était en droit d'intervenir sur la petite X.__.
Nous cherchons donc à identifier le médecin qui était à l'époque l'anesthésiste en pédiatrie dudit "Institut W.__ SA". A cet effet, nous soumettons au
Dr. I.__, pour avis, le document dont nous vous remettons une copie en annexe.
Etant donné qu'il y avait deux anesthésistes à l' "Institut W.__ SA" et que nous ignorons lequel des deux a pratiqué l'extubation, nous nous adressons à l'ancien administrateur, aux USA, pour obtenir cette information. »
L'avocat G.__ a répondu le 16 avril 2002, notamment en ces termes :
« (…)
Cela étant précisé, je désire que votre compagnie émette formellement une lettre reconnaissant la responsabilité de ses assurés, le second paragraphe contenant les termes "… peut être engagée …" pouvant laisser planer auprès de tout lecteur un doute puisqu’il ne s’agit pas d’une certitude.
Le verbe "être" me paraît être plus adéquat et je désirais le lire, afin que les choses soient bien clairement établies pour un sinistre qui remonte à de nombreuses années déjà.
De même, je souhaite que votre compagnie émette en corollaire de ce qui précède un engagement d’assumer tout dommage justifié de la fillette et de son entourage.
Il serait de surcroît de bon ton que vous renonciez à invoquer la prescription pour une longue durée pour vos deux assurés, votre lettre du 13 décembre 2001 n’en concernant qu’une.
En dernier lieu, je reviendrai à vous sur le choix que vous opérez de l’un de vos deux assurés plutôt que l’autre, ayant en mémoire le fait que Institut W.__ SA a disparu mais pas Clinique C.__ SA, et que vous savez parfaitement que ma cliente ne dispose pas d’action directe contre une assurance en ce sens et qu’elle ne veut pas se voir opposer des arguments juridiques de pure forme pour ne pas être dédommagée, dans quelque sens que ce soit. »
Le 12 avril 2002, Q.__, à l’époque sous-directeur de Z.__SA, a rencontré le Dr I.__. Le rapport de cet entretien, qui reflète ce qui a été dit, contient en particulier ce passage :
« Selon le Dr I.__, contrairement à ce que déclare le professeur W.__ dans sa lettre du 26 janvier 1996 au Dr [...] à [...], ce n’est pas le pédiatre-anesthésiste qui a désintubé, mais un Dr. Y.__ dont le nom apparaît lors de l’opération du 18 décembre 1995.
Nous allons tenter de déterminer qui est ce médecin (Clinique C.__ SA ou W.__ et ou indépendant, assistant, etc.). »
C’est dans ce contexte que, le 19 avril 2002, Z.__SA, sous la signature d’Q.__, sous-directeur, et de [...], mandataire commerciale, a écrit à l’avocat G.__ ce qui suit :
« (…)
Il s’avère maintenant que seule la responsabilité de l’"Institut W.__ SA" est engagée dans cette affaire, car les deux médecins présents lors de l’extubation dépendaient exclusivement de cette entreprise.
Au nom de l’"Institut W.__ SA" et au nom de notre compagnie, nous nous engageons à assumer les dommages consécutifs en causalité adéquate subis par la petite X.__ et les membres de sa proche famille.
Compte tenu de la disparition de l’institut susmentionné, nous sommes d’accord de renoncer à invoquer la prescription aux noms de "Z.__SA" et de l'"Institut W.__ SA", et ce jusqu'au
18.12. 2005, pour autant, bien entendu, que notre dette ne se trouve pas déjà prescrite. »
Q.__ avait tout de suite constaté que le Dr Y.__, le médecin cité dans le courrier du 12 avril 2002 précité et dont il sera question ci-après, ne figurait pas sur la liste des médecins déclarés de Institut W.__ SA ou de Clinique C.__. Il a rédigé sa déclaration du 19 avril 2002 en toute connaissance de cause de cette problématique, en considérant que dès lors que ce médecin était intervenu sur le site de [...], il suffisait qu’il ait agi pour le compte de la Clinique ou de l’Institut pour être couvert. Le fait que le Dr Y.__ ne figurait pas sur la liste ne lui paraissait pas décisif à cet égard.
Il n’est pas établi que les demandeurs auraient contesté la teneur de ce courrier, ni que Z.__SA aurait invoqué l’erreur, le dol ou la crainte fondée dans le délai de l’article 31 CO.
b) Par lettre du 19 avril 2002, Z.__SA, par Q.__, s’est adressée au Service de la Santé publique notamment en ces termes :
« Selon les renseignements que nous avons difficilement pu obtenir, l’extubation aurait été faite par le Dr Y.__ (de [...] ?).
Ce médecin ne figure pas sur les listes nominatives que notre preneur d’assurance nous a remises à l’époque, ni dans le personnel de la " Clinique C.__", également assurée auprès de notre compagnie.
Nous vous saurions gré de bien vouloir nous faire savoir si le médecin précité était au bénéfice d’une autorisation de pratique dans notre canton. »
Ledit Service a répondu comme suit le 24 avril 2002 :
« Nous ne connaissons malheureusement pas le Dr Y.__ qui aurait travaillé à Institut W.__ SA ou à la Clinique C.__. »
c) Aucune démarche n’a été entreprise par l’avocat G.__ agissant pour le demandeur P.__, ou directement par ce dernier, contre le Dr Y.__ ou pour localiser celui-ci. Pendant toute la durée de son mandat, cet avocat n’est intervenu auprès d’aucun médecin de Institut W.__ SA et n’a tenté aucune démarche directe, quelle qu’elle soit, auprès d’une autorité (service de santé, FMH, secrétariat des expertises, etc.). Il n’a pas contacté le Professeur W.__, malgré la correspondance de Clinique C.__ SA du 13 juillet 1998 qui lui indiquait son adresse.
Les demandeurs allèguent qu’ils n’ont jamais été informés du statut du Dr Y.__ auprès de Institut W.__ SA ou de la Clinique C.__ ; le contraire n’est pas prouvé. Il n’est pas établi non plus que le prénommé leur aurait été présenté comme un médecin indépendant, ni qu’ils auraient noué un quelconque contact avec lui.
d) Par lettre adressée le 3 octobre 2002 au conseil des demandeurs, Z.__SA a fait valoir que la créance de ces derniers était prescrite.
e) Du 18 décembre 1995, date de l’opération de la demanderesse X.__, au 29 juin 2007, aucun des demandeurs n’a introduit de poursuite contre Z.__SA.
9. Le Dr Y.__ a obtenu le titre de spécialiste en anesthésiologie FMH le 21 avril 1993. Du 1er novembre 1992 au 31 mars 2004, il a été employé comme médecin-chef (« oberarzt ») au Département d’Anesthésie de l’Hôpital Universitaire de [...]. Pendant cette période, dans le cadre d’un congé non payé à cet hôpital, il a travaillé du 1er novembre 1995 au 30 avril 1996 auprès de Institut W.__ SA, à [...]. Il était rémunéré par ledit institut. Il n’est pas établi qu’il aurait fait partie des anesthésistes de la Clinique C.__. Comme on l'a vu, aucune réclamation ne lui a été adressée personnellement en relation avec l’enfant X.__, ni par les parents de celle-ci, ni par un avocat agissant pour l’enfant ou pour les parents, ni par quelqu’un d’autre. Une telle réclamation n’a pas non plus été adressée par ces mêmes personnes à un assureur responsabilité professionnelle.
Le Dr Y.__ n’a jamais fait partie de la liste des médecins assurés par la police n° 871.912 souscrite par Institut W.__ SA, ni avant le 18 décembre 1995, ni depuis lors et jusqu’à la clôture de la faillite de cette société, le 24 avril 2001.
10. En date du 8 mai 2003, le conseil actuel des demandeurs a adressé à Clinique C.__ SA un courrier dont la teneur est suivante :
« Je porte à votre connaissance que je suis le conseil des parents de la petite X.__, née le 17 septembre 1994, définitivement invalide suite à un accident post-opératoire suivant une opération effectuée le
18 décembre 1995 par le Dr W.__.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir mettre à ma disposition, en consultation, tous documents que vous possédez concernant cette patiente, d’une part, et me communiquer les noms, prénoms et adresses actuelles de toutes les personnes étant intervenues pour le traitement de celle-ci. »
Clinique C.__ SA, par son conseil, a répondu le 19 mai 2003 que c’était Institut W.__ SA qui avait opéré la demanderesse X.__, que cet institut était en faillite depuis plusieurs années et qu’il fallait s’adresser au Professeur W.__. Le 22 mai 2003, l’avocat des demandeurs a requis du conseil de la Clinique une copie du contrat liant celle-ci au Professeur W.__, les noms et adresses de toutes les personnes ayant, à un titre ou un autre, prodigué des soins à la demanderesse, ainsi que toutes les pièces concernant cette affaire. Par lettre du 2 juin 2003, le conseil de la Clinique a répondu que la demanderesse avait été traitée sous la responsabilité de Institut W.__ SA, par ses médecins américains et leur propre personnel, que l’administrateur de l’Institut à l’époque était H.__ et que celui-ci avait repris aux Etats-Unis les dossiers des opérations faites par le Professeur W.__.
En réponse à une demande du conseil des demandeurs, le Service de la santé publique a écrit notamment ce qui suit le 26 août 2006 :
« - Le professeur W.__ a été au bénéfice d’une autorisation de pratiquer en qualité de médecin indépendant valable du 1er octobre 1994 au 30 septembre 1998. Cette autorisation était valide uniquement pour les activités de chirurgie pédiatrique congénitale de l’Institut W.__ SA, à [...] ;
- L’Institut W.__ SA a été au bénéfice d’une autorisation d’exploiter valable du 16 août 1994 au 1er janvier 1999. Pendant cette période, le Professeur W.__ y assumait les fonctions de responsable d’exploitation (art. 147 à 149 de la loi du 29 mai 1985 sur la santé publique) et de médecin responsable (art. 14 et 15 du règlement du 31 août 1954 sur les établissements sanitaires dans le Canton de Vaud). La fonction de médecin responsable remplaçant était assumée par le Docteur [...]. Celui-ci était également au bénéfice d’une autorisation de pratiquer en qualité de médecin indépendant valable du 1er octobre 1994 au 30 septembre 1998 valide uniquement pour les activités de chirurgie pédiatrique congénitale de l’Institut W.__ SA à [...]. »
Jusqu’à l’ouverture de la présente action, le Professeur W.__ n’a pas été contacté par les demandeurs.
11. Depuis avril 1996, la demanderesse X.__ est traitée médicalement au Centre L.__, à [...]. Entre 1998 et 2003, ce centre a établi plusieurs rapports sur son état, dont on extrait ces passages : « Compte tenu du temps déjà passé en rééducation et des faibles progrès réalisés par X.__, le pronostic n’est pas très optimiste et l’on prévoit une progression lente et rarement fonctionnelle » (9 juillet 1998) ; « Le peu d’avancées positives et le temps nécessaire pour y parvenir laissent présager peu d’améliorations futures dans le domaine fonctionnel » (7 septembre 1999) ; « Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, il existe pour X.__ peu d’espoir d’amélioration fonctionnelle à l’avenir. Une aide permanente et des mesures spécifiques seront toujours nécessaires pour obtenir une qualité de vie acceptable » (16 avril 2002) ; « Vu son évolution et les caractéristiques apparues, des améliorations très lentes et graduelles dans la qualité de vie de l’enfant sont attendues, mais une approche de la "normalité" est sans espoir » (avril 2003).
12. L’euro a été introduit le 1er janvier 1999, à un taux de conversion de 1 euro pour 166,386 pesetas espagnoles. Selon l’extrait d’un journal produit par les demandeurs, un euro valait 1,5092 francs suisses le 17 juin 2005, date du dépôt de la demande. D’après les indications fournies par le site fxtop.com, qui donne les taux officiels diffusés par la Banque centrale européenne, et dont les données sont notoires (ATF 135 III 88 consid. 4.1), le taux de conversion était de 1 euro pour 1,5441 francs suisses le 17 juin 2005 et de 1 euro pour 1,0919 francs suisses le 9 octobre 2015, date du jugement.
13. a) La prise en charge de la demanderesse au Centre L.__ a coûté 1'803 euros 03 d’avril à juillet 1996, 174'847 euros 10 de septembre 1996 à la fin de l’année scolaire 2002/2003 et 2'652 euros 47 par mois, soit 29'177 euros 33 par an, à compter de la rentrée 2003/2003. En 2006, le coût s’est élevé à 31'254 euros 67.
b) A leur domicile, les parents de la demanderesse ont employé à plein temps, à raison de 8 heures par jour, successivement : [...] de septembre 1996 à juillet 1997, pour un salaire de 100'000 pesetas par mois, soit 6'611 euros au total ; [...] de septembre 1997 au 3 août 1999, pour le même salaire mensuel, soit 13'823 euros au total ; [...] dès le 1er septembre 1999, pour un salaire mensuel (versé treize fois l’an) de 125'000 pesetas en 1999, 130'000 pesetas en 2000, 137'500 pesetas en 2001, 145'000 pesetas en 2002 et 150'000 pesetas en 2003 et 2004, soit au total 9'887'500 pesetas ou 59'425 euros. Depuis le 1er mai 2001, [...] est employée à raison de trois nuits par semaine, pour un salaire de 90'000 pesetas par mois, ce qui représente jusqu’à fin 2004 un total de 3'960'000 pesetas (90'000 pesetas x 44 mois) ou 23'800 euros 07. Depuis le 1er janvier 2005, le coût annuel des aides à domicile s’élève à 3'030'000 pesetas (150'000 pesetas x 13 mois pour l’aide de jour + 90'000 pesetas x 12 mois pour l’aide de nuit) ou 18'210 euros 60.
c) Les parents de la demanderesse ont acquis une chaise orthopédique pour 693'434 pesetas, soit 4'167 euros 60, selon facture du 6 septembre 1999. L’achat d’une seconde chaise allégué en procédure n’est pas prouvé par la pièce invoquée.
d) Les demandeurs invoquent des frais relatifs à la transformation de leurs deux logements successifs à [...], à hauteur de 48'779 euros 28 au total. La pièce à laquelle ils se réfèrent (non traduite), apparemment un devis relatif à de tels travaux, n’établit toutefois pas que ces frais ont été effectivement encourus, de sorte que la Cour ne les retiendra pas.
e) Les frais d’adaptation du véhicule des parents de la demanderesse (installation d’une rampe de chargement) se sont élevés à 1'258'600 pesetas, soit 7'564 euros 34. Il n’est pas établi que ces frais, ainsi que ceux décrits sous lettre c ci-dessus, seront encourus tous les cinq ans environ.
f) Les demandeurs ont versé au dossier deux notes d’honoraires pour la période antérieure à l’ouverture d’action, de respectivement 41'695 fr. et 11'318 francs. Ils allèguent que le recours à un avocat était nécessaire compte tenu de leur nationalité, de la complexité du dossier et de la position de la demanderesse, mais n’apportent aucun élément concret en ce sens. La liste des opérations de l’avocat actuel des demandeurs indique que, entre le 29 janvier 2003 et le 10 novembre 2004, celui-ci a adressé trois lettres à Clinique C.__ ou au conseil de celle-ci.
14. La rente d’invalidité allouée à la demanderesse X.__ s’élevait, en 2003, à 48 euros 47 par mois, soit 581 euros 64 par an.
15. En 2004, le salaire minimum en Espagne s’élevait à 490 euros 80 par mois, soit 6'871 euros 20 par an.
16. Le demandeur C.N.__ réalise un revenu mensuel brut de 944 euros 16.
17. La famille des demandeurs a vendu une maison à [...], où elle en possédait plusieurs, pour déménager à [...]. Le déménagement des parents de la demanderesse X.__ – ses demi-frères et sœurs n’ont pas déménagé – à [...] était imposé par le fait que celle-ci ne pouvait pas recevoir les soins nécessaires à [...]. L’invalidité de leur fille et ce déménagement à [...] ont bouleversé les projets et le cadre de vie des parents et ont profondément affecté ceux-ci.
En 1998, le demandeur P.__ était employé auprès du Ministère de l’éducation et de la culture espagnol, pour un salaire mensuel net de 222'746 pesetas. Il n’est pas établi qu’il exerçait, parallèlement, une activité de psychothérapeute indépendant, ni que la condition et l’état de sa fille rendaient la pratique d’une telle activité impossible. Selon sa déclaration d’impôt 1996, son revenu total déclaré cette année s’élevait à 2'700'023 pesetas.
18. En cours d’instance, une expertise a été confiée au Professeur [...], responsable de l’Unité d’anesthésie Pédiatrique de l’Hôpital [...], lequel a déposé son rapport le 21 juin 2011 et un rapport complémentaire le 26 mars 2012. Les constatations et conclusions de l’expert sont en substance les suivantes :
a) En relation avec l’opération du 18 décembre 1995, l’expert n’est pas en mesure de se prononcer sur les difficultés d’intubation relevées par le Dr I.__ dans son rapport, d’autant que la feuille d’anesthésie à laquelle celui-ci se réfère ne figure pas au dossier. Il précise toutefois que, de manière générale, toute intubation pratiquée aux soins intensifs est considérée comme difficile par rapport à une intubation au bloc opératoire. Sous cette réserve, il confirme que l’opération du 18 décembre 1995 s’est bien déroulée et a permis de corriger la malformation cardiaque dont souffrait l’enfant.
L’extubation, réalisée en date du 23 décembre 1995, a été suivie d’une obstruction des voies respiratoires, ainsi que d’une hypoxémie profonde qui a conduit à un arrêt cardiaque dont l’expert ignore la durée. La patiente a été réintubée avec difficulté et une réanimation cardio-respiratoire a été pratiquée, avec administration d’adrénaline à trois reprises, à des doses croissantes.
L’expert explique que l’obstruction des voies aériennes peut provenir de trois causes potentielles : un œdème laryngé, dont la survenance est difficile à prévoir et dont la prévention était difficile en 1995, un laryngospasme, complication complétement imprévisible dont la prévention est plutôt théorique que pratique, et une obstruction des voies aériennes par des secrétions, à laquelle on peut s’attendre en présence de secrétions importantes. Après examen de ces causes, il parvient à la conclusion que le problème respiratoire de la demanderesse était dû en l’espèce à une obstruction des voies aériennes survenue après extubation, vraisemblablement en raison de la présence de sécrétions épaisses qui ont conduit à une augmentation du travail respiratoire et à une détresse respiratoire. Cette obstruction peut emmener à un tirage important avec constitution d’un œdème pulmonaire à pression négative, ce qui expliquerait le bronchospasme décrit dans la fiche de fin d’hospitalisation.
L’hypoxie (manque d’air dans les poumons dû à l’obstruction, aggravée potentiellement par un œdème pulmonaire) consécutive à la détresse respiratoire a abouti à une hypoxémie (diminution de l’oxygène dans le sang), ce qui a entraîné un arrêt cardiaque, puis circulatoire, lequel a engendré une diminution de la perfusion cérébrale et une souffrance cérébrale déjà entraînée par l’hypoxémie initiale. Il s’en est suivi une encéphalopathie hypoxique.
D’après l’expert, la présence chez la patiente de sécrétions épaisses et abondantes devait faire reconsidérer l’extubation. Il est vrai que, dans la mesure où le tube endotrachéal stimule de manière importante la production de sécrétions et favorise la surinfection, le but de tout médecin intensiviste est d’extuber au plus vite. Néanmoins, les constantes respiratoires enregistrées le 23 décembre 1995 au matin ne permettaient pas de prédire le succès de l’extubation. Il aurait fallu passer d’abord à un autre mode ventilatoire (aide inspiratoire : soutient du patient dans ses efforts ventilatoires), réduire progressivement les besoins en ventilation et faire un essai de respiration spontanée sur le tube endotrachéal, avec des concentrations d’oxygène plus faibles. Vu la présence de secrétions abondantes et épaisses depuis 48 heures, on pouvait prévoir que celles-ci pouvaient rapidement encombrer la patiente, avec le risque d’une hypoxie potentielle. L’échec de l’extubation était donc prévisible. En outre, la forte présence de leucocytes dans les sécrétions dénotait une inflammation importante des voies aériennes. Du fait de leur diamètre déjà petit chez les enfants, ces voies augmentent drastiquement de résistance dès la moindre inflammation ou sécrétion. L'inflammation des voies aériennes, la possible surinfection, la présence de secrétions abondantes et les constantes ventilatoires limites encouragent à avoir une position attentiste avant d’extuber. Toute structure de soins intensifs maîtrise un tel geste, qui fait partie de la prise en charge de base. Le fait de se trouver dans une structure universitaire de type CHUV ou HUG n’aurait donc rien changé, si ce n’est, peut-être, en raison de la présence de plusieurs équipes médicales qui auraient pu intervenir dans la prise de la décision d’extubation.
b) N’ayant pas pu se procurer la liste du personnel présent le jour de l’extubation, l’expert ne peut pas se prononcer sur les allégués (des demandeurs) selon lesquels le manque de personnel disponible ce jour constitue une violation des obligations de la Clinique, en relation de causalité directe avec le dommage survenu. Il aurait été important d’après lui de connaître le type de surveillance dont bénéficiait la demanderesse ce jour, mais surtout le ratio infirmiers/patients aux soins intensifs. L’expert relève toutefois que la présence de deux médecins sur place suggère que le personnel médical n’était pas manquant.
c) De manière générale, le succès de la chirurgie cardiaque pédiatrique relève d’une approche multidisciplinaire et la responsabilité médicale des soins et du suivi pré et post-opératoire incombe à toute l’équipe médicale en charge de l’enfant, à savoir le chirurgien, le cardiologue, l’anesthésiste et l’intensiviste. Le chirurgien doit en outre s’assurer que la structure médicale est adaptée à l’intervention envisagée. Tout en relevant que le modèle américain qui prévalait à Institut W.__ SA implique plus de responsabilité du chirurgien dans les soins péri-opératoires, l’expert ne peut dire avec certitude si, dans le cas de la demanderesse, cette responsabilité revenait principalement au chirurgien ou si celui-ci la partageait avec l’anesthésiste. Il confirme en revanche que la structure médicale où la demanderesse a été opérée était adaptée pour la prise en charge de ce type d’intervention, tant au niveau des locaux et de l’équipement que du personnel médical et non médical.
L’anesthésiste-réanimateur effectue tant l’intubation que l’extubation. L’indication pour l’intubation est également de son seul ressort, alors que celle de l’extubation, plus complexe, relève de la responsabilité du médecin qui est en charge du suivi postopératoire. Dans l’idéal, la décision d’extubation est prise à la suite de l’évolution favorable du patient et, dans le cadre d’une approche multidisciplinaire, en commun accord avec toutes les personnes engagées dans les soins postopératoires. Cela étant, le médecin qui prend la responsabilité d’extuber doit pouvoir réintuber. En conséquence, seul un anesthésiste et/ou un réanimateur ayant cette compétence peut procéder à l’extubation. Si la décision d’extubation peut donc être discutée en multidisciplinarité, l’acte d’extubation est du seul ressort de l’anesthésiste et/ou du réanimateur. Dans le cas de l’Institut W.__ SA il n’est pas clair si les décisions au niveau post-opératoires étaient prises par le chirurgien, par l’anesthésiste ou par les deux. L’expert n’est ainsi pas en mesure de dire si le chirurgien était au courant de la décision d’extubation de la demanderesse.
d) Les médecins en charge de la chirurgie cardiaque pédiatrique étaient payés par l’Institut W.__ SA, même si certains étaient fournis à celui-ci par la Clinique C.__. S’agissant du Dr Y.__, à l’époque des faits employé de l’Hôpital de [...], il n’est pas clair s’il avait été « prêté » à la Clinique C.__ ou à Institut W.__ SA. Du fait que les accords entre ces deux entités prévoient que les médecins exerçaient sous la responsabilité directe de l’Institut, alors que le personnel soignant travaillait sous la responsabilité de la Clinique, la responsabilité était un peu mixte au vu du personnel engagé dans les soins médicaux. L’expert en déduit que la demanderesse a été prise en charge par les médecins de l’Institut, en particulier ses chirurgiens et anesthésistes. La Clinique n’était pas responsable de sa prise en charge médicale, tout en demeurant responsable professionnellement du personnel soignant travaillant à l’Institut. N’ayant pas pu interroger le personnel médical et/ou soignant présent le jour de l’incident, l’expert n’est pas en mesure de se prononcer sur une éventuelle faute médicale imputable à la Clinique.
e) Se fondant sur les pièces au dossier, l’expert confirme que, un mois après l’intervention, la demanderesse présentait un tracé électroencéphalographie désynchronisé et de faible tension, l’absence des potentiels visuels, des anomalies des potentiels du tronc cérébral, une atrophie cérébrale au niveau du CT-scan ainsi que des calcifications généralisées. L’examen neurologique effectué le 8 avril 1996 a relevé la présence de lésions totalement invalidantes et irréversibles, à savoir une tétraparésie spastique avec des troubles de la déglutition. Aucune amélioration n’a pu être constatée par la suite, notamment lors d’un examen du 16 septembre 1996. Sur cette base, l’expert confirme que la demanderesse est atteinte d’une invalidité importante.
Renseignements pris auprès du neurologue qui la suit en Espagne, il retient que la demanderesse souffre aujourd’hui d’un mauvais contact visuel, d’une spasticité avec tétraplégie dystonique – ce qui la rend très grabataire et a conduit à une chirurgie de la hanche en 2002 –, de difficultés de déglutition pour les aliments liquides, d’une sialorrhée prononcée et d’un état épileptique – en rémission depuis deux ans. Elle se rend quotidiennement dans un centre de réhabilitation à [...] – Centre L.__ -, où elle bénéficie de logopédie et de physiothérapie. A la maison, où elle retourne le soir, une aide supplémentaire lui est apportée pour ses problèmes de vision. Elle est entièrement dépendante tant au niveau de sa mobilité que de son alimentation. Au vu des atteintes fonctionnelles dont elle souffre, la demanderesse ne pourra pas se passer d’une structure lourde pour sa prise en charge et aura besoin, à vie, d’un soutien logistique, médical et paramédical.
Selon les mêmes renseignements et une attestation du Centre L.__, l’expert relève que le père de la demanderesse X.__ perçoit de l’assurance un montant qui ne dépasse pas 100 euros par mois et qu’il n’existe pas d’aide spécifique de l’Etat à long terme. Les frais nécessaires seraient de l’ordre de 1'500 à 2000 euros par mois, dont un tiers seraient pris en charge par le centre et le solde par le père de la demanderesse.
En ce qui concerne les dépenses relatives aux chaises orthopédiques et à l’adaptation des logements et véhicules, l’expert confirme les besoins d’achat et d’équipement de la demanderesse, mais n’est pas en mesure de se prononcer sur les montants invoqués par les demandeurs.
19. Sur la base de l’expertise judiciaire, la Cour retient que l’invalidité de la demanderesse X.__ est en relation de causalité naturelle avec les circonstances de son extubation.
20. Par demande du 17 juin 2005, X.__, P.__, A.J.__, C.N.__, A.N.__ et B.N.__, plaidant au bénéfice de l’assistance judiciaire, ont conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que Z.__SA et Clinique C.__ SA, soient reconnues leurs débitrices, conjointement entre elles ou dans les proportions que justice dira, et leur doivent immédiat paiement de la somme de 3’579’574 fr., avec intérêts tels que décrits à l’allégué récapitulatif de leur prétendu dommage.
Dans sa réponse du 11 août 2006, Clinique C.__ SA a conclu à libération, sous suite de frais et dépens ; à toutes fins utiles, elle a invoqué la prescription.
Z.__SA a conclu au rejet des conclusions de la demande dans sa réponse du 4 décembre 2006 ; elle a également excipé de la prescription.
Dans leurs déterminations du 9 février 2006, les demandeurs ont précisé leur conclusion en ce sens qu’ils ont ajouté les mots « et solidairement » après « conjointement ».
Par convention des 5 et 10 mars 2015, les demandeurs ont adhéré aux conclusions libératoires de Clinique C.__ SA, devenue entre-temps [...]. Le 16 mars 2015, le juge instructeur a pris acte de cette convention pour valoir jugement entre ces parties. [...] a été mise hors de cause et de procès, celui-ci se poursuivant entre les demandeurs et la défenderesse D.__ SA, laquelle a pris la place de Z.__SA. Par lettre du 17 avril 2015, la défenderesse a déclaré prendre à son compte les allégués de Clinique C.__ SA et les offres de preuves y afférentes.
Les demandeurs et la défenderesse ont déposé leurs mémoires de droit le 17 avril 2015.
L’audience de jugement s’est tenue le 9 octobre 2015. Invités à préciser leurs conclusions en application de l’art. 265 al. 2 CPC-VD (Code de procédure civile vaudoise, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2010 ; RSV 270.11), plus précisément à dire, pour chaque demandeur, ce qui est réclamé, les demandeurs ont déclaré se référer « aux montants totaux figurant à l’allégué 94, en capital et intérêts (…), sous suite de frais et dépens ». Pour chaque demandeur, ces montants sont les suivants, étant précisé que le taux de change appliqué par les demandeurs est de 1 euro pour 1,5092 francs suisses :
la demanderesse X.__ réclame un montant de 2'541'413 fr. 60, avec intérêt à 5% l’an dès le 24 décembre 1995 sur 523’614 fr. 70 et dès le 1er janvier 2005 sur 2'017'798 fr. 90 ;
le demandeur P.__ réclame un montant de 156'402 fr., avec intérêt à 5% l’an dès le 24 décembre 1995 ;
la demanderesse A.J.__ réclame un montant de 90'000 francs, avec intérêt à 5% l’an dès le 24 décembre 1995 ;
le demandeur P.__ et la demanderesse A.J.__ réclament, solidairement entre eux, un montant de 611'758 fr. 42, avec intérêt à 5% l’an dès le 1er octobre 1996 sur 2'721 fr. 10, dès le 31 août 1997 sur 9'977 fr. 45, dès le 6 avril 1999 sur 6'288 fr. 85, dès le 3 août 1999 sur 20'862 fr. 10, dès le 20 février 2000 sur 11'415 fr. 60, dès le 31 décembre 2001 sur 89'684 fr. 20, dès le 15 décembre 2002 sur 1'162 fr. 10, dès le 15 février 2003 sur 35'102 fr. 80, dès le 23 avril 2003 sur 73'617 fr. 70, dès le 31 décembre 2003 sur 263'879 fr. 20 et dès le 1er janvier 2005 sur 97'047 fr. 30 ;
chacun des demandeurs C.N.__, A.N.__ et B.N.__ réclame un montant de 60'000 fr., avec intérêt à 5% l’an dès le 24 décembre 1995.
La défenderesse a confirmé ses conclusions libératoires.
Lors de l'audience de jugement du 9 octobre 2015, Me Bercher a déposé une nouvelle procuration signée par ses clients, accompagnée d'un jugement rendu par le Tribunal de première instance de [...] le 20 juillet 2015, attestant qu'à la demande du ministère public, X.__ était mise sous tutelle et que ses parents, les demandeurs P.__ et A.J.__, se voyaient réhabilités dans leur autorité parentale.
Le 19 novembre 2015, le dispositif du présent jugement a été envoyé aux parties pour notification.
En droit:
I. Le procès ayant été ouvert avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2011, du Code de procédure civile suisse (ci-après : CPC ; RS 272), les dispositions de l’ancien droit de procédure civile (art. 404 al. 1 CPC), en particulier du CPC-VD, sont applicables.
II. Les demandeurs agissent en réparation du dommage qu’ils prétendent avoir subi en raison des conséquences de l’extubation pratiquée le 23 décembre 1995 sur la demanderesse X.__, alors âgée de 15 mois, par l’équipe médicale de Institut W.__ SA. Ils actionnent la défenderesse, alors assureur responsabilité civile de cette société, en se prévalent en particulier de sa déclaration écrite du 19 avril 2002.
La demanderesse X.__ réclame le remboursement de ses frais futurs de prise en charge au Centre L.__ (781'949 euros, après capitalisation au facteur 26.80), d’aide à domicile (488'045 euros, après capitalisation au même facteur) et d’équipements spécifiques (67'005 euros, après capitalisation au même facteur), sa perte de gain depuis l’âge de 18 ans (214'428 euros, après capitalisation au facteur 19.95) ainsi qu’une indemnité pour tort moral (200'000 fr.). Son père, le demandeur P.__, réclame la perte de gain qu’il soutient avoir subi du fait de l’abandon de son activité de psychothérapeute (53'937 euros 20, après capitalisation au facteur 8.93) et une indemnité pour tort moral (60'000 fr.). La mère de la demanderesse, A.J.__, réclame le paiement d’une indemnité pour tort moral (60'000 fr.). Les deux parents réclament en outre, solidairement, le remboursement des frais de prise en charge de leur fille au Centre L.__ (205'827 euros 38) et d’aide à domicile (103'118 euros 57) jusqu’à fin 2004, des frais des chaises orthopédiques (4'937 euros), des frais d’adaptation de leurs logements (48'779 euros 28) et de leurs véhicules (7'564 euros) ainsi que des frais d’avocat avant procès (53'013 fr.). Chacun des trois autres demandeurs, demi-frères et sœur de la demanderesse, réclame une indemnité pour tort moral (60'000 francs).
La défenderesse, qui ne conteste pas avoir été l’assureur de Institut W.__ SA, fait valoir plusieurs moyens à l’encontre de ces prétentions. Sous l’angle de la recevabilité d’abord, la demande devrait être déclarée irrecevable pour violation de l’art. 265 al. 1 CPC-VD, faute de conclusions individualisées et chiffrées pour chaque demandeur. Depuis son accession à la majorité, intervenue en cours de procès, la demanderesse X.__ n’aurait en outre pas la capacité d’ester en justice et ne serait pas valablement représentée par ses parents, de sorte que ses propres conclusions seraient irrecevables également sous cet angle. Sur le fond, la défenderesse conteste sa légitimation passive, au motif que les demandeurs n’auraient contre elle aucun droit d’action direct, et ce, quelle que soit l’interprétation qui peut être donnée à la déclaration du 19 avril 2002. Dans la mesure où le médecin ayant pratiqué l’acte médical prétendument illicite n’aurait jamais figuré sur la liste des médecins de Institut W.__ SA bénéficiant de la couverture d’assurance, le cas ne serait de toute manière pas assuré. Enfin, les prétentions des demandeurs seraient, en tout ou partie, prescrites, infondées ou non indemnisables au titre de la responsabilité civile.
III. En présence d’un élément d’extranéité, tel le domicile en Espagne des demandeurs, il faut examiner tout d’abord la question de la compétence et du droit applicable.
a) En matière internationale, la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (ci-après : LDIP ; RS 291) règle la compétence des autorités judiciaires ou administratives suisses, sous réserve des traités internationaux (art. 1 al. 1 et 2). L’ancienne convention de Lugano concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale du 16 septembre 1988 (ci-après : CL-88 ; RS 0.275.11), en vigueur au moment de l’introduction de l’action, est applicable au présent litige (art. 63 al. 1 de la convention de Lugano révisée conclue le 30 octobre 2007 [CL : RS 0.275.12], la Suisse et l’Espagne y ayant toutes deux adhéré. L’art. 2 al. 1 CL-88 consacre le principe du for du domicile du défendeur. A teneur de l’art. 5 CL-88, le défendeur peut en outre être attrait, en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée (ch. 1) et, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit (ch. 3). Ces compétences, alternatives à celle de l’art. 2 CL-88, ne sont toutefois admises que si le défendeur a son domicile dans un autre Etat partie à la convention (Bucher, in Bucher [éd.], Loi sur le droit international privé, Convention de Lugano, Commentaire romand, n. 6 ad art. 2-31 CL). En d’autres termes, si le défendeur est domicilié dans l'Etat du tribunal saisi, les juridictions de cet Etat sont internationalement compétentes en vertu de l'art. 2 CL-88, et non de l'art. 5 CL-88 (ibid., n. 6 ad art. 5 CL). En matière d’assurances, l’assureur peut être attrait devant les tribunaux de l’Etat de son domicile (art. 8 al. 1 ch. 1 CL-88) et, s’il s’agit d’une assurance de responsabilité, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit (art. 9 CL-88).
En l’espèce, la défenderesse a son siège en Suisse, où l’acte médical du 23 décembre 1995 devait être exécuté et où il a également eu lieu. Que l’action des demandeurs soit de nature contractuelle ou délictuelle ou qu’elle relève du droit des assurances, la compétence des tribunaux suisses est donnée. La défenderesse a d’ailleurs procédé sur le fond sans faire de réserve à cet égard (art. 18 CL-88).
L’art. 2 al. 1 CL-88 règle la compétence internationale, mais pas la compétence locale, qui doit alors être déterminée selon la LDIP (ATF 131 III 76 ; Bucher, op. cit., n. 2 ad art. 2 CL). La compétence interne des tribunaux vaudois résulte en particulier de la règle générale de l’art. 2 LDIP, mais aussi de l’acceptation tacite du for selon l’art. 6 LDIP. Matériellement, la Cour civile est compétente en vertu de l’art. 74 al. 3 LOJV loi vaudoise d’organisation judiciaire du 12 décembre 1979, dans sa teneur en vigueur au 31 décembre 2010 (RSV 173.01).
b) Selon l’art. 117 LDIP, à défaut d’élection de droit, le contrat est régi par le droit de l’Etat avec lequel le litige présente les liens les plus étroits (al. 1) ; ces liens sont réputés exister avec l’Etat dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristiques a sa résidence habituelle ou, si le contrat est conclu dans l’exercice d’une activité professionnelle ou commerciale, son établissement (al. 2). En matière délictuelle, lorsqu’un acte illicite viole un rapport juridique existant entre auteur et lésé, les prétentions fondées sur cet acte sont régies par le droit applicable à ce rapport juridique (art. 133 al. 3 LDIP).
En l’occurrence, ces rattachements conduisent tous à l’application du droit suisse, ce qui n’est du reste pas contesté par les parties, qui invoquent toutes deux les dispositions de ce droit.
IV. La défenderesse soutient que la demande est irrecevable, faute de conclusions individualisées et chiffrées pour chacun des demandeurs ; ces derniers n’étant pas consorts nécessaires selon l’art. 74 let. a CPC-VD, mais consorts simples selon la lettre b de cette disposition, chacun aurait dû chiffrer ses prétentions dans les conclusions, sous peine d’irrecevabilité. La défenderesse a confirmé ce moyen en plaidoirie, nonobstant la précision des conclusions intervenue à l’audience de jugement.
Aux termes de l’art. 265 al. 1 CPC-VD, les conclusions doivent être claires et précises. Par conclusion, il faut entendre ce que la partie veut voir figurer dans le dispositif du jugement (JdT 1998 III 10 consid. 4) ; les conclusions doivent en principe être chiffrées (Poudret/Haldy/Tappy, Procédure civile vaudoise, 3e éd., n. 1 ad art. 265 CPC-VD et les arrêts cités ; Hohl, Procédure civile, t. I, 2001, n. 213). Il est discuté de savoir si la violation de l'art. 265 al. 1 CPC-VD doit être sanctionnée par une exception de procédure ou par un incident en catégorisation de conclusions (Poudret/Haldy/Tappy, op. cit., n. 4 ad art. 265 CPC-VD ; Rognon, Les conclusions, thèse Lausanne 1974, pp. 117 ss).
En l’occurrence, il est vrai que les demandeurs ont conclu initialement au paiement d’un montant global, alors que, dans leur écriture, ils faisaient valoir des prétentions individuelles. La défenderesse n’a toutefois soulevé aucun incident en catégorisation de conclusions, ni aucune exception de procédure. Elle ne peut donc se prévaloir, dans son mémoire de droit, de l’éventuelle imprécision des conclusions. La jurisprudence du Tribunal fédéral (TF 4A_492/2008 du 12 mars 2009) à laquelle elle se réfère ne lui est d’aucun secours. En effet, comme la défenderesse l’indique elle-même, cet arrêt concerne l’ancien droit de procédure genevois, lequel prévoyait, en cas de consorité simple, l’obligation pour chaque demandeur d’individualiser ses conclusions, sous peine d’irrecevabilité de la demande (consid. 2.1 et les références citées). Une telle règle n’existe pas en droit vaudois où, on l’a vu, toute imprécision des conclusions doit être soulevée par le défendeur par la voie incidente (art. 142 al. 3 et 145 al. 1 CPC-VD), ce que la défenderesse n’a pas fait.
Au demeurant, le juge peut en tout état de cause inviter une partie à préciser ses conclusions (art. 265 al. 2 CPC-VD), faculté dont la Cour a fait usage à l’audience de jugement du 9 octobre 2015. Telles que précisées à cette occasion, les conclusions de la demande permettent de savoir ce que chaque demandeur réclame et sont suffisamment claires et précises au regard de l’art. 265 al. 1 CPC-VD. Sous cet angle, elles sont donc recevables.
V. Dans un deuxième moyen, la défenderesse conteste la capacité d’ester en justice de la demanderesse X.__. Si elle admet que celle-ci était valablement représentée par ses parents au moment de l’ouverture d’action et aussi longtemps qu’elle était mineure, rien ne prouverait que tel serait le cas depuis son accession à la majorité. Faute de capacité de discernement au sens de l’art. 16 CC et de représentation valable, la demanderesse n’aurait donc pas l’exercice des droits civils (art. 17 CC) et, partant, la capacité d’ester en justice.
La capacité d’ester en justice au sens propre (ou capacité de procéder) est la faculté de mener soi-même le procès ou de désigner soi-même un mandataire qualifié pour le faire. Elle correspond, en droit de procédure, à l’exercice des droits civils et elle appartient à toute personne qui jouit de celui-ci (Hohl, op. cit., n. 404). L’art. 62 CPC-VD dispose ainsi que quiconque a l’exercice des droits civils peut agir en personne ou par mandataire (al. 1), les incapables agissant par l’intermédiaire ou avec le concours de leur représentant légal, conformément à la loi civile (al. 2). La capacité d’ester en justice est une condition dont l'inobservation ne peut avoir pour sanction que l'éconduction d'instance (JdT 1980 III 3).
En matière internationale, l’exercice des droits civils est régi par le droit du domicile (art. 35 al. 1 LDIP). La demanderesse X.__ étant domiciliée en Espagne, la question de savoir si elle a l’exercice des droits civils devrait donc être examinée au regard du droit matériel espagnol. Point n’est toutefois besoin de le faire en l’espèce, pour le motif suivant.
C’est la lex fori qui décide comment le moyen tiré de l’incapacité d’ester doit être invoqué en justice. D’après le droit suisse, la capacité d’exercice des droits civils, et donc d’ester en justice, se présume (Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, 1990, II, n. 4 ad art. 53 OJ, p. 386). En droit de procédure vaudois, le défaut de représentation valable du mineur ou de l’interdit, qu’il soit demandeur ou défendeur, est sanctionné par une exception de procédure (Poudret/Haldy/Tappy, op. cit, n. 3 ad art. 62 CPC-VD). Il incombait donc à la défenderesse de soulever une telle exception, permettant ainsi aux demandeurs de faire valoir leurs moyens à cet égard ce qui, en procédure vaudoise, n'est plus possible au stade du dépôt des mémoires de droit. Or, celle-ci, qui a invoqué pour la première fois ce moyen dans son mémoire de droit, n’a pas soulevé d’exception en ce sens, ni même allégué dans ses écritures que la demanderesse – dont il n'est pas contesté qu'elle est lourdement handicapée mentalement et physiquement – ne disposait pas de la capacité d’ester en justice et que ses parents n’avaient pas démontré qu’ils la représentaient valablement, en particulier après sa majorité.
Au demeurant, il ressort du jugement espagnol produit lors de l’audience de jugement par Me Bercher, à l’appui de sa procuration, que les parents de la demanderesse X.__ ont l’autorité parentale sur celle-ci.
VI. La défenderesse conteste sa légitimation passive. Dans la mesure où elle est recherchée en sa qualité d’assureur responsabilité civile de la société Institut W.__ SA, les demandeurs n’auraient pas d’action directe. Tout au plus disposeraient-ils d’un droit de gage au sens de l’art. 60 LCA (loi fédérale sur le contrat d’assurance ; RS 221.229.1), disposition qui ne leur confère toutefois pas un droit d’action, ni la titularité de l’éventuelle créance fondée sur le contrat d’assurance. Les demandeurs n’auraient d’ailleurs pas acquis un tel droit d’action ultérieurement, et ce, quelle que soit l’interprétation que l’on donne à la déclaration du 19 avril 2002 dont ils se prévalent.
a) Il est constant que la défenderesse et Institut W.__ SA étaient liées par un contrat d'assurance soumis à la loi fédérale sur le contrat d'assurance (ci-après : LCA ; RS 221.229.1) par lequel l’assureur s’engeait à prendre en charge le dommage subi par le preneur pour le cas où sa responsabilité civile était engagée. Il s’agit donc d’une assurance responsabilité civile au sens des art. 59 et 60 LCA. Le contrat était lui-même lié au contrat d’assurance responsabilité civile conclu entre la défenderesse et Clinique C.__ SA, en ce sens que la fin de ce dernier contrat mettait automatiquement fin, et pour le même délai, à celui passé avec Institut W.__ SA.
Il n’est pas contesté que le 23 décembre 1995, date de l’extubation de la demanderesse X.__, ces contrats étaient en vigueur, de sorte que si la responsabilité civile de Institut W.__ SA était engagée et les conditions d’assurance remplies, la défenderesse serait en principe tenue de couvrir le sinistre qui en résulterait pour l’assuré. Selon le principe de la relativité des conventions, cette créance éventuelle, découlant du contrat d'assurance, appartenait toutefois à Institut W.__ SA, cocontractante de l'assureur, laquelle a été radiée du registre du commerce le 17 avril 2001. En l’absence d’une disposition spéciale qui permettrait au lésé d'agir directement contre l'assureur (cf. p. ex. l’art. 65 al. 1 LCR), les demandeurs sont des tiers par rapport au contrat d’assurance et ne peuvent donc en déduire aucun droit. Quant à l’art. 60 al. 1 LCA, il accorde certes au lésé un droit de gage légal sur l’indemnité due par l’assureur responsabilité civile au preneur, mais ne lui transfère pas pour autant la titularité de la créance, ni ne lui permet d’agir directement contre l’assureur (TF 4A_185/2011 du 15 novembre 2011 consid. 2.1 et les références citées). Il s’ensuit que la défenderesse ne saurait être actionnée par les demandeurs sur la base du seul contrat d’assurance qui liait celle-ci à Institut W.__ SA.
b) Les demandeurs invoquent la déclaration émise par Q.__, à l’époque sous-directeur de la défenderesse, dans sa lettre adressée le 19 avril 2002 à leur précédent conseil. Ils y voient la reconnaissance par la défenderesse de la responsabilité civile de Institut W.__ SA dans l’extubation pratiquée le 23 décembre 1995, ainsi qu'un engagement direct de la défenderesse envers la demanderesse et ses proches de réparer le dommage qui en découle. La défenderesse considère qu’elle n'a fait dans ce document qu’admettre la responsabilité de son assuré, mais ne prend aucun engagement vis-à-vis du lésé ou de ses proches.
Quelle que soit l'interprétation (subjective ou, cas échéant, objective) que l'on donne de cette déclaration, dans la mesure où les demandeurs fondent leurs prétentions sur celle-ci, la légitimation passive de la défenderesse est donnée, pour les motifs suivants.
VII. a) Les règles déduites de l'art. 18 al. 1 CO en matière d’interprétation des contrats valent aussi pour l'interprétation des actes unilatéraux (TF 5P.19/2006 du 20 mars 2006 consid. 2.1; Kramer, Berner Kommentar, n. 50 ad art. 18 CO). En cas de litige quant à l'interprétation d'une déclaration de volonté, le juge doit ainsi s'efforcer de déterminer tout d'abord la réelle intention de son auteur. Si cette intention n'est pas reconnaissable, c'est le sens objectif de la déclaration qui est décisif. Le juge doit alors rechercher comment le destinataire pouvait et devait interpréter de bonne foi la déclaration en cause (TF 4C.383/2006 du 27 février 2007 consid. 3.3 et la référence citée ; Winiger, in Thévenoz/Werro [éd.], Commentaire romand CO I [cité CR-CO I], n. 12 ad art. 18 CO).
b) Dans sa lettre du 19 avril 2002, cosignée par la mandataire commerciale [...],Q.__ écrit que « seule la responsabilité de l'" Institut W.__ SA" est engagée dans cette affaire car les deux médecins présents lors de l’extubation dépendaient exclusivement de cette entreprise ». Il ajoute qu’au « nom de l'" Institut W.__ SA" et au nom de notre compagnie, nous nous engageons à assumer les dommages consécutifs en causalité adéquate subis par la petite X.__ et les membres de sa proche famille » et que, « compte tenu de la disparition de l’institut susmentionné, nous sommes d’accord de renoncer à invoquer la prescription aux noms de " Z.__SA" et de l'" Institut W.__ SA", et ce jusqu'au 18.12.2005, pour autant, bien entendu, que notre dette ne se trouve pas déjà prescrite. »
Le sens de cette déclaration ressort clairement des termes employés. Il est vrai que, comme le fait valoir la défenderesse, ce document précise que seule la responsabilité de Institut W.__ SA est engagée. Mais son auteur prend, expressément et au nom de l’assureur, l’engagement d’assumer le dommage subis par X.__ et ses proches en raison de cette responsabilité. En d’autres termes, il déclare assumer l'obligation de réparer ce dommage directement en mains des demandeurs.
La défenderesse ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient qu’une telle déclaration ne valait que vis-à-vis de son assuré. L’interprétation qu’elle propose se heurte au texte clair et sans équivoque de sa déclaration. Du reste, cette déclaration faisait suite à une demande expresse du conseil d’alors de la demanderesse tendant précisément à ce que l’assureur reconnaisse la responsabilité de son assuré et prenne l’engagement de réparer le préjudice qui en résulte (lettre de l’avocat G.__ du 16 avril 2002). Elle est d’autant moins soutenable que le 19 avril 2002, date à laquelle cette déclaration a été émise, l'assuré n’existait plus, sa radiation du registre du commerce étant intervenue le 27 avril 2001, près d’une année auparavant. La défenderesse le savait certainement puisqu’elle se réfère elle-même dans sa déclaration à « la disparition de l’institut ». Un engagement envers ce dernier de couvrir le cas n’aurait donc eu aucun sens à ce moment.
C’est également en vain que la défenderesse prétend qu’il ne pouvait y avoir d’engagement de la part d’Q.__ dès lors que celui-ci ignorait alors pour qui travaillait le Dr Y.__ et, partant, ne savait pas si la couverture d’assurance était donnée. Il ressort clairement du témoignage d’Q.__ qu’au moment de la déclaration du 19 avril 2002, ce dernier savait que le Dr Y.__ ne faisait pas partie de la liste des médecins assurés de Institut W.__ SA; il a rédigé sa lettre en toute connaissance de cause de cette problématique, son point de vue étant que dès lors que ce médecin était intervenu sur le site de la Clinique, il suffisait qu’il ait agi pour le compte de la Clinique ou de l’Institut pour que le cas soit couvert. L’engagement pris par le prénommé et par [...], dont les pouvoirs de représentation n’ont pas été contestés par la défenderesse, lie donc celle-ci.
c) En ce qui concerne la qualification juridique de cet engagement, il faut admettre, avec la défenderesse, que l’on n’est pas en présence d’une reprise de dette (art. 175 à 183 CO), comme le font valoir les demandeurs. En effet, à défaut de tout accord entre l’assureur et l’assuré, il ne peut s’agir d’une reprise de dette interne (art. 175 CO), ni d’une reprise de dette externe (art. 176 CO), qui est généralement précédée d’une reprise interne (TF 4A_270/2008 du 1er octobre 2008 consid. 2.1). Dans la mesure où Institut W.__ SA n’existait plus le 19 avril 2002 et ne pouvait donc plus être recherchée en responsabilité, il ne peut pas s’agir non plus d’un cautionnement (art. 492 al. 1 CO), ni d’une promesse de porte-fort (art. 111 CO).
La déclaration litigieuse s’apparente tout d’abord à une reconnaissance de responsabilité, soit une déclaration par laquelle une personne admet le principe de la responsabilité à la suite d'un évènement dommageable (Tercier/Favre, Les contrats spéciaux, 4e éd. 2009, n. 8120). La défenderesse reconnaît en effet que la responsabilité de son assurée est engagée du fait de l’intervention pratiquée. Mais, surtout, elle prend l’engagement d’assumer le dommage en lien de causalité avec cette responsabilité, de sorte que sa déclaration comprend également une reconnaissance de dette au sens de l’art. 17 CO (Tevini in CR-CO I, n. 6 ad art. 17 CO), émise en application de l’art. 60 al. 1, 2e phrase, LCA. En vertu de cette disposition, l’assureur a en effet la faculté de s’acquitter directement en mains du lésé, ce qu’il fait d’ailleurs le plus souvent dans la pratique (Werro, La responsabilité civile [cité : La responsabilité], 2e éd., 2011, op. cit., n. 1612 et les références citées). Il peut donc, a fortiori, s’engager à payer en mains du lésé. C’est clairement ce que la défenderesse a fait en l’occurrence. Si elle ne prend pas l’engagement de payer un montant précis, mais de couvrir les dommages en lien de causalité subis par la demanderesse X.__ et ses proches, c’est certainement parce que le montant exact du dommage n’était alors pas connu. Quoi qu’il en soit, pour que la reconnaissance de dette soit valable, il suffit que le débiteur reconnaisse l'obligation dans son principe ; peu importe qu'il soit dans l'incertitude quant au montant de la dette, car la reconnaissance de l'obligation de principe de payer suffit et n'a pas à se rapporter à un montant déterminé (ATF 119 II 368 consid. 7b ; 110 II 176 consid. 3). Lorsque, comme dans le cas présent, aucun chiffre n’est articulé dans l’acte, la reconnaissance s'étend au montant qui s'avère ultérieurement dû au regard de l'obligation reconnue (TF 5C.112/2003 du 27 février 2004 consid. 4.1 et la référence citée), en l’espèce celle de réparer le dommage de la demanderesse et de sa famille proche en relation de causalité adéquate avec l’extubation pratiquée le 23 décembre 1995.
S’agissant, enfin, des moyens que la défenderesse tire de prétendues malversations d’Q.__ à son encontre ou du fait que celui-ci se serait mépris sur le fait que la couverture n’était donnée que pour certains médecins – on a d'ailleurs vu sur ce dernier cas n'était pas réalisé –, ils ne sont pas opérants. En effet, si la défenderesse considérait que l’un ou l’autre de ces éléments avait une quelconque incidence sur la validité de la reconnaissance de dette émise par le prénommé et par [...], il lui était loisible d’invalider celle-ci, conformément à l’art. 31 CO, ce qu’elle n’a jamais fait.
d) En définitive, il faut admettre comme un fait établi que dans sa déclaration du 19 avril 2002, la défenderesse s’est engagée directement envers la demanderesse X.__ et les membres de sa famille proche, dont font partie assurément les autres demandeurs, à prendre en charge le dommage en relation de causalité adéquate avec l’extubation pratiquée le 23 décembre 1995. La volonté réelle de l’auteur de la déclaration étant établie, point n’est besoin de procéder à une interprétation selon le principe de la confiance. Celle-ci n'aboutirait d'ailleurs pas à un autre résultat. Comme on l'a vu, le sens du texte de la déclaration du 19 avril 2002 est parfaitement clair, et il est confirmé par le contexte, notamment par le fait que cette déclaration répondait précisément à une demande de reconnaissance de responsabilité émise trois jours plus tôt par l'avocat G.__ à l'attention de la demanderesse.
VIII. a) La relation entre la demanderesse X.__ et Institut W.__ SA est celle existant entre un patient et un médecin privé. L’acte médical mis en cause ayant été exécuté dans un établissement hospitalier privé, par des médecins agissant à titre privé, les règles du droit cantonal sur la responsabilité qu’encourent les fonctionnaires et employés publics pour le dommage ou le tort moral qu'ils causent dans l'exercice de leur charge (art. 61 CO) ne sont pas applicables.
b) aa) Les contrats du domaine médical sont une expression générique visant tous ceux qui ont pour objet des services par lesquels sont fournis des soins, qu'ils soient physiques ou psychiques (Tercier/Favre, op. cit., n. 5389). Il n'existe pas de règles spéciales relatives aux contrats médicaux, raison pour laquelle on leur applique les règles du mandat (ATF 132 III 359 consid. 3.1, JdT 2006 I 295). En dehors du devoir de ne faire que les prestations convenues, soit de ne procéder qu'aux traitements et actes que le patient a acceptés, sauf exceptions, et du devoir de confidentialité, le prestataire de soins médicaux est tenu par le devoir d'information et par le devoir de respecter les règles de l'art (Tercier/Favre, op. cit., nn. 5406 ss). Tant lors du diagnostic qu'au moment de décider d'un traitement ou d'une mesure d'une autre nature, il doit souvent procéder, selon l'état de la science considéré objectivement, à une appréciation et choisir parmi les différentes possibilités. En optant pour l'une ou l'autre, il fait usage de son pouvoir d'appréciation conformément à ses devoirs (SJ 1999 I pp. 499 ss).
Le prestataire de soins s'engage envers le patient à mettre en œuvre ses connaissances, sa technique et ses équipements, sans promettre pour autant un résultat. Son unique obligation est d'agir avec diligence en vue d'atteindre le but qui motive son action, sans garantir qu'il sera atteint. Dès lors, si le résultat n'est pas atteint, mais que le mandataire a correctement mis ses moyens au service du mandant, il y a parfaite exécution (Engel, Contrat de droit suisse, 2e éd., pp. 481-483). L'étendue du devoir de diligence se détermine selon des critères objectifs. Les exigences qui doivent être posées à cet égard ne peuvent pas être fixées une fois pour toutes. Elles dépendent des particularités de chaque cas, telles que la nature de l'intervention ou du traitement et les risques qu'ils comportent, la marge d'appréciation, le temps et les moyens disponibles, la formation et les capacités du prestataire de soins. La violation, par celui-ci, de son devoir de diligence – communément mais improprement appelée "faute professionnelle" – constitue, du point de vue juridique, une inexécution ou une mauvaise exécution de son obligation de mandataire et correspond ainsi, sur le plan contractuel, à la notion d'illicéité propre à la responsabilité délictuelle. Si elle occasionne un dommage au mandant et qu'elle se double d'une faute, le patient est fondé à obtenir des dommages et intérêts (art. 97 al. 1 CO) (ATF 133 III 121 consid. 3.1, rés in JdT 2008 I 103). En effet, la responsabilité du prestataire de soins obéit aux règles générales, savoir aux principes déduits de l'art. 398 CO. En tant que mandataire, celui-ci répond de la bonne et fidèle exécution du mandat (art. 398 al. 2 CO). L'art. 398 al. 1 CO soumet sa responsabilité aux mêmes principes que ceux du travailleur dans les rapports de travail. La règle renvoie à l'art. 321e CO, lequel reprend le régime général de l'art. 97 CO (Werro, Le mandat et ses effets, n. 786).
La responsabilité du mandataire suppose donc la réunion de quatre conditions cumulatives : une violation d'un devoir de diligence, une faute, un dommage et un rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation fautive du devoir de diligence et le dommage ; il appartient au demandeur d'apporter la preuve des faits permettant de constater que chacune de ces conditions est remplie (art. 8 CC), sauf pour la faute qui est présumée (art. 97 al. 1 CO) (ATF 133 III 121 consid. 3.1 ; 132 III 379 consid. 3.1).
bb) Toutefois, pour admettre que le prestataire de soins a violé une obligation contractuelle, il faut tenir compte des particularités et des risques de l'activité médicale. Ainsi, le prestataire de soins n'a pas à répondre des dangers et des risques inhérents à tout acte médical (Tercier/Favre, op. cit., nn. 5418-5419). Toute atteinte à la santé ne constitue donc pas en soi une violation du contrat, car les interventions et les traitements médicaux comportent des risques inévitables quand bien même toute la diligence requise est observée (ATF 120 II 248 consid. 2c JdT 1995 I 559 ; ATF 120 Ib 411 consid. 4 ; TF 4A_403/2007 du 24 juin 2008 consid. 6). Une réserve particulière s'impose notamment dans le domaine chirurgical. En effet, la chirurgie comporte nécessairement une certaine hardiesse, une certaine acceptation des risques. Condamner un chirurgien pour le seul motif qu'il a décidé d'opérer, alors que l'intervention n'était peut-être pas indispensable, ou parce qu'il a commis une erreur de technique opératoire, pourrait avoir pour conséquence d'empêcher les chirurgiens d'intervenir dans les cas douteux, leur abstention pouvant être fatale au patient. Le chirurgien doit jouir d'une grande liberté d'appréciation dans sa décision sur l'opportunité d'une opération et la façon d'y procéder. Il est cependant tenu, lors de son intervention, de prendre toutes les précautions commandées par la technique opératoire et par les circonstances du cas pour réduire le plus possible les dangers de l'opération. On est en droit d'exiger de lui une attention particulière, puisque les suites d'une négligence peuvent être des plus graves (ATF 105 II 284 consid. 1, JdT 1980 I 169). Il doit en outre se tenir au courant des progrès de sa spécialité (ATF 66 II 34).
Pour que la responsabilité du médecin soit engagée, il faut donc que l'on puisse lui reprocher une violation des règles de l'art ou de l'obligation de recueillir le consentement éclairé du patient, un dommage, une relation de causalité naturelle et adéquate entre le manquement et le dommage et, enfin, une faute, qui est présumée (art. 97 CO ; ATF 108 II 59, rés. in JdT 1982 I 285; ATF 105 II 284, rés. in JdT 1980 I 169; Guillod, Responsabilité médicale: de la faute objectivée à l'absence de faute, in Responsabilités objectives, pp. 155 ss, spéc. p. 155). Lorsqu'une violation des règles de l'art est établie, il appartient au médecin de prouver qu'il n'a pas commis de faute (ATF 133 III 121 consid. 3.1, rés. in JdT 2008 I 103). Comme pour toute responsabilité, ces conditions sont cumulatives (TF 4C.88/2004 du 2 juin 2004).
cc) Les règles de l'art médical sont des principes établis par la science médicale, généralement reconnus et admis, communément suivis et appliqués par les praticiens (ATF 133 III 121 consid. 3.1, rés. in JdT 2008 I 103; ATF 108 II 59 consid. 1, rés. in JdT 1982 I 285; ATF 64 II 200 consid. 4a ; Müller, Responsabilité civile du médecin in Quelques actions en responsabilité, CEMAJ Neuchâtel, n. 17). Il s'agit donc d'appliquer les usages professionnels, les devoirs qui s'imposent à tous les membres d'une même corporation, les règles générales dont l'ignorance serait une faute grave et les soins usuels. Il n'existe cependant aucune définition des règles de l'art. Le Tribunal fédéral a du reste reconnu que dans une profession si complexe où les opinions sont multiples et parfois divergentes, et dans une science si évolutive, il est difficile de fixer des procédés constants ou de codifier des règles de l'art trop mouvantes. Aussi, les tribunaux, s'appuyant sur l'avis des experts, doivent-ils donner de cas en cas une portée juridique aux règles de l'art (Ney, La responsabilité des médecins et de leurs auxiliaires notamment à raison de l'acte opératoire, thèse Lausanne 1979, pp. 160-161).
Savoir si le médecin a violé son devoir de diligence est une question de droit ; dire s'il existe une règle professionnelle communément admise, quel était l'état du patient et comment l'acte médical s'est déroulé relève en revanche du fait (ATF 133 III 121 consid. 3.1, JdT 2008 I 103). En règle générale, le juriste est incapable de savoir si le médecin a fait ce qu'il fallait faire dans un cas d'espèce. C'est à l'expert médical de trancher cette question scientifique (Müller, op. cit., loc. cit.) et le juge ne saurait aller à l'encontre de ses conclusions, à moins qu’elles ne soient démenties par les indications d'autres experts (Ney, op. cit., p. 232). En pratique, le juge ne s'écartera de leurs conclusions que si elles heurtent manifestement le sens commun ou le sens de l'équité (Guillod, Le consentement éclairé du patient, thèse Neuchâtel, 1986, p. 72).
c) Le dommage réparable doit être la conséquence du fait générateur de responsabilité, soit en l’occurrence de l’acte médical précité. En d’autres termes, il doit exister un rapport de cause à effet, appelé causalité naturelle, entre cet acte et le préjudice subi par le lésé. C'est une question de fait (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 JdT 2009 I 47 ; ATF 130 III 591 consid. 5.3 JdT 2006 I 131). Lorsque cette causalité naturelle est donnée, il faut encore se demander si le fait générateur de responsabilité a le caractère d'une cause adéquate. Cela relève du droit (TF 4A_266/2011 du 19 août 2011 consid. 2.1.3 ; ATF 123 III 110 consid. 2 JdT 1997 I 791 ; ATF 116 II 519 consid. 4a JdT 1991 I 634).
Un fait est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions sine qua non. Autrement dit, deux événements présentent entre eux un lien de causalité naturelle lorsque, sans le premier, le second ne se serait pas produit (Werro, La responsabilité, op. cit., nn. 192-192). Il n'est pas nécessaire que l'événement considéré soit la cause unique ou immédiate du résultat (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 précité). La causalité naturelle peut être admise même si une autre cause a été nécessaire, conjointement à la première, pour arriver au résultat en question ; on parle alors de causalité partielle (TF 4C.222/2004 du 12 septembre 2004 consid. 2.1 non publié aux ATF 131 III 12). La question de l'existence d'un lien de causalité naturelle entre le fait générateur de responsabilité et le dommage doit être tranchée selon la règle de la vraisemblance prépondérante. En pareil cas, l'allégement de la preuve se justifie par le fait que, en raison de la nature même de l'affaire, une preuve stricte n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée de celui qui en supporte le fardeau (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 précité ; ATF 133 III 81 consid. 4.2.2 JdT 2007 I 309 ; Werro, La responsabilité, op. cit., n. 229).
Le lien de causalité est adéquat lorsque le comportement incriminé était propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit, en sorte que la survenance du résultat paraît favorisée par le fait en question (TF 4A_466/2012 du 12 novembre 2012 consid. 4.1 ; TF 4A_513/2009 du 21 décembre 2009 consid. 3 ; ATF 123 III 110 consid. 3a). Pour déterminer si tel est le cas, le juge doit procéder à un pronostic rétrospectif objectif : se plaçant au terme de la chaîne des causes, il lui appartient de remonter du dommage dont la réparation est demandée au chef de responsabilité invoqué et de déterminer si, dans le cours normal des choses et selon l'expérience générale de la vie, une telle conséquence demeure dans le champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles (TF 4C.368/2005 du 26 septembre 2006 consid. 3.1 non publié aux ATF 133 III 6 ; ATF 129 II 312 consid. 3.3 et les arrêts cités rés. in SJ 2003 I 437). Pour qu'une cause soit propre à avoir des effets du genre de ceux qui se sont produits, il n'est pas nécessaire qu'un tel résultat doive se produire régulièrement ou fréquemment. L'exigence du caractère adéquat ne doit pas conduire à ne prendre en considération que les conséquences d'un accident qui sont habituellement à prévoir d'après le déroulement de l'accident et ses effets sur le corps humain. Il convient bien plutôt de partir des conséquences effectives et de décider rétrospectivement si et dans quelle mesure l'accident apparaît encore comme leur cause essentielle. Si un événement est en soi propre à provoquer un effet du genre de celui qui s'est produit, même des conséquences singulières, c'est-à-dire extraordinaires, peuvent constituer des conséquences adéquates de l'accident (SJ 2004 I 407 consid. 4.2 et les arrêts cités).
d) En l’espèce, il est reproché au médecin ayant pratiqué l’extubation du 23 décembre 1995 d’être responsable des lésions subies par la demanderesse à la suite de cette intervention.
Il est constant que cette extubation a été suivie d’une obstruction des voies respiratoires, accompagnée d’une hypoxémie profonde qui a conduit à un arrêt cardiaque. Trois causes potentielles peuvent expliquer une telle obstruction d’après l’expert judiciaire, à savoir un œdème laryngé, un laryngospasme et une obstruction des voies aériennes par des secrétions. C’est selon l'expert cette dernière cause qui est à l’origine de l’obstruction qui s’est produite chez la demanderesse; de plus, si la survenance d’un œdème laryngé ou d’un laryngospasme était difficilement prévisible en 1995, une obstruction des voies aériennes par des sécrétions était prévisible, en présence notamment de secrétions importantes. L'expert a en effet relevé que le 23 décembre 1995, différents symptômes laissaient prévoir la survenance d’une telle obstruction : la présence, depuis 48 heures, de secrétions épaisses et abondantes, qui pouvaient rapidement encombrer la patiente, avec le risque d’une hypoxie potentielle ; les constantes respiratoires mesurées le matin de l’extubation, qui ne permettaient pas non plus de prédire le succès de l’intervention ; enfin, la forte présence de leucocytes dans les sécrétions dénotait une forte inflammation des voies aériennes, susceptible d’augmenter drastiquement leur résistance étant donné le jeune âge de la patiente. D’après l’expert, ces éléments auraient dû induire le médecin à avoir une position attentiste avant d’extuber, ce qui fait partie de la prise en charge de base dans toute structure de soins intensifs. Il aurait fallu recourir tout d’abord à un autre mode ventilatoire (aide inspiratoire), puis réduire progressivement les besoins en ventilation et ensuite faire un essai de respiration spontanée sur le tube endotrachéal. En tout cas, l’échec de l’extubation était prévisible selon l’expert au vu des différents symptômes présents le matin du 23 décembre 1995.
Au vu des conclusions de l’expert, qui sont complètes et convaincantes et dont il n’y aucun motif de s’écarter, la Cour considère que le médecin responsable de l’extubation n’a pas pris toutes les précautions que commandaient les règles de l'art médical et qui s’imposaient, compte tenu de toutes les circonstances concrètes, à tout médecin qui exerce dans une structure de soins intensifs. Partant, ce médecin a violé le devoir de diligence qui lui incombait en vertu du contrat de soins qui liait la demanderesse X.__ à Institut W.__ SA, laquelle répond de cette violation en vertu de l’art. 101 al. 1 CO.
Il est établi que l’hypoxémie survenue chez la demanderesse a été suivie d’un arrêt cardiaque, puis circulatoire, lequel a engendré une diminution de la perfusion cérébrale et une souffrance cérébrale. Il s’en est suivi une encéphalopathie hypoxique. Les examens ultérieurs ont relevé la présence des lésions totalement invalidantes et irréversibles, notamment l’absence des potentiels visuels, des anomalies au niveau du tronc cérébral, une atrophie cérébrale, des calcifications généralisées, ainsi que, sur le plan neurologique, une tétraparésie spastique avec troubles de la déglutition. De l'avis de l'expert judiciaire, que la Cour fait sien sur ce point aussi, ces lésions sont en rapport de causalité naturelle avec les conséquences de l’extubation.
Ce rapport de causalité est en outre adéquat. En effet, l’obstruction des voies aériennes, l’hypoxie (manque d’air dans les poumons), l’hypoxémie (diminution de l’oxygène dans le sang) et les arrêts cardiaque et circulatoire qui ont suivis sont de nature, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à provoquer les atteintes dont il s'agit. Il n'y a pas eu, dans la chaîne causale, d'autres événements à ce point exceptionnels qu'ils auraient interrompu le rapport de cause à effet entre les conséquences de l’extubation et ces atteintes.
En définitive, il existe bien un rapport de causalité naturelle et adéquate entre l’intervention médicale du 23 décembre 1995 et l’invalidité de la demanderesse X.__. Celle-ci est donc, sur le principe, fondée à agir en réparation de son dommage.
IX. La défenderesse a excipé de la prescription dans sa réponse, soit en temps utile (Poudret/Haldy/Tappy, op. cit., n. 3 ad art. 138 CPC-VD et les références cités).
a) Il convient de déterminer tout d’abord quelle prescription s’applique, ce qui dépend de la nature de l’obligation qui fonde la créance déduite en justice. La créance invoquée par les demandeurs ne se fondant pas sur le contrat d’assurance entre Institut W.__ SA et la défenderesse (cf. supra, consid. VI/a), la prescription biennale de l’art. 46 LCA invoquée par cette dernière n’entre pas en considération. Le seul fondement de cette créance est la déclaration du 19 avril 2002 de l’assureur, valant reconnaissance de dette, dans laquelle celui-ci se reconnaît débiteur de la prétention en dommages-intérêts qu'aurait eue la demanderesse X.__ et, le cas échéant, des membres de sa proche famille, à l’égard de Institut W.__ SA.
On l’a vu, la relation entre la demanderesse X.__ et Institut W.__ SA est soumise aux règles du mandat (cf. supra, consid. VIII/b/aa); elle est donc essentiellement de nature contractuelle (Engel, Contrats de droit suisse, 2e éd., p. 499). Il arrive toutefois que la responsabilité du médecin soit délictuelle, exclusivement, ou concurremment avec la responsabilité contractuelle. En particulier, cette responsabilité peut être à la fois contractuelle et délictuelle (la faute du praticien constitue tant une violation du contrat de soins qu’un acte illicite) lorsque le patient subit une atteinte à sa vie ou à son intégrité corporelle (Ney, op. cit., pp. 32-33). Tel est assurément le cas en l’espèce, de sorte que les prétentions de la demanderesse X.__ ont un double fondement, contractuel et délictuel.
Les autres demandeurs font valoir des prétentions en réparation de leur tort moral et, en ce qui concerne les parents de la demanderesse, une créance en dommages-intérêts pour les frais qu’ils ont engagés en raison de l’invalidité de leur fille. Comme on le verra plus loin (cf. infra consid. XIII/a), les proches d’une personne qui a subi des lésions corporelles n’ont toutefois aucune prétention indépendante en dommages-intérêts contre le tiers responsable, de sorte que seule une indemnité en réparation du tort moral au sens de l’art. 49 CO peut entrer en considération en ce qui les concerne (cf. infra, consid. XV). La doctrine est divisée sur la question de savoir si, lorsque la responsabilité envers la personne directement lésée est fondée sur la violation d’un contrat, la prescription de la prétention des proches en réparation du tort moral est soumise aux règles de la responsabilité délictuelle ou contractuelle. Dans un arrêt publié aux ATF 123 III 204 (JdT 1999 I 9), le Tribunal fédéral a jugé que la prétention autonome des proches a toujours pour fondement un acte illicite, que le tiers responsable réponde envers la personne directement lésée en vertu d’un rapport contractuel ou d’un acte illicite, de sorte que la prescription délictuelle lui est applicable (consid. 2e et 2f et les nombreux auteurs cités au consid. 2d). Il a toutefois réservé l’hypothèse où le proche est lui-même partie au contrat, par exemple en cas de traitement d’un enfant par un médecin, et que l’on peut admettre une stipulation pour autrui, la prescription contractuelle régissant alors la prétention de ce proche en réparation de son tort moral (consid. 2g et les références citées; cf. ég. ATF 116 II 519 consid. 2a et Pichonnaz in CR-CO I, n. 21b ad art. 127 CO et les références citées).
En l’occurrence, ce cas de figure apparaît bien être celui des parents d’X.__, qui était encore une enfant lors de la conclusion du contrat de soins avec Institut W.__ SA. Au demeurant, la prescription n’est de toute manière pas atteinte quel que soit le régime de responsabilité applicable.
b) Les prétentions contractuelles en réparation du dommage découlant de la responsabilité du mandataire se prescrivent par dix ans, conformément à la règle générale de l’art. 127 CO (ATF 121 III 310 consid. 5a, JdT 1996 I 359). Ce délai court dès que la créance est devenue exigible (art. 130 al. 1 CO), soit dès la survenance de l’acte dommageable (TF 4A_103/2009 du 27 avril 2009 consid. 2.2.2 et les références citées).
En matière délictuelle, la créance se prescrit selon les délais prévus par l'art. 60 al. 1 CO, soit par un an dès la connaissance du dommage et de la personne qui en est l'auteur (délai relatif) et, dans tous les cas, par dix ans dès le jour où le fait dommageable s'est produit (délai absolu). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à cette disposition, le créancier connaît suffisamment le dommage lorsqu'il apprend, touchant son existence, sa nature et ses éléments, les circonstances propres à fonder et à motiver une demande en justice ; le créancier n'est pas admis à différer sa demande jusqu'au moment où il connaît le montant absolument exact de son préjudice, car le dommage peut devoir être estimé en vertu de l'art. 42 al. 2 CO (ATF 131 III 61 consid. 3.1 ; ATF 111 II 55 consid. 3a). Quant à la connaissance de la personne, auteur du dommage au sens de l'art. 60 al. 1 CO, elle n'est pas acquise dès l'instant où le lésé présume que la personne en cause pourrait être tenue de réparer le dommage, mais seulement lorsqu'il connaît les faits qui fondent l’obligation de réparer. En revanche, il n'est pas nécessaire que le lésé connaisse également le fondement juridique de ce devoir; en effet, l'erreur de droit n'empêche pas le cours de la prescription (TF 4C.182/2004 du 23 août 2004 consid. 5.2.1 ; TF 4C.234/1999 du 12 janvier 2000 consid. 5c/cc, SJ 2000 I p. 421; TF 4C.43/1993 du 7 avril 1994 consid. 5c, SJ 1995 p. 167).
c) En l’espèce, l’extubation de la demanderesse X.__ constitue l’acte dommageable. Elle a été réalisée le 23 décembre 1995, de sorte que la prescription décennale des art. 60 al. 1 et 127 al. 1 CO a commencé à courir à cette date. Cette prescription n’était donc pas atteinte le 19 avril 2002, date à laquelle la défenderesse a émis sa reconnaissance de dette, ni d’ailleurs le 17 juin 2005, date du dépôt de la demande, tous deux actes interruptifs de prescription (art. 135 ch. 2 CO). La prescription des prétentions (contractuelles) de l'enfant et de ses parents n'était donc pas atteinte le 19 avril 2002. Au surplus, à cette date, la personne de l’auteur de l’extubation n’était pas connue avec certitude. Elle ne l’est du reste pas encore à ce jour (cf. infra, consid. X/b). Le fait que, en octobre 2001, le demandeur P.__, alors représentant légal de sa fille, pensait que l’acte avait été pratiqué par le Dr Y.__ n’est pas suffisant à cet égard, la véracité de ce renseignement n’étant pas prouvée, même au terme de l'instruction du présent procès. Le délai relatif de l’art. 60 al. 1 CO n’avait donc pas commencé à courir au moment de la déclaration du 19 avril 2002. Dans cette déclaration, la défenderesse a renoncé à se prévaloir de la prescription jusqu’au 18 décembre 2005, aussi bien à l’égard de la demanderesse X.__ que des membres de sa famille proche, soit des autres demandeurs. Ouverte le 17 juin 2005, l’action l’a été avant cette échéance. Qu’elles soient de nature contractuelle ou délictuelle, les prétentions des demandeurs ne sont donc pas prescrites.
X. Dans un autre moyen, la défenderesse soutient que l’existence d’une dette de Institut W.__ SA à l’encontre des demandeurs n’engendre pas automatiquement un droit aux prestations d’assurance. Dans la mesure où le Dr Y.__ n’a jamais fait partie de la liste des médecins assurés par la police d’assurance, le cas ne serait de toute manière pas couvert.
a) Sauf disposition contraire de la loi, l'assureur répond, de tous les événements qui présentent le caractère du risque contre les conséquences duquel l'assurance a été conclue, à moins que le contrat n'exclue certains événements d'une manière précise, non équivoque (art. 33 LCA). Cela signifie que, si tout événement qui relève du risque assuré fonde en principe un droit à l'indemnisation lorsqu'il se réalise, les parties au contrat peuvent convenir généralement sous la forme de dispositions préformulées dans les conditions générales d'assurance - de clauses d'exclusion qui limitent l'étendue de la couverture par rapport à certains événements, à certaines personnes ou à certains biens, ou encore en raison des circonstances dans lesquelles un sinistre survient (TF 5C.175/2003 du 24 février 2004 consid. 3.1.2 ; Viret, Les clauses d'exclusion des contrats d'assurance, en particulier dans les assurances automobiles, in RSA 62/1994 p. 247 ss).
Lorsque l’assureur, faisant usage de la faculté que lui offre l’art. 60 al. 1 LCA, verse directement sa prestation à la victime, il peut opposer à celle-ci toutes les exceptions qu’il aurait pu faire valoir à l’égard de la personne assurée (Brulhart, Droit des assurances privées, Berne 2008, n. 737 et la jurisprudence citée). On peut donc admettre que lorsque, comme dans le cas présent, l’assureur prend un engagement en ce sens envers la victime, cet engagement puisse en principe trouver ses limites dans le contrat d’assurance.
b) En l’espèce, les conditions particulières de la police d’assurance liant la défenderesse à Institut W.__ SA contiennent une clause qui limite la couverture aux seuls médecins figurant sur une liste approuvée par l’assureur. On sait que les Drs Y.__ et [...] étaient les médecins présents lors de l’extubation du 23 décembre 1995 et que seul ce dernier figurait sur la liste de l’assureur. On ignore toutefois qui de ces médecins a procédé à l’extubation, de sorte qu’il n’est pas établi que l’acte a été le fait d’un médecin ne bénéficiant pas de la couverture d’assurance. Dans la mesure où la preuve d’un cas d’exclusion d'assurance incombe à l’assureur qui l’invoque (TF 5C.175/2003 du 24 février 2004 consid. 2.1), la défenderesse doit supporter en l’espèce l’échec de cette preuve. Partant, elle ne saurait se prévaloir de la clause d’exclusion du contrat d’assurance.
Au demeurant, on l’a vu (cf. supra consid. VII/b), il ressort de la déclaration du 19 avril 2002, cosignée par [...], qu’Q.__ savait que deux médecins étaient présents lors de l'extubation, mais considérait comme indifférent que l’un d’eux ne figurait pas dans la liste des médecins assurés de l’Institut, dès lors qu’il était intervenu sur le site de la Clinique; il a donc estimé – à tort ou à raison – que le fait que l’acte médical avait été réalisé dans les locaux de la Clinique C.__ SA par un médecin travaillant pour celle-ci ou pour Institut W.__ SA suffisait pour que le sinistre soit couvert. La défenderesse, qui est liée par la déclaration de son sous-directeur et de son mandataire commercial, qu’elle n’a du reste jamais invalidée, a donc manifesté la volonté d’assumer le dommage subi par la demanderesse et ses proches même dans l’hypothèse où l’acte médical incriminé était le fait du Dr Y.__. Il s’ensuit que la clause d’exclusion contenue dans le contrat d’assurance n’est de toute manière pas opposable aux demandeurs.
En définitive, compte tenu de sa déclaration du 19 avril 2002 notamment, la défenderesse est tenue de réparer les dommages en relation de causalité avec l’extubation pratiquée le 23 décembre 1995 sur la demanderesse X.__.
XI. Lorsque, comme en l’espèce, le fait générateur a entraîné des lésions corporelles, le calcul du dommage obéit aux principes généraux suivants, déduits de l'art. 46 CO auquel renvoie l’art. 99 al. 3 CO en matière contractuelle.
A teneur de l'art. 46 al. 1 CO, la victime de lésions corporelles a droit aux dommages-intérêts qui résultent de son incapacité de travail partielle ou totale, ainsi que de l’atteinte portée à son avenir économique. La loi distingue ainsi entre la perte de gain actuelle, qui s'est produite du jour de l'accident jusqu'à celui de la décision de la juridiction cantonale devant laquelle on peut alléguer pour la dernière fois des faits nouveaux (ATF 129 III 135 consid. 2.3.2 JdT 2003 I 511 ; ATF 125 III 14 consid. 2c), et la perte de gain future, pour l'éventualité où l'incapacité de travail dure toujours parce que le lésé est totalement ou partiellement invalide (TF 4C.324/2005 du 5 janvier 2006 consid. 3.2 et la jurisprudence citée ; Werro, in CR-CO I, n. 13 ss ad art. 46 CO). Cette distinction ne tend toutefois qu'à faciliter le calcul de l'indemnité par le juge, de sorte que les principes régissant le calcul de ces deux postes du dommage sont les mêmes (TF 4C.101/2004 du 29 juin 2004 consid. 3.2.1; TF 4C.252/2003 du 23 décembre 2003 consid. 2.1 ; Deschenaux/Tercier, La responsabilité civile, 2e éd., p. 226).
Le préjudice au sens de l'art. 46 al. 1 CO s’entend au sens économique (ATF 113 II 345 JdT 1988 I 696). Il résulte de l'impossibilité pour la victime d'utiliser pleinement sa capacité de travail. Il suppose que cette entrave cause un préjudice économique. Est donc déterminante la diminution de la capacité de gain et non l'atteinte à la capacité de travail comme telle (ATF 117 II 609 JdT 1992 I 727 ; ATF 116 II 295 JdT 1991 I 38 ; ATF 113 II 345 JdT 1988 I 696). Pour être indemnisée au titre de la perte de gain, la diminution de la capacité de travail, comprise comme une atteinte au potentiel de création de valeurs, doit dès lors être assortie d'un préjudice, soit d'un revenu plus bas ou d'une augmentation des charges (SJ 2002 I 414 consid. 3b).
Selon la jurisprudence, le dommage consécutif à l'invalidité doit, autant que possible, être établi de manière concrète (SJ 2002 I 414 consid. 3b et les arrêts cités). Le juge partira du taux d'invalidité médicale (ou théorique) et recherchera ses effets sur la diminution de la capacité de gain ou l'avenir économique du lésé. Pour déterminer les conséquences pécuniaires de l'incapacité de travail, il faut estimer le gain qu'aurait obtenu le lésé de son activité professionnelle s'il n'avait pas subi l’événement dommageable (ATF 131 III 360 consid. 5 JdT 2005 I 502; ATF 129 III 135 consid. 2.2 et 2.3.2, JdT 2003 I 511; Werro, CR-CO I, op. cit., nn. 21-22 ad art. 46). La perte de gain correspond à la différence entre le revenu de valide (revenu hypothétique sans l'acte dommageable) et le revenu d'invalide (revenu qui peut probablement être réalisé après l'acte dommageable) (ATF 136 III 222 consid. 4.1.1).
Si la situation salariale concrète du lésé avant l'événement dommageable doit servir de point de référence, le juge doit également prendre en compte les améliorations ou changements de profession probables (ATF 131 III 360 consid. 5 JdT 2005 I 502 ; ATF 99 II 214 consid. 3a).
Le lésé ne peut réclamer au responsable que la réparation du préjudice qui n'est pas couvert par les assurances sociales, lesquelles sont subrogées ex lege dans les droits du premier. Dans les calculs d'indemnisation, il faut donc procéder à une déduction des avantages constitués par les prestations allouées au demandeur par les différents assureurs sociaux, en vertu du principe général de l'interdiction de l'enrichissement applicable également en droit de la responsabilité civile (ATF 131 III 360 consid. 6.1 JdT 2005 I 502 ; ATF 129 III 135 consid. 2.3.2.2 JdT 2003 I 511).
Il incombe au demandeur, respectivement à la partie défenderesse, de rendre vraisemblable les circonstances de fait dont le juge pourra inférer les éléments pertinents pour établir le revenu qu'aurait réalisé le lésé sans l'accident et, le cas échéant, apprécier si ce dernier pouvait compter avec une augmentation de son revenu ou à l'inverse une diminution de celui-ci (ATF 131 III 360 précité consid. 5.1; ATF 129 III 135 précité consid. 2.2). Il s'agit là de la concrétisation de la règle selon laquelle le lésé supporte en principe la preuve de son dommage et le responsable celle d'éléments susceptibles de justifier une réduction (art. 42 al. 1 CO et 8 CC). Si les effets de l'invalidité sur la capacité de gain ne peuvent pas être estimés avec une sûreté suffisante, le juge détermine le dommage équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée (art. 42 al. 2 CO ; ATF 131 III 360 consid. 5.1 précité).
Selon l'art. 42 al. 2 CO, lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée. Cette disposition édicte une règle de preuve de droit fédéral dont le but est de faciliter au lésé l'établissement du dommage. Elle s'applique tant à la preuve de l'existence du dommage qu'à celle de son étendue. Cela étant, si l'art. 42 al. 2 CO allège le fardeau de la preuve et instaure un degré de preuve réduit par rapport à la certitude complète, il ne dispense pas pour autant le lésé de fournir au juge, dans la mesure du possible, tous les éléments de fait qui font apparaître la survenance du dommage comme une quasi-certitude et rendent possible l'évaluation en équité de son montant. Une simple possibilité ne suffit pas pour allouer des dommages-intérêts (TF 5A_170/2013 et 5A_174/2013 du 3 octobre 2013 consid. 7.1.2 ; ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 rés. in JdT 2009 I 47). L'exception de l'art. 42 al. 2 CO à la règle du fardeau de la preuve doit être appliquée de manière restrictive (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 précité).
XII. En l’occurrence, il est incontestable que depuis l’extubation pratiquée le 23 décembre 1995, la demanderesse X.__ présente une invalidité complète, aussi bien abstraite que concrète. Le dommage permanent qui en découle comprend notamment le manque à gagner consécutif à l’invalidité professionnelle, l’assistance de tierces personnes continue de l’invalide gravement atteint et les frais médicaux conservatoires permanents (Brehm, La réparation du dommage corporel en responsabilité civile [cité : La réparation], n. 19).
Le calcul du manque à gagner d’un enfant devenu invalide présente des difficultés évidentes dès lors que l’on ne dispose, en principe, d’aucune donnée concrète quant au revenu que celui-ci aurait réalisé sans l’acte dommageable. Si la jurisprudence s’en tient généralement aux salaires usuels au moment du jugement, des circonstances particulières (écolage suivi par l’enfant, milieu social, etc.) peuvent justifier qu’il soit tenu compte d’un revenu supérieur à la moyenne (ibid., nn. 37 ss et les références citées).
En l’espèce, la demanderesse a toutefois calculé sa perte de gain en se fondant sur le salaire minimum en Espagne en 2004, année de l’ouverture d’action. A défaut de toute allégation permettant de retenir que, sans l’intervention subie, elle aurait exercé une profession lui permettant de gagner davantage, son manque à gagner, passé et futur, doit être calculé sur cette base. De même, rien de concret ne permet de déterminer la date du début de sa carrière professionnelle, de sorte que, sur la base de l’expérience générale de la vie et du cours ordinaire des choses, le point de départ de la perte de gain sera fixé au 17 septembre 2012, date à laquelle la demanderesse a atteint sa majorité.
La perte de gain sera ainsi calculée sur la base d’un salaire annuel de 6'871 euros 20, duquel il faut déduire la rente invalidité allouée à la demanderesse, de 581 euros 64 par an. Dans son mémoire de droit, la défenderesse soutient qu’il s’agit là d’une rente pour enfant, qui serait plus élevée après la majorité. Ce fait n’est toutefois pas établi, ni même allégué en procédure, de sorte que la Cour s’en tiendra au montant établi par l’instruction. Le gain manqué annuel s’élève ainsi à 6'289 euros 56 (6'871 euros 20 ./. 581 euros 64). Du 17 septembre 2012 au 16 septembre 2015, cela donne 18'868 euros 68 (6'289 euros 56 p/an x 3 ans), auxquels il faut ajouter 369 euros 33 pour la période allant du 17 septembre au 9 octobre 2015, jour du jugement (6'289 euros 56 / 365 jours x 23 jours). La perte de gain passée totalise ainsi 19'265 euros 01.
La perte de gain future doit être calculée à l'aide des tables de capitalisation de Stauffer et Schätzle, en tenant compte en particulier des éléments suivants. L’âge du lésé au moment de la capitalisation, soit au jour du jugement, doit être déterminé par années pleines (Stauffer/Schaetzle/Weber, Tables et programmes de capitalisation, t. I, 6e éd., 2013, nn. 2.126 et 2.132, pp. 113-114). La cessation de toute activité lucrative à l'âge de la retraite correspond, du moins pour les salariés, au cours ordinaire des choses (TF 4A_370/2009 et 4A_90/2010 du 5 juillet 2010 consid. 7.1.2 et les références citées). Enfin, selon la jurisprudence, la capitalisation doit s’effectuer, pour l’atteinte à l’avenir économique, sur la base d’un taux de 3,5%, lequel tient compte de l’enrichissement futur (ATF 125 III 312 consid. 5a et 7).
Pour la capitalisation jusqu’à l’âge de la retraite, il y a lieu de se référer à la Table n° 13y (Stauffer/Schätzle, Tables et programmes de capitalisation, 5e éd., 2001, p. 153), qui doit être préférée dès lors qu’elle intègre tant le risque décès que le risque invalidité (TF 4A_319/2010 du 4 octobre 2010 consid. 4). La demanderesse étant âgée de 21 ans et l’âge légal de la retraite en Espagne étant de 65 ans pour les femmes ayant cotisé au moins 38 ans et 6 mois (cf. les conditions décrites sur le site Internet du Ministère de l'emploi et de la sécurité sociale espagnol: www.seg-social.es/Internet_1/Trabajadores/PrestacionesPension10935/Jubilacion/RegimenGeneral/Jubilacionordinaria/Requisitos/index.htm), le manque à gagner, de 6'289 euros 56 par an, sera capitalisé au facteur de 21,83, ce qui aboutit à une perte de gain future de 137'301 euros 09 (6'289 euros 56 x 21.83).
XIII. Le demandeur P.__ réclame la perte de gain qu’il soutient avoir subi en raison de l’abandon de son activité de psychothérapeute. Conjointement avec la demanderesse A.J.__, il conclut au remboursement des divers frais consécutifs à l’invalidité de leur fille jusqu’à fin 2004. La demanderesse X.__ réclame le remboursement de ces frais depuis le 1er janvier 2005.
a) En droit suisse de la responsabilité civile, l'action en dommages-intérêts n'appartient en principe qu'à la personne qui est directement atteinte par l'acte illicite, et non au tiers qui était en relation personnelle ou contractuelle avec la victime et qui est lésé indirectement par l'acte dommageable. Le tiers qui ne subit qu'un dommage réfléchi en raison d'une relation particulière avec le lésé direct n'a en principe aucune action contre l'auteur du dommage (ATF 127 III 403 consid. 4b/aa;
ATF 117 II 315 consid. 4d ; ATF 116 Ib 367 consid. 4b ; ATF 112 II 118 consid. 5c ; cf. aussi Brehm, La réparation, op. cit., nn. 408-409). Il n’est dérogé au principe de la non indemnisation du préjudice réfléchi que lorsque la loi prévoit expressément une indemnisation, comme c’est le cas par exemple pour la perte de soutien (art. 45 al. 3 CO), ou lorsqu’une règle de comportement protège spécifiquement les intérêts du tiers lésé par ricochet (ATF 117 II 315 consid. 4d précité ; ATF 116 Ib 367 consid. 4b).
Sous ces réserves, les proches d’une victime de lésions corporelles n’ont ainsi aucune créance indépendante en dommages-intérêts contre l’auteur; les frais qu’ils ont engagés et le préjudice financier qu’ils ont subi doivent être compensés par la prétention en dommages-intérêts de la personne directement lésée (ATF 123 III 204 consid. 2e et la référence citée, JdT 1999 I 9). Les parents de la demanderesse sont donc des lésés « par ricochet » et ne peuvent pas agir en réparation du dommage selon l’art. 46 CO. Il s’ensuit que seule la demanderesse a la qualité pour agir sur cette base, soit à réclamer le remboursement des frais encourus par ses parents en raison de son invalidité.
b) Les frais consécutifs aux lésions corporelles comprennent toutes les dépenses que le lésé doit encourir à la suite de ces lésions, tant pour le passé que pour le futur dans la mesure où elles sont prévisibles (Werro, La responsabilité, op. cit., n. 1052 ). Font notamment partie de ces frais les dépenses de nature médicales telles que les traitements, les prothèses ou les appareils auxiliaires, pour autant qu'elles se justifient (Brehm, La réparation, op. cit., n. 413 ss), ainsi que tous les autres frais que le lésé n’aurait pas eu à supporter s’il n’avait pas subi d’atteinte, tels que les frais d’expertise, les frais de défense ou encore les frais indispensables de soins et/ou d’assistance à domicile (Werro, La responsabilité, op. cit., n. 1054), y compris dispensés par des proches (TF 4C.283/2005 du 18 janvier 2006, consid. 4.1; ATF 97 II 259 consid. 3 et les arrêts cités SJ 1972 353). Le lésé est également fondé à prétendre au remboursement des dépenses résultant du fait qu’il a dû louer un logement plus cher ou acquérir des moyens supplémentaires (Werro, loc. cit. et les références citées).
c) Ces principes étant posés, il convient d’examiner successivement les différents postes de dommage litigieux.
aa) Le premier poste concerne les dépenses résultant de l’engagement successif de plusieurs aides à domicile à partir du mois de septembre 1996. Il ressort du dossier, en particulier du rapport d’expertise, que la demanderesse X.__ était et est totalement dépendante, au niveau tant de sa mobilité que de son alimentation, et a besoin de ce fait d’une assistance continue. En raison des graves atteintes dont elle souffre, cette assistance lui sera nécessaire à vie. Au vu de ce qui précède, la Cour considère que le recours à des tiers sous forme d’aide à domicile est indispensable, de sorte que les coûts y afférents doivent être remboursés par la défenderesse.
En ce qui concerne les frais passés, les parents de la demanderesse ont payé 6'611 euros de septembre 1996 à juillet 1997, 13'823 euros de septembre 1997 à août 1999 et 59'425 euros de septembre 1999 à fin 2004, soit 79'859 euros au total ; à ce montant s’ajoute le salaire de l’employée de nuit engagée depuis mai 2001, ce qui représente, jusqu’à fin 2004, 23'800 euros 07. Depuis janvier 2005, le maintien de ce système a un coût annuel de 18'210 euros 66 (11'719 euros 73 pour l’aide de jour et 6'490 euros 93 pour l’aide de nuit), ce qui donne 182'106 euros 60 jusqu’à fin 2014 (18'210 euros 66 x 10 ans) et 14'068 euros 98 du 1er janvier 2015 au 9 octobre 2015 (282 jours x 49.89 euros p/jour), jour du jugement. On obtient ainsi un total de 299'834 euros 65 (79'859 + 23'800.07 + 182'106.60 + 14'068.98), dont il y a lieu de déduire les rentes invalidités perçues par la demanderesse de début 2003 à août 2012, soit 5'622 euros 52 (116 mois x 48.47 euros p/mois), étant précisé que les rentes perçues depuis lors (septembre 2012) ont été déduites de la perte de gain qui lui a été allouée (cf. supra, consid. XII). C’est donc un montant total de 294'212 euros 13 (299'834.65 ./. 5'622.52) qui doit être remboursé à la demanderesse pour ses frais passés d’aide à domicile.
Pour l’avenir, ces frais doivent être capitalisés en se référant à la Table n° M1y (Stauffer/Schaetzle/Weber, op. cit., p. 177). Après application au coût annuel de 18'210 euros 66 d’un facteur de 25,96 (femme de 21 ans et taux de 3,5%), on obtient un montant de frais futurs capitalisés de 472'748 euros 73 (18'210 euros 66 x 25,96).
bb) En raison de son invalidité, la demanderesse est prise en charge et traitée médicalement au Centre L.__. Les frais y afférents font donc partie du dommage et doivent lui être remboursés.
La prise en charge par cette institution a coûté 1'803 euros 03 d’avril à juillet 1996 et 174'847 euros 10 de septembre 1996 à juillet 2003. Depuis septembre 2003, le coût annuel s’élève à 29'177 euros 23, soit 87 euros 36 par jour compte tenu du fait que les cours se déroulent sur 11 mois (septembre à juillet). Cela représente 350'126 euros 76 de septembre 2004 à juillet 2015 (12 ans x 29'177.23) et 3'407 euros 04 du 1er septembre au 9 octobre 2015 (39 jours x 87.36). Les frais de prise en charge au Centre L.__ jusqu’au jour du jugement s’élèvent ainsi à 530'183 euros 93 (1'803.03 + 174'847.10 + 350'126.76 + 3'407.04) au total.
Capitalisés sur les mêmes bases que les frais d’aide à domicile (cf. le point précédent), les frais futurs de cette prise en charge représentent un montant de 757'440 euros 89 (29'177 euros 23 x 25,96).
cc) L’état de la demanderesse a rendu nécessaire l’achat d’une chaise orthopédique, pour 4'167 euros 60, et l’adaptation du véhicule de ses parents, pour 7'564 euros 34, frais qui doivent lui être remboursés. En revanche, dans la mesure où il n’est pas établi que de telles dépenses seront encourues périodiquement, rien ne peut être alloué à ce titre pour l’avenir.
dd) La prétention portant sur les frais de transformation des logements à [...] doit également être rejetée, la preuve de telles dépenses n’ayant pas été rapportée. Il en va de même de la prétention relative à la prétendue perte de gain du père de la demanderesse, l’exercice d’une activité accessoire de psychothérapeute à laquelle celui-ci aurait renoncé en raison de l’invalidité de sa fille n’ayant pas été établie. Il s'agirait au surplus d'un dommage indirect.
ee) Les demandeurs P.__ et A.J.__ réclament le remboursement des frais d’avocat antérieurs à l’ouverture d’action, à hauteur de 53'013 fr., soit 41'695 fr. correspondant à la note d’honoraires de leur ancien conseil et 11'318 fr. pour la note d’honoraires de leur conseil actuel.
Les frais d'avocat avant procès constituent un poste du dommage, au sens des articles 41 et 97 CO (ATF 139 III 190 consid. 4.2; ATF 133 II 361 consid. 4.1 ; TF 4C_51/2000 du 7 août 2000 consid. 2; Werro, La responsabilité, op. cit., n. 1057). S'il s'agit d'un cas d'une certaine importance ou dont le règlement est litigieux, le responsable doit, en règle générale, participer à ces frais du lésé (Brehm, La réparation, op. cit., n. 441 et les références citées). Les frais de défense englobent les dépenses liées à l'intervention d'un avocat avant le procès. Sont compris dans ces frais les dépenses découlant de pourparlers transactionnels ou celles engagées dans une procédure pénale, dans la mesure où le lésé y a participé pour défendre ses intérêts de nature civile et où l'assistance juridique qui a donné lieu à ces frais est justifiée, nécessaire et appropriée (arrêts précités).
En l’espèce, les demandeurs se sont toutefois limités à produire les deux notes de leurs conseils, sans expliquer de manière détaillée quelles opérations avaient été effectuées par quel avocat, ni en quoi ces opérations étaient nécessaires, ou encore appropriées. En outre, le coût des honoraires n’est pas justifié de manière suffisante, ni détaillé en fonction de l'un ou l'autre des demandeurs, en particulier s'agissant d'X.__. A défaut de toute allégation sur ces points, les demandeurs, qui avaient le fardeau de la preuve de l'étendue de leur dommage, ne peuvent donc rien obtenir à ce titre.
XIV. La demanderesse X.__ réclame la somme de 200'000 francs en réparation de son tort moral.
a) Selon l'art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. Privilégiant l'aspect objectif de la lésion des droits de la personnalité et en désaccord avec une partie de la doctrine, le Tribunal fédéral a admis un droit à la réparation du tort moral même lorsque le lésé n’est pas conscient de son état (ATF 108 II 422 consid. 4c et les auteurs cités, JdT 1983 I 104 ; cf. aussi Werro, La responsabilité, op. cit., n. 156 et les auteurs cités). Il a rappelé ce principe dans un arrêt récent (4A_315/2011 du 25 octobre 2011 consid. 3.4), de sorte qu’il n’y a pas lieu de s’en écarter.
Le tort moral a pour but de compenser le préjudice que représente une atteinte au bien-être moral. Le principe d'une indemnisation du tort moral et l'ampleur de la réparation dépendent d'une manière décisive de la gravité de l'atteinte et de la possibilité d'adoucir de façon sensible, par le versement d'une somme d'argent, la douleur physique ou morale ressentie (ATF 130 III 699 consid. 5.1 et les arrêts cités rés. in JdT 2006 193).
Les « circonstances particulières » dont le juge doit tenir compte doivent consister dans l'importance de l'atteinte à la personnalité du lésé, l'art. 47 CO étant un cas d'application de l'art. 49 CO. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent en principe entraîner une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé. Lorsque l'atteinte est seulement passagère, elle doit être grave ou s'être accompagnée d'un risque de mort, d'une longue hospitalisation ou de douleurs particulièrement intenses ou durables. D'autres circonstances peuvent, selon les cas, justifier une réparation morale, notamment une longue période de souffrance et d'incapacité de travail ou des préjudices psychiques importants tel qu'un état post-traumatique conduisant à un changement durable de la personnalité (TF 4A_307/2013 du 6 janvier 2014 consid. 3.2; 4A_227/2007 du 26 septembre 2007 consid. 3.7.2; 4C.283/2005 du 18 janvier 2006 consid. 3.2.1; Guyaz, L'indemnisation du tort moral en cas d'accident, in SJ 2003 II 1 ss ; Brehm, La réparation, op. cit., n. 664 ss et n. 840 ss).
Alors que le calcul du dommage se fonde autant que possible sur des données objectives, l'évaluation du tort moral échappe par sa nature à une appréciation rigoureuse, puisqu'elle concerne des valeurs par définition non mesurables. Le juge ne peut dès lors se fonder sur un tarif préétabli, mais doit bien davantage prendre en considération toutes les circonstances. De façon générale, la fixation de la réparation morale devrait s'effectuer en deux phases, la phase objective principale, permettant de rechercher le montant de base selon des critères objectifs, et la phase d'évaluation faisant intervenir les facteurs d'augmentation ou de réduction du tort moral ainsi que les circonstances du cas particulier, comme par exemple la cause de la responsabilité, la gravité de la faute, l'éventuelle faute concomitante et les conséquences dans la vie particulière du lésé (TF 4C.263/2006 du 17 janvier 2007 consid. 7.3 ; ATF 132 II 117 consid. 2.2.3). Selon la méthode reconnue par le Tribunal fédéral, il convient, pour évaluer le tort moral, de prendre d'abord en compte la gravité objective de l'atteinte pour fixer le montant de base en fonction d'autres cas et, à titre indicatif, des barèmes proposés par la doctrine. Dans un second temps, le montant objectif ainsi fixé sera modulé à l'aune des circonstances concrètes du cas (TF 4A_423/2008 du 12 novembre 2008 consid. 2.1 ; ATF 132 II 117 consid. 2.2.3; TF 4C.263/2006 du 17 janvier 2006 consid. 7.3).
Des atteintes très invalidantes, telles des paraplégies, des tétraplégies, des atteintes neurologiques induisant des changements de personnalité et des troubles du comportement ont conduit les tribunaux à accorder à des victimes non fautives des indemnités de l'ordre de 100'000 à 120'000 fr. (ATF 141 III 97 consid. 11.4; ATF 132 II 117 consid. 2.5 ; ATF 123 III 306 consid.. 9b, rés. in JdT 1998 I 27; ATF 121 II 369 consid. 6, JdT 1997 IV 82 ; ATF 108 II 422 consid. 5, JdT 1983 I 104; TF 4C.103/2002 du 16 juillet 2002 consid. 5), voire 140'000 francs (TF 4A_373/2007 du 8 janvier 2008 consid. 4 non publié aux ATF 134 III 97). Dans un arrêt récent, le Tribunal a jugé conforme au droit le versement d'une réparation morale d’un tel montant (140'000 fr.) – avant réduction pour faute de la victime – à un enfant qui, lors d'une descente à ski, avait violemment heurté de la tête une barre de fer délimitant la piste et en était resté gravement handicapé (TF 4A_206/2014 du 18 septembre 2014 consid. 5).
b) Dans le cas présent, les atteintes subies par la demanderesse X.__ en raison des conséquences de l’extubation du 23 décembre 1995 sont particulièrement invalidantes. Peu après cette intervention, les médecins ont constaté l’absence de potentiels visuels, des anomalies des potentiels du tronc cérébral, une atrophie cérébrale ainsi que des calcifications généralisées. Ils ont diagnostiqué une tétraparésie spastique avec troubles de la déglutition, lésions totalement invalidantes et irréversibles, à l’âge de seulement 15 mois. Aucune amélioration n’a été constatée par la suite. Aujourd’hui adulte, la demanderesse souffre toujours de problèmes de vue, d’une spasticité avec tétraplégie dystonique – ayant provoqué une intervention à la hanche à l’âge de 8 ans –, de difficultés de déglutition, d’une sialorrhée prononcée et d’un état épileptique. Elle bénéficie chaque jour de logopédie et de physiothérapie et est totalement dépendante des tiers. Elle ne pourra pas se passer d’une structure lourde pour sa prise en charge et nécessitera, sa vie durant, un soutien logistique, médical et paramédical. Au vu de la gravité extrême des lésions subies et des conséquences dramatiques et définitives de celles-ci sur la vie de la demanderesse, une indemnité satisfactoire de 150'000 fr. paraît équitable.
XV. Les demandeurs P.__, A.J.__, C.N.__, A.N.__ et B.N.__ réclament chacun une indemnité pour tort moral de 60'000 francs.
a) Selon l’art. 49 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. Est légitimé à agir la victime d’une atteinte, directe ou indirecte, à sa personnalité (Werro, CR CO I, op. cit., n. 8 ad art. 49 CO). D’après la jurisprudence du Tribunal fédéral, fondée sur l’art. 49 CO, les proches d'une victime de lésions corporelles n’ont droit à une indemnisation pour tort moral que dans la mesure où ils sont touchés de la même manière ou plus fortement qu'en cas de décès (ATF 125 III 412 consid. 2a, SJ 2000 I 303). Leur souffrance doit ainsi revêtir un caractère exceptionnel (ATF 117 II 50 consid. 3a et les références citées). Les critères d'appréciation sont généralement le genre et la gravité de l'atteinte subie, l'intensité et la durée de ses effets sur les personnes concernées, ainsi que la gravité de la faute de l'auteur (ATF 125 III 412 consid. 2a précité).
La notion de « proches », qui correspond à celle retenue dans le cadre de l’art. 49 CO, vise les personnes qui vivaient dans l’entourage de la victime et qui entretenaient avec elle des relations étroites (Werro, CR CO I, op. cit., n. 10 ad art. 49 CO et n. 14 ad art. 47 CO). L’intensité des relations dépend souvent du degré de parenté et de l’existence d’un ménage commun. La jurisprudence a ainsi reconnu le droit à une indemnité à l’époux, au partenaire enregistré, aux enfants et aux parents (cf. les arrêts cités par Werro, CR CO I, op. cit., n. 15 ad art. 47 CO). Selon les circonstances, les frères et sœurs sont également légitimés à agir.
b) aa) En l’occurrence, il ne fait pas de doute aux yeux de la Cour que les souffrances morales des parents d’X.__ sont particulièrement importantes. Ceux-ci ont vu leur fille devenir gravement invalide et totalement dépendante dès son plus jeune âge, ce qui a bouleversé leurs projets et cadre de vie et les a profondément affectés. Depuis son retour à domicile, ils s’en sont occupés personnellement et ont partagé quotidiennement ses souffrances, ce qui a sans doute renforcé encore leurs liens affectifs avec l’enfant. Les souffrances qu’ils ont endurées sont à tout le moins égales à celles que les parents éprouveraient si leur enfant était décédée à la suite de l’opération. Elles justifient, par conséquent, une réparation sous la forme du versement d'une somme d'argent, en vertu de l'art. 49 CO et de la jurisprudence du Tribunal fédéral y relative. Au vu de l’ensemble des circonstances, en particulier de l’âge de la demanderesse au moment où elle est devenue invalide et de la proximité des liens de parenté, celle-ci peut être fixée équitablement à 50'000 fr. pour chaque parent.
bb) Aucune indemnité pour tort moral ne peut en revanche être allouée aux autres demandeurs, frères et sœur d’X.__. Ceux-ci étaient tous majeurs au moment où a été réalisée l’extubation ayant rendu leur sœur invalide. On ignore s’ils faisaient à cette époque ménage commun avec leurs parents ou si, par la suite, ils ont partagé le domicile de leur sœur. On sait qu’ils n’ont pas déménagé à [...] avec leurs parents et qu’ils avaient un domicile distinct de ceux-ci au moment du dépôt de la demande. Rien ne permet de déterminer concrètement l’impact qu’a eu sur eux l’invalidité de la demanderesse. Faute de toute allégation sur ces points, les demandeurs C.N.__, A.N.__ et B.N.__ ne peuvent prétendre à une indemnité en réparation du tort moral fondée sur l’art. 47 CO, le lien de parenté avec la victime n’étant, à lui seul, pas suffisant.
XVI. Les demandeurs ont chiffré leurs conclusions en paiement en francs suisses, alors que les dommages-intérêts auxquels peut prétendre la demanderesse X.__ sont calculés en euros.
a) Aux termes de l'art. 84 al. 1 CO, le paiement d'une dette qui a pour objet une somme d'argent se fait en moyens de paiement ayant cours légal dans la monnaie due. La monnaie due est généralement déterminée par le contrat en cause, soit expressément soit tacitement (SJ 1977, p. 161 consid. 3b; Loertscher, in CR-CO I, n. 11 ad art. 84 CO et les références citées). L'art. 84 al. 1 CO régit la monnaie de paiement de toutes les dettes d'argent, quelles que soient leur causes. Toutefois, lorsque la prétention litigieuse est une prétention en dommage-intérêt découlant de la violation d'un contrat, jurisprudence et doctrine estiment que la créance en dommage-intérêt doit en principe être établie dans la monnaie de l'Etat dans lequel le dommage est survenu, tout en précisant que, selon les circonstances, il se justifie de se fonder sur la monnaie du contrat ; tel est en particulier le cas lorsque les dommages-intérêts viennent remplacer une prestation en paiement (TF 4C.191/2004 du 7 septembre 2004; Schraner, Commentaire zurichois, n. 181 ad art. 84 CO et les références citées; Weber, Commentaire bernois, n. 334 ad art. 84 CO et les références citées). En matière contractuelle, si la dette stipulée est exprimée en une monnaie étrangère, le tribunal ne peut prononcer de condamnation que dans cette monnaie-là (ATF 134 III 151, JdT 2010 I 124).
En l’espèce, la déclaration du 19 avril 2002 qui sert de fondement aux prétentions des demandeurs ne précise pas dans quelle monnaie de paiement est dû l’engagement de l’assureur de réparer le préjudice. Cela étant, la défenderesse s’est engagée à couvrir le dommage imputable à son assurée, en se fondant sur le contrat d’assurance passé avec celle-ci. Ce contrat a été conclu entre deux sociétés de droit suisse, ayant leur siège respectif en Suisse. Institut W.__ SA proposait ses prestations médicales en Suisse, selon une autorisation de pratiquer délivrée par le canton de Vaud, et les fournissait effectivement dans ce canton, sur le site de la Clinique C.__ SA. L’éventuel dommage subi par l’assurée en raison des actes de ses auxiliaires et travailleurs, censé être couvert par la police d’assurance responsabilité civile, touchait au patrimoine de la société en Suisse. En outre, le montant maximal de la couverture (5 millions) était libellé en francs suisses. Enfin, la demanderesse X.__ a été opérée en Suisse, et le prix de l’opération lui a été facturé en francs suisses. Les demandeurs, qui, par leur avocat en Suisse, s’étaient adressés à l’assureur afin d’obtenir une déclaration de responsabilité et de renonciation à la prescription, et qui l’avaient reçue, pouvaient inférer de toutes ces circonstances que le dommage serait couvert en francs suisse. C’est donc à juste titre qu’ils ont chiffré leurs conclusions en cette monnaie.
b) En ce qui concerne le taux de conversion, la Cour s’en tiendra, pour l’ensemble des dommages-intérêts en euros, au taux de change au 9 octobre 2015, jour du jugement, de 1 euro pour 1,0919 francs suisses d’après le site fxtop.com. Sur cette base, la demanderesse X.__ peut prétendre au montant de 2'577'166 fr. 75, selon le décompte suivant :
perte de gain passée : 21'035 fr. 45 (19'265 euros 10)
perte de gain future : 149'919 fr. 05 (137'301 euros 09)
frais d’aide à domicile passés : 321'250 fr. 20 (294'212 euros 13)
frais d’aide à domicile futurs : 516'194 fr. 35 (472'748 euros 73)
frais du Centre L.__ passés : 578'907 fr. 85 (530'183 euros 93)
frais du Centre L.__ futurs : 827'049 fr. 70 (757'440 euros 89)
frais de la chaise roulante : 4'550 fr. 60 (4'167 euros 60)
frais d’adaptation des véhicules : 8'259 fr. 50 (7'564 euros 34)
tort moral : 150'000 fr. 00
___
Total : 2'577'166 fr. 75
c) Dans sa conclusion, telle que précisée à l’audience de jugement, la demanderesse a toutefois requis le paiement de 2'541'413 fr. 60 en capital, ce qui représente 98,6127% du montant total dont elle aurait droit selon le calcul ci-dessus (2'541'413.60 / 2'577'166.75). La Cour ne statuant pas ultra petita (art. 3 CPC-VD), il ne peut lui être alloué plus que le capital réclamé. Dès lors, et dans la mesure où les différents postes de dommages-intérêts alloués, y compris le tort moral, ne portent pas intérêt à la même date (cf., infra consid. XVI), il y a lieu de réduire chaque poste au pro rata, ce qui aboutit à un montant (en capital) de 2'541'413 fr. 55, selon le calcul suivant (résultats arrondis à 5 centimes) :
perte de gain passée : 20'473 fr. 65
perte de gain future : 147'839 fr. 25
frais d’aide à domicile passés : 316'793 fr. 50
frais d’aide à domicile futurs : 509'033 fr. 15
frais du Centre L.__ passés : 570'876 fr. 60
frais du Centre L.__ futurs : 815’576 fr. 00
frais de la chaise roulante : 4’487 fr. 45
frais d’adaptation des véhicules : 8’144 fr. 90
tort moral : 147’919 fr. 05
___
Total : 2'541'413 fr. 55
XVII. a) Le dommage comprend l'intérêt, dit compensatoire, du capital alloué à titre d'indemnité. Selon la jurisprudence, l’intérêt fait partie intégrante du dommage et vise à placer le lésé dans la situation qui aurait été la sienne si sa créance avait été honorée au jour de l'acte illicite ou de la survenance de ses conséquences. Au contraire de l’intérêt moratoire, l’intérêt compensatoire ne suppose ni interpellation du créancier, ni demeure du débiteur, même s’ils poursuivent le même but, qui est de compenser le préjudice résultant pour le lésé de l'immobilisation du capital (ATF 131 III 12 consid. 9.1 et les références citées, JdT 2005 I 488). En application analogique de l'art. 73 CO, la jurisprudence retient un taux d'intérêt forfaitaire de 5% (ATF 131 III 12 précité consid. 9.4 et 9.5 et les références citées).
L'intérêt est dû par celui qui est tenu de réparer le préjudice, à compter du moment où ce préjudice est intervenu (Tercier/Pichonnaz, Le droit des obligations, 4e éd., n. 1017; art. 73 al. 1 CO), soit, en règle générale, dès que l'évènement dommageable engendre des conséquences pécuniaires, et il court jusqu'au moment du paiement des dommages-intérêts. En cas de dommage périodique resté constant, cet intérêt doit toutefois être fixé, pour des raisons pratiques, selon une échéance moyenne (ATF 131 III 12 consid. 9.5, JdT 2005 I 488). S’agissant d'un dommage futur, l'intérêt doit être calculé dès la date de la capitalisation, laquelle coïncide, en principe, avec celle du jugement (TF 4C.306/2001 du 11 janvier 2002 consid. 6b ; ATF 123 III 115 consid. 9a). En ce qui concerne le moment déterminant pour le calcul de l'indemnité pour tort moral, le Tribunal fédéral a laissé indécise la question controversée - de savoir s'il faut prendre en compte la date de l’évènement dommageable ou le jour du jugement (Werro, La responsabilité, op. cit., n. 1354 ; Brehm, La réparation, op. cit., nn. 752 ss et la jurisprudence citée). La pratique de la Cour civile retient la date de la survenance du fait dommageable.
b) Au regard de ce qui précède, la demanderesse X.__ a en définitive droit aux montants suivants :
- 20'743 fr. 65 pour la perte de gain passée, plus intérêt à 5% l’an dès le 30 mars 2014 (échéance moyenne entre le 17 septembre 2012, jour de l’accession à la majorité légale, et le 9 octobre 2015, jour du jugement) ;
- 147'839 fr. 25 pour la perte de gain future, plus intérêt à 5% l'an dès le 9 octobre 2015 (jour du jugement) ;
- 316'793 fr. 50 pour les frais passés d’aide à domicile, plus intérêt à
5% l'an dès le 22 mars 2006 (échéance moyenne entre le 1er septembre 1996, premier mois de cette aide, et le 9 octobre 2015, jour du jugement) ;
- 509'033 fr. 15 pour les frais futurs d’aide à domicile, plus intérêt à 5% l'an dès le 9 octobre 2015 (jour du jugement) ;
- 570'876 fr. 60 pour les frais passés du Centre L.__, plus intérêt à
5% l'an dès le 4 janvier 2006 (échéance moyenne entre le 1er avril 1996, premier mois de prise en charge, et le 9 octobre 2015, jour du jugement) ;
- 815'576 fr. pour les frais futurs du Centre L.__, plus intérêt à 5% l'an dès le 9 octobre 2015 (jour du jugement) ;
- 4'487 fr. 45 pour l’achat de la chaise orthopédique, plus intérêt à 5 % l'an dès le 6 septembre 1999 (date de l’achat) ;
- 8'144 fr. 90 pour les frais d’adaptation des véhicules, plus intérêt à
5 % l'an dès le 9 octobre 2015 (jour du jugement) ;
- 147'919 fr. 05 à titre de tort moral, plus intérêt à 5 % l'an dès le 23 décembre 1995 (date de l’extubation).
Les demandeurs P.__ et A.J.__ ont droit, pour leur part, à un montant de 50'000 fr. chacun à titre de tort moral, plus intérêt à 5% l’an dès le 23 décembre 1995 (jour de l'extubation).
XVIII. En vertu de l'art. 92 CPC-VD, les dépens sont alloués à la partie qui a obtenu l'adjudication de ses conclusions (al. 1); lorsque aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, le juge peut réduire les dépens ou les compenser (al. 2).
Les dépens comprennent principalement les frais de justice payés par la partie, les honoraires et les déboursés de son avocat (art. 91 let. a et c CPC-VD). Les frais de justice englobent l'émolument de justice, ainsi que les frais des mesures probatoires (art. 90 al. 1 CPC-VD; art. 2 aTFJC [tarif du 4 décembre 1984 des frais judiciaires en matière civile], applicable par renvoi de l'art. 404 al1 CPC et de l'art. 99 al. 1 TFJC [tarif du 28 septembre 2010 des frais judiciaires civils; RSV 270.11.5]). Les honoraires et les déboursés d'avocat sont fixés conformément au tarif du 17 juin 1986 des honoraires d'avocat dus à titre de dépens (aTAV, applicable par renvoi de l'art. 26 al. 2 du tarif du 23 novembre 2010 des dépens en matière civile [TDC; RSV 270.11.6]), en particulier aux art. 2, 3, 5 et 7.
La défenderesse perd sur le principe de la responsabilité, qui constituait l’enjeu central du procès. La demanderesse X.__ obtient l’entier de sa réclamation, alors que les demandeurs A.J.__ et P.__ se voient allouer moins que ce qu’ils réclamaient. Les trois autres demandeurs succombent entièrement, mais leurs conclusions ne représentaient qu’une faible partie des prétentions litigieuses. Au vu de ce qui précède, il convient d’allouer aux demandeurs, qui ont procédé en commun (litisconsorts), solidairement entre eux, des dépens réduits d’un cinquième, que l’on peut arrêter à 92'867 fr. 20, savoir :
a) | 40’000 | fr. | à titre de participation aux honoraires de leur conseil; | |
b) | 2’000 | fr. | pour les débours de celuici; | |
c) | 50’867 | fr. | 20 | en remboursement des 4/5 de leur coupon de justice. |
Par ces motifs,
la Cour civile,
statuant à huis clos,
prononce :
I. La défenderesse D.__ SA versera à la demanderesse X.__ les montants suivants :
- 147'919 fr. 05 (cent quarante-sept mille neuf cent dix-neuf francs et cinq centimes), avec intérêt à 5 % l'an dès le 23 décembre 1995;
- 4'487 fr. 45 (quatre mille quatre cent huitante-sept francs et quarante-cinq centimes), avec intérêt à 5 % l'an dès le 6 septembre 1999;
- 570'876 fr. 60 (cinq cent septante mille huit cent septante-six francs et soixante centimes), avec intérêt à 5 % l'an dès le 4 janvier 2006;
- 316'793 fr. 50 (trois cent seize mille sept cent nonante-trois francs et cinquante centimes), avec intérêt à 5 % l'an dès le 22 mars 2006;
- 20'743 fr. 65 (vingt mille sept cent quarante-trois francs et soixante-cinq centimes), avec intérêt à 5 % l’an dès le 30 mars 2014;
- 147'839 fr. 25 (cent quarante-sept mille huit cent trente-neuf francs et vingt-cinq centimes), avec intérêt à 5 % l'an dès le 9 octobre 2015;
- 509'033 fr. 15 (cinq cent neuf mille trente-trois francs et quinze centimes), avec intérêt à 5 % l'an dès le 9 octobre 2015;
- 815'576 fr. (huit cent quinze mille cinq cent septante-six francs), avec intérêt à 5 % l'an dès le 9 octobre 2015;
- 8'144 fr. 90 (huit mille cent quarante-quatre francs et nonante centimes), avec intérêt à 5 % l'an dès le 9 octobre 2015.
II. La défenderesse D.__ SA versera à la demanderesse A.J.__ le montant de
50'000 fr. (cinquante mille francs), avec intérêt à 5 % l'an dès le
23 décembre 1995.
III. La défenderesse D.__ SA versera au demandeur P.__ le montant de 50'000 fr. (cinquante mille francs), avec intérêt à 5 % l'an dès le
23 décembre 1995.
IV. Les frais de justice sont arrêtés à 63'584 fr. (soixante-trois mille cinq cent huitante-quatre francs) pour les demandeurs X.__, P.__, A.J.__, C.N.__, A.N.__ et B.N.__, solidairement entre eux, et à 25'185 fr. 40 (vingt-cinq mille cent huitante-cinq francs et quarante centimes) pour la défenderesse D.__ SA.
V. La défenderesse D.__ SA versera aux demandeurs X.__, P.__, A.J.__, C.N.__, A.N.__ et B.N.__, solidairement entre eux, le montant de 92'867 fr. 20 (nonante-deux mille huit cent soixante-sept francs et vingt centimes) à titre de dépens.
VI. Toutes autres ou plus amples conclusions sont rejetées.
La présidente : Le greffier :
F. Byrde E. Vinçani
Du
Le jugement qui précède, dont le dispositif a été communiqué aux parties le 19 novembre 2015, lu et approuvé à huis clos, est notifié par l'envoi de photocopies aux conseils respectifs des parties.
Les parties peuvent faire appel auprès de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal dans les trente jours dès la notification du présent jugement en déposant auprès de l'instance d'appel un appel écrit et motivé, en deux exemplaires. La décision qui fait l'objet de l'appel doit être jointe au dossier.
Le greffier :
E. Vinçani
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
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