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Urteil Kantonsgericht (VD)

Zusammenfassung des Urteils Jug/2015/277: Kantonsgericht

Der Text beschreibt einen Rechtsstreit bezüglich der Kosten für die Beseitigung von kontaminiertem Material von einem Grundstück, das für den Bau eines Gebäudes genutzt wurde. Der Kläger fordert von der Beklagten, der ehemaligen Eigentümerin des Grundstücks, zwei Drittel der Kosten gemäss Artikel 32b bis des Umweltschutzgesetzes. Die Beklagte bestreitet die Legitimität der Klage und behauptet, dass der Kläger nicht berechtigt sei, diese Kosten geltend zu machen. Es wird diskutiert, ob die Finanzierung der Entsorgungskosten unter Artikel 32b bis LPE fällt und ob der Kläger die erforderliche Legitimation hat. Es wird auch geprüft, ob die Bedingungen für die Geltendmachung des Anspruchs erfüllt sind und ob die Klage verjährt ist. Letztendlich wird die Frage geklärt, ob die Kosten für die Beseitigung des kontaminierten Materials gemäss Artikel 32b bis LPE gerechtfertigt sind.

Urteilsdetails des Kantongerichts Jug/2015/277

Kanton:VD
Fallnummer:Jug/2015/277
Instanz:Kantonsgericht
Abteilung:Zivilkammer
Kantonsgericht Entscheid Jug/2015/277 vom 02.11.2015 (VD)
Datum:02.11.2015
Rechtskraft:-
Leitsatz/Stichwort:-
Schlagwörter : été; étente; étenteur; ériaux; éfenderesse; échets; Immeuble; élimination; éfaut; étaire; égis; égale; Excavation; îtrise; évrier; également; épollution; Expert; égislateur; érieur; écharge; Acheteur; éral; Chaulmontet; Renens
Rechtsnorm:Art. 1 ZGB;Art. 21 ZPO;Art. 268 ZPO;Art. 30 SchKG;Art. 32 SchKG;Art. 32c SchKG;Art. 32d SchKG;Art. 404 ZPO;Art. 655 ZGB;Art. 8 ZGB;Art. 90 ZPO;Art. 92 ZPO;
Referenz BGE:-
Kommentar:
Spirig, Zürcher , Art.165, 1993

Entscheid des Kantongerichts Jug/2015/277

Ainsi, elle a constaté que le coût d'élimination des matériaux selon les quantités facturées par F.__SA, pour un total de 1'846'668 fr., se serait élevé à 1'438'823 fr. compte tenu des prix unitaires courants. Elle a également précisé que l'écart entre le décompte de [...] et de Z.__SA ne conduisait qu'à une différence de prix modérée, atteignant au maximum
62'000 francs.

f) L'experte a constaté que la plus-value pour l'évacuation de 6'260 m3 de matériaux moyennement pollués en décharge pour matériaux inertes est bien de 281'170 fr. (à raison de 45 fr. du m3 plus TVA), ce montant n'incluant pas l'évacuation des terres faiblement polluées en décharge pour matériaux dits tolérés. En outre, le prix de 45 fr. du m3 correspond uniquement à la plus-value par rapport à l'évacuation de terres non polluées.

S'agissant des matériaux fortement pollués, elle a exposé que le prix de 250 fr. le m3 était sous-évalué s'agissant de m3 "en place". Le prix total compte tenu des frais de décharge et de transport était plutôt de 280 fr. le m3 avant TVA. Ce montant correspondait uniquement à la plus-value par rapport à l'évacuation de terres non polluées. De plus, le volume de 2'711 m3 ne tenait pas compte des volumes découverts ultérieurement lors de l'ouverture de fouilles pour la pose de conduites, ni de la plus-value due au traitement de terres dont la concentration en polluants dépassait les limites admises pour un dépôt en décharge bioactive.

g) En conclusion, l'experte a évalué le coût global résultant de l'élimination des matériaux excavés de la parcelle à 1'332'581 fr., toutes taxes comprises. Ce montant tient compte des éléments suivants :

- décomptes de quantités de matériaux excavés considérés comme étant les plus fiables, soit ceux de l'entreprise de transport [...];

prix courants de transport et de mise en décharge valables durant la période des terrassements;

plus-value pour des matériaux très fortement pollués, la probabilité d'une pollution dépassant les limites de dépôt en décharge bioactive étant importante sur le site;

moins-value globale de 2.3% (due à l'activité postérieure à celle de la défenderesse);

frais supplémentaires suite à la découverte d'une pollution massive au mazout (excavation pour canalisations et fouille SIE)

honoraires des spécialistes chargés du suivi de l'élimination des terres polluées.

Le montant arrêté par l'experte correspond uniquement aux coûts d'investigation et d'élimination des terres polluées, à l'exclusion de l'excavation et de l'évacuation des terres non polluées. En outre, elle a considéré qu'il n'y avait pas lieu de déduire le montant de 179'420 fr. en relation avec les coûts d'évacuation et de traitement pour les matériaux qui auraient de toute façon dû être pris en charge s'ils n'avaient pas été pollués, dès lors que les prix de 45 fr. et de 280 fr. le m3 correspondent uniquement à la plus-value par rapport à l'évacuation de terres non polluées.

20. Par demande du 26 septembre 2008, H.__ a pris, avec suite de frais et dépens, les conclusions suivantes :

" I.-

Dire que W.__ est la débitrice de H.__ et lui doit immédiat paiement de la somme de CHF 1'903'200.45 (un million neuf cent trois mille deux cents francs et quarante-cinq centimes) plus intérêts à 5% l'an dès le 31 août 2007.

II.-

Lever définitivement l'opposition au commandement de payer No [...] de l'Office des poursuites de Bâle-Ville notifié à W.__ à la requête de H.__ à hauteur de CHF 1'903'200.45 en capital."

Par réponse du 16 janvier 2009, la défenderesse W.__ a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet des conclusions de la demande.

Dans sa réplique du 15 juin 2009, le demandeur a réduit ses conclusions, avec suite de frais et dépens, comme il suit:

" I.-

Dire que W.__ est la débitrice de H.__ et lui doit immédiat paiement de la somme de CHF 1'320'781.50 (un million trois cent vingt mille sept cent quatre-vingt et un francs et cinquante centimes) plus intérêts à 5% l'an dès le 31 août 2007.

II.-

Lever définitivement l'opposition au commandement de payer No [...] de l'Office des poursuites de Bâle-Ville notifié à W.__ à la requête de H.__ à hauteur de CHF 1'320'781.50 en capital plus intérêts à 5% l'an dès le 31 août 2007."

Par duplique du 28 juillet 2009, la défenderesse a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet des conclusions nouvelles prises par le demandeur.

Par mémoire de duplique après réforme du 21 novembre 2014, la défenderesse a déclaré se prévaloir de la prescription.

Les parties ont déposé un mémoire de droit. Dans son mémoire, le demandeur a déclaré réduire ses conclusions dans le sens que la défenderesse soit reconnue débitrice en sa faveur d'un montant de 1'239'884 fr. 06.

En droit:

I. a) Le demandeur a assumé les coûts liés à l'élimination de matériaux pollués de la parcelle no abc.__ du cadastre de la commune de Renens, lors de la construction d'un immeuble sur dite parcelle par T.__AG. Selon lui, le financement de ces coûts serait régi par l'art. 32b bis LPE (loi fédérale du
7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement; RS 814.01). Se fondant sur cette disposition, il réclame à la défenderesse – ancienne propriétaire de la parcelle – le paiement d'un montant de 1'320'781.50 qui correspondrait aux deux tiers du coût global des travaux d'élimination des matériaux pollués.

b) Pour sa part, la défenderesse soutient que le demandeur n'aurait pas la légitimation active au sens de l'art. 32b bis LPE. Elle ajoute que les conditions matérielles posées par l'art. 32b bis LPE ne seraient pas réunies, pas davantage que celles de l'action en garantie fondée sur la vente de l'immeuble qui, de surcroît, serait prescrite. Selon elle, le demandeur devrait se laisser opposer l'exclusion de garantie contenue dans l'acte de vente du 20 octobre 1986, qu'il agisse au sens de
l'art. 32b bis LPE ou en garantie.

II. a) L'art. 32b bis al. 1 LPE dispose que le détenteur d'un immeuble qui enlève des matériaux provenant d'un site pollué qui ne doivent pas être éliminés en vue d'un assainissement aux termes de l'art. 32c, peut en règle générale demander aux personnes à l'origine de la pollution et aux anciens détenteurs du site d'assumer deux tiers des coûts supplémentaires d'investigation et d'élimination desdits matériaux, dans les cas suivants :

a) les personnes à l'origine de la pollution n'ont assuré aucun dédommagement pour la pollution ou les anciens détenteurs n'ont pas consenti de remise sur le prix en raison d'une pollution lors de la vente de l'immeuble;

b) l'élimination des matériaux est nécessaire pour la construction ou la transformation des bâtiments;

c) le détenteur a acquis l'immeuble entre le 1er juillet 1972 et le
1er juillet 1997.

Ces conditions sont cumulatives (Romy, Commentaire de la Loi sur la protection de l'environnement (LPE), vol. 1, Berne 2010, nn. 13 et 21 ad art. 32b bis LPE). L'action peut être ouverte devant le tribunal civil du lieu de situation de l'immeuble, la procédure civile correspondante étant applicable (art. 32b bis
al. 2 LPE).

Il convient dès lors, en premier lieu, d'examiner si le financement des coûts supplémentaires d'investigation et d'élimination des matériaux pollués de la parcelle en cause relève ou non de l'art. 32b bis LPE (champ d'application matériel), cette question permettant, le cas échéant, de fonder la compétence des tribunaux civils et non des autorités administratives.

b) L'art. 32b bis LPE concerne le financement de l'élimination de matériaux d'excavation de sites pollués. Il règlemente les frais d’élimination de matériaux d’excavation d’un site pollué mais ne nécessitant pas un assainissement, notamment pour les sites pollués avec projet de construction; le but de cette disposition n’est pas de garantir un assainissement nécessaire pour protéger l’environnement, mais "seulement" d’éliminer correctement des déchets, raison pour laquelle elle s'insère dans la section 3 de la loi, relative au financement de l’élimination des déchets, et non dans sa section 4, relative à l'assainissement des sites pollués par des déchets (Rapport de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national du 20 août 2002,
FF 2003 pp. 4542, 4549 et 4564; Romy, op.cit., n. 16 ad art. 32b bis LPE; Chaulmontet, Verursacherhaftungen im Schweizer Umweltrecht, thèse, Zurich 2009, nn. 911 ss pp. 365 ss).

L'art. 32c LPE, en revanche, concerne l'obligation d'assainir. Son alinéa premier prévoit notamment que les cantons veillent à ce que soient assainis les décharges contrôlées et les autres sites pollués par des déchets (sites pollués), lorsqu'ils engendrent des atteintes nuisibles ou incommodantes ou qu'il existe un danger concret que de telles atteintes apparaissent. On parle alors non pas de sites pollués, mais de sites contaminés nécessitant un assainissement (art. 2 al. 3 OSites; Ordonnance du 26 août 1998 sur l'assainissement des sites pollués (Ordonnance sur les sites contaminés); RS 814.680). En cas d'obligation d'assainir au sens de ces dispositions, le détenteur du terrain concerné devra assainir même s’il n’a pas l’intention de construire; il devra assainir tout le périmètre contaminé et non pas seulement l’emprise de sa construction et la prise en charge des frais d'investigation, de surveillance et d'assainissement du site pollué sera régie par l'art. 32d LPE (Zufferey, Le chantier : ses nuisances, ses risques et ses déchets [Droit public et/ou/contre droit privé – contribution à l’élaboration d’un système juridique, à l’aune des trépidations], in : Journées suisses du droit de la construction 2011, p. 43; Romy, op. cit., n. 32 ad art. 32c LPE; Chaulmontet, op. cit., n. 836 p. 338).

Selon la jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur, le
1er novembre 2006, de l'art. 32b bis LPE, une décision de répartition des frais d'assainissement au sens de l'art. 32d LPE ne pouvait être prise que dans le cadre d'une décision d'assainissement prise par l'autorité compétente (CDAP, AC.2005.0049, consid. 4a). Ainsi, le traitement des déchets provenant d'un site pollué ne nécessitant aucun assainissement devait être régi conformément à l'OTD (Ordonnance du 10 décembre 1990 sur le traitement des déchets; RS 814.600) et à l'art. 32 LPE, qui était également applicable lorsque, dans le cadre d'un projet de construction, des matériaux pollués étaient extraits et qu'avant le commencement de la construction il n'y avait pas de danger concret pour l'environnement, donc pas de nécessité d'assainir au sens de l'art. 32c al. 1 LPE (CDAP, AC.2005.0049, consid. 4b et les références citées). Depuis le 1er novembre 2006, les coûts d'excavation et de traitement du sol d'un site pollué mais non contaminé sont régis par l'art. 32b bis LPE (Zufferey, op. cit., pp. 43-44; Romy, op. cit., n. 16 ad art. 32b bis LPE, n. 54 ad
art. 32c LPE et n. 12 ad art. 32d LPE; Rüegg, Von der Haftung des Grundstückverkäufers für "Bauherren-Altlasten", in: Revue du droit de la construction et des marchés publics, 2006, vol. 3, p. 109).

c) En l'espèce, la parcelle en cause a été inscrite au registre des sites pollués à la fin de l'année 2003. Dans une lettre du 3 novembre de la même année, le SESA a justifié cette inscription, en exposant que les caractéristiques environnementales du site étaient telles qu'il ne menaçait potentiellement aucun domaine de l'environnement. Selon cette lettre, l'inscription mentionnerait que le site ne nécessitait ni surveillance ni assainissement, ce qui ressortait également du rapport du 23 janvier 2007 adressé à la Municipalité de Renens, dans lequel le SESA précisait que le projet de construction du 26 octobre 2006 pouvait être réalisé, à la condition notamment que les filières de traitement et d'élimination des déchets générés par l'excavation soient respectées, conformément à l'OTD. En outre, il n'est pas établi qu'une décision d'assainissement ait été rendue. Il s'ensuit que la parcelle en cause constituait bien un terrain pollué – et non contaminé – ne nécessitant aucun assainissement avant construction au sens de l'art. 32c LPE, et dont le financement des frais d’élimination des matériaux d’excavation est soumis à
l'art. 32b bis LPE.

En conséquence, la voie civile est bien ouverte et la compétence des tribunaux vaudois résultant du lieu de situation de l'immeuble en cause, sur le territoire de la commune de Renens, est donnée (art. 32b bis al. 2 LPE).

d) Le Code de procédure civile est entré en vigueur le
1er janvier 2011 afin de régler la procédure applicable devant les juridictions cantonales, notamment aux affaire civiles contentieuses (art. 1 let. a CPC, Code de procédure civile du 19 décembre 2008; RS 272). L'art. 404 al. 1 CPC dispose que les procédures en cours à l'entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l'ancien droit de procédure jusqu'à la clôture de l'instance. Cette règle vaut pour toutes les procédures en cours, quelle que soit leur nature (Tappy, Le droit transitoire applicable lors de l'introduction de la nouvelle procédure civile unifiée, publié in
JdT 2010 III 11, p. 19).

Aux termes de l'art. 166 CDPJ (Code de droit privé judiciaire vaudois du 12 janvier 2010; RSV 211.02), les règles de compétences matérielles applicables avant l'entrée en vigueur de la présente loi demeurent applicables aux causes pendantes devant les autorités civiles ou administratives (Tappy, op. cit.,
p. 14).

En l'espèce, la demande a été déposée le 26 septembre 2008, soit avant l'entrée en vigueur du CPC. L'instance a donc été ouverte sous l'empire du CPC-VD (Code de procédure civile vaudoise du 14 décembre 1966; RSV 270.11) et n'est pas close à ce jour. Dès lors, il convient d'appliquer celui-ci à la présente cause, dans sa version au 31 décembre 2010.

Les dispositions de la loi d'organisation judiciaire du 12 décembre 1979 (LOJV; RSV 173.01) dans leur teneur en vigueur au 31 décembre 2010 sont également applicables. La Cour civile est compétente pour les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse est supérieure à 100'000 fr. et qui ne sont pas attribuées par la loi à une autre autorité (art. 74 al. 2 aLOJV). En l'occurrence, la valeur litigieuse est largement supérieure à 100'000 fr., de sorte que la compétence de la cour de céans est donnée.

III. Le demandeur a déclaré réduire ses conclusions à 1'239'884 fr. 06 dans son mémoire de droit.

Selon l'art. 268 CPC-VD, toute modification, réduction ou augmentation de conclusions est faite par requête, notifiée par le juge à la partie adverse, ou par dictée au procès-verbal. L'art. 21 CPC-VD dispose cependant que seuls les exploits, les demandes et les dispositifs sont notifiés, les autres actes étant, sauf dispositions légales contraires, communiqués par la voie jugée la plus expédiente.

En l'espèce, la défenderesse n'a pas agi dans les formes requises. Le mémoire de droit de la défenderesse n'est pas une requête. La réduction n'est pas opérante, de sorte que la cour tiendra seulement compte des conclusions prises par le demandeur dans sa réplique du 15 juin 2009.

IV. a) aa) Le demandeur fait valoir qu'il s'est engagé envers T.__AG à prendre à sa charge tous les frais de dépollution par acte de vente du 20 février 2007, lequel l'autoriserait à se retourner contre ses propres vendeurs. Il prétend, ainsi, avoir acquis contractuellement un pouvoir de décision concernant les travaux d'excavation et de dépollution de la parcelle, qu'il aurait intégralement supervisés. Par conséquent, il aurait conservé une maîtrise en fait et en droit sur les matériaux excavés et serait donc demeuré détenteur de ces déchets malgré la vente de la parcelle à T.__AG, de sorte qu'il serait légitimé à exercer l'action tirée de l'art. 32b bis LPE. A l'appui de sa thèse, il se réfère à l'avis de droit de la Professeure Romy qu'il a produit et soutient qu'il y aurait lieu d'interpréter
l'art. 32b bis LPE dans un sens conforme à l'art. 32d LPE – soit une interprétation large de la notion de détenteur – et au principe de causalité ancré aux
art. 74 al. 2 Cst (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101) et 2 LPE, selon lequel il appartient en premier lieu à celui qui est à l'origine de la pollution de supporter les frais de son élimination.

bb) La défenderesse plaide que, lors de l'ouverture d'action, le demandeur n'était plus propriétaire de la parcelle. Ainsi, faute d'avoir été le détenteur de l'immeuble, il ne saurait être légitimé à agir au sens de l'art. 32b bis LPE. Selon elle, il est exclu que l'action puisse être ouverte par le détenteur des déchets dès lors que le texte clair de la disposition légitime le seul détenteur de l'immeuble, et ce notamment en raison de la portée rétroactive de celle-ci. Le demandeur n'aurait, en outre, pas été autorisé à construire sur la parcelle litigieuse, pas davantage qu'il ne serait intervenu en qualité d'entrepreneur général. A cet égard, l'engagement pris par le demandeur envers T.__AG ne serait pas pertinent. Au demeurant, celui-ci n'aurait bénéficié ni d'un pouvoir de décision concernant les travaux d'excavation et de dépollution de la parcelle, ni de la maîtrise effective des déchets, ni encore d'un pouvoir de disposition sur ceux-ci.

b) aa) A titre liminaire, il convient d'examiner quel est le cercle des personnes légitimées à agir selon l'art. 32b bis LPE.

La légitimation active dans un procès civil, de même que la légitimation passive, relèvent du fondement matériel de l’action : elles appartiennent respectivement au sujet actif et passif du droit invoqué en justice et l’absence de l’une ou l’autre de ces qualités entraîne non pas l’irrecevabilité de l’action, mais le rejet de celle-ci (ATF 136 III 365 consid. 2.1, JdT 2010 I 514, SJ 2011 I 77; TF 5A_792/2011 du 14 janvier 2013 consid. 6.1; Hohl, Procédure civile, Tome I, Berne 2001, nn. 434 ss). Le juge doit vérifier d’office l’existence de la légitimation active et passive. Toutefois, dans les procès soumis à la maxime des débats, il ne le fait qu’au regard des faits allégués par les parties et prouvés, c’est-à-dire uniquement dans le cadre que les parties ont assigné au procès (Hohl, op. cit., n. 446 et les références citées). II appartient au demandeur de prouver les faits sur lesquels il fonde sa légitimation active (ATF 130 III 417 consid. 3.1, rés. in JdT 2004 I 268,
SJ 2004 I p. 533; ATF 123 III 60 consid. 3a rés. in JdT 1998 I 25). Dans le cadre d'une action au fond, la question de la qualité pour agir (légitimation active), qui relève du droit matériel, doit s'examiner au moment du jugement (CPF n° 47 du
26 février 2009 consid. 3d; JdT 2007 III 116 consid. 3b).

bb) Aux termes de l'art. 32b bis al. 1 LPE, le détenteur de l'immeuble est légitimé à agir à certaines conditions. Doit en premier lieu être considéré comme détenteur le propriétaire foncier au sens de l'art. 655 CC (Chaulmontet, op. cit.,
n. 845 p. 342). En l'espèce, il est constant que le demandeur n'était plus propriétaire de la parcelle litigieuse au moment des travaux, dès lors qu'il s'en est dessaisi par acte de vente du 20 février 2007 et que dits travaux ont eu lieu entre les mois de mars et septembre 2007. Partant, il n'était pas légitimé à agir à cette époque, ni au moment du dépôt de la demande, ni encore au moment du présent jugement.

Se pose ainsi la question de savoir si, à un autre titre, le demandeur peut néanmoins être légitimé à agir au sens de l'art. 32b bis al. 1 LPE, comme il le prétend.

cc) La notion de "détenteur" (dans le texte allemand : Inhaber) est employée à plusieurs reprises dans la législation fédérale sur la protection de l'environnement, sans toutefois que la LPE n'en donne une définition
(ATF 119 Ib 492 consid. 4 bb, JdT 1995 I 495, SJ 1994 I p. 612; Romy, op. cit.,
n. 23 ad art. 32b bis LPE). Elle revêt un caractère particulier en droit administratif et en droit de l'environnement spécialement. En effet, les relations de propriété ou même de possession appréhendées dans le domaine des droits réels n'est pas déterminante; en réalité, le détenteur est assimilable à l'exploitant, qui exerce une maîtrise de fait sur une chose, sans être confiné à un rapport juridique particulier avec cette chose (Zufferey, Pollueur-payeur, perturbateur, détenteur et responsable, in: Revue du droit de la construction et des marchés publics 1999, vol. 4, p. 125 et les références citées; Trüeb, Die so gennannte Bauherrenaltlast, in: Droit de l'environnement dans la pratique 2007, p. 638). Ainsi, par exemple, le détenteur d'une installation – contre lequel une procédure d'assainissement est dirigée – est la personne qui, en fait, est responsable de l'exploitation de l'installation, la situation du détenteur au regard du droit privé (propriétaire, possesseur, etc.) n'étant pas déterminante (ATF 119 Ib 492 consid. 4 bb)). Il a également été jugé que le détenteur des déchets au sens de l'art. 30 al. 1 LPE – qui doit assurer leur traitement – est celui qui a en fait un pouvoir de disposition sur ceux-ci et non nécessairement celui qui est à l'origine de leur production (ATF 118 Ib 407 consid. 3c,
JdT 1994 I 483). De même, le détenteur d'un site pollué au sens de l'art. 20 OSites – qui peut devoir répondre des coûts d'assainissement selon l'art. 32d LPE – est celui qui en a effectivement la maîtrise (ATF 130 II 321 consid. 2.2, SJ 2005 I p. 56). Le détenteur peut donc être assimilé au perturbateur par situation, qui lui n'est pas à l'origine de la pollution (perturbateur par comportement), mais qui a un pouvoir de disposition actuel de droit ou de fait sur le site pollué ou contaminé
(CDAP AC.2013.0205 consid. 6 a) aa)).

Il convient donc d'examiner si la notion de détenteur contenue à
l'art. 32b bis LPE doit également être interprétée de manière élargie et, le cas échéant, si le demandeur entre dans cette définition dans le cas d'espèce.

dd) Selon l'art. 1 al. 3 CC (Code civil suisse du 30 mars 1911; RS 220), le juge s'inspire des solutions consacrées par la doctrine et la jurisprudence. En présence d'avis divergents, il doit choisir la doctrine qui convainc le mieux par la force de son argumentation; le nombre des représentants d’une opinion est un indice à cet égard (Werro, Commentaire romand CC-I, Bâle 2010, n. 50 ad art. 1 CC; Honsell, Basler Kommentar, Bâle 2014, n. 38 ad art. 1 CC et les références citées). Le juge peut s'écarter d'un texte clair lorsque des raisons sérieuses lui permettent de penser, sans doute possible, que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la norme et conduit à des résultats que le législateur ne peut avoir voulus et qui heurtent le sentiment de la justice ou le principe de l'égalité de traitement; de telles raisons peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi; en dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s'écarter du texte clair de la loi (ATF 118 II 333 consid. 3e, JdT 1996 I 127). Il y a lieu de rechercher la véritable portée de la norme en recourant, pour son interprétation, à divers éléments, dont l'un n'exclut pas l'autre; si plusieurs interprétations se révélaient admissibles, il faudrait en principe choisir celle qui est conforme à la constitution et qui respecte l'égalité de traitement; la genèse de la loi permet parfois de reconnaître l'intention du législateur historique, notamment par le message du Conseil fédéral et les avis exprimés dans les séances des commissions parlementaires, le cas échéant à la lumière des conceptions généralement admises à l'époque où la règle a été adoptée, en particulier des raisons d'une modification; l'interprétation repose en outre sur l'idée que la loi forme un tout cohérent; elle éclaire une disposition par les rapports que celle-ci présente avec d'autres règles, notamment dans le contexte d'une même loi, et avec les idées et le système qui en sont la base; le juge s'inspirera enfin du but de la règle dont il recherche le sens, de son esprit ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose (ATF 112 Ib 465
consid. 3b et les arrêts cités, JdT 1988 I 217).

c) La notion de détenteur au sens de l'art. 32b bis LPE est controversée en doctrine.

aa) Selon Chaulmontet, la "détention" de l'immeuble n'est pas suffisante, dès lors que, selon l'art. 32b bis al. 1 let. c LPE, il faut encore que celui-ci ait acquis l'immeuble entre le 1er juillet 1972 et le 1er juillet 1997 (Chaulmontet,
op. cit., n. 846 p. 342). L'auteur relève que lors des débats devant le Conseil national, s'agissant du terme "acquisition", il n'a été question que de "l'achat et de la vente", de sorte que l'on pourrait en conclure que seule l'acquisition de la propriété foncière au sens des art. 656 ss CC aurait été envisagée; cependant, l'acquisition d'autres droits réels n'aurait pas été exclue par le législateur, sans quoi il aurait fait usage du terme "propriétaire" et non "détenteur" à l'art. 32b bis al. 1 LPE (Chaulmontet, op. cit., n. 847 pp. 342 s.). Cet auteur préconise de faire une application analogique de l'art. 4 al. 1 let. a LFAIE (Loi fédérale du 13 décembre 1983 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger; RS 211.412.41), qui assimile l'acquisition de droits de superficie, d'habitation ou d'usufruit à l'acquisition de la propriété d'immeubles; selon lui, compte tenu du besoin de sécurité, il n'existerait aucun fondement objectif pour exclure le titulaire d'un droit de superficie du champ d'application de l'art. 32b bis LPE; l'acquisition de tout droit réel sur un immeuble – et pas seulement d'un droit de propriété – serait donc visée par l'art. 32b bis al. 1 let. c LPE (Chaulmontet, op. cit., n. 848 et 850 , pp. 343 ss). Le détenteur de l'immeuble peut, en revanche, être assimilé au détenteur des déchets (Chaulmontet, op. cit, n. 841, p. 341).

Selon Trüeb, la notion de maîtrise de fait ne prévaut pas dans le cadre de l'art. 32b bis LPE; seul le propriétaire – au sens étroit – ou le titulaire d'un droit de superficie (Baurechtberechtigte), auraient la légitimation active (Trüeb, op. cit., p. 638). Ces derniers seraient, en effet, les seuls à subir une diminution de la valeur du bien-fonds du fait de la pollution et seraient les seuls à pouvoir avoir obtenu un dédommagement, respectivement une remise sur le prix au sens de l'art. 32b bis
al. 1 let. a LPE (ibidem). Pour Rüegg, les personnes légitimées à agir au sens de l'art. 32b bis LPE sont celles qui exercent un pouvoir juridique sur le site pollué, ou qui l'ont exercé en qualité d'ancien détenteur (früherer Inhaber), soit le propriétaire du fonds pollué et le titulaire d'un droit de superficie (Rüegg, op. cit., p. 110). Ne pourraient en revanche pas être considérés comme détenteurs les titulaires de droits personnels (locataire, fermier, etc.), parce qu'ils ne sont pas légitimés à éliminer les matériaux pollués; du point de vue de la légitimation passive, il serait inéquitable de les tenir pour responsables en leur qualité d'ancien détenteur, alors qu'ils n'avaient aucun pouvoir de disposition juridique sur le bien-fonds pollué (ibidem). Par conséquent, la notion de détenteur habituellement consacrée en droit de l'environnement ne serait pas applicable à la norme de responsabilité civile consacrée à l'art. 32b bis LPE (ibidem, note de bas de page no 16). Enfin, selon Wagner Pfeifer, contrairement à la notion de détenteur du site contenue à
l'art. 32d al. 2 LPE, la notion de détenteur au sens de l'art. 32b bis LPE ne s'examine pas en lien avec la maîtrise de fait, mais bien avec le pouvoir juridique en relation avec les travaux qui conduisent aux surcoûts du traitement des déchets (Wagner Pfeifer, Umweltrecht – Besondere Regelungsbereiche, Zurich 2013, n. 767 p. 179). Dès lors, si le titulaire d'un droit réel sur le bien-fonds a accordé contractuellement à un tiers un droit s'agissant de l'exécution des travaux, les conditions de l'action doivent être remplies par l'ayant droit inscrit au registre foncier (Wagner Pfeifer,
op. cit., n. 769 p. 179).

bb) Au contraire, Romy est d'avis que la notion de détenteur inclut les locataires s'ils ont la maîtrise juridique ou de fait sur l'immeuble, ce qui pourrait résulter d'un accord privé avec le propriétaire (Romy, op. cit., n. 24 ad
art. 32b bis LPE). Selon elle, il peut arriver que le détenteur de l'immeuble et celui des déchets soient distincts, par exemple lorsque le premier concède la maîtrise sur les matériaux d'excavation par contrat à un entrepreneur général ou à un superficiaire, ou qu'il autorise un tiers-contractant à construire sur son terrain; il se justifierait alors de conférer la légitimation active à celui qui supporte les surcoûts liés à l'élimination des déchets, qu'il s'agisse du détenteur de l'immeuble ou du détenteur des déchets (Romy, op. cit., nn. 25 et 26 ad art. 32b bis LPE). L'auteure justifie cette position en relevant que le but de l'art. 32b bis LPE était de remédier aux injustices qui résultaient de l'application stricte du droit des déchets, lequel imposait au détenteur des déchets d'assumer les coûts de leur élimination (Romy, op. cit.,
n. 25 ad art. 32b bis LPE).

Dans l'avis de droit produit par le demandeur, elle précise sa position en exposant qu'une interprétation restrictive de la notion de détenteur au sens de l'art. 32b bis LPE créerait des inégalités avec les détenteurs de sites contaminés, qui peuvent faire reporter les frais d'assainissement sur les perturbateurs par comportement au sens de l'art. 32d LPE. Or, selon elle, il résulte clairement des travaux législatifs que le législateur a accepté de répartir les coûts entre le détenteur du site pollué et le ou les perturbateurs en application du principe de causalité, comme en matière de sites contaminés (art. 32d LPE). Il aurait seulement limité l'application de ce principe aux terrains pollués acquis entre le 1er juillet 1972 et le
1er juillet 1997, mû par la volonté de protéger le détenteur – qui selon le droit alors en vigueur devait prendre le coût de l'élimination des déchets à sa charge – n'ayant pas pu avoir connaissance de la pollution et qui n'avait dès lors pas de raison de se prémunir contre les conséquences d'une pollution sous forme de garantie ou de remise de prix. Ainsi, il ne saurait faire aucune différence que le détenteur d'un site pollué acquis entre 1972 et 1997 assume le coût d'élimination des frais d'excavation parce qu'il a l'obligation contractuelle ou légale de le faire, ou parce qu'il construit lui-même sur son terrain et enlève des matériaux d'excavation pollués. La systématique de la loi et la volonté du législateur de calquer le régime applicable aux matériaux d'excavation pollués sur celui des sites contaminés justifieraient une interprétation de l'art. 32b bis LPE conforme à l'art. 32d LPE pour toutes les questions que la loi ne règle pas différemment. Ainsi, la légitimation active appartiendrait tant au détenteur qui enlève les matériaux (détenteur de l'immeuble ou des déchets), qu'à la personne qui supporte les coûts d'élimination des matériaux d'excavation sur la base d'un contrat de vente valide, pour autant qu'il remplisse les conditions de la disposition en cause.

d) aa) Dans son rapport du 20 août 2002 concernant l'initiative "Sites pollués par des déchets / Frais d'investigation" du 7 décembre 1998, la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national (ci-après : la Commission) exposait que, selon le droit en vigueur, il appartenait au détenteur des déchets – en l'occurrence le détenteur du site pollué – de traiter correctement les matériaux excavés d'un site pollué non assujetti à assainissement et d'en supporter les coûts, conformément à l'art. 32 al. 1 LPE. Cela pouvait avoir des conséquences indésirables puisque ces coûts étaient parfois élevés et que le détenteur (pollueur par situation) n'était pas toujours responsable de la pollution; il pouvait toutefois répercuter les coûts sur le perturbateur par comportement (la personne à l'origine de la pollution) par la voie civile (art. 41 et
97 ss CO), le problème étant qu'il fallait alors qu'une responsabilité civile ou un acte illicite soient établis et que la prescription était relativement rapidement atteinte
(FF 2003 pp. 4539, 4542 s.). Elle précisait toutefois que si l'assainissement d'un site effectivement contaminé relevait de l'intérêt public, les intérêts du maître d'ouvrage primaient dans le cas d'un site pollué avec projet de construction, notamment parce qu'il pouvait décider de l'opportunité de construire (réd. : et donc de dépolluer) et ses décisions avaient une influence sur les coûts (FF 2003, p. 4542). Ainsi, la commission proposait d'adopter une solution de compromis répartissant ces coûts entre le propriétaire (ou maître d'ouvrage) et le perturbateur par comportement, en faisant uniquement supporter les coûts liés à l'élimination des matériaux pollués à ce dernier (FF 2003, pp. 4543, 4549). Le rapport mentionne expressément que cette solution reprend de l'art. 32d LPE le principe selon lequel celui qui est à l'origine d'une intervention sur un site pollué avec projet de construction doit en supporter les frais (FF 2003 p. 4559).

A cet égard, il ne fait donc aucun doute que la volonté du législateur était d'appliquer le principe de causalité ancré aux art. 74 al. 2 Cst. et 2 LPE (principe du pollueur-payeur ou Verursacherprinzip) aux sites pollués par des déchets, ce qui ressort expressément de l'ensemble des travaux parlementaires relatifs à l'adoption de l'art. 32b bis LPE (cf. par exemple BO 2004 N 468 ss, Keller, Teuscher, Leutenegger, Oberholzer, Dupraz).

bb) Il résulte toutefois des travaux parlementaires que, à la différence de ce qui prévaut en matière de sites contaminés (art. 32c et 32d LPE), le législateur n'a pas souhaité appliquer le principe de causalité de manière stricte. En effet, il s'agissait essentiellement de préserver l'intérêt privé du détenteur, qui dispose d'un pouvoir de décision ayant notamment une influence sur les coûts de dépollution. Le législateur était donc réticent à s'immiscer dans les relations de droit privé, craignant que cela ne nuise au libre commerce des biens-fonds ainsi qu'à la sécurité du droit et que cela n'entraîne le risque, pour les responsables, de devoir encore être recherchés des dizaines d'années après la vente (BO 2004 E 524, Hoffmann;
BO 2005 E 561, Büttiker). La crainte de procédures judiciaires complexes (respectivement de la surcharge de l'administration) et d'obligations excessivement onéreuses à l'égard de tiers en matière d'assainissement ont également marqué les débats (BO 2005 N 1107, Reymond), l'idée étant qu'il fallait éviter un assainissement de luxe des sites pollués qui ne sont pas soumis à une obligation d'assainir
(BO 2005 N 3, Hegetschweiler; BO 2005 N 1107, Reymond). Ces craintes ont donné lieu à trois modifications successives du projet initial d'art. 32b bis LPE, limitant toujours davantage le principe de causalité.

Le législateur a notamment considéré que seul le détenteur qui ignorait que son terrain était pollué lors de son acquisition devait pouvoir agir à l'encontre du pollueur originel (BO 2005 N 3 s., Reymond, Bader, Rechsteiner; BO 2005 E 562, Pfisterer). Cette condition a été introduite à l'alinéa 1 de la seconde mouture du projet d'art. 32b bis LPE, qui prévoyait en substance que les surcoûts résultant des matériaux d'excavation devant être éliminés spécialement seraient à la charge de la personne ayant causé la pollution, pour autant que le détenteur n'ait pas pu, en y apportant toute la diligence requise, avoir connaissance de cette pollution ni de l'ampleur des coûts induits lors de l'acquisition du terrain (BO 2005 N 3). Interrogé sur la question de savoir si le vendeur d'un terrain pourrait exclure sa responsabilité, un membre de la Commission avait d'ailleurs précisé que si les coûts de dépollution étaient exclus par contrat, c'est que l'acheteur avait connaissance de dite pollution, de sorte qu'il ne pourrait ensuite pas se retourner contre le responsable
(BO 2005 N 4, Rechsteiner). Il se posait toutefois la question de savoir dans quelle mesure le détenteur devrait s'assurer que le terrain n'était pas pollué ou qu'il ne devrait pas compter avec des coûts liés à une telle pollution (BO 2005 N. 4 s. Rechsteiner; Pfisterer, BO 2005 E 562, Pfisterer). Cette condition a dès lors été reprise sous une forme différente dans les deux dernières versions de la disposition, en ce sens que le détenteur devait avoir acquis l'immeuble entre le 1er juillet 1972 et le 1er juillet 1997 (art. 32b bis al. 1 let. c LPE). Il s'agit des dates d'entrée en vigueur de la seconde loi sur la protection des eaux et de la révision de la LPE instituant le principe de l'assainissement obligatoire. Les travaux parlementaires ne s'expriment pas clairement à ce sujet. Cependant, tout porte à croire que le législateur est parti du principe qu'avant le 1er juillet 1997, le détenteur n'avait aucune raison de se prémunir contre les conséquences d'une pollution (Romy, op. cit., n. 34 ad
art. 32b bis LPE; Chaulmontet, op. cit., nn. 856 s. pp. 346 s.). Le principe selon lequel le détenteur ne devait pas avoir eu ou pu avoir connaissance du risque de pollution – et n'ait donc pas pu se prémunir contre ce risque – se trouvait donc au centre de la réglementation faisant l'objet de l'art. 32b bis LPE (BO 2005 E 562, Pfisterer : "Kern"; BO 2005, E 931, Pfisterer : "Baustein").

Dans le même ordre d'idées, lors de la dernière ronde d'élimination des divergences, le législateur a inséré la condition selon laquelle les auteurs de la pollution ne doivent avoir assuré aucun dédommagement pour la pollution
(art. 32b bis al. 1 let. a), respectivement les anciens propriétaires (devenus détenteurs dans la version définitive) n'avoir consenti aucune remise sur le prix en raison d'une pollution lors de la vente de l'immeuble (BO 2005 N 1106 s.).

De fait, les conditions prévues à l'art. 32b bis al. 1 let. a et c LPE limitent l'application du principe de causalité et, partant, restreignent le cercle des personnes légitimées à agir au sens de cette disposition (Romy, op. cit., n. 27 ad
art. 32b bis LPE; Chaulmontet, op. cit., n. 846 p. 342).

cc) En ce qui concerne la notion de détenteur en tant que telle, il ne ressort pas clairement des travaux parlementaires que le législateur ait fait une distinction entre les notions de détenteur et de propriétaire. Certes, lorsque la condition de l'acquisition de l'immeuble entre le 1er juillet 1972 et le 1er juillet 1997 a été introduite (art. 32b bis al. 1 let. c LPE), la Commission s'est référée à l'achat et à la vente du terrain (BO 2005 N 1106 ss, Rechsteiner, Reymond). L'al. 1 let. a LPE se réfère également expressément à la vente du terrain. Toutefois, ainsi que le relève à juste titre Chaulmontet (cf. ci-dessus, consid. IV c) aa)), le législateur a conservé le terme "détenteur", alors qu'il aurait pu utiliser celui de "propriétaire". Ainsi, on ne saurait déduire des seuls termes "acquis" ou "vente" que les chambres fédérales ont souhaité exclure que toute autre personne que le propriétaire puisse agir. D'ailleurs, tout au long des débats parlementaires, les différents intervenants ont alternativement utilisé les termes détenteur (Inhaber), possesseur (Bodenbesitzer, Besitzer) et propriétaire (Eigentümer), pour désigner le créancier en remboursement du surcoût lié à la pollution. A titre d'exemple, on peut citer la prise de position de la Commission relative à la troisième mouture de l'art. 32b bis LPE, prononcée en allemand et en français. Ainsi, les mots "Inhaber der Altlast" (littéralement détenteur des déchets) est traduit par "maître d'ouvrage" et "Inhaber des Grundstücks (détenteur du bien-fonds) est traduit par "maître d'ouvrage" et "propriétaire"
(BO 2005, ibidem). On peut encore citer le conseiller aux Etats Pfisterer, qui s'est exprimé en ces termes : "Er (réd. : le Conseil national) beschloss einen Anspruch des heutigen Grundstücksinhabers, das heisst meist des heutigen Eigentümers, (…)" (BO 2005 E 932, Pfisterer), le conseiller aux Etats Hofmann : "(…) der Inhaber, meist des Bauherr, (…)" (BO 2004 E 524) ou encore le conseiller national Rechsteiner : "(…) der Inhaber, also der Besitzer des fraglichen Bodens (…)" (BO 2005, N 3).

Ainsi, il résulte des débats parlementaires que les intervenants considéraient que la notion de détenteur se recoupait la plupart du temps avec celle de propriétaire, mais sans exclure que tel ne soit pas le cas. Il s'ensuit que le législateur n'a pas donné un sens restreint à cette notion, assimilée sans différenciation à celle de propriétaire et à celle de maître d'ouvrage. D'ailleurs, comme l'exposait déjà clairement le rapport de la Commission du 20 août 2002
(cf. supra, consid. IV d) aa)), la volonté du législateur était de corriger les conséquences indésirables du droit des déchets, selon lequel il appartenait au détenteur de ceux-ci (soit le détenteur du site selon les termes de la Commission), d'assumer les coûts d'élimination des déchets pollués selon l'art. 32 LPE. Or, il ne ressort aucunement des travaux parlementaires que la volonté du législateur eût été de désigner un détenteur différent de celui visé par cette dernière disposition, ni encore de restreindre la portée de cette notion particulière en droit de l'environnement. Par conséquent, il faut considérer que, comme à l'art. 32 LPE, la qualité de détenteur au sens de l'art. 32b bis LPE appartient également à celui qui a en fait un pouvoir de disposition sur les déchets. En d'autres termes, détient cette qualité celui qui, sans avoir nécessairement la volonté d'en avoir la maîtrise, a la capacité de fait de les utiliser, de les modifier, de les détruire, de les conserver ou de les transmettre (Jansen, Commentaire de la Loi sur la protection de l'environnement (LPE), vol. 1, Berne 2010, n. 6 ad art. 32 LPE; voir également ATF 118 Ib 407 consid. 3c, cité supra, consid. IV b) aa)).

dd) En conclusion, lors de l'adoption de l'art. 32b bis LPE, la volonté du législateur était d'appliquer le principe de causalité au financement de l'élimination de matériaux pollués en cas de construction sur un site non soumis à obligation d'assainir. Toutefois, dans la mesure où le détenteur peut influer sur les coûts et pour limiter la responsabilité pesant sur des tiers dans une certaine mesure, il se justifiait de protéger uniquement le détenteur qui n'avait pas eu connaissance de la pollution affectant le terrain. Le législateur a donc substantiellement limité l'application de ce principe, notamment en prévoyant des conditions restreignant la légitimation active du détenteur. Il a, ainsi, créé une norme de responsabilité civile particulière qui ne s'insère pas directement dans la systématique de la LPE; il n'a pas souhaité que le détenteur d'un site pollué soit traité sur un pied d'égalité avec celui d'un site contaminé. En conséquence, une interprétation de la légitimation active par analogie avec l'art. 32d LPE – dont il s'est seulement inspiré – est exclue. Ainsi, bien que la notion de détenteur au sens de l'art. 32b bis LPE doive être appréhendée de manière large, il en va différemment des conditions posées par cette disposition, lesquelles doivent être interprétées de manière stricte et non dans un sens qui favoriserait à tout prix l'application du principe de causalité. En ce sens, il appartient au détenteur des déchets de démontrer que l'origine de sa maîtrise remplit les conditions de la disposition en cause. Il se justifie donc d'exiger, comme le préconise Wagner Pfeifer (cf. supra, consid. IV c) aa)), que les conditions de l'action soient remplies par le titulaire d'un droit réel sur le bien-fonds inscrit au registre foncier, lorsque ce dernier a accordé contractuellement un droit relatif à l'exécution des travaux à un tiers. En d'autres termes, celui qui a la maîtrise de l'immeuble et qui assume les surcoûts liés à sa dépollution ne sera légitimé à agir que si celui qui lui a conféré cette maîtrise remplit lui-même les conditions de l'action. Cette interprétation est compatible avec l'opinion de la doctrine majoritaire et avec la volonté du législateur de limiter l'application du principe de causalité, mais encore avec la lettre de la loi, qui se réfère à "la vente" et au moment où l'immeuble a été "acquis" s'agissant des conditions d'exercice, mais qui ouvre néanmoins l'action au "détenteur".

e) En l'espèce, le demandeur n'allègue pas avoir conservé un droit réel sur la parcelle postérieurement à la vente de celle-ci, ce qui ne ressort pas non plus des extraits du registre foncier. En outre, il n'est pas non plus établi que T.__AG lui aurait conféré contractuellement un ou des droits sur la parcelle ou les déchets, autre que celui de se retourner contre ses propres vendeurs. Il s'ensuit qu'il n'est pas fondé à agir selon l'art. 32b bis LPE en vertu d'une maîtrise juridique qu'il aurait eue ou conservée sur la parcelle. Si l'on s'en tenait à l'avis de la doctrine majoritaire (cf. supra, consid. c) aa)), ce seul constat suffirait à rejeter l'action du demandeur, faute de légitimation active. Toutefois, comme exposé ci-dessus
(cf. supra, consid. IV a) aa)), il prétend avoir disposé d'une maîtrise de fait sur les matériaux excavés de la parcelle en cause, malgré sa vente à la société T.__AG.

Le fait que le demandeur se soit engagé envers T.__AG à financer les coûts d'élimination des déchets ne suffit pas à lui conférer un pouvoir de disposition de fait (ni encore moins de droit) sur les matériaux pollués excavés. Par ailleurs, on ne voit pas en quoi le fait qu'il ait lui-même déposé une demande d'autorisation de construire et obtenu successivement plusieurs permis de construire qui se seraient périmés, avant d'en céder un troisième à T.__AG lors de la vente de l'immeuble, serait de nature à démontrer quoi que ce soit. En effet, bien que le demandeur ait joué un rôle dans la fixation de l'étendue de l'excavation nécessaire à la construction projetée, tous ces actes sont antérieurs à la vente et aux travaux de dépollution. C'est, en réalité, bien plutôt les sociétés F.__SA et [...] qui, dans les faits, semblent avoir disposé des déchets, puisque ce sont elles qui ont respectivement procédé aux travaux d'excavation et d'évacuation des matériaux. Or, il n'est pas allégué, ni établi que le demandeur aurait entretenu une relation contractuelle quelconque avec ces sociétés. C'est au contraire la société T.__AG qui est intervenue en qualité de maître d'ouvrage dans le cadre du projet de construction que lui a cédé le demandeur.

Il ressort cependant du témoignage de [...], que le demandeur exercé une certaine influence sur les travaux de dépollution postérieurement à la vente. En effet, ce témoin a déclaré que le demandeur avait dirigé ("piloté") et poursuivi la direction des opérations avec les différentes entreprises avant et après la délivrance du permis de construire, jusqu'à la fin des terrassements, notamment en ce qui concerne le déroulement du chantier et de son sous-sol, et avait eu une influence prépondérante voire essentielle en ce qui concerne les travaux de dépollution de la parcelle, se rendant à de nombreuses reprises sur le chantier. La défenderesse fait valoir que le témoignage précité ne suffit pas à démontrer que le demandeur aurait eu la maîtrise effective des déchets et un pouvoir de disposition sur ceux-ci. Toutefois, elle n'explique pas en quoi ce témoignage serait critiquable. La cour de céans ne voit pas de raison de l'écarter et il faut déduire de ces déclarations que le demandeur disposait, dans les faits, d'un certain pouvoir sur les matériaux excavés, outre qu'il a assumé les coûts des travaux de dépollution, ainsi qu'il s'y était engagé. Au vu de ces circonstances, on peut donc admettre qu'il a exercé une maîtrise de fait – mais non juridique – sur les matériaux excavés, en lieu et place de T.__AG.

Comme cela a été exposé ci-dessus (cf. supra, consid. IV d) dd)), il se justifie encore d'exiger de celui qui se prévaut d'une maîtrise sur l'immeuble, qu'il démontre que la personne – inscrite au registre foncier – qui lui a conféré cette maîtrise remplit elle-même les conditions de l'art. 32b bis LPE. En l'occurrence, T.__AG a acquis l'immeuble en cause près de dix ans après le
1er juillet 1997. Au moment de la vente, elle a, par ailleurs, obtenu un dédommagement du fait de la pollution de la parcelle sous la forme d'un engagement par le demandeur de prendre à sa charge tous les frais résultant de dite pollution et par la remise d'une garantie d'un montant de 500'000 francs. Elle ne remplit donc manifestement pas les conditions contenues à l'art. 32b bis al. 1 let. a et c LPE. Il s'ensuit que le demandeur n'est pas légitimé à agir au sens de cette disposition, même si l'on considère qu'il a exercé une certaine maîtrise sur les déchets excavés de la parcelle.

Enfin, on ne saurait suivre le demandeur lorsqu'il prétend avoir non seulement disposé, mais encore conservé la maîtrise du terrain, respectivement des matériaux excavés, malgré la vente à T.__AG. Ce raisonnement a pour seul but de faire admettre que les conditions de l'art. 32b bis LPE ont continué d'être remplies à l'époque des travaux d'excavation, non par T.__AG mais par le demandeur lui-même, malgré la vente. Or, comme on vient de le voir, les conditions de cette disposition doivent être remplies par le titulaire de droits inscrits au registre foncier. Ainsi, bien que le demandeur ait disposé d'une maîtrise de fait sur les déchets, on ne saurait considérer que l'action lui était ouverte du fait qu'il en remplissait les conditions antérieurement à la vente. Cela est insuffisant, dès lors que la maîtrise du demandeur a été interrompue par dite vente. En effet, la propriété foncière est le droit réel qui confère à son titulaire la maîtrise totale et exclusive sur un immeuble, soit le droit de l'utiliser, d'en percevoir les fruits et d'en disposer, ces facultés pouvant toutefois être limitées de par la propre volonté du propriétaire (Steinauer, Les droits réels, vol. 2, 4e éd., Berne 2012, n. 1690 p. 153). Le demandeur ne peut donc pas avoir conservé la maîtrise du terrain et des déchets qui en ont été extraits, puisqu'il a transféré son droit de propriété sur ledit terrain – et donc la maîtrise totale et exclusive qui s'y rattachait – à la société T.__AG par acte de vente du 20 février 2007. Il s'ensuit que la maîtrise de fait dont il se prévaut à l'époque des travaux ne peut que lui avoir été rétrocédée par le nouveau propriétaire de la parcelle, qui ne remplissait pas les conditions de l'art. 32b bis LPE. En d'autres termes, le demandeur a perdu le droit de se prévaloir de cette disposition au moment de la vente de l'immeuble et ce droit n'a pas pu lui être cédé ou retransmis par le nouveau propriétaire, qui n'en remplissait pas les conditions. Partant, bien qu'une partie de la maîtrise sur l'immeuble ait à nouveau été confiée au demandeur, il ne pouvait plus se prévaloir du fait qu'il remplissait les conditions antérieurement à la vente. Dès ce moment, plus personne n'était donc légitimé à agir.

f) Se pose encore la question de savoir si un propriétaire qui s'est engagé contractuellement à assumer les coûts de dépollution lorsqu'il a vendu son terrain et alors même qu'il remplissait les conditions de l'art. 32b bis LPE est légitimé à agir selon cette disposition, sous réserve du délai de péremption (Romy, op. cit.,
n. 15 ad art. 32b bis LPE) prévu à l'alinéa 3. L'auteure de l'avis de droit produit par le demandeur soutient que le fait que le détenteur d'un site pollué acquis entre 1972 et 1997 assume les coûts d'élimination des frais d'excavation parce qu'il construit lui-même sur son terrain et enlève des matériaux d'excavation pollués d'une part, ou parce qu'il a l'obligation contractuelle ou légale de le faire d'autre part, est indifférent. La défenderesse fait valoir qu'il ne se justifie en aucune manière d'élargir le cercle des personnes légitimées à agir au sens de l'art. 32b bis LPE à l'ancien détenteur de l'immeuble, sans quoi la limite temporelle prévue à l'al. 1 let. c de cette disposition serait vidée de toute portée au mépris de la sécurité du droit, ce que le législateur n'aurait pas pu objectivement vouloir. Elle plaide également que rien ne justifie de traiter le demandeur comme s'il n'avait pas vendu l'immeuble.

Le demandeur a déclaré au cours de sa plaidoirie qu'il ne fondait pas sa légitimation active sur sa qualité d'ancien détenteur de l'immeuble. La cour de céans, qui applique le droit d'office (iura novit curia), se doit néanmoins d'examiner brièvement cette question.

En premier lieu, il apparaît que l'hypothèse selon laquelle la légitimation active appartiendrait encore à l'ancien détenteur de l'immeuble sur la base de ses engagements lors de la vente de celui-ci ne trouve aucun appui solide dans la doctrine. En effet, hormis Rüegg (cité supra, consid. IV c) aa)), qui semble l'admettre dès lors qu'il se réfère au "früherer Inhaber" sans toutefois s'en expliquer, même l'auteure de l'avis de droit produit par le demandeur ne traite pas de cette problématique dans son commentaire de l'art. 32b bis LPE (Romy, op. cit, n. 1 ss ad art. 32b bis LPE). Une telle hypothèse irait, en outre, à l'encontre du texte de la loi, qui légitime le détenteur "qui enlève des matériaux provenant d'un site pollué", soit le détenteur actuel (Trüeb, op. cit., p. 638), et non l'ancien détenteur ou encore tout détenteur qui aurait été lésé du fait de la pollution. D'ailleurs, la loi exige notamment que les travaux d'excavation soient nécessaires (art. 32b bis al. 1 let. b LPE). Ainsi, légitimer l'ancien détenteur à agir reviendrait à accorder une protection rétroactive à un, voire même plusieurs propriétaires successifs qui se prétendraient lésés, alors même que c'est un acquéreur ultérieur qui enlèverait les matériaux pollués, pour des travaux qui doivent être nécessaires. Or, si l'art. 32b bis LPE consacre une application – limitée – du principe de causalité, il n'a pas pour but de s'immiscer dans les relations de droit privé (cf. supra, consid. IV d) bb)), ce qui se produirait précisément dans un tel cas. Au surplus, le législateur a voulu limiter l'application de l'art. 32b bis LPE aux cas où le propriétaire a acquis l'immeuble entre le
1er juillet 1972 et le 1er juillet 1997 (let. c). On peut en déduire, a contrario, qu'il n'a pas voulu accorder de protection au propriétaire qui s'est dessaisi de son immeuble après cette dernière date. En définitive, une interprétation extensive de la notion de détenteur en ce sens qu'elle couvrirait l'ancien détenteur de l'immeuble n'est justifiée ni au regard de la loi, ni de sa genèse, ni de son but, ni encore des conditions qu'elle pose.

g) Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que le défendeur n'est pas légitimé à agir au sens de l'art. 32b bis LPE, de sorte que ses conclusions doivent être rejetées en tant qu'elles se fondent sur cette disposition.

V. a) Par surabondance, la Cour civile constate que, si les conditions posées par l'art. 32b bis al. 1 let. b et c LPE apparaissent réalisées, puisque l'élimination des matériaux pollués était nécessaires selon l'appréciation faite par le SESA dans son rapport du 23 janvier 2007 et que le demandeur est devenu propriétaire de l'immeuble le 3 février 1988, la condition posée par l'art. 32b bis al. 1 let. a LPE doit être examinée plus avant.

b) Selon la plupart des auteurs, il appartient au demandeur de prouver qu'il n'a pas obtenu une remise sur le prix (art. 8 CC; Romy, op. cit., n. 13 ad
art. 32b bis LPE; Trüeb, op. cit., p. 645; Rüegg, op. cit., p. 111). D'un avis contraire, Chaulmontet considère qu'il appartiendrait au défendeur d'apporter cette preuve, s'agissant d'une condition négative (Chaulmontet, op. cit, n. 952 p. 378). Cela irait toutefois à l'encontre de la volonté du législateur. En effet, lors du second tour d'élimination des divergences, les représentants de la Commission ont expressément exposé que le propriétaire du terrain pollué devrait prouver (nachweisen) ne pas avoir touché d'indemnité (BO CN 2005 N 1106 s., Rechsteiner, Reymond), ce qui n'a suscité aucun commentaire particulier. Chaulmontet est toutefois d'avis qu'il faut admettre qu'il y a remise de prix dès que l'acheteur savait ou aurait dû savoir que le terrain était pollué, indépendamment du fait qu'une remise de prix effective ait eu lieu; une telle connaissance ne justifierait plus que l'acheteur puisse s'en prendre au responsable des années plus tard, sans compter que cela influence nécessairement le prix de vente (Chaulmontet, op. cit., n. 941 pp. 373 s.).

La prise en charge des frais de dépollution équivaut économiquement à une remise de prix, dans la mesure où la contre prestation reçue par le vendeur – le prix de vente – est diminuée du montant des frais de dépollution (Romy, op. cit.,
n. 29 ad art. 32b bis LPE; Rüegg, op. cit., p. 109).

c) Le premier expert judiciaire a constaté que la valeur vénale du terrain était de 1'950'000 fr. à l'époque de la vente précitée – soit le prix que le demandeur a payé à la défenderesse pour l'acquisition de l'immeuble – et non de 9'000'000 francs. Cette estimation repose notamment sur la constructibilité du terrain, qui, à dire d'expert, a pris de la valeur après l'adoption du plan de quartier "[…]". L'expert a également relevé que, malgré l'absence de registre des sites pollués à cette époque, le site devait comporter des signes évidents de pollution aux hydrocarbures notamment, comme presque la plupart des sites industriels. Il a constaté que des mesures d'assainissement devaient régulièrement être effectuées. Il est donc évident que l'expert a tenu compte de la pollution du terrain pour estimer sa valeur, comme l'avait d'ailleurs retenu le juge instructeur lorsqu'il a rejeté la requête en complément d'expertise formulée par la défenderesse.

En outre, il résulte de l'instruction que les parties à la vente avaient conscience de la pollution affectant le terrain, ou à tout le moins du risque d'une telle pollution. En effet, le demandeur ne pouvait pas ignorer les activités qui y avaient été menées par la défenderesse, alors qu'il était sur le point d'acquérir un terrain sur lequel se dressaient notamment un silo et quai, une halle à bois, une halle de manutention, plusieurs citernes et une station de lavage. Dans l'acte du
29 janvier 1988 valant réquisition de transfert, la défenderesse s'engageait d'ailleurs à mettre hors service et à ses frais les citernes sises sur le bien-fonds vendu et à vidanger toutes les fosses et séparateurs. De surcroît, comme cela vient d'être exposé, l'expert a relevé que le site devait comporter des signes évidents de pollution, comme la plupart des sites industriels. Enfin et surtout, les parties ont convenu par acte de vente du 20 octobre 1986 (auquel se référait expressément l'acte de transfert du 29 janvier 1988) que la parcelle, dont Q.__SA – représentée par le demandeur – déclarait avoir parfaite connaissance de l'état actuel, serait transférée sans aucune garantie quelconque, notamment quant à la nature du sol. Cette dernière précision n'est pas anodine et doit sans conteste être considérée comme concernant la problématique de la pollution. L'acte prévoyait au surplus la possibilité pour l'acquéreuse de procéder par avance à des sondages à ses frais et sous sa responsabilité.

L'ensemble de ces éléments établissent que les parties étaient conscientes de la pollution de la parcelle (ou d'un tel risque) au moment de la vente déjà, et qu'elles en ont tenu compte dans le cadre de la fixation du prix. A cet égard, l'absence de tout document attestant d'une remise de prix due à la pollution du terrain n'est pas décisive, le contraire étant établi. Il s'ensuit que le demandeur n'apporte pas la preuve de l'absence d'une remise de prix, comme il lui incombait de le faire, de sorte que la condition prévue par l'art. 32b bis al. 1 let. a LPE n'est pas remplie. Au demeurant, si l'on devait suivre l'avis minoritaire de Chaulmontet
(cf. supra, consid. V b)), selon lequel il appartenait à la défenderesse et non pas au demandeur de prouver l'absence de toute remise de prix, il y aurait alors lieu de constater que le demandeur savait ou aurait dû savoir que le terrain était pollué, ce qui ferait présumer une remise de prix selon l'avis de ce même auteur.

Au vu de ce qui précède, à supposer que le demandeur soit légitimé à agir au sens de l'art. 32b bis LPE, ce qui n'est pas le cas, ses conclusions prises à l'encontre de la défenderesse devraient néanmoins être rejetées en tant qu'elles se fondent sur cette disposition, pour ce second motif.

VI. Par surabondance encore, la Cour civile constate que l'acte de vente conclu entre les parties le 20 octobre 1986 prévoyait que la parcelle serait transférée dans son état actuel, sans aucune garantie quelconque, notamment quant à la nature du sol. Il se pose, dès lors, la question de la validité de cette clause, notamment au regard de l'art. 32b bis LPE.

a) Les règles sur la garantie pour les défauts de la vente mobilière
(art. 197 ss CO) s'appliquent par analogie à la vente immobilière (art. 221 CO;
ATF 131 III 145 consid. 3, JdT 2007 I 261; TF 4A_619/2013 du 20 mai 2014
consid. 4.1).

En vertu de l’art. 197 al. 1 CO, le vendeur est tenu de garantir l’acheteur, tant en raison des qualités promises qu’en raison des défauts qui, matériellement ou juridiquement, enlèvent à la chose soit sa valeur, soit son utilité prévue, ou qui les diminuent dans une notable mesure. Il répond de ces défauts, même s’il les ignorait (art. 197 al. 2 CO). Les clauses exclusives ou limitatives de garantie sont nulles si le vendeur a frauduleusement dissimulé à l’acheteur les défauts de la chose (art. 199 CO). L’invalidité de la clause d’exclusion suppose d’abord que le vendeur a connu l’existence des défauts, car la dissimulation est un comportement intentionnel. Le fardeau de la preuve de la dissimulation frauduleuse incombe à l’acheteur (TF 4A_492/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3;
TF 4A_70/2011 du 12 avril 2011 consid. 4.1 et les références citées;
TF 4A_196/2011 du 4 juillet 2011 consid. 3).

Le défaut se définit comme l'absence d'une qualité dont le vendeur avait promis l'existence ou à laquelle l'acheteur pouvait s'attendre selon les règles de la bonne foi (TF 4A_321/2007 du 3 décembre 2007 consid. 4.3; ATF 114 II 239 consid. 5, JdT 1989 I 162). Le vendeur répond d'abord des qualités promises, soit des assurances qu'il a pu donner à l'acheteur eu égard aux qualités de la chose. Il peut avoir positivement assuré que la chose présentait certaines qualités
(ATF 109 II 24 consid. 4, JdT 1983 I 258) ou, négativement, que la chose ne souffrait pas de certains défauts (Venturi, Commentaire romand CO-I, 2e éd., Bâle 2012,
n. 11 ad art. 197 CO et les références citées). Le vendeur est également tenu des qualités attendues. Il s'agit des qualités qui n'ont pas été convenues entre les parties ou promises par le vendeur, mais sur lesquelles l'acheteur devait pouvoir compter selon les règles de la bonne foi. Comme les qualités promises, elles sont des éléments de l'accord; elles déterminent "ce que doit être la chose à livrer, même si elles sont généralement implicites". Pour que le vendeur soit tenu à garantie, il faut que le vice entraîne une diminution notable de la valeur ou de l'utilité de la chose (Venturi, op. cit., n. 16 ad art. 197 CO; Tercier/Favre/Zen-Ruffinen, Les contrats spéciaux, 4e éd., Zurich 2009, nn. 756 ss p. 112 et les références citées).

A la différence du vendeur, il est nécessaire que l'acheteur ait ignoré le défaut au moment de la conclusion du contrat. Il appartient au vendeur de prouver que l'acheteur connaissait ou aurait dû connaître le défaut (Venturi, op. cit.,
nn. 1 s. ad art. 200 CO; Tercier/Favre/Zen-Ruffinen, op. cit., n. 763, p. 112).
L'art. 200 CO précise que le vendeur ne répond pas des défauts que l'acheteur connaissait au moment de la vente (al. 1); il ne répond pas non plus des défauts dont l'acheteur aurait dû s'apercevoir lui-même en examinant la chose avec une attention suffisante (al. 2). Toutefois, lorsque le vendeur a donné l'assurance qu'un défaut donné n'existait pas ou promis qu'une qualité était présente, il sera tenu à garantie, même si l'acheteur aurait pu déceler le vice en vérifiant la chose (ATF 81 II 56 consid. 2c, JdT 1955 I 562; TF 4C.364/2000 du 15 mai 2001 consid. 3d; Tercier/Favre/Zen-Ruffinen, op. cit., n. 766, p. 113).

b) Les règles sur la garantie des défauts sont de droit dispositif, de sorte que les parties peuvent y déroger, expressément ou tacitement, notamment par des clauses exclusives ou limitatives de responsabilité (ATF 95 II 119 consid. 4, JdT 1970 I 238; Venturi, op. cit., nn. 31 et 35-38 ad Introduction aux art. 197-210 CO). Elles peuvent ainsi soumettre la garantie à des conditions plus restrictives que celles prévues par la loi. Elles peuvent par exemple restreindre la notion de défaut, en exigeant qu’il soit la conséquence d’un vice de conception ou de fabrication uniquement, ou en exigeant la faute du vendeur; les parties peuvent aussi restreindre les conditions d’exercice de l’action, par exemple en mettant en place une procédure contraignante de vérification. Elles peuvent aussi restreindre les droits dont dispose l’acheteur; il est ainsi fréquent, dans le commerce des machines ou des voitures, de limiter la garantie au droit au remplacement de la chose ou à sa réparation. La clause est alors à la fois extensive de garantie, puisqu’elle confère à l’acheteur une prétention inconnue de la loi (le droit à la réparation) et exclusive, car elle supprime la possibilité de demander une réduction du prix ou la résolution du contrat (ATF 107 II 161 consid. 6c, JdT 1981 I 582; ATF 95 Il 119 consid. 4,
JdT 1970 I 238; TF 4A_619/2013 du 20 mai 2014 consid. 4.1).

c) La détermination de la portée d'une clause excluant ou limitant la responsabilité du vendeur ressortit à l'interprétation du contrat. Une telle clause ne déploie ainsi d’effet que si elle correspond effectivement à la volonté des parties (ATF 126 III 59 consid. 5a, JdT 2001 I 144; TF 4C.273/2006 du 6 décembre 2006 consid. 2.1; TF 4C.227/2003 du 9 décembre 2004 consid. 5.2.1; Tercier/Favre/Zen Ruffinen, op. cit., nn. 897 et 1088). Tel n’est pas le cas des simples clauses de style systématiquement intégrées dans les contrats plus par tradition que par volonté délibérée (par exemple : vente de l’immeuble "tel que vu"), sauf si les parties ont été rendues attentives à leur portée. Si ces clauses sont insérées dans des conditions générales acceptées globalement, leur validité est soumise à la règle de l’insolite, selon laquelle sont soustraites de l’adhésion censée donnée globalement toutes les clauses inhabituelles, sur l’existence desquelles l’attention de la partie la plus faible ou la moins expérimentée en affaires n’a pas été spécialement attirée. Toutefois, en ellesmêmes, les clauses limitatives ou exclusives de garantie ne sont pas "insolites" (ATF 119 lI 443 consid. la, JdT 1994 I 712, SJ 1994 637; ATF 107 II 161 consid. 6c,
JdT 1981 I 582; Venturi/Zen Ruffinen, op. cit., n. 34 et 36 ad Intro art. 197-210 CO; Tercier/Favre/Zen Ruffinen, op. cit, nn. 892 et 895).

Lorsque la volonté réelle et commune des parties ne peut être constatée, la clause en question doit être interprétée selon le principe de la confiance, qui consiste à dégager le sens que le destinataire d’une déclaration peut et doit lui attribuer selon le principe de la bonne foi, d’après le texte et le contexte, ainsi que les circonstances qui l’ont précédée ou accompagnée, à l’exclusion des événements postérieurs. Le principe de la confiance permet d’imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même s’il ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 136 III 186 consid. 3.2.1, SJ 2010 I 317 et 393;
ATF 133 III 61 consid. 2.2.1, JdT 2008 I 74, SJ 2007 I 217; ATF 131 III 606
consid. 4.1, JdT 2006 I 126; ATF 130 III 417 consid. 3.2, JdT 2004 I 268,
SJ 2004 I 533; ATF 129 III 118 consid. 2.5, JdT 2003 I 144). En cas de doute ou de contradiction, les clauses exclusives ou limitatives de garantie doivent être interprétées de manière restrictive, notamment dans le sens défavorable à celui qui a rédigé la clause (ATF 126 III 59 consid. 5a, JdT 2001 I 144; ATF 109 II 24 consid. 4, JdT 1983 I 258 et 1984 I 388, SJ 1963 540). En particulier, une clause exclusive de garantie ne couvre pas les défauts auxquels, objectivement, un acheteur raisonnable ne pouvait pas s’attendre de bonne foi; la clause ne vaut dès lors pas pour les défauts qui sortent totalement du cadre qui pouvait être envisagé au vu de l’ensemble des circonstances concrètes (ATF 130 III 686 consid. 4.3,
JdT 2005 I 247, SJ 2005 I 105; ATF 126 III 59 consid. 4a et 5a, JdT 2001 I 144;
ATF 107 Il 161 consid. 6c et 6d, JdT 1981 I 582; TF 4A_529/2010 du 4 janvier 2010 consid. 4.1; TF 4C.119/2005 du 25 août 2005 consid. 2).

Selon la jurisprudence, un défaut ne tombe pas sous le coup d’une clause d’exclusion de la garantie d’après une interprétation objective lorsqu’il est totalement étranger aux éventualités avec lesquelles un acheteur doit raisonnablement compter (TF 4A_551/2010 du 2 décembre 2010 consid. 2.6;
TF 4A_529/2010 du 4 janvier 2011 consid. 4.1; TF 4A_226/2009 du 20 août 2009 consid. 3.2.2; TF 4C.273/2006 du 6 décembre 2006 consid. 2.1; ATF 130 III 686 consid. 4.3 et 4.3.1, JdT 2005 I 247; ATF 126 III 59 précité consid. 4a et 5a,
JdT 2001 I 144). Les circonstances du cas sont déterminantes à cet égard. Pour échapper à la clause d’exclusion de la garantie, le défaut inattendu doit compromettre le but économique du contrat dans une mesure importante. La question est donc de savoir si l’acheteur doit envisager le défaut d’une nature déterminée dans l’ampleur alléguée; par exemple, celui qui acquiert une maison d'habitation ancienne doit normalement s'attendre à des défauts dus à l'humidité, mais pas à un point tel que ceux-ci rendent le logis inhabitable (TF 4A_529/2010 du 4 janvier 2011 consid. 4.1; TF 4A_226/2009 du 20 août 2009 consid. 3.2.2;
ATF 130 III 686 consid. 4.3.1 et les références citées et consid. 4.3.2,
JdT 2005 I 247, SJ 2005 I p. 105).

Ces clauses excluent non seulement le droit à la garantie pour les défauts, c’est-à-dire les droits déduits des art. 205 (action rédhibitoire et en réduction du prix), 206 (remplacement de la chose vendue) et 208 (effet de la résolution) CO, mais aussi ceux fondés sur les art. 41 ss et 97 ss CO (ATF 120 Il 58 consid. 3a,
JdT 1994 I 754 ; ATF 107 II 161 consid. 7a et 8a, JdT 1981 I 582).

d) L'art. 32b bis LPE ne constitue pas une prescription de droit public, il s'agit d'une règle relevant du droit privé non impératif soumises aux règles générales du Code des obligations (Chaulmontet, op. cit., nn. 953 s. pp. 378 s.; Romy, op. cit., n. 12 ad art. 32b bis LPE; Rüegg, op. cit., p. 112). Ce dernier auteur soutient que les clauses d'exclusion de garantie valides font obstacle à l'application de
l'art. 32b bis LPE dans tous les cas, y compris lorsque le vendeur responsable s'oppose à un tiers au contrat (par exemple en cas de ventes successives), sous peine de porter atteinte aux principes de la confiance et de l'interdiction de la rétroactivité des lois (Rüegg, ibidem). Selon Romy, l'art. 32b bis LPE a précisément pour but de créer un cas de rétroactivité, mais elle considère que de telles clauses devront être prises en compte par le juge lorsqu'elles sont doublées d'une réduction du prix de vente ou d'un autre dédommagement (Romy, op. cit., n. 40 ad
art. 32b bis LPE). Pour sa part, Trüeb est d'avis que les clauses d'exclusion de garantie, pour autant qu'elles soient exprimées clairement selon les règles applicables, créent des droits relatifs ne pouvant valoir qu'entre les parties au contrat et non à l'égard de tiers (Trüeb, op. cit., pp. 643 s.). Enfin, Chaulmontet propose une solution pragmatique consistant à déléguer la responsabilité des coûts de dépollution à l'acquéreur en cas de clause d'exclusion de responsabilité, de sorte que les acquéreurs suivants pourront se retourner contre ce dernier, qui supporterait alors le risque de la conclusion d'une telle clause (Chaulmontet, op. cit., nn. 958 à 960
pp. 380 s.).

Si la question de savoir dans quelle mesure les clauses d'exclusion de garantie s'appliquent en cas d'acquisitions successives est controversée, il est largement admis que de telles clauses s'opposent à l'application de l'art. 32b bis LPE entre les parties au contrat de vente (Rüegg, op. cit., p. 112; Trüeb, op. cit., p. 644; implicitement Chaulmontet, op. cit., nn. 953 s. pp. 378 s.; apparemment contra Wagner Pfeifer, op. cit., n. 774 p. 181). Cette conception est conforme à la volonté du législateur qui partait du principe que, d'une part, si les coûts de dépollution étaient exclus par contrat, c'est que l'acheteur avait connaissance de la pollution, de sorte qu'il ne devait ensuite pas pouvoir se retourner contre le responsable (cf. supra, consid. IV d) bb)) et, d'autre part, que l'art. 32b bis LPE n'avait pas pour but de s'immiscer dans les relations de droit privé (cf. supra, consid. IV d) bb)).

e) En l'espèce, comme cela a été exposé ci-dessus (cf. supra,
consid. V c)), les parties à la vente avaient convenu d'une clause d'exclusion de garantie selon laquelle l'acheteuse, représentée par le demandeur, déclarait avoir parfaite connaissance de l'état actuel du terrain, qui serait transférée sans aucune garantie quelconque, notamment quant à la nature du sol. Le demandeur ne démontre pas que la défenderesse lui aurait frauduleusement dissimulé le risque que le terrain soit pollué lors de la vente. Il n'est pas non plus établi que la défenderesse aurait donné au demandeur l'assurance que le terrain n'était pas pollué. D'ailleurs, il ressort de l'instruction que le demandeur savait et aurait à tout le moins dû savoir qu'un tel risque existait (cf. supra, consid. V c)). Il n'est donc pas relevant qu'aucun document n'atteste que la défenderesse aurait expressément attiré l'attention du demandeur au sujet de la pollution. En outre, on voit mal ce que la précision "notamment quant à la nature du sol" pouvait viser d'autre que cette problématique, malgré l'absence du terme "pollution". La clause se distingue donc d'une clause de style excluant tout défaut de manière générale. Enfin, il résulte des circonstances, notamment des activités exercées par la défenderesse sur la parcelle et de la présence de citernes sur celle-ci, qu'un tel défaut ne sortait aucunement du cadre envisageable par le demandeur. On ne se trouve donc pas en présence d'un défaut inattendu, même dans son ampleur.

Au vu de ce qui précède, on doit retenir que, par acte authentique du
20 octobre 1986 et imputable au demandeur selon acte du 29 janvier 1988, les parties ont, par une manifestation de volonté concordante, valablement exclu toute garantie en relation avec la vente du terrain en cause et en particulier avec le sol, y compris la pollution éventuelle de celui-ci. Dès lors que cette clause lie les parties à la présente procédure, celle-ci fait obstacle à l'application de l'art. 32b bis LPE, conformément aux avis de la doctrine majoritaire (cf. supra, consid. VI d)). Par conséquent, même si l'on devait admettre que le demandeur fût légitimé à agir et que les conditions de cette disposition eussent été réunies – ce qui n'est pas le cas – l'action devrait être rejetée pour ce troisième motif.

VII. Le demandeur ne saurait, enfin, rechercher la défenderesse sous l'angle de la garantie pour les défauts en matière de vente immobilière. En premier lieu, il n'apporte pas la preuve de l'existence d'un défaut, puisque, comme cela a été exposé plus haut (cf. supra, consid. V c)), l'instruction démontre que les parties ont convenu d'une remise de prix. Or, dans un tel cas, il ne peut y avoir de défaut. Au surplus, le demandeur n'ignorait pas et ne pouvait ignorer lors de l'acquisition de l'immeuble, que celui-ci était pollué ou devait l'être (cf. supra, consid. V c)). Il ne peut donc pas se prévaloir d'un prétendu défaut dont il n'ignorait pas ou ne devait pas ignorer l'existence (art. 200 al. 1 et 2 CO). D'autre part, cela a également été exposé ci-dessus (cf. supra, consid. VI e)), les parties ont inséré une clause d'exclusion de garantie dans l'acte de vente du terrain, laquelle exclut valablement la responsabilité de la défenderesse notamment en ce qui concerne les défauts affectant la nature du sol. Celle-ci fait donc obstacle à toute action en garantie du demandeur. Une telle action serait, au demeurant, manifestement prescrite (art. 219 al. 3 CO), puisque le transfert de propriété a eu lieu le 3 février 1988 en exécution de l'acte de transfert du 29 janvier 1988 et que le demandeur n'a requis la poursuite de la défenderesse qu'en date du 31 août 2007, soit presque vingt ans plus tard.

VIII. Au vu de l'ensemble de ce qui précède, force est de constater que les conclusions prises par le demandeur les 26 septembre 2008 et 15 juin 2009 doivent être rejetées.

IX. a) Selon l'art. 92 al. 1 CPC-VD, des dépens sont alloués à la partie qui obtient gain de cause. Ceux-ci comprennent principalement les frais de justice payés par la partie, les honoraires et les débours de son avocat (art. 91 let. a et c CPC-VD). Les frais de justice englobent l'émolument de justice, ainsi que les frais de mesures probatoires (art. 90 al. 1 CPC-VD; art. 2 aTFJC – tarif des frais judiciaires en matière civile du 4 décembre 1984, applicable par renvoi de l'art. 99 al. 1 TFJC – tarif des frais judiciaires civils du 28 septembre 2010 – RSV 270.11.5). Les honoraires et les débours d'avocat sont fixés selon le tarif des honoraires d'avocat dus à titre de dépens du 17 juin 1986, applicable par renvoi de l'art. 26 al. 2 TDC – tarif des dépens en matière civile du 23 novembre 2010 – RSV 270.11.6). Les débours ont trait au paiement d'une somme d'argent précise pour une opération déterminée.

A l'issue d'un litige, le juge doit rechercher lequel des plaideurs gagne le procès et lui allouer une certaine somme en remboursement de ses frais, à la charge du plaideur perdant. La partie qui a triomphé sur le principe ou sur les principales questions litigieuses a droit à la totalité des dépens (Poudre/Haldy/Tappy, op. cit., n. 3 ad art. 92 CPC-VD).

b) Obtenant entièrement gain de cause, la défenderesse a droit à des dépens, à la charge du demandeur, qu'il convient d'arrêter à 71'266 fr., savoir :

a)

45'000

fr.

à titre de participation aux honoraires de son conseil;

b)

2'250

fr.

pour les débours de celuici;

c)

24'016

fr.

en remboursement de son coupon de justice.


Par ces motifs,

la Cour civile,

statuant à huis clos,

prononce :

I. Les conclusions prises par le demandeur H.__ à l'encontre de la défenderesse W.__, selon demande du 26 septembre 2008 et réplique du 15 juin 2009, sont rejetées.

II. Les frais de justice sont arrêtés à 47'553 fr. (quarante-sept mille cinq cent cinquante-trois francs) pour le demandeur et à 24'016 fr. (vingt-quatre mille seize francs) pour la défenderesse.

III. Le demandeur versera à la défenderesse le montant de 71'266 fr. (septante-et-un mille deux cent soixante-six francs) à titre de dépens.

La présidente : Le greffier :

F. Byrde Y. Glauser


Du

Le jugement qui précède, dont le dispositif a été communiqué aux parties le 16 novembre 2015, lu et approuvé à huis clos, est notifié, par l'envoi de photocopies, aux conseils des parties.

Les parties peuvent faire appel auprès de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal dans les trente jours dès la notification du présent jugement en déposant auprès de l'instance d'appel un appel écrit et motivé, en deux exemplaires. La décision qui fait l'objet de l'appel doit être jointe au dossier.

Le greffier :

Y. Glauser

Quelle: https://www.findinfo-tc.vd.ch/justice/findinfo-pub/internet/SimpleSearch.action

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