Zusammenfassung des Urteils Jug/2015/140: Kantonsgericht
Der Fall betrifft eine Streitigkeit zwischen dem Kläger, N.________, und der Beklagten, A.E.________, über angebliche Darlehen und die Rückgabe einer Uhr. Der Kläger behauptet, er habe A.E.________ Geld für den Kauf einer Villa geliehen und verlangt die Rückzahlung sowie die Rückgabe einer Uhr. A.E.________ bestreitet die Existenz eines Darlehensvertrags und behauptet, die Uhr sei ihr als Geschenk überlassen worden. Es wurden verschiedene Geldbeträge überwiesen, aber die Beweise für die Existenz eines Darlehensvertrags sind umstritten, insbesondere ein angeblich vorhandenes Schriftstück. Die Echtheit dieses Dokuments wurde in einer strafrechtlichen Untersuchung angezweifelt, aber der Zivilrichter wird die Beweise erneut prüfen.
Kanton: | VD |
Fallnummer: | Jug/2015/140 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: | Zivilkammer |
Datum: | 31.08.2015 |
Rechtskraft: | - |
Leitsatz/Stichwort: | - |
Schlagwörter : | été; établi; Instruction; émoin; éfenderesse; éclaration; çais; égale; écembre; Existe; écité; Acquisition; éclarations; également; énale; Existence; éférence; ésente; écrit; Argent; établir; érer; Steinauer; édé |
Rechtsnorm: | Art. 116 LDIP;Art. 117 LDIP;Art. 175 ZPO;Art. 177 ZPO;Art. 404 ZPO;Art. 6 ZPO;Art. 63 ZPO;Art. 641 ZGB;Art. 713 ZGB;Art. 714 ZGB;Art. 8 ZGB;Art. 90 ZPO;Art. 919 ZGB;Art. 92 ZPO;Art. 930 ZGB;Art. 931 ZGB;Art. 932 ZGB;Art. 934 ZGB;Art. 936 ZGB; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: | - |
TRIBUNAL CANTONAL | CO09.002564 46/2015/PHC |
COUR CIVILE
___
Audience de jugement du 31 août 2015
___
Composition : Mme BYRDE, présidente
MM. Muller et Hack
Greffier : M. Glauser
*****
Cause pendante entre :
N.__ | (Me E. Muster) |
et
D.__ | (Me F. Ryter) |
- Du même jour -
Délibérant immédiatement à huis clos, la Cour civile considère :
Remarques liminaires :
Au cours de l'instruction, neuf témoins ont été entendus, parmi lesquels P.__, ancien directeur de la société [...], entendu à domicile en raison de son état de santé, et O.__, notaire retraité, entendu par les autorités françaises par voie de commission rogatoire. La cour ne voit pas de raison d'écarter par principe les déclarations de ces témoins, malgré les critiques dont ils font l'objet de la part du demandeur.
En raison de ses liens avec D.__ (ci-après la défenderesse), avec laquelle il était en instance de divorce au moment de son audition en qualité de témoin, de sa relation avec A.E.__, avec laquelle il se trouvait également en grave conflit et de son implication dans le procès, le témoignage de Q.__ ne sera retenu que dans la mesure où d'autres éléments du dossier confirment ses déclarations. Pour les mêmes raisons, il en ira de même de la portée des déclarations que ce dernier aurait pu faire dans le cadre d'autres procédures.
Les déclarations d'B.W.__, fille du demandeur, seront examinées avec la même circonspection, en raison de ses liens avec ce dernier et de son intérêt à l'issue du procès.
En fait:
1. a) Le demandeur N.__, né le 1er novembre 1930, et A.E.__, née le 30 août 1941, se sont rencontrés au cours de la seconde moitié des années 1980. Le demandeur a pris sa retraite le 30 juin 1994.
La relation amicale entre le demandeur et A.E.__ est devenue intime et ils ont vécu une relation de couple entre les années 1988 et 2000.
Par courrier du 19 mai 1996, le demandeur s'adressait à A.E.__ en ces termes :
"Mon ratounet, mon ratounet, ma chère A.E.__ mon grand amour éternel, (…)"
Le 15 janvier 1999, A.E.__ a emménagé avec le demandeur à l' [...] à Rolle et elle y a demeuré jusqu'au
1er novembre 2000. Il ressort d'une lettre non datée de A.E.__ adressée au demandeur, que celle-ci ne supportait plus le comportement de ce dernier.
b) A.E.__ est décédée le 16 juin 2009. Elle a laissé comme héritière unique sa fille D.__ (ci-après : la défenderesse), qui a accepté la succession le 11 août 2009 et qui lui a succédé en qualité de partie dans la présente procédure.
2. Selon une facture datée du 19 décembre 1990, le demandeur a acheté une montre J.__ en or jaune 18 carats (référence [...] – calibre E.15), bracelet compris, qui était équipée d'un mouvement quartz (no. [...]) et dont le cadre était en laqué blanc porcelaine, pour le prix net de 12'300 francs.
A.E.__ portait régulièrement cette montre. Elle a téléphoné à une compagnie d'assurances le 28 décembre 1990 et a fait assurer celle-ci par contrat du 9 janvier 1991. Ce contrat a été reconduit durant trois années.
A.E.__ a allégué que la montre précitée lui avait été offerte par le demandeur à Noël 1990 (all. 92). B.E.__, belle sœur de A.E.__, ainsi que H.__ et Z.__, amies proches de celle-ci, ont toutes trois été entendues en qualité de témoin et ont confirmé que la montre avait été offerte à A.E.__ par le demandeur. Chacune d'entre elles a déclaré tenir ces informations de la bouche de A.E.__. Bien qu'elles constituent des témoignages indirects, ces déclarations sont confirmées par les pièces au dossier, dont notamment le contrat d'assurance de la montre conclu en son nom au début de l'année 1991, et le fait que les deux intéressés formaient un couple. La cour considère donc qu'il est établi que le demandeur a offert la montre en cause à A.E.__ à Noël 1990.
3. a) Dès le début de l'année 1997, A.E.__ a eu des problèmes médicaux (hernie discale, épaules bloquées, etc.). Il n'est pas établi que ces problèmes de santé la gênaient dans son travail.
Par écrit du 31 juillet 2008, [...], employé au sein de l'Unité de contrôle de gestion du B.__
(ci-après B.__) entre les années 1992 à 2004, affirmait que le cahier des charges de A.E.__ n'avait pas été modifié lors du changement du directeur responsable du contrôle de gestion au mois d'octobre 1997. Faute d'accord des parties et dans la mesure où l'intéressé aurait pu être entendu en qualité de témoin au cours de l'instruction, cette pièce, qui constitue un témoignage écrit prohibé par l'art. 177 CPC-VD, sera écartée.
b) A.E.__, qui était indépendante financièrement, a pris une retraite anticipée avant l'âge de 60 ans, dès l'année 1999.
Le 30 septembre 1998, [...], contrôleur de gestion au B.__, écrivait notamment ce qui suit :
"(…) Malgré nos regrets de la (réd. : A.E.__) voir quitter l'institution, nous respectons sa décision de prendre une retraite anticipée en lui souhaitant plein succès et satisfaction dans son avenir personnel et professionnel. (…)"
Par écrit du même jour, [...], Président du B.__, parlait de A.E.__ en des termes élogieux.
Par lettre du 22 janvier 1999, l'administrateur de la Caisse de pension du B.__ écrivait notamment ce qui suit :
"(…) C'est avec regret, en fait, que nous vous (réd. : A.E.__) adressons cette lettre, tant nous aurions souhaité vous voir terminer votre mandat; mais cette décision vous appartient et nous nous devons de la respecter. (…)"
c) Il ressort d'un courrier de la Caisse de pension du B.__ du
28 janvier 2008, que si A.E.__ avait poursuivi son activité professionnelle jusqu'à l'âge réglementaire de retraite au [...], soit à 62 ans, elle aurait perçu, en occupant le même poste, une rente mensuelle de 6'990 fr. par mois dès le 1er septembre 2003, au lieu de la rente mensuelle de 4'815 fr. qui lui a été versée dès le 1er février 1999. Selon ce document, la rente ainsi estimée ne tient pas compte d'un montant de 300 fr. de rente supplémentaire par mois qu'elle aurait acquis par le versement du "capital avenir supplémentaire" auquel elle aurait eu droit.
4. a) La défenderesse allègue que A.E.__ a pris sa retraite selon le souhait du demandeur, qui désirait passer davantage de temps avec elle (all. 68), ce que ce dernier conteste. Le témoin P.__, qui avait été mandaté par A.E.__ afin de régulariser sa situation fiscale, a confirmé qu'elle lui avait confié avoir cessé son activité selon le souhait du demandeur. Son témoignage a paru crédible et il n'existe aucun motif de s'en écarter. Par ailleurs, le témoin Z.__ a fait les mêmes déclarations, tout comme le témoin B.E.__, cette dernière n'ayant au surplus pas précisé tenir cette information de la bouche de A.E.__. Compte tenu de ce qui précède, la cour de céans tient pour établi que c'est selon le souhait du demandeur que A.E.__ a pris une retraite anticipée.
b) La défenderesse allègue que A.E.__ a accepté de quitter prématurément son emploi, parce que le demandeur lui a proposé de lui acheter un bien immobilier en compensation des pertes sur sa rente vieillesse
(all. 73 à 77). Ce dernier conteste également ces allégués.
Le témoin H.__ a déclaré que A.E.__ était partie en préretraite pour pouvoir habiter dans le sud de la France avec le demandeur, confirmant que ce dernier lui avait offert de mettre la maison de [...] (cf. infra
ch. 6) à son nom afin de compenser la perte financière sur sa retraite. A nouveau, elle a précisé qu'elle tenait ces informations de A.E.__, faute de s'être entretenue avec le demandeur. Le témoin Z.__ a, en substance, fait les mêmes déclarations.
Le témoin O.__, qui avait été mandaté en sa qualité de notaire par A.E.__ pour l'acquisition de la villa de [...], a déclaré qu'il était certain que dans les accords entre cette dernière et le demandeur, dite villa représentait une compensation pour sa cessation d'activité. Il a dit se souvenir clairement que le demandeur ne souhaitait pas apparaître dans l'acquisition de cet immeuble, pour des raisons fiscales.
Le demandeur prétend que ce témoin se contredirait, notamment parce qu'il aurait également indiqué ne pas être en mesure de déterminer la personne ayant payé le prix de vente de la villa de [...] et qu'il ne serait pas crédible parce qu'il n'a pas pu se prononcer sur l'existence d'un éventuel emprunt. De fait, au début de son audition, le témoin a indiqué que lorsqu'il s'agissait d'une vente, le décompte était toujours établi au nom de l'acquéreur quel que soit le nom de l'émetteur du virement; les banques suisses n'indiquant jamais le titulaire du compte, il ne se trouvait pas en mesure de savoir si les fonds provenaient du compte du demandeur. Ces propos ne présentent pas de contradiction avec les affirmations qui précèdent. En effet, ils ne portent pas sur la question de savoir qui a procuré les fonds (propres ou empruntés) mais très précisément sur le titulaire du compte dont provenaient les fonds, ce qui n'est pas nécessairement pareil. C'est donc en vain que le demandeur prétend relever des contradictions dans les déclarations du témoin O.__. On ne saurait, par ailleurs, écarter un témoignage sous prétexte que son auteur a réponse à certaines questions et non à d'autres. Ce témoin a précisé avoir rencontré A.E.__ et le demandeur en personne, ce qui indique qu'il a été capable de procéder à de véritables constatations. Son audition ne constitue, dès lors, pas un témoignage indirect. Enfin, rien n'indique qu'il ait eu des liens autres que purement formels et professionnels avec les parties à l'occasion de son mandat de notaire, de sorte que l'on voit mal en quoi il aurait un intérêt à nuire au demandeur, comme celui-ci le prétend également, respectivement un intérêt à l'issue du procès. En définitive, il n'existe donc aucun motif pour écarter ses déclarations.
Les déclarations de O.__ viennent, ainsi, confirmer celles – indirectes – de H.__ et de Z.__. Il est donc établi que A.E.__ a accepté de quitter prématurément son emploi, parce que le demandeur a proposé d'acheter un bien immobilier au nom de cette dernière, en compensation des pertes sur sa rente vieillesse.
5. a) Par courrier daté du 15 décembre 2005, la banque [...] a confirmé que, le 25 juin 1997, le demandeur lui a donné instruction d'effectuer un virement de 200'000 francs français au bénéfice de " [...]-O.__- [...]", avec comme référence la mention "Achat villa [...] –A.E.__". Au 25 juin 1997, cette somme correspondait à 49'623 fr. 21, selon le cours du change en vigueur à cette date (taux de change de 1 FF = 0,2482 CHF selon fxtop.com).
Selon attestation de la banque [...] datée du 25 janvier 2006, le
25 août 1997, le demandeur a donné instruction à dite banque d'effectuer un virement de 2'022'000 francs français à l'intention du bénéficiaire précité, avec la même référence. A cette date, cette somme correspondait à 495'944 fr. 40 (taux de change de 1 FF = 0,2452 CHF selon fxtop.com).
b) Une procuration sur le compte no. [...] ouvert au nom du demandeur auprès de la banque [...] a été établie en faveur de A.E.__ le 2 septembre 1997. Elle a signé plusieurs ordres de retrait en relation avec ce compte, qui a notamment été crédité des sommes suivantes :
- 75'819.10 francs français en provenance du compte du demandeur auprès de la banque [...], le 24 octobre 1997;
- 40'000 francs français en provenance du créancier "OFFICE NOTARIAL", le 31 octobre 1997;
- 406'319.10 francs français en provenance du compte du demandeur auprès de la banque [...], le 4 novembre 1997.
Au 31 octobre 1997, la somme de 40'000 francs français correspondait à 9'677 fr. 67 (taux de change de 1 FF = 0,2419 CHF selon fxtop.com).
Le demandeur allègue avoir prêté un montant de 447'985.40 et un autre de 61'300 francs français à A.E.__ pour la rénovation de la villa de [...]. Ces montants ne peuvent être établis sur la base des pièces présentées. En effet, ces pièces consistent soit en des documents dépourvus de force probante (décomptes rédigés ou annotés par le demandeur lui-même (pp. 9 et 14quater), décomptes ne comportant aucune référence (p. 10)), soit en des chèques ou relevés de compte qui démontrent uniquement que des prélèvements ont été effectués, sans qu'il ne soit possible de déterminer ce qu'il est advenu de l'argent retiré (pp. 11 à 14), soit encore en de simples devis.
6. a) Selon une attestation du notaire O.__ datée du
10 novembre 2005, le 2 septembre 1997, A.E.__ a acquis de A.W.__ et son épouse une maison d'habitation à [...] (ci-après la villa/maison de [...]), pour le prix de 2'000'000 francs français, entièrement payés au moyen de fonds propres. Des travaux ont été effectués dans cet immeuble postérieurement à son acquisition.
Aucun document établissant que le demandeur aurait fait une donation d'une quelconque somme à A.E.__, notamment pour l'acquisition de la villa de [...] n'a été produit. Cette dernière n'a pas déclaré à l'administration fiscale une telle donation en 1997, ni ultérieurement, mais elle a déclaré l'immeuble précité en 2002 dans ses revenus et fortune rétroactivement au jour de l'acquisition.
b) Selon une attestation du notaire O.__ du 10 novembre 2005, le 12 juin 2002, A.E.__ a vendu à U.__ et son épouse la villa de [...], pour le prix de 403'989.90 euros, soit 2'650'000.03 francs français selon le cours du change en vigueur à cette date (taux de change de 1 EUR = 6,5595 FF selon fxtop.com).
Il n'est pas établi que A.E.__ ait avisé le demandeur de cette vente, dont il dit ne pas avoir eu connaissance jusqu'à l'année 2003, ni que ce dernier se serait inquiété du sort de la villa de [...] entre les années 2000 et 2003.
P.__ est intervenu auprès des autorités fiscales en qualité de mandataire de A.E.__ et il a assisté cette dernière dans ses démarches pour rapatrier en Suisse l'argent issu de la vente de la villa de [...].
7. a) Le 31 juillet 2003, par courrier de l'avocat [...] à A.E.__, le demandeur a réclamé à cette dernière, à titre transactionnel, le paiement de la somme de 412'500 fr., censée correspondre à 1'650'000 francs français jusqu'au 15 septembre 2003, se réservant, pour le surplus, le droit de faire valoir l'entier de sa créance. Dans ce document, le demandeur invoquait une convention écrite prévoyant le remboursement de son investissement et le partage des bénéfices en cas de vente de la villa. Il n'est pas établi que cette offre ait été acceptée par A.E.__. Le demandeur précisait encore, à toutes fins utiles, que son courrier valait notification de résiliation de prêt.
Par courriers des 28 janvier et 26 juillet 2005, le demandeur a notamment écrit à A.E.__ respectivement qu'il maintenait sa créance et qu'elle lui devait la somme de 2'650'000 francs français en relation avec la vente de la villa de [...]. Dans le premier de ces courriers, il lui faisait notamment remarquer qu'elle n'avait pas restitué certains biens, dont une montre.
Le 10 octobre 2005, par courrier de l'avocat [...] à A.E.__, le demandeur a réitéré ses demandes en paiement, invoquant une convention selon laquelle elle devait "acquérir un bien immobilier à [...] à titre fiduciaire agissant pour le compte de Monsieur N.__ et en utilisant les fonds de ce dernier".
b) Par lettre du 2 novembre 2005, le témoin Q.__ a écrit notamment au conseil de A.E.__ (réd. : dans le cadre de son divorce d'avec la défenderesse) que celle-ci se trouvait depuis peu à la tête d'une fortune personnelle conséquente de plusieurs centaines de milliers de francs.
c) Par courrier de son conseil du 28 novembre 2005, A.E.__ a écrit notamment au demandeur qu'elle avait acheté la villa de [...] avec son argent, sans la moindre participation de ce dernier. Dans ce courrier, on lit notamment ce qui suit :
"Pour preuve de sa bonne foi, ma cliente me prie de vous faire savoir que le prix de vente de l'immeuble a été inséré dans sa déclaration fiscale, ce qui prouve que les fonds utilisés dans cette affaire immobilière ont toujours été les siens, comme le sait d'ailleurs pertinemment Monsieur N.__."
8. a) Le 19 mai 2006, le demandeur a saisi le Juge d'instruction de l'arrondissement de La Cote d'une plainte pénale contre A.E.__ pour abus de confiance, escroquerie et faux dans les titres (ci-après : la procédure pénale).
Par courrier du 30 novembre 2006 adressé à la même autorité, le demandeur a déposé une nouvelle plainte (jointe à la procédure précitée), contre inconnu, mais émettant de forts soupçons à l'encontre de A.E.__, en raison de la disparition de la montre J.__ de son coffre fort. Par courrier du même jour, le conseil du demandeur écrivait au juge d'instruction que son client avait fortuitement appris que A.E.__ était en possession de la montre et que celle-ci se trouvait en réparation auprès de la succursale de J.__ à Genève. Par ordonnance du 13 décembre 2006, le juge d'instruction a ordonné le séquestre de la montre, toujours en mains de J.__ à Genève.
Par courrier du 28 décembre 2006 au juge d'instruction, l'avocat [...] a déclaré représenter les intérêts de A.E.__ dans le cadre de cette affaire pénale. Il a consulté le dossier le 26 février 2007.
Par courrier de son conseil au juge d'instruction du 28 mars 2007, A.E.__, se référant à l'attestation du notaire O.__ du
10 novembre 2005, a fait valoir que le prix de la villa de [...] avait été entièrement payé au moyen de fonds propres de l'acquéreur. Elle requérait également l'examen de l'authenticité de l'attestation de la banque [...] du
25 janvier 2006, également déposée dans le cadre de la présente procédure
(cf. supra ch. 5 a)).
Dans ce courrier, on peut notamment lire ce qui suit :
" (…) il est évident que le plaignant N.__ use et abuse de toutes les institution juridiques pour obtenir de manière indue le remboursement de sommes d'argent qu'il n'a jamais prêtées ni données à Madame A.E.__."
b) Dans le cadre de l'instruction de cette procédure pénale, A.E.__ a été entendue par la Police de sûreté vaudoise le 11 avril 2007 et a notamment déclaré ce qui suit :
" (…)
Non, j'ai acheté cette maison avec mes propres fonds. Je précise encore et, pour répondre à votre question, qu'une seule et unique maison a été acquise à [...].
(…)
(Question de la police : "Comment avez-vous financé cet achat immobilier à [...]/F?")
Le financement de cet achat immobilier a été entièrement financé par mes propres deniers. Vous venez de me demander de vous fournir concrètement des détails relatifs à ce financement et au vu de vos explications, qui ne laissent pas de doutes, je renonce à vous donner ma version des faits qui était totalement inventée.
Je dois bien admettre que c'est N.__ qui a versé les fonds nécessaires à l'achat de ce bien immobilier au notaire responsable de la transaction. Toutefois, je vous certifie ne rien lui devoir, car il était convenu avec lui qu'il s'agissait purement et simplement d'un don. De plus, et à cet effet, je vous certifie qu'il n'y a jamais eu de convention signée entre nous.
(…)"
Lors de cette audition, elle a ainsi d'abord confirmé les déclarations contenues dans le courrier de son conseil du 28 novembre 2005, puis elle a admis que le demandeur avait versé les fonds nécessaires à l'achat de la villa de [...], tout en précisant qu'il s'agissait d'une donation faite pour compenser les conséquences financières de sa retraite prise de manière anticipée.
Dans le cadre de la présente procédure, A.E.__ a allégué être revenue sur ses déclarations lors de son audition du 11 avril 2007 par la police, après avoir appris que le demandeur avait finalement avoué la provenance des fonds qui lui ont permis d'acheter la maison.
c) Par courrier du 13 avril 2007, A.E.__ a notamment écrit au juge d'instruction ce qui suit :
"(…) je n'ai pas voulu le mettre (réd. : le demandeur) dans une situation fiscale difficile qui risquait d'être sévère pour lui. J'ai donc opté pour la formule que vous connaissez, à savoir que mon argent provenait d'un héritage en France. Et j'ai immédiatement fait régulariser ma situation fiscale en payant les arriérés et une amende au fisc, puis j'ai rapatrié l'argent en Suisse (…)"
d) Le 26 novembre 2007, le témoin Q.__, qui se dit comptable, qui est séparé de la défenderesse depuis l'année 2005 et est l'ex beau-fils de A.E.__, a été entendu par le juge d'instruction dans le cadre de l'affaire pénale précitée. Il a affirmé avoir eu entre les mains un contrat de fiducie conclu entre le demandeur et A.E.__.
Le 10 décembre 2007, le témoin Q.__ a écrit au juge d'instruction notamment ce qui suit :
"Les seules successions à laquelle Madame A.E.__ ait participé furent, à ma connaissance, dans les années huitante, celle de feu son père, qui ne lui laissa que peu de choses, et celle de feu sa Mère en 2003-2004, dont le principal actif était un petit appartement, ce pour trois héritiers dont sa sœur et son frère."
e) Le témoin P.__, mandaté par la défenderesse pour établir un projet de partage dans le cadre de sa séparation d'avec Q.__, a été entendu dans le cadre de l'instruction de cette même affaire pénale. Interrogé au sujet de la réaction du témoin Q.__ lorsqu'il lui a présenté le projet de partage, il a notamment déclaré que ce dernier avait dit qu'il s'en prendrait à sa belle-mère. Il a également expliqué avoir rencontré Q.__ en mai 2007 et que celui-ci lui aurait dit avoir tout perdu, mais que sa belle-mère n'en serait pas quitte.
f) La montre a été remise à A.E.__ au terme de cette procédure pénale, qui s'est terminée par une ordonnance de non lieu du
11 juin 2008, confirmée par arrêt du Tribunal d'accusation du 18 juillet 2008. Cet arrêt écartait notamment le témoignage de Q.__, en raison des mauvaises relations qu'il entretenait avec A.E.__ et du désir de vengeance qu'il entretenait à l'encontre de la défenderesse, dont il venait de divorcer.
9. Par déclaration faite devant notaire le 11 avril 2006, le dénommé [...] a en substance certifié que feu sa sœur L.__ avait mis le demandeur au bénéfice d'un prêt sans intérêts pour un montant de 650'000 fr., sans que la véracité de ces faits ait pu être constatée par le notaire.
Il s'agit à nouveau d'une déclaration faite pour tenir lieu de témoignage au sens de l'art. 177 CPC-VD. Dans la mesure où les parties ne se sont pas accordées et où le prénommé aurait pu être entendu en qualité de témoin au cours de l'instruction, cette pièce ne sera pas tenue pour probante. Au demeurant, même s'il fallait l'admettre, cette pièce ne serait pas susceptible d'établir le fait en cause
(cf. all. 26).
10. a) Par réquisition du 6 mars 2007 adressée à l'Office des poursuites de Genève, le demandeur, par l'intermédiaire de son conseil, a fait notifier une poursuite à A.E.__, à hauteur de 48'878 fr. 20, 494'158 fr. 65 et 122'861 fr. 65, le tout portant intérêt à 5% dès le 16 septembre 2003, sous déduction du montant de 9'775 fr. 65. La cause de l’obligation mentionnée était la suivante :
"Montants divers prêtés par N.__ à A.E.__ de 1997 à 2000, soit euros 30'489.80 (FF 200'000.-convertis en euros au taux fixe de 6.55957), 308'251.91 (FF 2'022'000.--) et 76'640.05 (FF 509'285.40) sous déduction d'un remboursement de euros 6'097.96 (FF 40'000.--) opéré le 31 octobre 1997.
Taux de conversion Euro / Franc suisse : 1.6031"
Un commandement de payer correspondant à cette réquisition a été établi, mais il n'a pas pu être notifié, la poursuivie ayant pris domicile dans le canton de Vaud.
b) Par nouvelle réquisition adressée à l'Office des poursuites de Nyon-Rolle le 29 mars 2007, le demandeur a fait notifier une poursuite à A.E.__, à hauteur de 49'494 fr. 10, 500'385 fr. 30 et 124'409 fr. 80, le tout portant intérêt à 5% dès le 16 septembre 2003, sous déduction du montant de 9'898 fr. 80. La cause de l’obligation mentionnée était la même que celle figurant sur la réquisition précitée du 6 mars 2007. Un commandement de payer portant le no. [...] correspondant à cette réquisition a été notifié à A.E.__ le 2 avril 2007. Celle-ci y a fait opposition totale.
11. Au 23 janvier 2009, date de la rédaction de la demande, A.E.__ n'avait pas remis la montre J.__ au demandeur, estimant qu'elle n'y était pas obligée, s'agissant d'un cadeau.
12. Par courrier du 14 avril 2009, le témoin Q.__ a provoqué [...], conseil de A.E.__, en duel, faisant valoir qu'il s'était senti offensé par le mémoire que ce dernier avait adressé au Tribunal d'accusation le
14 juillet 2008.
13. Par lettre du 30 mars 2010 à la défenderesse, le notaire O.__ a écrit ce qui suit au sujet des discussions auxquelles il avait participé avec A.E.__ et le demandeur concernant l'acquisition de la ville de [...] :
"(…) Lors de ces discussions, à ma connaissance, il n'a jamais été question entre eux de prêt d'argent pour le financement de cette acquisition (…)".
Cette pièce, qui a été adressée à une partie au cours de la procédure, constitue également une déclaration faite pour tenir lieu de témoignage au sens de l'art. 177 al. 1 CPC-VD, de sorte qu'elle ne sera pas tenue pour probante.
14. a) Par demande du 23 janvier 2009, N.__ a pris à l'encontre de A.E.__, avec suite de fais et dépens, les conclusions suivantes :
" I. A.E.__ est condamnée à restituer immédiatement à N.__ la montre J.__ en or jaune 18 carats, mouvement quartz no [...], référence [...], calibre E.15 qu'elle détient.
Principalement :
II. A.E.__ est la débitrice d'N.__ et lui doit immédiat paiement de la somme de Fr. 680'000.—(six cent huitante mille francs), plus intérêts à 5 % l'an dès le 16 septembre 2003.
Subsidiairement :
III. A.E.__ est la débitrice d'N.__ et lui doit immédiat paiement de la somme de € 410'283.81 (quatre cent dix mille deux cent huitante-trois euros et huitante-et-un centimes d'euros), plus intérêts à 5% l'an dès le 16 septembre 2003."
Par réponse du 14 mai 2009, A.E.__ a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet des conclusions de la demande.
Après le décès de A.E.__ le 16 juin 2009, D.__ a succédé à celle-ci dans la présente procédure.
Les parties ont procédé à un second échange d'écritures, au cours duquel elles ont confirmé leurs conclusions.
b) Depuis le dépôt de la demande et tout au long de la présente procédure, le demandeur a affirmé qu'il aurait existé, entre les mains de A.E.__, une convention écrite portant sur un prétendu prêt qu'il aurait accordé à cette dernière en relation avec le financement de la maison de [...].
Par lettre du 2 janvier 2012, un inconnu se désignant comme "Robert+" et se présentant comme l'exécuteur testamentaire du témoin Q.__, s'est spontanément adressé au juge instructeur de la Cour civile en charge de la présente procédure, annexant à son courrier une convention manuscrite, passée entre le demandeur et A.E.__ et datée du 30 septembre 1997. La défenderesse a requis l'ouverture d'une instruction pénale, au motif qu'il se serait agi d'un faux.
Saisi de l'affaire, le Ministère public central du canton de Vaud a mené une instruction pénale (ci-après : la procédure pénale pour faux), qui n'a pas permis de déterminer si la convention produite dans le cadre de la présente procédure était ou non un faux. Elle n'a pas non plus permis de déterminer l'identité de "Robert+", qui, selon les dires du témoin Q.__, serait un surnom qu'il aurait donné à cette personne dont il ignorerait l'identité. Le juge d'instruction a rendu une ordonnance de classement le 29 novembre 2013, dans laquelle on peut lire ce qui suit :
"(…) le Dr [...], de l'Institut de Police Scientifique de l'Université de Lausanne, a expliqué que la qualité de la copie du document litigieux lui paraissait de trop mauvaise qualité pour que les chances soient grandes d'aboutir à un résultat probant aidant à la détermination de l'authenticité de cette signature. Il a précisé que deux situations pouvaient être envisagées : dans une première hypothèse, si les caractéristiques graphiques de la signature contestée correspondaient bien à celles de référence, alors l'hypothèse du calque ne pourrait pas être exclue en raison de la mauvaise qualité de la copie, tout comme le photomontage à partir d'une signature authentique par exemple. Dans la situation inverse, si les caractéristiques graphiques de la signature contestée ne correspondaient pas à celles de référence, alors il serait possible de favoriser l'hypothèse d'une signature non authentique (…). Des signatures de référence ont été soumises au Dr [...] en vue de déterminer s'il était possible d'analyser notamment l'authenticité de la signature de feue A.E.__ (…). Le Dr [...] a relevé que la signature avait l'air de correspondre aux signatures de référence, et que les chiffres (ndlr : de la date apposée) avaient l'air de correspondre également. Il a cependant réaffirmé que dans ce cas de figure, l'hypothèse du calque ou du photomontage ne pouvait être écartée et que la valeur de la preuve serait donc très faible pour indiquer que la signature avait bel et bien été apposée par Mme A.E.__ sur le document contesté (…).
(…)"
Il appartiendra au juge instructeur de la Cour civile du Tribunal cantonal de déterminer la valeur probante d'une telle pièce compte tenu de sa qualité et des circonstances de son apparition (…)".
Saisie d'un recours de la défenderesse, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a, par décision du 29 décembre 2013, confirmé l'ordonnance précitée, retenant notamment ce qui suit :
"Ce qui importe, c'est bien plutôt, comme le relève la recourante elle-même, que, "(…) s'il n'a pas pu être prouvé que le document était un faux, son authenticité n'a pas non plus été démontrée" (…)"
c) Avec sa réplique complémentaire après réforme du 10 juin 2014, N.__ a produit le document précité, dont le contenu est le suivant :
"convention de Prêt
Entre M. N.__, né le 1.11.1930 à Zurich, domicilié [...], d'une part et Mme A.E.__, né le 30.8.1941, française, domicilié à [...] d'autre part
Il a été convenu ce qui suit :
M. N.__ prête sans intérêt, à Mme A.E.__ pour l'achat d'une villa, [...] / France
FF 2'000'000 (2 Millions) + frais de notaire, y comp TVA env 10 % (dix) soit NF 200'000 (deux-cents mille)
D'autre part M. N.__ s'engage aussi a prêter l'argent pour la rénovation – transformation de la villa, frais de charge et impôts en France
Les Renovations-transformations pourront se faire uniquement avec l'accord de M. N.__
M. N.__ a droit d'habiter la villa comme il entend (Droit d'habitation)
Il est convenu en outre que la villa sera gardée au minimum (en principe)
5 (cinq) ans, mais au maximum 10 (dix) ans
Mme A.E.__ s'engage à ne pas vendre la villa sans accord de M. N.__, ni prendre des hypothèques ou cautionner la villa
Lors de la vente de la villa il est convenu que M [...] récupère d'abord ses investissements soit valeur d'achat villa plus frais notaire plus frais transformations-rénovations / charge et impôt Domaine.
Le surplus sera partagé entre M. N.__ et Mme A.E.__ à raison de 50% (cinquante / pourcents pour chacun.
Fait à Rolle le 30.09.97
(signature du demandeur) (signature prétendue
de A.E.__)
Etabli en un seul exemplaire"
d) Les parties ont déposé un mémoire de droit.
En droit:
I. a) Le demandeur réclame à la défenderesse le paiement du montant de 680'000 fr., qu'il soutient avoir transmis à A.E.__, pour que celle-ci puisse acquérir la villa de [...] en son propre nom, en exécution d'un contrat de prêt de consommation au sens de l'art. 312 CO (Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse [livre cinquième : droit des obligations] – RS 220).
Il réclame, en outre, la restitution de la montre J.__, en vertu de l'art. 641 CC (Code civil suisse du 10 décembre 1907 – RS 210), qu'il nie avoir offert à A.E.__.
b) A.E.__ a contesté en procédure qu'un contrat de prêt quelconque ait existé entre elle et le demandeur. Elle a soutenu que, si les fonds nécessaires à l'acquisition de la villa précitée avaient bien été remis au notaire O.__ par le demandeur, c'était à titre de compensation pour la perte qu'elle avait subie en raison de la retraite anticipée que ce dernier l'avait incitée à prendre, afin qu'il puisse passer davantage de temps avec elle. Elle a contesté s'être engagée à restituer une somme quelconque et a, par conséquent, conclu au rejet des conclusions du demandeur.
A.E.__ a également soutenu que la montre J.__ lui avait été donnée en cadeau par le demandeur lorsqu'ils étaient ensemble. Elle s'était dès lors opposée à sa restitution.
La défenderesse, qui a pris la place de sa mère A.E.__ en qualité de partie défenderesse (art. 63 al. 1 CPC-VD), a repris l'ensemble de ses arguments.
II. a) Le Code de procédure civile est entré en vigueur le 1er janvier 2011 afin de régler la procédure applicable devant les juridictions cantonales, notamment aux affaire civiles contentieuses (art. 1 let. a CPC, Code de procédure civile du 19 décembre 2008 – RS 272). L'art. 404 al. 1 CPC dispose que les procédures en cours à l'entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l'ancien droit de procédure jusqu'à la clôture de l'instance. Cette règle vaut pour toutes les procédures en cours, quelle que soit leur nature (Tappy, Le droit transitoire applicable lors de l'introduction de la nouvelle procédure civile unifiée, publié in JT 2010 III 11, p. 19).
Aux termes de l'art. 166 CDPJ (Code de droit privé judiciaire vaudois du 12 janvier 2010 – RSV 211.02), les règles de compétences matérielles applicables avant l'entrée en vigueur de la présente loi demeurent applicables aux causes pendantes devant les autorités civiles ou administratives (Tappy, op. cit., p. 14).
b) En l'espèce, la demande a été déposée le 23 janvier 2009, soit avant l'entrée en vigueur du CPC. L'instance a donc été ouverte sous l'empire du CPC-VD (Code de procédure civile vaudoise du 14 décembre 1966 – RSV 270.11) et n'est pas close à ce jour. Dès lors, il convient d'appliquer le CPC-VD dans sa version au 31 décembre 2010 à la présente cause.
Les dispositions de la loi d'organisation judiciaire du 12 décembre 1979 (LOJV – RSV 173.01) dans leur teneur en vigueur au 31 décembre 2010 sont également applicables. La Cour civile est compétente pour les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse est supérieure à 100'000 fr. et qui ne sont pas attribuées par la loi à une autre autorité (art. 74 al. 2 aLOJV). En l'espèce, la valeur litigieuse étant supérieure à 100'000 fr., la compétence de la cour de céans est donnée.
III. a) Selon la jurisprudence, lorsque la cause revêt un aspect international (un élément d'extranéité), il appartient au juge d'examiner d'office la question du droit applicable au contrat, à la lumière du droit international privé du for (ATF 130 III 417 c. 2 et les arrêts cités), en particulier de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP; RS 291).
Un élément d'extranéité existe lorsqu'il y a une connexité suffisante de la cause avec l'étranger, ce qui doit être examiné de cas en cas. La question du droit applicable au contrat ne se pose que si la situation présente des points objectifs avec au moins deux Etats, en principe lorsque l'une des parties a son domicile à l'étranger (ATF 134 III 475 c. 2.3, rés. in JT 2008 I 239). Tel peut également être le cas lorsque le contrat doit être exécuté en tout ou partie à l'étranger, porte sur un bien situé à l'étranger, ou encore en fonction de circonstances extérieures au contrat, par exemple lorsque ce dernier est intimement rattaché à un ou plusieurs autres contrats régis par un droit étranger ou ayant des liens significatifs avec plusieurs pays (Bonomi, Commentaire romand de la Loi sur le droit international privé et la Convention de Lugano, Bâle 2011, n. 6 ad art. 116 LDIP).
En matière contractuelle, le contrat est régi par le droit de l'Etat avec lequel il présente les liens les plus étroits (art. 117 al. 1 LDIP); ces liens sont réputés exister avec l'Etat dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle ou, si le contrat est conclu dans l'exercice d'une activité professionnelle ou commerciale, son établissement (art. 117 al. 2 LDIP). Comme le prêt de consommation au sens de l'art. 312 CO a pour objet de conférer l'usage d'une somme d'argent ou d'un autre fongible, il faut considérer qu'il s'agit là de la prestation caractéristique (art. 117 al. 3 let. b LDIP); en conséquence, en droit international privé suisse, le prêt de consommation est régi, en l'absence d'élection de droit, par le droit de l'Etat dans lequel le prêteur a sa résidence habituelle
(ATF 140 III 456 c. 2.2.2; ATF 128 III 295 c. 2a).
Le contrat de donation est, quant à lui, régi par le droit de l'Etat dans lequel le donateur a sa résidence habituelle, la prestation caractéristique étant celle de la partie qui s'oblige (Dutoit, Droit international privé, 4e éd., Bâle 2005,
n. 7 let. d ad art. 117 LDIP et la référence citée).
b) En l'espèce, on se trouve en présence d'un élément d'extranéité. En effet, le demandeur, qui est domicilié en Suisse, soutient avoir prêté une somme d'argent en monnaie étrangère à A.E.__, afin qu'elle puisse acquérir et rénover un bien immobilier sis en France. Cela étant, qu'elles aient conclu un contrat de prêt ou une donation, il y a lieu d'appliquer le droit suisse à cet accord, la partie ayant fourni la prestation caractéristique étant domiciliée en Suisse.
En revanche, la question de la montre J.__ n'a aucun lien avec l'étranger.
IV. a) Selon l'art. 312 CO, le prêt de consommation est un contrat par lequel le prêteur s'oblige à transférer la propriété d'une chose fongible (en général de l'argent) à l'emprunteur pour une certaine durée, à charge pour ce dernier de lui en rendre autant de même espèce et qualité (ATF 131 III 268 c. 4.2; TF 4A_17/2009 du 14 avril 2009 c. 4.1; Tercier/Favre/Bugnon, Les contrats spéciaux, 4e éd., Genève 2009, nn. 3000 et 3021 pp. 439 et 442). Ainsi, lorsque le prêt consiste en une somme d'argent, l'emprunteur doit en principe rembourser le montant reçu (Tercier/Favre/Bugnon, op. cit., n. 3028 p. 443). Le prêt de consommation porte donc sur des choses interchangeables. Ce contrat n'est pas nécessairement gratuit (Engel, Contrats de droit suisse, 2e éd. Berne 2000, p. 267). Cependant, en matière civile, un intérêt n'est dû que s'il a été stipulé (art. 313 et 314 CO). Enfin, faute de terme de préavis ou de conditions (convenus), l'art. 318 CO est applicable, de sorte que l'emprunteur dispose de six semaines pour restituer dès la première réclamation du prêteur (Engel, op. cit., p. 276).
Dans le cadre de l'exécution d'un contrat de prêt au sens de
l'art. 312 CO, il incombe au prêteur de transférer la propriété de la chose promise, soit de lui en transférer la propriété mobilière conformément à la réglementation légale (art. 714 al. 1 CC; Tercier/Favre/Bugnon, op. cit., nn. 3021 s., p. 442; Engel, op. cit., p. 270). Pour qu'il y ait un changement de titulaire de la propriété, il faut un titre d'acquisition suivi d'une opération d'acquisition, savoir d'un acte de disposition, ainsi que de n'importe quelle forme de transfert de la possession (TF 5A_583/2012 du 6 décembre 2012 c. 3.1.2 et les arrêts cités; Steinauer, Les droits réels, vol. 2,
4e éd., Berne 2012, n. 2008 p. 307). Le titre d'acquisition est l'acte juridique qui a pour effet d'obliger le propriétaire à transférer la propriété de la chose à l'acquéreur. Il peut s'agir d'un acte entre vifs (contrat de vente, échange, donation, apport à une société, etc.) ou d'une disposition à cause de mort (Steinauer, op. cit., n. 2010 pp. 307 s.). Le transfert de la propriété mobilière suppose une cause valable. L'acte de disposition, qui intervient en principe immédiatement après l'acte générateur d'obligation, est un contrat réel par lequel l'aliénateur et l'acquéreur manifestent leur volonté de transférer la propriété de la chose en exécution du titre d'acquisition. Enfin, l'acquisition de la propriété mobilière est parfaite lorsque le transfert de la possession à l'acquéreur complète l'opération d'acquisition (Steinauer, op. cit.,
nn. 2013 s. p. 309). C'est l'acte matériel propre à produire les effets voulus par le contrat réel, savoir le transfert de la propriété à l'acquéreur (Steinauer, op. cit.,
n. 2018 p. 311).
Comme pour tout contrat, la conclusion d'un contrat de prêt de consommation suppose un accord entre les parties, soit une manifestation de volontés réciproques et concordantes (art. 1 CO); cet accord peut être exprès ou tacite, la loi n'exigeant aucune forme spéciale (art. 11 CO; Tercier/Favre/Bugnon,
op. cit., n. 3016, p. 441). Un lien contractuel suppose un consentement réel ou découlant de la loi et, du côté de l'obligé, une volonté juridique expresse ou déclarée, selon le principe de la confiance. Si une telle manifestation de volonté fait défaut, il n'y a juridiquement pas de rapport d'obligation (ATF 116 II 695 c. 2a, JT 1991 I 625). Les parties sont liées dès l’instant où elles se sont mises d'accord sur l’ensemble des points objectivement et subjectivement essentiels (art. 2 al. 1 CO). Savoir si une volonté déployant des effets juridiques a été effectivement exprimée ou si des manifestations de volonté sont concordantes sont des questions de fait. En revanche, savoir quel sens les parties pouvaient et devaient donner, selon les règles de la bonne foi, aux manifestations de volonté, est une question de droit
(ATF 116 II 695 c. 2a).
Celui qui agit en restitution d'un prêt doit non seulement apporter la preuve qu'il a remis la chose, mais encore qu'un contrat de prêt de consommation a été conclu. En d'autres termes, il doit prouver l'existence d'un accord des parties sur une obligation de restitution à la charge de l'emprunteur. Dire si une telle obligation a été convenue et, partant, un contrat de prêt, suppose une appréciation des preuves et le fardeau de la preuve incombe au demandeur (ATF 83 II 209 c. 2,
rés. in JT 1958 I 177; SJ 1958 pp. 417; TF 4A_12/2013 du 27 juin 2013 c. 2.1). Quand bien même une donation de se présume pas, le demandeur n'est au bénéfice d'aucune présomption légale et il doit apporter la preuve que l'obligation de remboursement a été convenue (TF 4A_12/2013 précité c. 2.1 et les références citées). La réception d'une somme d'argent peut constituer un indice suffisant de l'existence d'un contrat de prêt. Toutefois, il ne s'agit pas d'une présomption de droit ayant pour effet de renverser le fardeau de la preuve, mais de circonstances constituant des indices, dont le juge du fait, dans le cadre de l'appréciation des preuves, pourra selon les cas déduire l'existence d'un contrat de prêt. Même en pareil cas, du moment que le fardeau de la preuve incombe au demandeur, ces indices doivent constituer une preuve complète : il faut qu'aux yeux du juge la remise des fonds ne puisse s'expliquer raisonnablement que par l'hypothèse d'un prêt
(ATF 83 II 209 c. 2; Engel, op. cit., p. 268).
b) Il convient, en premier lieu, d'examiner si des sommes d'argent ont été transférées par le demandeur à A.E.__.
aa) Il est établi que le demandeur a effectué un versement d'un montant de 200'000 francs français à l'étude du notaire O.__ le 25 juin 1997, ainsi qu'un second versement de 2'022'000 francs français le 25 août 1997, à l'égard du même bénéficiaire. Ces versements portaient tous deux la référence "Achat villa [...] –A.E.__". Le demandeur soutient qu'il aurait prêté ces montants à A.E.__, afin que celle-ci puisse acquérir la villa de [...] (all. 3, 4 et 6). La défenderesse a contesté ces allégations, mais, sur le fond, elle ne conteste pas que les versements précités ont effectivement servi à financer l'acquisition, par A.E.__, de la maison de [...] en son propre nom, ce qu'elle a fait le 2 septembre 1997 (all. 73 à 77 et 84). En définitive, c'est bien plutôt le fondement juridique, soit la cause en vertu de laquelle cet argent a été versé qui est contesté. En outre, dans ses déclarations du 11 avril 2007 à la police, A.E.__ avait admis que le demandeur avait versé les fonds nécessaires à l'achat de la villa. Ainsi, la cour de céans tient pour établi que le demandeur a transféré à cette dernière, par l'intermédiaire du notaire O.__, la somme de 2'222'000 francs français (200'000 FF + 2'022'000 FF) entre les mois de juin et
août 1997.
bb) Le demandeur soutient également qu'il aurait prêté la somme de 509'285.40 francs français (447'985.40 FF + 61'300 FF) à A.E.__ entre les années 1997 et 2000 (all. 12 et 18). Cette somme aurait été utilisée pour des travaux de rénovation de la villa de [...];A.E.__ l'aurait, pour l'essentiel, prélevée sur un compte libellé au nom du demandeur, au moyen d'une procuration établie en sa faveur le 2 septembre 1997. Il résulte des pièces produites à l'appui de ces allégués que A.E.__ a procédé à des retraits sur le compte précité. Toutefois, ainsi que cela a été exposé ci-dessus (cf. supra ch. 5 b)), ni les montants allégués par le demandeur, ni l'affectation des fonds retirés par A.E.__ ne résultent des pièces produites. Par conséquent, le demandeur n'a pas démontré avoir transféré la somme de 509'285.40 francs français à A.E.__ dans le but de rénover la villa de [...]. Cette condition faisant défaut, aucune obligation de restitution d'un tel montant ne pouvait s'imposer à A.E.__, de sorte que les prétentions du demandeur doivent être rejetées dans la mesure où elles portent sur ce montant.
cc) Le demandeur a encore allégué qu'un excès de provision après déduction des frais de notaire de 40'000 francs français lui aurait été rétrocédé. Bien qu'un tel montant ait été crédité sur son compte le 31 octobre 1997, l'instruction n'a pas permis d'établir la cause de ce versement.
Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'examiner si le transfert par le demandeur de la somme de 2'222'000 francs français (cf. supra c. IV b) aa)) était ou non fondé sur un contrat de prêt imposant à A.E.__ une obligation de restituer.
c) Depuis le début de la présente procédure, le demandeur a fait valoir qu'une convention de prêt aurait été conclue entre A.E.__ et lui-même. Par ailleurs, il a allégué que cette convention, établie en un seul exemplaire, se serait trouvée entre les mains de la prénommée – ce que la procédure pénale n'a pas permis d'établir – raison pour laquelle il aurait été incapable de la produire.
aa) Le 2 janvier 2012, en cours de procédure, un document tel que décrit par le demandeur et daté du 30 septembre 1997 a subitement et spontanément été envoyé au juge instructeur par une personne anonyme. Ce document prévoit en substance que le demandeur prête, sans intérêts, notamment la somme de 2'200'000 francs français plus frais de notaire à A.E.__ pour l'acquisition d'une villa sise à [...]. Il précise encore que A.E.__ ne peut disposer de l'immeuble sans l'accord du demandeur et que, lors de la vente de celui-ci, ce dernier récupérera ses investissements, soit la valeur d'achat de la villa plus frais de notaire et de transformations ou rénovations, ainsi que les charges et impôts sur le domaine. Dès lors que dite convention comporte sa signature et celle de A.E.__, le demandeur invoque qu'elle serait propre à établir l'existence d'un contrat de prêt.
La défenderesse, qui fait valoir qu'une telle convention n'a jamais existé, s'est opposée à l'introduction de cette pièce – dont elle conteste l'authenticité – dans la présente procédure et a requis l'ouverture d'une instruction pénale. Le demandeur fait notamment valoir que le classement de la procédure pénale pour faux dans les titres, confirmé par prononcé de la Chambre des recours du Tribunal cantonal, ainsi que le rapport du Dr [...] de l'Institut de police scientifique de l'Université de Lausanne, devraient conduire la Cour civile à accorder pleine valeur probante à la pièce en question. Il ajoute à l'appui de ses allégations qu'il a toujours évoqué l'existence de ce document.
Lorsque le jugement pénal ne permet pas de déterminer qu'un titre est entaché de faux matériel, le juge civil apprécie librement son authenticité, en tenant compte des éléments de conviction que lui fournit l'instruction pénale et de ceux qui résultent des preuves administrées dans l'instance civile (art. 175 al. 4 CPC-VD).
bb) En l'espèce, le Dr [...], expert de l'Institut de Police scientifique de l'Université de Lausanne mis en œuvre dans le cadre de la procédure pénale, a constaté que le document en cause était une copie de mauvaise qualité, ne permettant pas de déterminer l'authenticité de la signature de A.E.__ de manière suffisamment probante. L'expert a émis deux hypothèses. Soit les caractéristiques graphiques de la signature correspondent bien à celles de référence – ce qui lui a semblé être le cas. Toutefois, la mauvaise qualité de la copie n'exclurait ni l'hypothèse d'un calque, ni celle d'un photomontage à partir d'une signature authentique. Soit les caractéristiques ne correspondent pas, ce qui favoriserait l'hypothèse d'un faux. En d'autres termes, pour l'expert, aucune hypothèse ne permet d'exclure que la signature de A.E.__ soit un faux. En outre, il a précisé que dans la première hypothèse, soit dans le meilleur des cas, la preuve de l'authenticité de la signature était très faible.
De surcroît, les circonstances dans lesquelles est apparue cette convention, plusieurs années après le début de la procédure, sont pour le moins mystérieuses. En effet, celle-ci a été transmise au juge instructeur par un courrier envoyé depuis la France par un inconnu se désignant comme "Robert+", qui prétendait être l'exécuteur testamentaire du témoin Q.__. Ce dernier, dont les déclarations ne sont pas retenues pour les raisons expliquées au début de ce jugement, est curieusement la seule personne auditionnée à avoir prétendument été au courant de l'existence d'un "contrat de fiducie" conclu entre le demandeur et A.E.__. Or, il est constant que Q.__ entretenait des relations exécrables avec son ex-femme, qui n'est autre que la défenderesse, ainsi qu'avec A.E.__, à l'égard desquelles il nourrissait un sentiment de vengeance (cf. supra ch. 8 e) et f)). Il est d'ailleurs allé jusqu'à provoquer en duel le conseil de cette dernière. Il n'est pas anodin que la convention en cause ait été produite par une personne – si tant est qu'elle existe réellement – liée au témoin Q.__, qui plus est directement au juge instructeur en charge du présent procès. A cela s'ajoute que les explications données par Q.__ au sujet du dénommé "Robert+" dans le cadre de l'instruction pénale pour faux, savoir qu'il s'agirait d'un surnom donné à cette personne – qui se prétend être son exécuteur testamentaire – dont il ignorait l'identité, sont plus que douteuses, pour ne pas dire "farfelues", comme le procureur l'a retenu. Il n'est en effet pas crédible que Q.__ ignore l'identité de son exécuteur testamentaire. Dans ces conditions, il n'est de loin pas exclu que la convention en cause ait été créée de toutes pièces pour les besoins de la procédure.
Ainsi, en résumé, il faut considérer que, du point de vue technique, la convention en cause a une très faible force probante. Le fait que l'enquête pénale n'ait pas été en mesure d'établir l'identité réelle, voire l'existence du dénommé
"Robert +", qui aurait prétendument découvert cette pièce, que le témoin Q.__ ait fait dans ce cadre des déclarations dénuées de crédibilité et que cette convention ait été portée à la connaissance du juge instructeur dans des circonstances très curieuses lui ôte toute fiabilité. Enfin, comme on le verra au considérant suivant, les preuves administrées dans le cadre de l'instruction du procès civil ne confirment pas la teneur de ce document. En conclusion, il y a lieu de considérer que la convention introduite formellement en procédure par le demandeur suite à son envoi au juge instructeur par un tiers anonyme est dénuée de toute force probante.
d) Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas établi que le demandeur et A.E.__ aient été liés par un contrat écrit. Dans le cadre de l'enquête pénale tout comme au terme de l'instruction, les parties ont maintenu des versions contradictoires, le demandeur plaidant l'existence d'un contrat de prêt, ce qui a toujours été contesté. On ne peut donc tirer aucune manifestation de volonté réciproque et concordante de leurs déclarations s'agissant d'un engagement éventuel. La somme de 2'222'000 francs français que le demandeur a versée à A.E.__ ne constitue qu'un indice de l'existence d'un contrat de prêt. Conformément à la jurisprudence précitée (cf. supra c. IV a)), il convient donc d'examiner si l'ensemble des circonstances du cas d'espèce permettent de conclure qu'un tel accord a été passé entre le demandeur et cette dernière, entraînant pour elle, respectivement pour la défenderesse, une obligation de restituer.
aa) En premier lieu, le demandeur soutient que la somme remise à A.E.__ est d'un montant considérable eu égard à sa fortune globale, ce qui exclurait d'emblée la figure d'une donation. La cour de céans ne dispose toutefois d'aucune information en ce qui concerne la fortune personnelle du demandeur. Il a également allégué, sans l'établir, que la somme de 650'000 fr. lui avait été prêtée par un tiers. Cependant, même si la pièce censée prouver cet allégation ne devait pas être écartée (cf. supra ch. 9), cela ne suffirait pas à exclure l'hypothèse d'une donation à A.E.__, pas plus que cela n'aurait permis de conclure à l'existence d'un contrat de prêt entre eux.
Le demandeur plaide également que ses liens avec A.E.__, qu'il qualifie de "relations intimes épisodiques pendant quelques années", ne rendraient pas crédible l'hypothèse d'une donation. Il résulte toutefois de l'instruction que A.E.__ et le demandeur ont vécu une relation de couple entre les années 1988 et 2000. Ces faits ont été confirmés par trois témoins. La relation amoureuse entre les prénommés, qui a duré douze années, constitue un indice en faveur de l'existence d'une donation.
bb) Le demandeur fait ensuite valoir que A.E.__ aurait menti à diverses reprises sur la provenance des fonds lui ayant permis d'acquérir la villa de [...], ce qui retirerait toute valeur probante à ses déclarations. Il est vrai que cette dernière n'a pas été constante dans ses déclarations ou écritures, au sujet de l'origine des fonds qui lui ont permis d'acquérir la villa. Dans ses courriers du
28 novembre 2005 et du 28 décembre 2006, elle contestait que les fonds précités lui avaient été procurés par le demandeur. Après avoir confirmé ces propos dans le cadre de la procédure pénale, elle a finalement admis – lors de son audition par la police le 11 avril 2007 – que les fonds provenaient du demandeur, mais elle a précisé qu'il s'agissait d'une donation. Elle soutient que ce revirement est dû au fait que le demandeur lui avait toujours demandé de ne pas révéler l'origine de des fonds, dès lors qu'il n'était pas déclaré aux autorités fiscales. Cette explication a été confirmée par le témoignage de O.__, qui a dit se souvenir clairement que le demandeur ne souhaitait pas apparaître dans l'acquisition de l'immeuble pour des raisons fiscales.
Le demandeur prétend encore que A.E.__ a adopté une troisième version dans son courrier au juge d'instruction le 13 avril 2007, consistant à dire que les fonds provenaient d'un héritage en France. A lire le passage en cause, on comprend cependant bien qu'elle explique avoir "opté" pour une telle formule, soit qu'elle a fourni cette explication aux autorités fiscales pour justifier l'acquisition de la maison de [...] au moment de régulariser sa situation fiscale, ce qui ressort également clairement de la lettre précitée (cf. supra, ch. 8 c)).
Au demeurant, il ressort de l'état de fait que le demandeur n'a pas non plus été constant quant à la nature du prétendu prêt dont il se prévaut. En effet, dans un courrier de son conseil du 31 juillet 2003, il invoquait une convention écrite prévoyant le remboursement de son investissement et le partage des bénéfices en cas de vente de la villa; dans un courrier du 10 octobre 2005, il évoquait une acquisition à titre fiduciaire de l'immeuble; enfin, dans la réquisition de poursuite du
6 mars 2007, il réclame simplement le remboursement d'un prêt.
En définitive les déclarations contradictoires des parties ne permettent pas d'établir quelle était leur réelle volonté concernant la cause de la remise de l'argent ayant servi à l'acquisition de la maison de [...]. Cela étant, il n'est pas non plus possible de déduire de ces déclarations que A.E.__ aurait donné son accord sur le principe d'un prêt – dont elle a toujours nié l'existence – ni sur celui d'un remboursement quelconque au demandeur.
cc) Au cours de la procédure, A.E.__ s'est employée à démontrer que le demandeur l'avait incitée à prendre une retraite anticipée pour qu'ils puissent profiter d'être ensemble et qu'il lui avait proposé de lui d'acheter un bien immobilier pour compenser la perte que cette retraite anticipée occasionnerait. C'est pour cette raison qu'elle aurait accepté de prendre dite retraite.
Un courrier de la Caisse de pension du [...] du 28 janvier 2008 atteste que si A.E.__ avait poursuivi son activité de manière régulière jusqu'à 62 ans, elle aurait perçu une rente mensuelle de 6'990 fr. au lieu de celle de 4'815 fr. qui lui a été versée dès le 1er février 1999, plus un montant de 300 fr. de rente mensuelle issu du capital avenir supplémentaire auquel elle aurait eu droit. Ainsi, elle aurait touché un montant supplémentaire de 29'700 fr. par année dès l'âge de la retraite (6'990 + 300 x 12 – 4'815 x 12), de 297'000 fr. sur dix ans et de 594'000 fr. sur vingt ans. La décision prise par A.E.__ de prendre une retraite anticipée était donc lourde de conséquences.
Le demandeur fait valoir que A.E.__ a pris sa retraite en raison de divergences avec son nouveau supérieur. Cela n'est pas établi. Au demeurant, il ressort des courriers du 30 septembre 1998 et du 22 janvier 1999 que celle-ci était très bien intégrée au sein de son emploi au [...]. Le demandeur soutient également qu'elle a quitté son emploi en raison de problèmes de santé. Cependant, s'il est constant qu'elle a eu une hernie discale et des problèmes aux épaules, il n'est pas établi que ces problèmes de santé l'auraient gêné dans son travail, ni encore moins qu'ils l'auraient poussée à démissionner.
Ainsi que cela a été exposé dans l'état de fait, les témoignages recueillis lors de l'instruction ont, d'une part, permis d'établir que c'est selon le souhait du demandeur que A.E.__ a quitté son emploi prématurément (cf. supra ch. 4 a)). D'autre part, ils ont permis d'établir que c'était bien en raison d'une compensation de la part du demandeur, savoir la maison de [...], que A.E.__ a accepté de prendre sa retraite prématurément (cf. supra
ch. 4 b)). Certes, comme l'a relevé le demandeur, la plupart de ces témoignages étaient indirects. Ils ont toutefois été confirmés notamment par les déclarations de P.__ et du notaire O.__, qui n'avaient pas d'intérêt au sort du procès.
Le demandeur plaide également que les dates d'acquisition de l'immeuble et de départ à la retraite de A.E.__ ne correspondent pas. On voit toutefois mal en quoi cela constituerait un indice permettant de conclure à l'existence d'un contrat de prêt, respectivement d'exclure une donation. Au demeurant, l'immeuble a été acquis par acte notarié du 2 septembre 1997 et A.E.__ a pris sa retraite dès l'année 1999. Elle a donc acquis l'immeuble à la fin de l'année 1997 et a cessé son activité à la fin de l'année 1998. L'écart de date ne choque pas par sa durée. A cela s'ajoute qu'on ne pouvait pas s'attendre à ce que les dates correspondent parfaitement, notamment au regard des délais usuels de résiliation d'un contrat de travail.
En conclusion, les circonstances du transfert de fonds dans le cas d'espèce plaident davantage en faveur de la thèse de la donation que de celle du prêt que soutient le demandeur.
dd) Le demandeur soutient encore que A.E.__ n'a pas annoncé aux autorités fiscales avoir reçu un don, ce qui décrédibiliserait ses propos et plaiderait en défaveur d'une donation. Cet argument tombe à faux. Certes, l'intéressée a fait appel au comptable P.__ pour faire régulariser sa situation, parce qu'elle n'avait pas déclaré fiscalement la maison de [...], respectivement les fonds qui avaient servi à la financer. Elle s'en est d'ailleurs expliquée dans son courrier au juge d'instruction du 13 avril 2007 précité. Mais si elle n'a pas déclaré une donation, il ne résulte pas non plus de l'instruction qu'elle aurait déclaré une dette en relation avec un prêt accordé par le demandeur. Au demeurant, celui-ci n'allègue pas, ni n'établit qu'il aurait lui-même déclaré au fisc une créance découlant d'un tel prêt.
e) Au vu de l'ensemble de ce qui précède, bien qu'il soit établi que le demandeur ait remis 2'222'000 francs français à A.E.__, il ne résulte pas de l'analyse des circonstances du cas d'espèce que cette dernière ait eu la volonté de conclure un contrat de prêt ni encore de s'obliger à restitution. La remise des fonds ne s'explique manifestement pas, raisonnablement et objectivement, que par l'hypothèse d'un prêt. Au contraire, force est de constater qu'une donation apparaît plus probable qu'un prêt. Ainsi, le demandeur ne parvient pas à prouver qu'il avait convenu d'une obligation de rembourser à la charge de A.E.__, dont la défenderesse devrait répondre. Or, conformément à la jurisprudence précitée (cf. supra c. VI a)), il lui appartenait de prouver l'existence d'un tel accord. Il s'ensuit que son action doit être rejetée en tant qu'elle se fonde sur l'existence d'un contrat de prêt au sens de l'art. 312 CO. Pour le surplus, il n'est nul besoin de se demander si les attributions ont été faites à titre de donation (art. 239 CO) ou d'exécution d'un devoir moral (TF 4A_12/2013 du 27 juin 2013, c. 2.1).
V. Dès lors que la cour de céans applique le droit d'office
(art. 6 al. 1 CPC-VD), il convient néanmoins d'examiner si les prétentions du demandeur peuvent reposer sur d'autres fondements juridiques, dans la mesure que les faits tels qu'ils ont été établis au cours de l'instruction le permettent.
a) aa) Le concubinage, aussi appelé union libre, est généralement défini comme le fait pour un homme et une femme de vivre ensemble comme des gens mariés. Le Tribunal fédéral a défini le concubinage comme une communauté de vie d’une certaine durée, voire durable, de deux personnes de sexe opposé, à caractère exclusif, qui présente aussi bien une composante spirituelle, corporelle et économique, et qui peut également être désignée comme communauté de toit, de table et de lit (ATF 118 lI 235 c. 3b, JT 1994 I 331). On parle alors de concubinage au sens étroit ou qualifié (Werro, Concubinage, mariage et démariage, Berne 2000, n. 97).
De par sa définition, et compte tenu de l’absence de règles légales qui lui donneraient un statut institutionnel, le concubinage se définit comme un contrat de durée sui generis. La question du contenu doit être examinée de cas en cas, compte tenu de toutes les circonstances et surtout de la nature du problème à résoudre (Werro, op. cit., n. 112, p. 43). lI est possible que les partenaires aient pris la peine de régler, dans une convention plus ou moins détaillée, le contenu de leurs relations patrimoniales, éventuellement même de leurs relations personnelles. Si tel n’est pas le cas, il appartient au juge d’établir lui-même les règles qui conviennent en cette matière. Le Tribunal fédéral a admis l’application des règles régissant la société simple aux relations économiques d’un couple vivant en union libre, dans la mesure seulement où ces relations sont en rapport avec leur union (ATF 108 lI 204 c. 4a,
JT 1982 I 570; ATF 109 lI 228 c. 2b, JT 1984 I 482).
La liquidation de la société simple, régie par les art. 548 à 550 CO, qui sont de droit dispositif, est soumise au principe de l'unité de la liquidation. D'après ce dernier, il n'est pas possible à un associé de faire valoir une prétention concernant une affaire déterminée, isolée de l'ensemble des relations sociales. Le règlement des comptes porte sur la totalité des affaires à liquider. On ne saurait restreindre la liquidation au règlement de quelques rapports juridiques particuliers. La liquidation doit être complète. Elle est achevée quand toutes les affaires ont été réglées conformément au droit des sociétés (ATF 116 II 316 c. 2d et les références citées; TF 4C.443/2004 du 14 avril 2005 c. 2.3; TF 4C.85/1999 du 20 juillet 1999 c. 4). Seuls font exceptions les rapports contractuels, concernant les associés, qui se fondent sur des relations particulières bilatérales, sans rattachement avec le contrat de société (ATF 109 II 228 c. 2b et les arrêts cités; TF 4C.443/2004 précité c. 2.3; 4C.85/1999 du 20 juillet 1999 c. 4).
bb) En l'espèce, le demandeur a vécu une relation de couple durant douze ans et a cohabité avec A.E.__, de sorte qu'il y a lieu de considérer que leur union constituait un concubinage. Il a transféré à celle-ci des fonds, par l'intermédiaire du notaire [...], afin qu'elle acquière la maison de [...]. Le demandeur a toutefois expressément contesté l'existence d'un concubinage, de sorte qu'il n'a pas fait porter l'instruction sur les points de fait qui auraient permis de construire une prétention juridique déduite de l'existence d'une société simple. Bien plus, prétendant seulement avoir été lié par une amitié à A.E.__, et non par un concubinage (cf. all. 1 et déterminations ad all. 64 et 66), le demandeur n'a pas pris de conclusions tendant à la liquidation d'une éventuelle société simple qu'il aurait constituée avec celle-ci. Il s'ensuit que les prétentions du demandeur doivent être rejetées en tant qu'elles seraient fondées sur le droit de la société simple.
b) aa) La donation est la disposition entre vifs par laquelle une personne cède tout ou partie de ses biens à une autre sans contre-prestation correspondante (art. 239 al. 1 CO). Elle peut être grevée de conditions ou de charges (art. 245 al. 1 CO). La charge est une clause accessoire de la donation en vertu de laquelle le donataire s'oblige à donner, à faire quelque chose ou s'abstenir de faire quelque chose (Tercier/Favre/Bugnon, op. cit., n. 1885 p. 278). L'art. 249 CO autorise le donateur à révoquer les dons manuels et les promesses de donner qu'il a exécutées et actionner en restitution jusqu'à concurrence de l'enrichissement actuel de l'autre partie lorsque le donataire a commis une infraction pénale grave contre le donateur ou l'un de ses proches (ch. 1), lorsqu'il a gravement failli aux devoirs que la loi lui impose envers le donateur ou sa famille (ch. 2), et lorsqu'il n'exécute pas, sans cause légitime, les charges grevant la donation (ch. 3).
bb) En l'espèce, à considérer que le transfert de la somme de 1'222'000 francs français à A.E.__ ait constitué une donation avec charges, au vu des faits établis, la charge éventuelle n'aurait pu consister qu'en le départ à la retraite de A.E.__. Or, il ressort de l'instruction que celle-ci a effectivement pris sa retraite en 1999. Dans cette hypothèse, elle aurait donc exécuté la charge en question. Il résulte, en outre, de l'instruction que les causes de restitution prévues par les chiffres 1 et 2 de l'art. 249 CO ne sont pas réalisées. Dès lors, A.E.__ ne pouvait pas avoir à assumer une obligation de restitution quelconque en relation avec une donation avec charge.
c) Enfin, le demandeur n'allègue pas, ni n'établit qu'il se serait trouvé dans l'erreur (art. 23 CO) ou dans un autre cas d'invalidité rendant nul le transfert de l'argent à A.E.__. Il ne prétend pas non plus que la défenderesse aurait été enrichie sans cause au sens des art. 62 ss CO.
En conclusion, aucun fondement juridique ne permet de conclure à une obligation de restituer à charge de A.E.__, respectivement de la défenderesse, de sorte que les conclusions prises par le demandeur dans sa demande du 23 janvier 2009 ne peuvent être que rejetées.
VI. Le demandeur revendique la propriété de la montre J.__
(art. 641 CC), qu'il a achetée le 19 décembre 1990 et qu'il dit avoir offert en cadeau à sa mère. La défenderesse, quant à elle, fait valoir que dite montre avait été offerte à A.E.__, de sorte qu'elle s'oppose à sa restitution.
a) aa) La propriété mobilière est régie par les articles 713 à 729 CC. Elle porte notamment sur les choses qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre
(art. 713 CC). Elle s'acquiert par un acte de disposition, soit la volonté de transférer la propriété en exécution d'un titre d'acquisition (cf. supra c. IV a) et les références citées).
L'action en revendication fondée sur l'art. 641 al. 2 CC permet au propriétaire dépossédé d'une chose d'en obtenir la restitution contre quiconque la détient sans droit. Elle appartient au propriétaire – lequel ne peut pas céder sa prétention sans céder en même temps sa propriété (ATF 132 III 155 c. 6.2,
JT 2006 I 116; TF 5A_583/2012 du 6 décembre 2012 c. 3.1.1) – qui n'a pas la possession de l'objet (mobilier ou immobilier) de son droit ou qui n'en a que la possession originaire et médiate (cas du bailleur-propriétaire qui agit en restitution contre le locataire en raison de la nullité du contrat) (Steinauer, Les droits réels,
vol. 1, 5e éd., Berne 2012, n. 1018 et 1024b pp. 361 et 364). Elle ne peut être intentée que contre celui qui possède l'objet au moment de l'ouverture de l'action, le demandeur pouvant agir, en cas de possession multiple, contre le possesseur médiat, le possesseur immédiat ou contre les deux (Steinauer, op. cit., n. 1020 s.
p. 362). Un plaideur ne peut fonder sa légitimation pour agir en revendication sur une procuration que si le représenté dispose lui-même du droit d'agir en revendication (ATF 132 III 155 c. 7).
Le demandeur doit prouver qu’il a valablement acquis la propriété de l’objet; la restitution ne sera toutefois ordonnée que si le défendeur ne fait pas valoir, en apportant les preuves requises, l’un des deux principaux moyens suivants : a) le défendeur ou un tiers est devenu propriétaire de l’objet; b) le défendeur ou celui dont il tient sa possession à titre dérivé a le droit de posséder l’objet, soit en vertu d’un droit réel limité, soit en vertu d’un droit personnel découlant, par exemple, d’un bail (Steinauer, op. cit., nn. 1021 et 1022 pp. 362 s.). L'action en revendication est imprescriptible, mais l'écoulement du temps peut faire perdre au demandeur son droit de propriété lui-même par l'effet de la prescription acquisitive au sens des
art. 728 et 661 ss CC (Steinauer, op. cit., nn. 1023 s. p. 363).
bb) La donation au sens des art. 239 et suivants CO est un contrat qui suppose un accord entre les parties sur un transfert patrimonial à titre gratuit; la donation doit faire l'objet d'une acceptation du donataire, qui peut intervenir par actes concluants et même de manière tacite (ATF 136 III 142 c. 3.3, JT 2011 II 236). L'intention de donner (animus donandi) est l'élément déterminant de ce contrat générateur d'obligation, tout comme aussi celui de recevoir le bien et de le recevoir gratuitement (Engel, op. cit., p. 110). L'attribution peut être dictée non seulement par la pure générosité, mais aussi par le sentiment de la reconnaissance, la vanité, un souci de publicité, par le désir de s'attirer les faveurs de quelqu'un. Ce qui compte, c'est que le donateur ne fasse pas sa prestation à raison d'une contre-prestation (ATF 42 II 500, JT 1917 I 229; Tercier/Favre/Bugnon, op. cit., n. 1784 p. 263). On parle de donation manuelle (art. 242 CO) lorsque le donateur exprime la volonté de faire une libéralité en remettant directement le bien au donataire qui l'accepte; dans ce cas, la conclusion de la donation a lieu en même temps que son exécution, de sorte que la naissance du contrat coïncide avec son extinction par l'exécution
(ATF 136 III 142 c. 3.3 et les références citées). Le point décisif est le fait que le bien sort du patrimoine du donateur et entre dans celui du donataire (ATF 102 II 313,
JT 1977 I 130; Tercier/Favre/Bugnon, op. cit., n. 1769 p. 261).
cc) La possession est la maîtrise de fait qu'une personne exerce sur un bien matériel (art. 919 al. 1 CC), pour autant que cette maîtrise ne résulte pas de circonstances de nature passagère qui interrompent la maîtrise de fait (Steinauer, op. cit., n. 178 p. 89). La maîtrise de fait sur un bien n'est suffisante pour fonder la possession que si celui qui l'exerce a la volonté de posséder (Steinauer, op. cit.,
n. 187 p. 91). Le possesseur d'une chose en est présumé propriétaire
(art. 930 al. 1 CC); celui qui, sans la volonté d'en être propriétaire, possède une chose mobilière, peut invoquer la présomption de propriété de la personne dont il tient cette chose de bonne foi (art. 931 al. 1 CC). Le possesseur d'une chose mobilière peut ainsi opposer à toute action dirigée contre lui la présomption qu'il est au bénéfice d'un droit préférable (art. 932 CC). Le possesseur étant présumé titulaire du droit qu'il prétend avoir, il peut donc se limiter, dans un premier temps, à invoquer sa possession s'il est actionné en restitution de l'objet; c'est alors au demandeur d'établir que ce droit n'existe pas (TF 5A_583/2012 précité c. 3.1.1 la doctrine citée). Pour que la possession puisse faire présumer le droit du possesseur, il faut qu'elle soit telle qu'on puisse réellement conclure à l'existence d'un droit, de sorte que la présomption cesse si la possession est violente, clandestine ou équivoque
(TF 5A_279/2008 du 16 septembre 2008 c. 6.2, SJ 2009 I 325; Steinauer, op. cit.,
n. 391 p. 152). Une possession est équivoque, par exemple, lorsque les circonstances entourant l'acquisition de la possession ou l'exercice de la maîtrise sont peu claires ou susceptibles de plusieurs explications, ou lorsque les circonstances dans lesquelles le possesseur est entré en possession sont restées obscures et font plutôt douter de la légitimité du titre en vertu duquel la possession a été acquise (TF 5A_279/2008 et les références citées).
L'effet de la présomption consiste en ce que celui qui conteste le droit du possesseur doit établir que celui-ci n'est pas propriétaire; la présomption produit cet effet dès que le possesseur allègue son droit de propriété (Steinauer, op. cit.,
n. 401 p. 155 et les arrêts cités). Il a été jugé qu'une possession qui ne repose pas sur un acte d'acquisition ne saurait, même quand le possesseur se considère de bonne foi comme propriétaire, l'emporter sur une possession plus ancienne, qui se fonde sur un titre d'acquisition valable (ATF 81 II 197 c. 7b, JT 1956 I 66;
ATF 65 II 62). Si le possesseur apporte des explications suffisantes sur l'origine de la possession, le non-possesseur doit supporter le fardeau de la preuve du vice de possession (TF 5A_279/2008 précité c. 6.2 et les références citées;
TF 5P.391/2006 du 18 décembre 2006 c. 6; Steinauer, ibid. et la note de bas de page no. 21, dans laquelle il expose notamment son avis selon lequel cela irait trop loin d'exiger une véritable preuve). Comme pour toute présomption, l'effet de
l'art. 930 al. 1 CC peut être tenu en échec de deux façons : par une contre-preuve établissant que les conditions de la présomption ne sont pas remplies, par exemple que la possession est viciée, ou par la preuve du contraire, dont le thème est d'établir que le possesseur n'est pas le propriétaire; le demandeur pouvant notamment prouver qu'il est lui-même propriétaire (TF 5A_279/2008 précité, c. 6.2; Steinauer, op. cit., n. 402, p. 155). Enfin, lorsque l'appréciation des preuves convainc le juge que le fait litigieux est établi, la répartition du fardeau de la preuve (art. 8 CC) n'a plus d'objet (TF 5A_279/2008 précité, c. 6.2 et les arrêts cités).
En principe, la présomption dont bénéfice le possesseur actuel l'emporte sur celle du possesseur antérieur, sauf lorsque le possesseur antérieur a été dessaisi sans sa volonté (art. 934 CC) ou lorsque le possesseur actuel était de mauvaise foi lorsqu'il a acquis la possession (art. 936 CC); dans ces deux cas, l'ancien possesseur peut se fonder sur sa possession antérieure et intenter l'action mobilière (Steinauer, op. cit., n. 455 s. p. 173).
dd) La légitimation active dans un procès civil, de même que la légitimation passive, relèvent du fondement matériel de l’action : elles appartiennent respectivement au sujet actif et passif du droit invoqué en justice et l’absence de l’une ou l’autre de ces qualités entraîne non pas l’irrecevabilité de l’action, mais le rejet de celle-ci (ATF 136 III 365 c. 2.1, JdT 2010 I 514, SJ 2011 I 77; TF 5A_792/2011 du 14 janvier 2013 c. 61; Hohl, Procédure civile, Tome I, 2001,
nn. 434 ss.). Le juge doit vérifier d’office l’existence de la légitimation active et passive. Toutefois, dans les procès soumis à la maxime des débats, il ne le fait qu’au regard des faits allégués par les parties et prouvés, c’est-à-dire uniquement dans le cadre que les parties ont assigné au procès (Hohl, op. cit., n. 446 et les références citées). II appartient au demandeur de prouver les faits sur lesquels il fonde sa légitimation active (ATF 130 III 417 c. 3.1, rés. in JdT 2004 I 268, SJ 2004 I p. 533; ATF 123 III 60, c. 3a rés. in JdT 1998 I 25).
b) En l'espèce, il est établi que le demandeur a acheté la montre J.__ le 19 décembre 1990. A.E.__ portait cette montre régulièrement. Elle était en possession de celle-ci avant qu'elle ne soit séquestrée par le juge d'instruction le 13 décembre 2006. Elle lui a été rendue par la suite et elle la détenait encore au moment du dépôt de la demande. Le demandeur fait valoir qu'il aurait offert la montre à sa mère, qui, vu son âge, ne la portait que lorsqu'elle rendait visite à son fils, de sorte qu'il aurait autorisé A.E.__ à la porter en l'absence de sa mère. Cela n'est pas établi. Au contraire, il résulte de l'instruction qu'il a offert cette montre à A.E.__ et non à sa mère. Ainsi que cela a été exposé dans l'état de fait (cf. supra ch. 2), bien que les témoignages en ce sens – néanmoins révélateurs – soient indirects, ceux-ci sont confirmés par les pièces au dossier. En effet, il est constant que A.E.__ a fait assurer dite montre par contrat du 9 janvier 1991, soit seulement quelques jours après son achat par le demandeur, contrat qu'elle a reconduit durant trois années. Or, on voit mal pour quelle raison cette dernière aurait fait assurer à son nom une montre appartenant à un tiers. Au demeurant, la thèse avancée par le demandeur est peu crédible, contrairement à celle de la donation, ainsi que l'a également constaté le jugement du Tribunal d'accusation du 18 juillet 2008. Si l'on devait suivre le demandeur, on ne comprendrait notamment pas qu'il ait attendu plus de quatre ans après la séparation pour réclamer la montre à A.E.__ – ce qu'il a fait par courrier du
28 janvier 2005 – et pour porter plainte. Il ressort d'ailleurs du courrier précité qu'il savait parfaitement que celle-ci possédait la montre, puisqu'il lui faisait remarquer qu'elle n'avait toujours pas restitué celle-ci. En outre, cette demande est intervenue un peu plus d'un an après la naissance du litige au sujet de la villa de [...], ce qui laisse perplexe quant aux réelles motivations de ce soudain revirement.
Au vu de ce qui précède, force est de constater que A.E.__ est devenue propriétaire de la montre lorsque le demandeur – dont l'intention de donner (animus donandi) et donc d'en transférer la propriété ne fait aucune doute – lui a remis la montre à Noël de l'année 1990 (donation manuelle). La défenderesse, qui lui a succédé à cause de mort, peut donc se prévaloir d'un droit préférable sur la montre, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'en ordonner la restitution.
c) En tout état de cause, même à considérer que la donation ne soit pas formellement établie, ce qui n'est pas le cas, la conclusion visant à la restitution de la montre devrait être rejetée. En effet, il ne résulte pas de l'état de fait que la maîtrise que A.E.__ avait sur la montre eût été de nature passagère. Sur le plan pénal, il n'a pas été possible d'établir qu'elle aurait subtilisé la montre dans le coffre du demandeur, si tant est qu'elle s'y soit trouvée. Sur ce point, la cour de céans ne peut que faire sienne l'appréciation du Tribunal d'accusation, qui a confirmé l'ordonnance de non lieu du 11 juin 2008. Si l'on tient également compte des circonstances telles qu'exposées au considérant précédent, on ne peut qu'en déduire que A.E.__, qui a apporté des explications suffisantes quant à l'origine de sa possession, ne possédait pas la montre de façon équivoque, violente ou encore clandestine. Les conditions de la présomption de propriété fondée sur la possession étaient donc remplies, de sorte qu'il incombait au demandeur de prouver son droit. Or, il n'a pas apporté cette preuve bien qu'il soit établi qu'il ait acheté la montre en décembre 1990, d'autant plus qu'il allègue en avoir transféré la propriété à sa mère. Il n'est pas non plus établi qu'il ait été dessaisi de la montre sans sa volonté, ni que A.E.__ aurait possédé la montre de mauvaise foi. Il s'ensuit que sa conclusion en restitution de la montre devrait de toute manière être rejetée pour ce motif.
d) Enfin et par surabondance, comme exposé ci-dessus (cf. supra
c. VI a) aa)), l'action en revendication n'appartient qu'au propriétaire de la chose. Or, le demandeur n'a pas allégué, ni établi que sa mère serait décédée et qu'il en serait l'héritier unique, pas davantage qu'il n'a produit une procuration de cette dernière en sa faveur. Ainsi, si l'on devait le suivre lorsqu'il allègue avoir fait don de la montre à sa mère, son action en revendication devrait encore être rejetée faute de légitimation active.
VII. a) Selon l'art. 92 al. 1 CPC-VD, des dépens sont alloués à la partie qui obtient gain de cause. Ceux-ci comprennent principalement les frais de justice payés par la partie, les honoraires et les débours de son avocat (art. 91 let. a et c CPC-VD). Les frais de justice englobent l'émolument de justice, ainsi que les frais de mesures probatoires (art. 90 al. 1 CPC-VD; art. 2 aTFJC – tarif des frais judiciaires en matière civile du 4 décembre 1984, applicable par renvoi de l'art. 99 al. 1 TFJC – tarif des frais judiciaires civils du 28 septembre 2010 – RSV 270.11.5). Les honoraires et les débours d'avocat sont fixés selon le tarif des honoraires d'avocat dus à titre de dépens du 17 juin 1986, applicable par renvoi de l'art. 26 al. 2 TDC – tarif des dépens en matière civile du 23 novembre 2010 – RSV 270.11.6). Les débours ont trait au paiement d'une somme d'argent précise pour une opération déterminée.
A l'issue d'un litige, le juge doit rechercher lequel des plaideurs gagne le procès et lui allouer une certaine somme en remboursement de ses frais, à la charge du plaideur perdant. La partie qui a triomphé sur le principe ou sur les principales questions litigieuses a droit à la totalité des dépens (Poudre/Haldy/Tappy, op. cit., n. 3 ad art. 92 CPC-VD).
b) Obtenant entièrement gain de cause, la défenderesse a droit à de pleins dépens, à la charge du demandeur, qu'il convient d'arrêter à 43'431 fr. 50, savoir :
a) | 35'000 | fr. | à titre de participation aux honoraires de son conseil; | |
b) | 1750 | fr. | pour les débours de celuici; | |
c) | 6'681 | fr. | 50 | en remboursement de son coupon de justice. |
Par ces motifs,
la Cour civile,
statuant à huis clos,
prononce :
I. Les conclusions prises par le demandeur N.__ à l'encontre de la défenderesse D.__, selon demande du 23 janvier 2009, sont rejetées.
II. Les frais de justice sont arrêtés à 15'411 fr. 50 (quinze mille quatre cent onze francs et cinquante centimes) pour le demandeur et à 6'681 fr. 50 (six mille six cent huitante et un francs et cinquante centimes) pour la défenderesse.
III. Le demandeur versera à la défenderesse le montant de 43'431 fr. 50 (quarante-trois mille quatre cent trente et un francs et cinquante centimes) à titre de dépens.
La présidente : Le greffier :
F. Byrde Y. Glauser
Du
Le jugement qui précède, dont le dispositif a été communiqué aux parties le 9 septembre 2015, lu et approuvé à huis clos, est notifié, par l'envoi de photocopies, aux conseils des parties.
Les parties peuvent faire appel auprès de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal dans les trente jours dès la notification du présent jugement en déposant auprès de l'instance d'appel un appel écrit et motivé, en deux exemplaires. La décision qui fait l'objet de l'appel doit être jointe au dossier.
Le greffier :
Y. Glauser
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