Zusammenfassung des Urteils Jug/2014/147: Kantonsgericht
Der demandeur hat einen Verlust erlitten, nachdem 150.000 Euro gestohlen wurden und er sie zurückzahlen musste. Er hat jedoch seine Mandanten nicht über den Diebstahl informiert und hat den Vorfall vor ihnen verborgen. Diese haben daher nie eine Schadensersatzforderung gegen ihn erhoben, was erforderlich gewesen wäre, damit er eine Entschädigung von der Versicherung verlangen kann. Aufgrund seines Verhaltens konnte die Gesellschaft I.________AG in Liquidation und ihre Erben keine Ansprüche geltend machen und ihn nicht zur Verteidigung zwingen. Somit hat der Kläger den Mechanismus der Versicherungspolice unwirksam gemacht. Es ist daher fraglich, ob die Klage des Klägers aus diesem Grund überhaupt zulässig ist.
Kanton: | VD |
Fallnummer: | Jug/2014/147 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: | Zivilkammer |
Datum: | 30.04.2014 |
Rechtskraft: | - |
Leitsatz/Stichwort: | - |
Schlagwörter : | été; Assurance; étention; étentions; éfenderesse; érêt; Assuré; élèvement; éjudice; Expert; érêts; ération; Aient; événement; Argent; Serbie; Espèce; ésé; égale; éral; érations; écembre; éjudices; élevé; -même; Administration |
Rechtsnorm: | Art. 260 SchKG;Art. 31 VVG;Art. 33 VVG;Art. 38 VVG;Art. 404 ZPO;Art. 92 ZPO; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: |
TRIBUNAL CANTONAL | CO04.018088 34/2014/PMR |
COUR CIVILE
___
Audience de jugement du 30 avril 2014
___
Présidence de M. Hack, président
Juges : M. Muller et Mme Rouleau
Greffier : M. Glauser
*****
Cause pendante entre :
T.__ | Me F. Besse |
et
R.__SA | Me C. Fischer |
- Du même jour -
Délibérant immédiatement à huis clos, la Cour civile considère :
En fait:
1. Le demandeur T.__ est expert comptable diplômé. Il exerce à titre indépendant.
La défenderesse R.__SA est une société anonyme de droit suisse ayant son siège à Lausanne et dont le but est : "opérations d’assurance et de réassurance autre que les assurances directes vie, sans limitation géographique".
2. Le 17 mai 2000, le demandeur et la défenderesse se sont liés par une police d’assurance intitulée "assurance responsabilité civile" entrant en vigueur le
17 avril 2000 et échéant le 31 décembre 2004.
Ce document prévoit notamment ce qui suit :
" Risque assuré : fiduciaire
Prestations assurées
- Somme d’assurance : Fr. 2'000'000 par événement pour
lésions corporelles
et dommages
matériels
ensemble
limitée à
Fr. 500’000 pour préjudices de
fortune
- Franchise pour les dommages
matériels : Fr. 100 par événement
- Franchise pour les
préjudices de fortune : Fr. 100'000 fixe par événement
Prime fixe par année d’assurance Fr. 1'956.00
Conditions particulières
Clause de cumul de fonctions comptabilité / organe de révision
La couverture d’assurance pour les préjudices de fortune ne s’étend pas aux prétentions émises contre un assuré en sa qualité de réviseur d’une entreprise ou d’une institution de prévoyance, pour laquelle lui-même ou une personne qui lui est subordonnée tient la comptabilité.
Clause délits et crimes
La couverture d’assurance pour les préjudices de fortune ne s’étend pas aux prétentions pour les dommages causés lors de l’accomplissement intentionnel de crimes, délits et infractions contre des prescriptions légales ou officielles, ceci indépendamment du fait que les prétentions soient émises contre l’auteur lui-même ou contre un ou plusieurs assurés."
Cette police d'assurance est soumise aux Conditions générales d’assurance édition juin 1999 (ci-après CGA) et aux Conditions générales complémentaires n. 1225 édition juillet 1992 (ci-après CGC).
Les CGA contiennent notamment les dispositions suivantes :
" Art. 2 al. 1 CGA :
L’assurance couvre la responsabilité des personnes suivantes :
a) le preneur d’assurance en tant que propriétaire de l’entreprise, ainsi qu’en d’éventuelles autres qualités indiquées dans la proposition ou la police.
Si le preneur d’assurance est une société de personnes (par exemple, une société en nom collectif), une communauté de propriétaires en main commune (par exemple, une communauté d’héritiers), ou s’il a conclu l’assurance pour le compte de tiers, les associés, les membres de la communauté ou les autres personnes au bénéfice de l’assurance ont les mêmes droits et obligations que le preneur d’assurance;
(…)"
" Art. 7 CGA :
Sont exclus de l’assurance
a) les prétentions du preneur d'assurance, ainsi que les prétentions pour des dommages atteignant la personne du preneur d'assurance; en outre, les prétentions des membres de la famille d'un assuré contre ce dernier.
(…)
c) la responsabilité de l'auteur intentionnel d'un crime ou d'un délit;
(…)
i) la responsabilité pour des dommages dont le preneur d'assurance, son représentant ou les personnes chargées de la direction ou de la surveillance de l'entreprise, devaient attendre, avec un degré élevé de probabilité, qu'ils se produisent. Il en est de même pour les dommages, dont on a implicitement accepté la survenance en choisissant une certaine méthode de travail, afin de diminuer les frais ou d'accélérer les travaux;
k) les prétentions pour
les dommages à des choses prises ou reçues par un assuré pour être utilisées, travaillées, gardées, transportées ou pour d'autres raisons (…);
l) les prétentions tendant à l'exécution de contrats ou , en lieu et place de celles-ci, à des prestations compensatoires pour cause d'inexécution ou d'exécution imparfaite, (…)
n) les prétentions pour des dommages économiques ne résultant ni d’une lésion corporelle assurée, ni d’un dégât matériel assuré causé à un lésé;
(…)"
" Art. 8 CGA :
L’assurance est valable pour les dommages causés pendant la durée du contrat et survenant en Europe (…)".
Les CGC contiennent notamment les dispositions suivantes :
" Art. 1 CGC :
1. Sur la base de la proposition et en dérogation partielle à l’art. 7 n) CGA, la Compagnie garantit aussi les personnes assurées contre les prétentions en dommages-intérêts formulées contre elles, en vertu de dispositions légales suisses de responsabilité civile, pour cause de
préjudice de fortune, c'est-à-dire les dommages pécuniaires ne résultant pas d’atteintes à la santé de personnes (lésions corporelles) ou de la destruction, de l’endommagement ou de la perte de choses (dégâts matériels).
2. Moyennant convention spéciale, l’assurance couvre aussi la responsabilité civile pour les préjudices de fortune résultant de l’activité comme
(…)
d) avocat ou notaire chargé de la liquidation d’entreprises, lorsqu’il n’existe pas déjà de couverture selon lit. a) pour l’entreprise en liquidation;
(…)"
"Art. 2 CGC:
Les personnes et leurs employés agissant à la place du preneur d'assurance selon l'art. 405, al. 2 CO sont aussi réputés assurés au sens de l'art. 2 CGA. Sont toutefois exclues les personnes physiques ou morales et les sociétés de personnes qui exploitent commercialement de manière indépendante des affaires du même genre."
" Art. 3 CGC :
Outre les restrictions mentionnées dans les CGA, l’assurance pour les préjudices de fortune ne couvre pas non plus les prétentions
a) pour les dommages que l’assuré cause directement à une personne physique ou morale en sa qualité d’employé ou d’organe de celle-ci.
Si la responsabilité civile comme membre de conseils d’administration ou de fondations, réviseur, contrôleur ou liquidateur d’une entreprise ou d’une fondation est assurée, les prétentions pour les dommages que l’assuré cause à celle-ci sont couvertes;
(…)
d) pour les dommages que l'assuré a causés par des infractions lors du paiement et de l'encaissement de sommes d'argent, ou consécutifs à des déficits dans la tenue de la caisse, ainsi qu'à la destruction ou à la perte d'espèces, de papiers-valeurs ou d'objets de prix. (…)"
" Art. 4 CGC :
Pour les préjudices de fortune, l’art. 9 CGA est remplacé par les conditions suivantes :
a) Les prestations de la Compagnie consistent dans le paiement d’indemnités dues en cas de prétentions justifiées et dans la défense des assurés contre les prétentions injustifiées. (…)"
" Art. 6 CGC :
1. L’assurance des préjudices de fortune s’étend, en dérogation partielle à l’art. 8 CGA, aux prétentions qui sont formulées contre un assuré pendant la validité de la police (durée du contrat et durée d’assurance subséquente).
2. Est considéré comme moment où les prétentions sont formulées, celui où un assuré prend pour la première fois connaissance de circonstances selon lesquelles il doit s’attendre à ce que des prétentions soient émises contre lui ou contre un autre assuré, au plus tard au moment où une prétention est élevée oralement ou par écrit.
(…)"
3. a) Le demandeur a été l’unique administrateur, avec signature individuelle, de la société M.__SA ayant son siège à Zoug depuis sa fondation le 18 septembre 2000 jusqu’en octobre 2002. Depuis lors, il en a été le président du conseil d’administration, qui comptait trois autres membres, [...], [...] et [...] [...].
Cette société avait pour but (trad. de l’allemand) :
"conseils et services ressortant du domaine de la distribution et de l’organisation de vente de marchandises, import, export, achat, vente et distribution de produits bruts ou manufacturés de toute sorte, opérations financières, emprunts, prêts et gestion de fonds sans faire appel au public, création, acquisition, exploitation d’entreprises de toute nature, participations dans d’autres entreprises".
Elle avait, en tout cas encore en 2003, des succursales notamment à Genève et à […]. La succursale genevoise de M.__SA, sise rue [...], 1204 Genève, a été radiée du Registre du Commerce le 8 janvier 2004.
Au 15 décembre 2005, la société M.__SA continuait d’exister, avec son siège à Zoug.
b) Le demandeur a été membre du conseil d’administration de la société anonyme I.__AG ayant son siège à Bâle, depuis le mois de juillet 2002 jusqu’à sa dissolution et son entrée en liquidation le 25 septembre 2002, sous la raison sociale I.__AG in Liq. Devenu liquidateur de cette société, avec signature individuelle, le demandeur a été inscrit comme tel au Registre du commerce le 27 septembre 2002, ce qui fut publié dans la FOSC du
4 octobre 2002.
4. a) Une convention a été signée à Genève le 15 juillet 2003, dont la teneur est la suivante :
b) Le même jour à 11h00, la somme de 150'000 euros a été prélevée sur le compte abc.__ dont est titulaire la société M.__SA, laquelle avait indiqué en août 2002 que XL.__ et YL.__ étaient les ayants-droit économiques de ce compte.
La contre-valeur en francs suisses de ce prélèvement de
150'000 euros était de 235'050 fr., valeur au 15 juillet 2003.
Avant le prélèvement des 150'000 euros, le solde du compte précité était de 235'552 fr. 10.
5. a) Le demandeur a déposé plainte pénale auprès de la police judiciaire de Genève et s’est constitué partie civile à raison de faits survenus le
15 juillet 2003.
Dans le cadre de la procédure pénale, le demandeur et B.__ soutiennent avoir conclu un arrangement avec des personnes mal intentionnées. Ils leur auraient remis la somme de 150'000 euros, qui venait de leur être prêtée par I.__AG en liquidation, en contrepartie d’un prêt qu’ils souhaitaient obtenir pour créer une société en Serbie. Ils n’auraient jamais perçu l’argent de ce second prêt, et leurs cocontractants auraient pris la fuite avec les 150'000 euros.
La "déclaration-plainte" du demandeur du 18 juillet 2003 indique notamment ce qui suit :
"Je suis accompagné de M. B.__, co-fondateur de la fondation F.__D.O.O. NOVISAD, République de Serbie et Monténégro. Dans le cadre des activités de cette fondation, nous avons mis en place un projet qui consiste à transférer la production d’une société suisse de [...] qui est en sursis concordataire en Serbie auprès de notre nouvelle société.
Pour ce faire nous avons besoin d’un financement. Récemment mon ami B.__ a été contacté, par une ancienne connaissance qui se trouve en Italie, M. N.__ qui réside à Milan.
(…)
Il a été convenu d’un rendez-vous à Milan où je me suis rendu avec
M. B.__ au début juin 2003. (…) Il [N.__] nous a, dès lors, mis en contact avec un certain M. D.__ se trouvant en Suisse. (…)
(…) plusieurs échanges par e-mail ont eu lieu entre M. B.__ et
M. D.__ ce qui a abouti à un contrat définitif que nous vous remettons et qui est signé par M. B.__, M. D.__ et moi-même. Nous vous remettons trois exemplaires originaux.
Ce contrat prévoyait un prêt de 4,5 mis d’euros qui nous serait remis par tranches, (…). Pour notre part, nous devions verser d’emblée
150'000.-euros correspondant à 10% de la première tranche ce qui équivalait à l’amortissement. Il était d’autre part convenu que 20% du prêt serait versé en numéraire et le solde de 80% par virement bancaire. (...)"
b) B.__ a également déposé plainte le même jour. Il a notamment déclaré ce qui suit :
"(…) plusieurs échanges par e-mail ont eu lieu entre moi et M. D.__ ce qui a abouti à un contrat définitif que je vous remets et qui est signé par
M. T.__, M. D.__ et moi-même. (…)
Ce contrat prévoyait un prêt en francs suisses de la contre-valeur de
400'000.euros. Nous devions pour notre part apporter une somme de
Euros 150'000.-. "
6. Le 29 juillet 2003, le demandeur a adressé à la défenderesse une déclaration de sinistre dont la teneur est la suivante :
7. a) Par courrier du 30 juillet 2003, la défenderesse a refusé de prendre en charge le sinistre, exposant notamment ce qui suit :
"(…)
Vous avez agi en tant que liquidateur de I.__AG (en liquidation) et le présent sinistre, (…) est en relation avec la fonction précitée. Or, celle-ci ne fait pas partie du risque "fiduciaire", seul assuré par le contrat vous liant à notre compagnie.
En outre, même dans le cadre de l’activité de fiduciaire, les prétentions pour les dommages causés à I.__AG ne seraient couvertes que si l’activité de liquidateur était assurée. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, à défaut de convention particulière. Vous voudrez bien vous référer à ce sujet à l’article 3, lettre a) des conditions générales complémentaires annexées à votre contrat d’assurance. (…)"
b) Par courrier du 12 août 2003, le demandeur a contesté la position de l’assureur, argumentant en substance que les conditions générales d’assurance couvraient également le risque de l’activité de liquidateur.
c) Par courrier du 21 août 2003 à l’adresse du demandeur, la défenderesse a partiellement revu sa position, s’exprimant notamment en ces termes :
"(…) Après réexamen du cas, nous admettons que l’activité en tant que liquidateur dans le cadre d’une fiduciaire est assurée. Ceci pour autant toutefois qu’il s’agisse d’actes nécessités par la liquidation, conformément à l’art. 743 CO. Or, il nous semble à priori que le fait de prêter de l’argent à la société F.__D.O.O. ne rentre pas dans cette notion. (…)"
Par courriers des 26 et 30 août 2003, le demandeur a répondu à la défenderesse en maintenant sa position.
8. a) Le 30 août 2003, K.__ a notamment déclaré au juge d’instruction genevois ce qui suit :
"Je reconnais partiellement les faits qui me sont reprochés. J’ai effectivement pris la somme de EUR 150'000.que M. B.__ et
M. T.__ m’avaient remise. Il est également exact qu’en contrepartie de cette somme, je leur avais auparavant remis CHF 700'000.en billets de
CHF 1'000.qui étaient cependant des facsimilés de coupures de
CHF 1'000.-, étant précisé qu’il y avait notamment 3 vrais billets de
CHF 1'000.-."
b) Il n’est pas établi que le contrat signé le 15 juillet 2003 entre I.__AG en liquidation et F.__D.O.O. ait été rédigé et signé avant que le demandeur et B.__ remettent la somme de 150'000 euros à K.__.
c) Par lettre du 30 septembre 2003, la société M.__SA a licencié B.__ pour le 30 novembre 2003.
9. a) Selon le procès-verbal d’audience du 7 octobre 2003, B.__ a notamment déclaré ce qui suit au juge d’instruction genevois :
"Je recherchais, avec M : T.__, au travers de la Fondation F.__D.O.O., des fonds pour le transfert d’une usine suisse vers la Serbie. Il s’agissait de la société Z.__, qui est actuellement en Suisse et qui devait être transférée à Novisad.
La Fondation F.__D.O.O. fait de l’humanitaire. Elle appartient à
M. T.__. Le transfert aurait été fait par la Fondation […] (phon.).
En fait, F.__D.O.O. n’est pas une fondation, mais une société. J’ai été cofondateur de la société en Serbie.
Il est exact que la société Z.__ est en sursis concordataire et a cessé ses activités. M. T.__ en est le liquidateur. Il n’avait aucune part dans la société, moi non plus. M. T.__ utilise les documents de la Fondation […] tant que la société F.__D.O.O. était en formation.
Nous devions conserver la marque Z.__ et F.__D.O.O. serait devenue la société qui aurait utilisé la marque en Serbie. F.__D.O.O. devait être inscrite en Serbie. Nous étions cofondateurs, en ce sens que nous devions avancer € 4 millions pour sa constitution et les investissements.
(…)
Je crois que M. T.__ est le président de la fondation […]. J’ai été engagé par la fiduciaire M.__SA pour m’occuper du projet, soit démontage de l’usine et déplacement, dans son aspect technique. Par la suite, je prenais des parts dans la société F.__D.O.O.."
b) Entendu le même jour, le demandeur a notamment déclaré ce qui suit au juge d’instruction genevois :
"Je suis expert comptable et j’ai deux fiduciaires, l’une SA qui s’occupe de la gestion et administration des sociétés, et une société individuelle qui s’occupe de la révision fiscale, expertises, etc.
Dans le cadre de cette activité, je suis liquidateur de la raison individuelle Z.__, soit Z.__ Machines Agricoles à [...]. La société est actuellement en liquidation concordataire. Elle possède un important stock de machines agricoles et de pièces détachées, soit
500 tonnes de matériel.
Pour liquider ce stock dans de bonnes conditions, j’ai cherché un pays de destination, soit la Serbie. Très vite, je me suis trouvé confronté à un problème technique et également à un problème de capacité de temps. J’ai donc engagé le 1er novembre 2002 M. B.__, ingénieur de métier, par le biais de M.__SA, afin de planifier le projet, m’aider à trouver un financement.
(…)
C’est moi personnellement qui ai fait l’apport des € 150'000.--.
M. B.__ n’avait pas les moyens de faire un apport. Par contre il apportait à F.__D.O.O. son savoir-faire.
(…)
Le 15 juillet nous avions rendez-vous à 11h30 à l’Hôtel des Bergues pour y rencontrer M. D.__.
(…)
Nous arrivons à l’Hôtel [...]. Précédemment, j’avais retiré les
€ 150'000.-- de la banque et je les avais placés dans une caisse à outils que j’avais cadenassée. J’avais mis l’argent dans cette caisse, qui pèse près de 20 kgs, parce que je ne voulais pas me le faire voler, par n’importe qui, et il est plus difficile de courir avec une caisse à outils plutôt qu’avec une serviette.
J’avais pris la précaution de ne pas mettre de costume, et d’avoir une clé à molette dans la main, comme si j’étais un ouvrier.
(…)
Je refuse de répondre à la question de savoir si cet argent provient d’un compte personnel. Il suffit de dire que c’est mon argent. C’est de l’argent que j’ai emprunté à des tiers et je leur suis aujourd’hui redevable.
(…)
Les comptes au [...] étaient des sous-comptes de la fiduciaire, rubrique "F.__D.O.O.". Nous aurions dû remettre au [...] tous les documents relatifs à la création de la société et notamment la formule A. Il n’était pas prévu que F.__D.O.O. soit une société suisse. J’ai prélevé l’argent auprès du [...]. (…)"
10. Par courrier de son conseil au juge d’instruction du
12 novembre 2003, B.__ a notamment exposé ce qui suit :
"1.- T.__ est le propriétaire de la fiduciaire M.__SA. Il est le liquidateur de la société Z.__, qui est en sursis concordataire. Cette société possède un important stock de pièces, de machines agricoles et de machines outils. Dans le cadre de cette procédure de liquidation, Monsieur T.__ a conçu un projet en vue de mettre en valeur ce stock, en créant à cet effet une société en Serbie. Pour la réalisation de ce projet, la fiduciaire M.__SA a engagé B.__ en novembre 2002. Celui-ci apportait le know-how pour mener à bien ce projet.
2.- Conjointement avec des partenaires serbes, B.__ devait, dans ce cadre, créer la société F.__D.O.O. à Novisad en Serbie. Monsieur B.__ devait détenir le cinquante pourcent des actions de cette société, selon le projet de statuts du 15 avril 2003 ci-annexé (pièce 1 du chargé de pièces).
3.- Dans ce cadre également, Monsieur B.__ a été chargé de trouver un financement pour réaliser ce projet en Serbie. (…)"
11. a) Par courrier du 15 janvier 2004, la défenderesse a fait savoir au demandeur qu’elle maintenait sa position exprimée le 21 août précédent.
b) Le 22 avril 2004, le conseil du demandeur a notamment adressé les lignes suivantes à la défenderesse :
"Je suis consulté par Monsieur T.__, ce dont je vous prie de prendre bonne note.
Monsieur T.__ m’a transmis en particulier votre correspondance du
15 janvier 2004, ainsi que le rapport d’analyse établi par la Fiduciaire […] à [...] le 17 décembre 2003.
Une analyse attentive du dossier m‘amène aux remarques suivantes :
1. Je relève tout d’abord qu’il est établi et admis que l’activité de liquidateur dans le cadre de la Fiduciaire de mon client est couverte par la Police d’assurance citée en référence (cf. échange de correspondances des 12 et 21 août 2003). Il est indiscutable que, lorsqu’il a signé le contrat de prêt au nom et pour le compte de la société I.__AG, en liquidation, il a agi en qualité de liquidateur, et non à un autre titre. C’est l’évidence. Il dispose de la signature individuelle en cette qualité. Seule sa qualité de liquidateur lui autorisait à octroyer le prêt en question. Il en résulte que, sur le principe, l’action de T.__ est couverte par la Police d’assurance auprès de votre établissement.
2. Dans son rapport, en page 5, la Fiduciaire […] soutient que la société F.__D.O.O. – société qui n’a jamais été créée, mais qui l’aurait été en vertu du droit de la République de Serbie et du Monténégro si elle avait vu le jour -, respectivement ses fondateurs auraient une responsabilité à l’égard de la société I.__AG, responsabilité que, selon ce rapport, cette dernière devrait mettre en œuvre prioritairement. Ce raisonnement ne tient pas, au regard des circonstances de la cause. En effet, l’acte générateur de dommage et, partant, qui engage une responsabilité, est manifestement le contrat de prêt signé par le liquidateur. I.__AG ne dispose d’aucune action contre F.__D.O.O., respectivement contre ses fondateurs. L’acte illicite a été commis par le liquidateur dans le cadre de son opération de liquidation. C’est exclusivement contre Monsieur T.__ en sa qualité de liquidateur d’I.__AG que cette dernière peut agir. C’est dire que, sur le principe, la responsabilité du liquidateur T.__ apparaît clairement engagée.
3. Sous l’angle de la limitation de l’étendue de l’assurance, il y a lieu de relever que selon l’article 3 d des Conditions générales d’assurances, l’assurance pour les préjudices de fortune ne couvre pas les prétentions pour les dommages que l’assuré a causé par des infractions lors du paiement ou de l’encaissement de sommes d’argent. En l’occurrence, le terme "infraction" se réfère manifestement à la notion reposant sur le droit pénal. Il s’agit donc d’un crime, d’une délit ou d’une contravention lors du paiement ou l’encaissement de la somme d’argent. En l’espèce, il ne fait aucun doute que Monsieur T.__ n’a commis aucune infraction pénale. D’ailleurs, une enquête est en cours auprès du Juge d’instruction de Genève, enquête dans laquelle, à aucun moment, il n’a été question d’inquiéter Monsieur T.__. Il n’y a donc aucune place pour une limitation de la responsabilité, sous réserve bien entendu, de la franchise contractuelle.
4. Le préjudice est clair. Comme je le soulignais plus haut, contrairement à ce que soutient la Fiduciaire […] dans son rapport du
17 décembre 2003, I.__AG ne dispose d’aucune voie pour réclamer à la société – inexistante - F.__D.O.O., respectivement à ses fondateurs, le remboursement de son préjudice. La seule voie à sa disposition est d’actionner la responsabilité du liquidateur, responsabilité qui est couverte par la police [...].
Par suite, je vous prie de vouloir bien reconsidérer votre position, dans le sens d’une prise en charge de ce sinistre. (…)"
12. Lors d’une nouvelle audience du 25 mai 2004 devant le juge d’instruction genevois, B.__ a déclaré qu’il se sentait moralement responsable de ce qui était arrivé au demandeur et qu’il ne supportait pas cette idée. Il a également déclaré ce qui suit :
"(…) Nous avons discuté des montants des versements, N.__ a demandé que nous fassions des efforts sur ce que nous devions avancer. Il s’agissait de la garantie que nous devions leur verser. Il ne s’agissait ni d’un amortissement, ni d’un intérêt, c’était à fond perdu. Nous avons fini par convenir qu’il s’agirait d’un montant de € 150'000.-. Nous devions faire cet apport si nous voulions ce financement. Aucun intérêt n’était prévu. Nous n’aurions dû rembourser que le capital. (…)"
13. Par courrier du 26 mai 2004 adressé au conseil du demandeur, la défenderesse a maintenu sa position.
14. a) Par ordonnance du 22 juillet 2004, R.__ et K.__ ont été renvoyés en jugement devant la Cour correctionnelle sans jury de la République et canton de Genève comme accusés d’escroquerie, notamment pour s’être fait remettre 150'000 euros par T.__ et B.__, en contrepartie de l’équivalent de 400'000 euros en billets de 1'000 fr., dont seuls trois d’entre eux étaient authentiques.
b) Il n'est pas établi que le butin aurait été retrouvé.
15. Dans ses conclusions civiles motivées du 26 octobre 2004, déposées dans le cadre de l’affaire pénale précitée et aux termes desquelles il requiert que K.__ et R.__ soient condamnés, solidairement entre eux, à s’acquitter en ses mains du montant de 150'000 euros avec intérêts à 5% l’an dès le 15 juillet 2003, le demandeur expose notamment ce qui suit :
"(…) il était convenu que 20% du prêt serait versé en numéraire et le solde de 80%, par virement bancaire, les emprunteurs, savoir B.__ et T.__, pour le compte de la société en formation en Serbie, devant d’emblée s’acquitter d’un montant de EUR 150'000.- à titre de commission,
(…)
Que T.__ a emprunté, à titre personnel, le montant de
EUR 150'000.-, pour exécuter cette transaction, (…)"
16. La liquidation de la société I.__AG devenue I.__AG in Liq. était terminée selon inscription au Registre du Commerce du 8 décembre 2004. La société I.__AG en liquidation a été radiée du Registre du commerce le
25 avril 2005.
17. Il est admis que le demandeur n’a fait l’objet d’aucune ouverture d’action en responsabilité de la part d’I.__AG, respectivement I.__AG en liquidation.
18. En cours d’instance, une expertise a été confiée à [...] de la Fiduciaire [...] S.A., qui a déposé un rapport d’expertise le 26 juin 2012 et un rapport complémentaire le 11 juin 2013. Les constatations et conclusions de l’expert sont en substance les suivantes.
a) La société I.__AG est entrée en liquidation au mois de septembre 2002, par décision de l’assemblée générale du 25 septembre 2002. Le demandeur a été désigné en qualité de liquidateur avec signature individuelle. L’ayant-droit économique de la société est XL.__, ressortissant allemand ayant vécu à Pully avant de s’installer en Allemagne en 2003. Le demandeur a été le mandataire de XL.__ pour ses affaires privées et il se chargeait notamment des contacts avec l’administration fiscale pour l’imposition de son client.
Le demandeur a exécuté son mandat de liquidateur depuis que la société I.__AG est entrée en liquidation, se chargeant principalement des questions fiscales et notamment du paiement des impôts. De façon à agir plus librement, le demandeur a ouvert un compte courant auprès du [...] (compte n. abc.__, rubrique - L.__ -) au nom de la société M.__SA succursale de Genève, sur lequel le disponible de la société I.__AG a été transféré.
Le disponible de ce compte courant servait d’une façon générale à la liquidation des affaires des époux L.__ en Suisse, essentiellement en relation avec la société I.__AG. L’actif conservé sur ce compte ne devait pas uniquement servir au paiement de l’impôt anticipé sur le dividende de liquidation. Le demandeur y conservait le disponible pour tous les paiements encore dus par I.__AG dans le cadre de sa liquidation, dont une grande partie concernait les impôts dus par la société. Le compte a également été utilisé pour certains paiements concernant la liquidation des affaires privées des époux L.__.
Le compte affichait un solde de 320'566 fr. 30 au 1er avril 2004.
b) Les ayants-droit du compte et par conséquent de la société I.__AG en liquidation étaient les époux L.__. Ceux-ci n’ont jamais fait partie des membres de l’administration de la société, mais ils en étaient les seuls actionnaires et toutes les opérations comptabilisées sur le compte abc.__ les concernaient.
Les époux L.__ ne sont jamais apparus parmi les membres de l’administration de la société I.__AG. Cette société a toutefois fusionné le
27 juin 2002 avec la société […] à Zoug, dont le capital était détenu à 100% par les époux L.__.
c) Le 15 juillet 2003, le demandeur a prélevé 150'000 euros en cash sur le compte-courant abc.__, dans le but d’accorder un prêt à la société en formation F.__D.O.O. à Novisad, en Serbie. Ce prélèvement était sans aucun rapport avec les opérations de liquidation de la société I.__AG.
Le prélèvement ne s'inscrivait en aucune façon dans le cadre d'une gestion adéquate des biens de cette société.
De plus, les 150'000 euros ont été volés et n'ont pas été remboursés par les condamnés. Il est clairement inimaginable que les euros volés soient réapparus plusieurs années après.
La somme en cause a bien été prélevée pour ensuite être versée aux représentants de la société F.__D.O.O., avant d’être volée; de même, il est clair qu’économiquement, le lésé est bien l’entité auprès de laquelle le prélèvement a été fait.
d) Le demandeur n'informait pas ses mandants des opérations de liquidation de la société I.__AG par la production des relevés bancaires, le compte étant au nom de la société M.__SA. Il établissait un tableau listant les opérations relatives à la liquidation, qu'il mettait régulièrement à jour et transmettait aux époux L.__. Ce tableau ne faisait pas mention du prélèvement de 150'000.euros. L'expert en conclut que le demandeur n’a pas informé ses mandants de l’opération en question et qu’elle a été dissimulée en permanence, de sorte qu’au 26 juin 2012 (date de l'expertise), il était encore possible que les époux L.__ n’aient jamais eu connaissance des ennuis du demandeur.
e) Après le prélèvement effectué le 15 juillet 2003, le demandeur s’est trouvé à cours de liquidités pour effectuer les divers paiements encore dus par I.__AG dans le cadre de sa liquidation. Un défaut de paiement n’aurait pas manqué d’attirer l’attention des époux L.__, ce que le demandeur voulait éviter. Ainsi, le demandeur a essayé de s’arranger avec les créanciers ou a payé des échéances de sa poche (respectivement par l’intermédiaire de sa société M.__SA), alors que le tableau par lequel il informait ses mandants des opérations de liquidation de la société I.__AG, ne reflétait pas ces opérations. Le demandeur a donc tout mis en œuvre afin d'éviter que ses mandants n'aient connaissance de sa mésaventure.
L’expert énumère diverses opérations effectuées par le demandeur avec les précisions suivantes :
- Le 11 août 2003, un montant de 100 fr. a été versé sur le compte abc.__ afin de couvrir le solde débiteur réel. Ce versement n’apparaît pas dans le tableau puisque ce dernier affiche un solde positif à hauteur de 235'552 fr. 10.
- Le 26 janvier 2004 le tableau fait état d’un décompte final de liquidation "T.__" ([...]) concernant I.__AG. Ce montant n’a toutefois jamais été débité du compte.
- Dans le tableau, le demandeur reporte au débit du compte le montant total de l’impôt fédéral direct 2002, soit un montant de 67'226 fr.50. En réalité, le paiement ne peut pas être effectué. Par conséquent, le demandeur a trouvé un arrangement avec l’autorité fiscale pour échelonner les paiements en douze tranches. Deux virements de CHF 5'010 fr. sont faits à partir du compte abc.__ les 1er avril et 4 mai 2004. Les autres versements ont, selon l’expert, été faits par le demandeur ou sa société M.__SA à partir d’autres comptes.
- De façon à ne pas léser ses clients, le demandeur a tenu à jour un calcul d’intérêt sur la trésorerie sans tenir compte du prélèvement du 15 juillet 2003 et il a dû verser ces intérêts de sa poche.
- Le 16 janvier 2005 le tableau fait mention au débit du compte du décompte final d’impôt pour le montant de 3'460 fr. 05 alors qu’en réalité aucun paiement n’est fait au moyen du compte abc.__.
- En 2005 et par deux fois en 2008, le demandeur a produit des notes d’honoraires (pour un montant total de CHF 12'420 fr.) portées comme dépenses dans le tableau, sans qu’aucun prélèvement n’ait été en réalité effectué sur le compte. Cela permettra de diminuer le solde dû aux mandants lors du versement du dividende de liquidation.
- Pour finaliser les opérations de liquidation de la société, laquelle a, pour mémoire, été radiée le 19 avril 2005, la société M.__SA a versé sur le compte abc.__ la somme de 142'188 fr.76 le 18 septembre 2008. Le demandeur a ensuite pu solder le compte et transférer en faveur de ses mandants le montant de 142'472 fr.73 le 21 octobre 2008, versement clôturant la liquidation de la société I.__AG.
- Le 31 janvier 2007, la société M.__SA à [...] a versé
1'489 fr. 05 sur le compte afin que les intérêts en faveur de Madame YL.__ puissent être payés.
L’expert explique par ailleurs que certains paiements comme par exemple celui du décompte final d’impôt du 16 janvier 2005 - n’ont pas été effectués au moyen du compte abc.__. Il s’est toutefois dit convaincu que ces paiements ont été effectués, puisque d’une part, un défaut de paiement aurait éveillé l’attention et que d’autre part, à défaut, la société I.__AG en liquidation n’aurait pas pu être radiée. Il relève à cet égard qu’à l’exception d’un versement de 7259 fr. 50 effectué le 5 septembre 2006 par le demandeur lui-même, l’ensemble des autres versements proviennent de la société M.__SA. Selon l’expert, c’est sans doute également le cas des autres paiements et bien que l’on ne puisse exclure que certains versements aient été faits par le demandeur lui-même, ce dernier devenait alors créancier de sa société. L’expert rappelle en outre que le liquidateur de la société I.__AG en liquidation était le demandeur lui-même et non pas la société M.__SA.
f) En définitive, le demandeur a intégralement compensé le dommage causé à ses mandants, intérêts compris, sans jamais leur donner la moindre idée qu’il ait pu agir contrairement à leurs intérêts. Le demandeur a donc, par lui-même ou par l’intermédiaire de sa société M.__SA, versé à ses mandants au total 246'711 fr. 07, ce qui représente la compensation du prélèvement de
150'000 euros (235'650 fr.) avec intérêts.
7. Par demande du 30 août 2004 déposée à l’encontre de la défenderesse, le demandeur a conclu, avec suite de frais et dépens, à ce qu’il soit prononcé qu’elle est sa débitrice et lui doit immédiat paiement d’un montant de 128'450 fr. avec intérêt à 5% l’an dès le 15 juillet 2003.
La défenderesse a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet des conclusions de la demande par réponse du 19 mai 2005.
Le 25 juillet 2007, le procès été suspendu en raison de l’ouverture de la faillite du demandeur le 21 mai 2007. Il a été repris le 16 mars 2011, la société M.__SA ayant repris la place du demandeur (cession de droit,
art. 260 LP, loi sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889; RS 281.1).
Par la suite, la faillite de T.__ a été révoquée. Ainsi, après une nouvelle substitution fondée sur une rétrocession de ses droits, T.__ a repris sa qualité de demandeur. Le 4 décembre 2013, la défenderesse a expressément accepté ce mode de procéder, requérant que le demandeur soit invité à se déterminer sur les actes de procédure entrepris par M.__SA.
Le 12 décembre 2013, le demandeur a confirmé qu’il faisait siens les actes de procédure accomplis par cette dernière.
En droit:
I. a) Le Code de procédure civile est entré en vigueur le 1er janvier 2011 afin de régler la procédure applicable devant les juridictions cantonales, notamment aux affaire civiles contentieuses (art. 1 let. a CPC, Code de procédure civile du 19 décembre 2008, RS 272). L'art. 404 al. 1 CPC dispose que les procédures en cours à l'entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l'ancien droit de procédure jusqu'à la clôture de l'instance. Cette règle vaut pour toutes les procédures en cours, quelle que soit leur nature (Tappy, Le droit transitoire applicable lors de l'introduction de la nouvelle procédure civile unifiée, publié in JT 2010 III 11, p. 19).
Aux termes de l'art. 166 CDPJ (Code de droit privé judiciaire vaudois du 12 janvier 2010, RSV 211.02), les règles de compétences matérielles applicables avant l'entrée en vigueur de la présente loi demeurent applicables aux causes pendantes devant les autorités civiles ou administratives (Tappy, op. cit., p. 14).
b) En l'espèce, la demande a été déposée le 30 août 2004, soit avant l'entrée en vigueur du CPC. L'instance a donc été ouverte sous l'empire du CPC-VD (Code de procédure civile vaudoise du 14 décembre 1966, dans sa version au 31 décembre 2010, RSV 270.11) et n'est pas close à ce jour. Il convient dès lors d'appliquer le CPC-VD à la présente cause. Les dispositions de la loi d'organisation judiciaire du 12 décembre 1979 (ci-après : LOJV, RSV 173.01), dans leur teneur en vigueur au 31 décembre 2010, sont également applicables.
II. a) Le demandeur fait valoir qu’il a concédé, en qualité de liquidateur, un prêt au nom et pour le compte de la société I.__AG en liquidation, ce qui serait entré dans ses "autres obligations" de liquidateur selon l’art. 743 CO. Il soutient que la conclusion de ce prêt et la remise de l’argent à des personnes mal intentionnées ont impliqué la perte de cet argent, ceci ayant entraîné un dommage à la société I.__AG en liquidation. Il aurait lui-même remboursé la somme utilisée, qui serait égale au dommage de la société, pour éviter une action en responsabilité et pour ne pas péjorer la situation de la société.
b) La défenderesse fait valoir que la somme de 150'000 euros a été prélevée sur un compte ouvert au nom de la société M.__SA dont le demandeur était l’administrateur et non sur un compte de la société I.__AG en liquidation. Elle ajoute que la société M.__SA n’est pas couverte par la police d’assurance. Elle soutient encore que le demandeur lui-même n’a subi aucun dommage couvert par l’assurance responsabilité civile, pas plus que la société I.__AG en liquidation.
III. Avant d’examiner le bien fondé des prétentions du demandeur, il y a lieu de déterminer la nature du contrat conclu entre les parties.
La LCA (Loi sur le contrat d’assurance du 2 avril 1908, RS 221.229.1) distingue deux sortes de contrat d’assurance : l’assurance contre les dommages
(art. 48 ss LCA) et l’assurance des personnes (art. 73 ss LCA). L’assurance contre les dommages tend à couvrir un préjudice patrimonial. Dans cette catégorie, on distingue l’assurance des choses et l’assurance du patrimoine. La seconde couvre l’assuré contre le risque de devoir payer une somme à autrui, le cas le plus important étant celui où la responsabilité de l’assuré est engagée à l’égard d’un tiers et qu’il doit verser des dommages intérêts et/ou une indemnité pour tort moral. On parle alors d’assurance responsabilité civile (art. 59 et 60 LCA). Cette assurance peut notamment couvrir les risques liés à l’exercice d’une activité professionnelle
(Corboz, Le contrat d’assurance dans la jurisprudence récente, SJ 2011 II 247 ss, pp. 249-250).
En l’espèce, il n’est pas contesté que les parties sont liées par contrat d’assurance responsabilité civile du 17 mai 2000, en vigueur depuis le
17 avril 2000, sur lequel le demandeur fonde sa prétention. Il n’est pas non plus contesté que le demandeur réclame la réparation d’une atteinte au patrimoine.
IV. Lorsqu’une prestation d’assurance est réclamée, il faut en premier lieu examiner si elle l'est par l’ayant-droit, c'est-à-dire par la personne ayant la qualité pour la faire valoir. En effet, le lésé n’a en principe pas d’action directe contre l’assureur (Corboz, op. cit., p. 259).
En l’espèce, le preneur d’assurance figure parmi les personnes assurées selon l’art. 2 al. 1 CGA. Le demandeur est donc bien l’ayant-droit de la prestation d’assurance qu’il réclame, dès lors qu’il est titulaire de la police d’assurance du 17 mai 2000.
V. a) Le sinistre se définit comme la réalisation du risque assuré, soit la survenance de l’événement redouté en vue duquel le contrat a été conclu
(ATF 136 III 334 consid. 3). L’assurance responsabilité civile protège le patrimoine de l’assuré. Le risque peut consister en le devoir pour l’assuré de payer des dommages intérêts au lésé et/ou en des dépenses pour se défendre contre des prétentions excessives ou infondées (TF 5C.237/2001 du 11 janvier 2002,
consid. 3a, résumé in SJ 2002 I 272). C’est d’ailleurs bien là l'objet de la couverture prévue par l’art. 4 let. a CGC du contrat de responsabilité civile entre le demandeur et la défenderesse.
Le dommage que subit l’assuré doit être distingué du dommage que l'assuré cause au lésé. En effet, l’assurance a en principe pour objet le patrimoine de l’assuré et non celui du lésé (Brehm, Le contrat d’assurance RC,
N. 182 et 183 p. 82). Compte tenu de cette distinction, il est controversé de savoir à partir de quel moment on peut parler de sinistre au sens de l’art. 38 LCA, c'est-à-dire à partir de quel moment l’assureur doit effectuer sa prestation. Une partie de la doctrine est d’avis que l’on se trouve en présence d’un sinistre dès que le lésé est en droit de demander réparation au responsable, soit dès que le dommage est causé. De nombreux auteurs admettent toutefois qu’une atteinte certaine au patrimoine de l’assuré est nécessaire, dès lors qu’il est des cas où, volontairement ou non (comme en l’espèce), le lésé renonce à formuler des prétentions contre le responsable. Selon ces auteurs, il faudrait encore une atteinte certaine au patrimoine de l’assuré, soit l’objet de l’assurance. En d’autres termes, le lésé devrait encore s’en prendre à l’assuré responsable et que celui-ci doive engager des frais de défense ou payer des dommages et intérêts pour que l’assureur soit dans l’obligation de fournir sa prestation (Brehm, op. cit., N. 23 à 29 p. 30 ss).
Le Tribunal fédéral a tranché dans le sens de cette seconde solution à diverses reprises avant de finalement laisser la question ouverte (ATF 56 II 212 consid. 3; ATF 100 II 403 consid. 3). Il a en effet jugé que la controverse était partiellement théorique, dès lors que les parties sont libres de définir le risque autant que de fixer les conditions nécessaires à sa réalisation. C’est ainsi que la plupart des assureurs garantissent leurs prestations dès qu’un dommage au tiers est "causé", alors que certains exigent que des prétentions en dommages intérêts du lésé soient élevées à l’encontre de l’assuré pendant la durée du contrat
(TF 5C.237/2001 du 11 janvier 2002 consid. 3b, résumé in : SJ 2002 I 272).
b) En l’espèce, l'art. 4 let. a CGC dispose que les prestations de l'assureur consistent en le paiement d’indemnités dues en cas de prétentions justifiées et dans la défense des assurés contre les prétentions injustifiées.
L’art. 6 ch. 1 CGC prévoit que l’assurance des préjudices de fortune s’étend, en dérogation partielle à l’art. 8 CGA, aux prétentions qui sont formulées contre un assuré pendant la validité de la police (durée du contrat et durée d’assurance subséquente). Le ch. 2 du même article précise qu’est considéré comme moment où les prétentions sont formulées, celui où un assuré prend pour la première fois connaissance de circonstances selon lesquelles il doit s’attendre à ce que des prétentions soient émises contre lui ou contre un autre assuré, au plus tard au moment où une prétention est élevée oralement ou par écrit.
Après le vol des 150'000 euros le 15 juillet 2003 à Genève, le demandeur a déposé une plainte pénale le 18 juillet 2003, puis il a fait parvenir une déclaration de sinistre à la défenderesse le 29 juillet suivant. Les parties ont échangé divers courriers avant que la défenderesse ne confirme une dernière fois son refus de couvrir le cas le 26 mai 2004. Le demandeur a alors ouvert action le
30 août 2004.
A dire d’expert, le demandeur rendait compte de son activité de liquidateur auprès de ses mandants, non par des relevés de compte mais par un tableau qu’il mettait à jour. Après les événements du 15 juillet 2003, le demandeur était à cours de liquidités pour effectuer les divers paiements relatifs à la liquidation de la société I.__AG. Sachant qu’un défaut de paiement n’aurait pas manqué d’attirer l’attention de ses mandants sur le prélèvement des 150'000 euros qu’il voulait manifestement leur cacher, le demandeur s’est alors arrangé avec les créanciers ou a payé des échéances, la plupart du temps par l’intermédiaire de sa société M.__SA. L’expert a relevé que le tableau tenu à jour par le demandeur à l’attention de ses mandants ne faisait pas mention du prélèvement de 150'000 euros ni des problèmes de liquidités qui s’en sont suivis (échelonnement des impôts, non-prélèvement des honoraires, calcul des intérêts sans le prélèvement, etc.). Enfin, par l’intermédiaire de la société M.__SA, le demandeur a versé la somme de 142'188 fr. 76 sur le compte abc.__ le 18 septembre 2008, ce qui lui a permis de solder le compte et de transférer le dividende de liquidation qui aurait été dû à ses mandants à défaut du prélèvement de 150'000 euros, intérêts compris.
Au vu de ce qui précède, on doit retenir que le demandeur n’a pas informé ses mandants du prélèvement, pas plus que des diverses opérations qui ont servi à le dissimuler. En juin 2012, date de l'expertise, il était donc encore probable que ceux-ci aient ignoré les déboires qu’avait connu le demandeur. De plus, le demandeur a admis que ni la société I.__AG ni la société I.__AG en liquidation n’avaient ouvert action en responsabilité à son encontre.
On ne peut évidemment pas reprocher au demandeur d’avoir remboursé le montant volé afin de réparer son erreur, d’autant que l’art. 31 LCA impose à l’assuré de tout faire pour minimiser le dommage. Ces agissements ont toutefois empêché I.__AG en liquidation, respectivement ses ayants-droit, de prendre connaissance du prêt et du retrait de 150'000 euros. Par conséquent, en raison du comportement du demandeur, I.__AG en liquidation et ses ayants-droit n'ont pas eu la possibilité de se déterminer sur une éventuelle créance et ils n'ont dès lors jamais été en mesure de formuler des prétention en dommages et intérêts à l'encontre du demandeur. Partant, ils n'ont pas non plus contraint ce dernier à engager des frais pour sa défense. En d'autres termes, le demandeur a rendu inopérant le mécanisme prévu par les art. 4 et 6 ch. 1 et 2 CGC. Or, ces dispositions exigent que le lésé formule une prétention à l’encontre de l’assuré, pour que celui-ci soit en droit de réclamer une indemnisation de la part de l'assureur. Il est donc douteux que les conclusions du demandeur puissent être admises pour ce motif déjà.
VI. a) Il convient, par interprétation du contrat, d’apprécier si les faits invoqués correspondent au sinistre assuré et dont la survenance entraîne l’obligation pour l’assureur de payer la prestation (Corboz, op. cit., p. 259). En d’autres termes, pour que l’assuré soit indemnisé, l’événement dommageable tel qu’il s’est produit doit être compris dans le champ de couverture du contrat et encore ne point en être expressément exclu. L’art. 33 LCA précise que sauf disposition contraire de la LCA, l'assureur répond de tous les événements qui présentent le caractère du risque contre les conséquences duquel l'assurance a été conclue, à moins que le contrat n'exclue certains événements d'une manière précise, non équivoque.
S’agissant de l’interprétation du contrat d’assurance, il y a lieu de se référer aux règles usuelles déduites de l’art. 18 al. 1 CO (loi fédérale du
30 mars 1911 complétant le Code civil suisse [livre cinquième : droit des obligations], RS 220), selon lequel le juge doit en premier lieu s’efforcer de rechercher la commune et réelle intention des parties. Il n'y a pas lieu de s'écarter du sens littéral du texte adopté par les intéressés lorsqu'il n'y a aucune raison sérieuse de penser qu'il ne correspond pas à leur volonté (TF 4C.447/2004 du 31 mars 2005 consid. 3.1, SJ 2005 I 417; ATF 130 III 417 consid. 3.2, JT 2004 I 268 et les références citées). A défaut, l’art. 33 LCA concrétise l’application du principe de la confiance, dans le cadre de l’interprétation du contrat d’assurance. Le principe de la confiance permet ainsi au juge, lorsqu’il ne parvient pas identifier la volonté commune des parties, d'imputer à l’une d’elles le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même s'il ne correspond pas à sa volonté intime (SJ 2013 I p. 146 consid. 2.3; Corboz, op. cit., pp. 256 - 257 et les références citées).
Lorsqu'un assureur se réfère à des conditions générales, il manifeste la volonté de s’engager selon les termes de celles-ci. Les conditions générales d’assurance expressément incorporées au contrat doivent être interprétées selon les mêmes principes juridiques que les autres dispositions contractuelles
(SJ 2013 I p. 146 consid. 2.3; ATF 135 III 1, consid. 3.2, JT 2011 I 516;
ATF 133 III 675 consid. 3.3, JT 2008 I 508; ATF 122 III 118, consid. 2a,
JT 1997 I 805). Ainsi, lorsqu'une volonté réelle et concordante n'a pas été constatée, il faut se demander comment le destinataire de cette manifestation de volonté pouvait la comprendre de bonne foi, soit procéder à une interprétation objective du texte.
En l’espèce, le raisonnement doit se faire en deux temps. Il convient en premier lieu d’examiner quelles activités sont couvertes par le contrat (b), puis il faut comparer ces activités aux faits invoqués par le demandeur (c).
b) Selon la police d’assurance du 17 mai 2000, le risque assuré est le risque "fiduciaire". L’art. 7 let. n. CGA dispose que sont exclus de l’assurance les prétentions pour des dommages économiques ne résultant ni d’une lésion corporelle assurée, ni d’un dégât matériel assuré causé à un lésé.
Outre les CGA éd. juin 1999, la police d’assurance du 17 mai 2000 se réfère aux CGC n. 1225 éd. juillet 1992 pour l’assurance responsabilité civile des avocats, notaires, fiduciaires et experts-comptables (ci-après CGC). L’art. 1 CGC indique qu’en dérogation de l’art. 7 let. n. CGA, la Compagnie garantit aussi les personnes assurées contre les prétentions en dommages intérêts formulées contre elles, en vertu de dispositions légales suisses de responsabilité civile, pour cause de préjudice de fortune, c’est-à-dire les dommages pécuniaires ne résultant pas d’atteintes à la santé de personnes (lésions corporelles) ou de la destruction, de l’endommagement ou de la perte de choses (dégâts matériels).
L’art. 1 al. 2 let. d CGC prévoit que moyennant convention spéciale, l’assurance couvre aussi la responsabilité civile pour les préjudices de fortune résultant de l’activité comme avocat ou notaire chargé de la liquidation d’entreprises, lorsqu’il n’existe pas déjà de couverture en tant que membre de conseils d’administration ou de fondations.
Les dispositions contractuelles précitées sont claires. Comme exposé ci-dessus, le demandeur réclame la réparation d’un préjudice de fortune causé à un tiers. Il est assuré pour le risque "fiduciaire" et n’est ni avocat ni notaire, si bien que par interprétation a contrario de l’art. 1 al. 2 let. d CGC et en application de
l’art. 1 al. 1 CGC, le demandeur était bien assuré, en qualité de fiduciaire, pour les préjudices de fortune résultant de sa responsabilité civile de liquidateur. Une convention spéciale n'était pas nécessaire en l'espèce. L’état de fait ne permet aucunement de déduire que les clauses contractuelles ne correspondaient pas à la volonté des parties. Il n’y a donc pas lieu de s’écarter du sens littéral de celles-ci. Une interprétation objective selon le principe de la confiance de ces clauses ne conduirait d’ailleurs pas à un résultat différent. Ainsi, la responsabilité civile de liquidateur du demandeur était couverte par la défenderesse dès le
27 septembre 2002, date à laquelle il a été inscrit au Registre du commerce en qualité de liquidateur de la société I.__AG en liquidation. En outre, cette couverture était toujours valable lors des événements du 15 juillet 2003.
Compte tenu de ce qui précède, la responsabilité civile du demandeur en qualité de liquidateur de sociétés constitue l'un des risques contre les conséquences duquel la police d'assurance du 17 mai 2000 a été conclue.
c) La défenderesse admet, au demeurant, que la police d'assurance du 17 mai 2000 couvre le demandeur en sa qualité de liquidateur de sociétés. Elle soutient toutefois que la conclusion d'un contrat de prêt avec une société tierce le
15 juillet 2003 sort du cadre de l'activité d'un liquidateur au sens de l'art. 743 CO, si bien qu'elle ne serait pas tenue de couvrir la perte des 150'000 euros.
Selon l’art. 754 al. 1 CO, qui règle la responsabilité dans l'administration, la gestion et la liquidation de la société anonyme, les membres du conseil d'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'ils leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs. Cette disposition institue donc la responsabilité civile des liquidateurs notamment, et elle suppose que les quatre conditions suivantes soient réunies, à savoir la violation d'un devoir, une faute (intentionnelle ou par négligence), un dommage et l'existence d'un rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation du devoir et la survenance du dommage (ATF 132 III 564 consid. 4.2, résumé in JT 2007 I 448 et les références citées).
A teneur de l'art. 743 CO, les liquidateurs terminent les affaires courantes, recouvrent, au besoin, les versements non encore opérés sur les actions, réalisent l'actif et exécutent les engagements de la société, à moins qu'il ne ressorte du bilan et de l'appel aux créanciers que l'actif ne couvre plus les dettes. Cette disposition implique que les liquidateurs doivent veiller à ne contracter que de nouveaux droits et obligations qui sont clairement dans l’intérêt de la société en liquidation (Rayroux, Commentaire romand, Code des obligations II, n. 2 ad
art. 743 CO). Selon la doctrine, pour engager sa responsabilité au sens de
l’art. 754 al. 1 CO, il suffit au liquidateur d’effectuer un acte dommageable en profitant de sa position de liquidateur, sans nécessairement qu’il ne doive s’agir à proprement parler d’un acte de liquidation ou lié à la liquidation (La responsabilité des administrateurs de sociétés anonymes, publication Cedidac 1987, p. 13). En effet, la violation de n'importe quel devoir incombant aux personnes chargées de l'administration, de la gestion ou de la liquidation de la société peut entraîner leur responsabilité (Corboz, Commentaire romand, Code des Obligations II,
n. 17 ad art. 754 CO).
En l'espèce, les événements survenus le 15 juillet 2003 doivent être appréhendés en deux phases distinctes : d’une part, le retrait des 150'000 euros par le demandeur et la signature du contrat de prêt avec la société F.__D.O.O.; d’autre part, la remise par le demandeur et B.__ de cet argent à des personnes mal intentionnées, et la disparition de cette somme. Il s'agira alors de déterminer lesquels de ces événements présentent le caractère du risque contre les conséquences duquel la police d'assurance du 17 mai 2000 a été conclue, soit la responsabilité de liquidateur du demandeur.
i) La Cour de céans fait sienne les constatations de l’expert selon lesquelles le retrait des 150'000 euros et le prêt supposé à la société F.__D.O.O. étaient sans rapport avec les opérations de liquidation de la société I.__AG. On ne saurait établir entre eux aucun rapport quelconque. L'expert a encore précisé que le prélèvement ne s’inscrivait en aucune façon dans le cadre d’une gestion adéquate des biens de la société. Il est donc évident que le prêt à la société F.__D.O.O. n’était pas dans l’intérêt manifeste de la société I.__AG en liquidation. Partant, il faut considérer que les agissements du demandeur en date du 15 juillet 2003 étaient étrangers à sa mission de liquidateur de la société I.__AG en liquidation.
La défenderesse ne saurait toutefois tirer avantage de ce qui précède dans le cas d'espèce. En effet, ni la police d'assurance ni les conditions particulières qui y sont annexées ne prévoient d’exclusion claire et non équivoque à cet égard. Or, selon l'art. 33 LCA, tel devrait être le cas pour que la défenderesse puisse s’affranchir de l’obligation de couvrir ce type d’événement (cf. supra consid. V a). Au contraire, l’art. 3 let. a CGC prévoit notamment que si la responsabilité civile comme liquidateur d’une entreprise est assurée, comme tel est le cas en l’espèce, les prétentions pour les dommages que l’assuré cause à celle-ci sont couvertes. En outre, l’expert a exposé que les époux L.__ étaient les seuls ayants-droit du compte abc.__ (rubrique L.__) et que ceux-ci étaient seuls actionnaires de la société I.__AG. Si le compte en question a été créé au nom de la société M.__SA, c’était de façon à agir plus librement. Mais c'est en raison du mandat de liquidateur du demandeur que ce compte a pu exister et être crédité. C'est également dans ce cadre qu’il a pu l’utiliser, y compris pour effectuer le prélèvement des 150'000 euros. Par conséquent, c'est en profitant de sa position de liquidateur de la société I.__AG en liquidation que le demandeur a conclu un contrat de prêt entre les sociétés I.__AG en liquidation et F.__D.O.O. qu’il projetait de créer. C'est aussi en profitant de cette position qu’il a pu retirer les 150'000 euros au [...] de Genève. Au vu de ce qui a été exposé ci-dessus (consid. V c), cela suffit pour engager la responsabilité de liquidateur du demandeur, couverte par la police d’assurance du 17 mai 2000.
Tel n'est en revanche pas le cas de la remise des 150'000 euros par le demandeur et B.__ à des personnes mal intentionnées et la disparition de cette somme. En effet, au moment de ces événements, le demandeur et B.__ intervenaient au nom de la société F.__D.O.O. (en fondation), en qualité de fondateurs de cette future société. Lors de cette transaction, le demandeur n’agissait plus comme liquidateur de la société I.__AG en liquidation. La convention signée le 15 juillet 2003 par le demandeur et B.__ mentionne que l’emprunteur a reçu l’argent. Cela démontre clairement qu'au moment de la signature du contrat, l’argent avait quitté les mains du demandeur en sa qualité de liquidateur de la société I.__AG en liquidation, pour se rendre dans celles du demandeur en sa qualité de fondateur de la société F.__D.O.O.. De plus, l'expert a constaté que la somme en cause avait bien été prélevée, pour ensuite être versée aux représentants de la société F.__D.O.O.. Ainsi, le demandeur n'ayant pas agi en qualité de liquidateur de la société I.__AG en liquidation, ces actes ne sont pas couvert par la police d'assurance du 17 mai 2000.
ii) Au vu de ce qui précède, seuls les événements de la première phase, soit la conclusion et l'exécution du prêt avec les fondateurs de F.__D.O.O., seraient susceptibles d'être couverts par la défenderesse. Encore faudrait-il que les conditions posées par l’art. 754 al. 1 CO soient réalisées pour fonder une responsabilité de liquidateur du demandeur, risque assuré par la police d'assurance du 17 mai 2000. Or, le contrat de prêt conclu entre I.__AG en liquidation et F.__D.O.O., respectivement le retrait des
150'000 euros, n’ont pas causé la perte de cet argent. C’est bien plutôt la remise de l’argent à des personnes mal intentionnée qui en est à l’origine. Comme exposé ci-dessus, c’est dans un second temps, agissant non en tant que liquidateur de la société I.__AG en liquidation mais en tant que fondateur de la société F.__D.O.O. (en fondation), que le demandeur a remis la somme de 150'000 euros à K.__ (alias D.__) et R.__. Ainsi, à supposer que la société I.__AG en liquidation ait subi un dommage, un lien de causalité avec les agissements du liquidateur T.__ serait exclu.
Au demeurant, les agissements du demandeur n’ont causé aucun dommage à la société I.__AG en liquidation. Cette société disposait d'une créance contre l'emprunteur, et elle a d'ailleurs été remboursée, puisque le demandeur (respectivement M.__SA) a versé au total 246'711 fr. 07, ce qui, à dire d’expert, représentait la compensation du prélèvement de 150'000 euros (235'650 fr.) avec intérêts. A vrai dire, déjà lorsque le prêt a été effectué, les fonds ont été prélevés sur le compte de la société M.__SA. De fait, dans un premier temps, le demandeur a confié l'argent de la société I.__AG en liquidation à la société M.__SA. C'est du compte de cette société qu'il a emprunté, au nom de la société en formation F.__D.O.O., la somme litigieuse. S'il devait y avoir un lésé, ce serait plutôt M.__SA que I.__AG en liquidation. Mais comme on l'a vu, de toute manière, l'argent a été remboursé. Le véritable lésé – par le vol – a été le demandeur. Mais ce vol n'est pas couvert par l'assureur responsabilité civile. Force est donc de constater que la société I.__AG en liquidation, respectivement les époux L.__, n’ont subi aucun dommage lié à des opérations de liquidation de la part du demandeur.
Au vu de ce qui précède, les conditions de la responsabilité de liquidateur de l'art. 754 al. 1 CO ne sont manifestement pas remplies en l'espèce. Les faits invoqués ne correspondent pas au sinistre assuré par la police du
17 mai 2000, de sorte que les prétentions du demandeur doivent être rejetées pour ce motif.
VII. a) Selon l'art. 92 al. 1 CPC-VD, des dépens sont alloués à la partie qui obtient gain de cause. Ceux-ci comprennent principalement les frais de justice payés par la partie, les honoraires et les débours de son avocat (art. 91 let. a et c CPC-VD). Les frais de justice englobent l'émolument de justice, ainsi que les frais de mesures probatoires. Les honoraires d'avocat sont fixés selon le tarif des honoraires d'avocat dus à titre de dépens du 17 juin 1986 (tarif abrogé par l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2011, du tarif des dépens en matière civile du 23 novembre 2010 [TDC,
RSV 270.11.6] et applicable en vertu de l'art. 26 al. 2 TDC).
b) Obtenant entièrement gain de cause, la défenderesse a droit à des dépens, à la charge de du demandeur, qu'il convient d'arrêter à 26'072 fr., savoir :
a) | 17’955 | fr. | à titre de participation aux honoraires de son conseil; | |
b) | 945 | fr. | pour les débours de celuici; | |
c) | 7’172 | fr. | en remboursement de son coupon de justice. |
Par ces motifs,
la Cour civile,
statuant à huis clos,
prononce :
I. Les conclusions prises par le demandeur T.__ contre la défenderesse R.__SA, selon demande du 30 août 2004, sont rejetées.
II. Les frais de justice sont arrêtés à 10'320 fr. (dix mille trois cent vingt francs) pour le demandeur et à 7'172 fr. (sept mille cent septante-deux francs) pour la défenderesse.
III. Le demandeur versera à la défenderesse le montant de 26'072 fr. (vingt-six mille septante deux francs) à titre de dépens.
Le président : Le greffier :
P. Hack Y. Glauser
Du
Le jugement qui précède, dont le dispositif a été communiqué aux parties le 14 mai 2014, lu et approuvé à huis clos, est notifié, par l'envoi de photocopies, aux conseils des parties.
Les parties peuvent faire appel auprès de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal dans les trente jours dès la notification du présent jugement en déposant auprès de l'instance d'appel un appel écrit et motivé, en deux exemplaires. La décision qui fait l'objet de l'appel doit être jointe au dossier.
Le greffier :
Y. Glauser
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