Zusammenfassung des Urteils Jug/2012/278: Kantonsgericht
Die Gerichtsverhandlung vom 27. Februar 2013 vor dem Zivilgericht wurde von Herrn HACK geleitet. Die Klage drehte sich um eine Erbschaftsangelegenheit zwischen der Klägerin und dem Beklagten, die Kinder des Verstorbenen. Es ging um die Aufteilung des Nachlasses und die Frage, ob die Beklagte unrechtmässig begünstigt wurde. Der Richter wies die Klage ab, da die Kläger keine ausreichenden Beweise vorlegen konnten. Die Kosten des Verfahrens wurden den Klägern auferlegt.
Kanton: | VD |
Fallnummer: | Jug/2012/278 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: | Zivilkammer |
Datum: | 27.02.2013 |
Rechtskraft: | - |
Leitsatz/Stichwort: | - |
Schlagwörter : | éfenderesse; éritier; Action; éralité; éritiers; éserve; éduction; Expert; éralités; érêt; établi; égal; érie; éfunt; écès; écembre; éposé; érieur; Espèce; éfunte; èces; Héritier; Autre; Selon; édure |
Rechtsnorm: | Art. 1 LDIP;Art. 181 ZPO;Art. 265 ZPO;Art. 3 ZPO;Art. 522 ZGB;Art. 532 ZGB;Art. 598 ZGB;Art. 610 ZGB;Art. 626 ZGB;Art. 628 ZGB;Art. 86 LDIP;Art. 90 LDIP;Art. 92 ZPO; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: | Müller, Wirth, Kommentar zum Gerichtsstandsgesetz, Art. 25; Art. 1 OR DSG, 1987 Spühler, Basler Kommentar zur ZPO, Art. 321 ZPO ; Art. 311 ZPO, 2017 |
- | TRIBUNAL CANTONAL | CO05.018436 13/2013/DCA |
COUR CIVILE
___
Audience de jugement du 27 février 2013
___
Présidence de M. HACK, président
Juges : Mme Carlsson et M. Muller
Greffière : Mme Bron
*****
Cause pendante entre :
G.N.__ A.N.__ | (Me E. Elkaïm) |
et
B.N.__ | (Me S. Berger) |
- Du même jour -
Délibérant immédiatement à huis clos, la Cour civile considère :
Remarque liminaire:
D.__, ami d'enfance du demandeur, a été entendu en qualité de témoin dans la présente cause. Il a admis connaître le litige, en avoir parlé avec le demandeur, vu la liste de témoins et savoir sur quels allégués il allait être interrogé. Compte tenu de ces éléments, ses déclarations ne seront pas tenues pour probantes, à moins d'être corroborées par d'autres éléments du dossier.
En fait:
1. a) La défenderesse B.N.__, née en 1932, [...], né le 9 mai 1935 et [...], né le 9 février 1944, sont les enfants de feu [...] et de feu [...].
b) Le 23 juillet 1987, [...] est décédé. Il a laissé deux enfants, la demanderesse G.N.__, née le 27 octobre 1962, et le demandeur A.N.__, né le 11 mars 1966.
c) Le 2 janvier 1991, [...] est décédé sans descendance. Le 26 février 1991, l'actif de la succession de [...] a fait l'objet d'un inventaire établi pour l'Office de paix du cercle de [...]. Dans le cadre de sa succession, dont le patrimoine présentait un actif net de 689'229 fr. au jour de son décès, les demandeurs, la défenderesse ainsi que [...] ont signé une convention de partage.
2. Le 20 mars 2001, [...] a rédigé un testament olographe dont la teneur est la suivante:
" (…)
Ceci est mon testament
Je sousigné, [...], que je lègue mes biens de la manière suivante:
la moitié à B.N.__, ma fille
le quart à G.N.__, ma petite-fille
le quart à A.N.__, mon petit-fils
(…)."
Le 29 mars 2001, [...] a rédigé les dispositions suivantes:
" (…)
Je nomme A.N.__, mon petit-fis, éxécuteur testamentaire du présent testament:
Je charge l'exécuteur testamentaire de répartire tout autre bien ou objet non mentionné dans le présent testament de la manière qui lui semblera la plus équitable entre tous les héritiers en respectant approximativement leurs quotités respectives.
(…)."
Le même jour, [...] a rédigé les dispositions suivantes:
" (…)
J'ai fait faire une estimation aproximative par M. Michel Marguet: B.N.__ m'a fait une liste aproximative de ce qui lui ferait plaisir, G.N.__ m'a dit qu'elle aimerait les livres anciens de votre papa et grd-père [...] ainsi que mon service à thé 1930 et un vase Galé.
D'après la loie tout se que je possède sera partagé en deux parties: une moitié du tout à B.N.__, l'autre moitié à G.N.__ et A.N.__.
J'ose espérer, mes chers enfants B.N.__, G.N.__ et A.N.__, que vous ne vous disputerez pas, (…) J'ai d'ailleurs (…) confiance en vous: Tenez compte du désir de chacun. Tout ce que je vous demande, (…) ne vous disputez pas. Soyez toujours unis et aimants les uns vers les autres. Vous avez de la chance de pouvoir hériter. Vous êtes (….) des privilégiers: acceptez-le comme tel. C'est un don J'espère que vous me comprenez: aucun objet, aussi précieux soit-il ne vaut la peine de se disputer.
(…) Je pense avoir été toujours juste et équitable; je le demande de vous également.
Malgré moi, je veux faire un écart à mes principes: j'aimerai laisser un souvenir personnel à [...]: le beau tapis de mon salon et à [...], le bahut avec le Boudah. J'espère que cela leur fera plaisir. Si [...] est toujours avec moi 30'000 frs. et à [...] sa fille, le petit centrier (…).
N'oubliez jamais mon [...]. Soyez toujours reconnaissants pour ce qu'il vous a laissé: ce merveilleux appartement avec tout ce qu'il contient (hors ce que B.N.__ y a ajouté)
(…)
Je vous aime tous, mais B.N.__, ma fille chérie, c'est toi ma seule fille et bien sûre la préférée.
(…)
J'aimerai que [...] et [...] reçoivent chacune un petit bijou en souvenir (…).
J'aimerai que B.N.__ prenne de mes bijoux ce qu'elle veut et le reste, le partage avec l'aide d'G.N.__ (…)"
[...] s'est toujours montrée soucieuse de préserver l'égalité entre ses héritiers. Elle y était d'autant plus attachée que les demandeurs ont été prématurément orphelins. Selon Francis Klein, petit-cousin des demandeurs, entendu comme témoin en cours d'instruction, ni [...] ni [...] n'auraient pu consentir à des libéralités telles qu'elles auraient déséquilibré les rapports entre héritiers.
3. [...], veuve de [...], est décédée le 16 mars 2004 à [...].
4. Après le décès de [...], la défenderesse a été prise à partie par les demandeurs, ce qui l’a destabilisée et ébranlée.
Par courrier du 4 août 2004 adressé au demandeur, la défenderesse a mentionné, par le biais de son conseil, avoir reçu une somme de la défunte « pour compenser ce que les autres ont déjà reçu » et a fait référence à la convention de partage concernant la succession de [...]. Dans cette lettre, le conseil de la défenderesse informait également le demandeur de son mandat, précisant avoir été chargé d’analyser l’ensemble de la situation, dans le souci d’éviter un conflit et de trouver un arrangement équitable. Il n’est pas établi que le demandeur ait répondu aux questions posées dans ce courrier.
5. Le 27 août 2004, l'Office de paix du Cercle de [...] a attesté de la qualité d'exécuteur testamentaire du demandeur.
Dès le début de sa mission, le demandeur s'est attelé à reconstituer la succession de la défunte.
Dans un rapport daté du 22 décembre 2004, il a informé les héritiers, soit la demanderesse et la défenderesse, de l'état de ses démarches, du fait qu'il ressortait des documents bancaires recueillis que les avoirs de la défunte présentaient un actif total net de 1'836'229 fr., et du fait qu'un certain nombre d'informations nécessaires lui manquaient. Selon ce rapport, en été 2004, un projet de convention aurait été évoqué entre les héritiers, la défenderesse ayant déclaré détenir des sommes appartenant à la de cujus, ce qu'elle aurait finalement nié. Cela aurait conduit à l'échec du projet d'accord.
Les demandeurs se prétendent convaincus que la défenderesse détient des biens de sa mère à la BCV ou à l'UBS. S'agissant des biens de [...], l'ensemble des pièces porté à la connaissance des demandeurs leur laisse à penser que leur oncle n'était pas à la tête d'une fortune lui permettant d'enrichir la défenderesse de quelque quatre millions de francs.
6. Le 28 février 2005, la demanderesse a déposé une requête en reddition de compte devant le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l' [...] dont les conclusions sont les suivantes:
" I. Ordre est donné à Mme B.N.__ de produire, en mains du Greffe du Tribunal de céans, subsidiairement en mains de Mme G.N.__, toute pièce en relation avec des libéralités, avances d'hoiries ou dons à elle consentie par feue Mme [...], en relation notamment avec les comptes numérotés [...] et [...] ouverts auprès de l'UBS SA à Genève, ou ceux en relation avec les comptes ouverts auprès de la BCV à Lausanne, et ce sous dix jours à compter du présent jugement.
Ordre est donné sous la menace des peines d'arrêt et d'amende prévues par l'art. 292 CP qui punit l'insoumission à une décision de l'autorité.
II. Ordre est donné à l'UBS SA, CP 2600, 1211 Genève 2, de produire, en mains du Tribunal de céans, subsidiairement en mains de Mme G.N.__, tous documents ou informations en sa possession relatifs aux comptes dont feue [...], en nom, à numéro, ou par le biais de tierces personnes physiques ou morales, a été ayant droit économique, soit l'état de ses biens au jour du décès et l'ensemble des mouvements enregistrés sur ces comptes dans les dix années précédant, incluant les pièces attestant de clôture éventuelle de compte et de la destination des fonds concernés.
III. Ordre est donné à l'UBS SA, CP 2600, 1211 Genève 2, de produire, en mains du Tribunal de céans, subsidiairement en mains de Mme G.N.__, tous documents ou informations en sa possession relatifs aux comptes dont Mme B.N.__, en nom, à numéro, ou par le biais de tierces personnes physiques ou morales, est l'ayant droit économique, et qui auraient été alimentés par les comptes de feue [...] durant les dix années précédant la présente requête, incluant les pièces attestant de clôture éventuelle de dits comptes et de la destination des fonds concernés. "
Dans le cadre de cette procédure, pendante au jour du dépôt de la demande, la défenderesse a déclaré vouloir faire preuve de la plus totale transparence. Elle a requis l'appel en cause du demandeur.
Le 22 novembre 2005, les parties ont signé la convention suivante:
" (…)
I. Les héritiers G.N.__, A.N.__ et B.N.__ conviennent de poursuivre leur procès exclusivement devant la Cour civile, déjà saisie.
II. B.N.__ produira en même temps que le dépôt de sa réponse, d'ici au 10 janvier, les pièces faisant l'objet de la conclusion de la requête en reddition de comptes du 28 février 2005, numérotées 52.
III. B.N.__ retire sa requête de jonction de causes déposée devant la Cour civile et devenue sans objet.
IV. Au bénéfice de ce qui précède, la requête en reddition de comptes déposée le 28 février 2005 est retirée, G.N.__, A.N.__, B.N.__ et UBS SA renonçant à l'allocation de dépens, gardant pour le surplus leurs frais.
(…)."
La défenderesse a produit les relevés de comptes bancaires ouverts à l'UBS et à la BCV. Ces pièces recouvrent une période inférieure aux dix ans précédant le décès de la défunte. Les documents produits par le défenderesse remontent au 31 décembre 1995 s’agissant du compte UBS [...] et du compte UBS [...], au 30 juin 1995 s’agissant du compte UBS [...], du compte UBS [...] et du compte UBS [...], et au 1er janvier 1995 s’agissant des avoirs à la BCV.
Il est ainsi établi qu'au 31 décembre 2003, soit deux mois et demi avant le décès de [...], le compte UBS [...] présentait un solde positif de 3'136'568 francs. Ce compte présentait déjà, au 31 décembre 1995, un solde positif de 2'387'593 francs.
7. La défenderesse a travaillé en qualité d'interprète, notamment pour les tribunaux.
Depuis le décès de sa mère, la défenderesse est atteinte dans sa santé.
8. Les demandeurs ont déclaré opposer la compensation à toutes prétentions que la défenderesse pourrait faire valoir sur le patrimoine successoral de [...] et sur celui de [...].
La défenderesse a soulevé les moyens tirés de la prescription, respectivement de la péremption, ainsi que de la compensation entre les prétentions des parties.
9. En cours d'instruction, une expertise a été confiée à René Fischer, ancien directeur pour la Suisse romande de BDO Visura, qui a déposé son rapport le 18 juin 2008.
Eu égard au délai de conservation légal des documents bancaires, l'expert ne peut pas se prononcer sur la provenance des fonds ayant permis de constituer la fortune de la défenderesse. Il ne peut pas non plus conclure qu'il manque des éléments à la succession et encore moins qu'ils ont bénéficié à la seule défenderesse.
D'après l'expert, le relevé de fortune établi par la banque UBS SA à Genève le 18 juin 2004 fait apparaître un total des avoirs de 3'160'719 fr., le titulaire de la relation étant la défenderesse. Vu le nombre restreint de mouvements bancaires intervenus durant l'année 2004, l'expert affirme que la relation bancaire concernée présentait un actif de l'ordre de 3'000'000 fr. peu avant le décès de [...]. En revanche, eu égard au délai de conservation légal des documents bancaires, il ne peut confirmer que les comptes concernés étaient alimentés par la défunte. L'expert ne peut se prononcer sur la provenance des fonds ni sur d'éventuels versements ultérieurs. Il fait la même remarque s'agissant du compte BCV dont la défenderesse était titulaire.
Certains comptes bancaires propriété de la défenderesse ayant été bouclés et les fonds virés à différentes dates, l'expert n’a pu confirmer qu'actuellement les fonds en possession de la défenderesse s'élèvent à près de quatre millions de francs, et il ne peut se prononcer sur leur provenance.
L'expert ne peut pas se prononcer sur le montant en provenance du patrimoine familial dont a bénéficié [...] et par la suite les demandeurs.
S'agissant de l'acquittement des charges relatives à l'immeuble sis au chemin de [...] à [...], l'expert explique qu'il ressort des pièces bancaires à disposition auprès de la régie immobilière concernée et des relevés bancaires à disposition qu'il est clairement établi que les charges courantes ont été payées via un ordre permanent du compte BCV Lausanne [...] au moins depuis le 1er janvier 1995, ce compte bancaire étant libellé au nom de la défenderesse. Il relève que, selon la banque, les circonstances ainsi que l'entretien que le collaborateur a eu avec le cocontractant permettent de présumer que le cocontractant est aussi l'ayant droit économique. Il ne peut donc conclure que [...] s'est acquittée régulièrement de ces charges. Les intérêts et amortissements hypothécaires, pour la période du mois de janvier 1998 au mois de janvier 2005, ont été payés par le biais du compte BCV [...] libellé au nom de [...]. Selon l'expert, compte tenu du fait que tant la défenderesse que la demanderesse sont propriétaires du bien immobilier concerné, ces paiements ne désavantagent pas l'une ou l'autre des parties.
Concernant les frais extraordinaires, l'expert comptabilise un montant de 5'655 fr. identifié comme ayant été payé par le biais des charges courantes ou par prélèvement sur le fonds de rénovation, tous deux financés par un ordre permanent du compte BCV Lausanne [...] libellé au nom de la défenderesse. L'expert ne peut en revanche se prononcer sur le montant total de 14'899 fr. 95 correspondant aux frais extraordinaires de 1992 à 1996.
10. L'expert a déposé un rapport d'expertise complémentaire le
22 septembre 2009.
L'expert explique qu'il a obtenu des informations de la défenderesse, notamment le fait qu'elle est bien la propriétaire/titulaire de tous les comptes qui sont ou étaient à son nom et que, mis à part l'immeuble en Suisse dont elle est partiellement usufruitière, la défenderesse a pour seule fortune mobilière en Suisse un compte à la BCV qui lui sert notamment à effectuer les paiements relatifs à l'immeuble de [...]. Les comptes et dépôts à l’UBS ont été bouclés au mois de juin 2004.
Si l'expert peut affirmer que la fortune totale de la défenderesse, s'agissant des fonds en sa possession à l'UBS et à la BCV, s'élevait au 31 décembre 2003 à 3'847'089 fr. 41, il confirme qu'il ne peut déterminer l'origine de ces fonds et ne peut affirmer que cette fortune provient du patrimoine familial.
S'agissant des charges hypothécaires relatives à l'immeuble sis au chemin de [...] à [...], l'expert confirme que les annuités ont été payées par un compte bancaire libellé au nom de [...] mais il affirme qu'en tant qu'usufruitière de l'immeuble, la défenderesse aurait dû les assumer, seul l'amortissement de la dette étant à la charge de la nu-propriétaire. Du 8 mars 1998 au 31 janvier 2005, date du remboursement intégral du prêt hypothécaire, les intérêts payés par [...], qui auraient dû être supportés par la défenderesse, se sont élevés à un montant total de 8'264 francs.
11. L'expert a déposé un rapport d'expertise complémentaire le
14 décembre 2011.
Selon l'expert, l'actif net de la succession de [...] de 689'229 fr. a été réparti, selon le partage successoral instrumenté devant notaire, à hauteur d'une demie pour [...], un quart pour la défenderesse et un huitième pour chacun des demandeurs. Cet actif net correspond aux avoirs en comptes et en dépôts-titres, déduction faite des droits de succession (57'722 fr. 50), d'une note d'honoraires d'Intermandat SA de 19'000 fr. et d'une provision pour frais et débours de liquidation de 11'000 francs. Préalablement au partage, les quatre héritiers étaient convenus que l'appartement et le garage de [...] seraient considérés comme un legs hors part du défunt à sa sœur pour une demie et à ses neveu et nièce chacun pour un quart; ces derniers devaient reprendre la dette hypothécaire due à la BCV (438'532 fr.), leur part étant grevée d'un usufruit viager en faveur de la défenderesse qui, elle, aurait droit aux profits de ces deux actifs immobiliers et qui en supporterait les charges. L'expert ne peut affirmer qu'une part importante de la succession de [...] ait été entièrement laissée à la défenderesse, ni que le patrimoine successoral était en réalité plus considérable que celui évoqué dans le pacte successoral, ni que [...] aurait procédé à une donation en faveur de la défenderesse de tout ou partie de sa part dans la succession de [...].
L'expert relève qu'il a été difficile d'obtenir des réponses et des documents des établissements bancaires, que ces difficultés créent des obstacles à l'établissement des faits et conduisent souvent à ce que les délais de prescription dans la conservation des pièces et documents sont dépassés.
12. D'autres faits allégués et admis ou prouvés, mais sans incidence sur la solution du présent procès, ne sont pas reproduits ci-dessus.
13. Le 27 juin 2005, les demandeurs G.N.__ et A.N.__ ont saisi la cour de céans d'une demande qui comporte les conclusions suivantes:
" Principalement:
I) Dire et constater que les montants déposés sur tous comptes ayant été ouverts par ou ayant appartenus à feue [...] en son nom ou/et au nom de tierce personne et sur lequel un pouvoir a été déléguée à la défenderesse B.N.__ doivent être réunis aux biens de la de cujus au jour de son décès.
II) Ordonner à la défenderesse B.N.__ de restituer les fonds cités sous chiffre I plus haut en faveur de la succession de feue [...].
III) Dire et constater que les demandeurs, G.N.__ et A.N.__, ont droit à un quart chacun de la succession de feue [...].
Subsidiairement:
IV) Dire et constater que, après rapport des donations effectuées en faveur de la défenderesse B.N.__, les demandeurs G.N.__ et A.N.__ ont droit chacun à un quart de la succession soit à un montant qui n'est pas inférieur à Frs 1'200'000.- (un million deux cent mille francs suisses) chacun.
V) Condamner au besoin la défenderesse B.N.__ à verser à chacun des demandeurs G.N.__ et A.N.__ le montant leur permettant de reconstituer leur part successorale ab intestat.
Plus subsidiairement:
VI) Dire et constater que les demandeurs G.N.__ et A.N.__, ont droit chacun dans la succession de feue [...], décédée le 16 mars 2004, à une réserve de 3/16ème, dont la valeur au jour de l'ouverture de la succession n'est pas inférieure à Frs 900'000.- (neuf cent mille francs suisses).
VII) Réduire les libéralités entre vifs qui ont pris place en faveur de la défenderesse B.N.__ jusqu'à concurrence du montant de la réserve des demandeurs G.N.__ et A.N.__.
VIII) Condamner au besoin la défenderesse B.N.__ à verser aux demandeurs G.N.__ et A.N.__ un montant jusqu'à concurrence de la réserve qui leur est due sur son chiffre VII ci-dessus. "
Par réponse du 9 janvier 2006, la défenderesse B.N.__ a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet des conclusions de la demande.
Le 7 janvier 2010, la défenderesse a fait la déclaration solennelle de l'art. 181 CPC-VD (Code de procédure civile vaudoise du 14 décembre 1966; RSV 270.11) selon laquelle elle ne s'est pas défaite ni dessaisie des pièces attestant de la provenance des fonds en sa possession, ni des pièces attestant de la date et de la quotité des sommes reçues de la défunte.
En droit:
I. Les demandeurs, qui disent exercer une action en pétition d'hérédité, en réduction et en rapport, prétendent au rapport dans la masse successorale de [...], par la défenderesse, de libéralités s'élevant à 3'847'089 fr. 41 au moins. Selon eux, cette estimation a été effectuée malgré le refus de la défenderesse de collaborer à la preuve au sens de l'art. 610 al. 2 CC (Code civil du 10 décembre 1907; RS 210). Ils soutiennent que la défenderesse doit également rapporter les montants pris en charge par la défunte concernant l'appartement sis à [...]. Ils considèrent que, si les libéralités ne sont pas rapportables, il convient de procéder à leur réduction conformément à l'art. 527 ch. 4 CC.
La défenderesse conteste détenir des biens qui auraient appartenu à [...] ou avoir reçu des libéralités significatives de celle-ci voire de la succession de [...]. Elle soutient que les comptes litigieux n'ont été alimentés que par de l'argent lui appartenant. Elle considère qu'il était du devoir des demandeurs de prouver qu'elle était en possession d'avoirs ressortant à la succession, ce qu'ils n'ont pas réussi à démontrer, ni même rendu vraisemblable. Elle estime, pour sa part, avoir respecté son devoir de renseigner entre cohéritiers. Elle plaide encore qu'elle a payé les charges courantes de l'immeuble de [...] et que, si les autres charges ont été acquittées par la défunte, elles ne devaient en aucun cas lui incomber en sa qualité d'usufruitière, étant une charge des nus-propriétaires. En tous les cas, la défenderesse soutient que l'action en pétition d'hérédité doit être rejetée dès lors qu'elle n'a pas la légitimation passive à cette procédure, et que l'action en réduction doit être rejetée pour cause de péremption.
II. Il convient en premier lieu examiner les questions de for ainsi que de droit applicable. En effet, le cas d'espèce présente un élément d'extranéité, la défenderesse étant domiciliée en Italie lors de l’ouverture de l’action, mais à Pully selon le mémoire de droit qu’elle a déposé le 28 août 2012.
a) Sous réserve des litiges concernant les enfants (SJ 2010 I 170
c. 4.1.1), il résulte du principe de la perpetuatio fori, applicable de manière générale en matière civile, que le tribunal saisi demeure compétent même si les faits constitutifs de sa compétence changent par la suite (Hohl, Procédure civile, tome II, n. 1772 ; SJ 2003 I 464). L’existence de la compétence au moment de l’ouverture d’action est dès lors déterminante (Müller/Wirth, Kommentar zum Gerichtsstandsgesetz, n. 64 ad art. 25 Lfors ; ATF 130 V 90 c. 3.2 ; ATF 129 III 404).
L'art. 1 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (RS 291; ci-après LDIP), qui régit notamment la compétence des autorités judiciaires ou administratives suisses, réserve l'application des traités. Il convient donc d'examiner si la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (RS 0.275.11; ci-après CL) est applicable en l'espèce. Les règles de compétence de cette convention l'emportent en effet sur les règles de compétence nationale, et singulièrement sur celles de la LDIP (art. 1 al. 2 LDIP; ATF 129 III 738, rés. in
JT 2005 I 31). Selon l’art. 1 CL, les successions sont notamment exclues de son application. L’art. 17 al. 3 de la Convention d’établissement et consulaire conclue le 22 juillet 1868 entre la Suisse et l’Italie (RS 142.114.541) ne s’applique pas non plus dans le cas d’espèce, car la disposition concerne uniquement les litiges qui pourraient s’élever entre les héritiers d’un Italien mort en Suisse. Dès lors, dans la mesure où il n’existe pas de convention internationale applicable conclue avec l’Italie et où la Convention de Lugano ne s'applique pas à la présente cause, celle-ci est soumise à la LDIP.
En vertu de l’art. 86 al. 1 LDIP, les autorités judiciaires ou administratives suisses du dernier domicile du défunt sont compétentes pour prendre les mesures nécessaires au règlement de la succession et connaître des litiges successoraux, tels que les actions en pétition d’hérédité, en rapport et en réduction, qui sont des actions du droit successoral (Forni/Piatti, BaKomm., n. 17 ad art. 522 CC, n. 13 ad art. 598 CC, n. 20 ad art. 626 CC). L’art. 90 al. 1 LDIP prévoit que la succession d'une personne qui avait son dernier domicile en Suisse est régie par le droit suisse.
En l’espèce, [...] avait son dernier domicile en Suisse. Le procès relatif à sa succession porte en outre sur une valeur litigieuse supérieure à 100'000 fr., entrant dès lors dans la compétence de la cour de céans (art. 74 al. 2 de la loi vaudoise d’organisation judiciaire du 12 décembre 1979; RSV 173.01; LOJV). La Cour civile est ainsi compétente et le droit matériel suisse est applicable. Les parties n’ont d'ailleurs pas contesté la compétence de l’autorité de céans ni l'application du droit suisse.
III. a) La défunte [...] a laissé pour héritiers à son décès une fille – la défenderesse – et deux petits-enfants – les demandeurs –, soit les enfants de son fils prédécédé [...]. Le 20 mars 2001, la de cujus, qui s'est toujours montrée soucieuse de préserver l'égalité entre les membres de sa famille, avait rédigé un testament olographe, désigné la défenderesse héritière pour la moitié de ses biens et les demandeurs héritiers chacun pour un quart de ses biens. Le 29 mars 2001, elle avait confirmé la répartition de sa succession, désigné le demandeur exécuteur testamentaire et légué plusieurs biens. Aucun des documents ne fait mention de libéralités octroyées de son vivant à l'un de ses héritiers, ni ne fait référence au rapport d'un montant quelconque par l'un d'eux. Les demandeurs prétendent toutefois que la défenderesse a bénéficié de libéralités reçues du vivant de [...].
b) De manière générale, au niveau formel, les conclusions doivent être précises (art. 265 CPC-VD). Elles doivent permettre à la partie contre laquelle elles sont prises de savoir ce qui lui est réclamé et de préparer sa défense en conséquence, ainsi qu’une contre-attaque éventuelle. Elles ne peuvent remplir cette double fonction qui leur est assignée qu’à la condition d’être à la fois claires et précises (Rognon, Les conclusions, thèse Lausanne 1974, p. 113). Les conclusions formulées de façon trop vague doivent être déclarées irrecevables. Pour répondre à l'exigence de précision, la conclusion doit être concrète et permettre de déduire sans équivoque ce que le demandeur souhaite obtenir. Elle doit pouvoir être reprise telle quelle dans le dispositif du prononcé, qui doit pouvoir faire sans autre l'objet d'une exécution forcée. En outre, n'est pas admissible la conclusion qui ne fait que reproduire le texte légal; l'état de fait du cas d'espèce doit s'y trouver reflété (JT 2005 I 399).
Par une conclusion constatatoire, le demandeur sollicite du juge qu'il statue sur l'existence ou l'inexistence d'un droit ou d'un rapport de droit (Rognon, op. cit., p. 53). La recevabilité d'une telle conclusion suppose l'existence d'un intérêt juridique actuel à la constatation, lequel fait en principe défaut lorsqu'il est possible d'intenter une action condamnatoire (ATF 123 III 362 c. 1c; ATF 96 II 129, JT 1971 I 263; Cciv, 19 août 2001, n° 242/01), soit une action exigeant du défendeur qu'il effectue une prestation sous la forme d'un facere, non facere ou pati (Rognon, op. cit., pp. 49 ss). En effet, selon la doctrine, l'intérêt à une constatation immédiate fait défaut lorsque le demandeur est en mesure d'exiger une prestation exécutoire qui va au-delà de la simple constatation (Rognon, op. cit., pp. 54 ss).
c) Selon l’art. 626 CC, les héritiers légaux sont tenus l’un envers l’autre au rapport de toutes les libéralités entre vifs reçues à titre d’avancement d’hoirie (al. 1). Sont assujettis au rapport, faute pour le défunt d’avoir expressément disposé le contraire, les constitutions de dot, frais d’établissement, abandons de biens, remises de dettes et autres avantages semblables faits en faveur des descendants (al. 2).
En principe, les créanciers du rapport doivent agir en exécution par une action en partage et demander que le débiteur du rapport soit condamné au rapport en vue de la réalisation du partage. Etant donné qu’un jugement en partage formateur est exécutoire comme une décision condamnatoire, l’action en partage a le pas sur l’action en constatation de droit. Ainsi, une action en constatation de l'obligation de rapporter peut être ouverte seulement à titre subsidiaire si le demandeur établit un intérêt de fait ou de droit suffisant à une telle constatation. Un tel intérêt existe si un litige sur le rapport existe alors que la communauté héréditaire est prolongée, notamment lorsque les héritiers ne peuvent pas exercer l’action en partage et doivent rester longtemps en indivision ; lorsqu’une incertitude plane sur les relations juridiques des parties, qu’une constatation judiciaire pourrait éliminer et que cette incertitude en se prolongeant est intolérable au demandeur ; si le litige porte uniquement sur le mode de rapport que doit choisir le débiteur ; lorsque le sort de l’action en constatation pourrait favoriser ensuite un partage par convention. La nécessité d'une telle action constatatoire dans d'autres circonstances devrait être rare, car même si un litige sur un rapport surgit alors que le partage a déjà eu lieu, il est possible de le faire trancher en demandant la modification du partage (Steinauer, Le droit des successions, 2006, nn. 245 et 246; ATF 123 III 49, JT 1998 I 659 c. 1a). L’intérêt réel fait défaut et l’action est irrecevable lorsque le jugement ne permet pas d’éviter un jugement ultérieur en partage. En outre, un intérêt suffisant ne peut se justifier par le seul fait que l’héritier n’aurait pas encore choisi de rapporter en nature les biens reçus ou d’en imputer la valeur (art. 628 al. 1 CC), car, dans ce cas, le demandeur doit prendre des conclusions condamnatoires alternatives, tout en exigeant que l’héritier tenu de rapport fasse son choix. Si l’action en rapport était accueillie indépendamment du fait que le partage n’a pas encore eu lieu et sans exiger la preuve que des faits établissent l’intérêt à une constatation immédiate, il existerait un risque, que la jurisprudence veut précisément éviter, de deux procès successifs, dont seul le second pourrait aboutir au partage. Ainsi, l’héritier qui est en mesure de réclamer le partage ne saurait plaider d’abord en rapport, le cas échéant en réduction, et réserver les autres questions pour une procédure ultérieure (ATF 123 III 49, JT 1998 I 659, rés. in SJ 1997 p. 342).
d) En l'espèce, il convient d’examiner chacune des conclusions prises par les demandeurs dans leur écriture du 27 juin 2005. Celles-ci n’ont pas été modifiées dans les écritures qui ont été déposées ultérieurement.
i) La conclusion I demande qu’il soit constaté que les montants déposés sur tous comptes ayant été ouverts par ou ayant appartenus à feu [...] en son nom ou/et au nom de tierce personne et sur lequel un pouvoir a été délégué à la défenderesse B.N.__ soient réunis aux biens de la de cujus au jour de son décès.
Cette conclusion est non seulement trop vague, et partant inexécutable – même si un héritier peut être amené à prendre une conclusion aussi large en raison de certains délais péremptoires d’action du droit des successions et de l’incertitude dans laquelle il se trouve à ce moment-là, conclusion qu’il doit ensuite préciser en fonction de l’administration des preuves –, mais, en outre, en tant que conclusion constatatoire en rapport, elle est également irrecevable. En effet, comme relevé ci-dessus, les rapports se règlent dans le cadre de l’action en partage et ce n’est que si le demandeur dispose d’un intérêt pertinent à intenter une action constatatoire en rapport qu’une telle action est recevable. En l’occurrence, un tel intérêt pertinent fait défaut. Les demandeurs n’ont rien allégué au sujet de leur éventuel intérêt à obtenir un jugement distinct constatant l’obligation de rapporter et fixant le montant à rapporter le cas échéant par la défenderesse.
ii) La conclusion II demande qu’il soit ordonné à la défenderesse de restituer les fonds cités à la conclusion I en faveur de la succession de feu [...].
Cette conclusion est une conclusion condamnatoire en versement de fonds indéterminés à la succession. Or, les héritiers étant, avant partage, titulaires en commun des droits compris dans la succession, il n’existe aucun fondement juridique à une action en paiement d’une somme d’argent ou tendant à la remise d’un bien faisant partie de la succession, entre les parties à la procédure, descendants et cohéritiers, avant partage de la succession. Par ailleurs, si cette conclusion doit être comprise comme ressortissant à une action en pétition d’hérédité, elle ne peut être exercée à ce stade.
En effet, l’action en pétition d’hérédité (art. 598 ss CC) est une action générale en revendication par laquelle l'héritier réclame, auprès de personnes qui ne sont pas héritières, la délivrance de la succession ou d'objets qui en dépendent, en invoquant son titre d'héritier. Il s'agit d'une action réelle, qui peut être dirigée contre toute personne qui possède indûment des biens successoraux. Elle est fondée sur la vocation successorale du demandeur (Steinauer, op. cit., n. 1114; ATF 132 III 677, SJ 2007 I 228). La qualité pour agir appartient à tout héritier légal ou institué (Steinauer, op. cit., nn. 1122 ss) qui doit établir que, comme héritier, il a sur les biens successoraux des droits qui sont préférables à ceux du possesseur (Steinauer, op. cit., nn. 1124-1125). L'action peut être ouverte contre toute personne qui, sans être héritière, est en possession de biens successoraux au sens des art. 919 ss CC. Si le possesseur est un cohéritier, c'est par l'action en partage que le litige doit être réglé (Steinauer, op. cit., nn. 1123-1123a). En effet, les héritiers ne peuvent exercer l'action en pétition d'hérédité les uns contre les autres ni avant ni pendant le partage, même si certains d'entre eux sont seuls détenteurs de l'héritage (ATF 69 II 357,
JT 1944 I 299), cela aussi longtemps qu'il existe des biens de la succession qui n'ont pas été compris dans un partage (ATF 75 II 288, JT 1950 I 329). Comme l’a rappelé le Tribunal fédéral, la propriété commune des héritiers ne procure pas à chacun d’eux une part idéale des biens sur lesquels elle porte ; il n’y a en réalité pas de quote-part, le droit du communiste sur les biens en propriété commune n’étant que l’expression de sa participation à la communauté qui est à l’origine de la propriété commune, et l’héritier ne peut pas agir par l’action en revendication de sa quote-part pour obtenir sa part des biens en cause mais doit procéder par l’action en partage. La part héréditaire ne confère ainsi à l’héritier aucun droit direct sur un bien déterminé de la succession, mais lui accorde seulement le droit de participer à la communauté et de demander le partage de la succession (TF 5A_88/2011 du
23 septembre 2011 c. 7.2).
Ainsi, en l’espèce, non seulement la conclusion II est trop vague dès lors qu’elle se rapporte aux fonds indéterminés cités à la conclusion I, mais en outre, soit elle est considérée comme une conclusion en rapport et, à ce titre, ne peut être exercée de manière séparée à l’action en partage, soit elle est considérée comme une conclusion en pétition d’hérédité et, à ce titre, ne peut être intentée à ce stade par des cohéritiers à l’encontre d’autres cohéritiers. La conclusion II est donc également irrecevable.
iii) La conclusion III demande qu’il soit constaté que les demandeurs ont droit à un quart chacun de la succession de feu [...].
L’intérêt pertinent à une telle constatation fait en l’occurrence défaut, ce d’autant qu’aucune des parties à la procédure n’a contesté le droit des demandeurs à un quart de la succession litigieuse. Cette conclusion, qui devrait être traitée dans le cadre d’une action en partage, est donc ici irrecevable.
iv) La conclusion IV demande qu’il soit constaté qu’après rapport des donations effectuées en faveur de la défenderesse, les demandeurs ont droit chacun à un quart de la succession, soit à un montant qui n’est pas inférieur à
1'200'000 francs.
Cette conclusion en constatation de part dans la succession est également irrecevable dans la mesure où aucun intérêt pertinent à une telle constatation n’a été allégué, partant établi, par les demandeurs, qu’une telle conclusion entre en collision avec l’action en partage dans le cadre de laquelle la valeur de la part de chaque héritier sera déterminée. En outre, le montant de la masse à partager et celui des donations mentionnées n’est même pas allégué par les demandeurs.
v) La conclusion V demande que la défenderesse soit condamnée à verser à chacun des demandeurs le montant leur permettant de reconstituer leur part successorale ab intestat.
Cette conclusion condamnatoire en versement de fonds indéterminés aux demandeurs est non seulement trop vague, le montant n’ayant en effet pas été précisé en cours d’instance, mais en outre, il n’est pas possible pour un héritier d’obtenir d’un cohéritier le paiement d’un montant avant partage, tant que dure l’hoirie. Une telle conclusion doit être prise en principe dans le cadre de l’action en partage.
vi) La conclusion VI demande qu’il soit constaté que les demandeurs ont droit chacun dans la succession de feu [...] à une réserve de 3/16e, dont la valeur brute au jour de l’ouverture de la succession n’est pas inférieure à
900'000 francs.
Cette conclusion en constatation de part réservataire peut être lue en rapport avec la conclusion VII par laquelle il apparaît que les demandeurs ont cherché à agir en réduction. Comme relevé plus haut, la recevabilité d'une action en constatation dépend de l’intérêt de droit et de fait suffisant à une constatation immédiate. Or, cet intérêt fait en principe défaut lorsque le demandeur dispose d'une action condamnatoire, ce qui est le cas en l'espèce, puisque les demandeurs exercent l'action en réduction, qui impliquera nécessairement que soit fixée la quotité de leurs parts réservataires. En outre, il n’existe pas d’intérêt pertinent à la constatation requise par les demandeurs, dès lors que le droit de chacun d’eux à une réserve de 3/16e n’est contesté par aucune des parties à la procédure. La conclusion VI est ainsi irrecevable.
vii) La conclusion VII demande que les libéralités entre vifs qui ont pris place en faveur de la défenderesse soient réduites jusqu’à concurrence du montant de la réserve des demandeurs.
Par cette conclusion, les demandeurs agissent en réduction.
Selon l'art. 522 al. 1 CC, les héritiers qui ne reçoivent pas le montant de leur réserve ont l'action en réduction jusqu'à due concurrence contre les libéralités qui excédent la quotité disponible. La réduction s'exerce en première ligne sur les dispositions pour cause de mort, puis sur les libéralités entre vifs, en remontant de la libéralité la plus récente à la plus ancienne jusqu'à ce que la réserve soit reconstituée (art. 532 CC). La réduction ne tend pas forcément à la suppression totale de la disposition pour cause de mort ou de la libéralité entre vifs, mais seulement à ce que celle-ci soit diminuée de ce qui est nécessaire pour reconstituer la réserve. Si la libéralité attaquée n'a pas encore été exécutée, en demander la réduction suffit pour atteindre le résultat recherché, savoir le respect de la réserve. Si, en revanche, la libéralité attaquée a été exécutée ou si son bénéficiaire se trouve d'une autre façon déjà en possession des biens qui en sont l'objet, la seule réduction de la libéralité ne suffit pas à reconstituer la réserve. L'action en réduction doit alors être complétée par une action en restitution de la partie de la libéralité qui a été réduite (Steinauer, op. cit., nn. 791 ss). Tout héritier qui ne reçoit pas le montant de sa réserve peut agir en réduction, seul ou avec d'autres héritiers qui sont dans la même situation que lui. L'action peut être dirigée contre toute personne ayant reçu une libéralité qui porte atteinte à la réserve du demandeur (Steinauer, op. cit., nn. 796 ss).
Le jugement de réduction est un jugement formateur qui modifie avec effet rétroactif la situation juridique en annulant, partiellement ou totalement, les dispositions du de cujus qui portent atteinte à la réserve et en conférant la qualité d’héritier effectif à l’héritier réservataire qui ne l’a pas encore (TF 5C.81/2003 du
21 janvier 2004 c. 5.2 et les références citées). Le dispositif du jugement doit dès lors énoncer la libéralité objet de la réduction. Par conséquent, les conclusions doivent énumérer les libéralités attaquées, le dispositif ne pouvant mentionner des libéralités dont la description ne figure nulle part dans les conclusions de la demande (art. 3 CPC-VD). En outre, en cas d’admission d’une action en réduction portant sur plusieurs libéralités, il s’agit également de déterminer l’ordre des réductions, conformément à l’art. 532 CC. Cela suppose donc que les libéralités à réduire, ainsi que l’ordre des réductions soit indiqué, ce qui est incompatible avec une conclusion globale, en paiement de surcroît.
Or, en l’espèce, les demandeurs n’ont pas déterminé les libéralités litigieuses, ni la lésion de leur réserve, ni le montant de la masse à partager. Les demandeurs auraient dû, en cours d’instance, préciser leurs conclusions. A cela s’ajoute que les demandeurs n’ont en aucune manière établi que leur réserve aurait été atteinte.
viii) La conclusion VIII demande que la défenderesse soit condamnée à verser aux demandeurs un montant jusqu’à concurrence de la réserve qui leur est due sur la conclusion VII.
Cette conclusion condamnatoire en versement de fonds indéterminés aux demandeurs est non seulement trop vague, le montant n’ayant en effet pas été précisé en cours d’instance, comme vu ci-dessus, mais en outre, il n’est pas possible pour un héritier d’obtenir d’un cohéritier le paiement d’un montant avant partage, tant que dure l’hoirie. Une telle conclusion doit être prise en principe dans le cadre de l’action en partage.
e) En définitive, les conclusions prises par les demandeurs sont irrecevables et il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur le fond de leurs prétentions.
IV. a) En vertu de l'art. 92 CPC-VD, des dépens sont alloués à la partie qui obtient gain de cause.
Ces dépens comprennent principalement les frais de justice payés par la partie, les honoraires et les débours de son avocat (art. 91 let. a et c CPC-VD). Les frais de justice englobent l'émolument de justice, ainsi que les frais de mesures probatoires. Les honoraires d'avocat sont fixés selon le Tarif des honoraires d'avocat dus à titre de dépens du 17 juin 1986 (RSV 1787.11.3). Les débours consistent dans le paiement d'une somme d'argent précise pour une opération déterminée (timbres, taxes, estampilles).
b) En l'espèce, obtenant entièrement gain de cause, la défenderesse B.N.__ a droit à des dépens, à la charge des demandeurs G.N.__ et A.N.__, solidairement entre eux, qu'il convient d'arrêter à 65’202 fr. 75, savoir :
a) | 40’000 | fr. | à titre de participation aux honoraires de son conseil; | |
b) | 2’000 | fr. | pour les débours de celuici; | |
c) | 23’202 | fr. | 75 | en remboursement de son coupon de justice. |
Par ces motifs,
la Cour civile,
statuant à huis clos,
prononce :
I. Les conclusions prises par les demandeurs G.N.__ et A.N.__ contre la défenderesse B.N.__, selon demande du 27 juin 2005, sont rejetées dans la mesure où elles sont recevables.
II. Les frais de justice sont arrêtés à 91'845 fr. (nonante et un mille huit cent quarante-cinq francs) pour les demandeurs, solidairement entre eux, et à 23’202 fr. 75 (vingt-trois mille deux cent deux francs et septante-cinq centimes) pour la défenderesse.
III. Les demandeurs, solidairement entre eux, verseront à la défenderesse le montant de 65’202 fr. 75 (soixante-cinq mille deux cent deux francs et septante-cinq centimes) à titre de dépens.
Le président : La greffière :
P. Hack M. Bron
Du
Le jugement qui précède, dont le dispositif a été communiqué aux parties le 13 mars 2013, lu et approuvé à huis clos, est notifié, par l'envoi de photocopies, aux conseils des parties.
Les parties peuvent faire appel auprès de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal dans les trente jours dès la notification du présent jugement en déposant auprès de l'instance d'appel un appel écrit et motivé, en deux exemplaires. La décision qui fait l'objet de l'appel doit être jointe au dossier.
La greffière :
M. Bron
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