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Urteil Kantonsgericht (VD)

Zusammenfassung des Urteils Jug/2012/193: Kantonsgericht

Der Text handelt von einem Rechtsstreit zwischen X.________ und A.T.________ B.________Sàrl vor dem Kantonsgericht. X.________ hat ein Produkt namens `zzz.________` entwickelt und verschiedene Auszeichnungen erhalten. Er hatte eine Zusammenarbeit mit A.T.________ B.________Sàrl begonnen, um das Produkt zu produzieren und zu vermarkten, aber die Zusammenarbeit endete aufgrund von Meinungsverschiedenheiten. A.T.________ B.________Sàrl entwickelte daraufhin ein ähnliches Produkt namens `aaa.________`. Es gab Streit um geistiges Eigentum und finanzielle Forderungen zwischen den Parteien. Das Gericht musste über die Angelegenheit entscheiden.

Urteilsdetails des Kantongerichts Jug/2012/193

Kanton:VD
Fallnummer:Jug/2012/193
Instanz:Kantonsgericht
Abteilung:
Kantonsgericht Entscheid Jug/2012/193 vom 29.03.2012 (VD)
Datum:29.03.2012
Rechtskraft:
Leitsatz/Stichwort:
Schlagwörter : été; éfendeur; Expert; éfenderesse; èces; édé; ériel; éfendeurs; éral; établi; écis; Sàrl; érence; Auteur; Autre; évrier; él œuvre; épend; était; Selon; ésultat; éré; édéral; éter; également; érences
Rechtsnorm:Art. 1 LDA;Art. 10 LDIP;Art. 107 ZPO;Art. 1156 ZGB;Art. 1157 ZGB;Art. 1158 ZGB;Art. 1161 ZGB;Art. 1162 ZGB;Art. 13 LDIP;Art. 16 LDIP;Art. 2 ZGB;Art. 2 LDA;Art. 26 BGG;Art. 28f ZGB;Art. 3 ZGB;Art. 318a ZPO;Art. 404 ZPO;Art. 41 BGG;Art. 512a ZPO;Art. 6 ZPO;Art. 6 LDA;Art. 64 LDA;Art. 7 LDA;Art. 8 ZGB;Art. 9 LDA;Art. 92 ZPO;
Referenz BGE:-
Kommentar:
Roth, , 2003

Entscheid des Kantongerichts Jug/2012/193

TRIBUNAL CANTONAL

CO05.000819

49/2012/DCA



COUR CIVILE

_________

Séance du 29 mars 2012

__________

Présidence de M. MULLER, président

Juges : Mme Carlsson et M. Bosshard

Greffière : Mme Umulisa Musaby

*****

Cause pendante entre :

X.____

(Me R. Schlosser)

et

A.T.____

B.____Sàrl

(Me P.-A. Killias)


- Du même jour -

Délibérant à huis clos, la Cour civile considère :

Remarques liminaires :

En cours d'instruction quatorze témoins ont été entendus, parmi lesquels Q.____, qui soutient le demandeur dans ses démarches pour protéger son invention et qui a parlé du litige avec lui; R.____, co-fondateur et membre de la direction de la défenderesse, qui, à ce titre, est intéressé à l'issue du procès et a en outre parlé du procès et de son audition avec le défendeur ; B.T.____, épouse du défendeur, et P.____, associé de la défenderesse. Tous ces témoignages ne seront retenus que pour autant qu'ils soient corroborés par d'autres éléments de l'instruction.

En fait :

1. Le demandeur X.____, qui est domicilié à [...] en Belgique et qui a une résidence occasionnelle à Lutry, a exercé divers types d’activités, notamment dans le domaine de l’animation en tant que cascadeur et comédien. Il a travaillé comme animateur pour la promotion de jeux distribués par Hasbro, entreprise qui commercialise entre autres le Scrabble et le Monopoly. Il n'a aucune formation dans le domaine de l'éducation et de l'animation.

La défenderesse B.____Sàrl, dont le siège est à Vallorbe, a pour but social les conseils aux producteurs du marché médical. Cette société a été fondée en 2000 par le défendeur A.T.____ et par R.____, qui en sont les associés gérants. Infirmier de formation, A.T.____, domicilié à l'Isle, a travaillé jusqu'en septembre 2003 dans des entreprises médicales. Quant à R.____, il jouit, comme ce dernier, d'une expérience professionnelle en matière de marketing médical.

2. a) Entre les années 1996 et 1998, le demandeur a mis au point un produit d’abord appelé « xxx.____ », rebaptisé « yyy.____ » en 2003, puis « zzz.____ » en 2004, nom sous lequel il sera en principe désigné dans le présent jugement.

Le «zzz.____ » est constitué d’un ensemble de petits cubes et d’éléments de connexion indépendants permettant de réaliser à choix des assemblages tridimensionnels ou des puzzles. Chaque cube est creux, comprend six ouvertures, soit une ouverture sur chacune de ses faces, et est formé de deux demi-cubes assemblés. Les pièces de connexion sont conçues de manière à permettre l’assemblage des cubes les uns aux autres par encliquetage. Le demandeur a développé deux types de pièces de connexion : d'une part, les connecteurs mobiles, qui assemblent les cubes de manière à leur permettre de pivoter dans tous les sens et, d'autre part, les connecteurs fixes, qui assemblent les cubes sans permettre de rotation. Les montages créés peuvent ainsi être, suivant le choix de la pièce de connexion, soit fixes soit mobiles.

b) Les pièces de connexion font l'objet du brevet européen EP [...]. L'extrait du fascicule de brevet européen indique que le demandeur est le titulaire et l'inventeur de ce brevet, délivré le 16 octobre 2002 pour la Belgique, la France et l'Allemagne sur la base d'une demande déposée le 24 juin 1998 et publiée le 16 octobre 2000. La pièce de connexion revendiquée par le demandeur n'est en revanche pas protégée par un brevet en Suisse.

Le design du zzz.____ a été enregistré auprès de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. A ce titre, ce design était protégé notamment en Suisse, la protection ayant été prolongée jusqu'au 25 avril 2007.

c) Le zzz.____ peut tout d'abord être utilisé comme jeu ; alors appelé xxx.____, il a été commercialisé comme tel par le demandeur en Belgique, même s'il n'y a pas eu de véritable commercialisation. Faute d'investisseurs, cette commercialisation s'est faite à petite échelle. Il n'est en revanche pas établi que ce jeu ait été commercialisé depuis son appellation zzz.____.

Le zzz.____ peut aussi être utilisé à des fins pédagogiques, par exemple dans l’enseignement ou la formation professionnelle. Depuis l'année 2002, le demandeur a utilisé le zzz.____ dans le cadre d'un travail effectué sur mandat de la Fondation de [...] avec des élèves de neuf à seize ans connaissant des difficultés d’apprentissage ou souffrant de troubles du comportement et de la personnalité. Selon le directeur de cette Fondation, l’approche du demandeur « a mis en évidence des compétences surprenantes parmi [ces] élèves », et le zzz.____ "a suscité l’intérêt grandissant des enseignants spécialisés". Des observations similaires ont pu être faites à d’autres occasions. Ainsi, des ateliers animés par le demandeur à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne ont rencontré un écho très favorable. En outre, le demandeur a donné des cours de développement personnel chez [...], entreprise de formation commerciale. Le demandeur a également donné des conférences à l’Université de Genève en 2002 dans le domaine dit de la gestion de l'échec provisoire. Le zzz.____ peut encore être utilisé en tant qu’outil thérapeutique, notamment en ergothérapie, en gérontologie ou en pédopsychiatrie, de même qu'en logopédie. Il peut aussi servir à combattre le stress de certains patients. Enfin, le zzz.____ peut être utilisé comme support de marketing ou support publicitaire.

d) En 1996, le demandeur s'est vu décerner une médaille d'or avec mention par le Jury du 45ème Salon mondial de l'invention, de la recherche et de l'innovation industrielle à Bruxelles. A l'occasion du Salon international de l'invention de Paris 1997, il a reçu une médaille délivrée par le Ministre délégué à la Jeunesse et aux Sports. En 2001, le demandeur a encore obtenu pour son jeu une médaille d'or lors du Salon international des inventions de Genève. D'une manière générale, le jeu du demandeur a suscité un grand intérêt auprès des personnes auxquelles il a été présenté.

e) Le demandeur avait approché de nombreux investisseurs, dont certains ont placé de l'argent dans le projet du jeu xxx.____. Il n'a pas encore remboursé certains prêteurs. A sa demande, l'avocat Z.____, à Bruxelles, a répértorié ses dettes, le 26 septembre 2003. A cette date, le demandeur était redevable d'un dénommé L.____ de 500'000 francs belges, d'une dénommée H.____ de 2'000'000 francs belges et d'un dénommé N.____ de 1'000'000 francs belges, le tout augmenté des intérêts de retard. De surcroît, par "accord de collaboration" du 11 septembre 1998, dont il est question ci-dessous (cf. ch. 4e ci-dessous), le demandeur avait cédé la moitié de ses droits et revenus de l'exploitation sur le produit xxx.____ à F.____, en contrepartie de l'investissement de celui-ci. Selon l'état des dettes du 26 septembre 2003, il devait à cette personne 2'000'000 francs belges, soit 76'514 fr. 81 francs suisses en appliquant le taux de conversion de l'époque, selon lequel 1 franc belge équivalait à 0.03 franc suisse, plus intérêts de retard. Au total, selon cette pièce, le demandeur devait en tout cas 5'500'000 francs belges, soit 210'415.74 francs suisses. Ces montants n'avaient pas été remboursés à la date de l'audience préliminaire.

3. Des jeux, du genre de celui du demandeur, existaient déjà sur le marché avant le xxx.____. Ainsi, les jeux "live cube", "nice dice", multicube ou le jeu "plasticant mobilo", qui est sur le marché depuis les années septante. Tous ces jeux consistent en l'assemblage de plusieurs pièces servant à former des constructions en trois dimensions. Ils se caractérisent également par un ensemble de cubes comportant des ouvertures latérales et pouvant être assemblés au moyen d'éléments de connexion, fixes ou mobiles.

Dans son rapport du 14 août 2001, l'Agence wallone à l'exportation (AWEX) a repris le premier screening du concept xxx.____ réalisé en 1998 par les experts de la société américaine Excel, spécialiste en matière de lancement de nouveaux jeux et jouets. Au chapitre des commentaires concernant l'originalité et le caractère unique du xxx.____, on y lit ce qui suit :

"Les puzzles et objets interconnectables ont prouvé leur succès dans le passé. Le Rubik's Cube a été à la base de nombreuses déclinaisons de puzzles tridimensionnel avec dispositif rotatif.

Il est assez difficile de protéger ce type de jeu. Les fabricants déposent généralement des brevets basés sur des licences de figures et prennent des copy-rights sur le matériel visuel et la complexité de l'outillage pour réaliser des puzzles de 3.000 à 5.000 pièces.

D'après la société américaine Excel, spécialiste en matière de lancement de nouveaux jeux et jouets, il faudrait trouver un élément de différentiation supplémentaire pour renforcer le caractère innovatif du xxx.____.

4. a) La défenderesse n'a déployé aucune activité entre le moment de sa fondation en 2000 et la fin de l'année 2003. Au mois de juin 2003, le demandeur a rencontré le défendeur. Environ un mois après leur rencontre, le demandeur lui a présenté son jeu xxx.____. Ils ont décidé de collaborer en vue de la production et de la commercialisation du produit du demandeur par la défenderesse. C'est dans le cadre de ce projet que le xxx.____ a été rebaptisé yyy.____. Il était prévu que le développement et la production du yyy.____, de même que la direction des séminaires, soient confiés au demandeur, tandis que le défendeur devait diriger les secteurs vente et marketing ainsi que les finances. Il était par ailleurs convenu que le demandeur concède à la défenderesse l’exclusivité des droits de fabrication et de commercialisation du yyy.____ et lui octroie une licence portant sur les droits y relatifs.

Les parties ont commencé à collaborer en vue de la réalisation de leur projet. Le demandeur a remis au défendeur en septembre 2003 le rapport de l'Agence wallone à l'Exportation du 14 août 2001 et le rapport d'Excel Development Group Inc. du 26 novembre 1998 relatifs au xxx.____.

b) Dans le but de planifier les actions et de rassembler 450'000 francs, un business plan a été établi et rédigé sur papier à entête de la défenderesse. Selon ce business plan, la défenderesse entendait devenir une spécialiste de la production d'outils pédagogiques, thérapeutiques et ludiques. Il indique encore que le xxx.____ pouvait être utilisé à des fins pédagogiques ou thérapeutiques, soit notamment en ergothérapie, en gérontologie ou en pédopsychiatrie et qu'il s'agit d'un produit innovant, sans concurrence directe. Il précise également qu'"une bonne protection intellectuelle du produit (déjà effective aujourd'hui) par des droits de brevets, des droits de modèles et le "copyright" [les] protègent des copies et qu'une protection par la surveillance et l'entretien de [leur] propriété intellectuelle [les] protège des concurrents directs". Il mentionne enfin que la défenderesse possédait l'exclusivité des droits de fabrication et de commercialisation mondiaux pour le xxx.____.

c) Le 29 août 2003, le défendeur a contacté W.____, au sein de la banque Fortis, afin de trouver des investisseurs. Il a aussi eu des contacts étroits avec l'avocat Z.____, à qui il a adressé un courriel le 2 octobre 2003. Il lui a en outre fait parvenir les documents adressés aux investisseurs potentiels. Le 23 novembre 2003, le demandeur et le défendeur ont participé à une réunion en présence d'investisseurs potentiels. Les parties ont établi un projet de contrat de prêt pour les investisseurs potentiels. Par courriel du 27 novembre 2003, le défendeur a adressé au demandeur et à R.____ le contrat final pour les investisseurs. Il y a eu des investissements de tiers.

d) Le 22 octobre 2003, le défendeur a réservé le nom de domaine "yyy.____.com". Cependant, cette désignation a été déposée en Belgique le 24 octobre 2003 comme marque par le demandeur en son nom personnel.

e) Dans un courrier électronique du 1er décembre 2003, l'avocat Z.____, s'exprimant à propos du contrat avec les investisseurs, a signalé au défendeur que "l'affirmation relative à la protection par droits intellectuels était formulée dans des termes très optimistes". Selon "l'accord de collaboration" conclu entre le demandeur et le dénommé F.____ le 11 septembre 1998, le demandeur avait cédé la moitié des "droits et revenus de l'exploitation et des applications et de la conception d'un cube de 2 cm de côté xxx.____, d'un connecteur et ses variantes et des jeux et applications qui en découlent", en contre-partie d'un prêt de 2'300'000 francs belges, correspondant, selon les défendeurs, à 80'000 francs suisses. Cet accord a été prolongé jusqu'au 31 mai 2006, par un avenant du 18 mai 2004, puis jusqu'au 31 décembre 2006, le 3 mai 2006.

f) Les 17 décembre 2003 et 13 janvier 2004, le défendeur a adressé au demandeur un projet de contrat de licence entre le demandeur et la défenderesse, respectivement un compte-rendu sur deux pages d'une réunion qui s'était tenue le 9 janvier précédent entre le demandeur et les associés-gérants de la défenderesse. Par courriel du 23 janvier 2004, le défendeur a indiqué à l'avocat Z.____ avoir pu avancer sur un projet de contrat de licence avec le demandeur.

5. Le demandeur a révélé au défendeur les spécifications techniques et le savoir-faire permettant la fabrication de ses cubes et des pièces de connexion. Le défendeur a été en contact avec D.____, de l'entreprise M.____, active dans le moulage par injection de pièces, avec lequel une collaboration était envisagée. Le 21 janvier 2004, le demandeur et le défendeur se sont rendus ensemble à une séance de travail avec des représentants de la société précitée, à Oyonnax en France. Il était envisagé que la défenderesse mandate M.____pour le moulage par injection des pièces du yyy.____. Lors de cette séance qui a duré plusieurs heures, le demandeur a notamment fourni aux personnes présentes des indications détaillées à propos du moulage des pièces du yyy.____, notamment en relation avec les matières, les dimensions, les impératifs techniques induits par les développements futurs connexions par les coins et les côtés -, les injections et les éjections, la qualité, les coûts, les contre-dépouilles, l’option consistant à fabriquer deux connecteurs différents et les prix de revient, notamment en relation avec le nombre de couleurs.

6. Le 22 janvier 2004, la défenderesse a déposé à la Commune de Prilly une demande de permis de travail pour le demandeur.

Les parties ont décidé de présenter leur projet yyy.____ dans le cadre de l’édition 2004 du « Prix Lausanne Région Entreprendre ». Elles ont préparé un dossier de candidature, qui comprennait quinze pages et qui a été retenu aux côtés de quatre autres, dans le cadre d'une première sélection.

7. De fait, dès le mois de février 2004, les relations entres les parties se sont détériorées. Ces dernières ne sont pas parvenues à se mettre d'accord sur les modalités de la poursuite de leur collaboration et ont constaté des divergences de vues importantes concernant la réalisation du projet.

Le 6 février 2004, le défendeur a adressé au demandeur un organigramme du conseil de direction du yyy.____, expliquant le mode de fonctionnement dudit conseil. Selon ce texte, pour être prises valablement, les décisions du conseil de direction devaient réunir 3 voix sur 3, respectivement 2 voix sur 3 si le demandeur "[était] dans les 2".

Par courriel du 15 février 2004 adressé au défendeur, le demandeur a déclaré que tous deux n'avaient pas la même manière de voir certaines choses, qu'il avait certes été impressionné par les résultats que le défendeur avait obtenus dans la recherche de fonds, mais qu'il se sentait moins à l'aise au niveau de la conduite globale du projet et souhaitait redéfinir la collaboration avec la défenderesse sous une forme qui lui paraissait plus saine. Il proposait que la défenderesse devienne la responsable financier du projet et que yyy.____ devienne une société indépendante, dont il souhaitait assumer la direction des débuts.

A cette époque, des investisseurs avaient déjà versé de l'argent pour le projet et un montant de 2'000'000 francs belges devait être remboursé à F.____ afin de récupérer la moitié des droits que le demandeur avait cédé sur le jeu.

Par courriel du 17 février 2004 adressé au défendeur, le demandeur a reconnu avoir reçu du défendeur, de la défenderesse et des investisseurs un soutien concret adapté au projet, mais constatait que le défendeur et lui n'arrivaient plus à s'accorder. Il a formulé deux options : soit les rôles de chacun étaient redéfinis pour permettre la continuation du projet, soit le défendeur et/ou la défenderesse ne souhaitaient plus rien savoir, auquel cas il convenait de gérer tous les engagements pris, notamment au niveau financier. Le demandeur s'est notamment interrogé sur la manière de prévenir le Concours Lausanne Entreprendre. Quelques heures plus tard, R.____ a adressé au demandeur un courriel dans lequel il lui rappelait l'énorme travail que le défendeur et la défenderesse avaient fourni pour mener le projet à chef.

Le même jour, la défenderesse a informé les responsables du Concours Lausanne Entreprendre 2004 qu'elle retirait sa candidature, ce qu'elle a confirmé par lettre du 18 février 2004.

Par courrier du 18 février 2004, le défendeur et R.____, au nom de la défenderesse, ont déclaré quitter le projet yyy.____ "avant tout par manque d'une convention [les] liant au demandeur". Dans ce même courrier, la défenderesse a proposé au demandeur qu'il la dédommage à concurrence de 250'000 fr. pour solde de tous comptes.

Par lettre du 26 février 2004, le défendeur a soumis au demandeur une proposition au nom de la défenderesse pour « recommencer ou terminer durablement [leur] relation ». Trois options étaient envisagées. Les deux premières octroyaient au demandeur le droit de conserver le nom "yyy.____" et son site web moyennant paiement à la défenderesse d'une certaine somme d'argent. Selon la troisième option, le demandeur accordait à la défenderesse une licence de production et de distribution exclusive au niveau mondial du produit yyy.____ contre paiement par la défenderesse d’une redevance de 4 % calculée sur le chiffre d’affaires mondial. Le demandeur a décliné ces propositions. Lorsqu'il a rédigé la lettre du 26 février 2004, le défendeur avait eu connaissance du rapport d'Excel Development Group, Inc. du 26 novembre 1998 relatif au xxx.____.

Le 27 mars 2004, la défenderesse, sous la signature de ses associés gérants, a écrit au demandeur qu’elle renonçait à poursuivre la collaboration envisagée, réitérant qu’elle "[quittait] ce projet par manque d'une convention avec [le demandeur]", que ce dernier avait promise". La deuxième raison invoquée était que le demandeur voulait un contrôle total du projet. La défenderesse a invité le demandeur à poursuivre le projet sans elle, lui signifiant : "Nous pensons donc que tu peux le faire sans B.____Sàrl".

Dans sa lettre du 27 mars 2004, la défenderesse a proposé au demandeur de lui verser un montant de 250'000 fr. dans les trente jours pour solde de tous comptes. Le 8 juin suivant, elle lui a adressé un premier rappel. Par courrier du 30 juillet 2004, le demandeur a répondu qu'il avait de la peine à trouver "de quoi rattraper les investissements qu'il avait cru donnés en confiance", qu'il n'y avait eu aucun engagement contractuel entre parties et que le montant réclamé était exagéré et dépourvu de toute justification.

8. a) Le 1er avril 2004, soit cinq jours après l'envoi de la lettre du 27 mars 2004 et six semaines après le courriel du demandeur du 15 février 2004, le défendeur a déposé auprès de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle, sous numéro 130648, un design de pièces de jeux se présentant comme un polyèdre composé de six faces actives et huit faces passives. L'expert judiciaire (cf. ci-dessous, ch. 13) confirme que ce design correspond au jeu que la défenderesse a commercialisé, peu de temps après, sous la dénomination de aaa.____. La marque internationale "aaa.____" a été déposée par le défendeur le 26 avril 2004 sous le numéro 524685.

Le jeu aaa.____ consiste dans un ensemble de polyèdres et d'éléments de connexion indépendants permettant de réaliser des assemblages tridimensionnels. Comme le zzz.____, le aaa.____ comprend des polyèdres creux, ouverts sur six côtés. Comme ceux du zzz.____, les polyèdres du aaa.____ sont formés de deux demi-cubes assemblés.

b) Le 2 mars 2004, C.____Sàrl avait adressé à la défenderesse des offres en vue de la mise au point de moules d’injection pour les pièces constitutives du "aaa.____". La défenderesse a accepté ces offres et passé commande le 8 mars suivant. Il n’est pas établi que le demandeur ait été mis au courant de ces transactions. Entre le 7 septembre 2004 et le 1er janvier 2005, la défenderesse a commandé à S.____Sàrl l'injection des pièces constitutives du aaa.____. De septembre 2004 à janvier 2005, S.____Sàrl a adressé à la défenderesse des factures pour un montant de 23'753 fr. 65. Le mode d'emploi du aaa.____ a été créé par le défendeur et une employée de la défenderesse. Les défendeurs ont fourni un effort considérable pour permettre l'exploitation de leur jeu.

c) La défenderesse a commencé à commercialiser son jeu "aaa.____" en août 2004. Elle a notamment offert son produit à la vente sur un site internet accessible à l'adresse http ://www. aaa.____.com. Le aaa.____ a été vendu dans plusieurs magasins de jouets en Suisse romande et en France. La défenderesse prévoyait de promouvoir et vendre son produit également en Belgique et en Allemagne, entre autres pays.

d) Par lettre de son conseil du 4 novembre 2004, le demandeur a enjoint à la défenderesse de mettre un terme à la commercialisation du aaa.____. Le 21 décembre 2004, les défendeurs ont rappelé au demandeur qu'ils avaient cherché à le rencontrer pour analyser ses requêtes et finaliser le montant de 150'000 fr. qu'ils lui réclamaient et qu'à défaut de sa réponse, ils lui fixaient un délai au 31 décembre 2004 pour verser le montant de 150'000 fr. à titre d'indemnité pour rupture abusive de collaboration et tort moral.

9. a) Le 12 janvier 2005, le demandeur a requis que des mesures d'interdiction soient prononcées à titre préprovisionnel et provisionnel. Le Juge instructeur de la Cour civile a admis ces requêtes. Par ordonnance de mesures provisionnelles du 19 janvier 2005, il a interdit aux intimés A.T.____et B.____Sàrl, ainsi qu'à leurs auxiliaires, sous la menace des sanctions prévues par l'article 292 du Code pénal, de fabriquer ou de faire fabriquer, d'importer ou d'exporter, de vendre, de mettre en vente, de mettre en circulation et/ou de distribuer sous quelque forme que ce soit, en particulier sous la dénomination aaa.____, tout jeu composé de cubes en trois dimensions, ouverts sur les côtés, et d'éléments de connexion indépendants des cubes, permettant de les relier entre eux par clipage (I); le juge a en outre interdit aux intimés, ainsi qu'à leurs auxiliaires, sous la menace à l'intimé et aux organes de l'intimée des sanctions prévues par l'article 292 CP, d'utiliser de quelque manière que ce soit, en particulier sur des emballages, dans la promotion commerciale, les papiers commerciaux, les enveloppes, les étiquettes, les modes d'emploi et/ou tout autre document ou support informatique, notamment sur Internet, tout jeu composé de cubes en trois dimensions, ouverts sur les côtés, et d'éléments de connexion indépendants des cubes, permettant de les relier entre eux par clipage, en particulier sous la dénomination aaa.____ (II).

b) La défenderesse a continué à présenter son produit sur le site internet aaa.____.com et ce n'est qu'après interpellation du demandeur que le site a été désactivé. A la date du dépôt de la demande, le yyy.____ demeurait annoncé sur le site de la défenderesse, le demandeur admettant que le lien hypertexte renvoyait à un site inactif.

10. a) Jusqu'à la fin du mois de janvier 2005, la défenderesse comptait plusieurs employés, essentiellement payés à la pièce et travaillant à domicile. Selon les pièces au dossier, au mois de décembre 2004, elle a payé un montant de 2'500 francs pour du travail à domicile.

A la suite de l'ordonnance de mesures provisionnelles susmentionnée, la défenderesse a dû résilier des contrats de travail. Selon la pièce 125 qu'elle a établie, la défenderesse avait, à l'époque où elle a dû cesser la production, du stock pour 138 jeux "duo", 15 jeux "Family" ainsi que de composants et de matériel pré-imprimé, en particulier des cubes, des demi-pinces, des pinces, une moule à pinces, une moule à cubes, des modes d'emploi et des emballages.

Le aaa.____ coûtait 49 fr. le jeu. Selon les pièces au dossier, le chiffre d'affaires total est passé de 1'108 fr. 80 en août, à 2'154 fr. 15 en septembre, à 2'451 francs 50 en octobre, à 6'698 fr. 05 en novembre, enfin à 10'347 fr. 45 en décembre 2004.

La défenderesse a produit une facture du 13 février 2004 du notaire Vial-d'Aumeries relative à des honoraires et déboursés 2004 d'un montant de 2'312 francs 45 ainsi que deux factures de novembre et décembre 2003 pour des frais de domiciliation totalisant 550 fr. 25.

Le 1er février 2005, la défenderesse a fait notifier au demandeur un commandement de payer n° 2'095'948 de l'Office des poursuites de Lausanne-Ouest pour la somme de 150'000 fr. plus intérêt à 8 % dès le 30 juin 2004. Le demandeur a formé opposition totale.

b) Dans une précédente activité, le défendeur réalisait un salaire mensuel d'environ 13'000 fr., soit un salaire mensuel brut de 11'000 fr. auquel s'ajoutait 21'000 fr. de bonus par année. Selon les fiches de salaire qu'il a produites, à l'entête de la défenderesse, en février et mars 2005, le défendeur a touché un salaire mensuel net de 4'007 fr. (4'600 fr. brut), respectivement de 3'248 fr. 10 net (3'800 fr. brut), soit un salaire net total de 7'255 fr. 10. Le défendeur dit n'avoir rien touché de la défenderesse les mois suivants. Dès le 15 juin 2005, le défendeur a été engagé par la société […] SA à Lonay.

11. a) A la foire de Nuremberg de février 2005, soit après que l'ordonnance de mesures provisionnelles du 19 janvier 2005 avait été rendue, le défendeur a laissé un exemplaire du jeu aaa.____ à l'attention du témoin V.____, cogérant de la société J.____, distributeur de jeux en Belgique, avec lequel il avait déjà eu des contacts téléphoniques. Cette personne a été amenée à s'intéresser au aaa.____. Par la suite, les discussions ont porté exclusivement sur le bbb.____. Ayant eu l'impression d'avoir déjà vu ce jeu quelque part, le témoin V.____ s'est préoccupé de la titularité des droits sur le jeu. Le défendeur l'a assuré qu'il n'y avait aucun problème de licence. Pour le compte de sa société, le témoin V.____ a commandé un certain nombre de pièces du jeu, vendues sous le nom de bbb.____. C'est la société S.____Sàrl qui a fait la facturation et qui s'est présentée comme le partenaire fabriquant du défendeur.

b) S.____Sàrl, qui a commercialisé le bbb.____, avait comme associés gérants G.____ et P.____, qui étaient alors également associés de la défenderesse.

c) Dans un inventaire "bbb.____ du 1/12/2005", établi sur papier entête de S.____Sàrl, sont répertoriées plusieurs pièces du jeu bbb.____, à savoir des demi-cubes et cubes de diverses couleurs, d'anciennes et nouvelles pinces noires et blanches. Pour la fabrication des polyèdres du bbb.____, S.____Sàrl a utilisé les moules de la société C.____Sàrl. De fait, au niveau des pièces, seules les pièces de connexion du bbb.____ sont différentes de celles du aaa.____. Les polyèdres du aaa.____ sont identiques à ceux du bbb.____. En revanche, les pièces de connexion du bbb.____ sont d'un seul bloc, sans pivot, et ne peuvent s'ouvrir et se fermer à leurs extrémités, par opposition au système de pinces utilisé par le aaa.____. S.____Sàrl a procédé dans plusieurs magasins au remplacement des jeux aaa.____ par des jeux bbb.____.

12. Le 3 mai 2005, le demandeur a déposé une requête de conciliation devant le Juge de paix des districts d'Orbe et La Vallée. Un acte de non-conciliation a été délivré le 30 juin 2005. Le conseil du demandeur a déposé plainte au nom de son client contre le défendeur pour violation de l'art. 292 CP du Code pénal.

Le demandeur a également ouvert action devant la Cour civile contre la société S.____Sàrl. Dans le cadre de cette action, un arrêt d'appel sur mesures provisionnelles a été rendu le 19 mai 2006. La Cour civile a notamment considéré que S.____Sàrl n'avait pas violé la loi contre la concurrence déloyale. Elle a en particulier retenu que le demandeur, qui prétendait lui-même avoir commercialisé son jeu en Suisse dans le cadre de ses activités pédagogiques et avait proposé son jeu à un prix dissuasif, n'avait toutefois pas privé le public de l'accès à son jeu. Elle a encore jugé que le jeu bbb.____ se distinguait du jeu xxx.____ en ce sens que le premier était composé de polyèdres de quatorze faces, dont huit fermées, qui se démarquaient des cubes du xxx.____ et que la pièce de connexion du premier se distinguait nettement de la pièce "à pinces" du xxx.____. Elle a partant considéré que le bbb.____ n'était pas une reprise indue du xxx.____. La Cour civile a enfin admis qu'il n'y avait pas de risque de confusion quant à l'origine des deux jeux.

13. En cours d'instruction, comme dans la cause divisant le demandeur à la société S.____Sàrl, une expertise technique a été confiée à Philippe Addor, à Colombier-sur-Morges, qui a déposé son rapport le 15 septembre 2008. L'expert s'est prononcé sur l'originalité du produit du demandeur (a), sur la comparaison entre le zzz.____ et le aaa.____ (b) et sur le brevet du demandeur (c).

a) aa) Interrogé à propos de l'allégué, selon lequel le produit développé par le demandeur est original, dont la teneur est ainsi identique à celle de l'allégué 41 de la procédure dirigée contre S.____Sàrl, la réponse de l'expert est la même. L'expert relève tout d'abord que « le concept de jeu de construction avec des cubes est dans l’air depuis des décennies voire des siècles », que la forme cubique n’est dès lors pas originale comme élément de matériel ludique de construction. L'expert indique que les six faces du zzz.____ sont dites "actives", en ce sens qu'elles comportent chacune un trou qui permet d'introduire un connecteur et ainsi de fixer les cubes les uns aux autres. Il remarque que le jeu "Modulo" comporte aussi des cubes à six faces actives avec des connecteurs indépendants fixes et mobiles et que le jeu "Multicube" a aussi six faces actives, mais que l'une d'entre elles comporte un connecteur fixé au cube. Il ajoute que des pastilles à fixer sur les faces permettent de faire figurer une couleur, un chiffre, un logo, etc. et de réaliser des constructions plus complexes avec un positionnement déterminé de chaque cube. Il relève que selon la notice du " xxx.____", le système des pastilles est encore artisanal. Toujours à ses dires, cet ajout d'élément sur chaque face d'un cube se retrouve dans divers autres jeux : "Quadro", "Rubik's cube" et "Multicube". L'expert conclut que « l’utilisation des six faces d’un cube pour réaliser des constructions n’est pas un concept original de même que l’utilisation de pastilles».

Toujours selon l'expert, le zzz.____ a deux types de connecteurs : les connecteurs fixes permettant notamment de stabiliser deux ou plusieurs cubes dans un même plan ou dans des plans différents et les connecteurs mobiles permettant d'articuler, de développer la construction dans diverses directions de façon orthogonale ou non, donc avec des possibilités de rotation très nombreuses, le connecteur mobile pouvant faire office d'axe de rotation. L'expert indique encore ce qui suit :

« (…)

Selon le demandeur, le «zzz.____ » (…) doit permettre de représenter des concepts mathématiques et géométriques, animer, voire modéliser des réalités biologiques, techniques donc matérialiser, illustrer divers concepts scientifiques.

Le «zzz.____ » permet d'explorer, de construire, d'expérimenter, de créer, de construire des concepts abstraits de dimension, rotation, symétrie, réunion, séparation, comptage, surface, volume, etc. Ce matériel semble donc un outil utile pour des enseignants, des éducateurs, des parents, des scientifiques, des spécialistes comme des physiothérapeutes, logopédistes, etc.

L'apport éducatif et scientifique de ce double système de connexion est clairement énoncé dans les notices et autres documents de présentation du « zzz.____ » (Prix de Lausanne Entreprendre 2004) mais n'a pas été vraiment démontré et argumenté par le demandeur.

(…)

Avec le « Multicube », le connecteur n'est pas indépendant, ce qui est une différence d'avec le «zzz.____ », mais les deux matériels permettent de réaliser des constructions similaires selon des démarches assez semblables. On peut faire l'hypothèse que les explorations et découvertes rendues possibles par le « Multicube » sont aussi structurantes, complexes, créatives et ludiques que celles effectuées avec le «zzz.____ ».

Cette possibilité d'accolement et d'articulation de cubes les uns aux autres n'est pas vraiment originale, elle peut se pratiquer avec de nombreux autres jeux : « Mobilo »; « K'nex »; « Universal building blockx-box » (vers 1900), « Meccano » (1920); « Mobilo homme » (1920); « Matador » (1920), (Santi, F., Wasserfallen, A, 2002); « Polydron »; « Quadro »; « Rubik's cube »; « Fischer technique », (1980), (…).

On ajoutera à cette liste, les nombreux autres jeux de construction en trois dimensions avec des cubes et divers systèmes de connexion qui sont mentionnés dans le rapport de la Société Excel (…) : « 3D builder », « Lazy », « Archi forms » (…)

Awex cite (p. 46) « Googolplex », « Zaks » et « Model 8 ».

Le jeu « Lego technique » a aussi développé une grande gamme de connecteurs-axes dont certains permettent d'articuler des pièces les unes aux autres dans plusieurs directions (Wiencek, H. 1987). Ce jeu propose des charnières qui permettent de faire pivoter des pièces ou des ensembles de pièces les unes par rapport aux autres.

Le jeu de construction « Mobilo » (…) comporte des cubes et des systèmes de connecteurs indépendants des cubes. Il comporte aussi deux types de fixation : fixes et mobiles.

(…)

Les connecteurs indépendants du «xxx.____ » sont certes riches de potentialités mais pourraient être difficiles de manipulation pour des jeunes enfants, des personnes handicapées et des personnes âgées. Ainsi le connecteur fixe ne résiste guère aux manipulations des utilisateurs un peu brusques.

Dans la notice du «xxx.____ » (…), l'utilisateur est mis en garde de la façon d'introduire le connecteur : « Veillez à ce que vos connecteurs soient pincés pour les placer dans vos cubes, sinon, vous ne pourrez pas le faire autrement qu'en forçant et en prenant le risque d'abîmer vos pièces!!! ». Ceci présente un inconvénient pour l'utilisateur.

De plus la manipulation de ces cubes montre qu'il convient de bien poser le connecteur sur le dessus du cube car si on le pose horizontalement sur la face verticale, il risque de tomber…

(…)

Il est bien évident que les divers jeux cités ci-dessus et leurs connecteurs ne sont pas identiques au matériel du demandeur mais ils fonctionnent sur des principes semblables pour la manipulation des objets dans l'espace : accolement, séparation, symétrie, miroir, « pavage », puzzles et casse-tête à deux ou trois dimensions, etc. Chacun de ces matériels, cubes et connecteurs, possèdent sa propre logique de fonctionnement souvent très semblable à celle de ses concurrents. Ils développent des compétences, aptitudes motrices, connaissances spatiales, etc. très semblables.

La réalisation des connecteurs, complexes et ingénieux, selon le brevet du demandeur, montre que la conception de la fixation doit encore être développée, donc qu'il faut d'autres plans. Les petits ergots qui retiennent les connecteurs fixes sont fragiles.

Le produit n'est donc pas encore fiable à ce stade du développement comme ceci est relevé dans la notice d'utilisation, il conviendrait d'améliorer ce système de fixation.

Le concept de fixation par pinçage tel qu'il a été prévu et réalisé pour le «xxx.____» n'est pas vraiment encore approprié à ce matériel ludique pour le rendre opérationnel et adapté pour un outil pédagogique novateur.

L'originalité d'un matériel ludique consiste aussi à posséder des qualités de fonctionnement inédites, éprouvées, nouvelles qui facilitent les manipulations, les expérimentations, les découvertes, les surprises du joueur, etc.

La démonstration de la nouveauté de l'apport pédagogique du «xxx.____» par rapport à d'autres matériels du même type n'a pas vraiment été apportée.»

L'expert conclut qu'« au regard de leurs qualités intrinsèques, de l’activité ludique qu’ils induisent, ainsi que de l’existence des autres matériels déjà existants », les connecteurs du demandeurs « ne sont pas suffisamment innovateurs pour permettre de dire qu’il y a originalité ».

A dire d’expert, le demandeur « n’a pas vraiment démontré l’originalité de sa démarche pédagogique avec ce matériel ludique ». Toujours selon l’expert, « le xxx.____ a certainement rencontré des succès avec les élèves de la Fondation de [...] mais ceci n’est pas une preuve de son originalité. Le produit, dans sa globalité, ne possède pas vraiment de cachet propre, une identité suffisamment forte, des caractéristiques suffisamment innovantes pour être considéré comme original ». En conclusion, l'expert considère que « le produit créé par M. X.____ne peut pas être considéré comme original ».

ab) L'expert Addor a déposé un rapport complémentaire le 17 novembre 2009. Il a tout d'abord été invité à réexaminer l'originalité et la nouveauté du jeu du demandeur par rapport aux produits existant déjà sur le marché. Sa réponse est résumée comme il suit :

"Le «zzz.____» fait partie de cette grande famille de jeux de construction, puzzle, casse-tête à base de cubes.

Comme certains, il possède des connecteurs indépendants qui sont fixes ou mobiles.

Ces connecteurs relient 5 ou 6 faces actives. Certains autres jeux possèdent des connecteurs intégrés au cube. Tous ces matériels, permettent de réaliser des constructions complexes dans l'espace qui comme nous l'avons vu sont assez ressemblantes les unes aux autres.

Tous ces jeux permettent de développer de très nombreuses compétences assez semblables les unes aux autres comme nous l'avons vu.

La spécificité qui fait l'originalité d'un jeu est parfois mince, elle est de l'ordre d'une pièce, d'un concept, d'un type d'emboîtement, d'un ensemble de ces caractéristiques qui font son individualité et son originalité.

Le «zzz.____» est un très bon matériel, ouvert, polyvalent, bien adapté aux compétences des enfants d'âges différents. Il permet de développer de multiples savoir, savoir-faire, savoir-être chez les enfants. Il est bien adapté au travail et aux jeux en classe.

Cependant, il n'a pas vraiment une identité suffisamment marquée avec une fonctionnalité suffisamment nouvelle et avec des animations suffisamment innovantes pour se distinguer vraiment des autres matériels.

Ceci n'empêche pas M. X.____de réaliser avec les enfants de très bonnes animations, de mettre en place des activités ludiques de qualité avec le matériel «zzz.____». Il maîtrise très bien ce matériel et ceci suite à un long travail de conception, de mise au point, d'essais, d'expériences et d'animations comme nous le verrons dans la troisième question."

ac) En deuxième lieu, l'expert a été invité à compléter sa comparaison, toujours sur la question de l'originalité. La question posée à l'expert et la réponse de ce dernier sont formulées comme il suit :

"2. DEUXIEME QUESTION

2.1 INTITULÉ DE LA QUESTION 2

« En ce qui concerne toujours les produits pré-existants auxquels M. Addor a comparé le «zzz.____», il m'apparaît que l'on peut difficilement se contenter de considérations hypothétiques telles que celle-ci : « On peut faire l'hypothèse que les explorations et découvertes rendues possibles par le «Multicube» sont aussi structurantes, complexes, créatives et ludiques que celles effectuées par le «zzz.____» (…). On devrait dès lors inviter l'expert à aller plus en avant sur ce point incontournable dans ses investigations et ses explications pour quitter l'hypothèse et passer à des considérations qui se rapprochent de la certitude. En réalité, M. X.____soutient que le «zzz.____» de par le recours à un connecteur indépendant, permet des combinaisons autrement nombreuses et variées que le «Multicube», au point que le résultat est totalement différent entre l'un et l'autre produit. Une interpellation de M. X.____par l'expert paraît dès lors sur ce point incontournable.

Sur ce point, il y a donc lieu d'inviter M. Addor à compléter sa comparaison entre le «Multicube» et le «zzz.____», notamment en interpellant M. X.____, afin de donner à ce sujet un avis allant plus loin qu'une simple hypothèse.

2.2 A PROPOS D'HYPOTHÈSE

« On peut faire l'hypothèse que les explorations et découvertes rendues possibles par le «Multicube» sont aussi structurantes, complexes, créatives et ludiques que celles effectuées par le «zzz.____».

Apportons quelques explications à cette phrase du rapport d'expertise. Elle pose un aspect du problème de la comparaison de deux matériels ludiques le «Multicube» et le «zzz.____». Pour ce dernier jeu, nous ne disposons pas encore vraiment de véritables démonstrations écrites, validées, basées sur de réelles observations des valeurs de ce matériel. Nous ne disposons pas d'observations référencées de comportements des enfants induites par le matériel ou d'étude des actions éducatives menées par des enseignants ou des éducateurs.

Ainsi, les apports de ce matériel pour les enfants ne sont guère spécifiés, décrits, explicités dans un rapport par exemple ou une notice pédagogique.

Il est aussi difficile de connaître les intentions éducatives précises qui ont présidé à la conception et l'animation de ce matériel, les résultats et évaluations des animations déjà entreprises, les compétences développées chez les enfants, etc.

Des bases de comparaison avec d'autres matériels ne sont donc pas clairement établies. Ce travail d'expérimentation et d'observation serait d'une grande utilité pour renforcer la pertinence éducative de ce matériel et des activités ludiques qu'il induit. Il renforcerait aussi la démarche commerciale en donnant des informations pertinentes aux clients, enseignants, éducateurs, parents, enfants et investisseurs.

Ce travail va au-delà d'une interpellation d'une partie bien que les diverses discussions que j'ai eues avec M. X.____aient été très fructueuses. Le travail de recherche nécessaire pour lancer un projet comme celui-ci ne peut se faire sans cette approche rigoureuse d'observations et ….d'hypothèses.

(…)."

En prenant des exemples concrets d'application du "Multicube", il apparaît clairement à l’expert que le Multicube, comme le Mobilo, permet des explorations et découvertes aussi structurantes, complexes, que le zzz.____. Toujours à dires d'expert, le fonctionnement des deux matériels est différent vu qu’il n’y a pas de connecteur indépendant dans le second, ni de connecteur fixe. L’indépendance du connecteur n’est toutefois pas un élément original pour le zzz.____, dès lors que le «Mobilo» "a lui aussi un connecteur indépendant et de plus un connecteur fixe et un mobile tout comme le «zzz.____»". Pour l'expert, le fonctionnement de connexion est finalement assez proche pour les utilisateurs, vu que le joueur presse sur le cube du « Multicube » pour le fixer à un autre cube. Avec le «zzz.____ », il s'agit d'un système de ciseaux avec pression d'un cube, une fois que le connecteur ouvert est engagé entre les deux éléments à assembler. Avec le « Multicube » il s'agit d'une pression d'un cube qui se fixe par clipsage. L’expert conclut toutefois qu’une « affirmation proche de la certitude des potentialités du matériel ne pourra être émise sans qu’une expérimentation approfondie puisse être effectuée ou alors puisse être validée après avoir été effectuée par le créateur du matériel ou d’autres personnes du métier si possible ».

ad) En troisième lieu, l’expert a été invité à mener des investigations supplémentaires pour démontrer les propriétés notamment pédagogiques du produit du demandeur dont il relevait dans son rapport principal qu’elles n’avaient pas été suffisamment démontrées. A ce titre, le 24 septembre 2009, l'expert a effectué la visite d'une classe d'enseignement spécialisé de la Fondation de [...], lors de laquelle le demandeur a exposé le programme de son animation à huit élèves, âgés de huit à dix ans, et leur a montré le fonctionnement du zzz.____ et de son connecteur, en utilisant les connecteurs mobiles uniquement. La conclusion de l'expert sur ce point est la suivante :

"Tout ce savoir-faire pour gérer une activité ludique avec le «zzz.____ » avec une classe d'élèves d'enseignement spécialisé apparaît comme le fruit d'un long travail et de nombreuses heures de pratique, d'expérimentation et de réflexions de la part de M. X.____

M. X.____a une bonne intuition pédagogique qui pourra déboucher sur un travail mieux explicité donc plus professionnel encore.

Le «zzz.____ » s'est révélé un matériel bien adapté et capable de mobiliser les enfants dans le cadre d'activités ludiques bien structurées.

M. X.____a démontré la qualité de l'activité ludique conçue et réalisée avec le matériel «zzz.____ ».

Cependant ce matériel doit compter avec des jeux très semblables qui génèrent aussi des activités très semblables."

ae) Toujours à propos de l'originalité du jeu du demandeur, l'expert a été amené à répondre à la quatrième question de savoir s'"il ne considérait pas non plus les jeux pré-existants (Mobilo, K'nex, Meccano, etc.) comme originaux les uns par rapport aux autres, du fait qu'ils présentaient tous une possibilité d'accolement et d'articulation de cubes les uns aux autres, ce qu'il aurait décrit comme destructeur d'originalité vis-à-vis du «zzz.____ »". A cet égard, l'expert a répondu que son propos n'était pas de démontrer l'originalité des autres matériels comportant des cubes, mais de dire que la forme cubique comme élément ludique n'est de loin pas originale, bien que centrale dans le jeu du demandeur. Il a conclu qu'un jeu avec des cubes se doit donc d'avoir des caractéristiques inédites, importantes en regard de l'ensemble du matériel pour être considéré comme original, ce qui n'est pas le cas du zzz.____.

af) En cinquième lieu, le demandeur critiquait un passage du rapport principal d'expert, selon lequel le zzz.____ serait d'un accès plus difficile pour beaucoup d'enfants qu'un jeu tel que le Lego, affirmant que son expérience avait démontré le contraire. Il aurait rencontré plusieurs enfants qui ne manipulaient pas volontiers le Lego, mais qui avaient pris plaisir à découvrir les potentialités du «zzz.____». A cet égard, l'expert a relevé que les enfants peuvent préférer un jeu plutôt qu'un autre pour des raisons multiples : le design, les possibilités de construction, le fonctionnement, le type de présentation par l'adulte ou d'autres enfants, l'emballage, l'investissement affectif, le type d'activités proposées, etc. Il ajoute que le zzz.____ laisse plus de place à l'imagination et amène à des constructions plus simples, tandis que des jeux tels que le Lego sont plus orientés vers des jeux symboliques. La manipulation des briques et des axes de connexion est très simple chez Lego, alors que la manipulation des pièces est plus complexe avec le zzz.____. A dire d'expert, la comparaison entre ces deux matériels montre la grande concurrence qui existe entre ces différents jeux et que l'originalité doit être bien marquée pour pouvoir protéger un tel matériel.

b) ba) L'expert admet qu'à l'instar du zzz.____, le aaa.____ possède deux types de connexion : d'une part, des connecteurs mobiles, qui assemblent les cubes de manière à leur permettre de pivoter dans tous les sens et, d'autre part, des connecteurs fixes, qui assemblent les cubes sans permettre de rotation, les connecteurs fixes du aaa.____ présentant toutefois des différences significatives d'avec le zzz.____. Il considère en effet que les connecteurs mobiles du aaa.____ ont une grande ressemblance avec les connecteurs du zzz.____, mais que les connecteurs fixes du aaa.____ présentent une amélioration significative, car ils permettent des assemblages fixes qui résistent, dans une bonne mesure, aux manipulations brusques des utilisateurs. L'expert conclut que "les pièces de connexion du aaa.____ sont conçues de manière à permettre l'assemblage de polyèdres les uns aux autres mais d'une manière différente du zzz.____ pour les connecteurs fixes.

bb) A propos de l'allégué selon lequel "le design du aaa.____ est très proche de celui du zzz.____", l'expert répond que les polyèdres du aaa.____ sont des cuboctaèdres, polyèdres réguliers à quatorze faces, dont huit sont des triangles et six des carrés. Ils comportent douze sommets identiques et vingt-quatre arêtes. Les polyèdres du zzz.____ sont proches de la forme géométrique d'un cube bien que les arêtes et les angles aient été fortement arrondis. Si le nombre de trous pour le zzz.____ et le aaa.____ est identique, les trous du premier sont plus grands que ceux du second; en outre, les trous du aaa.____ sont carrés et ceux du zzz.____ ronds. L'expert ajoute que les couleurs sont légèrement différentes entre le aaa.____ et le zzz.____ et que celui-là ne comporte pas de "pastilles" contrairement à celui-ci. A dire d'expert, bien qu'il y ait de nombreuses similitudes entre les design des polyèdres du zzz.____ et celui du aaa.____, l'aspect général de leur design est différent. Quant aux connecteurs, l'expert considère que le design des éléments mobiles des deux jeux peut être considéré comme similaire, tandis que le design des connecteurs fixes est différent. Le design de l'emballage des deux jeux est également différent. Il en va de même des designs des notices des deux jeux. En conclusion, l'expert indique que les designs des deux jeux ont certes de nombreux points communs mais suffisamment de différences pour que l'impression générale qui s'en dégage ne soit pas la même. Quant au concept du aaa.____, il est, à dire d'expert, très proche de celui du zzz.____, de même que le fonctionnement du jeu.

bc) Répondant à l'allégué d'après lequel les pièces du aaa.____ se distinguent clairement du jeu yyy.____, l'expert rappelle que les deux jeux comportent des polyèdres et des connecteurs fixes et mobiles fonctionnant selon un système d'aile. Il ajoute que si les pièces correspondantes des deux jeux présentent des différences de forme, de design, de taille, de trous et de connecteurs (surtout les connecteurs fixes), "un acheteur pourrait acheter l'un à la place de l'autre; ou s'il achetait l'un après l'autre, il se rendrait vite compte de leur ressemblance de fonctionnement et de concept. Des enseignants ou des éducateurs vont pouvoir réaliser avec des enfants des constructions semblables avec les pièces d'un jeu ou de l'autre. Les compétences développées et les types d'attitudes ludiques générées par le matériel seront très proches". L'expert conclut que les différences entre les pièces des deux matériels ne sont pas assez significatives pour que l'on puisse distinguer clairement l'un de l'autre.

bd) Interrogé à propos de l'effet technique réalisé par la pièce de connexion, l'expert relève en particulier que tant pour le yyy.____ que pour le aaa.____ "la partie distale des ailes de connexion des pièces mobiles forme un arc de cercle qui en position déployée exerce une pression latérale sur les bords internes d'une ouverture de la pièce à connecter". Il retient que l'effet technique n'est pas différent pour les connecteurs mobiles des deux matériels. Il indique qu'en revanche les ailes des pièces de connexion fixe du «aaa.____» sont carrées et non en arcs de cercle et qu'elles n'ont pas d'ergot. A ses dires, "elles fonctionnent selon un système différent avec des ailes carrées dans un trou carré des polyèdres qui empêche la rotation. Cette différence est significative car les trous carrés des «aaa.____» permettent un meilleur blocage pour les connexions fixes. Le mécanisme est donc différent à ce niveau entre les deux matériels." L'expert conclut que l'effet technique est différent pour la pièce fixe.

be) Toujours à propos de l'effet technique, l'expert indique encore que le matériel de connexion fixe du demandeur ne résiste guère aux manipulations de rotation et qu'il est très facile de forcer le dispositif de blocage et ainsi de faire tourner les pièces autour du connecteur. Il confirme que la pièce de connexion fixe du aaa.____ dispose aussi d'un dispositif avec des ailes, mais avec un mécanisme différent et un "niveau de blocage" pouvant être considéré comme satisfaisant. Pour l'expert, une torsion relativement forte des deux pièces provoque leur séparation. Il conclut que "la résistance à la torsion des assemblages à l'aide des connecteurs fixes est plus forte avec le matériel de la défenderesse qu'avec celui du demandeur. Lorsque l'on essaie de faire tourner les cubes autour de la pièce de connexion, ceci a pour effet de séparer les cubes ….(plus précisément les polyèdres!). Par contre, si l'on prend les connecteurs mobiles des deux matériels, ils tournent tous les deux très bien".

c) L'expert a d'abord déclaré que les pièces de connexion mobiles du aaa.____ tombaient sous le coup des revendications du brevet EP [...] du demandeur, mais pas les pièces de connexion fixes. Se déterminant sur les questions complémentaires du demandeur, il s'est adjoint les services d'un agent en brevets, Bernard Mayjonade, pour qui : "les pièces de connexion du aaa.____ tomberaient sous le coup de la partie suisse du brevet, au moins par équivalence (ou imitation), si le brevet produisait des effets en Suisse. Les pièces de connexion du aaa.____ tombent sous le coup de la partie française du brevet, au moins par équivalence". L'expert Addor, se ralliant à l'avis de cet agent en brevets, admet dès lors que le connecteur mobile et le connecteur fixe du aaa.____, avec sa forme carrée, tombent sous le coup des revendications du brevet EP [...], étant toutefois précisé que ce brevet n'est pas protégé en Suisse.

14. Une expertise comptable a également été ordonnée et confiée à Gian-Franco Locca de la Compagnie fiduciaire Temko Lausanne S.A., qui a déposé son rapport le 28 janvier 2009.

Pour tous les allégués concernant le dommage, l'expert précise d'emblée qu'il ne lui appartient pas de déterminer si un dommage a été subi, cette question relevant de l'appréciation de la cour.

Ainsi, interrogé sur le préjudice subi par le demandeur du fait de la mise en vente du aaa.____, il se réfère au chiffre d'affaires réalisé par la défenderesse sur la vente du jeu entre les mois d'août 2004 et janvier 2005 qui s'est élevé à 23'103 francs, sa marge brute durant cette période étant de 9'227 francs.

A la question de savoir si entre les mois de juillet 2003 et février 2004, la défenderesse a engagé des frais qui se montent à plus de 20'000 fr., l'expert répond que, sur la base des états financiers 2003 et de la comptabilité 2004 de la défenderesse, les charges d'exploitation pour la période précitée se sont élevées à 31'336 francs. Aux allégués selon lesquels la défenderesse a subi un préjudice total de 300'000 fr., soit 150'000 fr. à la suite de la rupture de la collaboration avec le demandeur et 150'000 fr. en raison de l'interdiction de poursuivre la commercialisation résultant de l'ordonnance de mesures provisionnelles du 19 janvier 2005, l'expert estime que les charges d'exploitation de la défenderesse de juillet 2003 à janvier 2005 se sont élevées à (31'336 fr. de juillet 2003 à février 2004, 195'092 fr. de mars à décembre 2004 et 3'689 fr. de janvier 2005) 230'117 fr., sous déduction du chiffre d'affaires de 55'543 fr. réalisé durant cette période, ce qui laisse un solde négatif de 174'574 fr., que la défenderesse, à dire d'expert, ne pourra pas récupérer, dès lors que les jeux ne seront vraisemblablement plus vendus.

Dans ses allégués, le défendeur chiffre son dommage consécutif à l'ordonnance de mesures provisionnelles du 19 janvier 2005 à 78'000 fr. (13'000 fr. x 6 mois) dont à déduire 7'255 fr. 80 (4'007 fr. + 3'248 fr. 10 de salaires mensuels nets reçus en février et mars 2005), soit un montant de 70'744 fr. 20. Il y ajoute un montant de 83'500 fr., représentant le salaire qu'il n'aurait pas perçu entre les mois de juillet 2003 et février 2004 (13'000 fr. x 8 mois =104'000 fr.), sous déduction des indemnités de chômage, par 20'501 fr. 05. Interpellé, l'expert expose que le salaire du demandeur avait été en 2003 de 12'787 fr. brut par mois (11'406 fr. net), soit de 91'248 fr. net de juillet 2003 à février 2004 (huit mois). Le salaire brut non perçu par le défendeur pour la période de juillet 2003 à février 2004, déduction faite des allocations de chômage, représente 80'071 fr. brut, soit 70'747 fr. net. L'absence de salaire net pour la période de janvier à juin 2005, soit six mois, s'élève à 61'180 francs. Si l'on additionne le salaire net non perçu par le défendeur de juillet 2003 à février 2004 (70'747 fr.), puis de janvier à juin 2005 (61'180 fr.), on arrive à un total de 131'927 francs.

L'expert a déposé un rapport complémentaire le 29 octobre 2009. Il en ressort que la défenderesse a reçu du SELT, pour son jeu, une subvention de 5'000 francs, qui n'a pas été comptabilisée et ne se trouve donc pas dans la marge brute de 9'227 francs. L'expert a en outre contesté que le litige entre parties ait empêché le demandeur d'obtenir de son côté une ou plusieurs aides financières. Il a précisé que le SELT n'apporte d'aides financières qu'aux produits innovateurs, qui ne sont pas déjà sur le marché ou en voie de l'être et qu'à son avis, le demandeur n'aurait peut-être pas obtenu une subvention à l'innovation.

15. Par demande du 16 août 2005, le demandeur X.____ a pris avec dépens les conclusions suivantes :

"I.- Interdiction est faite à B.____Sàrl et A.T.____, ainsi qu'à leurs auxiliaires, de fabriquer ou de faire fabriquer, de promouvoir, d'importer ou d'exporter, de vendre, de mettre en vente, de mettre en circulation et/ou de distribuer sous quelque forme que ce soit, en particulier sous la dénomination "aaa.____", tout jeu composé de cubes ou polyèdres, permettant de relier ceux-ci entre eux par clipage ou encliquetage.

II.- Interdiction est faite à B.____Sàrl et A.T.____, ainsi qu'à leurs auxiliaires, d'utiliser de quelque manière que ce soit, en particulier sur des emballages, dans la promotion commerciale, sur les papiers commerciaux, les enveloppes, les étiquettes, les modes d'emploi et/ou tout autre document ou support informatique, notamment sur internet, tout jeu composé de cubes ou de polyèdres, ouverts sur les côtés, et d'éléments de connexion indépendants des cubes ou polyèdres, permettant de relier ceux-ci entre eux par clipage ou encliquetage, en particulier sous la dénomination "aaa.____".

III.- Interdiction est faite à B.____Sàrl et A.T.____, ainsi qu'à leurs auxiliaires, de fabriquer ou de faire fabriquer, de promouvoir, de vendre ou de commercialiser de toute autre manière en Belgique, en France et en Allemagne tout produit comprenant des pièces de connexion mécaniques constituées de deux éléments mobiles aptes à pivoter partiellement l'un par rapport à l'autre, chaque élément comprenant au moins deux moyens de prise ou de retenue s'écartant lors dudit pivotement, caractérisées en ce que les moyens de prise ou de retenue sont des ailes s'étendant dans des plans parallèles différents, à partir de et de part et d'autre d'une partie centrale reliant les ailes sur une partie de leurs longueurs, les parties centrales assemblées formant ainsi ensemble deux parties centrales d'axe se prolongeant, chaque partie comportant une surface de glissement horizontale l'une contre l'autre et deux surfaces de glissement latérales verticalement en contact avec une arête de l'épaisseur des ailes de l'élément complémentaire, notamment des pièces de connexion similaires ou identiques à celles contenues dans le jeu commercialisé sous la dénomination "aaa.____" et qui présente l'aspect suivant :

IV.- Ordre est donné à B.____Sàrl et A.T.____ de retirer du marché tous les exemplaires du jeu commercialisé sous le nom "aaa.____", en particulier auprès des distributeurs, détaillants et autres magasins qui le mettent en vente.

V.- Les injoctions figurant sous chiffres I à IV ci-dessus sont assorties de la menace des peines d'arrêts ou d'amende prévues à l'article 292 du Code pénal en cas d'insoumission à une décision de l'autorité.

VI.- B.____Sàrl et A.T.____ sont les débiteurs de X.____, solidairement entre eux, et lui doivent prompt paiement d'une somme de CHF 50'000.-- (cinquante mille francs suisses) plus intérêts à 5 % l'an dès le 31 juillet 2004.

VII.- Les sûretés d'un montant de CHF 30'000.-- (trente mille francs suisses) déposées par X.____ en application du chiffre IV de l'ordonnance de mesures provisionnelles du 31 janvier 2005 lui sont restituées dès que le jugement sera devenu définitif."

Au pied de sa réponse du 27 janvier 2006, les défendeurs B.____Sàrl et A.T.____ ont conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet des conclusions du demandeur et, reconventionnellement, à ce qu'il plaise à la Cour civile prononcer :

" I.- Le demandeur X.____ est le débiteur de la défenderesse B.____Sàrl et lui doit prompt et immédiat paiement de la somme de fr. 150'000.- (cent cinquante mille francs), avec intérêt à 5 % l'an dès le 17 février 2004.

II.- Le demandeur X.____ est le débiteur de la défenderesse B.____Sàrl et lui doit prompt et immédiat paiement de la somme de fr. 150'000.- (cent cinquante mille francs), avec intérêt à 5 % l'an dès le 31 janvier 2005.

III.- Le demandeur X.____ est le débiteur du défendeur A.T.____ et lui doit prompt et immédiat paiement de la somme de fr. 83'500.- (quatre vingt-trois mille cinq cents francs), avec intérêt à 5 % l'an dès le 17 février 2004.

IV.- Le demandeur X.____ est le débiteur du défendeur A.T.____ et lui doit prompt et immédiat paiement de la somme de fr. 70'744.20.- (septante mille sept cent quarante-quatre francs et vingt centimes), avec intérêt à 5 % l'an dès le 31 janvier 2005.

V.- L'opposition au commandement de payer notifié par l'Office des poursuites et faillites de Lausanne-Ouest au demandeur X.____ sur réquisition de la défenderesse B.____Sàrl le 28 janvier 2005 dans le cadre de la poursuite no 2095948 est définitivement levée.

VI.- Le montant des sûretés, par fr. 30'000.-, déposées par le demandeur X.____ au greffe de la Cour civile en application du chiffre IV de l'ordonnance de mesures provisionnelles rendue le 31 janvier 2005 par le juge instructeur de la Cour civile est déploqué, en capital et intérêt, en faveur des défendeurs, solidairement entre eux."

En droit :

I. Le demandeur, qui soutient que le aaa.____ est une copie de son produit zzz.____, fonde ses conclusions sur la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur et les droits voisins (loi sur le droit d'auteur, ci-après : LDA; RS 231.1), sur la Convention sur le brevet européen, sur la loi fédérale du 25 juin 1954 sur les brevets d'invention (loi sur les brevets, ci-après : LBI; RS 232.14) ainsi que sur la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (ci-après : LCD; RS 241).

II. A titre préliminaire, il convient de préciser que le Code de procédure civile suisse applicable aux affaires civiles contentieuses (art. 1 let. a CPC, Code de procédure civile du 19 décembre 2008; RS 272) est entré en vigueur le 1er janvier 2011. L'art. 404 al. 1 CPC dispose que les procédures en cours à l'entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l'ancien droit de procédure jusqu'à la clôture de l'instance. La présente procédure a été introduite par demande du 16 août 2005 et était toujours en cours le 1er janvier 2011. Elle demeure donc régie par l'ancien droit de procédure.

III. Le demandeur étant domicilié en Belgique, le litige présente un élément d’extranéité. Il convient dès lors de vérifier d’office, même si cela n’est pas contesté, que le tribunal de céans est compétent (art. 57 al. 1 du Code de procédure civile vaudois du 14 décembre 1966 dans sa teneur au 31 décembre 2010 [ci-après : CPC-VD]) et que le droit suisse, plaidé par les parties, s’applique.

a) L’art. 1 al. 2 LDA, qui ne s’applique que si le litige présente des éléments d’extranéité, n’est qu’une réserve en faveur de dispositions internationales plus généreuses (Barrelet/Egloff, Le nouveau droit d’auteur, Commentaire de la loi fédérale sur le droit d'auteur et les droits voisins, 3ème éd., nn. 9 et 10 ad art. 1 LDA). Il ne règle pas les conflits de compétence (Barrelet/Egloff, op. cit., n. 4 ad art. 64 LDA), qui relèvent de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP; RS 291), dont l'art. 1 al. 2 réserve les conventions internationales.

La Suisse et la Belgique sont parties à la Convention du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (dite Convention de Lugano; ci-après: CL), entrée en vigueur le 1er janvier 1992 pour la Suisse, qui s’applique pour déterminer le for s’agissant d’un litige né avant le 31 décembre 2010 (art. 63 al. 1 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, entrée en vigueur pour la Suisse le 1er janvier 2011; RS 0.275.12). Les défendeurs n'ayant pas contesté la compétence des tribunaux vaudois, il y a Einlassung, aucune règle de compétence exclusive ne prévoyant un autre for. L'inscription et la validité du brevet européen EP [...] (art. 16 ch. 4 CL) ne sont en particulier pas en cause ici. La délivrance du brevet n'est pas non plus litigieuse, de sorte que le Protocole du 5 octobre 1973 sur la compétence judiciaire et la reconnaissance de décisions portant sur le droit à l’obtention du brevet européen (Protocole sur la reconnaissance; RS 0.232.142.22) ne s'applique pas non plus. Au demeurant, la compétence à raison du lieu des tribunaux suisses résulte de l'art. 2 al. 1 CL, et celle des tribunaux vaudois des art. 109 al. 2 et 129 al. 1 LDIP, dès lors que les défendeurs ont leur domicile, respectivement leur siège dans le canton.

La Cour civile est compétente à raison de la matière, en sa qualité d’instance cantonale unique imposée par le législateur fédéral en matière de droit d'auteur et de droit des brevets (art. 74 al. 2 et 3 de la Loi vaudoise d'organisation judiciaire du 12 décembre 1979 dans sa version au 31 décembre 2010, art. 64 LDA abrogé par l'Annexe 1 ch. II 9 du CPC, RO [Recueil officiel] 1993 II 1798, 1814 et art. 76 LBI abrogé par l'Annexe 1 ch. II 12 du CPC, RO 1955 893; art. 12 al. 2 aLCD abrogé par l'Annexe 1 ch. 15 du CPC, RO 1988 p. 223). La question de la transmission de la présente cause au Tribunal fédéral des brevets ne se pose pas, malgré la disposition transitoire de l'art. 41 LTFB (Loi du 20 mars 2009 sur le Tribunal fédéral des brevets; RS 173.41), qui prévoit le transfert au nouveau tribunal de toutes les procédures pendantes qui sont dans sa compétence (art. 26 LTFB). Le Message relatif à cette loi mentionne en effet que l'on renoncera au transfert lorsque la procédure est déjà très avancée (Bosshard, Le nouveau Tribunal fédéral des brevets et les juridictions cantonales, in RSPC [Revue suisse de procédure civile] 2/2010 191 ss), ce qui est manifestement le cas en l'espèce, puisque la cause était en état d'être jugée à l'entrée en fonction du tribunal, le 1er janvier 2012.

b) Pour ce qui est du droit applicable, la Suisse et la Belgique sont parties à la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques révisée à Paris le 24 juillet 1971 (RS 0.231.15; ci-après : la Convention de Berne), entrée en vigueur pour la Suisse le 25 septembre 1993. En dehors des dispositions de la convention, l’étendue de la protection et les moyens de droit accordés à l’auteur pour sauvegarder ses droits se règlent exclusivement d’après la législation du pays où la protection est demandée (art. 5 ch. 2 de la Convention de Berne), soit en l’occurrence selon le droit suisse, plus particulièrement selon la LDA.

En matière de droit des brevets, la question est régie par la Convention sur le brevet européen, conclue à Munich le 5 octobre 1973 (CBE 1973; RO 1977 1711) et révisée dans cette même ville le 29 novembre 2000, révision entrée en vigueur pour la Suisse – de même que pour la France, l'Allemagne et la Belgique – le 13 décembre 2007 (CBE 2000; RO 2007 6485; RS 0.232.142.2). L'art. 7 al. 1 de l'Acte portant révision de la Convention sur la délivrance de brevets européens dispose que le texte révisé de la convention s'applique à toutes les demandes de brevet européen déposées après son entrée en vigueur et aux brevets européens délivrés sur la base de cette demande. Il ne s'applique pas aux brevets européens déjà délivrés lors de son entrée en vigueur ni aux demandes pendantes à cette date, à moins que l'Organisation européenne des brevets n'en dispose autrement. En l'espèce, la demande datant de 1998 et la délivrance du brevet de 2002, c'est la CBE 1973 qui s'applique. Selon l'art. 64 § 1 CBE 1973, sous réserve du § 2, le brevet européen confère à son titulaire, à compter du jour de la publication de la mention de sa délivrance et dans chacun des Etats contractants pour lesquels il a été délivré, les mêmes droits que lui conférerait un brevet national délivré dans cet Etat. Selon le § 3 de cette disposition, toute contrefaçon du brevet européen est appréciée conformément aux dispositions de la législation nationale. C'est donc en vertu de la loi nationale du pays pour lequel la protection est requise, en l'occurrence de la France, de la Belgique et de l'Allemagne, que l'on doit juger de la contrefaçon.

La Suisse et la Belgique sont également parties à la Convention d’Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle révisée à Stockholm le 14 juillet 1967, entrée en vigueur pour la Suisse le 26 avril 1970 (ci-après: CUP; RS 0.232.04). La protection de la propriété intellectuelle a notamment pour objet la répression de la concurrence déloyale (art. 1 ch. 2 CUP). Il résulte de l'art. 2 ch. 1 CUP, en vertu duquel les ressortissants de chacun des pays de l'Union jouiront dans tous les pays de celle-ci la même protection et les mêmes recours légaux que les nationaux, que les prétentions du demandeur fondées sur la concurrence déloyale sont régies par le droit suisse, soit par la LCD.

IV. Le demandeur invoque tout d'abord la protection fondée sur le droit d'auteur. Comme dans la cause l'opposant à S.____Sàrl, il soutient que le zzz.____ présente un degré d'individualité suffisant pour qu'il puisse être considéré comme une œuvre. Il fait valoir que l'individualité tient en particulier dans son concept, soit un jeu de polyèdres à six faces actives susceptibles d'être assemblés les uns aux autres au moyen de pièces de raccordement ressemblant à des pinces ou ciseaux. Il soutient en outre que si le design du aaa.____ diffère à dire d'expert de celui du zzz.____, les concepts des jeux sont très proches.

La LDA protège notamment les auteurs d’œuvres littéraires et artistiques (art. 1 al. 1 let. a). L’auteur a le droit exclusif sur son œuvre et le droit de faire reconnaître sa qualité d’auteur (art. 9 al. 1 LDA). Par auteur, on entend la personne physique qui a créé l’œuvre (art. 6 LDA). En vertu de l'art. 7 al. 3 LDA, en cas de violation du droit d'auteur, chacun des coauteurs a qualité pour intenter action; ils ne peuvent toutefois le faire que pour le compte de tous. Le demandeur a donc la légitimation active, le cas échéant, pour s'opposer à toute violation du droit, même dans l'hypothèse où il a cédé une partie de ses droits, et non seulement des avantages financiers comme il le soutient à F.____. Quant aux défendeurs, qui sont désignés comme auteurs d'une violation du droit d'auteur du demandeur sur la prétendue œuvre, ils ont incontestablement la légitimation passive.

V. a) L’œuvre est protégée par le droit d’auteur dès sa création. Cette protection prend fin septante ans après le décès de l’auteur (art. 29 al. 1 et 2 let. b LDA). Dès lors, à supposer que l’on soit en présence d’une œuvre, celle-ci est protégée.

b) Par œuvre au sens de la LDA, on entend toute création de l’esprit, littéraire ou artistique, qui a un caractère individuel, quelles qu’en soient la valeur ou la destination (art. 2 al. 1 LDA). L'existence d'une œuvre au sens de la LDA suppose ainsi que trois éléments soient cumulativement réunis : il doit s’agir d’une création de l’esprit ; cette dernière doit être littéraire ou artistique et présenter un caractère individuel (Barrelet/Egloff, op. cit., n. 4 ad art. 2 LDA).

ba) Pour être une création de l’esprit, l’œuvre doit être le produit d’une activité intellectuelle, par opposition aux objets qui sont créés naturellement, les produits de la nature ou de la technique. Une activité intellectuelle même très modeste suffit pour accorder la protection du droit d’auteur. La qualité de la création n’a pas non plus d’importance. La création doit toutefois apporter quelque chose de nouveau, qui se distingue de ce qui était connu jusque-là. Ici aussi, le degré de nouveauté peut être faible. Il ne résulte pas seulement d’un jugement objectif. On doit aussi le considérer subjectivement, en fonction de ce que l’auteur lui-même en pense et de l’état des autres créations du domaine artistique en cause. Ainsi, la nouveauté peut résider dans le recours à des formes de style antérieures, ou dans la nouvelle combinaison d’éléments déjà connus, sans que la qualité d’œuvre de l’esprit puisse être déniée (Barrelet/Egloff, op. cit., n. 6 ad art. 2 LDA et les références citées).

bb) En pratique, le principal critère permettant de qualifier un objet d’œuvre d’art, c’est son caractère individuel. Ce terme reprend l'ancien concept d'originalité, lequel demeure répandu dans la jurisprudence et la doctrine. La nouvelle terminologie a été choisie afin de manifester que l'exigence en question se rapporte à l'œuvre elle-même. On n'exige pas que l'œuvre reflète la personnalité de l'auteur (l'empreinte personnelle de l'auteur). Le caractère individuel, c'est-à-dire les caractéristiques qui distinguent une création d'autres créations – existantes ou possibles – ne doit se retrouver que dans l'œuvre elle-même. Est déterminante l'individualité de l'œuvre, non celle de l'auteur (Message du Conseil fédéral du 19 juin 1989 pour la LDA, FF [Feuille fédérale] 1989 III 465, 506; ATF 134 III 166 c. 2.1, rés. JT 2008 I 381; ATF 130 III 168 c. 4.4, JT 2004 I 285; Dessemontet, La propriété intellectuelle et les contrats de licence, 2ème éd., n. 58 p. 44). L’œuvre de l’esprit est digne de protection seulement si elle a un cachet propre, le caractère individuel pouvant porter sur la forme particulière donnée à l’œuvre, soit sur son contenu ou son concept (Cherpillod, L’objet du droit d’auteur, Etude critique de la distinction entre forme et idée, Lausanne thèse 1985, p. 136).

Concrètement, l’œuvre est individuelle si elle est unique du point de vue statistique (ATF 130 III 168 c. 4.4, JT 2004 I 285). Pour juger de l’individualité au sens d'une singularité, qui peut également être décrite comme "unicité" ou "nouveauté", il faut apprécier l’œuvre dans son environnement. Pour la jurisprudence fédérale, l'unicité statistique suppose que la création se distingue de ce qui est usuel (ATF 134 III 166 c. 2.3.1, rés. in JT 2008 I 381 et les références citées). L'individualité se distingue de la banalité ou du travail de routine ; elle résulte de la diversité des décisions prises par l'auteur, de combinaisons surprenantes et inhabituelles, de sorte qu'il paraît exclu qu'un tiers confronté à la même tâche ait pu créer une œuvre identique (ATF 136 III 225 c. 4.2 (f); ATF 134 III 166 précité, rés. in JT 2008 I 381). Selon le Tribunal fédéral, l’individualité dépend également de la liberté de manœuvre de l’auteur. Là où cette liberté est restreinte – par exemple pour les œuvres qui ont un usage pratique (arts appliqués notamment) pour lesquelles la liberté créatrice est limitée par des contraintes techniques – une activité indépendante réduite suffira à fonder la protection. Si l’originalité exigée n’est pas très élevée, les créations de l’esprit qui, bien que nouvelles, sont tellement proches de ce qui est connu qu’elles auraient pu être réalisées de la même manière par n’importe qui, n’ont pas de caractère individuel. La LDA n’accorde pas non plus sa protection à de simples activités artisanales, qui consistent uniquement à combiner et à modifier des formes et des lignes connues (ATF 125 III 328, rés. in SJ 2000 26 ; TF 4C.86/2000 du 13 juin 2000 c. 3 bb). Le Tribunal fédéral a notamment considéré qu'une photographie manque d'individualité lorsque sa création ne se distingue pas de l'ordinaire. Elle n'est pas réellement unique, parce que la probabilité est élevée que pour répondre à la même tâche, une autre photographie présenterait un résultat identique pour l'essentiel. De même, la rédaction d'un texte qui ne s'écarte pas de l'ordinaire n'atteint pas l'individualité requise. Même lorsqu'un texte est statistiquement unique, il ne sera pas protégé s'il apparaît dans l'ensemble comme une combinaison d'expressions courantes ou comme imposé par la logique des faits (ATF 134 III 166 précité, rés. in JT 2008 I 381).

bc) L’art. 2 al. 2 LDA donne une liste non exhaustive des créations de l’esprit pouvant être qualifiées d’oeuvres, parmi lesquelles « les œuvres des arts appliqués » (let. f). Comme déjà relevé, ces dernières sont des objets conçus pour un usage matériel. Elles seront rangées parmi les œuvres protégées, pour autant qu'un caractère individuel déterminé soit malgré tout reconnaissable, et qu'il ne s'agisse ainsi pas d'un simple travail artisanal (Barrelet/Egloff, op. cit., n. 8 ad art. 2 LDA et les références citées, en particulier ATF 136 III 225 c. 4.2 et les références citées ; ATF 125 III 328 c. 4b, SJ 2000 26).

c) En l'espèce, le zzz.____ est un jeu constitué d'un ensemble de cubes et d'éléments de connexion indépendants permettant de réaliser des assemblages tridimensionnels. Chaque cube est creux et comprend six ouvertures, soit une ouverture sur chacune de ses faces. Chaque cube est formé de deux demi-cubes assemblés. Les pièces de connexion sont conçues de manière à permettre l'assemblage des cubes les uns aux autres par encliquetage, selon le système de la pince ou du ciseau.

L'expert conteste que le jeu développé par le demandeur présente un degré d'individualité suffisant. Il relève que le concept du jeu est dans l'air depuis des décennies. La forme cubique n'est donc pas originale comme élément de matériel ludique de construction. Le concept du jeu, soit l'utilisation des six faces d'un cube pour réaliser des constructions, n'est pas un concept original. Il en va de même des connecteurs qui, au regard de leur qualités intrinsèques, de l'activité ludique qu'ils induisent ainsi que de l'existence des autres matériels déjà existants, ne sont pas suffisamment innovateurs pour permettre de dire qu'il y a originalité. Pour arriver à ces considérations, l'expert s'est livré à une analyse détaillée des propriétés du produit du demandeur et a répondu de manière convaincante aux questions complémentaires qui lui ont été posées. Dès lors que le juge ne saurait, sans motifs déterminants, qui ne sont pas donnés en l'occurrence, substituer son appréciation à celle de l'expert (Bosshard, L'appréciation de l'expertise judiciaire par le juge, RSPC [Revue suisse de procédure civile] 3/2007 pp. 321 ss, pp. 324-325), il n'y a aucune raison de s'écarter du résultat de l'expertise technique. On n'est donc pas en présence d'une œuvre originale pouvant bénéficier à ce titre de la protection du droit d'auteur.

La qualité d'œuvre n'étant pas reconnue au jeu du demandeur, point n'est besoin d'examiner s'il y a eu violation du droit d'auteur par les défendeurs qui ont commercialisé le aaa.____. Une telle violation apparaît d'ailleurs douteuse, l'expert ayant mis en évidence des différences entre les deux jeux, tant au niveau du design du produit – ainsi que de l'emballage et de la notice – qu'au niveau de la fonctionnalité, puisqu'il signale une différence significative au niveau des connecteurs fixes. Le demandeur ne plaide d'ailleurs la violation du droit d'auteur que sous l'angle du concept qui, à dire d'expert, est très proche pour les deux jeux. Le point de savoir si cela suffirait à constituer une violation du droit d'auteur peut demeurer indécis, puisque de toute manière la protection du droit d'auteur doit être refusée au demandeur.

VI. Le demandeur conclut à ce qu'interdiction soit faite de fabriquer, de faire fabriquer, de promouvoir, de vendre ou de commercialiser en Belgique, en France et en Allemagne tout produit comprenant des pièces de connexion similaires ou identiques à ceux du zzz.____, en particulier les pièces de connexion du aaa.____.

A cet égard, le demandeur fait valoir que les pièces de connexion du zzz.____ sont protégées par un brevet valable en France, en Belgique et en Allemagne, que les défendeurs ont violé des droits à lui conférés par ce brevet, que le juge suisse est compétent pour rendre une injonction extraterritoriale et qu'il est le seul titulaire des droits découlant de ce brevet. Il ne les aurait pas cédés à F.____, subsidiairement il serait fondé à requérir seul la protection du droit.

a) A dire d'expert, il est établi que les pièces de connexion du zzz.____ fixes et mobiles tomberaient sous le coup de la partie suisse du brevet, au moins par équivalence ou imitation, si celui-ci produisait des effets en Suisse. Les parties admettent toutefois que les pièces litigieuses ne sont pas protégées par un brevet en Suisse, de sorte que le demandeur ne peut obtenir qu'une interdiction soit prononcée pour la Suisse. Il n'a d'ailleurs pris aucune conclusion dans ce sens.

b) Il est constant que les pièces de connexion fixes et mobiles du xxx.____ font l'objet du brevet européen EP [...] délivré pour la Belgique, la France et l'Allemagne et que le demandeur est inscrit comme titulaire et inventeur de ce brevet.

ba) Comme précédemment relevé, la France, la Belgique et l'Allemagne ont adhéré à la CBE 1973 et CBE 2000. En vertu de l'art. 63 al. 1 CBE 1973, dans sa teneur au 1er octobre 1997, la durée du brevet européen est de vingt années à compter de la date du dépôt de la demande. L'art. 64 § 1 CBE 2000, prévoit que, sous réserve du § 2, le brevet européen confère à son titulaire, à compter de la date à laquelle la mention de la délivrance est publiée au Bulletin européen des brevets et dans chacun des Etats contractants pour lesquels il a été délivré, les mêmes droits que lui conférerait un brevet national délivré dans cet Etat. La teneur de cette disposition est identique à celle de l'art. 64 § 1 CBE 1973, sous réserve de la mention au Bulletin européen des brevets. L'étendue de la protection est définie à l'art. 69 CBE 2000, disposition qui s'applique également aux brevets européens déjà délivrés à la date de l'entrée en vigueur de la convention (Décision du conseil d'administration du 28 juin 2001 ; RS 0.232.142.2, RO 2007 p. 7133), donc au brevet du demandeur. L'art. 69 CBE est précisé dans un Protocole interprétatif (RS 0.232.142.25), dont l'art. 2 dispose que pour la détermination de l'étendue de la protection conférée par le brevet européen, il est dûment tenu compte de tout élément équivalent à un élément indiqué dans les revendications. La notion de l'équivalence, dont les contours n'ont pu être précisés par la Conférence diplomatique en vue de la révision de la CBE, a sa place dans la définition de la portée du brevet en France et en Allemagne. Sont équivalents deux moyens qui, bien qu'étant de forme différente, exercent la même fonction en vue de résultats semblables ou similaires (Azéma et Galloux, Droit de la propriété industrielle, 7ème éd. Dalloz 2012, n. 714 pp. 435 à 437 et n. 721 p. 443, n. 719 p. 441 et n. 720 p. 443 et les références ; Krasser, Patentrecht, Munich 2009, pp. 719 ss, spéc. p. 720).

bb) En l'espèce, il découle de la CBE que le brevet européen en cause, dont la demande a été déposée le 24 juin 1998 est valable jusqu'en 2018 et qu'il produit ses effets en Belgique, en Allemagne et en France dès l'année de sa délivrance en 2002. Dès lors que le demandeur requiert que l'interdiction de commercialiser le aaa.____ soit prononcée dans chacun de ces Etats, il sied au préalable d'examiner la compétence de la cour de céans pour prononcer une telle injonction.

c) La compétence extraterritoriale du juge du domicile du défendeur est reconnue selon la Convention de Lugano pour ce qui concerne la violation d'un droit de propriété intellectuelle. Dans cette matière, le juge suisse du domicile du défendeur peut rendre une injonction extraterritoriale sur la base de la compétence fondée sur l'art. 2 de la convention (Cherpillod, La compétence extraterritoriale du juge de la contrefaçon, in Le droit en action, Université de Lausanne 1996, pp. 48-49; Perret, Territorialité des droits de propriété intellectuelle et compétence "extraterritoriale" du juge de la contrefaçon, in Etudes de procédure et d'arbitrage en l'honneur de Jean-François Poudret, Lausanne 1999, pp. 130 ss).

Au vu de ces principes, la cour de céans, qui est le tribunal suisse du domicile des défendeurs conformément aux art. 2 CL et 109 al. 2 LDIP, est compétente pour prononcer une interdiction extraterritoriale.

d) Il résulte de l'instruction que par "accord de collaboration" du 11 septembre 1998, le demandeur a cédé à F.____ la moitié "des droits et revenus de l'exploitation et des applications et de la conception du cube de 2 cm de côté «xxx.____ » d'un connecteur et ses variantes et [des] jeux et applications qui en découlent". Cette convention a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2006, de sorte qu'elle était toujours en vigueur au moment de l'ouverture de l'action par le demandeur le 16 août 2005. Pour justifier de sa légitimation active, nonobstant cette cession, le demandeur fait principalement valoir que la cession n'a porté que sur des avantages financiers et invoque subsidiairement l'art. 33 LBI.

da) En vertu de cette disposition, le droit au brevet peut être transféré à des tiers en tout ou en partie (al. 1) et, lorsque ce droit appartient à plusieurs, chaque ayant droit ne peut l'exercer qu'avec le consentement des autres, chacun pouvant, cependant, de façon indépendante, disposer de sa part et intenter action pour violation du brevet (al. 2). Indépendamment de l'application de cette disposition au cas d'espèce, question examinée ci-dessous, on peut déjà relever que l'art. 33 al. 1 in fine LBI vise la cession d'une part de propriété sur le brevet conçu comme un tout, le brevet ne pouvant difficilement se trouver divisé en segments qui seraient cédés séparément (Dessemontet, La propriété intellectuelle et les contrats de licence, 2ème éd, p. 231; Troller, Manuel du droit suisse des biens immatériels, 2ème éd, T. II, pp. 682 ss). Ainsi, si le droit suisse est applicable, la première thèse du demandeur ne peut être suivie, puisque dans ce cas la cession de la moitié des droits et revenus par le demandeur a porté non seulement sur les avantages financiers, mais aussi sur les autres droits conférés par le brevet, en particulier sur le droit invoqué en l'espèce d'interdire à des tiers l'utilisation d'une invention (art. 8 al. 1 LBI).

db) Comme précédemment exposé, le juge doit appliquer le droit du pays où la protection est invoquée. En effet, "la lex fori n'a pas vocation à régir les questions touchant l'existence, l'étendue, le contenu, la titularité et la violation" d'un droit de propriété intellectuelle étranger. En particulier, la question de la légitimation active ou passive qui a trait à la détermination du titulaire d'un rapport de droit, découle nécessairement de la loi applicable à ce rapport et non de la loi du for en tant que loi de procédure. S'agissant du brevet européen, la loi nationale de chacun des Etats pour lesquels la protection est revendiquée fixe les droits conférés par ce dernier, réglemente l'exercice de ces droits et sanctionne les atteintes portées à ceux-ci. La lex causae étant pertinente uniquement pour les aspects relevant du fond, la loi du for régit en revanche toutes les questions indépendantes du droit matériel, notamment le déroulement de la procédure, les moyens probatoires admis et les exigences quant à la preuve des faits allégués (art. 64 al. 3 CBE 1973 et CBE 2000; cf. aussi Cherpillod, op. cit., pp. 46 et 49; Perret, op. cit., p. 128; Tissot, Quelles protections pour les dénominations utilisées sur internet, in SJ 1998 p. 741, 766; Bucher, Commentaire romand (ci-après : CR), Loi sur le droit international privé, Convention de Lugano, n. 9 ad art. 10 LDIP et nn. 74 et 78 ad art. 13 LDIP).

dc) Il découle de ces principes que les questions relatives à la légitimation active du demandeur – ainsi que les autres conditions matérielles d'octroi de la conclusion en interdiction prise – doivent être jugées selon le droit national du pays pour lequel la protection est requise, à moins que, ainsi que l'on verra ci-dessous, ce droit soit difficile à établir.

e) ea) Lorsque la règle de conflit de lois appliquée d'office par le juge rend applicable un droit étranger se pose alors la question de son établissement. Aux termes de l'art. 16 LDIP, le contenu du droit étranger est établi d'office, c'est-à-dire par le juge, qui peut, en matière patrimoniale, mettre la preuve à la charge des parties (al. 1). Il ne s'agit pas d'une preuve au sens usuel ; pour le juge, elle représente une faculté mais non une obligation (ATF 121 III 436, c. 5a, SJ 1996 206). Le juge n'est en effet pas tenu de mettre la preuve du droit étranger à la charge de la partie qui l'invoque, notamment lorsqu'il s'agit d'un droit qu'il connaît ou dont le contenu peut être déterminé facilement (Dutoit, Droit international privé suisse, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 4ème éd., n. 7 ad art. 16 LDIP; Bucher, Commentaire romand, op. cit., n. 17 ad art. 16 LDIP et les réf. citées). Le juge peut appliquer et interpréter le droit étranger en s'inspirant de ses sources, comprenant la législation, la jurisprudence et éventuellement la doctrine (Othenin-Girard, L'établissement du contenu du droit étranger (art. 16 LDIP), in RJN [Revue de Jurisprudence neuchâteloise], 2008 p. 94). Lorsque les textes légaux, commentaires, recueils de jurisprudence, revues et autres ouvrages de doctrine disponibles ne fournissent que des indications insuffisantes, le juge peut s'adresser aux experts du for (ATF 124 I 49 c. 3a p. 52, JT 2000 I 49; Othenin-Girard, in RJN 2008 pp. 94 et 98). L'appréciation de la preuve a lieu librement par le juge, qui ne retiendra le droit étranger que s'il est convaincu de son existence et de son contenu, le cas échéant, il demandera un complément de preuve ou procédera de son propre chef à des recherches complémentaires. Mais, sur le plan international, il faut reconnaître au juge un large pouvoir d'appréciation en ce qui concerne notamment le caractère complet de la preuve du droit étranger (Dutoit, loc. cit.; Bucher, Commentaire romand, op. cit., n. 23 ad art. 16 LDIP; ATF 119 II 93, 94, JT 1994 I 45; ATF 124 I 49 c. 3d p. 54, JT 2000 I 49; ATF 130 III 35 c. 5 p. 39). Le droit suisse s'applique si le contenu du droit étranger ne peut pas être établi (art. 16 al. 2 LDIP). Le Tribunal fédéral est toutefois exigeant à l'égard du juge, qui ne peut recourir à la légère à cette application subsidiaire du droit suisse. Il faut qu'il apparaisse impossible d'établir le contenu du droit étranger, du moins sans difficultés excessives, qui impliquent des retards ou des frais disproportionnés (ATF 121 III 436, SJ 1996 206; Recordon, L'ignorance et le droit, in SJ 2010 II 29, 44-45; Othenin-Girard, RJN 2008, p. 102; Poudret/Haldy/Tappy, Procédure civile vaudoise, 3ème éd., n. 3 quatrième tiret ad art. 6 CPC-VD).

eb) En l'espèce, ainsi qu'on le voit ci-dessous, la cour de céans a pu déterminer le contenu du droit étranger applicable, essentiellement par le biais des dispositions légales topiques, qui sont disponibles sur internet. Elle s'est également référée aux sources doctrinales et jurisprudentielles publiées dans les ouvrages aisément accessibles au public. Ces sources étaient suffisantes pour le cas d'espèce, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appliquer le droit suisse par défaut, en particulier l'art. 33 LBI invoqué par le demandeur.

VII. a) En France, le droit des brevets est réglé par le Code de la propriété intellectuelle (ci-après : CPI), aux art. L611-1 ss, qui contient des dispositions sur le brevet européen et aux art. L614-1 ss. Dès le dépôt de la demande de brevet européen, le propriétaire du brevet peut exercer les droits définis aux art. L613 ss, auxquels renvoie l'art. L614-9. En particulier, l'art. L613-3 interdit, sauf accord du propriétaire du brevet, la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation ou bien l'importation ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet (art. L613-3 let. a), l'utilisation d'un procédé objet du brevet (let. b), l'offre, la mise dans le commerce ou l'utilisation ou bien l'importation ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet (let. c). Selon l'art. L615-1 CPI toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'ils sont définis aux art. L. 613-3 à L613-6 constitue une contrefaçon, qui engage la responsabilité de son auteur. L'action en contrefaçon est exercée par le propriétaire du brevet (art. L615-2 al. 1).

Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon (art. L615-3 al. 1 CPI).

Comme le droit suisse, le droit français admet la transmissibilité en totalité ou en partie des droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet (art. L613-8 al. 1 CPI), les actes de transmission devant être passés par écrit, à peine de nullité (art. L613-8 al. 5). La cession emporte le transfert des droits attachés au brevet, notamment du droit de propriété. La cession est partielle lorsqu'elle ne porte que sur une application déterminée de l'invention alors qu'elle en comporte plusieurs. La cession partielle aboutit naturellement à un régime de copropriété (Azéma et Galloux, op. cit., pp. 335, 339 à 341 et les références).

b) Le demandeur soutient qu'il est le seul titulaire du brevet dans la mesure où l'accord de cession entre lui et F.____ n'aurait porté que sur des avantages financiers résultant de l'exploitation du zzz.____. La question de la qualité pour agir dépend ainsi en premier lieu de l'interprétation de l'accord passé entre le demandeur et F.____.

ba) L'interprétation des conventions est régie par les art. 1156 ss du Code civil français (ci-après : CCF). Selon le droit français, qui consacre un système analogue au droit suisse (art. 18 CO [Code des obligations du 30 mars 1911 ; RS 220), on doit rechercher dans les conventions la commune intention des parties plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes (art. 1156 CCF). Lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun (art. 1157 CCF). Les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat (art. 1158 CCF). Toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier (art. 1161 CCF). Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation (art. 1162 CCF).

Au-delà du cas où les parties elles-mêmes ont inclus dans leur contrat des règles d'interprétation ou encore ont précisé par la suite leur volonté par un avenant interprétatif, tout dépend des circonstances que les juges du fond rechercheront espèce par espèce, en s'aidant de tous éléments extérieurs au contrat lui-même, comme le contenu des pourparlers, la situation matérielle au moment du contrat, voire des actes étrangers aux parties s'ils peuvent éclairer leur contrat ou même le comportement ultérieur des parties. Lorsqu'une clause est claire et précise, c'est-à-dire susceptible d'un seul sens et dépourvue de la moindre ambiguïté, les juges ne peuvent lui donner un autre sens "sous prétexte de rechercher l'intention des parties " : ce serait en effet directement violer la force obligatoire du contrat et déjouer la sécurité juridique qui doit permettre aux parties de compter sur l'effet obligatoire d'une disposition non équivoque. Même si elle leur paraît injuste, la clause claire et précise doit être appliquée par les tribunaux (Bénabent, Les obligations, éd. Montchrestien-Lextenso 2010, pp. 209 à 212 et les références).

bb) En l'espèce, la cession des droits en faveur de F.____ date du 11 septembre 1998. La demande de brevet européen date du 24 juin 1998 et était donc antérieure à cette convention. Par celle-ci, le demandeur a cédé la moitié "des droits et revenus de l'exploitation et des applications et de la conception des pièces du jeu xxx.____ ainsi que des jeux et applications qui en découlent". Si la volonté commune des parties à la convention n'a pas été établie, il résulte clairement des termes utilisés que le demandeur n'a pas cédé seulement des avantages financiers ("revenus") résultant de l'exploitation du jeu, ainsi qu'il le plaide, mais aussi la moitié des droits d'exploitation, lesquels découlent notamment des droits attachés au brevet. C'est d'ailleurs le point de vue de l'avocat Z.____, lorsque par courriel du 1er décembre 2003, il informait le défendeur que l'affirmation relative à la protection par droits intellectuels du xxx.____ était formulée dans des termes très optimistes. On observe par ailleurs qu'en droit français la cession partielle emporte en général le transfert du droit de propriété et crée un régime de copropriété. Au vu de ces circonstances, il convient d'admettre que par accord de collaboration du 11 septembre 1998, le demandeur a également cédé la moitié des droits d'exploitation attachés à la demande du brevet européen EP […], lesquels ne lui appartenaient donc pas seul lors de l'ouverture de cette action.

c) Selon l'art. L613-29 let. b CPI, chacun des copropriétaires peut agir en contrefaçon à son seul profit. Le copropriétaire qui agit en contrefaçon doit notifier l'assignation délivrée aux autres copropriétaires ; il est sursis à statuer sur l'action tant qu'il n'est pas justifié de cette notification. Il découle de cette disposition, la possibilité pour un copropriétaire de faire procéder à une saisie-contrefaçon, indépendamment des autres copropriétaires (Dalloz Référence, Saisie-contrefaçon, 2ème éd. 2005, n. 11.371, p. 21; Sirinelli, Durrande et Latreille, commentaire ad art. L 613-29 à L 613-31, in Code de la propriété intellectuelle commenté, éd. Dalloz 2012, p. 557). Certes, la loi exige que l'ouverture d'action par le copropriétaire seul soit communiquée aux autres copropriétaires et que l'autorité de jugement surseoit à statuer dans cette attente. Force est toutefois de constater qu'il s'agit là d'une disposition de procédure, qui n'est pas comprise dans le renvoi de l'art. 64 CBE (cf. ci-dessus, c. VI e) ea). Elle s'adresse ainsi aux tribunaux français, mais non à la cour de céans, dont la procédure peut être menée à terme. Il en résulte que le droit français reconnaît au demandeur, en tant que co-titulaire du brevet européen n° EP […] , le droit d'agir seul en contrefaçon, comme il l'a fait. Le demandeur a dès lors la qualité pour agir. Il convient d'examiner à présent la violation prétendue de son brevet.

d) En l'espèce, l'expert, de l'avis duquel il n'y a pas lieu de s'écarter, a constaté l'imitation par équivalence du brevet du demandeur par le aaa.____, imitation prohibée selon le droit français (cf. ci-dessus, c. VI ba). Il est d'autre part constant que la défenderesse a commencé à commercialiser son jeu aaa.____ en août 2004 et qu'elle l'a offert dans des magasins en France. L'ordonnance de mesures préprovisionnelles, confirmée par l'ordonnance de mesures provisionnelles du 19 janvier 2005, ne prévoyait aucune interdiction extraterritoriale. On ignore certes si la défenderesse a continué à commercialiser son jeu en France au-delà de cette date. Il est néanmoins évident, ainsi que le soutient le demandeur, que si les défendeurs résistent aux conclusions de celui-là, c'est précisément dans l'idée de pouvoir reprendre la commercialisation du aaa.____. Il existe ainsi un risque de réitération, qui ne peut être écarté que par une interdiction formelle de vendre ce produit. Cette interdiction s'adresse à la défenderesse et au défendeur, associé-gérant de celle-là.

Au vu de ce qui précède, la conclusion III du demandeur doit être admise en ce qui concerne la France.

VIII. a) En droit belge, le siège de la matière se trouve dans la loi du 28 mars 1984 sur les brevets d'invention (ci-après : LBI/B). Selon l'art. 27 § 1er, le brevet confère le droit d'interdire à tout tiers, en l'absence du consentement du titulaire du brevet, notamment la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation ou bien l'importation ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet (let. a) ; l'utilisation d'un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du titulaire du brevet, l'offre de son utilisation sur le territoire belge (let. b). Toute atteinte portée aux droits du titulaire visés à l'art. 27 constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur (art. 52 § 1er), le titulaire étant habilité à agir en contrefaçon (§ 2). Lorsque le juge constate une atteinte à un droit visé à l'art. 27 LBI/B, il ordonne la cessation de celle-ci à tout auteur de l'atteinte ou à l'encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés pour porter atteinte à un tel droit (art. 53 § 1er LBI/B). Selon l'art. 44 LBI/B, la cession totale ou partielle entre vifs d'un brevet doit être faite par écrit à peine de nullité (§§ 1 et 2).

b) Comme en droit français, il convient d'abord d'examiner si le demandeur n'aurait cédé que des avantages financiers à F.____, précisément si indépendamment de l'accord de cession, il est le seul titulaire des droits issus du brevet, point qui amène à l'interprétation de dit accord.

ba) Les dispositions du droit belge régissant l'interprétation se trouvent dans le Code civil belge (ci-après : CCB) et sont calquées sur les art. 1156 ss du Code civil français précités. Selon ces normes, on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes (art. 1156 CCB). Lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun (art. 1157 CCB). Les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat (art. 1158 CCB). Toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier (art. 1161 CCB). Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé, et en faveur de celui qui a contracté l'obligation (art. 1162 CCB).

bb) Dès lors que les dispositions du droit belge sont identiques à celles du droit français et que l'accord sujet à interprétation est le même, il n'y a pas de raison de s'écarter du résultat auquel la cour de céans a précédemment abouti (cf. ci-dessus c. VII b)bb). On doit admettre qu'en droit belge aussi le demandeur n'a pas cédé uniquement des avantages financiers mais aussi la moitié des droits d'exploitation.

c) A défaut de convention, la copropriété d'une demande de brevet ou d'un brevet est régie par les dispositions de la LBI/B (art. 43 § 1er LBI/B). Chaque copropriétaire a le droit d'exploiter personnellement l'invention. Toutefois, un copropriétaire ne peut grever d'un droit le brevet, concéder une licence d'exploitation ou intenter une action en contrefaçon qu'avec l'accord de l'autre copropriétaire ou, à défaut d'accord, avec l'autorisation du tribunal (art. 43 § 2 LBI/B). Il résulte clairement de cette disposition que l'assentiment de F.____, l'autre copropriétaire du brevet, était nécessaire pour intenter l'action en contrefaçon ouverte sous la conclusion III du demandeur. Or, un tel accord n'est ni allégué, ni prouvé. En outre, à supposer que le juge de la contrefaçon soit compétent pour délivrer l'autorisation prévue par l'art. 43 § 2 LBI/B, la cour de céans n'est pas saisie à cet effet. Il en découle que le demandeur n'a pas la légitimation active pour demander l'interdiction de commercialiser le aaa.____ en Belgique. Sa conclusion III doit être rejetée pour ce qui concerne ce pays, sans qu'il soit nécessaire d'examiner s'il y a eu – risque d'y avoir – atteinte à son droit.

IX. a) En Allemagne, le droit des brevets relève du Patentgesetz du 5 mai 1936 (ci-après : PatG). Le § 9 PatG interdit, sauf accord du titulaire du brevet, de fabriquer, d'offrir, de mettre dans le commerce, d'utiliser ou d'importer ou de posséder aux fins précitées le produit, objet du brevet (ch. 1) ; d'offrir, de mettre dans le commerce ou d'utiliser ou d'importer ou de posséder à ces fins le produit directement obtenu par le procédé objet du brevet (ch. 3). Selon le § 139 ch. 1, l'utilisation d'une invention brevetée, en violation des §§ 9 à 13, donne lieu à une action en interdiction, lorsqu'il y a un risque que de tels actes se répètent ou une menace sérieuse qu'ils soient commis.

b) En vertu du § 6, le droit au brevet appartient à l'inventeur ou à son ayant droit. Le droit sur le brevet, la prétention à la délivrance du brevet et le droit issu du brevet peuvent être transférés à des tiers de manière limitée ou illimitée (§ 15 al. 1 PatG). La doctrine précise à cet égard que lorsque la cession des droits sur le brevet ne porte que sur une quote-part, elle crée pour les intéressés "eine Bruchteilsgemeinschaft", institution dans laquelle la quote-part se réfère au bien juridique en entier, mais non à une partie effective de ce dernier. Comme pour la co-invention, l'invention ne saurait être fractionnée (Krasser, op. cit., pp. 348 et 927).

Il découle de ces principes, que selon le droit allemand, la cession par le demandeur de la moitié "des droits et revenus de l'exploitation et des applications et de la conception des pièces du jeu xxx.____" a de par la loi porté aussi bien sur les aspects financiers que sur les droits d'exploitation dudit brevet.

c) Par surabondance, si tel ne devait pas être le cas, on parvient au même résultat par une interprétation de l'accord de collaboration du 11 septembre 1998.

ca) Selon le § 133 BGB (Bürgerliches Gesetzbuch du 18 août 1896) pour interpréter une déclaration de volonté, il faut chercher la volonté réelle du déclarant et non s'en tenir au sens littéral des mots exprimés. Il s'agit ici de déterminer comment le destinataire d'une déclaration de volonté pouvait la comprendre d'après son horizon. Bien que la lettre de cette disposition vise expressément l'interprétation des déclarations de volonté, il est admis qu'elle s'applique à l'interprétation de tous les actes juridiques, y compris les contrats. Il conviendra donc de rechercher la volonté concordante des parties (Roth, in Bork/Kohler/Roth/Sack, Kommentar zum Bürgerlichen Gesetzbuch mit Einfürungsgesetz und Nebengesetzen 2003, nn. 1 ss ad § 157 BGB). L'interprétation des contrats relève également du § 157 BGB, en vertu duquel les contrats doivent être interprétés selon les règles de la bonne foi en ayant égard à l'usage. Le § 157 BGB – qui consacre l'interprétation dite complétive (ergänzende Vertragsauslegung) – concerne essentiellement le comblement des lacunes contractuelles qui peut conduire à l'introduction des obligations accessoires ou de protection (Roth, loc. cit; Brox et Walker, Allgemeines Schuldrecht, Munich 2011, n. 10, p. 75). Les principes juridiques allemands en matière d'interprétation ne divergent ainsi pas de ceux du droit français ou belge. Dans cette mesure, l'accord de cession signé par le demandeur doit recevoir la même interprétation que dans ces dernières législations. En droit allemand également, le demandeur n'a pas cédé uniquement des avantages financiers mais aussi la moitié des droits d'exploitation.

d) da) S'agissant de la qualité pour agir de l'un des copropriétaires du brevet, le PatG prévoit à son § 30 ch. 3 du PatG ce qui suit :

"(3) Das patentamt vermerkt im Register eine Änderung in der Person, im Namen im Wohnort des Anmelders patentinhabers und seines Vertreters sowie Zustellungsbevollmächtigten, wenn sie ihm nachgewiesen wird. Solange die Änderung nicht eingetragen ist, bleibt der frühere Anmelder, Patentinhaber, …nach Massgabe dieses Gesetzes berechtigt und verpflichtet."

Cette disposition prévoit ainsi qu'aussi longtemps qu'une modification dans la personne titulaire des droits issus du brevet n'a pas été inscrite au registre des brevets, les droits et obligations découlant du PatG restent acquis à l'ancien titulaire. La doctrine précise à cet égard que si l'enregistrement du changement de propriétaire dans le registre idoine, conformément au § 30 PatG, n'a qu'un effet déclaratif, il est toutefois recommandé, puisque l'enregistrement a des effets sur la légitimation. L'acquisition des droits matériels sur le brevet s'accomplit sans égard à l'enregistrement, mais ne peut agir ou défendre, dans une procédure devant un tribunal, que celui qui a été enregistré. Jusque-là l'ancien titulaire du brevet est "procéduralement légitimé". Il est aussi précisé que cela vaut dans les rapports à l'égard de tiers. Dans les rapports entre l'acquéreur et l'aliénateur, le premier peut agir contre le second, même s'il n'a pas été enregistré (Osterrieth, Patentrecht, 3ème éd. Munich 2007, n. 418 p. 169; Götting, Gewerblicher Rechtsschutz, Munich 2007, n. 20 p. 157). Ainsi, le Bundesgerichthof (ci-après : BGH) a jugé que le défendeur qui avait cédé, avant la litispendance, ses droits à une société gardait la légitimation passive, dès lors que cette société n'avait pas été enregistrée. Son enregistrement intervenu après la litispendance n'était pas de nature à modifier cette considération (BGH 24 octobre 1978, in GRUR [Gewerblicher Rechtsschutz und Urheberrecht] 1979, 145, en application du § 24 aPatG, dont la teneur correspondait au § 30 susmentionné).

db)Ainsi, selon le droit allemand, le demandeur conserve la légitimation pour agir seul contre celui qui viole son brevet, aussi longtemps que le cotitulaire des droits sur le brevet n'est pas inscrit au registre des brevets. Le § 30 se réfère au registre allemand des brevets (Osterrieth, op. cit., p. 231), qui est tenu par le Bureau des brevets et des marques (§ 26 PatG). La CBE ne contient aucune disposition sur l'enregistrement des brevets européens dans les registres des pays concernés. Il résulte toutefois des §§ 34 et 49a PatG que l'inscription dans le registre allemand intervient automatiquement sur annonce des autorités européennes, sans que le titulaire du brevet ait à déposer lui-même une demande séparée.

En l'espèce, il est constant que le demandeur est inscrit dans le registre européen des brevets, de sorte que, selon ce qui vient d'être exposé, il l'est également dans le registre allemand. L'instruction n'a en revanche pas prouvé que F.____ est inscrit au registre européen, ce qui aurait permis d'en déduire un enregistrement dans le registre allemand. S'il ne suffit pas de constater que F.____ n'est pas mentionné dans le registre européen pour affirmer qu'il ne l'est pas non plus dans le registre allemand, les circonstances de l'espèce permettent de soutenir l'idée qu'il n'y a pas été inscrit. En effet, la cession des droit à F.____ étant antérieure à la délivrance du brevet européen et le demandeur contestant avoir cédé des droits à ce dernier, on doute sérieusement qu'il l'ait fait inscrire comme co-titulaire du brevet.

En tout état de cause, la solution à ce problème passe par l'examen du fardeau de la preuve. Le juge doit examiner d'office la qualité pour agir du demandeur. Dans les procès soumis à la maxime des débats, il ne le fait qu'au regard des faits allégués par les parties et prouvés, soit uniquement dans le cadre que les parties ont assigné au procès. Il appartient au demandeur de prouver les faits sur lesquels il fonde sa qualité pour agir; la qualité pour agir étant un fait implicite, le demandeur ne supporte toutefois le fardeau de l'allégation et le fardeau de la preuve de celle-ci que lorsque sa partie adverse l'a contestée (TF 4A_283/2008 du 12 septembre 2008 c. 6; Hohl, Procédure civile, t. I, n. 446 et les réf. citées).

En l'occurrence, le demandeur établit qu'il a la qualité pour agir selon le droit allemand en sa qualité de titulaire du brevet européen délivré notamment pour l'Allemagne, à moins que F.____ ne soit inscrit au registre allemand en qualité de co-titulaire du brevet. Comme il s'agit d'un fait destructeur, il appartenait le cas échéant aux défendeurs d'alléguer et d'établir que tel était le cas, ce qu'ils n'ont pas fait. Les défendeurs contestent que le demandeur puisse revendiquer la protection de son brevet en Suisse ; ils n'ont en revanche pas contesté sa qualité pour agir dans les pays pour lesquels le brevet a été délivré.

Dans ces conditions, il sied d'admettre que le demandeur a la qualité pour agir selon le droit allemand.

e) S'agissant de la violation du brevet, l'expert a constaté l'imitation par équivalence du brevet du demandeur par le aaa.____ en droit suisse comme en droit français. On a toutefois vu que l'approche est la même en droit allemand (cf. ci-dessus, c. VI b/bb), de sorte qu'on doit considérer que dans ce pays aussi les pièces de connexion du aaa.____, considérés par l'expert technique comme équivalents à celles du zzz.____, tombent sous le coup du brevet du demandeur. D'autre part, si au vu de l'instruction, le aaa.____ n'est pas commercialisé en Allemagne, les défendeurs ont admis qu'ils avaient l'intention de le faire (all. 102 admis). Les défendeurs concluent par ailleurs au rejet de la prétention leur interdisant de commercialiser leur produit en Allemagne (conclusion III), ce qui montre que leur projet reste d'actualité. En l'absence d'une interdiction formelle, ils pourraient vendre le produit litigieux. Le brevet du demandeur est dès lors sérieusement menacé, de sorte qu'il se justifie de prononcer l'interdiction de commercialiser le aaa.____ en Allemagne.

Au vu de ce qui précède, l'interdiction de commercialiser le aaa.____, requise par la conclusion III du demandeur, doit être admise pour ce qui est de la France et de l'Allemagne. Cette interdiction sera assortie pour son efficacité de la menace au défendeur et aux organes de la défenderesse de la peine d'amende prévue à l'art. 292 du Code pénal qui réprime l'insoumission à une décision de l'autorité (art. 512a CPC-VD).

X. Le demandeur conclut par ailleurs à ce qu'ordre soit donné aux défendeurs de retirer du marché tous les exemplaires du jeu commercialisé sous le nom "aaa.____" (conclusion IV). Toutefois, l'injonction décernée ci-dessus est en soi de nature à atteindre le résultat souhaité, à savoir la cessation de l'atteinte dont le demandeur a été l'objet ou risque d'en être. D'autre part, l'instruction a établi que les jeux aaa.____ ont été remplacés dans plusieurs magasins par les jeux bbb.____ et que les produits litigieux ne sont pas encore vendus en Allemagne. Ils ont été commercialisés en France, sans qu'il soit non plus prouvé que ces objets soient pour l'heure encore sur le marché. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer le retrait des marchandises requis.

XI. Le demandeur se prévaut également de la protection découlant de la loi contre la concurrence déloyale. Il invoque l'art. 5 let. a LCD, aux termes duquel agit de façon déloyale celui qui, notamment, exploite de façon indue le résultat d'un travail qui lui a été confié, par exemple des offres, des calculs ou des plans.

a) Le demandeur, qui s'estime victime d'un acte de concurrence déloyale, a la légitimation active pour agir contre les défendeurs, supposés auteurs dudit acte de concurrence déloyale, lesquels ont donc la légitimation passive.

b) ba) Le droit de la concurrence déloyale ne contient pas une interdiction générale d’utiliser les prestations d’autrui; il existe en principe une liberté d’imiter ces prestations. La LCD cherche à garantir la loyauté dans la concurrence, tandis qu’il incombe à la propriété intellectuelle de protéger des prestations particulières comme telles. Les prestations ne sont donc pas protégées par la LCD comme telles contre leur reprise ou leur imitation, mais seulement lorsqu’on est en présence de circonstances pertinentes au point de vue de la loyauté en affaires (ATF 108 II 327 c. 5a, rés. JT 1983 I 368; Dessemontet, Aperçu de jurisprudence, extraits et résumés d’arrêts du Tribunal fédéral, in JT 2011 II 315 c. 5.2 et les réf. citées). Tel est notamment le cas lorsqu'un concurrent se procure ou exploite de façon déloyale les informations nécessaires à la copie, soit en rompant un rapport de confiance (art. 5 let. a LCD), soit en profitant de la rupture d'un lien de confiance existant entre des tiers (art. 5 let. b LCD; Golaz, L'imitation servile des produits et de leur présentation, thèse Lausanne 1992, pp. 273 ss; TF 4C.399/1999 du 18 mars 1999 c. 2b, in sic! [Revue suisse de la propriété intellectuelle, de l'information et de la concurrence] 1999, p. 300).

Ce qui a déterminé la prise en compte de la protection des prestations d'autrui dans la LCD, c'est le fait que celui qui imite en reprenant les prestations d'un tiers se crée un avantage concurrentiel sur l'auteur de la prestation : il fait l'économie des travaux et des frais de développement s'il acquiert cet avantage de façon déloyale par une reprise non autorisée (FF 1983 II 1037, 1056; BO CN 1985 III 840). De surcroît, l'imitateur peut priver l'auteur de l'innovation non protégée de l'avantage économique qu'offre la première mise sur le marché pour asseoir une position qui le distinguera de ses concurrents (ATF 77 II 263, c. 2c, JT 1952 I 200; Jecklin, Leistungsschutz im UWG, p. 26). En effet, lorsqu'un nouveau produit est lancé sur le marché, l'on observe une phase initiale durant laquelle le fabricant jouit d'une exclusivité de fait. Ce n'est qu'après un certain laps de temps que les imitateurs lui emboîteront le pas, s'ils jugent le produit prometteur ou s'il a fait ses preuves. Cette phase initiale, durant laquelle l'innovateur n'est pas concurrencé, est appelé "time lag". En l'absence de protection spéciale par une loi de propriété intellectuelle, c'est ce "time lag" qui tient lieu d'incitation à innover. Si la copie par les concurrents intervenait simultanément à la première distribution, les entreprises ne retireraient pas suffisamment de bénéfice des investissements liés à la mise au point d'un nouveau produit : elles seraient nombreuses à couper court à leurs efforts d'innovation. Généralisée, une telle tendance se révélerait désastreuse pour la santé du marché. Un "time lag" suffisamment long est donc une prémisse essentielle au bon fonctionnement de la concurrence (Schlosser, La protection des secrets économiques, in Entreprise et propriété intellectuelle, publication CEDIDAC n° 84, p. 89 et les références citées aux notes infrapaginales nn. 86 à 90).

C’est aussi précisément durant la phase délicate qui précède la fabrication à l’échelle industrielle d’un nouveau produit que l’auteur de l’innovation est amené à dévoiler celle-ci à des entrepreneurs ; le bon fonctionnement de la concurrence impose que l’acteur économique puisse se fier à de tels contractants sans craindre de perdre le bénéfice qu’il peut espérer tirer de sa création. En édictant l'art. 5 let. a et b LCD, le législateur a eu à coeur de sanctionner la rupture des rapports de confiance. Une concurrence saine suppose que les acteurs économiques puissent entrer en relations contractuelles ou précontractuelles sans craindre que leur partenaire accapare les connaissances acquises à l'occasion de leur collaboration pour les utiliser à son profit sans autorisation et sans bourse délier (Schlosser, op. cit., p. 90 et les références citées à la note infrapaginale n. 92, en particulier sic ! 1999 p. 300 c. 2b). Ainsi, il n'est pas admissible, car contraire au fonctionnement d'une saine concurrence, que des connaissances acquises auprès d'un concurrent à l'occasion de rapports privilégiés entretenus avec lui (relation contractuelle, pourparlers) soient utilisés en dehors du cadre convenu et d'une manière à priver le détenteur légitime du "time lag" lié à la première mise sur le marché (Schlosser op. cit., p. 90 et la référence citée à la note infrapaginale n. 93).

bb) Par "résultat d'un travail", il faut entendre le produit d'un certain effort intellectuel et/ou matériel non protégé par la législation spéciale sur la protection des biens immatériels. Il peut s'agir d'une chose corporelle ou incorporelle, mais qui doit être matérialisée, dans la mesure où la prestation en question doit pouvoir être "remise" à un tiers ou lui être "rendue accessible" (Jecklin, op. cit., pp. 108-109; Baudenbacher, Lauterkeitsrecht, Kommentar zum Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerbsrecht, nn. 26 et 27 ad art. 5 LCD; cf. en outre ATF 122 III 469 c. 8b, SJ 1997 129, qui souligne que la renommée d'un produit ne peut pas être considérée comme le résultat d'un travail). Le résultat du travail matérialisé peut porter aussi bien sur des informations commerciales que sur des prestations scientifiques ou intellectuelles, telles les découvertes (Baudenbacher, op. cit., n. 28 ad art. 5 LCD). En revanche, une simple idée pour autant qu'elle ne soit pas protégée par un droit particulier peut être exploitée par un tiers, même si elle est fixée par la suite (FF 1983 II 1037, 1103).

bc) Le résultat du travail doit avoir été "confié" au concurrent et être exploité "de manière indue", c'est-à-dire sans l'autorisation de son auteur. Le concurrent doit donc l'exploiter contrairement aux accords passés, le détourner de la destination convenue (TF 4C.399/1999 c. 2b précité). Selon le Tribunal fédéral, l'art. 5 let. a LCD exige seulement que le résultat du travail soit "confié", et ne requiert pas que ce résultat soit secret ou d'une originalité particulière (TF 4C.399/1999 c. 2g précité). Toutefois, la doctrine critique cette jurisprudence, soulignant notamment qu'elle aboutit au "résultat curieux" consistant à empêcher celui qui s'est vu confier la réalisation d'un travail non secret de pouvoir l'exploiter pour son propre compte, alors que n'importe quel autre concurrent voulant imiter le produit mis sur le marché sera en droit de le faire (Cherpillod, note suivant l'arrêt précité, sic! 1999, p. 303). La doctrine s'accorde à dire que le terme "confié" suppose que le résultat du travail revête un certain degré de confidentialité (Cherpillod, ibidem). Celle-ci est en principe détruite par la mise sur le marché du produit (Jecklin, op. cit., p 109; Pedrazzini/Pedrazzini, Unlauterer Wettbewerb UWG, n° 9.09; Baudenbacher, op. cit., n. 30 ad art. 5 LCD; Golaz, op. cit., p. 276). D'autres manières de rendre public le savoir concerné sont également concevables, telle sa description dans une publication largement diffusée.

Mais pour que la confidentialité soit détruite, il faut en tout cas que la divulgation ait rendu l'information aisément accessible aux milieux intéressés. Les communications publiques n'ont pas automatiquement pour effet de faire perdre à la connaissance son caractère (relativement) confidentiel; tout dépend de la nature et de leur contenu. En règle générale, si l'analyse d'un produit disponible sur le marché permet de le copier à moindre frais, il n'est plus confidentiel. Ainsi lorsque le résultat du travail se résume à ce qui peut être découvert par "reverse engineering", il ne peut plus être protégé par le biais de l'art. 5 let. a et b LCD. Deux réserves s'imposent toutefois : le "résultat du travail" doit se résumer à ce que le produit révèle; le savoir-faire "enfoui", non détectable par ingénierie inverse, demeure protégé. Ensuite, l'activité de l'ancien partenaire doit intervenir à un moment où l'innovateur a déjà profité du "time lag" qui lui revient légitimement. L'avantage dont dispose l'ancien partenaire – par exemple parce qu'il détient les plans précis de la machine commercialisée – pourrait lui permettre d'emboîter le pas de trop près au concepteur du nouveau produit, alors que le commun des concurrents ne peut être aussi rapide. L'innovateur est en droit de prétendre à une phase initiale "ordinaire". Certes, l'ancien partenaire ne doit pas être défavorisé par rapport aux autres compétiteurs, mais il ne doit pas non plus mettre à profit ses connaissances privilégiées pour priver le créateur d'une part du "time lag" à laquelle il peut légitimement aspirer (Schlosser, op. cit., pp. 90-91 et les références citées aux notes infrapaginales, nn. 94 à 97).

bd) L'exploitant n'agit de manière déloyale que lorsqu'il savait que le résultat du travail lui avait été confié de manière indue. Selon la doctrine, il n'y a pas lieu d'interpréter cette condition de manière trop stricte. Outre le dol éventuel, la négligence grossière suffit (Pedrazzini/Pedrazzini, op. cit., n. 9.14; Baudenbacher, op. cit., n. 35 ad art. 5 LCD). Agit de façon déloyale celui qui peut discerner qu'il est entré indûment en possession du résultat du travail.

c) Selon l'art. 5 let. c LCD, agit en particulier de façon déloyale celui qui reprend grâce à des procédés techniques de reproduction et sans sacrifice correspondant le résultat de travail d'un tiers prêt à être mis sur le marché et l'exploite comme tel.

Cette disposition définit le caractère déloyal de l'exploitation des prestations d'autrui en se référant à la manière dont la reprise a lieu. Pareille exploitation est prohibée si le résultat du travail d'autrui est prêt à être mis sur le marché et s'il se trouve exploité comme tel. A cet égard, la reprise doit se faire par un procédé de reproduction technique et sans sacrifice correspondant. Un procédé sera illicite s'il vise non à copier le produit d'un concurrent ou à le fabriquer en utilisant d'autres connaissances, mais à reprendre le produit sans aucun investissement pour l'adapter. Les faits visés limitent étroitement l'application de l'art. 5 let. c LCD, qui ne vise pas à instituer la protection d'une nouvelle catégorie de biens juridiques, mais à prohiber un certain comportement en raison de sa déloyauté. C'est donc la manière et le mode de la reprise du travail d'un tiers qui sont déterminants, mais non le résultat du travail per se : la reprise doit se faire par un procédé technique et sans investissements appropriés, étant précisé qu'il ne doit y avoir d'effort propre ni lors de la reprise par un procédé technique ni lors de l'exploitation du produit (ATF 118 II 459 c. 3b, JT 1993 I 359; ATF 131 III 384, JT 2005 I 434 et les références citées). Pour le Tribunal fédéral, on ne peut admettre une reprise telle quelle de la prestation d'autrui au sens de l'art. 5 let. c LCD que si les frais de copie et d'exploitation du défendeur sont minimes en comparaison des investissements que requiert objectivement la saisie originale des données (ATF 131 III 384 c. 4.5, JT 2005 I 434).

d) da) En l'espèce, comme dans la cause opposant le demandeur à la société S.____Sàrl, on doit admettre que le xxx.____ devenu zzz.____ est le résultat d’un travail et ne relève pas de la simple idée. Le demandeur a travaillé à sa mise au point et a investi du temps, de l’énergie et de l’argent.

S'agissant du caractère confidentiel, il n'est pas certain que la divulgation du jeu du demandeur avant sa collaboration avec les défendeurs ait été suffisante pour détruire sa confidentialité. Il n'y a pas eu de véritable commercialisation, mais une utilisation par le demandeur dans le cadre de mandats confiés ou lors d'ateliers qu'il a animés ou encore lors de conférences. Le demandeur a également présenté son jeu dans des expositions. On ignore toutefois si à la suite de ces présentations, les milieux intéressés, tels que les fabricants de jouets, ont obtenu des informations qui leur auraient permis de produire le zzz.____ à moindre frais. Ce point peut néanmoins rester indécis, eu égard aux développements qui suivent.

Il est constant que le demandeur a présenté son jeu au défendeur environ un mois après leur rencontre et qu'il lui a en outre révélé les spécifications techniques et le savoir-faire permettant la fabrication de ses cubes et des pièces de connexion. Plus précisément, lors de la séance du 21 janvier 2004, qui a réuni pendant plusieurs heures le demandeur, le défendeur et les représentants de la société M.____, le demandeur a notamment fourni aux personnes présentes des indications détaillées à propos du moulage des pièces du yyy.____, notamment en relation avec les matières, les dimensions, les impératifs techniques induits par les développements futurs connexions par les coins et les côtés -, les injections et les éjections, la qualité, les coûts, les contre-dépouilles, l’option consistant à fabriquer deux connecteurs différents et les prix de revient, notamment en relation avec le nombre de couleurs. Cela étant, comme dans la cause parallèle qui oppose le demandeur à la société S.____Sàrl, le demandeur – à qui incombe le fardeau de la preuve à ce sujet (art. 8 CC) – n'a pas apporté la preuve que les informations confidentielles obtenues du demandeur ont facilité la fabrication du aaa.____, ni, partant, dans quelle mesure, sur le plan technique, financier ou temporel. Il s'agit là de questions techniques, que le demandeur aurait dû soumettre à l'expertise, ce qu'il n'a pas fait. Le demandeur n'établit ainsi pas, notamment, quel pourrait être le terme (dies ad quem) de la période de protection contre la mise sur le marché d'un produit concurrent ("time-lag"). On rappellera également que depuis 1996, date de la création du xxx.____, jusqu'à la rupture des liens entre les parties en 2004, le xxx.____ n'avait pas connu de véritable commercialisation, qui eût notamment passé par des canaux de distribution. On peut dès lors sérieusement s'interroger, en amont, sur la possibilité pour un acteur économique d'invoquer la protection du "time-lag" qui débute en principe avec le lancement d'un nouveau produit et trouve sa justification dans l'exclusivité de fait que cette première mise sur le marché doit procurer à son auteur alors qu'il n'a jamais mis son produit sur le marché. L'apport des informations confidentielles est ici aussi d'autant moins évident que les défendeurs n'ont pas produit eux-mêmes le aaa.____, mais se sont adressés aux sociétés S.____Sàrl et C.____Sàrl pour la fabrication des moules et l'injection des pièces du aaa.____, sans qu'il soit non plus prouvé – ni le cas échéant dans quelle mesure – que ces sociétés ont dû bénéficier des informations provenant du demandeur pour mener à bien leur mandat. De surcroît, l'instruction a établi que les défendeurs ont fourni un effort considérable pour permettre l'exploitation de leur jeu. Ils ont investi de l'argent, engagé du personnel et produit un jeu dont en tout cas la pièce de connexion fixe permet des assemblages qui résistent, dans une bonne mesure, aux manipulations brusques des utilisateurs, ce qui constitue, aux yeux de l'expert technique, une amélioration significative. Il n'est par ailleurs pas non plus établi que le demandeur aurait révélé aux défendeurs le savoir-faire permettant la commercialisation du aaa.____. Les défendeurs ont ainsi fourni un travail propre pour développer et commercialiser le aaa.____, sans que l'apport des informations données par le demandeur puisse être déterminé. Ce dernier n'a, comme exposé, pas prouvé, notamment au moyen d'une expertise, que des informations à caractère confidentiel ont donné un avantage concurrentiel aux défendeurs et le cas échéant dans quelle mesure.

On pourrait tout au plus imaginer que l'idée du aaa.____ leur a été transmise par le demandeur. Toutefois, cela ne suffirait pas pour réaliser un cas d'application de l'art. 5 let. a LCD.

db) S'agissant de la violation éventuelle de l'art. 5 let c LCD, le demandeur n'a pas allégué, ni a fortiori établi notamment au moyen d'une expertise comptable, combien il aurait investi pour produire et commercialiser son produit. La seule indication chiffrée dont on dispose au sujet des investissements du demandeur, est l'état de son endettement au 26 septembre 2003 à hauteur de 210'415 fr. 74. Il apparaît toutefois, au vu de l'instruction, que cette somme ne représente pas l'investissement total, puisque, dans le cadre de la collaboration avec les défendeurs, les parties ont continué à chercher des investisseurs pour le yyy.____. Il n'est ainsi pas possible d'opérer une comparaison entre les investissements du demandeur, dont le coût total ne résulte pas de l'instruction, et ceux des défendeurs. Sur le plan financier, à dire d'expert comptable, les défendeurs ont investi de l'argent aussi bien dans le produit du demandeur que dans le leur à concurrence de 230'117 fr. (charges d'exploitation de juillet 2003 à janvier 2005). Aussi, comme précédemment relevé, les défendeurs ont engagé du personnel pour la mise au point de leur produit et en ont conçu le mode d'emploi. Ils ont fourni un effort considérable pour permettre son exploitation. On ne saurait ainsi pas retenir qu'ils ont eu uniquement recours à un procédé de reproduction technique ni qu'ils ont repris le produit du demandeur sans efforts correspondants. Dès lors, à supposer même que le xxx.____ soit une copie servile du aaa.____, ce dont on peut douter au vu des différences mises en lumière par l'expert technique, les conditions de l'art. 5 let. c LCD ne sont pas remplies.

e) Au vu de ce qui précède, les conclusions I et II du demandeur fondées sur la LCD doivent être rejetées.

XII. Le demandeur réclame à la défenderesse des dommages-intérêts à hauteur de 50'000 francs.

Il précise dans son mémoire de droit que cette indemnité comprend d'une part le manque à gagner subi du fait de la commercialisation du produit contrefaisant et, d'autre part, la réparation en raison de la perturbation du marché. Il soutient tout d'abord que sans la mise sur le marché du aaa.____, il aurait pu vendre son zzz.____ et réaliser de ce chef un bénéfice.

a) Aux termes de l'art. 41 CO, celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer (al. 1). L'application de cette disposition est ainsi subordonnée à la réunion de quatre conditions cumulatives, soit (1) une transgression du droit, (2) une faute, (3) un dommage et (4) un rapport de causalité entre la faute et le dommage (Engel, Traité des obligations en droit suisse, dispositions générales du CO, 2ème éd., p. 447; Werro, Commentaire romand, n. 3 ad art. 41 CO, p. 289). Selon la jurisprudence, le dommage réside dans la diminution involontaire de la fortune nette. Il peut consister en une réduction de l'actif, en une augmentation du passif ou en un gain manqué et correspond à la différence entre la situation actuelle de fortune et celle qui existerait si l'événement dommageable ne s'était pas produit (ATF 129 III 331, JT 2003 I 629; ATF 128 III 22, JT 2002 I 222 et références). Conformément à l'art. 8 CC, il appartient à la victime de prouver la réalisation de ces conditions. S'agissant de la preuve du montant du dommage, l'art. 42 al. 2 CO prévoit que lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée. Une réduction des exigences en matière de preuve suppose cependant, selon la jurisprudence, qu'une preuve stricte ne soit pas possible ou ne puisse pas raisonnablement être exigée en fonction de la nature de l'affaire. La réduction des exigences de preuve ne doit pas conduire en pratique à un renversement du fardeau de la preuve. Dans la mesure où cette exigence relève du possible et du raisonnable, la partie sur laquelle repose le fardeau de la preuve doit alléguer et établir toutes les circonstances qui permettent de conclure à la réalisation de l'état de fait prétendu (ATF 128 III 271 c. 2b/bb, JT 2003 I 606 et les références citées).

b) En l'espèce, le zzz.____ n'est pas protégé en Suisse par un quelconque brevet et il est retenu que les défendeurs n'ont violé ni la LDA ni la LCD en vendant le aaa.____. Faute de caractère illicite du aaa.____, le demandeur ne peut donc se plaindre de sa vente en Suisse.

Par surabondance, pour établir le dommage, l'expert comptable a répondu en se référant au chiffre d'affaires et à la marge brute réalisés par la défenderesse par la vente du aaa.____ entre le mois d'août 2004, début de la période de commercialisation, et le mois de janvier 2005, fin de la période, soit respectivement 23'103 fr. et 9'227 francs. Cette information ne suffit toutefois pas à établir le dommage éventuel subi par le demandeur au titre de manque à gagner. En effet, rien ne permet d'affirmer que le demandeur aurait réalisé le même chiffre d'affaires et la même marge bénéficiaire que les défendeurs, et quel aurait été son bénéfice net. Cela d'autant moins qu'au vu de l'instruction le produit du demandeur n'a jamais été commercialisé en France, pays dans lequel le aaa.____ a été vendu. Surtout, le fait que le demandeur n'ait pas allégué ni établi les éléments factuels permettant de déterminer la durée d'un éventuel "time-lag" rend notamment impossible la détermination de son prétendu dommage lié à la commercialisation par la défenderesse de son propre produit durant cette période (rapport de causalité adéquate sur le plan temporel). Comme déjà relevé (ci-dessus, p. 54), on peut sérieusement s'interroger sur la possibilité pour le demandeur d'invoquer la protection du "time-lag", alors qu'il n'a pas véritablement commercialisé son produit. La même question se poserait d'ailleurs du point de vue du respect de l'incombance de réduire son dommage. A cet égard, l'instruction a mis en lumière le fait que le demandeur est constamment à la recherche d'investisseurs. Il n'est toutefois pas établi qu'il ait été freiné dans cette recherche à cause du aaa.____. Il est par ailleurs établi par le complément d'expertise que le demandeur n'a pas été privé d'une subvention de 5'000 fr. en raison de la vente du aaa.____. A dire d'expert, le demandeur n'aurait vraisemblablement pas obtenu de subvention, en raison de l'absence de caractère innovateur de son produit.

Le demandeur n'a ainsi pas établi, que ce soit au titre de manque à gagner ou de dommages-intérêts pour la perturbation du marché, qu'il a subi un dommage en lien de causalité adéquate avec la mise en vente du aaa.____ pendant six mois.

C'est en vain qu'il invoque l'art. 42 al. 2 CO, puisqu'il lui était loisible, le cas échéant, d'alléguer et de prouver, notamment à l'aide de l'expertise comptable, toutes les circonstances permettant de retenir qu'il aurait subi, en raison de la vente du aaa.____ des pertes ou un manque à gagner à hauteur de 50'000 francs.

La conclusion VI du demandeur doit donc être rejetée.

XIII. Les défendeurs ont pris des conclusions reconventionnelles demandant à ce que le demandeur soit condamné à payer 150'000 fr. à la défenderesse et 83'500 fr. au défendeur. Ils invoquent la responsabilité précontractuelle du demandeur, soutenant que ce dernier aurait violé son devoir de négocier sérieusement, qu'il aurait toujours adopté un comportement qui laissait croire aux défendeurs qu'il entendait sérieusement conclure une convention avec eux et qu'il aurait manifesté un revirement de position soudain au moment de mettre par écrit les termes de la collaboration, revirement qui n'aurait laissé d'autre choix aux défendeurs que de mettre fin à la collaboration.

a) Le principe général de la responsabilité précontractuelle comporte la sanction des devoirs de diligence que les règles de la bonne foi ou de l'équité imposent aux parties dans la passation d'un acte juridique ou dans les pourparlers en vue d'un tel acte. Dès qu'elles entrent en pourparlers, les parties sont tenues de se comporter conformément aux règles de la bonne foi (art. 2 CC). La violation fautive des devoirs de diligence et de loyauté dans les pourparlers contractuels oblige à réparer le dommage que la partie lésée n'aurait pas subi en l'absence de la faute. (Piotet, Culpa in contrahendo et responsabilité précontractuelle en droit privé suisse, pp. 126 et 127 ; Engel, op. cit., pp. 748 et 754).

La culpa in contrahendo repose sur l'idée que, pendant les pourparlers, les parties doivent agir selon les règles de la bonne foi (ATF 121 III 350 c. 6c p. 354 (f), rés. JT 1996 I 187.1, SJ 1996 197). Pour que la responsabilité de l'une des parties soit engagée de ce chef, il faut en tous les cas que celle-ci ait agi de manière contraire aux règles de la bonne foi, que l'autre partie ait subi un dommage et qu'il existe un lieu de causalité entre ce dommage et le comportement en cause. Les règles de la bonne foi imposent à chaque partie de négocier sérieusement, conformément à ses véritables intentions durant les pourparlers. Le devoir de se comporter sérieusement suppose de ne pas engager, ni de poursuivre des négociations en ayant l'intention de ne pas conclure le contrat; il implique également de ne pas mener des pourparlers de manière à faire croire que sa volonté de conclure est plus forte qu'en réalité (TF 4C.381/2002 du 29 avril 2003 et références citées). Par exemple, il est contraire aux règles de la bonne foi de donner sans réserve son accord de principe à la conclusion d'un contrat formel et de refuser in extremis, sans raison, de le traduire dans la forme requise (SJ 2002 I 164, c. 3a et les références). La violation de ce devoir peut obliger l'auteur de la violation à réparer le dommage que peut avoir subi son partenaire du fait de la continuation des négociations au-delà du moment où elles auraient dû être interrompues (Tercier, Le droit des obligations, 4ème éd., nn. 634-635).

Toutefois, le principe fondamental du droit des obligations est celui de l'autonomie : il s'ensuit qu'une partie peut en tout temps interrompre les pourparlers. Cette démarche n'a rien d'illicite en soi. Ce n'est que dans des situations exceptionnelles qu'une rupture des pourparlers sera constitutive d'une culpa in contrahendo. Ainsi, des négociations de longue durée, le fait que la partie à l'origine de la rupture connaisse les investissements effectués par l'autre, l'existence d'un accord réglant tous les éléments du contrat, ne sont pas encore constitutifs d'une culpa in contrahendo (SJ 2002 I 64 précité).

Il appartient enfin à celui qui invoque la responsabilité précontractuelle de sa partie adverse d'établir les faits pouvant déterminer une faute de celle-ci (Kramer, Berner Kommentar, Allgemeine Einleitung in das schweizerische Obligationenrecht, Art. 1-18 OR, p. 73, n. 141 in fine; Piotet, op. cit., pp. 54-56); la faute n'est ici pas présumée (art. 3 CC).

b) Si, comme en l'espèce, le contrat n'a pas été conclu, on reste dans le domaine de la culpa in contrahendo dont la nature est controversée. Cette responsabilité est soumise aux règles de la responsabilité délictuelle en ce qui concerne la prescription (Tercier, loc. cit.), qui n'est pas invoquée en l'occurrence. Il est constant que le demandeur a adopté jusqu'en février 2004 un comportement laissant croire aux défendeurs qu'il entendait sérieusement conclure une convention de collaboration avec eux. Il est également établi que dès le mois de février 2004, les relations se sont détériorées entre les parties, qui ont constaté des divergences importantes entre elles et ne sont pas parvenues à se mettre d'accord sur les modalités de leur collaboration. Le demandeur a exprimé ces divergences dans un courriel du 15 février 2004 et, à la suite d'un nouvel courriel du 17 février 2004, la défenderesse a retiré l'inscription au Prix Lausanne Région Entreprendre et a écrit au demandeur le 26 février 2004 pour lui communiquer les modalités de la fin ou de la poursuite de leur collaboration. Il n'est ainsi pas établi que le demandeur ait entamé des négociations sans avoir l'intention de conclure, ni établi qu'il ait poursuivi les négociations alors qu'il n'avait plus l'intention de conclure. On ne saurait non plus retenir que le demandeur a prolongé d'une manière contraire à la bonne foi la période des négociations alors qu'il avait renoncé à conclure.

Il découle de ce qui précède que les défendeurs ne peuvent prétendre à rien du chef de la culpa in contrahendo. Leurs conclusions reconventionnelles I et III, y compris la conclusion V demandant la mainlevée de l'opposition formée par le demandeur, doivent être rejetées.

XIV. Les défendeurs demandent réparation du préjudice, à hauteur de 150'000 fr. pour la défenderesse et de 70'744 fr. 20 pour le défendeur, qu'ils auraient subi à la suite de l'admission de la requête de mesures provisionnelles du 19 janvier 2005.

L'art. 28f aCC (Code civil du 10 décembre 1907; RS 210), applicable par le renvoi des art. 65 al. 4 aLDA et 14 aLCD, prévoit que le requérant est tenu de réparer le préjudice causé par les mesures provisionnelles, si la prétention qui les a motivées se révèle infondée. Il dispose également que le juge peut refuser d'allouer une indemnité ou la réduire lorsque le requérant n'a pas commis de faute ou n'a commis qu'une faute légère. Cette disposition institue une responsabilité causale dépendant de la preuve libératoire (Meili, Basler Kommentar, 2e éd., n. 1 ad art. 28f CC). D'après la doctrine, cette "solution de compromis entre la responsabilité objective et la responsabilité aquilienne" tend à éviter de dissuader la victime d'une atteinte à faire valoir ses droits (Jeandin, Commentaire romand, n. 2 in fine ad art. 28f CC et les références citées à la note infrapaginale n. 3; Bugnon, Les mesures provisionnelles de la protection de la personnalité, petit(s) commentaire(s), in La protection de la personnalité : bilan et perspectives d'un nouveau droit : contributions en l'honneur de Pierre Tercier pour ses cinquante ans, p 35 ss, p. 51).

En l'espèce, l'instruction de la présente cause aura permis d'accueillir dans une très large mesure la conclusion III du demandeur. Et si les conclusions I et II au fond de ce dernier doivent être rejetées – contrairement à ce qui avait été décidé dans la procédure provisionnelle – c'est à la suite de l'administration de l'ensemble de mesures d'instruction – pièces, témoins, expertise. La requête du demandeur n'était pas d'emblée vouée à l'échec et soulevait des questions de fait et de droit complexes. Dans ces circonstances, on ne saurait reprocher au demandeur d'avoir utilisé une voie prévue par le droit fédéral. Il en résulte que ce dernier n'a pas commis de faute en procédant par voie de mesures provisionnelles, ce qui justifie de ne pas allouer d'indemnité aux défendeurs.

Les conclusions reconventionnelles II et IV doivent donc être rejetées.

XV. L'action des défendeurs en réparation du dommage subi du fait des mesures provisionnelles devant être rejetée, les sûretés de 30'000 fr. déposées le 11 février 2005 par le demandeur auprès du greffe de la cour de céans doivent être libérées en sa faveur, conformément à l'art. 107 al. 3 CPC-VD.

La conclusion reconventionnelle VI doit ainsi être rejetée, tandis que la conclusion VII du demandeur doit être admise.

XVI. Obtenant partiellement gain de cause, le demandeur a droit à des dépens réduits d'un tiers, à la charge des défendeurs, solidairement entre eux (Poudret/Haldy/Tappy, Procédure civile vaudoise, nn. 1, 3 et 7.6 ad art. 92 CPC-VD), qu'il convient d'arrêter à 26'648 francs 65, savoir :

a)

14'000

fr.

à titre de participation aux honoraires de son conseil;

b)

700

fr.

pour les débours de celuici;

c)

11'948

fr.

65

en remboursement de 2/3 de son coupon de justice.

Par ces motifs,

la Cour civile,

statuant à huis clos

en application de l'art. 318a CPC-VD,

prononce :

I. Interdiction est faite aux défendeurs A.T.____ et B.____Sàrl ainsi qu'à leurs auxiliaires de fabriquer ou de faire fabriquer, de promouvoir, de vendre ou de commercialiser de toute autre manière en France et en Allemagne tout produit comprenant une pièce de connexion mécanique identique ou similaire à celle protégée par le brevet européen n° EP [...].

II. L'injonction décernée sous chiffre I ci-dessus est assortie de la menace au défendeur et aux organes de la défenderesse de la peine d'amende prévue à l'article 292 du Code pénal qui réprime l'insoumission à une décision de l'autorité.

III. Les conclusions reconventionnelles prises le 27 janvier 2006 par les défendeurs à l'encontre du demandeur X.____ sont rejetées.

IV. Les sûretés par 30'000 fr. (trente mille francs) en espèces déposées le 11 février 2005 par le demandeur auprès du greffe de la Cour civile seront libérées en sa faveur dans un délai de trente jours dès que le présent jugement sera devenu exécutoire.

V. Les frais de justice sont arrêtés à 17'923 fr. (dix-sept mille neuf cent vingt-trois francs) pour le demandeur et à 17'852 fr. 20 (dix-sept mille huit cent cinquante-deux francs et vingt centimes) pour les défendeurs, solidairement entre eux.

VI. Les défendeurs, solidairement entre eux, verseront au demandeur le montant de 26'648 fr. 65 (vingt-six mille six cent quarante-huit francs et soixante-cinq centimes) à titre de dépens.

VII. Toutes autres ou plus amples conclusions sont rejetées.

Le président : La greffière :

P. Muller E. Umulisa Musaby

Du

Le jugement qui précède, dont le dispositif a été communiqué aux parties le 20 avril 2012, lu et approuvé à huis clos, est notifié, par l'envoi de photocopies aux conseils des parties.

Le présent jugement peut faire l'objet d'un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral au sens des art. 72 ss LTF et 90 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral - RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100
al. 1 LTF).

La greffière :

E. Umulisa Musaby

Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.

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