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Urteil Kantonsgericht (VD)

Kopfdaten
Kanton:VD
Fallnummer:HC/2024/510
Instanz:Kantonsgericht
Abteilung:
Kantonsgericht Entscheid HC/2024/510 vom 14.06.2024 (VD)
Datum:14.06.2024
Rechtskraft:
Leitsatz/Stichwort:
Zusammenfassung : Die Chambre des recours civile des Tribunal cantonal a entschieden, dass die Rekurse des C.L.________ in Bezug auf die Erbschaft seines verstorbenen Vaters abgewiesen werden. Die Juge de paix du Bezirks Nyon hatte zuvor die Anträge des C.L.________ auf Wiederherstellung der Frist für die Beantragung des Inventarvorteils und auf Widerspruch gegen den Rückzug des Inventarantrags seiner Mit-Erben abgelehnt. Der Rekurs wurde als unzulässig erklärt, da er ausserhalb der Frist eingereicht wurde. Der C.L.________ hatte auch beantragt, dem Rückzug des Inventarantrags seiner Mit-Erben entgegenzuwirken, was jedoch als verspätet betrachtet wurde. Der Rekurs wurde abgelehnt, und die Entscheidung der Juge de paix wurde bestätigt.
Schlagwörter : élai; Inventaire; éritier; énéfice; éritiers; écision; ’inventaire; éposé; édure; Autorité; étente; Chambre; érir; éral; écembre; était; Héritier; éposée; édéral; ègle; égal; équence; écès; épudiation; ’il
Rechtsnorm:Art. 100 BGG; Art. 106 ZPO; Art. 109 ZPO; Art. 326 ZPO; Art. 4 ZGB; Art. 567 ZGB; Art. 576 ZGB; Art. 580 ZGB; Art. 581 ZGB; Art. 74 BGG;
Referenz BGE:-
Kommentar:
Steinauer, , 2001
Entscheid

TRIBUNAL CANTONAL

ST22.031621-231754

153



CHAMBRE DES RECOURS CIVILE

_____________________

Arrêt du 14 juin 2024

__________

Composition : Mme CHERPILLOD, présidente

Mmes Crittin Dayen et Courbat, juges

Greffière : Mme Gross-Levieva

*****

Art. 580 CC

Statuant à huis clos sur le recours interjeté par C.L.____, au [...], contre la décision rendue le 11 décembre 2023 par la Juge de paix du district de Nyon dans la cause divisant le recourant d’avec A.L.____, à [...], G.____, à [...], A.Q.____, à [...], B.Q.____, à [...], C.Q.____, à [...], D.Q.____, à [...], B.L.____, à [...], et D.____, à [...], dans le cadre de la succession de feu D.L.____, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal considère :


En fait :

A. Par décision du 11 décembre 2023, la Juge de paix du district de Nyon (ci-après : la juge de paix ou la première juge) a rejeté les requêtes déposées le 13 novembre 2023 par C.L.____ dans le cadre de la succession de feu D.L.____ tendant à la restitution du délai pour demander le bénéfice d’inventaire et à ce qu’il puisse s’opposer au retrait de la requête de bénéfice d’inventaire déposée par ses cohéritiers.

En substance, saisie d’une requête en restitution de délai pour réclamer le bénéfice d’inventaire, la juge de paix a rappelé que feu D.L.____ était décédé le [...] juillet 2022, ce dont son fils C.L.____ avait eu immédiatement connaissance. Le délai pour demander dite restitution échéait le [...] août 2022 et, étant un délai péremptoire et en l’absence de justes motifs, il ne pouvait être ni restitué ni prolongé. La première juge a donc rejeté la requête datée du 13 novembre 2023, intervenue hors délai.

S’agissant de la requête de C.L.____ tendant à pouvoir s’opposer au retrait de la demande d’un bénéfice d’inventaire de ses cohéritiers, elle a été déposée un mois après ledit retrait, intervenu le 13 octobre 2023, ce qui a été jugé tardif, au regard du principe de la bonne foi. Par ailleurs, la première juge a relevé que, bien que A.Q.____ et D.Q.____, enfants de feu D.L.____, aient requis le bénéfice d’inventaire le [...] août 2023, aucune procédure relative à celui-ci n’a jamais été instituée. En effet, la juge de paix, respectivement sa prédécesseuse, avait constaté dans une décision du [...] août 2022 qu’elle était incompétente pour connaître du règlement de la succession.

B. Par acte du 22 décembre 2023, C.L.____ (ci-après : le recourant) a formé recours contre la décision précitée, concluant à sa réforme, en ce sens que le bénéfice d’inventaire soit ordonné, la juge de paix étant invitée à entreprendre les démarches concrètes à cet égard. Par ailleurs, il a requis l’octroi de l’effet suspensif.

Le 4 janvier 2023, la Juge déléguée de la Chambre des recours civile a rejeté la requête d’effet suspensif.

C.Q.____, D.Q.____, B.Q.____ et A.Q.____ ont déposé une réponse le 6 mai 2024. Se rapportant à justice quant à la recevabilité du recours, ils ont conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de celui-ci et à la confirmation de la décision rendue le 11 décembre 2023. Les autres intimés, soit A.L.____, G.____, B.L.____ et D.____, ne se sont pas déterminés.

C. La Chambre des recours civile retient les faits suivants.

1. a) Feu D.L.____ est né à [...] ([...]) le [...] 1948. Il avait la nationalité suisse. Il s’est marié avec [...] à [...] (France) le [...] 1970. De cette union sont issus D.____, B.L.____ et C.L.____, nés entre [...] et [...]. Les époux ont divorcé le [...] 2004.

b) Dans les dernières années de son mariage, feu D.L.____ a entretenu une relation sentimentale avec G.____. De cette relation sont nés A.Q.____, C.Q.____, B.Q.____ et D.Q.____, entre [...] et [...].

c) Le 30 mars 2017, feu D.L.____ s’est marié en Suisse avec A.L.____ et tous deux ont vécu à [...], dans un appartement dont le défunt était propriétaire. Ils ont ensuite résidé à [...], en France.

d) L’état de santé de feu D.L.____ s’est dégradé en 2022, ce qui a conduit à son hospitalisation le [...] 2022 à l’Hôpital [...], à [...].

e) Feu D.L.____ est décédé à l’hôpital le [...] 2022, comme l’atteste l’acte de décès délivré le [...] 2022. Son urne funéraire a été déposée dans le caveau familial, au [...] (France).

f) Le recourant a été immédiatement informé du décès de son père.

g) Le [...] août 2022, B.L.____ a pris contact par courriel avec [...], notaire à Nyon, en vue de fixer un entretien téléphonique concernant l’ouverture de la succession de feu D.L.____. Une copie du courriel a été envoyée à C.L.____ et à A.Q.____.

Le [...] août 2022, la notaire a adressé un message électronique à B.L.____, C.L.____ et A.Q.____ le recevant en copie, indiquant les prochaines étapes et les délais à respecter. Le courriel comportait notamment une section intitulée « Délai pour requérir un bénéfice d’inventaire », dont il ressort que ce délai est d’un mois dès la connaissance du décès pour les héritiers légaux.

2. Par envoi daté du [...] août 2022, A.Q.____ et D.Q.____ ont requis le bénéfice d’inventaire dans la succession de leur père auprès de la juge de paix.

3. a) Un différend important entre les parties s’en est suivi s’agissant de la compétence des autorités suisses, respectivement françaises, pour connaître de la succession.

b) Par décision du [...] août 2022, la juge de paix a déclaré qu’elle n’était pas compétente pour connaître du règlement de la succession de feu D.L.____. Le bénéfice d’inventaire requis n’a donc pas été institué, l’instruction de la cause se poursuivant.

c) Le 26 avril 2023, la juge de paix s’est déclarée compétente pour le règlement de la succession de feu D.L.____. La décision a été envoyée aux parties le 12 juin 2023 et notifiée au recourant le 1er juillet 2023.

d) Le 8 janvier 2024, la Chambre des recours civile a rendu un arrêt, réformant la décision en ce sens que la juge devait se déclarer incompétente pour régler la succession, le dernier domicile du défunt se trouvant à [...], en France.

e) Un recours est pendant au Tribunal fédéral à l’encontre de l’arrêt précité.

4. Le 13 octobre 2023, le recourant a été informé du retrait par A.Q.____ et D.Q.____ de leur requête en bénéfice d’inventaire.

5. Le 13 novembre 2023, le recourant a déposé une requête auprès de la juge de paix, tendant à la restitution du délai pour demander le bénéfice d’inventaire et à ce qu’il puisse s’opposer au retrait de la requête de bénéfice d’inventaire déposée par ses cohéritiers.

En droit :

1.

1.1 En matière de juridiction gracieuse – dont relève la procédure d'inventaire successoral (cf. not. TF 5A_392/2016 du 1er novembre 2016 consid. 1.1) – le CPC (Code de procédure civile du 19 décembre 2008 ; RS 272) ne trouve directement application que lorsque le droit fédéral prévoit expressément la compétence d'une autorité judiciaire. Lorsque le législateur se réfère à l' « autorité compétente », le canton désigne celle-ci et règle la procédure (art. 54 al. 2 et 3 Tit. fin. CC [Code civil suisse du 10 décembre 1907 ; RS 210]) ; s'il déclare le CPC applicable, celui-ci constitue du droit cantonal supplétif (sur le tout ATF 139 III 225 consid. 2).

Le législateur ayant confié la procédure de bénéfice d'inventaire à l' «autorité compétente » désignée par le canton (cf. art. 581 al. 1 CC), celui-ci en règle également la procédure. Dans le canton de Vaud, l'art. 104 CDPJ (Code de droit privé judiciaire vaudois du 12 janvier 2010 ; BLV 211.02) prévoit que le CPC est applicable à titre supplétif en matière d'inventaire successoral (cf. art. 111 et 117 CDPJ). La procédure sommaire étant applicable (art. 248 let. e CPC), seul le recours limité au droit est ouvert (art. 109 al. 3 CPC). Le recours, écrit et motivé, doit être introduit dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 et 2 CPC), soit la Chambre des recours civile (art. 73 al. 1 LOJV [loi d'organisation judiciaire du 12 décembre 1979 ; BLV 173.01]).

1.2 En l’espèce, le recours, écrit et motivé, a été déposé en temps utile par une partie disposant d’un intérêt digne de protection (art. 59 al. 2 let. a CPC). Il est donc recevable.

2.

2.1 Sous l'angle des motifs, le recours est recevable pour violation du droit (art. 320 let. a CPC) et pour constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 let. b CPC). L'autorité de recours dispose d'un plein pouvoir d'examen s'agissant de la violation du droit. Elle revoit librement les questions de droit soulevées par le recourant et peut substituer ses propres motifs à ceux de l'autorité précédente ou du recourant (ATF 147 III 176 consid. 4.2.1). S'agissant des faits retenus par le premier juge, le pouvoir d'examen de la Chambre des recours civile est en revanche limité à l'arbitraire (TF 5D_214/2021 du 6 mai 2022 consid. 2.2.1 ; TF 4D_30/2017 du 5 décembre 2017 consid. 2.2 et les réf. cit.). Il ne suffit pas pour qualifier une décision d'arbitraire (art. 9 Cst. [Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101]) qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable ; encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 147 I 241 consid. 6.2.1 ; ATF 144 I 113 consid. 7.1).

2.2 Selon l’art. 326 al. 1 CPC, appliqué à titre supplétif, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables en procédure de recours. Eu égard à la force de chose jugée relative aux décisions attachées aux décisions rendues en procédure gracieuse et en application du principe de l’économie de la procédure, la recevabilité des faits et moyens de preuve nouveaux peut toutefois être admise dans certaines conditions, soit lorsqu’ils sont susceptibles d’influer sur le sort du litige en faisant apparaître la décision attaquée comme incorrecte (CREC 22 février 2023/47 consid. 1.3.1 ; CREC 6 octobre 2022/233 consid. 1.2.2).

2.3 En l'espèce, les intimés ont produit des pièces nouvelles à l'appui de leurs déterminations, soit un échange de courriels intervenu les [...] et [...] août 2023 entre B.L.____, le recourant, A.Q.____, G.____ et la notaire Me [...], qui informait les destinataires des divers délais en matière de bénéfice d’inventaire et d’acceptation/répudiation de la succession.

Dans la mesure où il s’agit d’une procédure gracieuse et où cette pièce pourrait avoir une influence sur le sort du litige, elle peut être considérée comme recevable.

3.

3.1 Le recourant a requis de la juge de paix de pouvoir s'opposer au retrait, par ses cohéritiers, de la requête en bénéfice d'inventaire qu'ils avaient déposée en temps utile. Il a subsidiairement requis une restitution du délai pour requérir le bénéfice d'inventaire. Dans son recours, il reproche à la première juge ne de pas avoir fait droit à ses deux requêtes.

3.2

3.2.1 Aux termes de l'art. 580 al. 1 CC, l'héritier qui a la faculté de répudier peut réclamer le bénéfice d'inventaire. Sa requête sera présentée à l'autorité compétente dans le délai d'un mois, les formes à observer étant celles de la répudiation (al. 2).

Le point de départ et le calcul du délai sont soumis aux règles applicables au délai de répudiation (TF 5P.155/2001 du 24 juillet 2001 consid. 2b/aa ; Steinauer, Le droit des successions, 2ème éd., 2015, n. 1014a ; Leu/Brugger, in Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch, vol. II, 7ème éd. 2023, n. 9 ad art. 580 CC ; Nonn/Cordey Gehrer, in Erbrecht, Praxiskommentar, Abt/Weibel [éd.], 5ème éd., 2023, n. 10 ad art. 580 CC ; Tuor/Picenoni, in Berner Kommentar, 2ème éd., 1964, n. 11 ad art. 580 CC).

Selon l'art. 567 al. 2 CC, le délai pour répudier court, pour les héritiers légaux, dès le jour où ils ont connaissance du décès, à moins qu'ils ne prouvent n'avoir connu que plus tard leur qualité d'héritiers ; pour les institués, dès le jour où ils ont été prévenus officiellement de la disposition faite en leur faveur. Selon la jurisprudence cantonale et la doctrine, si un héritier légal est institué héritier dans une plus large mesure que ne le prévoit la loi, le délai pour demander le bénéfice d'inventaire ne commence à courir qu'à partir du jour où cette disposition testamentaire lui a été officiellement communiquée puisqu'il devra répondre dans cette même mesure des dettes de la succession (arrêt du Tribunal cantonal fribourgeois du 1er septembre 2003, in Revue fribourgeoise de jurisprudence [RFJ], 2003, p. 37 ; arrêt de la Chambre des recours du canton de Zürich du 25 février 1914, in ZR 85/1914 p. 204 s. ; décision du Département de la justice du canton de Saint-Gall du 18 juillet 1932, in RNRF 20/1939 p. 281 s. ; Leu/Brugger, op. cit., n. 9 ad art. 580 CC ; Tuor/Picenoni, op. cit., n. 11 ad art. 580 CC ; Kaufmann, Die Errichtung des öffentlichen Inventars im Erbrecht, 1959, p. 57). Le Tribunal fédéral a repris cette jurisprudence cantonale dans l'ATF 138 III 545 pour rejeter le recours d'héritiers légaux, dont les dispositions testamentaires les réduisaient à leur réserve.

3.2.2 Aux termes de l'art. 576 CC, l'autorité compétente peut, pour de justes motifs, accorder une prolongation de délai ou fixer un nouveau délai aux héritiers légaux. La prolongation ou la restitution du délai pour répudier sont destinées à éviter des rigueurs excessives. Elles doivent permettre à l'héritier, lorsqu'il en a été empêché dans le délai initial, de prendre sa décision posément et en connaissance de cause (ATF 114 II 220 consid. 2 et les réf. citées ; TF 5A_594/2009 du 10 avril 2010 consid. 5 ; Schwander, in Basler Kommentar, op. cit., n. 5 ad art. 576 CC ; Piotet, Traité de droit privé suisse, tome IV, Droit successoral, 1975, pp. 522-523 ; Tuor/Picenoni, op. cit., n. 3 ad art. 576 CC ; Escher, in Zürcher Kommentar, 1960, n. 4 ad art. 576 CC).

La prolongation ou la restitution exigent la preuve d'un juste motif, qui doit être apprécié au regard de l'art. 4 CC. La demande de restitution de délai ne doit pas tendre à corriger une erreur dans l'appréciation des éléments de décision qui étaient disponibles à l'époque ou à remédier au fait que les espérances se sont révélées fallacieuses (ATF 114 II 220 consid. 2 et 3). En raison des lourdes conséquences que la déchéance du droit de répudier peut avoir pour un héritier, l'art. 576 CC permet de tenir compte de circonstances exceptionnelles. L'autorité compétente doit ainsi, lorsqu'il existe de justes motifs, prolonger le délai de répudiation ou, si celui-ci est échu, en fixer un nouveau. Constituent notamment de justes motifs, le fait que l'héritier soit domicilié dans un pays avec lequel les communications sont difficiles ou sa situation personnelle (maladie, grand âge). Le juste motif peut être juridique, notamment en cas d'annulation de l'acceptation pour vice de la volonté, en cas de situations juridiques complexes faisant intervenir par exemple l'application des règles du droit international privé, lorsque la répudiation ne parvient pas à l'autorité compétente ou encore lorsque, après la liquidation officielle, un héritier accepte la succession. Il peut aussi résider dans des circonstances de fait, comme l'absence ou la maladie (CREC 24 janvier 2022/25 consid. 4.2.1 ; CREC II 17 décembre 1997/735 consid. 4 ; Piotet, op. cit., pp. 522-523). Si l'héritier le demande pour un juste motif et avec la célérité commandée par les circonstances, l'autorité compétente est tenue de lui accorder la prolongation ou la restitution du délai de répudiation (ATF 114 II 220 consid. 4 ; CREC 24 janvier 2022/25 consid. 4.2.1 ; CREC 16 mars 2006/268 consid. 3 ; Piotet, op. cit., p. 522). En revanche, la négligence des héritiers concernés ne constitue pas un juste motif et ne peut dès lors pas être corrigée par la restitution du délai (CREC 24 janvier 2022/25 consid. 4.2.1 ; CREC 16 mars 2007/49 consid. 3 ; Piotet, op. cit., p. 523 ; Tuor/Picenoni, op. cit., n. 3 ad art. 576 CC ; Escher, op. cit., n. 4 ad art. 576 CC).

3.3 La juge de paix a tout d'abord rappelé que feu D.L.____ était décédé le [...] juillet 2022 et qu'il ressortait des pièces au dossier que le recourant avait été immédiatement informé du décès de son père de sorte que le délai pour demander le bénéfice d'inventaire arrivait à échéance le [...] août 2022.

La première juge a rejeté la requête du recourant tendant à la restitution du délai d'un mois pour demander le bénéfice d'inventaire, au motif notamment que le recourant ne se prévalait d'aucun juste motif autre que celui tiré du flou existant autour de la compétence des autorités suisses pour connaître de la succession.

Pour le surplus, même s’il devait être retenu que la problématique de la compétence constituait un juste motif, la première juge a considéré que la requête du recourant, qui datait du 11 novembre 2023, était tardive, dans la mesure où elle avait statué sur la question litigieuse par décision notifiée le 1er juillet 2023.

Ensuite, le recourant reprochait également à la juge de paix de ne pas lui avoir imparti un délai pour se déterminer s'agissant du retrait de la requête en bénéfice d'inventaire déposée par les cohéritiers. A cet égard, la première juge a relevé que les cohéritiers avaient certes déposé une telle requête, mais qu'ils l'avaient retirée le 12 octobre 2023, avant que le bénéfice d’inventaire n'ait été institué. De plus, les cohéritiers avaient formé leur requête le [...] août 2022, soit le dernier jour avant l'expiration du délai, de sorte que le recourant ne se trouvait pas dans la situation de l’héritier qui s’épargne de déposer une requête sur laquelle il compte parce que ses cohéritiers s’en sont déjà chargés. Enfin, le recourant avait été informé le 13 octobre 2023 du retrait de cette requête et n'avait réagi que le 13 novembre 2023, ce qui était de toute manière excessif.

3.4 Le recourant fait tout d'abord valoir une violation de l'art. 580 al. 3 CC. En particulier, il expose que la confiance des cohéritiers potentiels dans le fait que l'un d'entre eux ait déposé une requête en bénéfice d'inventaire doit être protégée, de sorte qu'une telle requête ne saurait être retirée sans l'accord des autres cohéritiers qui en profitent. Il se fonde à cet égard sur le texte de la loi qui indique que la requête de l'un profite aux autres.

Ensuite, le recourant fait valoir une attitude contraire à la bonne foi de la part de l'autorité. Il relève que la requête de A.Q.____ et D.Q.____ du [...] août 2022 a été retirée sans qu'il n'ait pu se déterminer, et estime qu'il est choquant que la juge de paix n'ait pas agi pendant près de trois mois pour traiter de la problématique du bénéfice d'inventaire après que sa décision sur sa compétence ne soit devenue exécutoire, pour tirer ensuite argument du fait que sa propre inaction rendait possible le retrait unilatéral de cette requête.

Il expose également que, contrairement à ce que semble retenir la juge de paix, les héritiers avaient des contacts et A.Q.____ et D.Q.____ lui avaient indiqué, ainsi qu'à son frère et à sa sœur, qu'ils allaient déposer une requête en bénéfice d'inventaire. Le recourant estime par ailleurs avoir agi dans le délai de l'art. 580 al. 2 CC dès le jour où il a eu connaissance du retrait de la requête.

Enfin, il relève qu'aucun acte d'immixtion ne peut lui être reproché et qu’à aucun moment, il n’a accepté expressément la succession de son père.

Subsidiairement (p. 16 ss recours), il fait valoir qu'une restitution de délai aurait dû lui être accordée. Il admet que la question de savoir si le délai de l'art. 580 al. 2 CC peut être restitué ou prolongé est discutée, par application analogique de l'art. 576 CC. Il expose qu'il est domicilié à l'étranger que la succession comporte huit héritiers potentiels, que la question du for n'est pas tranchée définitivement et qu'il pouvait considérer de bonne foi qu'il bénéficiait de la requête de bénéfice d'inventaire déposée par les G.____ et qu'il a déposé lui-même une telle requête dans le délai d'un mois après avoir appris le retrait de la requête des précités.

3.5 Les intimés [...] exposent pour leur part que le [...] août 2022, les [...], les [...] (dont le recourant), et la notaire Me [...] se sont entretenus téléphoniquement au sujet des étapes et délais à respecter pour une procédure successorale en Suisse. Par courriel du [...] août (pièce nouvelle produite par les intimés), la notaire a confirmé aux héritiers que le délai pour requérir le bénéfice d'inventaire arrivait à échéance le lendemain, soit le [...] août 2022. Les intimés en déduisent ainsi que le recourant savait parfaitement qu'il disposait d'un délai au [...] août 2022 pour requérir le bénéfice d'inventaire, ce qu'il a omis de faire. Pour le reste, ils reprennent en substance l'argumentation de la juge de paix.

3.6

3.6.1 En l'espèce, la première question à trancher est celle de savoir quelles sont les conséquences pour les cohéritiers en cas de retrait d'une requête de bénéfice d'inventaire formée par d'autres cohéritiers.

Il faut tout d'abord relever qu'il ressort clairement du dossier que le délai d'un mois courait dès le décès du père, les interprétations que le recourant tente de donner au texte légal s'agissant d'un autre point de départ étant dénuées de tout fondement. Ensuite, il faut aussi retenir qu'il connaissait le point de départ et l'expiration du délai, au vu des nouvelles pièces produites, ce qu'il semblait contester de mauvaise foi dans son recours. En conséquence, il faut ainsi constater que le recourant n'a pas agi dans le délai d'un mois.

Se pose donc la question de savoir, alors que certains de ses cohéritiers ont requis dans le délai le bénéfice d'inventaire, quelles sont les conséquences du retrait d'une telle requête. Ni la loi ni la jurisprudence ne règlent la question. La doctrine est pour sa part partagée.

Le seul exercice de la prérogative unilatérale – les cohéritiers ne devant pas le demander unanimement – de requérir le bénéfice d’inventaire n’est pas suffisant pour déclencher le processus de bénéfice d’inventaire, puisqu’une intervention de l’autorité (décision/acte constitutif d’autorité publique) doit encore intervenir. La requête ne peut donc pas être qualifiée d’acte formateur. En conséquence, jusqu'au moment où l'inventaire a été ordonné, l'héritier l'ayant requis peut la retirer.

Certains auteurs de doctrine plaident que la possibilité pour un cohériter de reprendre la requête à son nom devrait lui être ouverte, estimant que les cohéritiers doivent être protégés dans la confiance placée dans la requête d'un cohéritier (Nonn/Cordey Gehrer, in Praxiskommentar Erbrecht, op. cit., n. 22 ad art. 580 CC). Perrin est quant à lui plutôt d'avis que l'héritier qui souhaite également la mise en place d'une telle mesure doit la requérir – cas échéant également – et non pas simplement placer sa confiance dans la requête d'un autre héritier (Julien Perrin, in Eigenmann/Rouiller [éd.], Commentaire du droit des successions, 2ème éd., 2023, n. 38 et 39 ad art. 580 CC).

Comme susmentionné, il s’agit d’une question de principe qui n’a pas encore été tranchée et la Chambre de céans est davantage convaincue par l’opinion de Perrin. En effet, la requête ne constitue pas un acte formateur, de sorte que la personne ayant formulé la requête peut la retirer avant que l'autorité n'ait statué, respectivement faire échec au processus d’inventaire en répudiant ou en acceptant la succession purement et simplement. Or, il paraît peu prudent – voire négligent – de simplement placer la confiance dans ce qu'un autre cohéritier pourrait requérir. Dans une telle hypothèse, il faut alors assumer les conséquences d'un éventuel retrait.

En revanche, une fois le bénéfice d’inventaire ordonné de manière définitive et exécutoire, il ne semble pas possible de l’interrompre, sous réserve d’un vice de la volonté qui autoriserait l’invalidation de la déclaration, voire d’une situation dans laquelle il s’avère que le bénéfice d’inventaire a été ordonné à la requête d’une personne qui n’était pas habilitée à le requérir. Selon Perrin (op. cit., n. 39 ad art. 580 CC et les réf. citées), il devrait toutefois être possible d’y renoncer si toutes les héritiers susceptibles d’en bénéficier y consentent, respectivement acceptent purement et simplement ou répudient pendant les opérations d’inventaire.

On relève dans le cas d'espèce que le recourant ne démontre pas qu'il savait que ses cohéritiers allaient déposer une telle requête le denier jour du délai, ni que les cohéritiers étaient tous convenus de procéder de la sorte, ni d'ailleurs qu'un cohéritier l'ait fait au nom des autres. Bien plus, il a laissé écouler le délai, puis s'est rendu compte que d'autres l'avaient « sauvé » en procédant en temps opportun. Dès lors, il apparaît devoir assumer les conséquences de ne pas avoir agi lui-même. On ne peut pas retenir non plus qu'il se serait « reposé » sur la requête de ses cohéritiers pour ne pas en déposer lui-même, car ils l'ont fait le dernier jour du délai, sans qu’il en ait connaissance et a fortiori sans s’être tous mis d’accord que l’un agirait « pour le compte de tous ». Par ailleurs, le bénéfice d’inventaire n’ayant pas encore été ordonné, il n’y avait pas lieu de rechercher son consentement pour autoriser le retrait de la requête.

Ainsi, c'est à juste titre que la juge de paix a refusé d'ordonner le bénéfice d'inventaire, sans interpeller le recourant sur le retrait de la requête y relative.

3.6.2 La deuxième question à examiner est celle de savoir si le délai d'un mois de l'art. 580 al. 2 CC pour requérir le bénéfice d'inventaire peut être restitué, par application analogique de l'art. 576 CC. Cette question est controversée. Le Tribunal fédéral, après avoir considéré qu’il n’était pas arbitraire pour une autorité de ne pas avoir restitué le délai, sans toutefois trancher la question de savoir si une telle restitution aurait pu intervenir si les conditions de l’art. 576 CC avaient été remplies (ATF 104 II 249), n’a pas, dans une récente affaire, statué sur la question (TF 4A_998/2020 du 25 août 2020 consid. 4.2). La doctrine est partagée : en particulier, Steinauer est d’avis qu’une application analogique de l’art. 576 CC est justifiée, tandis que Piotet estime qu’admettre une lacune légale à ce sujet paraît délicat, notamment eu égard à la différence des conséquences entre l’échéance du délai pour requérir le bénéfice d’inventaire et celle du délai de répudiation (sur le tout : Julien Perrin, op. cit., n. 22 ad art. 580 CC).

En l’espèce, cette question peut demeurer ouverte, dans la mesure où, de toute manière, les conditions de l'art. 576 CC ne sont pas réalisées. En effet, le recourant se perd dans de longs développements au sujet des « circonstances » de ce dossier, de l'incertitude du for, etc. Tous ces éléments – et il ne le plaide d'ailleurs pas vraiment – ne sauraient toutefois constituer de justes motifs au sens de l'art. 576 CC. Le recourant ne plaide ainsi aucune circonstance qui commanderait l'acceptation d’un tel motif. En particulier, on ne peut retenir qu'il est domicilié dans un pays avec lequel les communications sont difficiles, ni que sa situation personnelle (maladie, grand âge) est particulière. En réalité, il faut retenir que le recourant a fait preuve de négligence en ne requérant pas le bénéfice d'inventaire dans le délai d'un mois après le décès. La restitution de délai ne peut donc être accordée.

4.

4.1 En définitive, le recours doit être rejeté.

4.2 Vu l’issue du recours et la complexité des questions juridiques, les frais judiciaires de deuxième instance sont arrêtés à 2’600 fr., comprenant l’émolument décisionnel (art. 74 al. 1 TFJC [Tarif des frais judiciaires civils du 28 septembre 2010 ; BLV 270.11.5]) et la décision sur l’effet suspensif (art. 7 al. 1 et 78 al. 1 TFJC). Ils seront mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC).

4.3 Les intimés C.Q.____, D.Q.____, B.Q.____ et A.Q.____ ayant déposé une réponse, ils ont droit à des dépens, qui doivent être arrêtés à 2'500 fr., (art. 3 TDC [tarif des dépens en matière civile du 23 novembre 2010 ; BLV 270.11.6]). Le recourant devra donc verser un montant de 2'500 fr. aux intimés, solidairement entre eux, à titre de dépens de deuxième instance.

Par ces motifs,

la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal,

prononce :

I. Le recours est rejeté.

II. La décision est confirmée.

III. Les frais judiciaires de deuxième instance, arrêtés à 2'600 fr. (deux mille six cents francs), sont mis à la charge du recourant C.L.____.

IV. Le recourant C.L.____ est le débiteur des intimés C.Q.____, D.Q.____, B.Q.____ et A.Q.____ et leur doit paiement, solidairement entre eux, de la somme de 2'500 fr. (deux mille cinq cents francs), à titre de dépens de deuxième instance.

V. L’arrêt est exécutoire.

La présidente : La greffière :

Du

Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié à :

Me Jean-Luc Tschumy (pour C.L.____),

- Me Bertrand Pariat (pour D.Q.____, B.Q.____ et A.Q.____),

- Madame A.L.____ personnellement,

- Madame G.____ personnellement,

- Madame D.____ personnellement,

- Monsieur B.L.____ personnellement.

La Chambre des recours civile considère que la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 francs.

Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral au sens des art. 72 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Dans les affaires pécuniaires, le recours en matière civile n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à 15'000 fr. en matière de droit du travail et de droit du bail à loyer, à 30'000 fr. dans les autres cas, à moins que la contestation ne soulève une question juridique de principe (art. 74 LTF). Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF).

Cet arrêt est communiqué, par l'envoi de photocopies, à :

Madame la Juge de paix du district de Nyon.

La greffière :

Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.

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