Zusammenfassung des Urteils HC/2023/751: Kantonsgericht
Die Cour d'appel CIVILE des Tribunal cantonal hat in einem Urteil vom 29. November 2023 über einen Rechtsstreit zwischen P.________ (Klägerin) und D.________ (Beklagter) entschieden. Die Klägerin forderte ausstehende Vorschüsse auf Lohn von D.________, während dieser behauptete, dass seine Lohnberechnung fehlerhaft war. Die Gerichtskosten wurden aufgeteilt, und beide Parteien wurden aufgefordert, sich gegenseitig Beträge zu zahlen. Beide Parteien legten Berufung ein, wobei die Klägerin die Zahlung von 657'484 Fr. 40 forderte und der Beklagte 3'197'405 Fr. 55 verlangte. Die Cour d'appel CIVILE hat die relevanten Fakten und Vertragsdetails untersucht, um zu entscheiden, dass beide Berufungen abgewiesen werden.
Kanton: | VD |
Fallnummer: | HC/2023/751 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: |
Datum: | 29.11.2023 |
Rechtskraft: |
Leitsatz/Stichwort: | |
Schlagwörter : | Intimé; ’intimé; Appel; ’appel; Appelante; ’appelant; ’appelante; équipe; était; ’il; ération; émunération; ’équipe; éance; émoin; écis; ’au; ’est; éré; épart; Expert; éclaré; ’an |
Rechtsnorm: | Art. 100 BGG;Art. 106 ZPO;Art. 111 ZPO;Art. 2 ZGB;Art. 308 ZPO;Art. 310 ZPO;Art. 311 ZPO;Art. 312 ZPO;Art. 313 ZPO;Art. 318 ZPO;Art. 57 ZPO;Art. 7 VwVG;Art. 74 BGG;Art. 8 ZGB;Art. 95 ZPO; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: |
TRIBUNAL CANTONAL | PT15.029924-221310 PT15.029924-230305 480 |
cour d’appel CIVILE
_______________
Arrêt du 29 novembre 2023
__________
Composition : Mme Crittin Dayen, présidente
M. Oulevey et Mme Cherpillod, juges
Greffière : Mme Bannenberg
*****
Art. 128 al. 1 ch. 3, 322d, 323 al. 3 et 339 CO ; 2 al. 2 CC ; 157 et 311 al. 1 CPC
Statuant sur l’appel interjeté par P.____, à [...], demanderesse, ainsi que sur l’appel joint interjeté par D.____, à [...], défendeur, contre le jugement rendu le 23 juin 2022 par la Chambre patrimoniale cantonale dans la cause divisant les parties entre elles, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal considère :
En fait :
A. Par jugement du 23 juin 2022, dont les motifs ont été notifiés le 9 septembre 2022 aux parties, la Chambre patrimoniale cantonale (ci-après : les premiers juges ou l’autorité précédente) a rejeté la demande déposée le 7 juillet 2015 par P.____ contre D.____ (I), a rejeté la demande reconventionnelle déposée le 23 décembre 2015 par celui-ci contre celle-là (II), a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle déposée par D.____ contre P.____ dans sa teneur modifiée du 18 mai 2022 (III), a mis les frais de justice, arrêtés à 70'068 fr. 35, à la charge de P.____ par 35'034 fr. 20 et à la charge de D.____ par 35'034 fr. 15 (IV), a réparti les frais de la procédure de conciliation, arrêtés à 1'593 fr., par moitié entre les parties (V), a dit que D.____ verserait à P.____ la somme de 796 fr. 50 au titre de remboursement partiel des frais de la procédure de conciliation (VI), a compensé les dépens (VII) et a dit que toute autre ou plus ample conclusion était rejetée (VIII).
En droit, les premiers juges étaient appelés à statuer sur une réclamation pécuniaire opposant les parties, dont les prétentions respectives étaient fondées sur leurs relations contractuelles de travail passées. S’agissant du solde non remboursé d’avances sur rémunération réclamé à D.____ par P.____, l’autorité précédente a retenu, sur la base de l’expertise judiciaire diligentée en cours de procédure, que le premier était le débiteur de la seconde à hauteur de 657'484 fr. 40, en lien avec les avances versées entre 2005 et 2008 à l’intéressé. Quant aux prétentions reconventionnelles de D.____, qui soutenait que sa rémunération, notamment pour l’année 2008, avait été mal calculée, les premiers juges ont considéré que les conclusions augmentées du 18 mai 2022 de l’intéressé étaient irrecevables. Ils ont en revanche suivi le susnommé sur le fond de ses prétentions, retenant en substance que sa rémunération avait été contractuellement modifiée le 18 mars 2005 et qu’il en découlait des créances totalisant 1'659'226 fr. de D.____ envers P.____, celleci ayant toutefois valablement excipé de la prescription des prétentions de celui-là. Celle-ci pouvait cependant être invoquée en compensation de la créance reconnue à P.____ par les premiers juges. Il s’ensuivait que les conclusions respectives des parties devaient être rejetées.
B. a) Par acte du 10 octobre 2022, P.____ (ciaprès : l’appelante) a interjeté appel de ce jugement en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme, en ce sens que D.____ (ciaprès : l’intimé) soit condamné à lui verser la somme de 657'484 fr. 40, avec intérêt à 5 % l’an dès le 31 décembre 2008. A titre subsidiaire, l’appelante a conclu à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause à l’autorité précédente pour nouvelle décision.
b) Le 6 mars 2023, l’intimé a déposé une réponse en concluant, avec suite de frais et dépens, au rejet de l’appel. Il a en outre formé appel joint en concluant, toujours avec suite de frais et dépens, principalement à la réforme du jugement du 23 juin 2022, en ce sens que P.____ soit condamnée à lui verser la somme de 3'197'405 fr. 55, subsidiairement 1'659'226 fr. 55, avec intérêt à 5 % l’an dès le 31 décembre 2006, montant à porter en compensation de la créance de 657'484 fr. 40 détenue par l’appelante à son encontre. A titre plus subsidiaire, l’intimé a conclu à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause aux premiers juges pour nouvelle décision.
C. La Cour d’appel civile retient les faits pertinents suivants, sur la base du jugement complété par les pièces du dossier :
1. Pour la bonne compréhension de l’état de fait, il est d’emblée précisé qu’une expertise judiciaire a été mise en œuvre en première instance afin d’éclaircir certains faits de nature comptable. L’expert [...], de la société fiduciaire [...], a rendu un premier rapport d’expertise le 9 avril 2018, deux compléments d’expertise les 9 janvier 2020 et 5 octobre 2020, et un rapport correctif le 19 février 2021, celui-ci faisant la synthèse des deux compléments d’expertise. Les constatations pertinentes de l’expert ont été incorporées dans les faits cidessous.
2. a) L’appelante est une société anonyme de droit suisse sise à [...], dont le but social est l’analyse, le conseil et le courtage en matière financière.
b) L’intimé a été employé par l’appelante du 1er août 2001 au 30 septembre 2008.
3. a) Le 3 mai 2001, l’appelante a adressé à l’intimé une offre de contrat de travail pour un poste de courtier (« broker »). Cette offre a été acceptée par l’intimé, qui est entré au service de l’appelante le 1er août 2001.
b) Le contrat de travail précité prévoit (art. 5 et 6) ce qui suit en termes de rémunération :
5. Guaranteed Remuneration
Your employment with the Company is as a commissioned employee. Your commission will be 25 % of the net brokerage revenues generated by your clients. Net brokerage revenues are revenues, less all discounts directly related to those revenues.
You will be paid a non-reimbursable advance on commission of CHF 5,000 per month, payable on the 25th day of each month.
The Company reserves the right to reduce your advance at any time, subject to written notice of 7 business days before the beginning of the month in which the reduced advance will apply.
At the end of each calendar quarter your commission will be calculated as 25 % of the net brokerage revenues generated by your clients, less advances received during the calendar quarter.
Commission, if any, will be paid within 30 days after the end of the calendar quarter to which it relates.
If 25% of the net brokerage revenues you generate in a calendar quarter does not exceed the amount of advances you received during the calendar quarter, the Company reserves the right to carry forward the deficiency and deduct it from your subsequent calendar quarter’s net brokerage amount. If your deficiency will be carried forward you will be advised in writing within 30 days of the end of the calendar quarter where there is a deficiency.
6. Discretionary Bonus
The Company may, at its discretion, accord you with a bonus in addition to the guaranteed commission structure above.
It is the intention of the Company to reward generously those who make substantial positive contributions towards the development of the Company.
This bonus will be based on the efforts you contribute towards reaching both the financial and non-financial goals established for you, your section of the Company and the Company as a whole.
Discretionary bonus, if any, will be paid within 30 days of the end of each calendar quarter.
Ainsi, conformément à l’art. 5 reproduit ci-dessus, l’intimé était rémunéré à la commission, à hauteur de 25 % des montants générés par son activité de négoce en faveur des clients qui lui étaient attribués. Dite commission était calculée à la fin de chaque trimestre, puis versée à l’intimé dans les trente jours suivants, raison pour laquelle celui-ci recevait chaque mois une avance sur rémunération de 5'000 francs.
La compensation entre les commissions effectivement dues à l’intimé et les avances versées était réservée par le contrat, lequel prévoit, pour le cas où le montant des avances versées excéderait les commissions effectivement dues à l’intimé, que celui-ci en serait avisé par écrit dans les trente jours suivant la fin du trimestre ayant donné lieu à un solde négatif à sa charge.
L’intimé n’a jamais fait l’objet d’un tel avis.
c) L’appelante se chargeait en outre d’acquitter l’impôt à la source et toutes les autres charges sociales de l’intimé.
4. a) Sur demande de sa part, l’intimé a fréquemment reçu des avances supérieures au montant de 5'000 fr. contractuellement prévu, sous la forme de versements ou de paiements de factures diverses (loyer, autres charges, services industriels, etc.) par l’appelante.
b) Par ailleurs, à plusieurs occasions, l’intimé a contracté d’importants emprunts auprès de l’appelante.
5. a)
aa) L’appelante a ainsi versé, entre 2005 et 2006, les montants suivants à l’intimé :
Date : | Libellé : | Montant : |
15 juin 2005 | ADVANCE | 350'000 fr. |
2 août 2005 | ADVANCE | 1'300'000 fr. |
ab) Elle a en outre acquitté certains frais personnels de l’intimé, soit des frais de logement, d’électricité, de parking et de dentiste. La somme réglée à ce titre par l’appelante totalise 16'858 fr. 85 pour la période février à août 2006 et 6'549 fr. pour la période d’octobre à décembre 2006, soit 23'407 fr. 85 au total.
ac) De 2005 à 2006, c’est ainsi un montant de 1'673'407 fr. 85 (350'000 fr. + 1'300'000 fr. + 23'407 fr. 85) qui a été avancé à l’intimé par l’appelante.
b) Cette somme a été partiellement remboursée entre 2005 et 2006 par l’intimé, sous la forme de prélèvements effectués par l’appelante sur les commissions dues à l’intéressé, à concurrence de 1'393'407 fr. 85. C’est donc un solde de 280'000 fr. qui reste dû par l’intimé à l’appelante au 31 décembre 2006, ce que l’expert [...] a confirmé dans son rapport du 9 avril 2018.
6. a)
aa) Entre 2007 et 2008, l’appelante a versé les montants suivants à l’intimé :
Date : | Libellé : | Montant : |
7 mai 2007 | ADVANCE | 280'000 fr. |
13 septembre 2007 | ADVANCE | 800'000 fr. |
30 juin 2008 | ADVANCE | 1'600'000 fr. |
ab) Le montant de 1'600'000 fr. susmentionné correspond à un prêt octroyé par l’appelante à l’intimé, selon contrat de prêt du 17 juin 2008. Celui-ci prévoyait à son art. 5 que le prêt était garanti par les actions de l’appelante alors détenues par l’intimé, dont la contre-valeur en cas de vente ou les dividendes seraient prioritairement consacrés au remboursement du prêt. Plus généralement, les conditions de remboursement du prêt étaient décrites aux art. 3 à 6 du contrat précité, ainsi libellés :
3. The loan is to be repaid as soon as possible in accordance with an agreed repayment schedule.
4. Should you be entitled to any bonus, any net amounts payable to you from the bonus may be set off and used to repay the loan.
5. The loan is secured by your shares in P.____ All proceeds from any sale of the shares, or dividend payments if any, must first be used to repay any outstanding amount of the loan. In the event of a sale of shares, if the value of the shares does not cover the full amount of the loan outstanding, you will still be responsible to repay any amounts due.
6. If you cease to be employed by P.____ prior to full repayment, the loan outstanding becomes repayable on demand. You agree that the company has the right to deduct any and all remaining amounts due from your last pay.
ac) L’appelante s’est en outre régulièrement acquittée de diverses factures de l’intimé (loyer, parking, services industriels, frais médicaux, assurances diverses), à hauteur de 30'896 fr. 20 au total, et a pris en charge, en sus, les frais personnels suivants de l’intimé :
Date : | Bénéficiaire : | Libellé : | Montant : |
14 décembre 2007 | [...] | Parcelle [...] DE [...] D.____ | 380'000 fr. |
15 mai 2008 | [...] | Provision D.____ | 13'400 fr. |
23 mai 2008 | Impôt de mutation | 53'790 fr. |
Les versements des montants de 380'000 fr. et 13'400 fr. susmentionnés sont intervenus en lien avec l’acquisition par l’intimé d’un immeuble sis à [...].
ad) C’est un ainsi un montant total de 3'158'086 fr. 20 (280'000 fr. + 800'000 fr. + 1'600'000 fr. + 30'896 fr. 20 + 380'000 fr. + 13'400 fr. + 53'790 fr.) qui a été prêté – respectivement avancé – entre 2007 et 2008 par l’appelante à l’intimé.
b)
ba) L’appelante reconnaît, s’agissant de la période 2007 à 2008, que l’intimé lui a remboursé la somme de 2'780'601 fr. 80.
bb) Elle indique à cet égard, d’une part, avoir retenu « les dividendes dus [réd. à l’intimé], tel que cela était prévu dans le contrat de prêt du 17 juin 2008, CHF 280'000.00 au premier trimestre 2007, CHF 86'072.30 au second trimestre 2007, CHF 186'300.70 au troisième trimestre 2007, CHF 325'000.00 à titre de solde de dividende pour l’année 2006, CHF 139'140.20 au dernier trimestre 2007, CHF 314'065.90 au premier trimestre 2008, CHF 96'863.40 au troisième trimestre 2008 et CHF 292'500.00 au dernier trimestre 2008 ».
L’expert judiciaire a précisé ce qui suit au sujet des remboursements précités :
Il y a confusion entre les dividendes et les bonus. Le montant total retenu en 2007 de CHF 691'513.20 représente des avances sur bonus de l’année nommée « advance 1 » sur les décomptes de salaires. Selon le rapport de l’organe de révision, aucun dividende n’a été proposé sur l’exercice 2007.
Les montants de CHF 314'065.90 et de CHF 96'863.40 retenus en 2008 devraient correspondre au bonus 2008. Un dividende extraordinaire a été distribué en août 2008.
D.____ détenait 5 % des actions depuis le 18 mai 2005, ce qui lui donnait droit à un dividende selon les comptes audités de :
Année | Dividende | % | Montant | IA | Net | Versés | Ecart |
2006 | 10'000’000 | 5 % | 500’000 | 175’000 | 325’000 | 325’000 | -.-- |
2008 | 9'000’000 | 5 % | 450’000 | 157’500 | 292’500 | 292’500 | -.-- |
Finalement sur le total de 1'719'942.50, ce sont CHF 617'500 (CHF 325'000.- + CHF 292'500) qui ont été remboursés par la retenue du dividende et CHF 1'102'442.50 par celle des bonus.
bc) D’autre part, l’appelante a expliqué avoir retenu, conformément l’art. 5 du contrat de prêt du 17 juin 2008, le produit de la vente de ses actions détenues par l’intimé, soit 1’060'659 fr. 30. A cet égard, l’expert a indiqué ce qui suit :
D.____ détenait 50 actions achetées en 2005 au prix de CHF 4'834.20 (10 actions) et CHF 6’971.35 (40 actions) à la net asset value. Ses actions lui ont été rachetées en 2008 à la net asset value d’une valeur de 21'213.19 par action pour un total de 1'060.659.30. Ce montant a été crédité au compte courant de D.____ en date du 30 septembre 2008.
Les actions ont été reprises à une valeur plus élevée de CHF 116'372.80 (CHF 1'060'659.30 – 50 x CHF 18'885.73 = CHF 944'286.50) par rapport au calcul de la net asset value au 31 décembre 2008, qui montre une valeur de CHF 18'885.73 par action.
bd) L’expert a confirmé que l’appelante avait été remboursée par l’intimé à hauteur de 2'780'601 fr. 80 et que celui-ci était encore le débiteur de cellelà de la somme de 377'484 fr. 40 pour les années 2007 et 2008, soit de 657'484 fr. 40 au total (280'000 fr. + 377'484 fr. 40) pour la période de 2005 à 2008.
7. a)
aa) L’intimé indique avoir développé l’activité du département au sein duquel il travaillait « de manière fulgurante ».
ab) Interpellé sur ce point, l’expert judiciaire a établi que le chiffre d’affaires de l’appelante avait connu l’évolution suivante entre 2003 et 2008 :
Année | Montant | Variation | % |
2003 | 2'846’296 | -.- | 0 % |
2004 | 5'879'171 | 3'032’875 | 106 % |
2005 | 11'227’504 | 5'348’333 | 91 % |
2006 | 13'411’294 | 2'183’790 | 19 % |
2007 | 13'701’842 | 290’548 | 2 % |
2008 | 16'441’672 | 2'739’830 | 20 % |
L’expert n’a toutefois pas été en mesure de déterminer si cette progression est imputable à l’intimé ni, cas échéant, dans quelle mesure.
ac) Interrogé en qualité de partie, [...], directeur général et président du conseil d’administration de l’appelante depuis 1998, a expliqué que le développement de l’activité par l’intimé avait été « bon, mais pas exceptionnel », d’autres départements de la société ayant évolué de manière similaire. Lors de son interrogatoire, l’intimé a pour sa part déclaré avoir « en fait créé le desk Turquie, qui n’existait pas précédemment » et a ajouté que, lors de son départ de la société, « nous étions numéro 1 sur le marché ».
Le témoin [...], employé par l’appelante de 2001 à 2008 en qualité broker pour le marché turc, a indiqué avoir travaillé avec l’intimé, qui était son collègue et son supérieur. Il a déclaré, s’agissant du marché turc « et pour le début des années 2000 » que l’intimé avait « développé de manière rapide l’activité de ce département ». Le témoin [...], employé au sein de l’appelante, a expliqué avoir débuté son activité en 2002, avec une interruption de trois ans entre 2009 et 2011, et avoir « collaboré avec [réd. : l’intimé], lequel était [réd. : son] supérieur ». [...] a confirmé que l’intimé avait développé l’activité du département au sein duquel il travaillait de manière fulgurante. Il a précisé que ce développement « [réd. : s’était] traduit par d’excellents résultats ». [...], ancien employé de l’appelante y ayant exercé en qualité de broker de 2002 à 2010 et dont l’intimé était le supérieur hiérarchique, a confirmé le développement « fulgurant » permis par l’activité déployée par l’intimé. Les témoins [...] et [...] respectivement responsable des ressources humaines de l’appelante depuis 2001 et courtier au « desk » turc de celle-ci entre 2005 et 2008, ont également confirmé ce qui précède. Le témoin [...], ancien employé de l’appelante travaillant au « desk » hongrois, a également confirmé le fulgurant développement permis par l’activité de l’intimé mais a néanmoins précisé n’avoir pas collaboré avec celui-ci. Le témoin [...], employé par l’appelante entre 1998 et 2014, a déclaré que selon son souvenir, l’intimé « [réd. : avait] développé le desk turc de façon efficace ». Enfin, le témoin [...], dont le fils travaille au service de l’appelante en qualité de courtier et qui connaît l’intimé depuis 2000, a confirmé le développement « fulgurant » permis par l’activité déployée par l’intimé et a ajouté « j’ai eu l’occasion de voir les chiffres relatifs à l’activité de son département et j’ai pu constater un développement important et très rapide ».
b)
ba) Selon l’intimé, ses conditions d’engagement ont changé de manière fondamentale à compter du 1er avril 2005, date à laquelle il serait devenu le responsable d’une équipe de brokers. Il se réfère à cet égard à une offre non signée datée du 18 mars 2005. Au pied de ce document, il est indiqué qu’il devait être signé par [...] et un dénommé [...], chacun en qualité de « Managing Director », ainsi que par l’intimé.
bb) La rémunération prévue par le document précité est composée d’une « Broker Remuneration », d’une « Manager Remuneration », et d’une « Team Bonus Remuneration ». Les articles y relatifs prévoient ce qui suit :
5. Broker Remuneration
Your employment with the Company is on a commission basis. Your commission will be 30 % of the net brokerage revenues generated by your clients. Net brokerage revenues are gross revenues, less all discounts and costs directly related to those revenues.
You will be paid a non-reimbursable advance on commission of CHF 5,000 per month, payable on the 25th day of each month.
At the end of each calendar quarter your commission will be calculated as 30% of the net brokerage revenues generated by your clients. The advances received during the calendar quarter will be deducted from your commission.
Commission, if any, will be paid within 30 days after the end of the calendar quarter to which it relates.
6. Manager Remuneration
As compensation for your responsibilities as a manager, you will receive a 5% of the net brokerage revenues generated by the members of the team you manage including yourself. Net brokerage revenues are gross revenues, less all discounts and costs directly related to those revenues.
At the end of each calendar quarter your manager remuneration will be calculated as 5 % of the net brokerage revenues generated by the members of the team you manage including yourself.
Manager remuneration, if any, will be paid within 30 days after the end of the calendar quarter to which it relates.
7. Team Bonus Remuneration
At the end of each calendar year, you, as manager of your team and in consultation with the managing directors, will allocate a bonus pool to the members of your team, including yourself.
Provided that normal levels of profitability and business prudence are maintained, the bonus pool will be calculated as 50 % of the team members’ net brokerage revenues generated in the year, less remuneration already paid by the Company to the team members including yourself for the year.
bc) Invoquant les dispositions reproduites ci-dessus, l’intimé soutient que, dès le 1er avril 2005, le montant de sa commission pour « l’activité développée en faveur de ses propres clients, hors team » aurait été portée à 30 % et qu’il aurait en outre bénéficié « d’une rémunération en contrepartie de son activité de manager d’une équipe de brokers », soit une commission de 5 % sur le montant net du revenu de négoce généré par les membres de son équipe, y compris lui-même. En outre, l’appelante se serait engagée à payer à l’intimé un « team bonus » (ci-après également : « bonus pool » ou bonus d’équipe).
bd) L’intimé aurait enfin été mis au bénéfice d’un accord de « call option » et de vente de titres de l’appelante, conformément à deux documents, intitulés « Share Sale and Call Option Agreement » et « Call option Agreement », datés, respectivement, des 18 et 19 mai 2005. Il ressort du second document que l’intimé était détenteur de cinquante actions au porteur d’une valeur nominale de 100 fr. chacune, représentant 5 % du capital-actions de l’appelante (art. 1 du Call option Agreement du 19 mai 2005).
c)
ca) S’agissant de l’évolution du salaire annuel brut de l’intimé, l’expert a constaté qu’il avait fortement augmenté entre 2004 et 2005, passant de 451'688 fr. à 1'922'084 francs. Plus généralement, le salaire annuel brut (frais de représentation non compris) de l’intimé a considérablement augmenté à compter de l’année 2005, pour ensuite progressivement diminuer jusqu’à son départ en 2008 :
Année : | Salaire annuel brut : |
2001 | 34'000 fr. |
2002 | 255'215 fr. 05 |
2003 | 276'087 fr. 65 |
2004 | 451'688 fr. 30 |
2005 | 1'922'084 fr. 60 |
2006 | 1'750'695 fr. 70 |
2007 | 1'535'929 fr. 60 |
2008 | 1'081'748 fr. 25 |
cb) Interrogé sur l’offre du 18 mars 2005, [...] a déclaré : « Les conditions de son engagement n’ont pas changé fondamentalement. Nous avons officialisé certains aspects sur lesquels un accord était déjà intervenu auparavant ». Il a en outre précisé que l’intimé était responsable du marché turc dès 2002 et ce « jusque vers la fin 2007, période à laquelle nous avons divisé en deux groupes ce marché, [réd. : l’intimé] assumant la responsabilité d’un des deux groupes ».
Interpellé quant au fait que la commission due à l’intimé pour l’activité développée en faveur de ses propres clients, hors team, aurait été portée à 30 % le 1er avril 2005, [...] a déclaré : « c’est exact. C’est dès cette date que nous avons formalisé cette augmentation, mais je précise que nous lui payions déjà un tel pourcentage un peu avant ». De même, [...] a confirmé que l’intimé avait, toujours dès le 1er avril 2005, bénéficié d’une rémunération en contrepartie de son activité de manager d’une équipe de brokers, précisant qu’« avant cela, nous versions des primes annuelles et dès cette période nous avons commencé à verser des avances trimestrielles sur ces primes ». Il a aussi confirmé le taux de cette commission, soit 5 % du montant net du revenu de négoce généré par les membres de l’équipe de l’intimé, celui-ci y compris. Il a confirmé que l’appelante s’était en outre engagée à verser à l’intimé un bonus d’équipe, à partager entre les membres de son équipe et lui-même. A cet égard, [...] a précisé qu’il était « prévu qu’une proportion de 42 à 47 % des revenus générés puisse être répartie de manière discrétionnaire entre les membres de l’équipe ». Il a toutefois contesté que l’intimé ait été mis au bénéfice d’un accord de « call option » et de vente de titres de l’appelante.
Interrogé sur ce qui précède, l’intimé a précisé qu’il était déjà « responsable d’une équipe de brokers dès le début » mais que dès le 1er avril 2005, il aurait été intéressé financièrement au résultat généré par l’équipe. Quant à l’accord de « call option », l’intimé a confirmé que l’appelante lui avait « vendu des titres » et qu’en mai 2005, il était devenu actionnaire à concurrence de 5 %.
Le témoin [...] a déclaré qu’il avait constaté, lors de son entrée en service au sein de l’appelante en 2002, que l’intimé était déjà responsable d’une équipe de courtiers. Cela a été confirmé par le témoin [...], qui a expliqué que « [réd. : l’intimé] était déjà responsable d’une telle équipe » lorsqu’il est arrivé dans la société en 2002. Le témoin [...] a confirmé que l’intimé avait effectivement bénéficié d’une rémunération en contrepartie de son activité de manager d’une équipe de courtiers et que cela remontait à 2005, « au moment de la conclusion de deuxième contrat », lequel avait été « confirmé par [...] ». Il a en outre confirmé que l’intimé avait été mis au bénéfice d’un accord de « call option » et de vente de titres de l’appelante.
d)
da) L’intimé a allégué qu’il ne recevait aucun décompte mensuel ou trimestriel de la part de l’appelante et que ses supérieurs l’incitaient à leur faire confiance s’agissant du calcul du montant de sa rémunération ou du nombre de titres qui lui revenaient. Il a également allégué n’avoir « jamais pu avoir accès de manière complète aux livres de [réd. : l’appelante] en vue de vérifier les calculs opérés s’agissant du montant de sa rémunération » et qu’au demeurant, le système de rémunération de l’appelante avait donné lieu à « de très nombreux litiges entre elle-même et ses anciens employés, ceux-ci se trouvant dans l’incapacité de déterminer de manière effective et précise la quotité de leur rémunération ».
Lors de son interrogatoire, l’intimé a précisé qu’il recevait parfois des décomptes « mais de manière très irrégulière ». Il a ajouté que « lorsque ces décomptes étaient incompréhensibles pour [lui], [il] ne recevai[t] pas de réponse satisfaisante ». Quant à l’accès aux livres de comptes de l’appelante, il a déclaré qu’à ce jour il n’avait « toujours pas eu accès aux documents comptables pour vérifier [sa] rémunération 2008 ».
db) [...], pour l’appelante, a précisé que l’intimé recevait « mensuellement un décompte de salaire » et qu’il considérait que la façon de calculer la rémunération était « très simple et qu’il n’[était] pas question de confiance en la matière ». S’agissant de l’accès aux livres de l’appelante, le susnommé a déclaré : « Chacun de nos responsables d’équipe a toujours eu accès à tous les renseignements qu’il souhaitait et je n’ai pas souvenir de quelqu’un qui se serait plaint d’une absence d’information en la matière ».
dc) Plusieurs témoins ont été entendus sur cette question. [...] a déclaré que le système de rémunération avait effectivement donné lieu à de très nombreux litiges entre l’appelante et ses employés. Il a ajouté avoir « personnellement eu des problèmes à ce sujet », problèmes qui « résidaient surtout dans la difficulté à comprendre sur quelles bases la rémunération était calculée ainsi que sur la manière de calculer les bonus discrétionnaires ». Le témoin [...] a pour sa part déclaré qu’il ne pouvait parler « que de [son] cas » soit qu’« on nous incitait effectivement à faire confiance et [qu’]il était très difficile d’obtenir des explications ». Le témoin [...] a quant à lui déclaré que « le système de rémunération de [réd. : l’appelante], ainsi que les termes des rémunérations, étaient assez clairs pour tout le monde. En ce qui me concerne, il est arrivé que j’aie des questions sur les calculs de ma rémunération. J’ai obtenu des explications. A ma connaissance, il est exact toutefois qu’il y a eu des litiges entre la société et certains employés sur ce sujet. Je n’en connais toutefois pas le détail ».
S’agissant des décomptes mensuels, le témoin [...] a déclaré que « les courtiers recevaient des décomptes mensuels et trimestriels mentionnant le revenu brut et les déductions sociales ». Il a ajouté que « le problème résidait cependant dans le fait qu’il n’était pas possible ou qu’il était difficile de comprendre comment était calculé le revenu brut. Dans les décomptes que j’ai eu l’occasion de voir, je n’ai jamais vu mentionné ce calcul ». Quant à l’accès de l’intimé aux livres de comptes, il a déclaré « A mon avis, il n’a pas pu avoir accès à la comptabilité. C’est en tout cas ce qu’il m’a dit. Même quand il était actionnaire, il n’a pas reçu les informations nécessaires. Il n’a notamment pas été convoqué aux assemblées générales, ni vu les états financiers révisés ». La témoin [...], responsable des ressources humaines de l’appelante, a déclaré au sujet des décomptes qu’elle s’occupait « personnellement de distribuer aux employés, y compris [à l’intimé], des décomptes trimestriels qui mentionnaient la rémunération brute et les déductions sociales ». Elle a précisé qu’« en revanche, il n’y avait effectivement pas de décompte mensuel. Les décomptes, notamment le calcul des rémunérations brutes, [lui étaient] transmis par le responsable financier du moment ».
8. a) L’intimé a démissionné avec effet à la fin du mois de septembre 2008.
b) Au terme des rapports de travail, l’appelante a communiqué à l’intimé des décomptes faisant état de la créance qu’elle estimait détenir à son encontre.
c) L’intimé a alors sollicité l’avis d’une personne de confiance en mesure de vérifier les calculs de l’appelante, à savoir [...], qui est parvenu à la conclusion que l’intimé n’était pas débiteur de l’appelante. Entendu à cet égard, le susnommé a déclaré ne pas avoir « adressé directement le résultat de [s]on travail à [réd. : l’appelante], laquelle l’a reçu, sauf erreur de [s]a part, par l’intermédiaire [réd. : de l’intimé] ».
d) Par courriel du 23 juillet 2009 adressé à [...], l’intimé lui a indiqué que le montant réclamé était prêt à être transféré mais, qu’avant cela, il voulait éclaircir la façon dont les intérêts avaient été calculés.
e)
ea) Le 22 octobre 2010, [...], contrôleur financier de l’appelante, a adressé par courrier électronique à [...] un extrait du compte de l’intimé à compter du 1er janvier 2007, ainsi qu’un tableau récapitulatif de l’achat des actions de l’appelante par l’intéressé. Dans son envoi, il a précisé qu’aucun intérêt n’avait été calculé sur le compte de l’intimé, car il s’agissait d’un point de négociation dans le cadre d’un accord.
eb) Le 8 décembre 2010, [...] a adressé un courrier électronique à [...] en l’informait de ce que l’intimé et [...] étaient tombés d’accord sur un montant de 570'000 fr., dont 70'000 fr. d’intérêts, à payer à l’appelante pour mettre un terme au litige. Entendu à cet égard, [...] a ajouté qu’il avait eu connaissance dudit accord par « des discussions directes avec M. [...] » et par « un entretien téléphonique bref avec [réd. : l’intimé], qui m’a confirmé que M. [...] reviendrait vers nous pour formaliser l’accord. Il ne s’est rien passé ensuite ».
f) Au printemps 2013, l’appelante a offert à l’intimé de l’engager à nouveau. Le 19 mars 2013, [...] a ainsi adressé un courriel à l’intimé auquel était joint un projet de contrat intitulé « Service Agreement ». Ce contrat prévoyait une commission de 35 % des revenus nets de courtage générés par les clients dont il aurait la charge ainsi qu’un bonus discrétionnaire. En sus, une rémunération à formaliser dans le cadre d’un addendum au Service Agreement était évoquée dans le courriel, soit le versement d’un pourcentage à l’intimé et à son équipe. Les parties n’ont pas réussi à s’entendre sur les termes d’une nouvelle relation de travail.
g) Dans le courant du mois de juillet 2014, l’appelante s’est à nouveau adressée à l’intimé en relation avec la créance qu’elle estime détenir à son encontre. Un nouveau décompte a alors été adressé à l’intimé par l’appelante. Se sont ensuivis divers échanges entre les conseils des parties entre le 20 août 2014 et le 2 décembre 2014, dans le prolongement desquels l’appelante a adressé certains documents complémentaires à l’intimé.
h) L’intimé a transmis les documents en question à [...] à des fins d’analyse et de calcul et celui-ci a établi sur cette base un document récapitulatif faisant état des montants censés demeurer dus à l’intimé.
i) L’intimé expose avoir dirigé seul le « desk » turc, constitué de plus de dix personnes selon l’intéressé (cf. annexe 3 du rapport d’expertise du 19 février 2021) jusqu’à son départ. Il estime par conséquent que les rémunérations dues doivent être calculées sur la totalité du chiffre d’affaires et des revenus générés par ledit « desk », jusqu’à la fin des rapports de travail.
Entendu sur ce point, [...] a déclaré que [...] « avait déjà des fonctions auprès du desk turc à partir de 2005. Quant au partage des fonctions, l’accord à ce sujet était intervenu à la fin 2007 et entré en vigueur au début 2008 » Il a ajouté « une précision importante » à savoir que « le responsable initial du desk pour le short-term n’était pas M. [...] mais un autre collaborateur, M. [...], lequel a démissionné en avril 2008 et a été remplacé par M. [...], qui n’est effectivement entré en fonction qu’en juillet 2008 ».
S’agissant de la séparation en deux du « desk » turc, le témoin [...] a expliqué ce qui suit : « je n’ai jamais vu de document signé à ce sujet, mais il y avait un accord verbal concernant cette organisation et la distinction entre le desk « shortterm » et le desk « long-term ». Il est exact que j’ai momentanément pris la responsabilité du desk « short-term », peu avant ma démission. Je répète qu’il n’y avait toutefois pas de document écrit à ce sujet. Je ne me souviens pas si [réd. : l’intimé] ne s’occupait plus du desk « longterm » ou s’il chapeautait le tout. Je pense que ma rémunération a augmenté lorsque j’ai pris cette responsabilité, mais je dois [sic] que je n’ai pas vérifié les chiffres ». Le témoin [...] a déclaré qu’il était vrai que « l’éventail des affaires traitées s’étant élargi, l’organisation de l’équipe a été scindée. Toutefois, [réd. : l’intimé] a gardé la direction de l’ensemble du desk jusqu’à son départ ». Le témoin [...] a également confirmé que « pour toute la période où [il] a travaillé au service de [réd : l’appelante], [réd. : l’intimé] a toujours dirigé seul l’ensemble du desk turc ». Le témoin [...], qui a travaillé comme broker au sein de l’appelante de 2002 à 2010 et qui avait l’intimé comme supérieur hiérarchique, a confirmé qu’il était exact que durant toute la période où il a travaillé pour l’appelante aux côtés de l’intimé, « ce dernier était l’unique responsable du desk turc ». La témoin [...] a confirmé qu’il y avait eu une séparation du « desk » turc en 2008, mais a déclaré qu’elle ignorait « les détails de l’organisation » et notamment, elle ne se souvenait plus si c’est « [...] ou [...] qui a[vait] été nommé en parallèle [réd. : de l’intimé] ». Elle a toutefois confirmé que l’intimé avait dirigé seul le « desk » turc jusqu’à son départ.
9. a) Le témoin [...] a déclaré : « Selon les calculs que j’ai faits, cela est parfaitement exact si l’on prend en considération l’ensemble de la période pour laquelle il a travaillé pour [réd. : l’appelante], même si cela a pu ne pas être le cas à certains moments ponctuels. Autrement dit, toujours selon mes calculs, lesquels étaient basés sur le deuxième contrat de travail qu’il a eu, il a gagné plus que ce qu’il a reçu ».
b)
ba) S’agissant des rémunérations annuelles brutes de l’intimé pour les années 2005 à 2008, l’expert [...] a examiné trois hypothèses. A savoir, le cas où seul le contrat de travail du 3 mai 2001 serait applicable, celui où la rémunération de l’offre du 18 mars 2005 serait applicable en prenant en compte le bonus calculé sur l’entier de l’équipe du desk turc, et celui où la rémunération selon l’offre du 18 mars 2005 serait applicable, mais en ne prenant en compte qu’une partie du desk turc.
bb) En lien avec la deuxième hypothèse, soit celle d’un « team bonus » calculé sur les revenus réalisés par une partie seulement du desk turc, l’expert a retenu que le « team bonus » relatif aux années 2005 à 2008 ascenderait à 1'505'969 fr. (rapport d’expertise du 19 février 2021, pp. 7-8).
bc) S’agissant de la dernière hypothèse, soutenue par l’intimé, selon laquelle le « team bonus » devrait être calculé sur les revenus réalisés par l’entier du desk turc, l’expert a conclu que l'intimé aurait eu droit à une rémunération totale de 11'918'389 fr. 55 de 2001 à 2008 (y compris le bonus 2008 versé en 2009). Sa rémunération brute s’étant élevée à 7'412'836 fr. 40, hors frais de représentation, il en résulterait un manco de 4'505'553 fr. 15, hors frais de représentation (11'918'389 fr. 55 - 7'412'836 fr. 40). En tenant compte de cette version, l'intimé ne serait pas débiteur de l'appelante d'un montant de 657'484 fr. 40 mais créancier de celle-ci d'un montant de 3'848'068 fr. 75 (4'505'553 fr. 15 - 657'484 fr. 40), hors frais de représentation (cf. rapport d'expertise du 19 février 2021, pp. 7-8).
Les 11'918'389 fr. 55 susmentionnés comprennent 5'906'197 fr. à titre de bonus d’équipe – dont 1'538'179 fr. pour 2008 –, 3'543'656 fr. à titre de commission de base et 2'468'535 fr. 65 à titre de commission « turkish desk » (annexe 2 du rapport précité).
c) La rémunération effectivement versée de 2001 à 2008 à l’intimé s’élève à 8'720'984 fr. au total, soit 7'412'836 fr. 40 de rémunération brute et 1'308'147 fr. 60 versés à titre de « frais de représentation ». Il n’est en outre pas contesté que l’intimé a reçu 1'505'969 fr. à titre de bonus d’équipe.
10. a) Par acte du 8 janvier 2015, l’appelante a saisi l’autorité précédente d’une requête de conciliation dirigée contre l’intimé en concluant, avec suite de frais et dépens, à ce que celui-ci soit condamné à lui verser la somme de 657'484 fr. 40, avec intérêt à 5 % l’an dès le 31 décembre 2008.
Une autorisation de procéder a été délivrée le 7 avril 2015 à l’appelante.
b) Le 7 juillet 2015, l’appelante a saisi les premiers juges d’une demande dirigée contre l’intimé, en prenant les mêmes conclusions que dans la requête de conciliation précitée.
c) Au pied de sa réponse du 23 décembre 2015, l’intimé a conclu, avec suite de frais et dépens, principalement au rejet de la demande. Reconventionnellement, il a conclu à ce que l’appelante soit condamnée à lui verser la somme de 638'996 fr., avec intérêt à 5 % l’an à compter du 31 décembre 2005, à porter en compensation de toute somme qu’il serait condamné à verser à l’appelante, et à ce qu’il lui soit donné acte de ce qu’il chiffrerait de manière complète et préciserait ses conclusions reconventionnelles après le dépôt de l’expertise définitive.
d) Le 17 mai 2016, l’appelante a déposé une réponse sur demande reconventionnelle en concluant, avec suite de frais et dépens, au rejet de celle-ci, ses conclusions du 7 juillet 2015 étant maintenues pour le surplus.
e) Le 15 août 2016, l’intimé a déposé une duplique et réplique reconventionnelle au pied de laquelle il a confirmé ses conclusions.
f) Le 8 septembre 2016, l’appelante a déposé des déterminations sur duplique et réplique sur demande reconventionnelle.
h) Le 21 novembre 2016, l’intimé a déposé une duplique reconventionnelle, confirmant l’ensemble de ses conclusions. L’appelante s’est déterminée sur cette écriture à l’audience d’instruction et de premières plaidoiries du 6 décembre 2016.
i) Une ordonnance de preuves a été rendue le 7 décembre 2016.
j) A l’audience d’instruction du 14 mars 2017, [...], pour l’appelante, a été interrogé en qualité de partie, et les témoins [...], [...], [...] et [...] ont été entendus. L’intimé et les témoins [...], [...], [...], [...] et [...] ont été entendus lors de l’audience du 6 avril 2017. Finalement, lors de l’audience du 2 mai 2017, les témoins [...], [...] et [...] ont été entendus.
k) L’audience de plaidoiries finales s’est déroulée le 18 mai 2022. Lors de celle-ci, l’intimé a notamment augmenté ses conclusions reconventionnelles, en ce sens que l’appelante soit condamnée à lui verser la somme de 3'429'325 fr. 65, avec intérêt à 5 % l’an à compter du 31 décembre 2006, à porter en compensation de toute somme qu’il serait condamné à payer à l’appelante, et que des dépens de 69'500 fr. lui soient alloués, ses conclusions étant confirmées pour le surplus.
En droit :
1.
1.1 L’appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC [Code de procédure civile du 19 décembre 2008 ; RS 272]), dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l’autorité de première instance est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC). L’appel, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l’autorité d’appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 CPC). La réponse doit être déposée dans un délai de trente jours (art. 312 al. 2 CPC) ; l’intimé à l’appel peut former un appel joint dans la réponse (art. 313 al. 1 CPC).
1.2 Formé en temps utile contre une décision finale dans une cause patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. par une partie disposant d’un intérêt digne de protection (art. 59 al. 2 let. a CPC), l’appel est recevable. Il en va de même de la réponse sur appel et de l’appel joint formé dans celle-ci.
2.
2.1 L’art. 310 CPC dispose que l’appel peut être formé pour violation du droit (let. a), ainsi que pour constatation inexacte des faits (let. b). L’autorité d'appel peut revoir l’ensemble du droit applicable, y compris les questions d’opportunité ou d’appréciation laissées par la loi à la décision du juge, et doit le cas échéant appliquer le droit d’office conformément au principe général de l’art. 57 CPC. Elle peut revoir librement l’appréciation des faits sur la base des preuves administrées en première instance (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 ; TF 5A_340/2021 du 16 novembre 2021 consid. 5.3.1 ; TF 4A_215/2017 du 15 janvier 2019 consid. 3.4).
Sous réserve des vices manifestes, l’application du droit d’office ne signifie pas que l’autorité d’appel doive étendre son examen à des moyens qui n’ont pas été soulevés dans l’acte d’appel. Elle doit se limiter aux griefs motivés contenus dans cet acte et dirigés contre la décision de première instance ; l’acte d’appel fixe en principe le cadre des griefs auxquels l’autorité d’appel doit répondre eu égard au principe d’application du droit d’office (ATF 147 III 176 consid. 4.2.1 et 4.2.2 ; TF 5A_873/2021 du 4 mars 2022 consid. 4.2 applicable en appel).
2.2
2.2.1 Selon l’art. 311 al. 1 CPC, l’appel doit être motivé. L’appelant doit expliquer en quoi son argumentation peut influer sur la solution retenue par les premiers juges. L’appelant doit donc tenter de démontrer que sa thèse l’emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner à simplement reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s’efforcer d’établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d’erreurs. Il ne peut le faire qu’en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. A défaut, l’appel est irrecevable. Tel est notamment le cas lorsque la motivation de l’appel est identique aux moyens qui avaient déjà été présentés en première instance, lorsqu’elle ne contient que des critiques toutes générales de la décision attaquée ou encore lorsqu’elle ne fait que renvoyer aux moyens soulevés en première instance (TF 4A_462/2022 du 6 mars 2023 consid. 5.1.1 ; TF 5A_453/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3.1 ; TF 4A_621/2021 du 30 août 2022 consid. 3.1 ; TF 4A_624/2021 du 8 avril 2022 consid. 5.1).
La motivation doit être suffisamment explicite pour que l’instance d’appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que l’appelant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3 ; ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 ; TF 4A_462/2022, loc. cit. ; TF 5A_453/2022, loc. cit.). Il n’est pas excessivement formaliste d’exiger un renvoi suffisamment précis aux passages des pièces du dossier, sauf si la pièce ne comporte qu’une page ou ne contient que les indications pertinentes (TF 4A_412/2021 du 21 avril 2022 consid. 3.2 ; TF 4A_467/2020 du 8 septembre 2021 consid. 2.5.3).
2.2.2 A titre liminaire, on constate que le mémoire de l’intimé commence par une partie « en fait », dans laquelle il expose sur cinq pages un rappel des faits de son cru. Dès lors que l’intimé n’accompagne aucun desdits faits d’un grief de constatation inexacte des faits, les trente-huit allégués y relatifs s’avèrent irrecevables, dans la mesure où ils s’écartent des faits retenus par les premiers juges. Il en va de même des faits contenus dans la partie « en droit » de l’acte, qui ne sont pas constatés par l’autorité précédente et qui ne sont pas non plus accompagnés d’un grief de constatation inexacte des faits et sont partant impropres à appuyer les moyens de droit soulevés par l’intimé.
Il en va de même des faits que l’appelante invoque dans son appel, lesquels n’ont pas été constatés par les premiers juges et pour lesquels l’intéressée ne présente aucun grief de constatation inexacte des faits. Il n’appartient en effet pas à la Cour de céans de comparer l’état de fait présenté par les parties avec celui retenu par les premiers juges pour y déceler d’éventuelles divergences, ni, le cas échéant, de supputer les motifs pour lesquels il y aurait lieu de modifier l’état de fait dans le sens indiqué par ces divergences. Il ne sera ainsi tenu aucun compte de ces parties, irrecevables, des écritures des parties.
3.
3.1 Dans son appel joint, l’intimé reproche aux premiers juges d’avoir considéré irrecevables ses conclusions reconventionnelles augmentées du 18 mai 2022 – tendant à obtenir que l’appelante soit condamnée à lui verser un montant de 3'429'325 fr. 65, avec intérêt à 5 % l’an dès le 31 décembre 2006. Il leur fait en outre grief d’avoir qualifié le bonus d’équipe prévu par l’offre du 18 mars 2005 de gratification ; il s’agirait en réalité d’une participation aux résultats de l’exploitation au sens de l’art. 322a CO. Enfin, l’intimé considère que l’invocation de la prescription par l’appelante serait contraire au principe de la bonne foi consacré par l’art. 2 al. 2 CC.
3.2
3.2.1 Il se justifie d’examiner en premier lieu le grief relatif à l’exception de prescription soulevée devant les premiers juges par l’appelante. Sur cette question, l’intimé ne conteste ni que les créances qu’il réclame à l’appelante se prescrivent par cinq ans, en application de l’art. 128 al. 1 ch. 3 CO, ni que l’appelante a invoqué la prescription en temps utile. Ces points ne seront donc pas réexaminés. L’intimé semble toutefois contester le moment à partir duquel les délais de prescription auraient commencé à courir.
3.2.2 Aux termes de l’art. 130 CO, figurant au titre troisième de la loi, lequel règle l’extinction des obligations, la prescription court dès que la créance est devenue exigible (al. 1). Si l’exigibilité de la créance est subordonnée à un avertissement, la prescription court dès le jour pour lequel cet avertissement pouvait être donné (al. 2).
S’agissant des rapports de travail, l’art. 339 CO prévoit qu’à la fin du contrat, toutes les créances qui en découlent deviennent exigibles (al. 1). Lorsque le travailleur a droit à une provision pour des affaires dont l’exécution a lieu entièrement ou partiellement après la fin du contrat, l’exigibilité peut être différée par accord écrit, mais en général pour six mois au plus ; l’exigibilité ne peut pas être différée de plus d’une année s’il s’agit d’affaires donnant lieu à des prestations successives, ni de plus de deux ans s’il s’agit de contrats d’assurance ou d’affaires dont l’exécution s’étend sur plus d’une demi-année (al. 2). Le droit à une participation au résultat de l’exploitation est exigible conformément à l’art. 323 al. 3 CO ; en vertu de cette dernière disposition, la participation au résultat de l’exploitation est payée dès que ce résultat est constaté, mais au plus tard six mois après la fin de l’exercice.
3.2.3 En l’occurrence, l’intimé ne prétend pas que l’exigibilité de ses créances aurait été subordonnée à un avertissement et le dossier ne permet aucunement de le retenir. L’art. 130 al. 2 CO ne trouve donc pas application. Il en va de même de l’art. 339 al. 2 CO, faute d’accord écrit prévoyant un report de l’exigibilité d’une quelconque créance détenue par l’intimé contre l’appelante.
Pour le surplus, les premiers juges ont retenu que les créances de l’intimé étaient fondées sur un droit à des remboursements de frais professionnels, à des bonus annuels et à des commissions, ce que l’intéressé ne conteste que s’agissant de la qualification à donner au bonus d’équipe. Conformément à l’art. 339 al. 1 CO, la créance en remboursement de frais professionnels est devenue exigible au plus tard à la fin du contrat, soit à la fin du mois de septembre 2008. Elle s’est donc prescrite à la fin du mois de septembre 2013 au plus tard. Il en va de même de la créance en paiement du bonus d’équipe, qualifié à juste titre de gratification par les premiers juges (cf. infra consid. 4.4.8), la règle ordinaire de l’art. 339 al. 1 CO trouvant également application en la matière. On relèvera que si, comme le soutient l’intimé, le bonus d’équipe devait être qualifié de participation au résultat – appréciation erronée pour les motifs convaincants retenus dans le jugement attaqué –, la créance y afférente n’en serait pas moins prescrite depuis le 30 juin 2014, en application de l’art. 128 al. 1 ch. 3 CO. Quant aux commissions, qualifiées de droit à une participation au résultat de l’exploitation, la créance y afférente est devenue exigible au plus tard six mois après la fin de l’exercice y relatif (art. 323 al. 3 CO), soit le 30 juin 2009 au plus tard ; dite créance était ainsi également prescrite, conformément à l’art. 128 al. 1 ch. 3 CO, au 30 juin 2014.
Au vu de ces éléments, force est de constater que l’entier des prétentions que l’intimé a formulées ou pourrait formuler en lien avec les rapports de travail des parties étaient prescrites en juin 2014 au plus tard, soit bien avant que l’intéressé n’élève, dans sa réponse du 23 décembre 2015, des prétentions contre l’appelante.
3.2.4 L’intimé fait valoir qu’il ne pouvait avoir connaissance de la quotité de ses créances avant la fin de l’année 2014, lorsque l’appelante lui a transmis une partie des documents dont il sollicitait l’accès depuis 2008.
Pareille sollicitation de l’intimé à l’appelante dès 2008 n’a toutefois pas été constatée par les premiers juges, pas plus que le fait qu’une telle sollicitation aurait eu lieu avant la fin juin 2014. Faute pour l’intimé d’indiquer où il aurait allégué de tels faits et quelles preuves au dossier les établiraient, ces assertions sont irrecevables et avec elles le moyen que l’intimé tente d’en tirer. Au demeurant, si l’art. 143 CO prévoit certes que l’action pour enrichissement illégitime se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance de son droit de répétition et, dans tous les cas, par dix ans à compter de la naissance de ce droit, l’art. 130 CO, applicable aux prétentions contractuelles, ne conditionne pas le départ du délai de prescription à la connaissance par le créancier de son droit, mais uniquement à l’exigibilité de la créance. L’intimé, qui ne fournit à cet égard aucune référence légale, doctrinale ou de jurisprudence, ne saurait être suivi lorsqu’il sousentend que la date à laquelle il aurait eu connaissance de ses prétendues prétentions serait ici pertinente. Tel n’est pas le cas (cf. dans ce sens ATF 143 III 348 consid. 5.3.2).
3.3
3.3.1 S’agissant de la question de l’abus de droit soulevé par l’intimé, l’art. 2 CC prévoit que chacun est tenu d’exercer ses droits et d’exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi (al. 1). L’abus manifeste d’un droit n’est pas protégé par la loi (al. 2).
3.3.2 Le principe posé par l’art. 2 al. 2 CC permet de corriger les effets de la loi dans certains cas où l’exercice d’un droit allégué créerait une injustice manifeste. Le juge apprécie la question au regard des circonstances concrètes, qui sont déterminantes. L’emploi dans le texte légal du qualificatif « manifeste » démontre que l’abus de droit doit être admis restrictivement. Les cas typiques en sont l’absence d’intérêt à l’exercice d’un droit, l’utilisation d’une institution juridique de façon contraire à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l’exercice d’un droit sans ménagement ou l’attitude contradictoire (ATF 143 III 279 consid. 3.1 ; ATF 140 III 583 consid. 3.2.4 ; ATF 137 III 625 consid. 4.3).
Le Tribunal fédéral a rappelé que le débiteur commet un abus de droit en se prévalant de la prescription non seulement lorsqu’il amène astucieusement le créancier à ne pas agir en temps utile, mais aussi lorsque, sans mauvaise intention, il a un comportement qui incite le créancier à renoncer à entreprendre des démarches juridiques pendant le délai de prescription et que, selon une appréciation raisonnable, fondée sur des critères objectifs, ce retard apparaît compréhensible (ATF 128 V 236 consid. 4a ; ATF 113 II 264 consid. 2e et les références citées ; cf. également ATF 131 III 430 consid. 2). Ainsi, quand le débiteur – alors que le délai de prescription courait encore – a déterminé le créancier à attendre, il abuse de son droit en lui reprochant ensuite de n’avoir pas agi après qu’il s’est prévalu de la prescription (venire contra factum proprium). En revanche, le simple écoulement du temps jusqu’à l’échéance du délai de prescription ne peut être interprété ni comme une renonciation à la prétention ni comme son exercice abusif. Pour admettre un abus de droit, il faut que le comportement du débiteur soit en relation de causalité avec le retard à agir du créancier (ATF 143 III 348 consid. 5.5.1 ; ATF 128 V 236 consid. 4a in fine).
Le fait que le mandant – créancier – n’ait pas eu connaissance ou n’ait pas pu avoir connaissance de l’existence de sa créance parce que son mandataire a violé ses devoirs de rendre compte et de restituer ne joue en revanche pas de rôle (ATF 143 III 348 consid. 5.5.2).
3.3.3 En l’espèce, les parties ont certes discuté après la fin des rapports de travail de la créance détenue par l’appelante contre l’intimé. Cela étant, aucun élément ne permet de retenir que l’appelante aurait, d’une quelconque façon, dissuadé l’intimé d’interrompre la prescription relative à ses propres créances, les discussions précitées ne semblant même pas avoir clairement porté sur dites créances. Au vu de la jurisprudence précitée, de telles discussions, eussent-elles porté également sur les prétentions de l’intimé, n’auraient de toute façon clairement pas suffi à justifier l’application de l’art. 2 al. 2 CC, sauf à empêcher des parties d’invoquer la prescription pour des créances litigieuses dès qu’elles en discutent durant le délai de prescription. On notera au surplus que l’état de fait du jugement attaqué ne permet pas de retenir que les parties auraient discuté des créances relatives à leur relation contractuelle, terminée en 2008, après l’année 2010 et avant le mois de juillet 2014. Ce silence pendant plus de trois ans jusqu’à ce que la prescription soit acquise exclut de retenir qu’alors que le délai courait, l’appelante aurait dissuadé l’intimé d’agir ou l’aurait déterminé astucieusement à attendre que ledit délai vienne à échéance.
Il s’ensuit que l’appelante était en droit d’invoquer la prescription des prétentions élevées à son encontre par l’intimé et que le grief de violation de l’art. 2 al. 2 CC, infondé, doit être rejeté.
3.4 Il s’ensuit que les créances que l’intimé pourrait tirer des rapports de travail étaient prescrites lors du dépôt de sa réponse au mois de décembre 2015, ce dont l’appelante était en droit de se prévaloir. Dans de telles conditions, l’intimé ne saurait voir l’appelante condamnée à lui payer un quelconque montant découlant de leurs rapports contractuels.
3.5 Ce qui précède rend sans objet pour le sort de l’appel joint les autres moyens articulés par l’intimé, s’agissant notamment de la recevabilité de ses conclusions reconventionnelles augmentées ou de la qualification à donner au bonus d’équipe. L’appel joint, manifestement infondé, doit en définitive être rejeté, dès lors qu’il est exclu d’accorder un quelconque montant à l’intimé, dont l’ensemble des prétentions sont prescrites.
4.
4.1 L’appelante réclame à l’intimé le paiement d’un montant de 657'484 fr. 40, tel que constaté par l’expert, correspondant à la différence entre le montant total reçu à titre d’avances ou de prêts par l’intimé et la somme remboursée à l’appelante. Le montant précité n’est contesté par aucune des parties, l’intimé l’indiquant d’ailleurs expressément en p. 21 de sa réponse, de sorte qu’il n’y a pas lieu de le réexaminer. Cela étant, l’appelante conteste que l’intimé puisse opposer en compensation du montant précité une créance à tout le moins équivalente, ce pour de nombreux motifs, dont certains peu intelligibles.
4.2 Le juge apprécie librement la force probante des preuves, en fonction des circonstances concrètes, sans être lié par des règles légales et sans être obligé de suivre un schéma précis (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2 ; ATF 133 I 33 consid. 2.1). Il n’y a pas de hiérarchie légale entre les moyens de preuve autorisés et l’on ne peut nier par avance et de manière générale le caractère adéquat d’un moyen de preuve déterminé (TF 5A_113/2015 du 3 juillet 2015 consid. 3.2). Il est cependant reconnu que certaines preuves soient considérées comme plus fiables et plus probantes que d’autres : ainsi un titre a en principe plus de poids que la déposition des parties ou des témoins (TF 5A_88/2020 du 11 février 2021 consid. 4.3.2 ; cf. déjà CACI 18 décembre 2020/549).
La valeur probante d’un témoignage, y compris celui d’un témoin « intéressé », doit toujours être évaluée en fonction des circonstances du cas d’espèce (TF 5A_185/2023 du 7 juin 2023 consid. 3.2.2). La suspicion de partialité d’un témoin, résultant par exemple d’un lien d’amitié avec une partie, doit être prise en considération au stade de l’appréciation du témoignage. Elle n’exclut pas d’emblée que la déposition soit tenue pour digne de foi et il incombe au juge du fait d’apprécier sa force probante. Une approche circonspecte du témoignage de l’ami d’une partie n’est toutefois pas arbitraire, car il se justifie objectivement d’envisager une convergence d’intérêts et un esprit de solidarité entre le témoin et la partie. C’est d’autant plus le cas lorsqu’il n'existe aucun indice ni commencement de preuve indépendants de telles dépositions et propres à les corroborer (TF 4A_181/2012 du 10 septembre 2012 consid. 3, in Revue suisse de procédure civile [RSPC] 2013 p. 25 ; CACI 4 mai 2021/212 consid. 4.1.2 in fine). Les liens existant entre la partie et le témoin exercent une influence directe sur la force probante à accorder au témoignage ; en raison de ces liens ou de l’intérêt d’un témoin à l’issue de la procédure, le juge ne devra en principe retenir ces témoignages que dans la mesure où ils sont corroborés par d’autres éléments du dossier (CACI 25 mai 2021/244 consid. 3.2.2 ; CACI 2 juillet 2020/279 consid. 4.2 ; CACI 31 mars 2017/133 consid. 3.2.3).
Les personnes autorisées à représenter la personne morale en justice ne peuvent être interrogées que comme partie et non comme témoin (ATF 141 III 80 consid. 1.3, in RSPC 2015 p. 125 note Bohnet et Jequier). De manière générale, la déposition de partie n’a, en raison de la partialité de son auteur, qu’une faible force probante et doit être corroborée par un autre moyen de preuve (CACI 31 mars 2017/133, loc. cit.).
4.3
4.3.1 Par souci d'économie de procédure, on examinera en premier lieu le grief formulé par l’appelante quant au fait que l’intimé n’était pas en droit de réclamer l’entier du bonus d’équipe relatif à la période litigieuse – soit de 2005 à 2008 – et qu’il ne pourrait ainsi pas prétendre au paiement du montant arrêté dans l’expertise pour cette hypothèse, à savoir 5'906'197 francs. Selon l’appelante, l’intimé aurait reçu le montant auquel il avait effectivement droit, soit 1'505'969 francs. Faute pour l’intimé d’être le créancier de l’appelante, celui-ci ne pourrait, comprend-on, lui opposer une créance en compensation de la sienne.
4.3.2 Afin de trancher cette question, il convient en premier lieu de déterminer comment était calculée la rémunération de l’intimé dès le mois d’avril 2005, la période antérieure n’étant pas litigieuse. L’appelante conteste que les conditions de rémunération de l’intimé aient changé en 2005, respectivement la manière dont elles auraient changé selon les premiers juges. Cette critique est partiellement infondée, comme on le verra ci-après.
Selon les déclarations de son président [...], interrogé en qualité de partie, l’appelante, par son représentant en procédure donc, a admis que l’intimé avait eu droit, dès le 1er avril 2005 à 30 % des montants générés par son activité de négoce en faveur des clients qui lui étaient attribués (cf. supra let. C/7/cb). A cette rémunération s’ajoutait depuis le 1er avril 2005 une rémunération pour son activité de manager d’une équipe de brokers, soit 5 % du montant net du revenu de négoce généré par les membres de son équipe, y compris lui-même (idem). Ces déclarations sont claires et propres à prouver les faits déclarés, faute d’élément contraire. On relèvera à cet égard que le document du 18 mars 2005, certes non signé, prévoyait exactement les éléments admis par le représentant de l’appelante en procédure, soit notamment le versement à l’intimé des deux éléments de rémunération précités. On doit ainsi retenir que les parties s’étaient mises d’accord, à tout le moins informellement, sur ces deux points de rémunération.
Dans ces conditions, le fait de retenir que les parties avaient modifié dans le sens précité la rémunération de l’intimé ne prête pas flanc à la critique. Que cela n’ait pas été formalisé par un contrat signé par les deux parties — en l’occurrence en 2005 – est sans pertinence.
4.4
4.4.1 Autre – et ici centrale – est la question du « team bonus », ou « bonus pool », mentionné dans le document du 18 mars 2005. L’appelante invoque notamment sur ce point que, si les principes de fixation de la quotité de ce bonus pouvaient avoir été arrêtés, l’intimé n’y avait pas droit dans sa totalité, respectivement soit son créancier de l’entier dudit bonus.
4.4.2 L’autorité précédente a considéré que nonobstant l’absence de signature sur l’offre du 18 mars 2005, un accord « de fait » était intervenu entre les parties s’agissant – à tout le moins – des points concernant la rémunération de l’intimé, en convenant notamment du versement d’un bonus d’équipe de 42 à 47 % des revenus générés par l’activité du « desk » turc, à répartir ensuite entre les membres de l’équipe de l’intimé et celui-ci, sous déduction de l’entier de la rémunération déjà versée à l’équipe pour l’année. Sur ce point, les premiers juges ont suivi la thèse de l’intimé, également examinée par l’expert (cf. supra let. C/9/bc).
4.4.3 L’art. 7 du document du 18 mars 2005 – que l’intimé invoque tant dans sa réponse de première instance que dans sa réponse sur appel pour justifier ses prétentions en paiement du bonus d’équipe dès 2005 – prévoit sous « Team Bonus Remuneration » que « At the end of each calendar year, you, as manager of your team and in consultation with the managing directors, will allocate a bonus pool to the members of your team, including yourself. ». Le second paragraphe de cet article prévoit quant à lui que « Provided that normal levels of profitability and business prudence are maintained, the bonus pool will be calculated as 50 % of the team members’ net brokerage revenues generated in the year, less remuneration already paid by the Company to the team members including yourself for the year. ».
On constate à la lecture du document du 18 mars 2005, que les « managing directors » susmentionnés étaient [...] et [...], à tout le moins au moment de la rédaction de ce texte.
Contrairement à la « Broker Remuneration » (de 30 % des revenus nets générés par les clients de l’intimé, cf. art. 5 de l’offre du 18 mars 2005) et à la « Manager Remuneration » (de 5 % des revenus nets de l’équipe dirigée par l’intimé, cf. art. 6 de l’offre), pour lesquelles il est clairement indiqué « your commission », « you will receive » ou encore « your manager remuneration », tel n'est pas le cas du bonus d’équipe. Celui-ci n’est pas indiqué comme dû ou alloué à l’intimé. Il est au contraire prévu que celui-ci, en tant que manager de l’équipe et en consultation avec les « managing directors », alloue chaque année un « bonus pool » aux membres de son équipe, y compris lui-même. Il convient à cet égard de bien distinguer qui décide de la répartition du bonus d’équipe – l’intimé et les « managing partners » – de qui le reçoit – soit les membres de l’équipe, dont l’intimé. Que l’intimé décide, en partie, de la répartition du bonus en question ne signifie ainsi pas qu’il ait le droit de recevoir ledit bonus dans son entier, avant répartition aux autres membres de son équipe. En outre, le fait que l’intimé ait eu le droit de recevoir l’entier du bonus, pour ensuite l’allouer à qui il l’entendait, comme il le soutient dans sa réponse sur appel encore, est contredit par l’intervention des « managing partners », expressément prévue par l’offre du 18 mars 2005 ; dès lors que ceux-ci décidaient avec l’intimé de la façon dont le bonus devait être alloué, l’intéressé n’avait clairement pas le droit de le recevoir dans son entier avant une seconde et hypothétique répartition effectuée par ses soins. La dénomination de « bonus pool » ou « team bonus » utilisée dans le texte démontre d’ailleurs bien qu’il s’agit d’un bonus non pas dû à une personne mais aux membres de l’équipe de l’intimé – soit, selon l’appréciation de celui-ci, plus d’une dizaine de personnes (cf. supra let. C/8/i). Au demeurant, il n’apparait pas vraisemblable, logiquement, fiscalement ou encore comptablement, qu’un tel bonus soit en premier lieu versé par l’employeur à un de ses employés, avant que celui-ci le répartisse entre les membres de son équipe. On relèvera enfin que, bien que l’intimé réclame le paiement de l’entier d’un bonus d’équipe dont il prétend qu’il pourrait le reverser en partie aux membres de son équipe depuis le premier trimestre de l’année 2006 (le mode d’allocation du bonus prévoyant un versement durant le premier trimestre suivant l’année visée), et bien que l’intéressé ait reçu un montant de 1'505'969 fr. depuis lors, il n’a produit aucun élément permettant de retenir l’existence d’une telle répartition du bonus après versement. Ce qui précède met plus qu’à mal la théorie de l’intimé selon laquelle les parties auraient prévu que le bonus d’équipe lui serait versé dans sa totalité, respectivement que le bonus devrait lui être versé dans son entier, avant répartition par ses soins entre les membres de son équipe.
Enfin, prévoir, comme le fait le document du 18 mars 2005, le versement d'un « bonus pool », distinctement d'une « Manager remuneration » (art. 6) démontre encore bien une différence entre ces deux types de rémunération ; on voit en effet mal que le document opère une telle distinction sans but. Dès lors que lesdites rémunérations reposent sur la même base – à savoir les revenus générés par l’équipe de l'intimé – force est de retenir, en l'absence de tout autre élément, qu'elles ne se distinguent que par l’identité de leur bénéficiaire. Dès lors que la « Manager Remuneration » était clairement due dans son entier — le texte du document étant limpide à cet égard — à l’intimé, il faut retenir, ici encore, en plus du texte de l’art. 7, que le « bonus pool » ne l'était pas.
Au vu de ces éléments, la Cour de céans retient que le document même invoqué par l'intimé à l'appui de ses prétentions, lequel n'a pas été signé par les parties faut-il le rappeler, qu'on l'interprète subjectivement ou objectivement, prévoit que l'intéressé avait droit à une partie du bonus d'équipe calculé selon l'art. 7 par. 2 de ce document, dont la quotité devait être décidée chaque année, la part de l'intimé réduisant celle revenant aux autres membres de son équipe. La lecture de la pièce invoquée par l'intimé, fusse-t-elle signée par les parties, ne permet ainsi pas d'établir qu'il aurait eu droit à l'entier du « bonus pool » prévu.
Force est ainsi déjà de constater que le document sur lequel l'intimé fonde ses prétentions en paiement d'un « bonus pool » n'établit pas que l'intéressé aurait droit d'obtenir le versement de l'entier dudit bonus, à calculer sur la base de l'art. 7 par. 2 du document en question.
4.4.4 Les déclarations de [...] ne sont d’aucun secours à l’intimé sur ce point. Le susnommé a certes admis que l’intimé avait droit, dès le 1er avril 2005, à 30 % des montants générés par son activité de négoce en faveur des clients qui lui étaient attribués et à 5 % du revenu de négoce net généré par les membres de son équipe, lui-même inclus. [...] a déclaré, s’agissant de l’all. 43 prévoyant que l’appelante s'était engagée à payer un bonus d’équipe à l’intimé, qu’« il était prévu qu’une proportion de 42 % à 47 % des revenus générés puissent être répartie de manière discrétionnaire entre les membres de l’équipe » (cf. supra let. C/7/cb). Si le procèsverbal de l’audition de l’intéressé indique que le susnommé a répondu, par l’intermédiaire d’un interprète, que l’allégué précité était « exact », force est de constater que cette exactitude est limitée par la suite de ses déclarations, reprise ci-dessus, en ce sens que certes un bonus était prévu, mais que celui-ci devait être réparti entre les membres de l’équipe de l’intimé.
L’intimé et [...] ont certes et sans détail indiqué, lors de leur interrogatoire, que l’allégué 43 susmentionné était exact. Les déclarations de l’intimé ne sont toutefois pas suffisantes pour prouver à elles seules un tel fait, vu son intérêt clair dans la cause. Quant à [...], il a déclaré lors de son audition connaître l’intimé depuis l’an 2000, soit depuis plus de vingt ans. S’il a déclaré l’allégué précité comme étant exact, on ne voit toutefois pas comment il aurait pu savoir, de manière directe, que nonobstant le texte de l’offre non signée du 18 mars 2005, les parties – étant rappelé qu’il n’a jamais été un organe, pas plus qu’un « managing director » de l’appelante – auraient accepté que le « bonus pool » – bonus d’équipe donc – prévu par ce document, dû par nature à toute l’équipe, soit au final dû à l’intimé uniquement, libre à lui de le répartir ensuite comme il le souhaitait entre les membres de son équipe ou de ne pas le répartir. Faute de toute explication du témoin sur ce point, sa détermination quant à l’exactitude de l’allégué 43 n’est pas probante de la réalité du fait allégué. On notera d’ailleurs que le témoin a également indiqué, en rapport avec l’allégué 138, qu’il y aurait eu deux contrats, dont le deuxième « a été confirmé par [...] » (cf. supra let. C/7/cb). Or les faits de la procédure ne permettent pas de retenir la conclusion d’un tel contrat, en particulier portant sur le paiement de l’entier du bonus à l’intimé, le document du 18 mars 2005, censé constituer selon son texte une offre, n'étant même pas signé par l’intéressé. Ici encore, force est de constater que le témoin se fonde sur des éléments erronés, respectivement n’explique pas ses déclarations. Partant, son témoignage quant à l’allégué 43 ne saurait suffire à démontrer, en particulier, que les parties étaient en réalité convenues que l’intimé, personnellement, avait le droit à l’entier du « bonus pool ». Encore une fois, le texte même sur lequel l’intimé se fonde à l’appui de cette thèse ne le dit pas.
4.4.5 Au vu de ces éléments, force est de constater, que l’on se fonde sur l’interprétation subjective ou sur l’interprétation objective des déclarations de volonté prouvées en cours d’instruction – cette dernière méthode d’interprétation ne devant pas tenir compte des éléments postérieurs à l’accord invoqué –, qu’il n’a pas été établi que les parties seraient convenues d’un versement, dès le mois d’avril 2005, à l’intimé personnellement, d’un bonus correspondant à l’entier du « bonus pool », tel que calculé selon le document non signé du 18 mars 2005 ou tel qu’admis dans son existence par le représentant de l’appelante. Il appartenait dès lors à l’intimé d’établir le montant auquel il avait droit, respectivement la part du « bonus pool » à laquelle il avait droit pour chaque année litigieuse.
4.4.6 Il résulte de ce qui précède que, dès lors que l’intimé n’a pas établi qu’il avait droit à l’entier du bonus d’équipe, il était erroné de retenir que l’intéressé était fondé à réclamer l’entier de ce montant comme l’ont fait les premiers juges. Il convenait au contraire d’examiner si l’intimé avait établi à quelle part de ce bonus il pouvait prétendre.
Or sur ce point, l’intimé n’a produit aucun élément probant, s’agissant notamment de la décision prise par lui en accord avec les « managing partners », pour l’une ou l’autre des années litigieuses, attestant du montant qui lui serait dû à titre de bonus d’équipe. Le fait que son revenu ait augmenté, ce qui n’est vrai que pour les années 2001 à 2005, n’est en rien probant quant à la quotité du « bonus pool » à laquelle l’intimé avait droit pour les années 2005 à 2008. On notera encore à titre superfétatoire que l’intimé invoque avoir dirigé le « desk » turc ; de ce fait, il était nécessairement au fait des revenus réalisés par chacun des membres de l’équipe. Il pouvait ainsi tout aussi aisément se rendre compte des montants constituant le « bonus pool » calculé sur la base desdits revenus, et s’apercevoir que le montant qu’il touchait annuellement n’était – de loin – pas équivalent à la moitié de ce « bonus pool » déduit des rémunérations versées aux membres de son équipe. De même, il n’apparait pas sérieux, d’une part de se prévaloir d’un accord prévoyant un bonus fixé chaque année dès 2005 par l’intimé notamment sur la base des revenus réalisés par son équipe, dont on ne peut penser que l’intéressé n’en connaissait pas la quotité, et d’autre part, de soutenir huit ans plus tard que les versements perçus chaque année à ce titre – et donc fixés avec le concours de l’intimé selon l'art. 7 du document dont il se prévaut – seraient inférieurs de deux tiers, soit de plusieurs centaines de milliers de francs, voire un million de francs, à ce à quoi il avait droit. Le silence de l’intimé au cours des années, malgré les informations auxquelles il pouvait avoir accès en tant que directeur de l’équipe, tendent encore à confirmer qu’il n’avait pas droit au paiement de l’entier du bonus d’équipe qu’il réclame aujourd’hui.
Dans ces circonstances et faute d’autres éléments, on ne peut que retenir le montant admis, dans son appel encore, par l’appelante, soit 1'505'969 fr. à titre de part au bonus d’équipe pour les années 2005 à 2007, l’intéressée alléguant expressément que ce montant a été touché par l’intimé, admettant ainsi que cette somme lui avait été allouée, conformément à leur accord. On notera que ce montant n’a rien d’invraisemblable, dès lors qu’il représente plus de 25 % du « bonus pool » total arrêté par l’expert sur la base de l’hypothèse défendue par l’intimé et alors que l’équipe de celui-ci comptait, de son propre aveu, quelque dix personnes en moyenne.
4.4.7 Dans ces conditions, le montant dû à l’intimé, même en reprenant les autres chiffres de l’expert arrêtés selon l’hypothèse défendue par l’intimé – et critiqués par l’appelante à certains égards – s’agissant de la commission de base (3'543'656 fr.) et de la commission « turkish desk » (2'468'535 fr. 65), augmentés de la part au bonus d’équipe à hauteur de la quotité susmentionnée (1'505'969 fr.), serait de 7'871'818 fr. 45. Dès lors que l’intimé a reçu 8'720'984 fr. en tout – y compris des frais de représentation dont l’intimé ne conteste pas qu’ils doivent être déduits des sommes dues (cf. réponse, p. 22) –, l’appelante ne doit plus rien à son ancien employé. Il ne peut en conséquence invoquer en compensation de sa dette de 657'484 fr. 40, non contestée, aucune créance et doit ce montant à l’appelante.
4.4.8
4.4.8.1 Il convient encore, avant de clore la discussion, d'examiner un dernier moyen de l'intimé qui, s'il devait s'avérer fondé, porterait sa créance à un montant supérieur au montant qu'il a perçu. L'intimé reproche en effet en substance aux premiers juges d'avoir considéré qu'il n'avait pas droit au bonus d'équipe afférent à l'année 2008, pro rata temporis, qu'il arrête, reprenant les chiffres de l'expert, à 1'538'179 fr. (cf. supra let. C/9/bc).
4.4.8.2 Un bonus doit être qualifié d'élément du salaire (art. 322 s. CO) lorsque son montant est déterminé ou objectivement déterminable, c’est-à-dire qu'il a été promis par contrat dans son principe et que son montant est déterminé ou doit l’être sur la base de critères objectifs prédéterminés comme le bénéfice, le chiffre d’affaires ou une participation au résultat de l’exploitation, et qu’il ne dépend pas de l’appréciation de l'employeur (ATF 141 III 407 consid. 4.2.1 ; ATF 136 III 313 consid. 2 ; TF 4A 280/2020 du 3 mars 2021 consid. 3). On se trouve en revanche en présence d'une gratification au sens de l’art. 322d CO lorsque le bonus est indéterminé ou objectivement indéterminable, c’est-à-dire que son versement dépend du bon vouloir de l'employeur et que sa quotité dépend pour l’essentiel de la marge de manœuvre de celui-ci en ce sens qu'elle n'est pas fixée à l'avance et qu'elle dépend de l'appréciation subjective de la prestation du travailleur par l’employeur (ATF 141 III 407 consid. 4.2.2 ; ATF 139 III 155 consid. 3.1 ; TF 4A_280/2020, loc. cit.).
Il y a un droit à la gratification lorsque, par contrat, les parties sont tombées d'accord sur le principe du versement d'un bonus et n'en ont réservé que le montant (ATF 136 III 313 consid. 2 ; ATF 131 III 615 consid. 5.2 ; TF 4A_280/2020, loc. cit.). De même, lorsqu’au cours des rapports contractuels, un bonus a été versé régulièrement sans réserve de son caractère facultatif pendant au moins trois années consécutives, il est admis qu'un tel bonus est convenu par actes concluants (ATF 131 III 615 consid. 5.2 ; ATF 129 III 276 consid. 2 ; TF 4A_78/2018 du 10 octobre 2018 consid. 4.3.2.1). Lorsque le principe du bonus a été convenu, expressément ou tacitement, le travailleur n'a toutefois droit à une part proportionnelle de la gratification en cas d'extinction des rapports de travail avant l'occasion qui y donne lieu que s'il en a été convenu ainsi, ce qu'il lui incombe de prouver en vertu de l'art. 8 CC (art. 322d al. 2 CO ; TF 4A_280/2020, déjà cité, consid. 3.2 ; TF 4A_78/2018, loc. cit.).
Lorsque les parties ont réservé tant le principe que le montant de la gratification, il n'y a pas de droit à celle-ci (TF 4A_280/2020 précité, consid. 3.3). En pareil cas, il faut encore examiner si le bonus a un caractère accessoire par rapport au salaire de base. En effet, la gratification doit rester un élément accessoire du salaire de base et ne peut aller au-delà d’un certain pourcentage de ce salaire (ATF 141 III 407 consid. 4.3.2 ; ATF 139 III 155 consid. 5.3). Le critère de l'accessoriété, en vertu duquel le bonus doit être requalifié en salaire, ne s'applique toutefois que pour les salaires modestes et les salaires moyens à supérieurs. Pour les très hauts revenus, le Tribunal fédéral a considéré que le principe de la liberté contractuelle devait primer, car il n'y a pas de besoin de protection du travailleur qui justifierait une requalification du bonus en salaire en vertu du principe de l'accessoriété (ATF 141 Ill 407 consid. 4.3.2 et 5.3.1). Dans ce cas, le bonus reste donc une gratification facultative à laquelle l'employé n'a pas droit (TF 4A_327/2019 du 1er mai 2020 consid. 3.2).
4.4.8.3 Sur cette question, l'autorité précédente a considéré que ledit bonus avait un caractère discrétionnaire et devait par conséquent être qualifié de gratification au sens de l’art. 322d CO. Au vu du haut revenu de l'intimé, il n'y avait pas besoin de se pencher sur le caractère accessoire d'une telle gratification. Dès lors que ni le contrat du 3 mai 2001 ni le document du 18 mars 2005 ne contenaient de clause stipulant un droit au versement du bonus en cas de fin du contrat en cours d'année, l'intimé ne pouvait prétendre à une part du bonus afférent à l'exercice 2008, en application de l'art. 322d al. 2 CO, son contrat étant venu à terme dans le courant du mois de septembre 2008.
En l’espèce, le montant précité a été arrêté en partant du principe que l'entier du « team bonus » était dû à l'intimé. Or, tel n’est pas le cas, comme vu ci-dessus. Ainsi, à l'instar des années précédentes, faute pour l’intimé de démontrer à quelle part du bonus d'équipe il aurait eu droit pour l’année 2008, sa prétention ne peut, pour ce motif déjà, qu'être rejetée. Au demeurant, la qualification du bonus d'équipe de gratification au sens de l'art. 322d CO, telle que retenue par l'autorité précédente, ne prête pas flanc à la critique. Comme relevé par les premiers juges, le représentant de l'appelante a indiqué qu'il était prévu qu'une proportion de 42 à 47 % des revenus générés par l'activité du « desk » turc puisse être répartie de manière discrétionnaire entre les membres de l'équipe (cf. supra let. C/7/cb). L'offre du 18 mars 2005 prévoit en outre à son art. 7 (« Team Bonus Remuneration ») qu'à la fin de chaque année calendaire, l'intimé allouerait aux membres de son équipe, en concertation avec les « Managing directors », un bonus correspondant à 50 % des revenus de courtage nets générés par lesdits membres, pour autant que la rentabilité de l'appelante et la prudence commerciale le permettent. Les déclarations précitées de Graham Johnson (« puisse »), de même que le fait que le versement du bonus était conditionné à une concertation avec les « Managing directors » et à sa faisabilité concrète, dénotent son caractère discrétionnaire. C'est donc à raison que le bonus a été qualifié de gratification au sens de l'art. 322d CO, la réalisation de la condition du caractère discrétionnaire étant suffisante pour retenir cette qualification, compte tenu des revenus perçus par l'intimé, nettement supérieurs aux « très hauts revenus » pour lesquels un bonus est toujours qualifié de gratification (correspondant au salaire médian suisse multiplié par cinq, soit 30'000 fr. brut par mois environ [ATF 141 III 407 consid. 5.4]). Faute pour les parties, notamment par le contrat de travail du 3 mai 2001 ou l'offre non signée du 18 mars 2005, d'avoir prévu que le bonus serait dû pro rata temporis en cas de rupture des rapports de travail en cours d'année, l'intimé ne pouvait prétendre à un paiement à titre de bonus d'équipe afférent à l'exercice 2008 (art. 322d al. 2 CO).
Le grief est ainsi infondé.
4.5
4.5.1 L’appelante conclut à ce que le montant de 657'484 fr. 40, non litigieux, porte intérêt à 5 % l'an dès le 31 décembre 2008. Elle n'invoque sur ce point aucun fait précis, ni ne motive cette conclusion.
4.5.2 Aux termes de l'art. 102 CO, le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier. L'al. 2 dispose que lorsque le jour de l'exécution a été déterminé d'un commun accord, ou fixé par l'une des parties en vertu d'un droit à elle réservé et au moyen d'un avertissement régulier, le débiteur est mis en demeure par la seule expiration de ce jour. L'art. 104 CO prévoit que le débiteur qui est en demeure pour le paiement d'une somme d'argent doit l’intérêt moratoire à 5 % l'an.
4.5.3 A supposer que l'on doive considérer la créance de l'appelante comme résultant du contrat de travail, ce qui est loin d'être clair, force serait de constater que l'intimé n'est en demeure, propre à faire courir un intérêt (art. 104 et 105 CO) que depuis son interpellation par l'appelante (art. 102 CO), soit depuis le dépôt de la requête de conciliation du 8 janvier 2015. Les intérêts, à 5 % l’an, ne partiront donc que dès le lendemain de cette date.
4.6 Au vu des éléments qui précèdent, les autres griefs soulevés par l’appelante peuvent souffrir de demeurer ouverts, l’appel devant être admis pour l’entier des conclusions prises, à l’exception de la date de départ du calcul des intérêts.
5.
5.1 Au vu de ce qui précède, l’appel doit être admis et l’appel joint, manifestement infondé, rejeté, le jugement étant réformé en ce sens que l’intimé est condamné à payer à l’appelante la somme de 657'484 fr. 40, avec intérêt à 5 % l’an dès le 9 janvier 2015.
5.2 Selon l’art. 318 al. 3 CPC, si l’instance d’appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais – soit les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC) – de la première instance. L’appelante obtenant largement gain de cause – celle-ci étant pleinement suivie s’agissant du capital réclamé, seul le jour du départ des intérêts n’étant pas suivi –, les frais judiciaires de première instance, d’ores et déjà arrêtés à 70'068 fr. 35 et non contestés, seront mis à la charge de l’intimé (art. 106 al. 1 CPC). Celui-ci remboursera à l’appelante la somme de 35'034 fr. 20, correspondant aux avances de frais effectuées par l’intéressée (sous déduction du montant de 6'032 fr. 80 qui lui sera remboursé par l’Etat en application de l’art. 111 al. 1 in initio CPC), augmentées des frais – non litigieux – afférents à la procédure de conciliation, d’ores et déjà fixés à 1'593 fr. (art. 111 al. 2 et 207 al. 2 CPC). L’intimé versera en outre à l’appelante la somme de 20'000 fr. (art. 4 TDC [tarif des dépens en matière civile du 23 novembre 2010 ; BLV 270.11.6]), à titre de dépens de première instance.
5.3 Pour les mêmes motifs, les frais judiciaires de deuxième instance, arrêtés à 33’973 fr. au total, soit 7'574 fr. pour l’appel principal et 26'399 fr. pour l’appel joint (art. 62 al. 1 TFJC [tarif des frais judiciaires civils du 28 septembre 2010 ; BLV 270.11.5]), seront mis à la charge de l’intimé, qui succombe tant sur l’appel principal que sur l’appel joint. L’intimé versera à l’appelante la somme de 7'574 fr., à titre de remboursement de son avance de frais (art. 111 al. 2 CPC).
L’intimé versera en outre à l’appelante la somme de 6'000 fr. (art. 7 TDC) à titre de dépens de deuxième instance pour l’appel principal uniquement, l’intéressée n’ayant pas été invitée à se déterminer sur l’appel joint.
Par ces motifs,
la Cour d’appel civile
prononce :
I. L’appel principal est admis.
II. L’appel joint est rejeté.
III. Le jugement est réformé aux chiffres I et IV à VII de son dispositif comme il suit :
I. Le défendeur D.____ doit verser à la demanderesse P.____ la somme de 657'484 fr. 40 (six cent cinquante-sept mille quatre cent huitante-quatre francs et quarante centimes), avec intérêt à 5 % l’an dès le 9 janvier 2015.
IV. Les frais de justice, arrêtés à 70'068 fr. 35 (septante mille soixante-huit francs et trente-cinq centimes), sont mis à la charge du défendeur D.____.
V. Les frais de la procédure de conciliation, d’ores et déjà arrêtés à 1'593 fr. (mille cinq cent nonante-trois francs), sont mis à la charge du défendeur D.____.
VI. Le défendeur D.____ doit verser à la demanderesse P.____ la somme de 36'627 fr. 20 (trente-six mille six cent vingt-sept francs et vingt centimes) à titre de remboursement de son avance des frais de justice et des frais de la procédure de conciliation.
VII. Le défendeur D.____ doit verser à la demanderesse P.____ la somme de 20'000 fr. (vingt mille francs) à titre de dépens.
Le jugement est confirmé pour le surplus.
IV. Les frais judiciaires de deuxième instance, arrêtés à 33'973 fr. (trentetrois mille neuf cent septante-trois francs), sont mis à la charge de l’intimé D.____.
V. L’intimé D.____ doit verser à l’appelante P.____ la somme de 13'574 fr. (treize mille cinq cent septantequatre francs) à titre de remboursement de son avance de frais et de dépens de deuxième instance.
VI. L’arrêt est exécutoire.
La présidente : La greffière :
Du
Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié à :
Me Olivier Subilia (pour P.____),
Me Bastien Geiger (pour D.____),
et communiqué, par l’envoi de photocopies, à :
Mme la Juge présidant la Chambre patrimoniale cantonale.
La Cour d’appel civile considère que la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 francs.
Le présent arrêt peut faire l’objet d’un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral au sens des art. 72 ss LTF (loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 – RS 173.110), le cas échéant d’un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Dans les affaires pécuniaires, le recours en matière civile n’est recevable que si la valeur litigieuse s’élève au moins à 15'000 fr. en matière de droit du travail et de droit du bail à loyer, à 30'000 fr. dans les autres cas, à moins que la contestation ne soulève une question juridique de principe (art. 74 LTF). Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF).
La greffière :
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
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