Zusammenfassung des Urteils HC/2023/397: Kantonsgericht
Die Cour d'appel CIVILE des Tribunal cantonal hat in einem Urteil vom 27. September 2023 entschieden, dass die Beklagte E.________ den Klägern A.A.________, F.________, Z.________, B.________, C.________, R.________, G.________ und B.A.________ Beträge schuldet. Diese Beträge resultieren aus unbezahlten Löhnen und Zuschlägen gemäss Arbeitsverträgen. Die Beklagte wurde verpflichtet, den Klägern die Differenz zwischen dem vereinbarten Lohn und dem gesetzlichen Mindestlohn zu zahlen. Die Kläger hatten zuvor erfolglos versucht, die ausstehenden Beträge einzufordern. Das Gericht stellte fest, dass die Beklagte verpflichtet war, den Arbeitnehmern mindestens den gesetzlichen Mindestlohn zu zahlen. Die Beklagte legte gegen das Urteil Berufung ein, die jedoch abgewiesen wurde.
Kanton: | VD |
Fallnummer: | HC/2023/397 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: |
Datum: | 27.09.2023 |
Rechtskraft: |
Leitsatz/Stichwort: | |
Schlagwörter : | Appel; Location; ’appel; écembre; ’appelant; ’appelante; ébitrice; érêt; était; éfenderesse; Année; épens; ’il; ériés; état; étation; édéral; écision; Industrie; èces; Selon; éré; ’au |
Rechtsnorm: | Art. 100 BGG;Art. 151 ZPO;Art. 20 ZGB;Art. 3 ZGB;Art. 310 ZPO;Art. 311 ZPO;Art. 317 ZPO;Art. 318 ZPO;Art. 57 ZPO;Art. 59 ZPO;Art. 74 BGG;Art. 95 ZPO; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: |
TRIBUNAL CANTONAL | P321.027791-221357 396 |
cour d’appel CIVILE
_______________
Arrêt du 27 septembre 2023
__________
Composition : Mme CRITTIN DAYEN, présidente
Mmes Bendani, Courbat, M. Oulevey et Mme Cherpillod, juges
Greffier : M. Steinmann
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Art. 322 al. 1 CO ; art. 20 LES ; art. 3 al. 3 CCT Location de services
Statuant sur l’appel interjeté par E.____, à Lausanne, défenderesse, contre le jugement rendu le 20 juillet 2022 par le Tribunal de prud’hommes de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois dans la cause divisant l’appelante d’avec A.A.____, à Orbe, F.____, à Yverdon-les-Bains, Z.____, à Orbe, B.____, à Annemasse (France), C.____, à La Sarraz, R.____, à Yverdon-les-Bains, G.____, à Yverdon-les-Bains, et B.A.____, à Orbe, demandeurs, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal considère :
En fait :
A. Par jugement du 20 juillet 2022, dont la motivation a été envoyée aux parties le 20 septembre 2022, le Tribunal de prud’hommes de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois (ci-après : le tribunal ou les premiers juges) a admis la demande formée par A.A.____ le 22 juin 2021 (I), a dit qu’E.____ était débitrice d’A.A.____ d’un montant brut de 3'559 fr. 55, avec intérêts à 5% l’an dès le 31 décembre 2016 sur un montant de 754 fr. 65, respectivement dès le 31 décembre 2017 sur un montant de 2'804 fr. 90 (II), a admis la demande formée par F.____ le 8 juin 2021 (III), a dit qu’E.____ était débitrice de F.____ d’un montant brut de 4'718 fr. 50, avec intérêts à 5% l’an dès le 31 décembre 2016 sur un montant de 622 fr. 95, respectivement dès le 31 décembre 2017 sur un montant de 1'730 fr. 95, ainsi que dès le 31 décembre 2018 sur un montant de 2'364 fr. 60 (IV), a dit qu’E.____ était débitrice de F.____ d’un montant net de 252 fr., avec intérêts à 5% l’an dès le 31 décembre 2016 (V), a admis la demande formée par Z.____ le 22 juin 2021 (VI), a dit qu’E.____ était débitrice de Z.____ d’un montant brut de 8'037 fr., avec intérêts à 5% l’an dès le 31 décembre 2017 sur un montant de 2'423 fr. 60, ainsi que dès le 31 décembre 2018 sur un montant de 5'613 fr. 40 (VII), a admis la demande formée par B.____ le 24 juin 2021 (VIII), a dit E.____ était débitrice de B.____ d’un montant brut de 12'646 fr. 10, avec intérêts à 5% l’an dès le 31 décembre 2016 sur un montant de 2'237 fr. 10, respectivement dès le 31 décembre 2017 sur un montant de 7'798 fr. 30, ainsi que dès le 31 décembre 2018 sur un montant de 2'610 fr. 70 (IX), a admis la demande formée par C.____ le 24 juin 2021 (X), a dit qu’E.____ était débitrice de C.____ d’un montant brut de 9'000 fr. 63, avec intérêts à 5% l’an dès le 31 décembre 2017 sur un montant de 3'769 fr. 75, respectivement dès le 31 décembre 2018 sur un montant de 5'230 fr. 88 (XI), a admis la demande formée par R.____ le 24 juin 2021 (XII), a dit qu’E.____ était débitrice de R.____ d’un montant brut de 10'921 fr. 85, avec intérêts à 5% l’an dès le 31 décembre 2016 sur un montant de 4'597 fr. 80, respectivement dès le 31 décembre 2017 sur un montant de 3'839 fr. 10, ainsi que dès le 31 décembre 2018 sur un montant de 2'484 fr. 95 (XIII), a admis la demande formée par G.____ le 16 novembre 2021 (XIV), a dit qu’E.____ était débitrice de G.____ d’un montant brut de 8'837 fr. 81, avec intérêts à 5% l’an dès le 31 décembre 2016 sur un montant de 2'052 fr. 95, respectivement dès le 31 décembre 2017 sur un montant de 6'006 fr. 85, ainsi que dès le 31 décembre 2018 sur un montant de 778 fr. 01 (XV), a admis la demande formée par B.A.____ le 10 novembre 2021 (XVI), a dit qu’E.____ était débitrice de B.A.____ d’un montant brut de 12'373 fr. 32, avec intérêts à 5% l’an dès le 31 décembre 2016 sur un montant de 2'425 fr. 35, respectivement dès le 31 décembre 2017 sur un montant de 5'718 fr., ainsi que dès le 31 décembre 2018 sur un montant de 4'229 fr. 97 (XVII), a dit qu’E.____ était débitrice de A.A.____, F.____, Z.____, B.____, C.____, R.____, G.____, B.A.____, solidairement entre eux, d’un montant de 3'000 fr. à titre de dépens (XVIII), a rejeté toutes autres et plus amples conclusions (XIX) et a rendu ledit jugement sans frais (XX).
En droit, les premiers juges ont relevé que la question litigieuse à trancher se rapportait au montant du salaire horaire qui devait être versé par la défenderesse E.____ dans le cadre des missions de travail temporaire réalisées auprès de Q.____ par les demandeurs. Ils ont notamment considéré qu’une interprétation de l’art. 3 al. 3 de la Convention collective de travail Location de services (ci-après : CCT Location de services) était nécessaire afin de déterminer si la défenderesse était ou non tenue de verser un salaire minimum aux demandeurs. Or, selon ces magistrats, l’interprétation téléologique de cette disposition permettait d’affirmer que le but de celle-ci n’était pas de péjorer la situation des travailleurs temporaires actifs dans les branches concernées, mais au contraire de les protéger dans ces domaines. De plus, la partie en italique de l’art. 3 al. 3 CCT Location de services – qui était applicable à la défenderesse – confirmait la volonté des parties à la convention de protéger les travailleurs temporaires en leur assurant un salaire minimum au moins équivalent à celui prévu par la CCT Location de services, voire supérieur lorsque d’autres conventions collectives de travail primaient à cet égard dans des domaines spécifiques.
Les premiers juges ont conclu qu’il n’y avait aucun motif de s’écarter de la position retenue par le tribunal dans sa décision du 22 mars 2019, selon laquelle il fallait reconnaitre un salaire minimum aux employés temporaires actifs au sein de l’entreprise Q.____ afin de respecter le but de l’art. 3 al. 3 CCT Location de services et d’éviter un nivellement vers le bas des salaires dans le secteur d’activité concerné, tout en assurant l’égalité entre le personnel fixe et temporaire. En conséquence, l’interprétation de la disposition précitée permettait d’établir que la défenderesse était tenue de verser aux demandeurs au moins le salaire d’usage, de sorte qu’elle devait être reconnue débitrice de ces derniers de la différence entre ce salaire et le salaire inférieur prévu dans les contrats de mission temporaire ayant lié les parties.
B. Par acte du 21 octobre 2022, E.____ (ci-après : l’appelante) a interjeté appel contre le jugement susmentionné, en concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que toutes les conclusions prises par A.A.____, F.____, Z.____, B.____, C.____, R.____, G.____ et B.A.____ (ci-après : les intimés) soient rejetées, avec suite de dépens de première instance. Subsidiairement, elle a conclu à l’annulation dudit jugement et au renvoi de la cause à l’autorité de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants de l’arrêt à intervenir.
Par réponse du 11 janvier 2023, les intimés ont conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement attaqué. Ils ont en outre produit des pièces.
Le 20 janvier 2023, l’appelante a déposé une réplique spontanée, au pied de laquelle elle a confirmé les conclusions de son mémoire d’appel. Elle a en outre produit un bordereau de pièces.
Par courrier du 7 février 2023, les intimés se sont déterminés sur le contenu de la réplique spontanée de l’appelante.
C. La Cour d'appel civile retient les faits pertinents suivants, sur la base du jugement complété par les pièces du dossier :
1. L’appelante E.____ est une société anonyme de droit suisse inscrite au registre du commerce depuis le 12 novembre 1965. Son but consiste notamment en la fourniture de conseils et services en matière de recherche, sélection, promotion, formation, recrutement et en la mise à disposition de personnel, à titre intérimaire ou permanent. Elle est membre de l'association des employeurs de la branche des services de l'emploi Swisstaffing.
2. Les intimés A.A.____, F.____, Z.____, B.____, C.____, R.____, G.____ et B.A.____ ont chacun conclu des contrats de travail avec l’appelante, afin d'effectuer différentes missions auprès de la société locataire de services Q.____ (ci-après : Q.____), à Orbe.
A teneur de son inscription au registre du commerce, Q.____ a pour but la fabrication, l'achat, la vente, la représentation de produits de boulangerie et d'alimentation, la représentation de vins et de spiritueux et de tous produits de consommation alimentaire.
3. Les différents rapports de travail ayant liés les intimés et l’appelante sont détaillés ci-dessous.
a) A.A.____ a été engagé par l’appelante, en qualité d'ouvrier à l'hygiène au sein de la société Q.____, par contrat de mission temporaire de durée indéterminée, avec entrée en service le 24 mars 2017. Ce contrat fixait le salaire horaire brut à 21 fr., incluant les vacances, les jours fériés et la part au treizième salaire. De plus, des indemnités étaient prévues pour le travail de nuit et du dimanche.
Selon les pièces produites au dossier, notamment les décomptes de salaire, les relations de travail entre A.A.____ et l’appelante ont pris fin le 31 juillet 2017.
b) F.____ a été engagée par l’appelante, en qualité d'ouvrière agro-alimentaire au sein de la société Q.____, par contrat de mission temporaire de durée indéterminée, avec entrée en service le 24 mars 2017. Ce contrat fixait le salaire horaire brut à 21 fr., incluant les vacances, les jours fériés et la part au treizième salaire. De plus, des indemnités étaient prévues pour le travail de nuit et du dimanche.
Selon les pièces produites au dossier, notamment les décomptes de salaire, les relations de travail entre F.____ et l’appelante ont pris fin le 31 décembre 2018.
c) Z.____ a été engagé par l’appelante, en qualité d'ouvrier à l'hygiène au sein de la société Q.____, par contrat de mission temporaire, avec entrée en service le 8 juin 2017. Ce contrat fixait le salaire horaire brut à 21 fr., incluant les vacances, les jours fériés et la part au treizième salaire.
L’engagement de Z.____ a été prolongé le 8 septembre 2017 par un nouveau contrat de mission temporaire de durée indéterminée, soumis aux mêmes conditions salariales et prévoyant en outre des indemnités pour le travail de nuit et du dimanche.
Le 22 janvier 2018, les parties ont conclu un avenant audit contrat, prévoyant une augmentation du salaire horaire brut à 21 fr. 39, jours fériés, vacances et part au treizième salaire compris, avec effet au 1er janvier 2018.
A compter du 23 avril 2018, le salaire horaire brut de Z.____ a encore été augmenté à 24 fr. (indemnités vacances, jours fériés et 13ème salaire compris).
Selon les pièces produites au dossier, notamment les décomptes de salaire, les relations de travail entre Z.____ et l’appelante ont pris fin le
31 décembre 2018.
d) B.____ a été engagée par l’appelante, en qualité de garnisseuse traiteur au sein de la société Q.____, par contrat de mission temporaire d’une durée d'un jour, avec entrée en service le 6 septembre 2016. Ce contrat prévoyait un salaire horaire brut de 19 fr., incluant les vacances, les jours fériés et la part au treizième salaire.
L’engagement de B.____ a été prolongé par la signature, le 8 septembre 2016, d’un nouveau contrat de mission temporaire d’une durée de trois mois, avec entrée en service le 12 septembre 2016, contrat qui était soumis aux mêmes conditions salariales que le précédent.
Le 8 décembre 2016, B.____ a conclu avec l’appelante un contrat de mission temporaire de durée indéterminée, prévoyant toujours un salaire de 19 fr. brut par heure, treizième salaire, vacances et jours fériés inclus.
Le 24 mars 2017, un nouveau contrat de mission temporaire a été signé par B.____ et l’appelante, lequel prévoyait, en sus du salaire horaire de 19 fr. précité, des indemnités pour le travail de nuit et du dimanche.
Le 22 janvier 2018, B.____ et l’appelante ont signé un avenant à ce contrat, prévoyant une augmentation du salaire horaire brut à 21 fr. 39, jours fériés, vacances et part au treizième salaire compris, avec effets dès le 1er janvier 2018.
Le 23 avril 2018, le contrat a à nouveau été modifié pour inclure de nouvelles indemnités relatives au travail de nuit et/ou du dimanche.
Selon les pièces produites au dossier, notamment les décomptes de salaire, les relations de travail entre B.____ et l’appelante ont pris fin le
31 août 2018.
e) C.____ a été engagé par l’appelante, en qualité d'ouvrier à l'hygiène au sein de la société Q.____, par contrat de mission temporaire d’une durée indéterminée, avec entrée en service le 24 avril 2017. Ce contrat prévoyait un salaire horaire brut de 21 fr., incluant les vacances, les jours fériés et la part au treizième salaire.
Le 22 janvier 2018, C.____ et l’appelante ont signé un avenant audit contrat, prévoyant, à compter du 1er janvier 2018, une augmentation du salaire horaire brut à 21 fr. 39, jours fériés, vacances et part au treizième salaire compris, ainsi que des indemnités pour le travail de nuit et du dimanche.
Le 23 avril 2018, un nouvel avenant au contrat a été signé par C.____ et l’appelante concernant les montants des indemnités dues pour les heures de nuit et du dimanche.
Le 22 janvier 2019, ledit contrat a à nouveau été modifié afin de fixer le salaire horaire brut à 24 fr., dès le 1er janvier 2019.
Selon les pièces produites au dossier, notamment les décomptes de salaire, les relations de travail entre C.____ et l’appelante ont finalement pris fin le 31 mai 2019.
f) R.____ a été engagée par l’appelante, en qualité d'ouvrière au sein de la société Q.____, par contrat de mission temporaire d’une durée indéterminée, avec entrée en service le 10 juin 2016. Ce contrat prévoyait un salaire horaire brut de 19 fr., incluant les vacances, les jours fériés et la part au treizième salaire.
Un nouveau contrat de mission temporaire de durée indéterminée a été conclu entre R.____ et l’appelante le 24 mars 2017. Le salaire horaire brut y était fixé à 21 fr., vacances, jours fériés et treizième salaire compris. De plus, des indemnités y étaient prévues pour le travail de nuit et du dimanche.
Par avenant du 22 janvier 2018, ce contrat a été modifié pour prévoir une augmentation du salaire horaire brut à 21 fr. 39, jours fériés, vacances et part au treizième salaire compris, dès le 1er janvier 2018.
Selon les pièces produites au dossier, notamment les décomptes de salaire, les relations de travail entre R.____ et l’appelante ont finalement pris fin le 31 juillet 2018.
g) G.____ a été engagée par l’appelante, en qualité d'ouvrière au sein de la société Q.____, par contrat de mission temporaire d’une durée indéterminée, avec entrée en service le 24 mars 2017. Ce contrat prévoyait un salaire horaire brut de 19 fr., incluant les vacances, les jours fériés et la part au treizième salaire. De plus, des indemnités étaient prévues pour le travail de nuit et du dimanche.
Par avenant du 11 septembre 2017, ledit contrat a été modifié pour prévoir une augmentation du salaire horaire brut à 21 fr., jours fériés, vacances et part au treizième salaire compris, dès le 25 août 2017. Par avenant du 22 janvier 2018, il a à nouveau été modifié, en ce sens que le salaire horaire brut a été augmenté à 21 fr. 39 (jours fériés, vacances et part au treizième salaire compris), avec effet au 1er janvier 2018.
Selon les pièces produites au dossier, notamment les décomptes de salaire, les relations de travail entre G.____ et l’appelante ont finalement pris fin le 30 avril 2018.
h) B.A.____ a été engagée par l’appelante, en qualité d'ouvrière au sein de la société Q.____, par contrat de mission temporaire d’une durée indéterminée, avec entrée en service le 24 mars 2017. Ce contrat prévoyait un salaire horaire brut de 19 fr., incluant les vacances, les jours fériés et la part au treizième salaire. De plus, des indemnités étaient prévues pour le travail de nuit et du dimanche.
Par avenant du 11 septembre 2017, ledit contrat a été modifié pour prévoir une augmentation du salaire horaire brut à 21 fr., jours fériés, vacances et part au treizième salaire compris, dès le 25 août 2017. Il a à nouveau été modifié le
22 janvier 2019, le salaire horaire brut ayant été augmenté à 24 fr. (jours fériés, vacances et 13ème salaire inclus), avec effet au 1er janvier 2019.
Selon les pièces produites au dossier, notamment les décomptes de salaire, les relations de travail entre B.A.____ et l’appelante ont finalement pris fin le 1er mars 2019.
4. En date du 21 décembre 2020, invoquant un jugement du Tribunal de prud'hommes de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois reconnaissant un salaire minimum aux employés temporaires de Q.____, les intimés, à l'exception de B.A.____ et G.____, ont, par l'intermédiaire du Syndicat UNIA, mis en demeure l’appelante de leur payer la différence entre les salaires qu’ils avaient perçus lors de leurs missions chez Q.____ et le salaire minimum constaté dans le jugement en question.
Daté du 22 mars 2019, ce jugement a été rendu dans une cause qui opposait l’appelante à une ancienne employée, laquelle avait effectué plusieurs missions auprès de Q.____, à Orbe, en contrepartie d’un salaire horaire brut de
19 francs. Le tribunal a notamment été amené à déterminer si un salaire minimum était dû à la demanderesse. Il a considéré à cet égard qu'en application de
l'art. 3 al. 3 CCT Location de services, et en vertu de son commentaire et de son interprétation, la partie défenderesse – soit en l’occurrence l’appelante – était tenue de respecter le salaire usuel en fonction de la branche et la localité pour ses employés actifs chez Q.____. Le tribunal a ainsi retenu que le salaire horaire de la demanderesse devait s'élever à 22 fr. 60 pour l'année 2016, à 23 fr. 25 pour l'année 2017 et à 23 fr. 92 pour l'année 2018, conformément à ce qui avait été fixé par la Commission tripartite cantonale. Aucun appel n'a été formé contre ce jugement, qui est ainsi devenu définitif et exécutoire le 6 juin 2019.
L’appelante n’a pas donné de suite favorable à la mise en demeure des intimés.
5. a) Le 8 juin 2021, F.____ a déposé une demande auprès du tribunal, au pied de laquelle elle a pris, avec suite de frais et dépens, les conclusions suivantes :
«1. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse du montant de 622 fr. 95 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2016, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2016.
2. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse du montant de 1'730 fr. 95 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2017, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2017.
3. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse du montant de 2'364 fr. 60 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2018, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2018.
4. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse du montant de 252 fr net, correspondant à un solde d'indemnités journalières dues pour l'année 2016, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2016. »
b) Le 22 juin 2021, A.A.____ a déposé une demande par devant le tribunal, au pied de laquelle il a pris, avec suite de frais et dépens, les conclusions suivantes :
« 1. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse [sic] du montant de 754 fr 65 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2016, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2016.
2. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse [sic] du montant de 2'804 fr. 90 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2017, avec intérêt à 5% l'an dès le 3 août 2017. »
c) Le 22 juin 2021, Z.____ a déposé une demande par devant le tribunal, au pied de laquelle il a pris, avec suite de frais et dépens, les conclusions suivantes :
« 1. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse [sic] du montant de 2'423 fr. 60 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2017, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2017.
2. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse [sic] du montant de 5'613 fr. 40 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2018, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2018. »
d) Le 24 juin 2021, B.____ a déposé une demande auprès du tribunal, au pied de laquelle elle a pris, avec suite de frais et dépens, les conclusions suivantes :
« 1. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse du montant de 2'237 fr. 10 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2016, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2016.
2. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse du montant de 7'798 fr. 30 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2017, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2017.
3. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse du montant de 2'610 fr. 70 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2018, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2018. »
e) Le 24 juin 2021, C.____ a déposé une demande auprès du tribunal, au pied de laquelle il a pris, avec suite de frais et dépens, les conclusions suivantes :
« 1. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse [sic] du montant de 3’769 fr. 75 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2017, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2017.
2. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse [sic] du montant de 5'230 fr. 88 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2018, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2018. »
f) Le 24 juin 2021 toujours, R.____ a déposé une demande auprès du tribunal, au pied de laquelle elle a pris, avec suite de frais et dépens, les conclusions suivantes :
« 1. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse du montant de 4'597 fr. 80 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2016, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2016.
2. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse du montant de 3'839 fr. 10 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2017, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2017.
3. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse du montant de 2'484 fr. 95 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2018, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2018. »
g) A la suite de l'accord des parties, le Président du tribunal a admis la jonction des causes mentionnées sous lettres a à f ci-dessus, par décision du
24 août 2018.
h) Le 11 novembre 2021, B.A.____ a déposé une demande auprès du tribunal, au pied de laquelle elle a pris, avec suite de frais et dépens, les conclusions suivantes :
« 1. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse du montant de 2'425 fr. 35 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2016, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2016.
2. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse du montant de 5'718 fr. brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2017, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2017.
3. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse du montant de 4’229 fr. 97 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2018, avec intérêt à 5% l'an dès le 31 décembre 2018. »
i) Le 16 novembre 2021, G.____ a déposé une demande auprès du tribunal, au pied de laquelle elle a pris, avec suite de frais et dépens, les conclusions suivantes :
« 1. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse du montant de 2'052 fr. 95 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2016, avec intérêt à 5% l'an dès le
31 décembre 2016.
2. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse du montant de 6'006 fr. 85 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2017, avec intérêt à 5% l'an dès le
31 décembre 2017.
3. La défenderesse, E.____, est reconnue débitrice de la demanderesse du montant de 778 fr. 01 brut, correspondant à un solde de salaire dû pour l'année 2018, avec intérêt à 5% l'an dès le
31 décembre 2018. »
j) Le 17 décembre 2021, l’appelante a déposé trois réponses, au pied desquelles elle a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de l’ensemble des conclusions prises dans les demandes susmentionnées. Elle a en outre conclu, à titre préalable, à ce que les causes la divisant d’avec les intimées B.A.____ et G.____ soient jointes aux causes la divisant d’avec les autres intimés.
k) Par décision du 15 février 2022, après avoir recueilli les déterminations des intimées B.A.____ et G.____, le Président du tribunal a ordonné la jonction des causes précitées.
l) Le 21 avril 2022, les intimés se sont déterminés sur les réponses de l’appelante.
m) L’audience de jugement s’est tenue le 14 juillet 2022, en présence des parties et de leurs conseils, sous réserve de B.A.____ qui a été dispensée de comparution personnelle.
En droit :
1.
1.1 L’appel est ouvert contre les décisions finales de première instance pour autant que la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l’autorité inférieure, soit de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC). L’appel, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l’instance d’appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 CPC).
1.2 En l’espèce, formé en temps utile par une partie qui a un intérêt digne de protection (art. 59 al. 2 CPC), contre une décision finale de première instance rendue dans une cause patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à
10'000 fr., l’appel est recevable.
2.
2.1 L'appel peut être formé pour violation du droit ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). L'autorité d'appel peut revoir l'ensemble du droit applicable, y compris les questions d'opportunité ou d'appréciation laissées par la loi à la décision du juge, et doit, le cas échéant, appliquer le droit d'office conformément au principe général de l'art. 57 CPC. Elle peut revoir librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu’il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 ; TF 5A_902/2020 du 25 janvier 2021 consid. 3.3 ; TF 4A_238/2015 du 22 septembre 2015 consid. 2.2 ; JdT 2011 III 43 consid. 2 et les références citées).
Sous réserve des vices manifestes, l'application du droit d'office ne signifie pas que l'autorité d'appel doive étendre son examen à des moyens qui n'ont pas été soulevés dans l'acte d’appel. Elle doit se limiter aux griefs motivés contenus dans cet acte et dirigés contre la décision de première instance ; l'acte d’appel fixe en principe le cadre des griefs auxquels l'autorité d’appel doit répondre eu égard au principe d'application du droit d'office (cf. ATF 147 III 176 consid. 4.2.1 et 4.2.2 ;
TF 5A_873/2021 du 4 mars 2022 consid 4.2 applicable en appel).
2.2
2.2.1 L’art. 317 al. 1 CPC prévoit que les faits et moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu’ils soient invoqués ou produits sans retard (let. a) et qu’ils n’aient pas pu l’être en première instance, bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces conditions sont cumulatives (TF 5A_456/2016 du 28 octobre 2016 consid. 4.1.1) et il appartient à l’appelant de démontrer qu’elles sont réalisées, de sorte que l’appel doit indiquer spécialement de tels faits et preuves nouveaux et motiver spécialement les raisons qui les rendent admissibles selon lui (ATF 143 III 42 consid. 4.1, JdT 2017 II 342 ;
TF 5A_266/2015 du 24 juin 2015 consid. 2.2.2 ; TF 4A_540/2014 du 18 mars 2015 consid. 3.1, RSPC 2015 p. 339).
Les faits notoires peuvent être retenus d’office y compris en deuxième instance (TF 4A_261/2013 du 1er octobre 2013 consid. 4.3 ; TF 4A_412/2011 du
4 mai 2012 consid. 2.2). Dans cette mesure, ils sont soustraits à l’interdiction des nova (TF 5A_719/2018 du 12 avril 2019 consid. 3.2.1).
2.2.2 En l’espèce, les intimés ont produit deux pièces nouvelles en deuxième instance, à savoir des arrêts de la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal (ci-après : la Chambre des recours civile) rendus respectivement les 29 septembre et
28 novembre 2022. Ces pièces sont recevables indépendamment même de la réalisation des conditions de l’art. 317 al. 1 CPC, dès lors qu’il s’agit de décisions de justice librement accessibles et consultables, qui sont connues de la Cour de céans et dont celle-ci peut tenir compte d’office (art. 57 CPC).
Pour les mêmes motifs, le jugement du Tribunal du travail du canton du Valais du 22 mars 2022, qui a été nouvellement produit par l’appelante à l’appui de sa réplique spontanée du 20 janvier 2023, est également recevable.
3.
3.1 L’appelante reproche aux premiers juges d’avoir considéré qu’elle était tenue, en vertu de la CCT Location de services, de verser un salaire minimum aux intimés. Elle soutient que le salaire convenu contractuellement avec les intimés serait valable, de sorte que les prétentions de ces derniers en paiement d’un salaire plus élevés auraient dû être rejetées.
3.2
3.2.1 L’appelante fait d’abord grief aux premiers juges d’avoir interprété la portée de l’art. 3 al. 3 CCT Location de services en se fondant sur le deuxième paragraphe de cette même disposition, dont le texte est indiqué en italique.
Se prévalant de l’art. 356c al. 1 CO, elle fait valoir qu’il serait exclu de conférer une valeur contraignante à un commentaire d’une convention collective de travail ou à une modification de celle-ci qui ne revêtirait pas la forme écrite. Elle soutient par ailleurs que le texte de la CCT Location de services produit par les intimés serait dépourvu de valeur, puisqu’il n’est pas signé et que rien n’indiquerait qu’il correspondrait bien au texte signé originalement entre les parties contractantes.
Invoquant l’art. 357 CO, l’appelante relève ensuite que les intimés n’ont jamais allégué, ni prouvé être membres d’un syndicat contractant ou démontré être liés par la CCT Location de services d’une autre manière. Elle en déduit que les intimés ne pourraient donc se prévaloir que de la partie étendue de ladite convention collective, dont le deuxième paragraphe de l’art. 3 al. 3 ne ferait pas partie.
3.2.2
3.2.2.1 Selon l’art. 322 al. 1 CO, l’employeur paie au travailleur le salaire convenu, usuel ou fixé par un contrat-type de travail ou par une convention collective.
En vertu de l’art. 357 al. 2 CO, quand les parties sont soumises, de quelque manière que ce soit, à une convention collective de travail prévoyant des salaires minimaux, elles ne sauraient valablement convenir d’un salaire inférieur. Si le salaire convenu par contrat individuel est inférieur à celui prescrit par la convention collective de travail, ce dernier remplace le salaire convenu (art. 322 al. 1 et
357 al. 2 CO ; Wyler/Heinzer, Droit du travail, 4e éd., Berne 2019, p. 185).
3.2.2.2 Il existe différents moyens qui permettent l’assujettissement d’un travailleur à une convention collective de travail (ci-après : CCT).
Envers les travailleurs membres d'une association contractante, les clauses normatives de la CCT auront en principe un effet direct et impératif dès lors que l'employeur est personnellement partie à la convention ou membre d'une association contractante (art. 356 al. 1, art. 357 al. 1 CO ; ATF 141 III 418
consid. 2.1).
Pour les travailleurs qui ne sont pas membres d'une organisation signataire ("dissidents"), l'assujettissement peut revêtir plusieurs formes.
- Le champ d'application de la CCT peut être étendu par décision d'une autorité cantonale ou fédérale (art. 1 de la loi fédérale du 28 septembre 1956 permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail [LECCT ; RS 221.215.311]).
- Le travailleur au service d'un employeur lié par la CCT peut aussi se soumettre individuellement à la convention avec le consentement des parties (soumission dite formelle), de sorte qu'il sera considéré comme lié par la convention (art. 356b al. 1 CO). La soumission (jadis appelée aussi "participation") est un contrat passé entre le travailleur dissident et les parties à la convention collective ; la déclaration de soumission et le consentement des parties à la CCT doivent revêtir la forme écrite (art. 356c al. 1 CO).
- La CCT peut encore contenir une clause faisant obligation aux employeurs liés par elle d'appliquer ses dispositions normatives à tous leurs employés, qu'ils soient membres d'une association de travailleurs ou non (clause d'égalité de traitement ou clause d'extension).
- Un employeur, lié ou non, peut également convenir avec le travailleur d'incorporer dans le contrat de travail les dispositions d'une CCT ; celle-ci ne produit alors pas directement un effet normatif, mais les parties peuvent exiger le respect de la CCT en réclamant l'exécution des clauses du contrat qui reprennent les dispositions conventionnelles (effets dits indirects de la CCT).
3.2.3 En matière de location de services, la CCT Location de services est entrée en vigueur le 1er janvier 2012. Par décision du 13 décembre 2011, à la demande des parties contractantes, le Conseil fédéral a déclaré cette CCT de force obligatoire du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, déclaration qui a été prorogée jusqu’au 31 décembre 2020 (FF 2018 7758). Par conséquent, la CCT Location de services – à l’exception de quelques dispositions qui n’ont pas été déclarées de force obligatoire par le Conseil fédéral, lesquelles sont indiquées en italique dans le texte de ladite CCT –, n’était plus uniquement obligatoire pour les parties contractantes mais également pour l’ensemble des bailleurs de services et leur personnel dont les services sont loués.
L’appelante est membre de Swisstaffing, qui est une partie contractante à la CCT Location de services, de sorte qu’elle est liée par l’ensemble des dispositions de celle-ci, y compris par celles qui ne sont pas déclarées de force obligatoire.
Les intimés, quand bien même ils ne seraient pas membres d’une organisation signataire, sont assujettis à la CCT Location de services, sans que leur signature ne soit nécessaire en raison de la décision d’extension fédérale mentionnée ci-dessus. En revanche, les dispositions de ladite CCT qui ne sont pas déclarées de force obligatoire par cette décision ne leur sont pas applicables, dès lors qu’ils n’ont pas allégué, ni démontré être membres d’une partie contractante. Or, tel est le cas du deuxième paragraphe de l’art. 3 al. 3 CCT Location de services, dont le texte est indiqué en italique et qui est obligatoire uniquement pour les parties contractantes et leurs membres (cf. « Remarques préalables », p. 5 de la CCT). Il s’ensuit que les intimés ne peuvent pas se prévaloir de cette disposition, le grief devant être admis dans cette mesure.
Pour le reste, le grief de l’appelante doit être rejeté, en tant qu’elle soutient que le texte de la CCT produit par les intimés serait dépourvu de valeur au motif qu’il ne serait pas signé. Tout d’abord, le contenu de la CCT Location de services, de même que son commentaire ainsi que la liste des parties contractantes sont des faits dont il peut être tenu compte ici d’office, dès lors qu’aucune des demandes en cause ne dépasse une valeur litigieuse de 30'000 fr. (art. 247 al. 2
let. b ch. 2 CPC). Ensuite, ces documents sont librement accessibles sur le site internet de swisstaffing, dont l’appelante ne conteste pas être membre (par exemple https://www.swisstaffing.ch/docs/fr/CCT Location de services/CCT Location de services 2019-2020 textedeloi.pdf). Dans ces conditions, ils doivent être considérés comme des faits notoires au sens de l’art. 151 CPC. On relèvera enfin que le commentaire de la CCT Location de services est publié, de sorte qu’il doit pouvoir être invoqué, à l’instar d’un article de doctrine, librement.
3.3
3.3.1 L’appelante conteste l’interprétation qui a été faite de l’art. 3 al. 3 CCT Location de services. Elle souligne en bref que pour les entreprises de l’industrie alimentaire, les partenaires sociaux y ont prévu la liberté contractuelle en matière de fixation des salaires et non l’introduction de salaires minimaux, dans l’espoir que les salaires pratiqués soient plus élevés que les salaires minimaux stipulés à l’art. 20 CCT Location de services.
Se référant au jugement du Tribunal de prud’hommes de la Broye et du Nord vaudois du 22 mars 2019, ainsi qu’aux arrêts rendus par la Chambre des recours civile les 29 septembre et 28 novembre 2022, les intimés soutiennent en substance que le but de l’art. 3 al. 3 CCT Location de services serait au contraire de protéger les travailleurs concernés en leur garantissant un salaire minimal. Selon eux, ce serait dès lors à juste titre que les premiers juges ont retenu qu’ils pouvaient prétendre à un salaire minimal et ont fait droit à leurs conclusions pour ce motif.
3.3.2
3.3.2.1 Aux termes de l’art. 20 LSE (loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de services du 6 octobre 1989 ; RS 823.11), lorsqu’une entreprise locataire de services est soumise à une CCT avec déclaration d’extension, le bailleur de services doit appliquer au travailleur les dispositions de la convention qui concernent le salaire et la durée du travail. Cette obligation s’étend notamment au salaire minimum (art. 48a de l’ordonnance sur le service de l’emploi du 16 janvier 1991 [OSE ; RS 823.111]).
L'art. 3 CCT Location de services a la teneur suivante :
« 1 La CCT Location de services est également applicable là où une autre convention collective de travail s'applique dans une entreprise locataire de services. Le cas échéant, elle reprend, à l'exclusion de ses propres dispositions, les dispositions concernant le salaire et le temps de travail visées à l'art. 20 LSE (RS 823.11) et à l'art. 48a OSE (RS 823.111) des CCT en vigueur dans l'entreprise locataire de services :
· qui font l'objet d'une décision d'extension, ou
· qui constituent, en tant que dispositions non étendues, des conventions entre partenaires sociaux selon l'annexe 1,
· ainsi que d'éventuelles dispositions relatives à la retraite-vieillesse flexible selon l'art. 20 LSE (al. 1).
2 Ne sont pas reprises les dispositions concernant l'assurance d'indemnités journalières maladie, la prévoyance professionnelle ainsi que les contributions pour l'exécution et la formation continue, pour autant que les solutions prévues dans la présente CCT soient au moins équivalentes aux dispositions des conventions collectives de travail étendues (CCT dfo), en vigueur dans les branches.
3 Dans les entreprises locataires de services dotées de conventions collectives de travail non étendues, qui ne figurent pas à l'annexe 1 de la présente CCT, les dispositions de la CCT Location de services s'appliquent dans leur intégralité. Les dispositions portant sur les salaires minimums selon l'art. 20 de la présente CCT sont exclues de ce champ d'application dans les entreprises de l'industrie chimique et pharmaceutique, de l'industrie des machines, de l'industrie graphique, de l'industrie horlogère, de l'industrie alimentaire et des produits de luxe ainsi dans les entreprises de transports publics.
Cette exclusion est convenue du fait que dans les branches précitées, les salaires minimums usuels en fonction de la localité et de la branche sont supérieurs à ceux fixés à l'art. 20 de la présente CCT. Si la Commission Professionnelle paritaire Suisse de la Location de Services (CPSLS) a des raisons sérieuses de penser qu'il y a dumping salarial dans l'une ou plusieurs de ces branches, elle ou toute partie signataire de la présente CCT peut demander à la commission tripartite compétente (art. 360b CO) d'ouvrir une enquête.
3.3.2.2 Le commentaire CCT Location de services prévoit ce qui suit sous
l'art. 3 al. 3 :
« En vertu de l'art. 3 al. 3 de la CCT Location de services, on appliquera l'intégralité des dispositions de la CCT Location de services aux entreprises soumises à une CCT non étendue qui ne sont pas énoncées dans l'annexe 1 de la CCT Location de services. En sont exceptées les dispositions en matière de salaires minimums conformément à l'art. 20 de la CCT Location de services dans certaines entreprises (entreprises chimique et pharmaceutique, industrie des machines, industrie graphique, horlogerie, industrie agroalimentaire et transports publics) :
Les commissions tripartites cantonales participent à la fixation des salaires usuels du lieu et de la branche, mais les modes de calcul peuvent différer. Ces salaires sont, en principe, basés d'une part sur des statistiques (notamment sur l’enquête sur la structure des salaires suisses effectuée tous les deux ans par l’Office fédéral de la statistique) et d'autre part sur des enquêtes ad hoc effectuées ou commanditées par les commissions tripartites. Pour fixer les salaires usuels du lieu et de la branche, les commissions tripartites se fondent sur au moins un des outils suivants :
· le livre des salaires de l'Office de l'économie et du travail de la Direction de l'économie publique du canton de Zurich ;
· le calculateur de salaires de l'Observatoire universitaire de l'Emploi (OUE) de l'Université de Genève ;
· le calculateur de salaires Salarium de l'Office fédéral de la statistique.
En guise d'aide, la CPSLS recommande aux sociétés de travail temporaire assujetties qui mettent à disposition leur personnel aux entreprises décrites ci-dessus de s'en tenir aux fourchettes du calculateur des salaires de l'Observatoire universitaire de l'Emploi (OUE) de l'Université de Genève, du calculateur Salarium de l'Office fédéral de la statistique (salaires des hommes en Suisse) ou du Livre des salaires zurichois.
Les commissions tripartites compétentes répondront volontiers à vos questions relatives aux salaires usuels locaux et de branche ».
Selon le tableau annexé à la CCT Location de services 2016-2018, le salaire minimum pour les entreprises précitées n'est pas fixé dans la CCT, mais est le salaire usuel dans la localité et la branche.
3.3.2.3 Les clauses d'une convention collective ayant un effet direct et impératif sur les contrats individuels entre employeurs et employés qu'elles lient (cf. art. 357 al. 1 CO) sont dites clauses normatives. Elles s'interprètent de la même manière qu'une loi (ATF 136 III 283 consid. 2.3.1 p. 284). La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Le juge peut cependant s'écarter d'une telle interprétation s'il a des raisons sérieuses de penser que le texte légal ne reflète pas la volonté réelle du législateur. Lorsque plusieurs interprétations sont possibles, il faut rechercher la véritable portée de la norme, en tenant compte notamment des travaux préparatoires, du but et de l'esprit de la règle, ainsi que de la systématique de la loi. Cela étant, lorsqu'il est question des clauses normatives d'une convention collective, il ne faut pas exagérer la distinction entre l'interprétation des lois et celle des contrats (ATF 136 III 283 consid. 2.3.1 p. 284). La volonté des parties à la convention collective revêt plus de poids que celle du législateur. Encore faut-il se demander, pour protéger la confiance des parties individuelles n'ayant pas participé à l'élaboration de la convention, si la volonté contractuelle dégagée selon les principes d'interprétation des contrats résiste à une interprétation objective fondée sur la lettre de la clause normative, son sens et sa raison d'être (ATF 133 III 213 consid. 5.2 ; TF 4A_335/2016 du 30 novembre 2016 consid. 3.1 ; TF 4A_220/2022 du 19 octobre 2022 consid. 3.1.1).
3.3.2.4 Dans un arrêt rendu le 11 mai 2015, le Tribunal fédéral a examiné la question de savoir si les travailleurs œuvrant dans les secteurs énumérés à l’art. 3
al. 3 CCT Location de services bénéficiaient des salaires minimaux prévus par
l’art. 20 de ladite CCT, respectivement des salaires usuels en fonction de la localité et de la branche (TF 4C_1/2014 du 11 mai 2015).
Le recours était dirigé contre la validité d’un contrat-type de travail imposant des salaires minimaux pour le personnel temporaire travaillant dans les secteurs d’industrie énumérés par l’art. 3 al. 3 CCT Location de services. L'autorité d'édiction de ce contrat-type (en l'occurrence le Conseil d'Etat tessinois) avait suivi la proposition de la commission tripartite cantonale, laquelle avait constaté des cas de dumping salarial dans les secteurs en question et préconisé l’adoption d’un contrat-type de travail garantissant aux travailleurs concernés un salaire minimum.
Dans les considérants en droit de cet arrêt, le Tribunal fédéral a rappelé que la procédure d’adoption du contrat normal de travail trouvait sa place « dans les secteurs où il n’existe pas de CCT, dans lesquels la CCT ne contient pas de dispositions relatives aux salaires ou si la CCT ne peut se voir conférer une obligation générale parce que les conditions légales ne sont pas remplies (Message du 23 juin 1999 concernant l’approbation des accords sectoriels entre la Suisse et la CE, FF 1999 5348 n° 276.132). Il a notamment considéré qu’en vertu de l’art. 3 al. 3 CCT Location de services, les travailleurs employés dans les entreprises des secteurs chimico-pharmaceutique, mécanique, graphique, horloger, alimentaire et du luxe, ainsi que dans les transports publics, n’étaient pas soumis aux salaires minimaux prévus par ladite CCT. Autrement dit, notre Haute Cour a retenu que selon la CCT Location de services, qui était généralement obligatoire, il n’existait pas de salaire minimum à respecter pour la main d’œuvre mise à disposition des entreprises précitées, et ce, dans toute la Suisse, la situation de cette main d’oeuvre étant comparable à celle qui existerait si une convention collective était en vigueur sans règles sur le salaire minimum (consid. 6.3). Dans un tel cas, comme indiqué, les autorités compétentes pourraient intervenir par le biais d’un contrat de travail normal. Se référant au 2ème paragraphe de l’art. 3 al. 3 CCT Location de services, le Tribunal fédéral a en outre relevé qu’en adoptant ladite CCT, les partenaires sociaux étaient conscients que des situations de dumping salarial pouvaient survenir dans les secteurs exclus par l’art. 3 al. 3 et que, pour cette éventualité, ils avaient réservé et préparé expressément l’intervention de la commission tripartite. Il s’ensuivait que la thèse d’un silence qualifié devait être écartée et que le contrat-type de travail attaqué – adopté sur proposition de la commission tripartite cantonale aux fins de remédier à des cas de dumping salarial qui avaient été constatés dans les secteurs en question – non seulement n’empiétait pas sur le cadre réglementaire de la CCT Location de services, mais en constituait le complément adéquat, qui respectait tant la volonté des partenaires sociaux que l’art. 360a al. 1 CO. Par conséquent, ledit contrat-type de travail avait été valablement adopté et le recours devait être rejeté.
3.3.3
3.3.3.1 Les premiers juges ont retenu que l’interprétation littérale de l’art. 3 al. 3 CCT Location de services n’était pas suffisante à mettre en lumière le sens que les partenaires sociaux avaient voulu donner à cette disposition. Selon ces magistrats, l’interprétation téléologique de celle-ci permettait en revanche d’affirmer que son but n’était pas de péjorer la situation des travailleurs temporaires actifs dans les branches concernées, mais au contraire de les protéger dans ces domaines. Les premiers juges ont ainsi considéré que l’art. 3 al. 3 CCT Location de services confirmait la volonté des parties contractantes, soit de protéger les travailleurs temporaires en leur assurant un salaire minimum au moins équivalent à celui prévu par ladite CCT, voire supérieur lorsque d’autres CCT primaient à cet égard dans des domaines spécifiques. Ils ont conclu qu’il n’y avait aucun motif de s’écarter de la position retenue par le Tribunal de prud’hommes dans son jugement du 22 mars 2019 et qu’il fallait reconnaître un salaire minimum aux employés concernés pour éviter un nivellement vers le bas des salaires dans le secteur d’activité en cause, tout en assurant l’égalité entre le personnel fixe et temporaire.
3.3.3.2 En l’espèce, au vu de l’arrêt TF 4C_1/2014 résumé ci-dessus (cf. supra consid. 3.3.2.4), qu’aucun élément nouveau ne permet de remettre en cause, il convient de constater que l’art. 3 al. 3 CCT Location de services doit bien être interprété en ce sens que les intimés ne peuvent invoquer ni les salaires minimaux prévus par l’art. 20 de ladite CCT, ni les salaires moyens dans la branche concernée. L’interprétation contraire qu’ont fait les premiers juges de l’art. 3 al. 3 CCT Location de services ne saurait dès lors être suivie pour ce motif déjà. Cette interprétation prête également le flanc à la critique pour les motifs suivants.
Premièrement, le texte figurant à l'art. 3 al. 3 CCT Location de services est clair en tant qu’il exclut l'application des salaires minimaux prévus à l'art. 20 de ladite CCT à certains domaines professionnels, tel que celui de l’industrie alimentaire. Or, il est logique que si les partenaires sociaux avaient décidé d'instaurer des salaires minimaux pour toutes les branches d’activité, ils n'auraient alors tout simplement pas prévu d'exception au champ d’application de l'art. 20 CCT Location de services.
Deuxièmement, le commentaire de l'art. 3 al. 3 CCT Location de services explique que les partenaires sociaux ont prévu cette exclusion au motif que, dans les branches citées par cet article, les salaires minimaux usuels en fonction de la localité et de la branche étaient supérieurs à ceux fixés à l'art. 20 CCT Location de services. On ne peut toutefois en déduire, comme le font les intimés, que le salaire minimum dans ces branches – en particulier dans l’industrie alimentaire – serait alors le salaire usuel en fonction de la localité et de la branche concernée. En effet, à l’instar de ce qui ressort des considérants de l’arrêt TF 4C_1/2014 précité (consid. 6.4), ce même commentaire mentionne également que si la Commission Professionnelle paritaire Suisse de la Location de Services a des raisons sérieuses de penser qu'il y a du dumping salarial dans l'une ou plusieurs de ces branches, elle ou toute partie signataire peut demander à la commission tripartite compétente d'ouvrir une enquête. Or, il est contradictoire d'envisager l'hypothèse du « dumping salarial » si les salaires minimaux de l'art. 20 CCT Location de services devaient de toute manière être respectés et encore plus si ces salaires minimaux devaient être les salaires usuels dans la localité et la branche, qui sont en réalité supérieurs à ceux prévus par l’art. 20 CCT Location de service. En effet, le dumping n'est possible que si précisément aucun salaire minimal n’est prévu.
Par ailleurs, le commentaire de l’art. 3 al. 3 CCT Location de services recommande aux sociétés de travail temporaire assujetties qui mettent leur personnel à disposition des entreprises actives dans les branches citées par ce même article de s'en tenir aux fourchettes du calculateur des salaires de l'Observatoire universitaire de l'Emploi de l'Université de Genève, du calculateur Salarium de l'Office fédéral de la statistique (salaires des hommes en Suisse) ou du Livre des salaires zurichois. Les termes à ce propos sont clairs : il s'agit bien de recommandations et non pas d'obligations.
On relèvera enfin que les partenaires sociaux liés par la CCT Location de services ont définitivement mis fin à la controverse de savoir si un salaire minimum était ou non applicable aux domaines d’activité énumérés par l’art. 3 al. 3 de ladite CCT. En effet, selon la CCT Location de services 2021/2023 – dont il peut être tenu compte d’office ici en vertu de l’art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC – cette disposition a désormais la teneur suivante :
« Dans les entreprises locataires de services dotées de conventions collectives de travail non étendues qui ne figurent pas à l’annexe 1 de la CCT, les dispositions de la CCT Location de services s’appliquent dans leur intégralité. Les dispositions portant sur les salaires minimums selon l’art. 20 de la CCT Location de services sont exclues de ce champ d’application jusqu’au 31 décembre 2022 dans les entreprises de l’industrie chimique et pharmaceutique, de l’industrie des machines, de l’industrie graphique, de l’industrie horlogère, de l’industrie alimentaire et des produits de luxe ainsi que dans les entreprises de transports publics. Dès le 1er janvier 2023, les salaires minimums selon l’art. 20 de la CCT Location de services sont applicables en cas de missions dans ces entreprises. »
Il apparaît ainsi que c’est uniquement depuis le 1er janvier 2023 que les salaires minimums prévus par l’art. 20 CCT Location de services s’appliquent aux domaines d’activité précités – notamment à l’industrie agroalimentaire –, respectivement qu’ils ne s’y appliquaient pas avant cette date.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, on doit admettre que les salaires minimaux fixés à l'art. 20 CCT Location de services, respectivement les salaires usuels de la branche d’activité concernée et de la localité, ne s'appliquent pas aux intimés. On ne saurait suivre la solution retenue à cet égard dans les arrêts de la Chambre des recours civile des 29 septembre et 28 novembre 2022, ainsi que dans le jugement du Tribunal de prud’hommes de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois du 22 mars 2019. Dans les deux arrêts précités, la Chambre des recours civile a en substance considéré que le commentaire de la CCT Location de services constituait une base d’interprétation pertinente de l’art. 3 al. 3 de ladite CCT et qu’il en ressortait clairement que dans les entreprises exemptées des dispositions en matière de salaires minimums conformément à l’art. 20 CCT Location de services, le salaire brut des travailleurs devait être fixé en fonction du salaire usuel de la branche et de la localité. Or, au vu des motifs exposés ci-dessus – notamment des considérants de l’arrêt TF 4C_ 1/2014 précité –, une telle interprétation ne peut être suivie. Elle n’apparaît en effet pas compatible avec la jurisprudence du Tribunal fédéral, ni avec la volonté des parties liées par la CCT Location de services, ni avec le texte et le but de l’art. 3 al. 3 de celle-ci.
4.
4.1 Les intimés relèvent que si l'interprétation de l'art. 3 al. 3 CCT Location de services selon laquelle la volonté des parties signataires était de prévoir des salaires minimaux à hauteur du salaire d'usage dans les branches citées par cette disposition n'était pas retenue, il conviendrait alors de déterminer les conséquences juridiques d'un cas de dumping salarial qui se produirait dans l'une de ces branches. Ils soutiennent que la situation de dumping salarial ne ferait aucun doute dans le cas d'espèce, que la Commission tripartite serait intervenue et aurait considéré comme adéquat un salaire de 19 fr. 75 par heure hors suppléments, que le mécanisme prévu à l'art. 3 al. 3 CCT Location de services aurait été respecté et que les travailleurs concernés auraient par conséquent droit au salaire minimum usuel en fonction de la localité et de la branche.
4.2 Selon le deuxième paragraphe de l'art. 3 al. 3 CCT Location de services, si la Commission Professionnelle paritaire Suisse de la Location de Services (CPSLS) a des raisons sérieuses de penser qu'il y a dumping salarial dans l'une ou plusieurs des branches pour lesquelles l’application des salaires minimaux de l’art. 20 CCT Location de services est exclue, elle ou toute partie signataire de ladite CCT peut demander à la commission tripartite compétente (art. 360b CO) d'ouvrir une enquête.
En vertu de l'art. 360b CO, les commissions tripartites doivent être composées en nombre égal de représentants des employeurs et des travailleurs ainsi que de représentants de l'Etat (al. 1). Elles doivent observer le marché du travail et, si elles constatent des abus, tenter de trouver un accord avec les employeurs concernés ; en cas d'échec, elles proposent à l'autorité compétente d'édicter pour les branches ou les professions concernées un contrat-type de travail fixant des salaires minimaux (al. 3). Si l'évolution de la situation dans les branches concernées le justifie, elles proposent à l’autorité compétente de modifier ou d'abroger le contrat-type de travail (al. 4). Pour remplir leurs tâches, lesdites commissions disposent de compétences d'enquête (al. 5 et 6).
4.3 En l’espèce, iI résulte de la disposition précitée que la Commission tripartite n'a pas la compétence de décider et de fixer pour les acteurs concernés le salaire usuel. Elle peut uniquement enquêter et tenter de trouver un accord avec l'employeur concerné en cas de constatation d'une sous-enchère et, en cas d’échec, proposer à l’autorité compétente d’édicter un contrat-type de travail fixant des salaires minimaux. Or ici, il n’est pas contesté qu’un tel accord ou un tel contrat-type n’a pas été conclu, contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt TF 4C_1/2014. Ainsi, les parties sont liées par les contrats signés entre elles et non pas par l'avis ou les recommandations de la Commission tripartite.
Les intimés ne peuvent dès lors prétendre au paiement d’un salaire supérieur à celui convenu dans les différents contrats de mission temporaire qu’ils ont conclus.
5.
5.1 Au vu de ce qui précède, l’appel doit être admis et le jugement attaqué réformé en ce sens que les conclusions des intimés sont rejetées.
5.2 Si l’instance d’appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais – soit les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC) – de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).
Le jugement querellé a été rendu sans frais judiciaires en application de l’art. 114 let. c CPC, ce qui doit être confirmé.
S’agissant des dépens de première instance, l’appelante a été astreinte à verser aux intimés la somme de 3'000 fr. à ce titre. Dès lors que les intimés voient en définitive leurs conclusions entièrement rejetées, ils seront astreints, solidairement entre eux, à verser à l’appelante des dépens de première instance à hauteur de ce même montant (art. 106 al. 1 et 3 CPC).
5.3 Il ne sera pas perçu de frais judiciaires de deuxième instance, conformément à l’art. 114 let. c CPC.
Obtenant entièrement gain de cause en appel, l’appelante a droit à de pleins dépens de deuxième instance. Au vu de la valeur litigieuse et de la difficulté de la cause, ceux-ci seront arrêtés à 3'000 fr. (art. 3 al. 2 et 7 TDC) et mis à la charge des intimés, solidairement entre eux (art. 106 al. 1 et 3 CPC).
Par ces motifs,
la Cour d’appel civile
prononce :
I. L’appel est admis.
II. Il est statué à nouveau comme il suit :
I. Les demandes formulées par A.A.____, F.____, Z.____, B.____, C.____, R.____, G.____ et B.A.____ sont rejetées.
II. A.A.____, F.____, Z.____, B.____, C.____, R.____, G.____ et B.A.____, solidairement entre eux, doivent à E.____, la somme de 3'000 fr. (trois mille francs) à titre de dépens.
III. Il est statué sans frais judiciaires de première instance.
III. Les intimés A.A.____, F.____, Z.____, B.____, C.____, R.____, G.____ et B.A.____, solidairement entre eux, verseront à E.____, la somme de 3'000 fr. (trois mille francs) à titre de dépens de deuxième instance.
IV. Il n’est pas perçu de frais judiciaires de deuxième instance.
V. L’arrêt est exécutoire.
La présidente : Le greffier :
Du
Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié à :
Me Olivier Subilia (pour E.____),
Syndicat Unia, Région Vaud, Marie Maillefer (pour A.A.____, F.____, Z.____, B.____, C.____, R.____, G.____ et B.A.____),
et communiqué, par l'envoi de photocopies, à :
Mme la Présidente du Tribunal de prud’hommes de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois.
Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral au sens des art. 72 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral – RS 173.110), le cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Dans les affaires pécuniaires, le recours en matière civile n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à 15'000 fr. en matière de droit du travail et de droit du bail à loyer, à 30'000 fr. dans les autres cas, à moins que la contestation ne soulève une question juridique de principe (art. 74 LTF). Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF).
Le greffier :
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
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