Kanton: | VD |
Fallnummer: | HC/2023/328 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: |
Datum: | 12.07.2023 |
Rechtskraft: |
Leitsatz/Stichwort: | |
Zusammenfassung : | Die Cour d'appel civile des Tribunal cantonal a jugé, qu'un contrat de prêt entre G.________ en Suisse et N.________ à Chypre était soumis à la clause de prorogation de for en faveur des autorités chypriotes, rendant la compétence suisse inapplicable. G.________ a interjeté appel contre cette décision, demandant l'annulation du jugement et le renvoi de l'affaire pour instruction. La Cour a examiné les faits liés à la société P.________ fondée par G.________ et les investissements des sociétés H.________, L.________ et N.________. La Cour a conclu que la clause de prorogation de for en faveur de Chypre était valable, empêchant ainsi la compétence suisse. Le tribunal a jugé que l'appel était recevable et a confirmé la décision initiale. |
Schlagwörter : | Appel; ’appel; écision; Appelant; Suisse; ’appelant; édéral; ération; Action; écembre; étence; ’intimée; édure; ésident; éposé; Convention; Lugano; était; L’appel; Arrondissement; ’arrondissement; ’Est; Chypre; -après |
Rechtsnorm: | Art. 100 BGG; Art. 106 ZPO; Art. 237 ZPO; Art. 3 LDIP; Art. 308 ZPO; Art. 30a SchKG; Art. 310 ZPO; Art. 311 ZPO; Art. 5 LDIP; Art. 57 ZPO; Art. 59 ZPO; Art. 6 LDIP; Art. 60 ZPO; Art. 62 VwVG; Art. 74 BGG; Art. 83 SchKG; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: |
TRIBUNAL CANTONAL | PO22.004109-221585 280 |
cour d’appel CIVILE
_______________
Arrêt du 12 juillet 2023
__________
Composition : Mme CRITTIN DAYEN, présidente
MM. GE1de Montvallon de Montvallon, juges
Greffier : M. Clerc
*****
Art. 59 al. 1, 237 al. 1 CPC ; 30a, 83 al. 2 LP ; 1 LDIP ; 2 CL
Statuant sur l’appel interjeté par [...] G.____, à [...], demandeur, contre le jugement rendu le 8 novembre 2022 par le Président du Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois dans la cause divisant l’appelant d’avec N.____, à Limassol (Chypre), défenderesse, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal considère :
En fait :
A. Par jugement du 8 novembre 2022, le Président du Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois (ci-après : le président ou le premier juge) a déclaré irrecevable la requête déposée le 31 janvier 2022 par G.____ à l’encontre de N.____ (I), a arrêté les frais à 1'000 fr. à la charge de G.____ (II), a dit que G.____ devait verser à N.____ la somme de 2'500 fr. à titre de dépens (III) et a rayé la cause du rôle (IV).
En droit, le premier juge a relevé que la cause présentait des éléments d’extranéité puisqu’elle concernait l’exécution d’un contrat de prêt conclu le 17 décembre 2018 entre G.____, domicilié en Suisse, et N.____, sise dans la République de Chypre. Il a rappelé l’existence de la clause d’élection de droit et de prorogation de for en faveur des autorités chypriotes contenue dans ledit contrat. Le président a relevé que le for de l’action en libération de dette est de droit dispositif si bien que la clause de prorogation de for était valable. G.____ n’ayant pas démontré ni même allégué que le droit chypriote ne connaitrait pas une telle action, un for de nécessité ne pouvait pas non plus être créé en Suisse. Enfin, le fait pour N.____ d’avoir requis la mainlevée du juge du for de la poursuite en Suisse ne signifiait pas que cette société acceptait tacitement la juridiction suisse quant au for.
B. Par acte du 8 décembre 2022, G.____ (ci-après : l’appelant) a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et dépens, à son annulation et au renvoi de la cause à l’autorité inférieure pour instruction et jugement sur le fond.
N.____ (ci-après : l’intimée) n’a pas été invitée à déposer une réponse.
C. La Cour d'appel civile retient les faits pertinents suivants, sur la base du jugement complété par les pièces du dossier :
1. a) L’appelant est le fondateur de la société P.____, dont le siège se trouve au [...].
P.____ a pour but « le développement d’un programme de formation et d’éducation sur les dangers de la montagne et du ski hors-pistes en Suisse et à l’étranger, ainsi que la promotion d’un logo et d’un système de certification international concernant le ski hors-pistes, sa pratique et l’équipement nécessaire à sa pratique ».
b) L’intimée est une société chypriote dont le siège se trouve à [...].
2. a) En 2018, l’appelant était à la recherche d’investisseurs pour P.____ et a trouvé trois sociétés désireuses d’investir, soit H.____, L.____ et l’intimée.
b) Par convention du 18 décembre 2018, les parties, H.____ et L.____ sont convenues d’acheter la totalité des actions de P.____ à travers la société M.____, dont le siège se situe à la même adresse que l’intimée. Ladite convention prévoyait que les actions devaient être confiées à la société X.____, prétendue « nominal shareholder ».
L’appelant ne disposait pas des moyens financiers pour l’achat des actions de M.____, si bien que, selon la convention, des prêts lui seraient octroyés et feraient l’objet de contrats distincts. A cette fin, l’appelant a conclu des contrats de prêt aux termes desquels H.____, L.____ et l’intimée lui prêteraient les montants nécessaires à l’opération envisagée. En particulier, le contrat de prêt conclu le 17 décembre 2018 entre les parties prévoit à son chiffre 13 une élection de droit et une prorogation de for en faveur des autorités chypriotes.
3. a) Le 6 mai 2020, à la réquisition de l’intimée, l’Office des poursuites du district de Lavaux-Oron a notifié à l’appelant dans la poursuite n° [...] un commandement de payer la somme de 34'014 fr. 55 plus intérêt à 5% l’an dès le 17 décembre 2018, indiquant comme titre de la créance ou cause de l’obligation :
« Solde contrat de prêt 17/12/2018 – EUR 30'000.00 Taux 1.0695 = Fr. 32,085.00
Intérêts légaux 5% du 17/12/2018 au 10/03/2020 (433 jours comptables) = Fr. 1929.55 »
L’appelant a formé opposition totale.
b) Le 11 juin 2020, l’intimée a déposé une requête de mainlevée de l’opposition par devant la Juge de paix du district de Lavaux-Oron (ci-après : la juge de paix).
c) Le 9 décembre 2021, la juge de paix a prononcé la mainlevée provisoire de l’opposition à concurrence de 32'085 fr. plus intérêt à 2% l’an dès le 1er juillet 2019.
4. a) Par demande en libération de dette déposée le 31 janvier 2022 par devant le Président du Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois, l’appelant a conclu, avec suite de frais et dépens, à ce qu’il soit prononcé qu’il ne doit pas à l’intimée la somme de 32'085 fr., plus intérêt à 2% l’an dès le 1er juillet 2019, faisant l’objet du prononcé de la mainlevée provisoire rendu par la juge de paix le 9 décembre 2021 et à ce qu’ordre soit donné au préposé de l’Office des poursuites du district de Lavaux-Oron de procéder à la radiation de la poursuite n° [...] et de ne plus en communiquer l’existence.
b) L’intimée a déposé une réponse le 25 avril 2022 au pied de laquelle elle a conclu, avec suite de frais et dépens, préalablement, à l’irrecevabilité de la demande, la compétence du Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois n’étant pas donnée, ainsi que, subsidiairement et au fond, au rejet des conclusions de l’appelant et à ce que l’opposition totale interjetée par celui-ci au commandement de payer n° [...] soit définitivement levée à concurrence du montant de 32'085 fr. plus intérêt à 2% l’an dès le 1er juillet 2019, plus accessoires et frais.
c) A l’audience du 5 septembre 2022 tenue en présence des conseils des parties, il a été décidé de rendre un prononcé séparé sur la question de la recevabilité.
En droit :
1.
1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance, dans les causes patrimoniales dont la valeur est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a CPC). L'appel, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance d'appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 CPC).
Une décision est finale lorsqu'elle met fin à la procédure, que ce soit par une décision au fond – pour un motif tiré du droit matériel – ou par une décision d'irrecevabilité – pour un motif de procédure (TF 5A_154/2015 du 5 octobre 2015 consid. 2.2 ; TF 4A_545/2014 du 10 avril 2015 consid. 2.1, RSPC 2015 p. 334 ; CACI 27 janvier 2023/35 consid. 1.1).
La décision est incidente, à teneur de l'art. 237 al. 1 CPC, si l'instance de recours peut prendre une décision contraire qui mettrait fin au procès et permettrait de réaliser une économie de temps ou de frais appréciable. Une telle décision ne statue pas définitivement sur l'action, mais elle préjuge de la décision finale en ce sens qu'elle influe sur celle-ci au point qu'une décision contraire pourrait entraîner une décision finale immédiate et qu'elle lie l'instance qui l'a rendue de telle sorte que celle-ci ne la reverra plus lorsqu'elle rendra sa décision finale (Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2e éd., Bâle 2019 [cité ci-après : CR CPC], n. 3 ad art. 237 CPC ; Colombini, Code de procédure civile, Condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise, Lausanne 2018, n. 1.1.1 ad art. 237 CPC ; Jeandin, CR, CPC, 2e éd., n. 9 ad art. 308 CPC ; TF 4A_407/2016 du 7 février 2017 consid. 1.4 et 1.5 ; TF 5A_844/2021 du 25 mai 2022 consid. 4.3 ; TF 4A_545/2014 précité consid. 2.1, RSPC 2015 p. 334 ; CACI 20 avril 2023/166 consid. 1.1.1). Une décision incidente est ainsi une décision « potentiellement finale », c'est-à-dire qu'elle met fin au litige si la juridiction de deuxième instance accueille le recours dirigé contre elle (Rétornaz, L'appel et le recours, in Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, 2010, p. 359). Il s'agit normalement de décisions rendues sur des conditions de recevabilité de la demande ou de la reconvention, ou sur des questions de fond jugées séparément, à la condition que l'instance de recours puisse mettre fin à l'action elle-même et que cela permette d'économiser du temps et des frais. Si les conditions de l'art. 237 al. 1 CPC sont remplies, le tribunal peut rendre une décision séparée, et s'il le fait, le recours immédiat est obligatoire et la décision doit être attaquée immédiatement, cette décision ne pouvant plus être attaquée ultérieurement dans le recours contre la décision finale (art. 237 al. 2 CPC) (TF 5A_844/2021 précité consid. 4.3 ; TF 4A_545/2014 précité consid. 4.3 ; Jeandin, ibidem ; CACI 27 février 2023/91 consid. 1.1 ; CACI 10 janvier 2023/8 consid. 3.2.3).
1.2 En l'espèce, l'appel, écrit et motivé, a été déposé dans le délai de trente jours. Le jugement entrepris est une décision incidente au sens de la jurisprudence précitée dans la mesure où il préjuge de l’issue du litige puisqu’il y met fin par une irrecevabilité de la requête de l’appelant. L’appel est donc recevable formellement.
1.3 En outre, à l’instar de l’acte introductif d’instance, l’acte d’appel doit contenir des conclusions au fond. Il faut donc que l’appelant explicite dans quelle mesure la décision attaquée doit être modifiée ou annulée (ATF 137 III 617 consid. 4.2.2, JdT 2012 III 23 et réf. cit. ; TF 5A_645/2021 du 2 février 2022 consid. 3.2 ; TF 5A_978/2018 du 15 avril 2019 consid. 1.2), ses conclusions pouvant être interprétées à la lumière de la motivation de l'appel. Elles doivent en principe être libellées de telle manière que l’autorité d’appel puisse, s’il y a lieu, les incorporer sans modification au dispositif de sa propre décision (ATF 137 III 617 consid. 4.2 et 4.3, JdT 2014 II 187 ; TF 5A_787/2021 du 16 décembre 2022 consid. 3.1 ; TF 4A_207/2019 du 17 août 2020 consid. 3.2, non publié à l’ATF 146 III 413 ; TF 5A_775/2018 du 15 avril 2019 consid. 3.4 ; CACI 24 février 2023/84 consid. 7.1). L'appelant ne saurait, sous peine d'irrecevabilité, se limiter à conclure à l'annulation de la décision attaquée, l’appel ordinaire ayant un effet réformatoire, et doit au contraire prendre des conclusions au fond permettant à l’instance d’appel de statuer à nouveau. Il n’est fait exception à la règle de l’irrecevabilité des seules conclusions en annulation que si l’autorité, en cas d’admission de l’appel, ne serait de toute manière pas en mesure de statuer elle-même sur le fond, en particulier faute d’un état de fait suffisant, et ne pourrait que renvoyer la cause à l’autorité inférieure (ATF 134 III 379 consid. 1.3, JdT 2012 III 23 ; TF 4A_426/2019 du 12 septembre 2019 consid. 5.1 ; TF 5A_792/2016 du 23 janvier 2017 consid. 1.2 ; CACI 5 avril 2023/146 consid. 4.2 ; Juge délégué CACI 8 décembre 2022/600 consid. 4.1 ; Juge délégué 25 novembre 2022/584 consid. 3.3.2).
1.4 Cette dernière exception est applicable à la présente cause puisque l’appel ne peut porter que sur la compétence du président de première instance pour se saisir de la cause et l’instruire. L’appelant ne pouvait que prendre des conclusions en annulation de la décision.
L’appel est également recevable sous cet angle.
2. L’appel peut être formé pour violation du droit ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). L’autorité d’appel peut revoir l’ensemble du droit applicable, y compris les questions d’opportunité ou d’appréciation laissées par la loi à la décision du juge, et doit le cas échéant appliquer le droit d’office conformément au principe général de l’art. 57 CPC. Elle peut revoir librement la constatation des faits sur la base des preuves administrées en première instance (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 ; TF 4D_7/2020 du 5 août 2020 consid. 5 ; TF 4A_215/2017 du 15 janvier 2019 consid. 3.4 ; Tappy, Les voies de droit du nouveau Code de procédure civile, JdT 2010 III 129, spéc. p. 134). Le libre pouvoir d’examen ne signifie pas que le juge d’appel soit tenu, comme une autorité de première instance, d’examiner toutes les questions de fait ou de droit qui peuvent se poser, lorsque les parties ne les font plus valoir devant lui. Sous réserve de vices manifestes, il peut se limiter aux arguments développés contre le jugement de première instance dans la motivation écrite (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4, JdT 2017 II 153 ; TF 5A_437/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4.2.1 ; TF 5A_605/2018 du 7 décembre 2018 consid. 5.3 ; TF 4A_536/2017 du 3 juillet 2018 consid. 3.2). Cette jurisprudence ne remet pas en cause la liberté conférée aux juges d’admettre l’appel en s’appuyant sur un argument non explicitement discuté par les parties (TF 4A_313/2019 du 19 mars 2020 consid. 3).
3.
3.1 L'appelant admet que la décision attaquée applique avec raison la Convention de Lugano du 30 octobre 2007, applicable aux deux parties au vu de leur domicile respectif. Il admet également que l'action en libération de dette est un procès au fond, qui a des incidences sur la poursuite. Il conteste en revanche le raisonnement du premier juge, qui l'a conduit à déclarer irrecevable l'action déposée par l'appelant le 31 janvier 2022.
3.2
3.2.1 Selon l'art. 59 al. 1 CPC, le tribunal n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action. Le tribunal examine d’office si les conditions de recevabilité sont réalisées (art. 60 CPC) et l’une de ces conditions est que le tribunal soit compétent à raison du lieu (art. 59 al. 2 let. b CPC).
3.2.2 En l’espèce, les parties admettent que la cause présente des éléments d’extranéité, si bien qu’il convient d’examiner en premier lieu la compétence internationale des autorités puis la compétence interne.
3.2.3 En matière internationale, la compétence des autorités judiciaires suisses et le droit applicable sont régis par la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP ; RS 291), sous réserve des traités internationaux (art. 1 al. 1 let. a et b al. 2 LDIP).
3.2.4 La cause introduite à Vevey a pour objet l'exécution de garanties conclues entre un particulier domicilié en Suisse et une société dont le siège se trouve dans la république de Chypre, laquelle fait partie de l’Union européenne. La Convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale du 30 octobre 2007 (ci-après : Convention de Lugano ou CL) est en vigueur en Suisse et dans l’Union européenne depuis le 1er janvier 2011, respectivement le 1er janvier 2010, soit bien avant l'introduction de l'action judiciaire litigieuse. En outre, les parties étant l'une et l'autre domiciliées dans un état signataire, ce texte est bien applicable en l'espèce.
3.2.5 L'art. 83 al. 2 LP (loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite ; RS 281.1) permet au poursuivi, dans les 20 jours à compter de la mainlevée, d'intenter au for de la poursuite une action en libération de dette. L’art. 30a LP prévoit néanmoins que les traités internationaux et les dispositions de la LDIP sont réservés.
Selon l'ATF 130 III 285, JdT 2005 II 117, lorsque le créancier domicilié dans un Etat partie à la Convention de Lugano n'introduit pas une demande en paiement, mais choisit la voie de la poursuite au for du domicile du débiteur en Suisse, il n'est pas contraire à l'art. 2 al. 1 CL d'admettre que l'action en libération de dette au sens de l'art. 83 al. 2 LP puisse aussi être déposée en Suisse par le débiteur poursuivi (consid. 5.3.3). Plus précisément, le Tribunal fédéral a retenu d'abord que c'était exclusivement à la lumière des règles de compétence figurant aux art. 2 à 18 CL qu'il convenait d'examiner l'existence d'un for pour l'action en libération de dette (consid. 3.2) et non pas selon l’art. 83 al. 2 LP, l’action en libération de dette étant une action matérielle et non pas une procédure incidente à la poursuite (ATF 136 III 583 consid. 2 ; ATF 124 III 207 consid. 3a ; ATF 118 III 40 consid. 2a ; Staehelin, Kommentar SchKG I, Bâle 2010, n° 35 ad art. 30a LP ; Kaufmann-Kohler, Commandement de payer, mainlevée provisoire, action en libération de dette et Convention de Lugano, SJ 1995 p. 537 ss, 557; en ce sens, Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991 concernant la révision de la LP, FF 1990 II 290 et 312). Une telle interprétation est au demeurant conforme à la conception de la garantie du for du domicile du défendeur de l'art. 30 al. 2 Cst. (consid. 5.3.4), ce qui a pour effet supplémentaire de supprimer le risque d'un conflit de compétence négatif (consid. 5.3.5). Enfin, le Tribunal fédéral a précisé que cette solution ne prêtait pas à discussion, le débiteur ayant son domicile en Suisse, car la doctrine s'était abondamment prononcée sur la situation du débiteur poursuivi en Suisse mais domicilié à l'étranger, ce qui n'était pas le cas dans l'affaire examinée où il était en Suisse (consid. 5.4).
3.2.6 En l’espèce, on doit donc admettre à ce stade qu’un for en Suisse existe, l’ATF 124 III 207 consid. 3a, JdT 1999 II 55 et la doctrine citée par l’appelant ne prévoyant au demeurant pas le contraire. Il convient néanmoins d’examiner quelle conséquence éventuelle la prorogation de for conventionnelle a sur la compétence des autorités suisses.
3.3
3.3.1 Le contrat de prêt du 17 décembre 2018 comprend à son chiffre 13 une prorogation de for et une élection de droit en faveur des autorités chypriotes.
3.3.2 Dans un arrêt 4A_229/2018 du 12 octobre 2018 consid. 6, le Tribunal fédéral a retenu qu'une clause d'élection de for n'avait pas d'effet lorsqu'elle entrait en conflit avec une disposition de la loi prévoyant une compétence impérative. Le Tribunal fédéral ayant jugé depuis longtemps que le for prévu au lieu de la poursuite de l'art. 83 al. 2 LP pouvait être valablement remplacé par un for élu en Suisse (ATF 87 III 23 consid. 2), voire à Singapour (TF 4C.189/2001 du 1er février 2002 consid. 5a) ou au Liechtenstein (TF 5A_164/2008 du 9 septembre 2008 consid. 4.2.3), il en a conclu que la clause imposant un for exclusif à Vaduz semblait opposable à la demanderesse. Outre que l'arrêt rappelle la jurisprudence, il est intéressant de constater que le Tribunal fédéral a retenu que, pour échapper à la clause d'élection de for, la partie demanderesse devait démontrer que, conformément à l'art. 5 al. 2 LDIP, elle serait abusivement privée de la protection résultant du for prévu en Suisse par l'art. 83 al. 2 LP, ce qu'elle n'a pas démontré, ni allégué qu'une telle action serait irrecevable au Liechtenstein (consid. 7). Le Tribunal fédéral a nié un for de nécessité, ou encore une acceptation tacite.
3.3.3 La décision attaquée mentionne un arrêt zurichois du 2 septembre 2002 (ZR 2003 p. 1ss) – sur lequel se fondait l’appelant en première instance – qui a retenu que les procédures de poursuite, mainlevée et libération de dette constituaient un ensemble et qu'en choisissant la voie de la poursuite, le créancier devait se voir attrait par le poursuivi au for de la poursuite dans le cadre de l'action en libération de dette, notamment en raison des doutes que l'on pouvait avoir sur l'existence d'institutions procédurales identiques dans certains pays, ce qui permettait aux parties de modifier ultérieurement une convention de compétence et qui signifiait que, le poursuivant agissant par la voie de l'exécution forcée, il avait implicitement renoncé à la clause d'élection de for. Cet arrêt semble isolé et n'a pas fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral.
3.3.4 De même, l'appelant s'appuie sur un arrêt vaudois du 15 mars 1995, publié à la RSDIE 1997 p. 355, dans lequel la Chambre des recours du Tribunal cantonal avait dû examiner si, dans le champ d’application de la Convention de Lugano, le créancier domicilié à l’étranger ayant requis et obtenu la mainlevée provisoire en Suisse pouvait soulever l’exception d’incompétence des tribunaux suisses pour juger l’action en libération de dette sur la base d’un for impératif de la Convention de Lugano. Ladite chambre avait admis que le débiteur pouvait ouvrir action en libération de dette au for de la poursuite – soit en Suisse où la mainlevée provisoire avait été prononcée –, au motif que les juridictions suisses étaient compétentes pour toute la procédure de mainlevée provisoire « y compris l’action en libération de dette ». Toutefois, outre que cet arrêt n'a pas non plus fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral, on peut d'emblée relever que la cause présentait une circonstance tout à fait particulière puisqu’elle traitait de bail à loyer dont découlait un for exclusif et impératif (ancien art. 16 Convention de Lugano, aujourd’hui art. 22 ch. 1 Convention de Lugano) ; or, ici, le cas est différent puisqu'il s'agit d'une convention de prorogation de for non exclusif, sans rapport, ce qu'avait déjà relevé la Chambre des recours I dans un arrêt du 29 novembre 2000/586.
3.3.5 L'appelant reproche également au premier juge de s’être fondé sur I'ATF 128 I 273 dans lequel le Tribunal fédéral avait jugé qu’il n’était pas arbitraire de considérer que l’art. 9 de l’ancien code de procédure civile genevois n’imposait pas la traduction de pièces produites, même si une de ces pièces contenait une clause de prorogation de for sur laquelle une partie à la procédure se fondait.
A la lecture de cette décision, on constate en effet qu’elle ne permet pas de confirmer ou d’infirmer l’examen du premier juge. Il en va de même de l'arrêt cité par le président qui figure dans la RSDIE 2003 p. 243, qui concernait un for à Singapour, soit hors du champ d'application de la Convention de Lugano.
3.3.6 En conclusion, l'appelant s'appuie sur l'arrêt vaudois du 15 mars 1995 au motif que, s'il s'agit d'un for exclusif, le principe devrait être le même pour un for à la libre disposition des parties.
3.4 En résumé, il appert que le Tribunal fédéral a déjà retenu que, en cas de poursuite en Suisse, la partie demanderesse à l'action en libération de dette pouvait effectivement ouvrir action au for de la poursuite, tout au moins si le for de la poursuite est en Suisse. La jurisprudence du Tribunal fédéral sur ce point est très claire.
En revanche, dans le cas où le contrat contient une clause de prorogation de for, et que ce for n'est pas impératif ou exclusif, cette clause doit être respectée et l'action en libération de dette doit être ouverte au lieu prévu par le contrat, en l'occurrence à Chypre. Si l'appelant voulait démontrer que cette solution n'était pas possible et que l'appelant n'avait pas d'autre choix que d'ouvrir action en Suisse, devant le Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois, il devait à tout le moins soutenir que Chypre ne connaît pas l'action en libération de dette, ce qui créerait un for de nécessité en Suisse (art. 3 LDIP), ou que l’intimée aurait renoncé à la clause de prorogation de for (art. 6 LDIP), démonstration qui n'a pas été apportée.
Faute pour l’appelant d’avoir allégué et encore moins prouvé ces éléments, le for de la cause est à Chypre, de sorte que la demande déposée le 31 janvier 2022 par l’appelant devant le Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois est irrecevable.
4. En définitive, l’appel, manifestement infondé, doit être rejeté selon le mode procédural de l’art. 312 al. 1 in fine CPC, et la décision confirmée.
Les frais judiciaires de deuxième instance, arrêtés à 1'320 fr. (art. 62 al. 1 par renvoi de l’art. 66 al. 1 TFJC [tarif des frais judiciaires civils du 28 septembre 2010 ; BLV 270.11.5]), doivent être mis à la charge de l’appelant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et qui en a déjà fait l’avance.
Il n’y a pas lieu à l’allocation de dépens, l’intimée n’ayant pas été invitée à déposer une réponse.
Par ces motifs,
la Cour d’appel civile
prononce :
I. L’appel est rejeté.
II. Le jugement est confirmé.
III. Les frais judiciaires de deuxième instance, arrêtés à 1'320 fr. (mille trois cent vingt francs), sont mis à la charge de l’appelant G.____.
IV. L’arrêt est exécutoire.
La présidente : Le greffier :
Du
Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié à :
Me Adrian Schneider (pour G.____),
Me Christophe Misteli (pour N.____),
et communiqué, par l'envoi de photocopies, à :
M. le Président du Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois.
La Cour d’appel civile considère que la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 francs.
Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral au sens des art. 72 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral – RS 173.110), le cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Dans les affaires pécuniaires, le recours en matière civile n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à 15'000 fr. en matière de droit du travail et de droit du bail à loyer, à 30'000 fr. dans les autres cas, à moins que la contestation ne soulève une question juridique de principe (art. 74 LTF). Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF).
Le greffier :
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