Zusammenfassung des Urteils HC/2021/993: Kantonsgericht
Der Richter des Kantonsgerichts hat über einen Berufungsfall entschieden, bei dem es um einen Streit zwischen V.________ und E.________ bezüglich eines landwirtschaftlichen Pachtvertrags ging. V.________ hatte gegen eine vorherige gerichtliche Verfügung Berufung eingelegt, die abgelehnt wurde. Es wurde festgestellt, dass V.________ nicht glaubhaft gemacht hatte, in den umstrittenen Räumlichkeiten gelebt zu haben, und somit nicht in ihrem Besitz eingeschränkt war. Die Gerichtskosten in Höhe von 1'685 CHF wurden V.________ auferlegt. Es wurde entschieden, dass sie E.________ 5'000 CHF für die vorläufigen Verfahrenskosten zahlen muss. Die Verliererin des Falls war V.________
Kanton: | VD |
Fallnummer: | HC/2021/993 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: |
Datum: | 31.12.2021 |
Rechtskraft: |
Leitsatz/Stichwort: | |
Schlagwörter : | ’appel; ’appelant; ’appelante; ’intimée; ’au; ’il; âteau; égué; L’appel; écision; ’elle; était; L’appelante; état; édure; èces; éposé; érant; âtiment; ésident; Président; ’état |
Rechtsnorm: | Art. 100 BGG;Art. 106 ZPO;Art. 248 ZPO;Art. 261 ZPO;Art. 308 ZPO;Art. 310 ZPO;Art. 314 ZPO;Art. 317 ZPO;Art. 318 ZGB;Art. 57 ZPO;Art. 74 BGG;Art. 919 ZGB;Art. 920 ZGB;Art. 926 ZGB;Art. 927 ZGB;Art. 928 ZGB; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: |
TRIBUNAL CANTONAL | JP20.019337-211304 609 |
cour d’appel CIVILE
______________
Arrêt du 31 décembre 2021
__________
Composition : M. de Montvallon, juge délégué
Greffier : M. Magnin
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Art. 261 al. 1 CPC ; 928 CC
Statuant sur l’appel interjeté par V.____, à [...], requérante, contre l’ordonnance de mesures provisionnelles rendue le 11 janvier 2021 par le Président du Tribunal civil de l’arrondissement de La Côte dans la cause divisant l’appelante d’avec E.____, à [...], intimée, le Juge délégué de la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal considère :
En fait :
A. Par ordonnance de mesures provisionnelles du 11 janvier 2021, le Président du Tribunal civil de l’arrondissement de La Côte a rejeté la requête formée le 20 mai 2020 par V.____ contre E.____ (I), a mis les frais judiciaires de la procédure provisionnelle, arrêtés à 1’685 fr., à la charge de la requérante (II), a dit que la requérante devait restituer à l’intimée l’avance de frais que celle-ci avait fournie à concurrence de 130 fr. (III) et a dit que la requérante devait verser à l’intimée la somme de 5’000 fr. à titre de dépens de la procédure provisionnelle (IV).
En droit, le premier juge a relevé que la requérante avait ouvert action au sens de l’art. 928 CC (Code civil suisse du 10 décembre 1907 ; RS 210), en raison du trouble causé par l’exécution de différents travaux mis en œuvre par l’intimée, se prévalant du contrat de bail à ferme agricole passé avec la propriétaire des lieux, soit la société Q.____, et qui portait notamment sur des parcelles sises sur la Commune de [...]. L’autorité de première instance a tout d’abord considéré que la question de savoir quelle était l’étendue de ce contrat n’avait pas à être examinée dans le cadre de la présente procédure. Elle a ensuite retenu que la requérante n’avait pas, au stade des mesures provisionnelles, rendu vraisemblable avoir vécu dans les locaux du château, qui était occupé par ses parents, et préalablement par sa grand-mère, de sorte qu’elle ne pouvait pas être restreinte dans sa possession, puisque d’autres personnes avaient toujours également été présentes dans ces locaux. Il a ajouté que des éléments provenant d’autres procédures indiquaient que l’intéressée avait bénéficié d’un rabais, dans la mesure où elle n’occupait pas le bâtiment principal du château. Ainsi, selon le premier juge, la requérante ne pouvait pas prétendre, en l’état, avoir subi un dom-mage en raison du fait que l’intimée occupait et entretenait les locaux litigieux, pour lesquels cette dernière versait d’ailleurs un loyer de 15’000 fr. par mois à la propriétaire.
B. Le 20 août 2021, V.____ (ci-après : l’appelante) a formé appel contre cette ordonnance, en concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement, à ce qu’une inspection locale soit mise en œuvre pour constater que la parcelle n° [...] et les bâtiments qui y sont érigés font partie intégrante de l’entreprise agricole dont dispose la prénommée en qualité de fermière et à ce qu’ordre soit donné à E.____ (ci-après : l’intimée) de produire en mains de l’autorité tout document attestant le paiement effectif du loyer par la société avec la mise à disposition du château et, principalement, à la réforme de l’ordonnance, sa requête de mesures provisionnelles étant admise. Subsidiairement, l’appelante a conclu à l’annulation de l’ordonnance du 11 janvier 2021 et au renvoi de la cause à l’autorité de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Le 21 septembre 2021, l’intimée a déposé une réponse et a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de l’appel.
Le 1er octobre 2021, l’appelante a déposé des déterminations et a confirmé les conclusions prises dans son appel. Le 6 octobre 2021, elle a déposé des nova, ainsi qu’un bordereau de pièces.
Par courrier du 15 octobre 2021, l’intimée a déposé une réplique. Le 20 octobre 2021, elle a déposé des déterminations sur les nova, de nouveaux allégués ainsi qu’un bordereau de pièces.
Le 26 novembre 2021, l’appelante a encore déposé des nova, ainsi qu’une pièce.
Le 30 novembre 2021, le juge délégué de la cour de céans a tenu une audience, en présence de l’appelante et du représentant de l’intimée, assistés de leur conseil. A cette occasion, l’intimée a déposé des déterminations sur les nova du 26 novembre 2021, ainsi qu’un bordereau de pièces. Elle a en outre requis le renvoi de l’audience, afin de permettre la production d’un rapport établi par le Préfet du district de l’Ouest lausannois, qui aurait été déposé récemment. L’appelante s’est opposée au renvoi de l’audience et à la production de la pièce en question. L’intimée a ensuite complété ses déterminations par les allégués 15 et 16, protocolés au procès-verbal. L’appelante a conclu à l’irrecevabilité de ces nouveaux allégués, subsidiairement à leur rejet. Statuant séance tenante, le juge délégué a refusé de renvoyer l’audience et de requérir la pièce sollicitée par l’intimée. Il a par ailleurs informé les parties que les déterminations sur nova précitées étaient acceptées à teneur des déterminations exclusivement et qu’il ne serait ainsi pas tenu compte, dans la présente décision, des allégués complémentaires figurant dans la partie B, ainsi que ceux qui avaient été protocolés au procès-verbal. L’appelante a pour sa part retiré ses conclusions tendant à une inspection locale et à la production de pièces tendant à établir le paiement du loyer par l’intimée. Pour le reste, les parties ont été entendues et ont conclu une convention sur un point secondaire, à savoir la remise en route de l’eau chaude dans les locaux de l’appelante. Le juge délégué a restitué le bordereau de pièce produit par l’intimée en début d’audience.
C. Le juge délégué retient les faits pertinents suivants, sur la base de l’ordonnance entreprise complétée par les pièces du dossier :
1. Les membres de la famille [...], [...] et [...] sont historiquement liés au [...] et au domaine du même nom sis à [...].
Certains membres de cette famille, dont [...], mère de l’appelante, composent l’actionnariat de la société [...] SA. Cette société est l’actionnaire majoritaire de la société Q.____.
[...] est l’administratrice des sociétés précitées. Elle est au bénéfice de la signature individuelle pour chacune de ces société. L’appelante a été administratrice de la société Q.____ du 6 décembre 2000 au 17 juillet 2014.
La société Q.____ est propriétaire de la parcelle n° [...] de la Commune de [...] et des parcelles nos [...] et [...] de la Commune de [...].
2. a) Le 10 mars 2003, l’appelante et « [...] » ont signé un contrat de bail à ferme portant sur des parcelles listées dans un document intitulé « [...] », notamment celles mentionnées ci-dessus, et en particulier la parcelle n° [...], sur laquelle sont érigés les bâtiments ECA nos [...] et [...]. Le bâtiment ECA n° [...] est celui du château. L’appelante, son époux [...] et leurs trois enfants habitent dans le bâtiment ECA n° [...], voisin du château.
b) Le 28 juillet 2004, [...] Sàrl a remis à l’appelante des avenants au contrat précité. Il ressort de l’un de ces avenants qu’il a été constaté que l’annexe désignant les parcelles remises à ferme était imprécise car elle ne détaillait pas les bâtiments, et qu’elle comportait en outre la désignation de parcelles dont « [...] » était fermière et non propriétaire, de sorte que ces dernières parcelles figuraient par erreur dans le bail en question.
c) Le 27 septembre 2005, [...] Sàrl a déposé un rapport visant à déterminer la valeur de rendement des biens-fonds agricoles et viticoles de la société Q.____. Les auteurs du rapport ont notamment indiqué qu’à la demande des intéressés, dont l’appelante, ils avaient pris en considération les biens-fonds ou parties de biens-fonds suivants : l’habitation du fermier et les logements pour le personnel, les locaux d’exploitation, les prés-champs (161’429 m2) et les vignes (60’657 m2). Ils ont ajouté que le reste des biens-fonds, comprenant, entre-autre, la partie non viticole du château et les forêts, n’était pas concerné par le rapport.
d) Le 4 octobre 2005, l’appelante et [...], pour le compte de la société Q.____, ont signé un document intitulé « Annex Il daté 04/10/05 qui remplace Annex I » (ci-après l’annexe II), dont la teneur est notamment la suivante :
« Q.____
No Cadastre Surface M2 Champs, etc. Vigne
[...]
[...] Part de la [...] la grande vigne [...] [...] [...]
[...]
TOTAL [...] [...] [...]
Château, Terrasse et Bord du Lac - [...]
Forêts (3,849, 4,691 & 15,187) - [...]
TOTAL [...] [...] [...]
Terre agricole en fermage [...] m2
Vigne [...] m2
Au Château, caves et chambre de saisonnier
Pressoir
Une chambre pour effeuilleuses ([...])
Logement rez. du personnel saisonnier et diverses remises ([...])
Logement fermier ([...])
Au Verger du Château tous les bâtiments ».
3. L’appelante et/ou son époux, ainsi que la société Q.____ sont divisés par de nombreuses procédures judiciaires, notamment en lien avec le contrat de bail à ferme du 10 mars 2003. En parallèle d’une première procédure visant à annuler la résiliation du bail, respectivement à en obtenir une prolongation, l’appelante et la société précitée ne se sont notamment plus entendues sur l’étendue et l’objet du contrat de bail à ferme, élargissant leurs sujets de conflit.
On relève en particulier que le 29 octobre 2014, la société Q.____ a informé l’appelante qu’elle résiliait le bail à ferme de celle-ci pour la prochaine échéance. Le 16 juillet 2015, l’appelante a déposé une demande auprès du Président du Tribunal civil de l’arrondissement de La Côte, concluant en substance principalement à la nullité de la résiliation du bail précité et subsidiaire-ment à la prolongation de celui-ci pour une durée de six ans, soit jusqu’au 1er janvier 2026. Dans sa demande, elle a notamment allégué, en se référant à l’annexe II précité, ce qui suit : « Selon le bail à ferme du 10 mars 2003, la défenderesse a affermé à la demanderesse les parcelles dont elle est propriétaire, à l’exception des forêts et d’une surface de 10’237 m2 définie comme "château, terrasse et bord de lac" ». Par jugement du 26 mars 2021, dont la motivation a été adressée aux parties le 23 juillet 2021, le Président du Tribunal civil de l’arrondissement de La Côte a dit que le bail à ferme agricole conclu le 10 mars 2003 était arrivé à échéance le 31 décembre 2016 et l’a prolongé jusqu’au 31 décembre 2022. L’appelante a fait appel de cette décision.
4. Dans le courant du mois de mars 2020, l’appelante a constaté que des travaux avaient été entrepris sur le bâtiment du château et ses alentours.
Ces travaux ont été commandés par la société intimée, dont le siège est à [...] et le but : « toutes opérations immobilières et prises de participations ; la gestion de fortune et le conseil en matière de placements, l’élaboration, la production, la représentation et le commerce de vins ».
[...] est actionnaire vraisemblablement majoritaire de cette société. Il en est l’administrateur président, avec signature individuelle. [...] en est l’administrateur, avec signature individuelle, et [...] en est le directeur, avec signature collective à deux.
5. a) Le 20 mars 2020, l’appelante a adressé à l’intimée un courrier, dont la teneur est notamment la suivante :
« [...] je vous informe avoir constaté avec le plus grand étonnement que vous auriez ordonné l’exécution de travaux sur l’un des immeubles sis sur la parcelle n° [...] de la Commune de [...].
Je vous informe être au bénéfice d’un contrat de bail à ferme portant sur cette parcelle de sorte que vous ne disposez d’aucun droit à faire entreprendre des travaux sur celle-ci.
Avant d’entreprendre toute démarche visant au respect de mes droits, je vous mets en demeure de me fournir dans les 72 heures dès réception de la présente les réponses aux questions suivantes :
- à quel titre êtes-vous intervenu sur la parcelle n° [...] ?
- disposez-vous d’un contrat légitimant votre intervention et si oui, lequel ?
Je vous informe que dans tous les cas, vous n’êtes pas autorisée à procéder à des actes de disposition sur la parcelle dont je suis l’unique fermière. ».
b) Le 16 avril 2020, l’appelante, par l’intermédiaire de son conseil, a adressé à l’intimée une nouvelle correspondance, dont le contenu est en particulier le suivant :
« Ma mandante m’a indiqué que malgré son envoi du 20 mars dernier à votre attention, vous vous seriez rendus sur la parcelle en question à plusieurs reprises et notamment en date du 28 mars 2020. Vous y auriez également fait procéder à différents travaux, autorisant les maîtres d’état à y pénétrer.
Or ma mandante ne vous y a jamais autorisé, de sorte que je vous mets formellement en demeure de cesser toute intrusion.
J’attire d’ores et déjà votre attention sur le fait qu’à défaut de respect de la présente mise en demeure, ma mandante procèdera par toute voie de droit utile.
Si vous deviez disposer par impossible de quelque élément que ce soit légitimant, le cas échéant à tort, votre présence, je vous saurais gré de bien vouloir m’en transmettre une copie dans les plus brefs délais. ».
c) Par courriel du 22 avril 2020, [...], sous un en-tête au nom de l’intimée, a notamment répondu au conseil de l’appelante ce qui suit :
« Nous nous étonnons que vous ayez pris la liberté de nous mettre "en demeure de cesser toute intrusion" et encore plus d’apprendre que nous nous serions rendus à [...] durant la dernière semaine du mois de mars.
Compte tenu du ton et de la teneur de votre missive, nous vous prions désormais d’échanger exclusivement avec notre conseil en Suisse, Me [...] de l’Etude [...] SA à [...], concernant cette affaire et de manière plus générale tout sujet pour lequel – à tort ou à raison – votre cliente entend impliquer mon épouse, moi-même ou encore la société E.____. ».
6. Des travaux ont été exécutés sur la parcelle n° [...] plusieurs semaines avant l’ouverture de la présente procédure. En date du 21 avril 2020, dix arbres ont notamment été abattus.
L’appelante a en particulier allégué que l’intimée avait fait poser un mur muni d’une porte pour empêcher l’accès aux sanitaires situés dans le bâtiment ECA n° [...], qui sont destinés à ses employés.
Interrogé en qualité de partie lors de l’audience qui s’est tenue le 6 janvier 2021 devant le Président du Tribunal civil de l’arrondissement de La Côte, [...] a confirmé que l’intimée avait fait condamner différents accès au château. Il a ajouté que le sous-sol se répartissait en plusieurs zones, soit la cave à vin, plusieurs locaux techniques, un couloir avec des sanitaires et deux chambres, que, sur ces différentes pièces, une seule des chambres à l’entrée et la cave à vin étaient louées à l’appelante et à son époux, et qu’il leur était arrivé de constater que les occupants de la chambre utilisaient leurs sanitaires, raison pour laquelle ils avaient condamné certains accès. Il a précisé que l’intimée avait fait ces travaux pour empêcher l’accès à des pièces qui n’étaient pas louées par les précités.
Interrogée en qualité de partie à la même occasion, l’appelante a déclaré qu’il était arrivé à plusieurs reprises que des employés soient intervenus sur le toit de la ferme, alors qu’elle ou son époux ne savaient même pas que des employés devaient intervenir, qu’un jour, il n’y avait plus d’eau au robinet et que, lorsqu’elle était allée voir, elle avait constaté qu’un employé était rentré dans la cave, chez eux, pour fermer le robinet central à leur insu. Elle a ajouté qu’il y avait des gens à tout moment chez eux, sans qu’ils en soient avertis.
Interrogé en qualité de témoin lors de l’audience qui s’est tenue le 12 août 2020 devant le Président du Tribunal civil de l’arrondissement de La Côte, [...], époux de l’appelante, a dit qu’il y avait une proximité immédiate avec les représentants de l’intimée et qu’avoir des membres de la famille, c’était une chose, mais avoir des gens qu’il ne connaissait pas sans explication en était une autre.
7. Le 24 novembre 2020, l’intimée et la société Q.____ ont conclu un contrat de bail à loyer pour locaux commerciaux portant sur les parcelles nos [...] et [...] de la Commune de [...]. Ce contrat de bail a débuté le 1er septembre 2020 à midi pour une durée de dix ans et le montant du loyer a été fixé à 15’000 fr. par mois. Ce contrat précise notamment ce qui suit :
« Bâtiments, locaux et surfaces louées Parcelle (sic) n° [...] et n° [...] de la commune de [...], sous réserve des précisions qui suivent :
Toutes les surfaces (terrains, bâtiments et locaux) sis sur les parcelles n° [...] et [...] de la commune de [...], sous réserve de certaines surfaces non louées. L’Annexe "Surfaces louées" fait foi et indique les surfaces louées, respectivement non louées, au locataire en relation avec la parcelle n° [...]. Il est précisé que les surfaces non louées, (soit les surfaces teintées en jaune dans l’Annexe "Surfaces louées") font l’objet d’un contrat de bail à ferme agricole en faveur de V.____. Les Parties réservent en outre expressément l’annexe Il du 4 octobre 2005 au contrat de bail à ferme liant le bailleur à V.____ (ci-après : L’Annexe II). En cas de contradiction entre l’Annexe II et l’Annexe "Surfaces louées", l’Annexe II fait foi. ».
8. a) Le 20 mai 2020, l’appelante a déposé une requête de mesures provisionnelles auprès du Président du Tribunal civil de l’arrondissement de La Côte. Elle a pris, sous suite de frais et dépens, les conclusions suivantes :
« I.-
Interdire à E.____, respectivement à tous ses mandataires, maîtres d’état, représentants, employés et/ou administrateurs de pénétrer sur la parcelle n° [...], sous la menace de la peine d’amende prévue à l’art. 292 CP qui réprime l’insoumission à une décision de l’autorité (art. 343 al. 1 let. A CPC).
II.-
Interdire à E.____, respectivement à tous ses mandataires, maîtres d’état, représentants, employés et/ou administrateurs de procéder à tout acte de disposition sur la parcelle n° [...] sise à [...] empêchant V.____ ou ses cocontractants d’exploiter dite parcelle, sous la menace de la peine d’amende prévue par l’art. 292 CP qui réprime l’insoumission à une décision de l’autorité (art. 343 al. 1 let. A CPC). ».
b) Par déterminations du 11 août 2020, l’intimée a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet des conclusions prises dans cette requête de mesures provisionnelles.
c) Le 12 août 2020, le Président du Tribunal civil de l’arrondissement de La Côte a tenu une audience, en présence de l’appelante, assistée de son conseil, et du conseil de l’intimée. A cette occasion, les témoins [...], [...] et [...] ont été entendus et leurs déclarations protocolées au procès-verbal.
d) Le 6 juin 2021, le Président du Tribunal civil de l’arrondissement de Lausanne a tenu une nouvelle audience, à laquelle ont comparu l’appelante et les représentants de l’intimée, assistés de leur conseil. A cette occasion, l’appelante et les représentants de l’intimée ont été entendus et leurs déclarations protocolées au procès-verbal.
En droit :
1.
1.1 L’appel est recevable contre les décisions de première instance sur les mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC [Code de procédure civile du 19 décembre 2008 ; RS 272]), dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l’autorité inférieure, est de 10’000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC). Les prononcés de mesures provisionnelles étant régis par la procédure sommaire (art. 248 CPC), le délai pour l’introduction de l’appel est de dix jours (art. 314 al. 1 CPC). Un membre de la Cour d’appel civile statue comme juge unique (art. 84 al. 2 LOJV [loi d’organisation judiciaire du 12 décembre 1979 ; BLV 173.01]).
1.2 En l’espèce, interjeté en temps utile et dans les formes prescrites par une partie qui a un intérêt digne de protection (art. 59 al. 2 let. a CPC), dirigé contre une décision finale de première instance, l’appel est recevable.
2. L’appel peut être formé pour violation du droit ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). L’autorité d’appel peut revoir l’ensemble du droit applicable, y compris les questions d’opportunité ou d’appréciation laissées par la loi à la décision du juge, et doit, le cas échéant, appliquer le droit d’office conformément au principe général de l’art. 57 CPC. Elle peut revoir librement l’appréciation des faits sur la base des preuves administrées en première instance (JdT 2011 III 43 consid. 2 et les références citées) et vérifie si le premier juge pouvait admettre les faits qu’il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 ; TF 4A_238/2015 du 22 septembre 2015 consid. 2.2). Le large pouvoir d’examen en fait et en droit ainsi défini s’applique même si la décision attaquée est de nature provisionnelle (Tappy, Les voies de droit du nouveau Code de procédure civile, JdT 2010 III 115, p. 136).
Dans le cadre de mesures provisionnelles, le juge statue sur la base de la simple vraisemblance après une administration limitée des preuves, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2 ; TF 5A_812/2015 du 6 septembre 2016 consid. 5.2 ; TF 5A_823/2013 du 8 mai 2014 consid. 1.3).
3. Avec le dépôt de son appel, l’appelante a produit une pièce nouvelle, à savoir un arrêt rendu le 17 août 2021 par Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (pièce 2). Le 6 octobre 2021, elle a en outre requis l’introduction de faits nouveaux, à savoir, en substance, qu’une demande de permis de construire a été déposée par la société Q.____, notamment, concernant la parcelle n° [...], portant sur des travaux de transformation (remplacement de la chaudière, transformation de cloisonnements de locaux et création de quatre salles de bains) et que ces travaux auraient d’ores et déjà débutés. A cet égard, elle a produit un avis d’enquête, ouverte du 25 septembre au 24 octobre 2021 (pièce 201), ainsi qu’un extrait de la Feuille des avis officiels du 24 septembre 2021 (pièce 202). Le 26 novembre 2021, l’appelante a encore déposé des nova et produit une pièce nouvelle, à savoir un courrier de la Direction générale du territoire et du logement daté du 22 novembre 2021.
A l’appui de sa réponse, l’intimée a produit une pièce nouvelle, à savoir un jugement rendu le 26 mars 2021 par le Président du Tribunal civil de l’arrondis-sement de La Côte, dont la motivation a été communiquée aux parties le 23 juillet 2021 (pièce 202). Le 20 octobre 2021, l’intimée a également requis l’introduction de faits nouveaux et produit des pièces, à savoir une décision de la Commune de [...] du 27 septembre 2021 (pièce 251), une copie des plans des zones de la même commune (pièce 252) et un article de journal daté du 6 octobre 2021 (pièce 253).
3.1 L’art. 317 al. 1 CPC prévoit que les faits et moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu’ils soient invoqués ou produits sans retard (let. a) et qu’ils n’aient pas pu l’être en première instance, bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces conditions sont cumulatives (TF 5A_456/2016 du 28 octobre 2016 consid. 4.1.1) et il appartient à l’appelant de démontrer que celles-ci sont réalisées, de sorte que l’appel doit indiquer spécialement de tels faits et preuves nouveaux et motiver spécialement les raisons qui les rendent admissibles selon lui (ATF 143 III 42 consid. 4.1, JdT 2017 II 342 ; TF 5A_266/2015 du 24 juin 2015 consid. 2.2.2 ; TF 4A_540/2014 du 18 mars 2015 consid. 3.1, RSPC 2015 p. 339).
3.2 En l’espèce, les faits nouveaux et les pièces nouvelles produites par les parties sont recevables au regard de l’art. 317 al. 1 CPC. Ces faits et ces pièces ne seront toutefois prises en considération que dans la mesure de leur pertinence pour la résolution du présent litige, de sorte que les faits concernés ne seront retranscrits dans l’état de fait que s’ils permettent d’apporter des éléments utiles. Pour le reste, mêmes recevables, les faits et les pièces en question ne seront pas pris en compte.
Les allégués nouveaux que voulait introduire l’intimée lors de l’audience du 30 novembre 2021 sont dénués de pertinence pour statuer sur le présent litige. Il ne se justifiait dès lors pas de requérir la production de la pièce sollicitée et, partant, de renvoyer l’audience pour ce motif.
4. L’appelante invoque une constatation inexacte des faits.
4.1 Elle reproche au premier juge d’avoir passé sous silence le processus d’approbation et les décisions subséquentes concernant le bail à ferme agricole la liant avec la société Q.____. Elle considère que ces questions seraient centrales et rendraient à tout le moins vraisemblable l’étendue du bail et, partant, les parcelles en sa possession. Elle requiert que l’état de fait soit complété par la mention du préavis du Service de l’agriculture du 31 mars 2003, qui révélerait selon elle que, dès le départ, il aurait été convenu que le bail à ferme agricole comprendrait le logement de la propriétaire de l’époque. Elle sollicite également la prise en compte de la décision de la Commission d’affermage du 1er mai 2003, laquelle a approuvé que le fermage de l’entreprise agricole était de 37,12 ha, de la décision rendue le 25 juin 2020 par la Commission foncière rurale et du fait que la société Q.____ aurait confirmé que le partage autorisé le 25 juin 2010 ne serait à ce jour pas effectif. Elle paraît déduire de ce qui précède que le partage en question ne serait pas intervenu et ne pourrait plus intervenir, de sorte que le fermage n’aurait pas été adapté depuis la conclusion du bail le 10 mars 2003 et que l’entreprise agricole remise en fermage serait donc restée inchangée depuis cette date.
La prise en considération des éléments relevés par l’appelante n’est en l’espèce pas déterminante pour la résolution du présent litige, si bien que l’état de fait n’a pas été complété dans le sens requis par l’intéressée. Par ailleurs, les faits déduits des pièces précitées par l’appelante ne concordent pas, comme on le verra ci-dessous (cf. consid. 5.2 infra), avec l’annexe II daté du 4 octobre 2005 du contrat de bail du 10 mars 2003, qui délimite les surfaces agricoles remises en fermage et celles qui n’en font pas partie. Partant, le grief de l’appelante ne saurait être suivi.
4.2 L’appelante requiert également la prise en compte du courrier adressé le 8 mai 2020 à la société Q.____, par laquelle elle a indiqué qu’elle mettait un terme à la mise à disposition, à bien plaire, du château et de ses dépendances à [...].
La prise en considération de ce fait n’est pas non plus déterminante pour la résolution du présent litige, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de compléter l’état de fait dans le sens requis par l’intéressée.
4.3 Pour le reste, et comme paraît le faire valoir l’appelante, on ne discerne aucune violation de son droit d’être entendu de la part de l’autorité de première instance sur ce point.
4.4 A toutes fins utiles, il est précisé que l’autorité de céans a, en vertu de son plein pouvoir d’examen, la possibilité de compléter l’état de fait du premier juge avec les faits dûment allégués et les pièces produites par les parties pendant la procédure de première instance.
5. L’appelante invoque une violation de l’art. 928 CC et reproche au premier juge de lui avoir nié, à quelque titre que ce soit, la possession de la parcelle n° [...] de la Commune de [...]. Elle considère qu’elle a, à tout le moins, rendu vraisemblable qu’elle disposait de l’intégralité des droits possessoires sur la parcelle précitée, dès lors qu’elle est en particulier au bénéfice d’un contrat de bail à ferme agricole lui attribuant pleinement l’usage de cette parcelle. A cet égard, elle expose notamment que son vécu et le fait qu’elle aurait obtenu un rabais ne seraient pas pertinents pour juger la question du trouble de la possession, ni d’ailleurs le fait qu’elle aurait toléré la présence de [...] sur les lieux durant un temps.
L’appelante estime en outre que les mesures provisionnelles sollicitées seraient fondées. Elle relève sur ce point que des arbres auraient été abattus sans son autorisation et que des pièces auraient vu leur accès condamné, si bien qu’elle aurait établi la présence indésirable de tiers sur la parcelle litigieuse. Elle ajoute qu’elle craint que l’intimée procède à d’autres modifications indésirées de son entreprise agricole et qu’il y aurait ainsi des risques que le château et ses alentours soient défigurés par de telles éventuelles modifications. L’appelante ajoute que le fait que l’intimée puisse se prévaloir d’un contrat de bail pour locaux commerciaux n’y changerait rien et craint que celui-ci soit annonciateur d’un projet immobilier de grande ampleur de nature à faire sortir, à terme, le château de l’entreprise agricole.
5.1
5.1.1 Aux termes de l’art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu’une prétention dont il est titulaire est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être (let. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b).
Saisi d’une requête de mesures provisionnelles, le juge doit examiner d’abord si le requérant est titulaire d’une prétention au fond, puis s’il est atteint ou s’il risque une atteinte. En matière de mesures provisionnelles, la cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles (TF 5A_157/2020 du 7 août 2020 consid. 4.2 et les arrêts cités).
Un fait ou un droit est rendu vraisemblable lorsque, au terme d’un examen sommaire, sur la base d’éléments objectifs, ce fait ou ce droit est rendu probable, sans pour autant qu’il faille exclure la possibilité que les faits aient pu se dérouler autrement ou que la situation juridique se présente différemment (Bohnet, Code de procédure civile, Bâle 2019, n. 4 ad art. 261 CPC et les références citées). Comme l’ordonnance provisionnelle doit, de par sa nature, être prononcée rapidement, il n’est ni possible ni nécessaire d’apporter au juge la preuve que le procès est réellement fondé (Bohnet, op. cit., n. 7 ad art. 261 CPC).
L’octroi de mesures provisionnelles implique donc de rendre vrai-semblable, d’une part, les faits à l’appui de la prétention et, d’autre part, que celle-ci fonde vraisemblablement un droit ; le requérant doit ainsi rendre vraisemblable que le droit matériel invoqué existe et que le procès a des chances de succès (ATF 131 III 473 consid. 2.3, JdT 2005 I 305), faute de quoi la requête doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire de passer à l’examen des conditions inscrites à l’art. 261 al. 1 let. a et b CPC (Bohnet, op. cit., n. 8 ad art. 261 CPC).
Le risque de préjudice invoqué peut concerner tout préjudice, patrimonial ou immatériel, et peut même résulter du seul écoulement du temps pendant le procès (ATF 138 III 378 consid. 6.3). Le risque est avéré même si le dommage peut être réparé en argent, même s’il est difficile à évaluer ou à démontrer ou qu’il y a des difficultés d’exécution de la décision (Bohnet, op. cit., n. 11 ad art. 261 CPC). Est difficilement réparable le préjudice qui sera plus tard impossible ou difficile à mesurer ou à compenser entièrement (TF 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1).
L’urgence temporelle est perçue comme une condition inhérente à la procédure provisionnelle, s’imposant quand bien même le législateur fédéral ne l’a pas expressément prévue (Hohl, Procédure civile, tome II, 2e éd., 2010, n. 1758, p. 322 et les références citées). L’urgence qui dicte l’octroi des mesures provisionnelles est relative par rapport à la durée du procès au fond ; de façon générale, l’on peut dire qu’il y a urgence chaque fois que le retard apporté à une solution provisoire, qui ne préjuge en rien le fond, met en péril les intérêts d’une des parties. Alors même que les mesures provisionnelles sont subordonnées à l’urgence, le droit de les requérir ne se périme pas, mais la temporisation du requérant durant plusieurs mois à dater de la connaissance de l’atteinte ou du risque d’atteinte peut signifier qu’une protection n’est pas nécessaire, voire constituer un abus de droit (Hohl, op. cit., nn. 1758 ss ; Juge délégué CACI 25 mai 2021/243 consid. 4.2.1).
Si les conditions de l’article 261 CPC sont remplies, le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires. La mesure qu’il prononce doit cependant être proportionnée au risque d’atteinte et le choix de la mesure doit tenir compte des intérêts de la partie adverse. La pesée des intérêts, qui s’impose pour toute mesure envisagée, prend en compte le droit présumé du requérant à la mesure conservatoire et les conséquences que celle-ci entraînerait pour le requis (Bohnet, op. cit., n. 17 ad art. 261 CPC).
5.1.2 Aux termes de l’art. 919 al. 1 CC, celui qui a la maîtrise effective de la chose en a la possession. Selon l’art. 920 CC, lorsque le possesseur remet la chose à un tiers pour lui conférer soit un droit de servitude ou de gage, soit un droit personnel, tous deux en ont la possession (al. 1) ; ceux qui possèdent à titre de propriétaire ont une possession originaire, les autres une possession dérivée (al. 2). Est possesseur dérivé celui à qui le possesseur originaire a remis un bien en vue de lui conférer un droit réel limité ou un doit personnel (par exemple : usufruitier, locataire, emprunteur, dépositaire, etc.) (Steinauer, Les droits réels, Tome I, 6e éd., Berne 2019, n. 239). Le droit (personnel ou réel limité) fondant la possession dérivée peut découler d’un acte juridique (bail, prêt, dépôt, contrat de transport, contrat constitutif d’usufruit, etc.) ou de la loi (par exemple le droit d’administration des parents au sens de l’art. 318 CC) (Steinauer, op. cit., n. 246).
En matière de protection possessoire, le possesseur dispose de la réintégrande, action qui tend à la restitution de la chose contre quiconque usurpe une chose en la possession d’autrui, même s’il y prétend un droit préférable (art. 927 CC), et de l’action en cessation de trouble (art. 928 CC). Les actions possessoires ne visent en principe qu’au rétablissement et au maintien d’un état de fait antérieur : le juge n’a pas à statuer sur le droit, mais sur la défense d’une situation de fait liée à la possession. Concrètement, le jugement possessoire de l’art. 928 CC rendu par exemple en lien avec la possession d’une servitude revient à protéger l’état antérieur de la situation de l’immeuble prétendument grevé, soit d’empêcher en l’état des transformations entravant l’exercice du droit prétendu de servitude tel qu’utilisé jusque-là. Il ne conduit pas à un jugement sur la conformité au droit de l’état de fait. Il n’assure au possesseur qu’une protection provisoire, en attendant un jugement sur le pétitoire qui a, lui seul, un caractère final au sens de la LTF (loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; RS 173.110) (ATF 135 III 633 consid. 4.1 ; ATF 133 III 638 consid. 2 ; ATF 113 II 243 consid. 1b ; TF 4A_634/2012 du 15 janvier 2013 consid. 1.1). La décision sur l’action possessoire est ainsi une décision portant sur des mesures provisionnelles au sens de la LTF (ATF 144 III 145 consid. 2). A noter qu’au stade provisionnel, le juge statue sur la base de la simple vraisemblance. Dans le cadre des actions possessoires des art. 927 et 928 CC, la vraisemblance d’une atteinte « illicite » n’est pas une condition, mais seulement la vraisemblance d’une atteinte – ou de l’imminence d’une atteinte – à la possession de fait, soit à l’exercice factuel de prérogatives sur l’immeuble litigieux, indépendamment du bien-fondé en droit (CACI 26 avril 2021/191 consid. 3.2).
Selon l’art. 928 al. 1 CC, le possesseur troublé dans sa possession peut actionner l’auteur du trouble, même si ce dernier prétend à quelque droit sur la chose. L’action tend à faire cesser le trouble, à la défense de le causer et à la réparation du dommage (art. 928 al. 2 CC). Pour admettre cette action, il faut, d’une part, un trouble de la possession et, d’autre part, que ce trouble soit illicite. Constitue un trouble de la possession toute entrave à l’exercice de la possession qui n’entraîne pas une dépossession. Le trouble est illicite au sens de l’art. 926 CC chaque fois qu’il n’est pas autorisé par la loi ou par le possesseur. Ce consentement présuppose la capacité de discernement et doit être donné par le (ou les) possesseurs(s) actuel(s), et non par un auxiliaire de la possession. Il peut être exprès ou tacite, concomitant à l’atteinte ou donné par avance (Steinauer, op. cit., n. 408 et 410).
5.2 En l’espèce, au vu des éléments au dossier, force est de constater que l’appelante ne parvient pas à rendre vraisemblable l’existence de son droit à ouvrir action en cessation du trouble au sens de l’art. 928 CC à l’encontre de l’intimée. Il ressort en effet du contrat de bail à ferme agricole du 10 mars 2003 et de son annexe II du 4 octobre 2005 que l’appelante ne loue pas, dans son intégralité, la parcelle n° [...], qui comprend notamment le bâtiment ECA n° [...], à savoir le château, de sorte qu’elle ne dispose pas d’un droit personnel pouvant légitimer sa possession sur l’entier de ce bien-fonds. En effet, dans l’annexe II, signée par les parties au contrat, il est fait état, s’agissant de la parcelle n° [...], uniquement d’une part de la grande vigne. De plus, et surtout, il ressort expressément de ce document que le château, la terrasse, le bord du lac et les forêts ont été soustraits, pour un total de 34’054 m2, du bail à ferme agricole de l’appelante et qu’il reste en fermage à cette dernière un total de terres agricoles de 164’408 m2 et de vignes de 60’659 m2. Au surplus, il est indiqué dans l’annexe II que le bail à ferme comprend tout de même, au château, des caves et une chambre de saisonnier, ainsi qu’un pressoir, une chambre pour effeuilleuse, un logement du personnel saisonnier et diverses remises, un logement fermier et les bâtiments du verger du château. A cet égard, on relève que de telles précisions n’auraient pas été nécessaires si le bail avait porté sur l’entier de la parcelle litigieuse.
Par ailleurs, il apparaît, au vu du comportement adopté par l’appelante durant la conclusion des actes juridiques concernés et des procédures en cours, que celle-ci ne pouvait pas ignorer que le contrat de bail à ferme agricole ne couvrait pas l’intégralité de la parcelle litigieuse. Il ressort en effet de l’un des avenants à ce contrat préparé par [...] Sàrl le 28 juillet 2004, puis du rapport sur la valeur de rendement établi par cette même société le 27 septembre 2005, soit juste avant la conclusion de l’annexe II, que, d’une part, la désignation des parcelles figurant dans le contrat du 10 mars 2003 était imprécise et contenait des erreurs et, d’autre part, qu’une partie des biens-fonds, dont la partie non viticole du château et les forêts, n’était pas concernée par le rapport précité, dont on précise qu’il a été commandé par l’appelante. En outre, dans sa demande du 16 juillet 2015, adressée au Président du Tribunal civil de l’arrondissement de La Côte et tendant à constater la nullité de la résiliation du bail, le cas échéant à prolonger celui-ci, on relève que l’intéressée a en particulier allégué que la société Q.____ avait affermé des parcelles dont elle était propriétaire, en précisant qu’en étaient exclus les forêts et une surface de 10’237 m2, définie comme château, terrasse et bord de lac. L’appelante ne saurait donc éviter de se voir opposer ses propres allégations qui contredisent sa thèse.
Pour sa part, l’intimée est au bénéfice d’un contrat de bail à loyer pour locaux commerciaux conclu avec la société Q.____, portant sur les parcelles nos [...] et [...] concernées, depuis le 1er septembre 2020. Ce contrat précise que les surfaces de la parcelle n° [...] qui font l’objet du bail à ferme agricole en faveur de l’appelante ne lui sont pas louées et qu’en cas de désaccord, l’annexe II fait foi. L’intimée dispose dès lors d’un droit personnel à utiliser les surfaces de la parcelle n° [...] qui ne sont pas louées par l’appelante. Ainsi, cette dernière, qui n’a, comme on l’a vu, pas l’usage de l’entier de la parcelle précitée, n’a pas la possibilité de contester la présence de l’intimée sur les lieux loués par cette dernière.
Enfin, l’appelante ne parvient pas à rendre vraisemblable que l’intimée ou les employés de celle-ci auraient occupé sans droit et de manière durable des lieux qu’elle loue à la propriétaire. Elle a en effet uniquement indiqué qu’elle avait eu la surprise de voir que des travaux avaient été entrepris au niveau du château et de ses alentours, qu’il en découlait d’importantes allées et venues, qu’elle apercevait des entreprises venir ou intervenir au château et sur les dépendances, se rendre sur le domaine agricole, et que l’intimée avait fait condamné l’accès à des pièces du château, destinées à ses employés. Cela étant, elle n’a pas précisé si les atteintes alléguées portaient sur des parties dont elle disposait d’un usage exclusif, de sorte qu’on ignore si l’intimée a effectivement occupé, ou non, une partie louée par l’appelante. Sur ce point, le représentant de l’intimée n’a pas contesté que des employés avaient dû accéder à certaines parties, comme les caves, le toit ou les locaux techniques, en passant en particulier par des parties communes, afin de procéder à des travaux. Il a toutefois contesté avoir réalisé des travaux sur les surfaces dévolues à l’activité agricole de l’appelante.
Au demeurant, si des employés de l’intimée se sont rendus sur des parties louées à l’appelante, comme la cave ou les locaux techniques, ils n’ont selon toute vraisemblance que passé un bref instant sur celles-ci pour accéder à des endroits leur permettant de procéder à des travaux d’entretien, de sorte que cette éventuelle atteinte ne serait pas suffisamment caractérisée pour admettre un trouble de la possession. De plus, il n’a pas été rendu vraisemblable que l’intimée aurait condamné durablement des locaux loués par l’appelante. Par ailleurs, l’appelante ne fait valoir aucun élément permettant de rendre vraisemblable la réalité concrète d’un préjudice dans le cadre de l’exploitation de son domaine agricole. Elle ne fait état que d’un simple dérangement momentané sur les surfaces dont elle a l’usage. Pour le reste, elle ne saurait se prévaloir d’une atteinte pour l’occupation des surfaces revenant en location à l’intimée, respectivement pour la réalisation de travaux sur celles-ci. Au regard de la situation actuelle, les intérêts de l’appelante par rapport à l’exploitation de son domaine agricole et à l’usage des surfaces fermières ne sont manifestement pas en péril, de sorte qu’il n’y a aucune urgence à statuer.
En définitive, pour les motifs évoqués ci-dessus, l’appelante échoue à établir, même au stade de la vraisemblance, que les conditions requises pour l’octroi de mesures provisionnelles sont réunies, que ce soit au niveau de l’existence d’une prétention, soit du contenu du droit subjectif dont elle se prévaut, que de l’urgence invoquée, soit de la vraisemblance d’un risque de préjudice difficilement réparable.
6. En conclusion, l’appel doit être rejeté et l’ordonnance entreprise confirmée.
Les frais judiciaires de deuxième instance, arrêtés à 1’000 fr. (art. 65 al. 1 et 3 TFJC [tarif des frais judiciaires en matière civile du 28 septembre 2010 ; BLV 270.11.5]), seront mis à la charge de l’appelante, qui succombe (art. 106 CPC).
L’appelante versera en outre à l’intimée la somme de 5’000 fr. à titre de dépens de deuxième instance (art. 3 et 7 TDC [tarif des dépens en matière civile du 23 novembre 2010 ; BLV 270.11.6]).
Par ces motifs,
le Juge délégué
de la Cour d’appel civile
prononce :
I. L’appel est rejeté.
II. L’ordonnance est confirmée.
III. Les frais judiciaires de deuxième instance, arrêtés à 1’000 fr. (mille francs), sont mis à la charge de l’appelante V.____.
IV. L’appelante V.____ doit verser à l’intimée E.____ la somme de 5’000 fr. (cinq mille francs) à titre de dépens de deuxième instance.
V. L’arrêt est exécutoire.
Le juge délégué : Le greffier :
Du
Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié en expédition complète à :
Me Yann Oppliger, avocat (pour V.____),
Me Philippe Conod, avocat (pour E.____),
et communiqué, par l’envoi de photocopies, à :
M. le Président du Tribunal civil de l’arrondissement de La Côte.
Le présent arrêt peut faire l’objet d’un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral au sens des art. 72 ss LTF, le cas échéant d’un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Dans les affaires pécuniaires, le recours en matière civile n’est recevable que si la valeur litigieuse s’élève au moins à 15’000 fr. en matière de droit du travail et de droit du bail à loyer, à 30’000 fr. dans les autres cas, à moins que la contestation ne soulève une question juridique de principe (art. 74 LTF). Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF).
Le greffier :
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