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Urteil Kantonsgericht (VD)

Zusammenfassung des Urteils HC/2021/380: Kantonsgericht

Die Cour d'appel civile des Kantons hat über die Berufungen von I.________, dem Kläger, und V.________ SA, der Beklagten, gegen das Urteil der kantonalen Vermögenskammer vom 10. September 2020 entschieden. Das Gericht bestätigte die Entscheidung der Vermögenskammer, wonach V.________ SA dem Kläger einen Betrag von 169'479 Fr. 35 mit 5% Zinsen ab dem 7. März 2013 sowie einen Betrag von 39'945 Fr. 21 mit 5% Zinsen ab dem 4. April 2013 zahlen muss. Es wurde festgestellt, dass die Versicherungspolicen der Parteien als Zusatzversicherungen zur Sozialversicherung anzusehen sind und dass die Forderungen des Klägers zulässig sind. Die Beklagte konnte nicht nachweisen, dass der Kläger durch Überversicherung einen unrechtmässigen Gewinn erzielen wollte. Die Beklagte wurde verpflichtet, dem Kläger insgesamt 209'424 Fr. 56 als Restbetrag für Verdienstausfallentschädigungen zu zahlen.

Urteilsdetails des Kantongerichts HC/2021/380

Kanton:VD
Fallnummer:HC/2021/380
Instanz:Kantonsgericht
Abteilung:
Kantonsgericht Entscheid HC/2021/380 vom 05.07.2021 (VD)
Datum:05.07.2021
Rechtskraft:
Leitsatz/Stichwort:
Schlagwörter : ’expert; était; ’il; ’appel; ’assurance; ’appelant; ’au; Incapacité; ’incapacité; édecin; ’expertise; écis; ériode; ’elle; ’est; ’intimé; ’intéressé; ’appelante; ’an; ères; ésion; ’experte; état
Rechtsnorm:Art. 100 BGG;Art. 106 ZPO;Art. 308 ZPO;Art. 310 ZPO;Art. 311 ZPO;Art. 317 ZPO;Art. 4 ZGB;Art. 51 VVG;Art. 57 ZPO;Art. 61 VVG;Art. 72 VVG;Art. 74 BGG;Art. 8 ZGB;Art. 86 ZPO;Art. 90 ZPO;Art. 96 VVG;
Referenz BGE:-
Kommentar:

Entscheid des Kantongerichts HC/2021/380

TRIBUNAL CANTONAL

PT15.036894-210026

PT15.036894-210027

318



cour d’appel CIVILE

_______________

Arrêt du 5 juillet 2021

__________

Composition : Mme Giroud Walther, présidente

Mmes Crittin Dayen et Cherpillod, juges

Greffier : M. Magnin

*****

Art. 8 CC ; 90 et 311 CPC ; LCA

Statuant sur les appels interjetés par I.____, à [...], demandeur, et V.____ SA, à [...], défende-resse, contre le jugement rendu le 10 septembre 2020 par la Chambre patrimoniale cantonale dans la cause divisant les parties, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal considère :


En fait :

A. Par jugement du 10 septembre 2020, dont les considérants écrits ont été communiqués pour notification aux parties le 19 novembre 2020, la Chambre patrimoniale cantonale a dit que la défenderesse V.____ SA devait verser au demandeur I.____ un montant de 169’479 fr. 35 avec intérêts à 5% l’an dès le 7 mars 2013 (I), que la défenderesse devait verser au demandeur un montant de 39’945 fr. 21 avec intérêts à 5% l’an dès le 4 avril 2013 (II), que le jugement était rendu sans frais judiciaires (III), que la défenderesse devait verser au demandeur un montant de 9’450 fr. à titre de dépens (IV) et que toute autre ou plus ample conclusion était rejetée (IV [recte : V])

En droit, les premiers juges ont considéré que les polices d’assurances des 30 juin 2006 et 19 novembre 2012 liant les parties, portant sur la couverture des cas maladie et accident entraînant une incapacité de travail à concurrence de 100% de la masse salariale annuelle convenue, de 300’000 fr., devaient être qualifiées d’assurances complémentaires à l’assurance sociale, relevant du droit privé, dès lors qu’elles renvoyaient à la LCA (loi fédérale sur le contrat d’assurance du 2 avril 1908 ; RS 221.229.1) par l’intermédiaire de leurs conditions générales d’assurance (ci-après : CGA ; art. 1.3). Ensuite, ils ont retenu que les conclusions du demandeur en paiement du montant de 491’212 fr. 50 avaient trait à deux prétentions, à savoir les indemnités perte de gain pour un cas maladie, l’autre pour un cas accident, et qu’il ne s’agissait pas de deux prétentions alternatives s’excluant l’une ou l’autre (cf. TF 5A_603/2008 du 14 novembre 2008), ni d’une action partielle (cf. ATF 142 III 683), de sorte que la demande était recevable.

La Chambre patrimoniale cantonale a estimé que l’assurance conclue entre les parties était une assurance de sommes – par opposition à une assurance de dommages –, en raison du caractère forfaitaire de l’indemnité, dans la mesure où, selon la police du 30 juin 2006, l’indemnité journalière prévue correspondait à une indemnité forfaitaire calculée sur le montant convenu entre les parties, soit en l’espèce la somme annuelle de salaires de 300’000 francs. Cette interprétation était confirmée par le courriel adressé le 15 février 2013 au demandeur par le responsable des ventes au sein de la défenderesse, qui précisait notamment que cette dernière considérait que, dans ce type de contrat, l’assurance conclue était une assurance de sommes. Les premiers juges ont ensuite relevé que la défenderesse, qui prétendait avoir versé un montant d’indemnités journalières trop élevé de 219’580 fr. et invoquait la compensation, ne démontrait pas que le demandeur, lors de la conclusion des polices d’assurance, aurait même par dol éventuel, eu l’intention de se procurer un profit illicite par le moyen de la surassurance. Selon la Chambre patrimoniale cantonale, il était au contraire légitime et compréhensible, compte tenu de la position d’indépendant de l’intéressé, que celui-ci souhaite se prémunir contre le risque économique inhérent à ce statut, ce d’autant que le montant du salaire annuel de 300’000 fr. mentionné dans les deux polices correspondait au chiffre d’affaire annuel moyen tel qu’établi par l’expertise réalisée par [...], ce qui tendait à démontrer que les parties avaient l’intention d’assurer le demandeur contre le risque financier résultant de l’exploitation de son cabinet dentaire et non pas seulement d’assurer son salaire.

Les premiers juges ont écarté l’argument de la défenderesse tendant à refuser de verser toute prestation perte de gain au demandeur, au motif que celui-ci aurait dû déclarer son cas à l’assurance-invalidité (ci-après : AI), dès lors qu’aucun élément au dossier n’établissait que l’intéressée, ou un quelconque médecin, aurait ordonné au demandeur de s’annoncer auprès de l’Office AI, comme le prévoyait l’art. 44.6 des CGA. Ainsi, la défenderesse ne pouvait pas faire valoir que le demandeur aurait failli à son devoir de diminuer le dommage, ce d’autant plus que celui-ci s’était prêté à toutes les expertises médicales et économiques sollicitées et avait fait le nécessaire pour améliorer son état de santé.

Par ailleurs, les premiers juges ont constaté que ni les éléments au dossier, dont le témoignage du fils du demandeur, ni les expertises judiciaires, ne permettaient de retenir, avec une haute vraisemblance, que la lésion au talon du demandeur résultait d’un accident survenu le 15 juillet 2011. Ils ont ajouté qu’aucun de ces éléments ne permettait d’établir un lien de causalité naturelle entre l’évènement du 15 juillet 2011 décrit par l’intéressé et sa lésion au talon et que les experts judiciaires n’étaient pas en mesure d’expliquer les origines de cette lésion, de sorte que les prétentions d’indemnités journalières fondées sur un cas accident devaient être rejetées.

En ce qui concernait l’incapacité de travail du demandeur en lien avec le cas maladie, les premiers juges ont tout d’abord relevé que l’expertise privée réalisée à la demande de la défenderesse ne pouvait être reprise que dans la mesure où elle était corroborée par les pièces versées au dossier ou d’autres éléments d’instruction. Ensuite, s’agissant de la période d’incapacité du 1er mai au 31 août 2012, ils ont considéré que l’expertise judiciaire était pertinente, que l’experte avait repris intégralement les différents arrêts de travail du demandeur et qu’elle avait confirmé que le pronostic de reprise du travail émis par l’expertise privée précitée ne s’était pas réalisé, les troubles psychiques de l’intéressé s’étant péjorés après le mois de juin 2012. De plus, l’expertise judiciaire avait retenu, à l’instar du médecin traitant du demandeur, que celui-ci était en incapacité de travail à 80% jusqu’au 31 août 2012 (60% en lien avec la maladie psychique et 20% en lien avec l’atteinte au talon, les deux s’additionnant) et aucun élément ne permettait de remettre cause le raisonnement de l’experte à ce sujet. S’agissant de la période d’incapacité du 1er septembre 2012 au 30 avril 2013, l’experte avait confirmé l’incapacité de travail certifiée par le psychiatre de l’intéressé, s’était entretenue par téléphone avec ce dernier, avait fondé son raisonnement sur l’ensemble des pièces utiles au dossier et avait examiné le demandeur, de sorte qu’aucun élément ne permettait de douter des conclusions formulées par l’experte. La Chambre patrimoniale cantonale a donc retenu que le demandeur était bien en incapacité de travail pour cause de maladie à 90% pour la période considérée.

Enfin, sur cette base, les premiers juges ont retenu, pour la première période, que le montant des indemnités journalières qui aurait dû être versé au demandeur, pour 123 jours à 80% d’incapacité, était de 80’876 fr. 71, si bien que, compte tenu de la somme déjà versée par la défenderesse à l’intéressé, un solde de 30’410 fr. 86 restait dû à celui-ci. Pour la seconde période, le montant qui aurait dû être versé par la défenderesse au demandeur, pour 242 jours à 90% d’incapacité, était de 179’013 fr. 70, cette somme devant être scindée sur deux périodes, soit celle du 1er septembre 2012 au 7 mars 2013, puis celle du 8 mars au 30 avril 2013, le point de départ des intérêts étant différents, ce qui donnait 139’068 fr. 49 pour la première et 39’945 fr. 21 pour la seconde. En définitive, la Chambre patrimoniale cantonale a relevé que la défenderesse devait au demandeur un total de 209'424 fr. 56 à titre de solde d’indemnités journalières perte de gain.

B. Par acte du 4 janvier 2021, V.____ SA a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que la demande déposée le 25 août 2015 par I.____ soit déclarée irrecevable et que celui-ci doive lui verser des dépens à hauteur de 25’000 francs. Subsidiairement, elle a conclu au rejet de la demande de I.____ et à ce que celui-ci doive lui verser la somme de 25’000 fr. à titre de dépens. Plus subsidiairement, elle a conclu à l’annulation du jugement, la cause étant renvoyée à la Chambre patrimoniale cantonale pour nouvelles instruction et décision.

Le 5 janvier 2021, I.____ a également interjeté un appel contre le jugement du 10 septembre 2020. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que V.____ SA doive lui verser, d’une part, un montant de 210’082 fr., avec intérêts à 5% l’an dès le 7 mars 2013, et, d’autre part, un montant de 256’232 fr. 85, avec intérêts à 5% l’an dès le 20 septembre 2013. Subsidiairement, il a conclu à la réforme du jugement entrepris en ce sens que V.____ SA doive lui verser, outre, selon sa conclusion principale, la somme de 210’082 fr., un montant de 44’385 fr. 55, avec intérêts à 5% l’an dès le 4 avril 2013. Plus subsidiairement, il a conclu au renvoi de la cause à l’autorité intimée pour nouveau jugement dans le sens des considérants.

Par réponse du 17 mars 2021, I.____ a conclu au rejet de l’appel de V.____ SA.

Par réponse du même jour, V.____ SA a conclu au rejet de l’appel de I.____.

Par avis du 4 mai 2021, la Juge déléguée de la Cour de céans a informé les parties que la cause était gardée à juger, qu’il n’y aurait pas d’autre échange d’écritures et qu’aucun fait ou moyen de preuve nouveau ne serait pris en compte.

C. La Cour d’appel civile retient les faits pertinents suivants, sur la base du jugement attaqué complété par les pièces du dossier :

1. Les parties à la présente cause

a) I.____, né le [...], exerce la profession de médecin-dentiste. A compter de l’année 1978, il a exploité un cabinet dentaire, sis au chemin [...], [...].

b) [...] [...] SA est une société anonyme de droit suisse inscrite au registre du commerce depuis le [...] et ayant son siège à [...].

Les droits et obligations découlant des relations contractuelles liant I.____ à la précitée (cf. consid. C.2 infra) ont été transférés avec effet au 1er janvier 2013 à V.____ SA, société anonyme de droit suisse, dont le siège est également à [...]. Son but social est notamment [...] ainsi que la [...], comprenant notamment [...].

2. Les relations contractuelles liant les parties

a) Afin de s’affilier auprès de [...] SA, I.____ a rempli et signé une déclaration de santé le 26 juin 2006. Il a répondu par la négative à toutes les questions relatives à son état de santé, soit notamment à la question 2b [...], ainsi qu’à la question 2i [...].

Le 30 juin 2006, [...] SA a émis une police d’assurance collective de perte de gain pour médecins, dentistes, pharmaciens et vétérinaires de Suisse-romande n° [...] en faveur de I.____, en sa qualité de médecin-dentiste.

La police du 30 juin 2006 prévoyait un début d’assurance au 1er juillet 2006 et une fin au 31 décembre 2006. Il était convenu que I.____ était assuré à concurrence de 100% de la somme annuelle des salaires assurés. Le salaire annuel fixe indiqué était de 300’000 francs. Le délai d’attente pour chaque cas d’assurance était de 60 jours et la durée des prestations de 730 jours sous déduction du délai d’attente.

Sous la rubrique « salaire annuel » figurant à la page 3 de la police du 30 juin 2006, il était précisé que [...].

b) Le 19 novembre 2012, I.____ a conclu une nouvelle police d’assurance n° [...] avec [...] SA. Cette police a remplacé celle du 30 juin 2006 avec effet au 1er janvier 2013 et prévoyait une date de fin de contrat au 31 décembre 2015. Les CGA de l’assurance collective d’indemnités journalières, édition 2006, faisaient partie intégrante de la police.

La police du 19 novembre 2012 prévoyait que I.____ était assuré à concurrence de 100% de la masse salariale annuelle convenue, se montant à 300’000 francs.

c) Les dispositions particulières du contrat prévoyaient, sous le chapitre « Salaire maximal assurable », qu’en dérogation à l’art. 29.3 des CGA, le salaire annuel maximum assurable par personne correspondait au montant convenu contractuellement pour le cercle des personnes concerné. Quant au chapitre « Masse salariale fixe », il prévoyait ce qui suit :

« [...]. ».

La police d’assurance du 19 novembre 2012 couvre, en application des conditions générales applicables, [...].

[...].

Selon l’art. 11 CGA, la maladie est définie comme suit : [...].

Selon l’art. 12.1 CGA, [...].

L’art. 13.3 CGA prévoit que : [...].

A teneur de l’art. 28.3 CGA : [...].

L’art. 28.4 CGA précise que [...].

Selon l’art. 44.6 CGA, [...].

d) Selon la publication parue dans l’édition du [...] de la Feuille officielle suisse du commerce, [...] SA a transféré la totalité de son portefeuille suisse d’assurance selon la LCA à V.____ SA. Les droits et obligations découlant de la police n° [...] du [...] ont ainsi été cédés à cette dernière.

4. Des cas d’assurance

4.1 a) I.____ a rencontré de nombreuses difficultés tant personnelles que professionnelles au cours de l’année 2011. Sur le plan professionnel, il aurait fait face au départ de deux aides dentistes, dont une collaboratrice de longue date, respectivement en février et avril 2011, ce qui aurait augmenté sa charge de travail. Sur le plan privé, il a beaucoup souffert du décès de son père le 9 mai 2011, dont il était très proche et qui se trouvait en fin de vie en très mauvaise santé, ainsi que de la mort de la fille de son meilleur ami le 30 octobre 2011, qu’il considérait comme sa propre fille. Il aurait par ailleurs été victime d’un accident de voiture lors duquel un conducteur fautif aurait démoli sa voiture de collection au printemps 2011 et d’un cambriolage le 16 octobre 2011, lors duquel il aurait surpris l’auteur dans sa maison.

A compter du mois de mai 2011, I.____ a souffert d’un trouble de l’adaptation avec réaction mixte anxieuse et dépressive, dans un contexte de stress professionnel intense et de soucis personnels importants justifiant un arrêt de travail à 100%. Il était alors sujet à une fatigabilité extrême, une humeur dépressive avec présence de manque de concentration, de confiance en soi et de perturbation du sommeil.

I.____ a remis un premier certificat de travail daté du 26 mai 2011. Celui-ci a été signé par le médecin traitant du prénommé, le Dr [...], spécialiste FMH en médecine interne.

Dans un deuxième temps, s’est produit un glissement vers un état dépressif de nature à entraver les activités de la vie quotidienne et la capacité au travail de I.____ (troubles du sommeil, difficulté à gérer le stress, irritabilité).

Depuis le 1er mai 2011, date à partir de laquelle la couverture d’assurance a été donnée par [...] SA, I.____ a été déclaré inapte au travail à 100%. Il a pu reprendre une activité limitée à 20% à compter du 1er septembre 2011.

Sur demande de [...] SA du 29 juin 2011, le Dr [...] a produit un premier rapport médical le 5 juillet 2011, au pied duquel il a estimé qu’une reprise professionnelle à terme « peut s’effectuer en temps de travail réduit à rendement normal, voire en travail à plein temps avec limitation de certaines sollicitations à l’horizon du 2ème semestre 2011 ».

Par courrier du 22 juillet 2011, [...] SA a informé I.____ qu’un inspecteur de sinistres de [...] SA prendrait prochainement contact avec lui pour fixer un rendez-vous afin de faire un point de situation. Il ressort du rapport adressé par cette société à [...] SA que lors d’une visite spontanée de l’inspecteur de sinistres du 18 août 2011, I.____ n’avait pas souhaité s’entretenir avec lui et l’avait prié de s’adresser directement à son médecin.

A compter du 29 septembre 2011, I.____ a été traité par antidépresseurs et s’est rendu à trois consultations chez le Dr [...], psychiatre.

Le 12 novembre 2011, le Dr [...] a adressé un nouveau rapport à [...] SA, dont il ressort que « la reprise professionnelle à terme peut s’effectuer en temps de travail réduit (20 à 50% de capacité de travail) à rendement normal à l’horizon du 2ème trimestre 2012 ». Il n’est fait mention d’aucune blessure physique dans ce rapport.

b) A la demande de [...] SA, le Dr [...], [...], a établi une expertise le 24 février 2012 par laquelle il a confirmé le diagnostic de troubles de l’adaptation, réaction mixte, anxieuse et dépressive, ainsi que le taux d’incapacité de travail de 80% à la date de l’établissement du rapport. L’expertise a été rendue après un entretien de trois heures avec I.____ le 22 février 2012, une étude du dossier médico-assécurologique et un entretien avec le Dr [...], médecin-psychiatre du prénommé. L’expert a constaté que l’humeur de I.____ était « discrètement déprimée ». En revanche, il n’a pas constaté « à l’examen clinique direct » que l’intéressé était sujet à une « perte d’énergie », une « aboulie (perte de la volonté) », une diminution de l’aptitude à penser, ni de troubles de la concentration ou de la mémoire. Il a retenu qu’à « l’observation clinique directe », la symptomatologie que présentait l’expertisé était « réduite ».

Dans le cadre de l’expertise judiciaire psychiatrique ordonnée dans la présente cause, la Dresse [...] a été amenée à se prononcer sur le diagnostic posé par le Dr [...]. A cet égard, elle a, dans son rapport du 12 avril 2019, relevé que « lors de l’entretien, l’expert ne constate pas de diminution de l’élan vital, d’abattement » ni de « perte de volonté, en ce sens que l’expertisé souhaite reprendre son activité professionnelle mais progressivement ». Elle retient que « manifestement, l’expertisé était alors dans une attitude de combativité permanente contre le risque d’un effondrement dépressif, explicable déjà lors de cet examen déjà […] en février 2012 par des traits de personnalité narcissique, et soulignée par cette "tendance constante à se présenter sous un jour plus favorable qu’il ne l’est en réalité" ». Cette dernière tendance a été confirmé par l’experte, qui a relevé que les caractéristiques de personnalité de l’expertisé l’amenait à une réticence générale à admettre des difficultés psychiques, ou à les minimiser lorsqu’il les mentionnait, en mettant en avant sa capacité à les surmonter. Selon l’experte, l’intéressé tenait également à ce que sa valeur personnelle soit reconnue et à ne pas rester sur un échec, même face à la maladie.

Dans le cadre de l’expertise menée par le Dr [...],I.____ a expliqué qu’il s’était blessé au calcanéum gauche le 15 juillet 2011 à la suite d’un accident banal mais que cette blessure s’était compliquée (ulcération), qu’elle avait été à l’origine d’un renoncement aux activités sportives, en particulier les marches dans la nature. Le rapport d’expertise fait d’ailleurs état d’une demande du 7 décembre 2011 du Dr [...] à la policlinique [...], qui a indiqué qu’une « prise en charge spécialisée dermatologique a été recommandée [pour I.____] actuellement en traitement pour un état dépressif suivi pour un ulcère de la région achilléenne gauche d’évolution défavorable sur un antécédent de lésion cutanée dans l’enfance ».

Le Dr [...] a qualifié le pronostic concernant la durée de l’incapacité de travail de « favorable » et a préconisé une reprise progressive de l’activité professionnelle, à savoir à 40% à partir du 1er avril 2012, 60% à partir du 1er juin 2012, 80% à partir du 1er août 2012 et, finalement, à plein temps à partir du 1er septembre 2012.

L’experte a expliqué à l’égard de ce pronostic que celui-ci avait été établi par le Dr [...] parce que, d’une part, la situation psychique globale de l’expertisé l’y incitait en fonction de la vulnérabilité décrite dans son fonctionnement de personnalité et au regard des événements ayant produit un impact important sur sa réactivité globale et, d’autre part, parce que son appréciation était limitée à un examen de 3 heures. Or, selon l’experte, un seul examen de 3 heures ne pouvait permettre au médecin précité de « déterminer avec précision l’évolution sur les mois à venir de la situation globale de son expertisé ». L’experte ne remet pas en cause le raisonnement du Dr [...], qui l’a conduit à admettre un pronostic favorable de l’évolution de la capacité de travail du demandeur, étant précisé que, compte tenu d’un examen limité à trois heures de temps, la précision dudit pronostic était limitée.

c) Par courrier du 29 mars 2012, [...] SA a confirmé à I.____ que les indemnités journalières seraient versées conformément aux conclusions de l’expertise du Dr [...] et que le versement des prestations prendrait fin le 31 août 2012.

4.2 a) Le jardin de I.____, dans sa propriété de [...], comporte un escalier dont les marches sont recouvertes de dalles en pierre avec un rebord de quelques centimètres.

b) Le 15 juillet 2011, I.____ s’est écorché le talon gauche, au niveau du tendon d’achille, contre le rebord d’une marche alors qu’il descendait les escaliers avec des chaussures ouvertes.

Le fils du prénommé, [...], a été entendu en qualité de témoin lors de l’audience du 28 novembre 2019. Il a déclaré être « infirmier à la base » et avoir terminé sa formation en 2011. Il a expliqué ne pas avoir assisté à l’accident directement, mais qu’« il était présent à la maison ce jour-là » et qu’il a « prodigué les premiers soins à [son] père ». Il a « constaté une lésion au talon d’achille. C’était une dermabrasion soit une plaie au niveau du talon qui saignait. Il s’agissait de désinfecter et d’appliquer un pansement », ce qu’il a déclaré avoir fait. Il a par ailleurs indiqué que dans les « semaines ou les jours qui ont suivi, [il n’a] pas pu directement constater l’état de sa plaie car [son père] est parti à l’étranger mais à son retour, autour du 12 août 2011, [il a] pu constater que sa plaie suintait ».

c) Le médecin traitant de I.____ en charge du suivi de cette blessure, soit le Dr [...] du [...], a demandé une analyse d’un échantillon de peau au centre et en périphérie de la plaie. Les Drs [...] et [...] ont adressé au médecin précité un rapport anatomo-pathologique du 21 mai 2012, établissant un diagnostic d’« ulcère chronique avec nécrose humide ischémique ».

d) Dans le cadre de l’instruction du présent litige, les Drs [...] et [...] de [...] ont été mandatés en qualité d’experts pour l’examen de l’appareil locomoteur de I.____. Dans leur rapport d’expertise judiciaire du 19 février 2019, ils ont confirmé le diagnostic d’ulcère chronique. Ils n’ont cependant pas retenu le diagnostic de « nécrose humide ischémique » relevant qu’il n’y avait « pas eu de troubles de la perfusion qui pourrait (sic) expliquer une nécrose humide ischémique » et qu’une « insuffisance artérielle qui explique une nécrose humide ischémique n’est pas prouvée ». Ils ont en outre constaté l’existence d’une « ostéomyélite du calcanéum dans sa partie postéro-supérieure et enthésite achilléenne en regard de la zone ulcérée cliniquement ». Les experts ont finalement retenu le diagnostic « d’ulcère chronique au niveau du talon gauche avec une ostéomyélite du calcanéus et une insuffisance veineuse ». Ils relèvent encore que la datation de l’insuffisance veineuse et de l’ostéomyélite est impossible.

Cet ulcère au talon est une blessure chronique très grave qui ne s’est pas refermée depuis son premier diagnostic en 2011, ce qui a été confirmé par l’expertise susmentionnée. Les experts ont relevé que lors de la consultation du 29 novembre 2018, I.____ souffrait d’une plaie « profonde au niveau du calcanéum face postérieure gauche qui touche le périoste avec une profondeur de 8 à 12 mm. Le diamètre de la plaie est de 2.5 x 1.3 cm. Les bords de sa plaie sont adhérents. En profondeur, il y a de la fibrine. Les berges sont légèrement macérées et rouges. Léger écoulement séreux et taches sur l’ancien pansement. Hyperkératose du talon avec des rhagades ».

e) I.____ a allégué qu’en raison de cet ulcère, il ne pouvait pas marcher correctement et seulement sur de très courtes distances.

Sur ce point, les experts ont constaté que la marche de I.____ était « fluide, sans boiterie, avec des chaussures type Birkenstock ouvertes au niveau du talon pour la courte distance entre la salle d’attente et la salle de consultation ». Lors de la consultation, ils n’ont pas remarqué de « limitation de la marche sur de courtes distances ». Cela étant, les experts ont relevé que « le fait qu’il y a une plaie ouverte et une ostéomyélite limite clairement le périmètre de marche. En effet, s’il marche longtemps, l’inflammation et l’œdème progressent ce qui entraîne des douleurs ».

f) S’agissant des douleurs, I.____ a allégué qu’elles étaient et demeuraient encore très importantes et que la cicatrisation était un processus lent, désagréable et épuisant.

Les experts ont confirmé ce qui précède, expliquant qu’« une plaie chronique au niveau du talon de cette taille et profondeur peut provoquer de fortes douleurs au niveau du pied gauche ». Compte tenu de son emplacement au niveau du tendon d’achille, ils ont relevé que « les mouvements de dorsiflexion et d’extension du pied peuvent [...] provoquer des douleurs » de même que l’œdème. Finalement, ils ont noté que « les changements réguliers de pansement sont contraignants et peuvent épuiser car ils prennent beaucoup de temps. La vie quotidienne est limitée et des activités sportives ne sont pas possibles ».

g) Les médecins ne sont pas parvenus à expliquer l’origine de la nécrose du talon de I.____. Les experts précités ont relevé à cet égard que les biopsies histologiques et bactériologiques ne fournissaient pas d’explication et que l’expertisé ne présentait pas les facteurs de risque qui pourraient expliquer l’apparition de la nécrose, ce dernier ne souffrant pas de diabète, n’étant pas fumeur, et son hypertension artérielle étant traitée. S’agissant du fait que la plaie demeurait encore ouverte lors des examens effectués par les experts, ces derniers ont précisé que cela s’expliquerait par l’existence de l’ostéomyélite du calcanéus, ajoutant qu’« une plaie avec une infection profonde et osseuse ne va pas se fermer ».

h) S’agissant de la guérison de la plaie, les experts ont confirmé qu’en comparant les photographies de l’ulcère à différents stades, ils avaient pu constater « une évolution favorable avec une diminution de sa taille ainsi qu’une diminution de la rougeur autour et de l’écoulement ». Ils ont toutefois souligné que s’agissant d’une plaie profonde ouverte avec exposition du périoste au niveau du calcanéus qui persiste sous traitement depuis 2011, il était difficile de poser un pronostic de guérison.

i) I.____ a notamment allégué que les douleurs, le manque de mobilité, les traitements, la cicatrisation lente l’empêchaient de pratiquer une activité lucrative, ceci d’autant plus que le pied gauche commandait toutes les fonctions de ses instruments professionnels. Il a ajouté que l’usage de son pied gauche, lorsqu’il travaillait au fauteuil, provoquait un œdème important de la cheville et un blocage total de l’articulation, ce qui mettait fin à l’intervention et entravait le processus de guérison. Il a ajouté que les dorsiflexions fréquentes auxquelles il devait se prêter lors de l’utilisation des machines, que ce soit en position debout ou assise, étaient très douloureuses et contre-indiquées.

Les experts se sont longuement penchés sur ce qui précède dans leur rapport d’expertise judiciaire du 19 février 2019. En substance, ils ont confirmé que l’ulcère profond expliquait la diminution de la capacité de l’expertisé à effectuer son métier de médecin dentiste, en indiquant : « même si le travail est principalement assis, la mobilité de la cheville est limitée et s’il reste debout trop longtemps, un œdème apparaît ce qui est contre-indiqué pour la guérison de cet ulcère. La plaie et l’œdème provoquent des douleurs ». Ils ont ajouté que I.____ avait « besoin de temps pour surélever la jambe et mettre la cheville au repos » et que « la plaie, elle-même, est contre-indiquée pour des raisons hygiéniques dans un métier médical ». Ils ont également confirmé que le prénommé était « limité pour effectuer des gestes précis et par la sensibilité diminuée avec le pied gauche ce qui est nécessaire dans son travail comme médecin dentiste puisqu’il doit se servir d’une pédale avec le pied concerné ». Concernant la position assise, les experts ont confirmé que si l’expertisé « est longtemps assis avec le pied gauche dans la même position, il y a un important œdème qui se forme au niveau de la cheville et pied gauche », ce qu’ils ont pu constater après « leur entretien de quatre heures le 29 novembre 2018 ». Ils ont encore confirmé que l’œdème limitait la mobilité de la cheville. Finalement, s’agissant des « dorsiflexions » auxquelles devait se prêter l’intéressé lors de l’utilisation de ses machines, les experts ont confirmé que la « dorsiflexion de la cheville provoque des douleurs au niveau de l’ulcère chronique qui est lié au talon sous le tendon d’Achille », précisant qu’« être en position debout ou assise provoque un œdème local ». Quant à la sécurité des patients, les experts ont indiqué que « si le demandeur n’arrive pas à gérer sa pédale avec un geste rapide, cela pourrait provoquer une lésion dans la bouche du patient puisqu’il n’arrive pas à stopper l’instrument connecté à la pédale ».

j) I.____ a allégué qu’il ne pouvait, en lieu et place de son pied gauche, utiliser son pied droit car ce dernier n’avait pas du tout la même sensibilité et la précision nécessaire, son installation n’étant au surplus pas construite à cet effet.

A cet égard, les experts ont relevé que l’expertisé travaillait depuis plus de 45 ans avec le pied gauche sur la pédale et n’avait jamais appris à utiliser le pied droit. Ils ont considéré que changer de côté ne serait donc pas si facile. Pour arriver à cette conclusion, ils se sont fondés sur leur propre expérience, expliquant que « des médecins orthopédistes utilisaient aussi des pédales pour gérer des fraises ou des mèches » et qu’il existait une prédominance du pied où il y avait une meilleure sensibilité et motricité fine, dite prédominance dépendant « de la façon dont nous avons appris à gérer la pédale pendant la formation et durant les années de travail ».

k) Au surplus, I.____ a développé un eczéma très violent à compter d’avril 2012. Il a allégué souffrir de poussée d’eczéma au niveau des doigts, ce qui rendrait alors impossible la conduite d’opérations.

Sur ce point, les experts ont confirmé qu’une poussée telle que figurant sur les photographies transmises par l’expertisé limitait la mobilité des doigts ainsi que le toucher fin, capacités qui étaient aussi restreintes par les douleurs provo-quées par les poussées.

l) Par courriel du 19 juin 2012, [...] SA a invité I.____ à produire un certificat médical et un rapport médical détaillé de la part de son médecin traitant, soit le Dr [...] du [...], au sujet de sa lésion au talon.

I.____ a répondu le 26 juin 2012 qu’il allait revoir le médecin précité le jour même et qu’ils discuteraient de la question de l’incapacité de travail. Il s’est ensuite expliqué sur sa lésion au talon par courriel du 5 juillet 2012 et par courrier du 10 juillet 2012. Il a indiqué que la lésion dont il était question faisait « suite à une petite lésion accidentelle, d’apparence bénigne » et qu’ayant constaté une aggravation de la blessure, il était allé consulter, en août 2011, le Dr [...]. Dans le courrier du 10 juillet 2012, I.____ a fait état de la description chronologique des événements et a sollicité une couverture perte de gain à 100% dès le 5 avril 2012, sur la base du certificat médical délivré par le Dr [...]. Il a précisé que s’il n’avait pas déjà été en incapacité de travail depuis mai 2011 pour cause de maladie, un arrêt de travail en relation avec la lésion de son talon aurait dû être prescrit « en 2011 déjà ».

m) Le 13 août 2012, I.____ a rempli un bulletin d’accident de l’assurance, en réitérant ses explications figurant dans son courrier du 10 juillet 2012. Il a annoncé le cas accident à son assurance de base, [...], le 17 mai 2012 et a indiqué s’agissant du genre de blessure : « impact au niveau du talon gauche avec une légère écorchure au premier abord anodine ».

n) Par courrier du 7 août 2012, [...] SA a demandé des renseignements au Dr [...].

Le questionnaire transmis par l’assurance a été retourné à cette dernière le 12 septembre 2012. Il ressort notamment de ce document que le diagnostic posé en relation avec l’évènement survenu en été 2011 ayant des conséquences sur la capacité de travail dès le 5 avril 2012 est « Ulcère post-traumatique suite à choc talon gauche ». Par ailleurs, selon ce document, le pronostic est que l’« activité va être reprise selon évolution clinique qui est lentement favorable », les troubles décrits étant alors « patient utilise fraise avec pied gauche » et « douleurs en position debout ».

o) Par courrier du 8 septembre 2012, I.____ a notamment informé l’assurance que la date à laquelle était survenue sa lésion au talon était le 15 juillet 2011 et pas le 15 juin 2011, comme indiqué dans ses précédents courriers et sa déclaration d’accident.

p) Entre 2011 et 2012, [...] SA a notamment reçu les documents suivants :

- Un rapport daté du 29 août 2011 du Dr [...], FMH en dermatologie et angiologie, AFC en phlébologie et en sonographie, consultant à l’Hôpital [...] et ancien chef de clinique [...], qui a indiqué avoir vu I.____ le 29 août 2011 pour divers problèmes cutanés, dont un lentigo des mains, une hyperkératose ainsi que des rhagades des talons et un prurit de la cuisse. Ce document ne fait pas état d’une quelconque lésion au talon gauche.

- Un rapport du 14 septembre 2011 du Dr [...], allergologue et immunologue, dont il ressort notamment que I.____ est un patient connu « de longue date pour une dermatite atopique légère prédominant l’hiver », c’est-à-dire un eczéma.

- Deux rapports de la Dresse [...], l’un du 21 mars 2012 et l’autre du 21 septembre 2012. Dans le cadre du premier rapport le terme d’ « ulcération très suspecte » a été évoqué et, dans le second, la médecin a posé un diagnostic d’ulcère profond, peu inflammatoire et a précisé que « dans le diagnostic différentiel, on peut envisager une ulcération d’origine caustique ». Elle a toutefois conclu son rapport par le fait que l’on pouvait « envisager un ancien acanthopapillome viral (verrue vulgaire) » et qu’il n’y avait pas d’argument pour une « étiologie inféctieuse ».

- Un rapport du 19 juin 2012 de la Dresse [...], médecin adjointe en consultation d’angiologie ambulatoire, qui a indiqué que I.____ souffrait d’un ulcère de 4 cm de diamètre au niveau du talon du pied gauche, depuis septembre 2011. Ce rapport précise également que le prénommé a été victime d’un accident à l’âge de 10 ans au niveau du tiers inférieur de la jambe gauche. L’examen n’a par contre pas mis en évidence d’insuffisance veineuse ni d’insuffisance artérielle pouvant expliquer l’ulcère au niveau du talon gauche.

- Un rapport du 25 septembre 2012, établi par le Dr [...], selon lequel ce dernier avait déjà reçu I.____ en consultation en 1992 pour une dermatite péri-orale banale, puis en août 2011 pour divers lésions dermatologiques, dont une hyperkératose avec des rhagades banales des deux talons (épaississement/durcissement de la peau et des crevasse). Il a expliqué avoir constaté pour la première fois l’ulcération au talon le 12 mars 2012 et n’a « pas d’explications à cette ulcération ». Le médecin a précisé que le patient ne présentait plus d’eczéma lors de la consultation du 24 août 2012.

- Un rapport du Prof. Dr [...] de la clinique [...] du 24 octobre 2012, qui a notamment constaté l’absence d’infection de la plaie.

- Un rapport du Prof. [...] de la clinique dermatologique de l’Hôpital [...] du 12 novembre 2012, qui a constaté un ulcère sous le tendon d’achille d’environ 2,5 x 1,5 cm, profond d’environ 4 mm, sans rougeur autour et aucune limitation dans la mobilité du pied lors de l’examen.

- Un rapport du 17 décembre 2012, établi par le [...], et répondant au questionnaire établi par l’assurance. A la question n° 1 « Diagnostics en relation avec l’accident de juin 2011 ayant des conséquences sur la capacité de travail dès le 05.04.2012 », figurait « Plaie chronique talon gauche 3x3 cm avec exposition partielle tendon achille ». La description des « troubles qui motivent l’incapacité de travail en tant que dentiste » (question n° 2) était libellée comme suit : « incapacité de maîtriser les pédales nécessaires pour contrôler les instruments utilisés en chirurgie orale. Douleurs chroniques. Position assise diminue retour veineux et augmente stase lymphatique ».

- Un rapport du 24 janvier 2013, établi par le Dr [...] du service chirurgie plastique et reconstructive [...], dont le diagnostic figurant au point n° 1 du questionnaire est « - Plaie chronique talon gauche 3x3 cm avec exposition tendon d’achille (étiologie : post traumatique). Eczema généralisé ». Quant aux conséquences sur la capacité de travail de I.____ (question n° 2), elles sont identiques à celles mentionnées dans le rapport du 17 décembre 2012 susmentionné. Les honoraires relatifs à ce rapport ont été facturés sous « maladie ».

- Un rapport de la Dresse [...] du 21 février 2014, diagnostiquant un ulcère chronique d’origine indéterminée et rappelant une incapacité de travail de 100% pour la période du 1er janvier 2013 au 14 mai 2013, puis de 85% à compter du 15 mai 2013. Le médecin a toutefois précisé que l’affection était uniquement due à un accident et que la durée de station assise du patient n’est pas limitée. Quant à la distance de marche, elle était limitée à un kilomètre et la durée de station debout à une heure.

q) [...], médecin-dentiste en cabinet privé, entendu en qualité de témoin lors de l’audience du 14 janvier 2020 par la Juge déléguée de la Chambre patrimoniale cantonale a déclaré qu’il « est possible de placer la pédale de l’autre côté, mais je ne peux pas vous dire s’il est possible pour toute personne d’inverser le pied utilisé pour actionner la pédale. Je n’ai moi-même jamais expérimenté cela. C’est comme pour l’écriture, certaines personnes peuvent aussi bien écrire avec la main droite ou gauche et d’autres pas du tout [...]. Je précise également que s’il y a des douleurs au talon, cela peut entraver le travail, car le médecin-dentiste doit constamment prendre appui sur l’un ou l’autre pied pour avoir l’équilibre en travaillant ».

r) Quant au rôle du présent litige sur l’état de santé de I.____, la Dresse [...], experte, a indiqué qu’il « est manifeste que ce conflit avec son Assurance a joué un rôle défavorable dans l’évolution de ses troubles tant au niveau psychique que somatique » et que l’expertisé était « partiellement conscient de l’impact de ces événements sur la guérison potentielle de ses atteintes actuelles ».

5. Les échanges entre les parties

a) Par courriers des 18 et 26 septembre 2012, [...] SA a avisé I.____ que « constatant un fort déséquilibre entre les primes encaissées et les prestations payées », elle souhaitait apporter une modification des primes dès le 1er janvier 2013, faute de quoi le contrat serait résilié au 31 décembre 2012. Les primes annuelles ont ainsi doublé, pour passer de 1’410 fr. à 2’820 francs.

b) Par courrier du 12 novembre 2012, elle a informé I.____ que le paiement de ses indemnités journalières était suspendu à compter du 1er septembre 2012, dans l’attente de clarification de la part de ses médecins traitants.

c) Par courrier recommandé du 11 décembre 2012, I.____ a adressé à [...] SA trois certificats originaux du Dr [...] couvrant la période du 15 septembre 2012 au 15 décembre 2012, dans lequel il a relevé avoir déjà adressé les certificats couvrant la période du 5 avril 2012 au 15 septembre 2012. Il a par ailleurs sommé l’assurance de lui verser le montant de ses indemnités journalières dans les sept jours, faute de quoi il ferait appel à son conseil juridique.

d) Par lettre du 14 décembre 2012, [...] SA a informé I.____ qu’elle attendait encore les dossiers complets [...] ainsi que de la [...].

e) Par courriel du 15 février 2013 adressé à I.____, faisant référence à un entretien téléphonique du même jour, [...], responsable régional des ventes au sein de V.____ SA, a indiqué ce qui suit :

« Je me réfère à notre entretien téléphonique de ce soir et vous confirme le fait que, bien que le contrat ne le stipule pas, après consultation de nos services des ventes et de souscription, [...] admet désormais que les clauses suivantes s’appliquent pour les médecins assurés sur la base d’un salaire fixe dans ce type de contrat :

- Pour le propriétaire de l’entreprise les prestations contractuelles se calculent sur la base de la masse salariale annuelle convenue.

- En dérogation à l’art. [...], l’assurance d’indemnités journalières conclue est une assurance de somme. En cas d’incapacité de travail, il n’est pas demandé de justificatif relatif au revenu perdu.

- [...]

Dès lors, je vous invite à nous renvoyer dans les meilleurs délais la procuration nécessaire au mandat que nous souhaitons donner à [...] pour vérifier l’impact au niveau du chiffre d’affaires vu l’enjeu financier important ».

f) Par lettre du 27 février 2013, I.____ a, par son conseil, mis en demeure V.____ SA de procéder au versement des indemnités, un acompte de 100’000 fr. devant être acquitté d’ici au 7 mars 2013 au plus tard.

g) Par lettre du 7 mars 2013, V.____ SA a communiqué un rapport de son médecin conseil selon lequel I.____ n’aurait aucune incapacité de travail. Elle a indiqué qu’elle ne reconnaissait par conséquent pas l’incapacité de travail de l’intéressé à compter du 1er septembre 2012 et qu’il n’existait depuis lors plus de droit aux prestations.

Ledit rapport a été établi par le Dr [...], médecin conseil de V.____ SA, le 11 janvier 2013. Ce dernier a notamment indiqué, sur la base du dossier médical, que la description donnée par l’assuré n’était pas suffisante pour retenir sans réserve la notion d’accident, la cause de l’ulcère n’étant pas claire. Par ailleurs, il a considéré qu’en « toute objectivité », l’activité de dentiste pouvait également être exercée par l’assuré en position assise et avec un soulagement approprié, le cas échéant, en portant des chaussures appropriées, même en position debout.

h) Par courrier du 8 mars 2013, I.____ a, par son conseil, informé V.____ SA qu’il n’entendait pas accéder à sa demande de prolongation de délai au 18 mars 2013 et l’a priée de bien vouloir verser immédiatement à son mandant un acompte de 100’000 francs.

i) Par lettre du 25 mars 2013, V.____ SA a réitéré son souhait de pouvoir effectuer une analyse par l’entreprise [...], précisant à cet égard ce qui suit : « votre mandant a conclu un contrat d’assurance avec somme fixe de CHF 300’000.00, ceci est un fait que nous ne contestons pas. L’analyse par l’entreprise [...] SA a pour but d’examiner l’impact de l’incapacité de travail de M. [...] sur ces (sic) affaires. Ceci n’est pas pour justifier la somme ou le revenu perdu mais pour confronter les affaires avant, pendant et après les affections en question. Nous espérons avec ce procédé de (sic) déterminer le degré de l’incapacité de travail ».

j) Par lettre du 14 juin 2013, I.____ est, par son conseil, revenu sur les différents aspects relatifs à son incapacité de travail et a communiqué à V.____ SA un exemplaire du rapport du Dr [...] du 5 juin 2013 ainsi que des photos des marches d’escaliers où il a indiqué s’être blessé le talon. Il a en outre imparti un délai au 30 juin 2013 à l’assurance pour verser le solde des indemnités journalières, qui était alors de 254’376 fr. 25 pour la période d’avril 2012 à avril 2013.

k) Par courrier du 28 juin 2013, V.____ SA a maintenu son refus d’entrer en matière et a réitéré sa demande de pouvoir mandater [...] pour « examiner l’impact de l’incapacité de travail de M. [...] sur ces affaires ».

l) Par courrier du 22 août 2013, I.____ a informé V.____ SA qu’il acceptait de signer la déclaration de consentement pour que [...] puisse analyser les comptes de son cabinet dentaire.

m) I.____ a également accepté de se soumettre à un nouveau bilan de l’état de santé par le biais [...] SA. Lors de l’entretien du le 4 février 2014, il a notamment expliqué à l’inspecteur de cette société que c’était son pied gauche qui commandait tous ses instruments, lui imposant de « très fréquentes dorsiflexions douloureuses et pas du tout recommandées » et qu’il n’était « pas possible d’avoir les mêmes réflexes et la même sensibilité avec le [pied] droit ». Il a par ailleurs expliqué que le travail au fauteuil se traduisait « rapidement » par un gonflement de sa cheville, un blocage de l’articulation accompagné de douleurs, que les limitations au niveau professionnel étaient le manque de mobilité, la douleur, la diminution de la sécurité du patient (très important) et qu’il ne pouvait pas marcher correctement et était limité à de très courtes distances. Il a aussi précisé répartir ses deux fois trois heures de travail par semaine entre le mardi matin et le vendredi matin, ceci pour des raisons de récupération.

n) V.____ SA a reconnu qu’en acceptant de se soumettre à l’expertise de [...] et à un nouveau bilan de santé par [...] SA, l’assuré s’était plié à toutes ses exigences.

o) Le 12 mars 2014, [...] a adressé son rapport à V.____ SA. Celle-ci estime qu’il ressort de ce rapport que le salaire annuel indiqué par I.____ (soit 300’000 fr.) est très largement supérieur au revenu déclaré par celui-ci auprès de la caisse de compensation AVS. Il ressort de l’extrait de compte individuel de la caisse de compensation de celui-ci que le montant moyen du salaire déclaré à la caisse de compensation AVS était d’environ 100'000 fr. depuis l’an 2000. Selon le rapport précité, I.____ a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 300’000 fr. entre 2007 et 2010.

p) Par courrier du 19 mars 2014, V.____ SA a maintenu son refus de verser les prestations à compter du 1er septembre 2012. Elle a écrit ce qui suit : « Le dossier a de nouveau été évalué par notre médecin consultant. Ce dernier maintient sa prise de position du 11 janvier 2013 et confirme que, en se basant sur les rapports médicaux, M. [...] peut effectuer son travail comme médecin-dentiste indépendant à 80% au minimum (capacité médico-théorique). Le poste de travail actuel de votre mandant, c’est-à-dire avec des changements de positions est, d’après son appréciation, déjà adapté à la situation médicale de son talon gauche et lui permet de réaliser ses travaux. Les rapports en notre possession, qui sont aussi annexés, ne donnent aucune justification pour l’incapacité de travail de 85% confirmée par les médecins du [...] ». Elle a en outre affirmé que pour « l’évaluation de l’incapacité de travail, l’exigibilité médico-théorique d’un travail est pertinente, mais pas les faits économiques ».

q) Le 2 septembre 2014, I.____ a fait notifier, par l’Office des poursuites de [...], un commandement de payer, daté du 29 août 2014, à V.____ SA, poursuite n° [...], portant sur la somme de 500'000 fr., avec intérêt à 5% l’an dès le 1er septembre 2012.

r) Le 22 septembre 2014, V.____ SA a informé I.____ qu’en raison de son retard dans le paiement des primes, elle se retirait du contrat d’assurance collective d’indemnités journalières et que son obligation de prestations était suspendue à compter du 15 août 2014.

6. Les indemnités journalières

a) Pour la période du 1er mai 2011 au 31 août 2012, I.____ a produit les certificats médicaux suivants signés par le Dr [...] :

Date du certificat

Période d’incapacité

Taux d’incapacité

Cause

26.05.2011

1.05.2011 – 30.06.2011

100%

Maladie

30.06.2011

1.07.2011 – 31.08.2011

100%

Maladie

22.08.2011

1.09.2011 – 30.09.2011

80%

Maladie

29.09.2011

1.10.2011 – 31.10.2011

80%

Maladie

13.10.2011

1.11.2011 – 30.11.2011

80%

Maladie

24.11.2011

1.12.2011 – 31.12.2011

80%

Maladie

10.01.2012

1.01.2012 – 31.01.2012

80 %

Maladie

30.01.2012

1.02.2019 – 29.02.2012

80%

Maladie

9.03.2012

1.03.2012 – 31.03.2012

80%

Maladie

30.03.2012

1.04.2012 – 30.04.2018

80%

Maladie

5.06.2012

1.05.2012 – 31.05.2012

80%

Maladie

19.06.2012

1.06.2012 – 30.06.2012

80% (60% + 20%)

Maladie

23.08.2012

1.07.2012 – 31.07.2012

80%

Maladie

23.08.2012

1.08.2012 – 31.08.2012

80%

Maladie

b) Pour la période du 1er septembre 2012 au 30 avril 2013, le psychiatre de I.____, le Dr [...], a établi les certificats médicaux suivants :

Date du certificat

Période d’incapacité

Taux d’incapacité

Cause

28.11.2012

1.09.2012 – 30.09.2012

90%

Maladie

28.11.2012

1.10.2012 – 31.10.2012

90%

Maladie

28.11.2012

1.11.2012 – 30.11.2012

90%

Maladie

28.11.2012

1.12.2012 – 31.12.2012

90%

Maladie

28.03.2013

1.01.2013 – 31.01.2013

90%

Maladie

28.03.2013

1.02.2013 – 28.02.2013

90%

Maladie

28.03.2013

1.03.2013 – 31.03.2013

90%

Maladie

28.03.2013

1.04.2013 – 30.04.2013

90%

Maladie

c) I.____ a allégué avoir été en incapacité de travail sous l’angle maladie :

- à 100% du 1er mai 2011 au 31 août 2011 ;

- à 80% du 1er septembre 2011 jusqu’au 31 août 2012 ;

- à 90% du 1er septembre 2012 au 14 mai 2013, puis ;

- à 85% à compter de cette date.

Il a indiqué bénéficier de la couverture d’assurance, sous l’angle maladie, depuis le 1er mai 2011 jusqu’au 30 avril 2013 (expiration du délai de 730 jours).

d) V.____ SA a, quant à elle, retenu les taux d’incapacité suivants :

- 100% du 1er mai 2011 au 31 août 2011 ;

- 80% du 1er septembre 2011 au 30 avril 2012 ;

- 60% du 1er mai 2012 au 30 juin 2012 ;

- 40% du 1er juillet 2012 au 31 août 2012.

V.____ SA a versé à I.____ les indem-nités maladie y relatives, pour la période du 30 juin 2011 au 31 août 2012, représentant un montant de 262’028 fr. 10.

e) Ainsi, les périodes d’incapacité de travail litigieuses sont, s’agissant du cas maladie, les suivantes :

période du 1er mai 2012 au 30 juin 2012 : les parties ne s’entendent pas sur le taux d’incapacité de travail, de 60% selon V.____ SA, de 80% selon I.____. V.____ SA a versé un montant d’indemnités journalières de 15’287 fr. 70 pour le mois de mai et de 14’794 fr. 55 pour le mois de juin ;

période du 1er juillet au 31 août 2012 : les parties ne s’entendent pas sur le taux d’incapacité de travail, de 40% selon l’assurance, de 80% selon l’assuré. L’assurance a versé un montant d’indemnités journalières de 10’191 fr. 80 pour le mois de juillet et le même montant pour le mois d’août ;

période du 1er septembre 2012 au 14 mai 2013 : les parties ne s’entendent pas sur le taux d’incapacité de travail, de 0% selon l’assurance, de 90% selon l’assuré. L’assurance n’a rien versé pour cette période.

f) La Dresse [...], désignée en qualité d’experte par la Chambre patrimoniale cantonale, a examiné le dossier médical de I.____ et, en particulier, la documentation relative aux interruptions de travail de celui-ci.

S’agissant de la période du 1er mai au 31 août 2012, l’experte a relevé qu’à cette époque, l’intéressé avait demandé au Dr [...] un certificat médical pour le mois de juin 2012 mentionnant une incapacité de travail pour raison psychologique à 60% et à 20% en raison de son talon. A cet égard, le médecin traitant de l’intéressé a expliqué que « les certificats médicaux suivant juin 2012 sont établis sous maladie alors qu’ils comportaient deux composantes maladie (il semblait compliqué d’obtenir les arrêts de travail maladie par le [...], je m’en suis chargé). Il s’agissait de résumer le taux général d’incapacité, respectivement qu’une capacité résiduelle de 20% était exigible ». Il a ajouté que son patient « se sentait objectivement et subjectivement mieux, sur le plan psychique il avait même abaissé les doses de son antidépresseur, Cipralex, par lui-même ».

L’experte a en conséquence retenu qu’il « peut donc être avancé que l’état psychique de l’expertisé se serait amélioré en juin 2012 selon l’examen de son médecin traitant, le Dr [...], pour ne plus présenter qu’un 60% d’incapacité. Cependant il se serait péjoré durant les mois suivants de façon significative, puisqu’au début septembre le psychiatre traitant, le Dr [...], relève une symptomatologie psychiatrique aggravée, et selon son examen depuis février ou mars, après l’examen d’expertise psychiatrique ». Elle a conclu que « les éléments du dossier, les notes du Dr [...], et sa communication écrite du 2.4.2019, relèvent bien une amélioration de l’état général psychique de l’expertisé en juin 2012, objectivée par deux consultations médicales les 5 et 19 juin 2012. C’est l’expertisé lui-même qui a demandé à son médecin traitant de "splitter" 60% maladie psychologique, et 20% maladie médicale suivie par le Prof. [...]. Cette demande est manifestement liée au courrier reçu le jour même de Mme [...] de [...], demandant à ce que son médecin traitant n’atteste que l’incapacité de travail sur l’affection traitée par lui-même puisque celui-ci lui avait communiqué que la blessure au talon était une nouvelle affection médicale, traitée par le Prof. [...] au [...]. Le 19.6.2012, le Dr [...] estimait en effet que la composante psychologique de la maladie de l’expertisé pouvait être évaluée à 60% seulement. Cependant il considérait également comme maladie l’évolution de la blessure au talon, et le 20% d’incapacité était estimé afin de certifier que seule une capacité de travail de 20% était exigible. Il a établi les certificats médicaux suivants afin de diminuer la tâche du [...], en considérant toujours qu’il s’agissait de « deux cas maladie superposés ». Selon l’experte, le médecin traitant de I.____ a considéré que le pronostic de reprise de travail énoncé dans l’expertise psychiatrique du Dr [...] ne s’était pas réalisé et l’état maladif « total » de son patient justifiait une incapacité de travail de 80%, et non de 60%, ceci jusqu’au 31 août 2012.

S’agissant de la période postérieure, soit du 1er septembre 2012 au 14 mai 2013, l’experte a relevé que « contrairement au pronostic de reprise de travail contenu dans l’expertise du Dr [...], les incapacités de travail pour raison de maladie de l’expertisé ont été poursuivies par son interniste et son psychiatre traitant ». L’experte a déclaré s’être entretenue par téléphone avec le psychiatre de l’expertisé le 12 mars 2019. Ce dernier lui a « confirmé avoir vu son patient très régulièrement deux fois par mois jusqu’au 31 octobre 2014, et l’a vu une dernière fois le 24 juin 2016 ». En substance, selon l’experte, il était manifeste que le Dr [...] certifie, tant dans son rapport que durant leur entretien téléphonique, que l’état psychique de l’expertisé s’était, lorsque celui-ci avait débuté son traitement en septembre 2012, détérioré par rapport à l’expertise du Dr [...], réalisée en février 2012. Le psychiatre de l’intéressé avait en effet diagnostiqué que le trouble de l’adaptation décrit par le Dr [...] s’était aggravé, de même que l’état dépressif moyen, et avait indiqué qu’un eczéma était apparu peu après cette expertise, en mars 2012. Il avait en outre signalé une détérioration de sa lésion au talon. De plus, lors de l’expertise précitée, d’autres facteurs de stress avaient été mis en évidence dans l’anamnèse de l’expertisé, qui explicitaient la décompensation survenue dès mai 2011 et son évolution dans le temps, en mettant en lumière son type de fonctionnement psychique et le développement de celui-ci. Finalement, s’agissant des certificats médicaux établis a posteriori, le Dr [...] a expliqué à l’experte « qu’il ne refuse pas de faire des certificats médicaux, mais ne les donne qui si on les lui demande, et d’autre part qu’en ayant un patient en traitement, il est apte à donner des certificats sur une durée de traitement antérieure ». L’experte a confirmé que le Dr [...] « a certifié une [incapacité de travail] maladie à 90% du 1.9.2012 au 30.4.2013, en fonction des troubles psychiatriques persistants ».

7. La procédure devant la Chambre patrimoniale cantonale

a) Le 25 août 2015, I.____ a déposé une demande auprès de la Chambre patrimoniale cantonale à l’encontre de V.____ SA. Il a pris, avec suite de frais et dépens, la conclusion suivante :

« I. [...] est la débitrice de I.____ et lui doit prompt et immédiat paiement de la somme de fr. 491’212 fr. 50 (quatre cent nonante et un mille deux cent douze francs cinquante centimes), avec intérêts à 5% l’an dès le 1er septembre 2012. ».

b) Le 11 mars 2016, V.____ SA a déposé un mémoire réponse, au pied duquel elle a pris, sous suite de frais et dépens, les conclusions suivantes :

« Principalement

1. Rejeter la demande en paiement de I.____ du 27 août 2015, en tant qu’elle est recevable, dans toutes ses conclusions.

2. Condamner I.____ aux frais et dépens.

Subsidiairement, si par impossible un éventuel solde d’indemnité journalières était encore dû en faveur de I.____

3. Préalablement, accorder un délai à [...] pour calculer le montant des indemnités journalières pour la période du 1.2.2011 - 31.8.2012 sur la base du salaire tel que déclaré à la caisse de compensation AVS de I.____.

4. Cela fait, déduire ledit montant de l’éventuel solde d’indemnités journalières en faveur de I.____.

5. Sous suite de frais et dépens. ».

c) Par écriture du 11 juillet 2016, I.____ a déposé ses déterminations et a confirmé les conclusions prises dans sa demande du 25 août 2015.

d) Une audience d’instruction et de premières plaidoiries s’est tenue le 14 juillet 2016.

e) V.____ SA a déposé des « déterminations sur les déterminations du demandeur » le 30 août 2016 et a persisté dans ses conclusions prises le 11 mars 2016.

f) Par ordonnance de preuves complémentaires du 12 octobre 2017, la Juge déléguée de la Chambre patrimoniale cantonale a nommé la [...] de [...] en qualité d’expert, traitant de l’aspect orthopédique et locomoteur.

g) Par ordonnance de preuves complémentaires du 23 mai 2018, la Juge déléguée de la Chambre patrimoniale cantonale a nommé la Dresse [...] en qualité d’experte.

h) Le 19 février 2019, les Drs [...], pour le compte de [...], ont déposé leur rapport d’expertise.

i) Le 12 avril 2019, la Dresse [...] a rendu son rapport d’expertise.

j) Par courrier du 26 juin 2019, V.____ SA a requis le retranchement du rapport d’expertise du 12 avril 2019.

k) Le 30 juillet 2019, la Juge déléguée de la Chambre patrimoniale cantonale a informé les parties qu’elle n’entendait ni retrancher le rapport d’expertise du 12 avril 2012 ni ordonner de seconde expertise. Elle a précisé que le rapport précité était suffisamment clair, circonstancié et complet.

l) Le 31 mars 2020, I.____ a déposé un mémoire de droit et a persisté dans ses conclusions.

m) A la même date, V.____ SA a déposé des plaidoiries écrites, dans lesquelles elle a notamment souligné que le salaire annuel assuré de I.____ mentionné dans les polices d’assurance (300’000 fr.) était surévalué et que c’était un montant de 48’600 fr. qui aurait dû être retenu. Elle a par conséquent considéré avoir surindemnisé l’intéressé car seul un montant de 42’448 fr. aurait dû lui être versé au titre d’indemnité perte de gain au lieu de 262’028 francs. V.____ SA a donc déclaré opposer en compensation, en tant que de besoin, un montant de 219’580 fr. (262’028 fr. - 42’448 fr.). Elle a, par ailleurs, modifié ses conclusions, toujours prises sous suite de frais et dépens, de la façon suivante :

« Principalement

1. Déclarer la demande en paiement déposée le 25 août 2015 par M. I.____ irrecevable.

Subsidiairement

2. Rejeter entièrement la demande en paiement déposée le 25 août 2015 par M. I.____ dans la mesure où celle-ci est recevable. ».

n) Les témoins [...] et [...] ont respectivement été entendus lors des audiences d’audition de témoin du 28 novembre 2019 et 14 janvier 2020.

o) Le 10 septembre 2020, la Chambre patrimoniale cantonale a rendu son jugement sous la forme d’un dispositif et l’a notifié aux parties. La motivation du jugement a été adressé aux parties le 19 novembre 2020.

En droit :

1.

1.1 L’appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC [Code de procédure civile du 19 décembre 2008 ; RS 272]), dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l’autorité inférieure est de 10’000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC). L’appel, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l’instance d’appel, soit la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal (art. 84 al. 1 LOJV [loi d’organisation judiciaire du 12 décembre 1979 ; BLV 173.01]), dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 CPC).

1.2 En l’espèce, formés en temps utile par des parties qui ont un intérêt digne de protection (art. 59 al. 2 let. a CPC), dirigés contre une décision finale de première instance et portant sur des conclusions supérieures à 10’000 fr., les appels sont recevables.

Les réponses le sont également.

2. L’appel peut être formé pour violation du droit ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). L’autorité d’appel peut revoir l’ensemble du droit applicable, y compris les questions d’opportunité ou d’appréciation laissées par la loi à la décision du juge, et doit, le cas échéant, appliquer le droit d’office conformément au principe général de l’art. 57 CPC. Elle peut revoir librement l’appréciation des faits sur la base des preuves administrées en première instance (JdT 2011 III 43 consid. 2 et les références citées) et vérifie si le premier juge pouvait admettre les faits qu’il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 ; TF 4A_238/2015 du 22 septembre 2015 consid. 2.2).

3. L’appelante V.____ SA indique qu’elle se permet de compléter les faits retenus par l’autorité de première instance tels qu’ils figurent dans sa réponse du 11 mars 2016.

3.1 Selon l’art. 311 al. 1 CPC, l’appel doit être motivé. L’appelant doit donc tenter de démontrer que sa thèse l’emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner à reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s’efforcer d’établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d’erreurs. Il ne peut le faire qu’en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. Si la motivation de l’appel est identique aux moyens qui avaient déjà été présentés en première instance, avant la reddition de la décision attaquée (TF 4A_97/2014 du 26 juin 2014 consid. 3.3), ou si elle ne contient que des critiques toutes générales et superficielles de la décision attaquée, ou encore si elle ne fait que renvoyer aux moyens soulevés en première instance, elle ne satisfait pas aux exigences de l’art. 311 al. 1 CPC et l’instance d’appel ne peut entrer en matière (TF 4A_376/2016 du 2 décembre 2016 consid. 3.2.1 ; TF 4A_61/2016 du 10 mai 2016 consid. 4 ; TF 4A_593/2015 du 13 décembre 2016 consid. 5.1).

3.2 Aux pages 3 à 12 de son appel, l’appelante a reproduit un état de fait, en précisant, d’une part, que les faits ressortaient du jugement de première instance et, d’autre part, qu’elle se permettait de les compléter tels que figurant dans son mémoire de réponse du 11 mars 2016. Elle a ajouté qu’elle se référait à cet égard intégralement à cette écriture. Elle n’a pour le reste fourni aucune autre explication et n’a soulevé aucun grief à l’encontre des premiers juges quant à l’état de fait retenu par ceux-ci. Or, il ne suffit pas, dans le cadre d’un appel, en guise de critique des faits, de se référer à une écriture de première instance et/ou de reprendre les faits contenus dans celle-ci, sans autre démonstration. Selon la jurisprudence, il incombait en effet à l’intéressée, si elle souhaitait compléter l’état de fait, de mentionner quels faits auraient été omis par la Chambre patrimoniale cantonale et d’expliquer pourquoi ces faits auraient été pertinents, dans le cadre de la présente cause. Dans la mesure où de tels moyens font défauts, force est de constater que l’appel de l’intéressée ne répond pas aux exigences de motivation sur ce point. Ainsi, il ne sera pas tenu compte de la partie « III. Faits » du mémoire d’appel.

4. L’appelante V.____ SA plaide l’irrecevabilité de la demande déposée le 25 août 2015 par l’intimé. Elle reproche aux premiers juges d’avoir considéré que l’ATF 142 III 683, qu’elle avait invoqué en première instance sur cette question, n’était pas pertinent dans le cas d’espèce. Elle estime que, dans la mesure où la conclusion prise par l’intimé a trait à deux prétentions différentes, à savoir qu’elle repose, d’une part, sur un cas maladie et, d’autre part, sur un cas accident, et donc qu’elle a pour fondement un complexe de faits différents tombant selon elle sous le coup de deux polices d’assurance différentes, l’intéressé devait, dans ses conclusions, individualiser ses prétentions en précisant sur quel contrat d’assurance il était légitimé à réclamer des indemnités journalières. Pour l’appelante, on se trouve en présence d’un cumul objectif d’actions et, selon la jurisprudence précitée, un tel cumul n’est pas recevable si le demandeur n’a pas clairement précisé dans quel ordre traiter chacune des prétentions invoquées.

Les premiers juges ont admis la recevabilité de la demande du 25 août 2015, au motif que l’arrêt précité avait trait à une action partielle dans le cadre de laquelle le demandeur avait omis de préciser sur quelle prétention sa demande portait.

En accord avec l’appelante, on ne se trouve pas dans le cas d’une action partielle (cf. art. 86 CPC) telle que décrite dans l’ATF 142 III 683, mais face à un cumul objectif d’actions au sens de l’art. 90 CPC. En effet, s’il résulte du fondement en fait de la demande que, par une conclusion qui en soi n’individualise pas les prétentions portées en justice – telle qu’une conclusion en paiement d’une somme d’argent qui peut inclure plusieurs objets litigieux –, des créances découlant de plusieurs complexes de faits différents sont réclamées, il existe alors, comme en l’espèce, plusieurs objets litigieux, qui, quand bien même ils sont regroupés en une seule conclusion, sont invoqués en un cumul objectif d’actions (cf. Bohnet, CPC annoté, Neuchâtel 2016, ad art. 90 et les références citées). Dans ce cas de figure, seul est alors applicable l’art. 90 CPC. Or, en l’occurrence, l’appelante n’invoque pas ni démontre une violation de cette disposition légale.

Au demeurant, on relève que les exigences posées par l’ATF 142 III 683 ont été abandonnées et qu’il n’est dès lors désormais plus nécessaire de préciser dans la demande en justice l’ordre ou l’étendue de chaque prétention, la partie demanderesse devant seulement alléguer et motiver de manière suffisante qu’une ou plusieurs de ses prétentions excèdent le montant réclamé (ATF 145 III 299 consid. 2.3 ; ATF 144 III 452 consid. 2).

Quoi qu’il en soit, les prétentions de l’intimé se basent, contrairement à ce que soutient l’appelante, en l’espèce sur les mêmes polices d’assurance. La couverture des cas maladie et accident était tout d’abord donnée et courait toujours lors de la conclusion de la seconde police en date du 19 novembre 2012. Ensuite et surtout, les polices ont été dûment alléguées en procédure et l’intimé a allégué tous les éléments utiles au calcul de ses prétentions. Aux alléguées 74 à 82, il a détaillé les périodes de couverture sous l’angle maladie et accident, avec les taux d’incapacité déterminants, précisant qu’en ce qui concernait la période du 5 avril 2012 au 30 avril 2013, il convenait de prendre en compte le taux d’incapacité de travail le plus élevé compte tenu du chevauchement des couvertures. Enfin, depuis le 1er mai 2013 jusqu’au 4 avril 2014, l’intimé a indiqué que les indemnités journalières étaient dues sous l’angle accident uniquement, à hauteur de 85%. Ainsi, au vu de la teneur des allégués et de la motivation de sa demande, l’intéressé pouvait conclure au paiement d’une somme globale en lien avec les couvertures maladie et accident sur la base d’une seule conclusion.

Pour ces motifs, le grief de l’appelante doit être rejeté.

5. L’appelante V.____ SA reproche aux premiers juges d’avoir considéré que l’assurance découlant de la police du 30 juin 2006 devait être qualifiée d’assurance de sommes, au lieu selon elle d’assurance de dommages. Elle relève que cette police fait mention d’une assurance de dommages et qu’elle indique, d’une part, que l’indemnité peut être réduite en cas de surindemnisation et, d’autre part, que le salaire effectif de l’ayant droit, soit le dernier salaire AVS perçu dans l’entreprise de l’assuré, avant le début de la maladie est déterminant, soit deux éléments typiques d’une assurance de dommages. L’appelante ajoute que la phrase isolée sur laquelle se sont fondés les premiers juges, à savoir « l’indemnité journalière en cas de maladie ou d’accident » équivaut à « 100% de la somme annuelle des salaires assurés », ne signifie pas qu’elle s’engageait à indemniser forfaitairement l’assuré. Elle reproche encore à l’autorité de première instance de s’être fondée sur le courriel de son employé du 15 février 2013.

5.1 L’assurance de sommes garantit une prestation prédéfinie lors de la conclusion du contrat, qui doit être versée si l’événement assuré survient, sans égard à ses conséquences pécuniaires et à l’existence d’un possible dommage. En revanche, dans une assurance contre les dommages, les cocontractants font de la perte patrimoniale effective une condition autonome du droit aux prestations ; une telle assurance vise à compenser totalement ou partiellement un dommage effectif. Toute assurance vise à parer à d’éventuels revers de fortune. Le critère de distinction ne réside donc pas dans le but, mais bien dans les conditions de la prestation d’assurance (ATF 146 III 339 consid. 5.2.3 et les références citées).

L’assurance de sommes permet à l’assuré de cumuler les prétentions en versement des indemnités journalières prévues par le contrat d’assurance avec d’autres prétentions découlant du même événement dommageable. La surindemnisation est possible ; conformément à l’art. 96 LCA, les droits que l’ayant droit aurait contre des tiers en raison du sinistre ne passent pas à l’assureur (ATF 146 III 339 consid. 5.2.3 et l’arrêt cité). L’assurance de dommages, en revanche, est gouvernée par le principe indemnitaire ; pour éviter le cumul, l’art. 72 LCA a institué un droit de recours de l’assureur à l’encontre du tiers responsable (ATF 146 III 339 consid. 5.2.3 et les références citées).

Savoir si l’on est en présence d’une assurance de sommes ou de dommages dépend en définitive du contrat d’assurance et des conditions générales. L’expression « incapacité de gain » n’est pas déterminante dans la mesure où elle est parfois utilisée comme un synonyme de l’incapacité de travail (ATF 146 III 339 consid. 5.2.3 et l’arrêt cité). Les règles usuelles d’interprétation des contrats sont applicables (ATF 146 III 339 consid. 5.2.3 et l’arrêt cité). Lorsque l’interprétation ainsi dégagée laisse subsister un doute sur leur sens, les conditions générales doivent être interprétées en défaveur de leur auteur, conformément à la règle dite des clauses ambiguës (Unklarheitsregel, in dubio contra stipulatorem ; ATF 146 III 339 consid. 5.2.3 et les arrêts cités).

Une partie de la doctrine fait observer que les conditions générales d’assurance ne formulent pas toujours explicitement l’exigence d’un dommage, laquelle peut aussi découler de l’interprétation qui doit s’étendre le cas échéant aux autres documents contractuels. S’il en résulte que la prestation d’assurance est conditionnée à une perte patrimoniale déclenchée par l’événement assuré, il s’agit d’une assurance de dommages, quand bien même l’étendue de la prestation est jusqu’à un certain point forfaitisée – ce qui arrive fréquemment pour des raisons pratiques (ATF 146 III 339 consid. 5.2.3 et les auteurs cités).

Divers auteurs constatent en outre que les assurances collectives conclues par une entreprise pour le personnel sont typiquement des assurances de dommages (ATF 146 III 339 consid. 5.2.3 et les auteurs cités). L’employeur a en effet l’obligation de verser, pour un temps limité, le salaire du travailleur empêché de travailler pour cause de maladie. Pour autant qu’elle offre des prestations équivalentes, une assurance collective couvrant tout le personnel de l’entreprise peut libérer cette dernière d’une telle obligation, le risque lié à l’incapacité de travail étant alors assumé par l’assureur (ATF 146 III 339 consid. 5.2.3 et les auteurs cités). Le fait que l’assurance couvre des personnes non nommément désignées comme le fait qu’elle se réfère au dernier salaire AVS touché dans l’entreprise plaident en faveur d’une assurance de dommages (ATF 146 III 339 consid. 5.2.3 et les auteurs cités).

L’assurance collective peut voir co-exister une assurance de dommages pour le personnel salarié et une assurance de sommes pour le chef d’entreprise/employeur ; l’assurance de sommes est en effet fréquente s’agissant des indépendants (ATF 146 III 339 consid. 5.2.3 et les auteurs cités).

5.2 En l’espèce, il est vrai que le contenu de la police d’assurance du 30 juin 2006, qui prévoit, outre la mention au dernier salaire AVS assuré, que l’assurance correspondra à une assurance de dommages et que les prestations versées par des tiers, comme la caisse de pension, seront imputées au résultat des prestations à verser par l’appelante, peut à première vue faire référence à une assurance de dommages.

Cependant, le statut d’indépendant de l’intimé plaide, comme le mentionne la jurisprudence, plutôt en faveur d’une assurance de sommes. L’intimé, dentiste indépendant, devait en effet faire face à un certain nombre de charges, qui étaient potentiellement élevées, comme le salaire des employés et le loyer, de sorte qu’il est évident que l’intéressé a eu l’intention de s’assurer contre le risque financier résultant de l’exploitation de son cabinet dentaire, ce que ne pouvait ignorer l’assureur. En outre, nonobstant la désignation de police d’assurance « collective », la qualification d’assurance de sommes est confirmée par le fait que l’intimé est nommément désigné comme preneur d’assurance et individualisé par la police du 30 juin 2006 (pièce 103). De plus, dans la mesure où l’intéressée n’a demandé à l’intimé aucun justificatif de perte de gain, soit d’un éventuel dommage, préalablement au versement des indemnités journalières, le comportement de l’assureur depuis 2011 est également révélateur du fait que le contrat d’assurance conclu entre les parties portait sur une assurance de sommes.

Par ailleurs, la police d’assurance du 19 novembre 2012 prévoit expressément que le contrat liant les parties est une assurance de sommes, et ce alors même qu’elle reprend l’indication, figurant dans la police précédente, que le montant est en substance assuré à concurrence de 100% de la masse salariale annuelle convenue, toujours de 300’000 francs. Il est d’ailleurs plausible que cette nouvelle police, qui indique déroger aux CGA, n’ait fait que clarifier la situation d’assurance préexistante. De surcroît, la teneur du courriel adressé le 15 février 2013 par l’agent d’assurance à l’intimé, qui précisait que l’assurance indemnités journalières était une assurance de sommes et qu’en cas d’incapacité de travail, il n’était pas demandé de justificatif relatif au revenu perdu plaide également en faveur d’un tel type d’assurance. Il en va de même du courrier adressé à l’intimé le 25 mars 2013 par l’appelante, dans lequel celle-ci qualifiait l’assurance d’assurance de sommes. Enfin, aucune circonstance ne vient justifier un passage d’une assurance de dommages à une assurance de sommes entre la première et la seconde police d’assurance, dont la teneur reste pour l’essentiel identique.

A cela s’ajoute que l’appelante ne tire rien de sa démonstration, puisqu’elle se fonde en définitive sur l’art. 61 LCA – qui est indépendant de cette problématique – pour plaider l’obligation de réduire le dommage et qu’il n’y a pas eu de prestation de tiers, comme de l’AI, ce qui exclut toute surindemnisation (cf. en particulier all. 283 à 286).

En définitive, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le contrat liant les parties portait sur une assurance de sommes.

6. L’appelante V.____ SA relève qu’elle n’a jamais soutenu que l’intimé aurait conclu un contrat dans la perspective de percevoir un profit illicite par le moyen de la surassurance et que les premiers juges ne pouvaient dès lors pas se fonder sur l’art. 51 LCA, selon elle inapplicable en l’espèce, mais devaient se référer aux conditions générales de la police d’assurance. Elle fait en substance valoir que, selon la police d’assurance du 30 juin 2006, le salaire annuel fixe doit correspondre au salaire déclaré à la caisse de compensation AVS et que le salaire annuel de l’intimé était en réalité nettement inférieur au salaire annuel de 300’000 fr. annoncé, et ce dès l’année 2000, puisqu’il se chiffrait à environ 100’000 francs. Elle estime qu’elle a versé des prestations supérieures à ce qu’elle devait à concurrence de 219’580 francs.

En l’espèce, l’argumentation de l’appelante ne saurait être suivie. L’autorité de céans a en effet retenu ci-dessus (cf. consid. 5.2 supra) que le contrat conclu entre les parties portait sur une assurance de sommes, et non sur une assurance de dommages, de sorte que le montant assuré de 300’000 fr., bien que définit, dans les polices d’assurance concernées, comme « salaire annuel fixe » ou « masse salariale annuelle », correspondait à la somme assurée et non au salaire de l’assuré. Il ressort du reste expressément du rapport du 12 mars 2014 de [...] que le montant assuré de 300’000 fr. correspond au chiffre d’affaires annuel moyen de l’intimé (die Umsätze ; pièce 156, p. 6). Le grief est infondé.

Même à considérer que les parties auraient conclu un contrat portant sur une assurance de dommages, et donc qu’il conviendrait de prendre en compte le salaire déclaré à l’AVS par l’intimé comme montant assuré, d’en moyenne 100’000 fr. depuis 2000 (all. 135 et 136 ; pièce 106), le grief de l’appelante doit de toute manière être écarté. Selon la police du 30 juin 2006, l’appelante s’est en effet réservée le droit, en cas de demande de prestations, de vérifier le montant indiqué au titre de salaire déclaré à la caisse de compensation AVS (pièce 103, p. 3), si bien qu’elle avait la possibilité de vérifier le montant du salaire déclaré par l’intéressé à la caisse précitée, ce qu’elle n’a pas fait. L’appelante a versé les indemnités journalières sans avoir préalablement vérifié ledit montant. Elle ne détient dès lors pas de fondement pour en obtenir le remboursement.

7. L’appelante V.____ SA reproche aux premiers juges une mauvaise application du droit sur la problématique du défaut d’annonce de l’intimé auprès de l’AI. Elle fait valoir que l’intimé aurait gravement violé ses obligations en cas de sinistre en ne s’annonçant pas auprès de l’Office AI, malgré son invitation à le faire, et estime qu’elle était légitimée à faire application des art. 44.6 et 47.1 des CGA. L’appelante, qui se réfère à son courrier du 27 septembre 2012 (pièce 150), reproche aux premiers juges d’avoir relevé qu’aucun élément au dossier n’établissait qu’elle avait – ou un quelconque médecin – ordonné à l’intéressé de s’annoncer auprès de l’office concerné. Elle ajoute que les considérations émises par la Chambre patrimoniale cantonale au sujet du statut d’indépendant de l’intimé voulant se prémunir contre la perte patrimoniale en cas d’incapacité de travail seraient impropres à justifier un refus d’annonce auprès des organes d’un assureur social tel que l’AI. En définitive, elle estime qu’elle serait légitimée à ne verser aucune prestation à l’assuré.

7.1 Les art. 44.6 et 47.1 des CGA ont été reproduits ci-dessus (consid. C.2 supra).

7.2 En l’espèce, l’appelante ne saurait en l’espèce invoquer les art. 44.6 et 47.1 des CGA pour justifier le non-versement des prestations à l’intimé. En premier lieu, l’assurance n’a, selon les pièces du dossier, invité l’intimé à s’annoncer à l’AI au plus tôt que par son courrier du 27 septembre 2012, voire au début de cette année-là (cf. contenu de la pièce 150), si bien que l’intéressé avait déjà effectué une période d’incapacité à ce moment-là. Pour ce motif, une suppression totale des indemnités journalières est déjà exclue. En deuxième lieu, il ressort des écritures déposées en première instance par l’appelante que celle-ci n’a pas clairement allégué avoir donné l’ordre à l’intéressé de s’annoncer auprès de l’AI afin de réduire son dommage. A la lecture de ses écritures, elle n’a qu’allégué qu’elle avait pris des renseignements auprès de l’Office AI, qui lui avait indiqué que l’intimé n’avait pas déposé de demande, et qu’elle avait invité ce dernier à le faire (all. 283 et 284). Ainsi, elle n’a pas allégué avoir agi conformément à l’art. 44.6 des CGA, qui prévoit que l’assuré est tenu de s’annoncer, si un médecin ou l’assureur le lui ordonne. En troisième lieu, l’appelante n’a pas, dans ses conclusions, chiffré l’éventuelle réduction des prestations à verser à l’intimé, même à titre subsidiaire, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur ce point. Le grief doit donc être écarté.

8. L’appelante V.____ SA reproche aux premiers juges d’avoir intégralement repris les périodes d’incapacité de travail, sous l’angle de la maladie, arrêtées par la Dresse [...], experte judiciaire, soit celles du 1er mai 2012 au 31 août 2012 pour un taux d’incapacité de 80% et du 1er septembre 2012 au 30 avril 2013 pour un taux d’incapacité de 90%, pour conclure qu’elle devait encore à l’intimé un montant de 209’424 fr. 56 d’indemnités journalières. Elle estime que l’expertise réalisée par la Dresse [...] ne bénéficie d’aucune force probante, dans la mesure où l’experte est intervenue huit ans après le début de l’incapacité de travail de l’intimé, où elle s’est abstenue d’interpeller le Dr [...], qui avait réalisé une expertise pour son compte, et où elle s’était entretenue avec le Dr [...], psychiatre de l’assuré, qui était intervenu postérieurement à l’expertise du Dr [...], qui avait contredit les conclusions de celle-ci et qui n’avait été consulté par l’intimé qu’à quelques reprises. L’appelante ajoute que le rapport d’expertise judiciaire manquerait de rigueur et serait peu motivé, dès lors qu’il ne prendrait en particulier pas position sur les incapacités réelles de l’assuré, et que les premiers juges ne pouvaient ignorer que huit certificats médicaux, pour attester l’incapacité de travail des mois de septembre à décembre 2012 et de janvier à avril 2013, n’ont été signés qu’à deux dates, à savoir respectivement les 28 novembre 2012 et 28 mars 2013. L’appelante relève encore qu’il est impossible de vérifier la teneur des discussions survenues entre l’experte et les médecins traitants.

8.1 Selon la jurisprudence fédérale, en principe, le juge ne s’écarte pas sans motifs impérieux des conclusions d’une expertise médicale judiciaire, la tâche de l’expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l’éclairer sur les aspects médicaux d’un état de fait donné. Peut notamment constituer une raison de s’écarter d’une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions ou qu’une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d’autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l’expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise médicale (TF 9C_603/2009 du 2 février 2010 consid. 3.2).

On peut et on doit attendre d’un expert médecin, dont la mission diffère clairement de celle du médecin traitant, notamment qu’il procède à un examen objectif de la situation médicale de la personne expertisée, qu’il rapporte les constatations qu’il a faites de façon neutre et circonstanciée, et que les conclusions auxquelles il aboutit s’appuient sur des considérations médicales et non des jugements de valeur. D’un point de vue formel, l’expert doit faire preuve d’une certaine retenue dans ses propos nonobstant les controverses qui peuvent exister dans le domaine médical sur tel ou tel sujet. Par exemple, s’il est tenant de théories qui ne font pas l’objet d’un consensus, il est attendu de lui qu’il le signale et en tire toutes les conséquences quant à ses conclusions. Enfin, son rapport d’expertise doit être rédigé de manière sobre et libre de toute qualification dépréciative ou, au contraire, de tournures à connotation subjective, en suivant une structure logique afin que le lecteur puisse comprendre le cheminement intellectuel et scientifique à la base de l’avis qu’il exprime (TF 9C_603/2009 du 2 février 2010 consid. 3.3 et les références citées)

S’il apprécie librement la force probante d’une expertise, le juge du fait ne peut toutefois s’écarter des conclusions de l’expert sur des éléments ressortissant de sa compétence professionnelle que pour des motifs importants, qui doivent être indiqués. Il lui appartient dès lors d’examiner, au regard des autres preuves et des observations des parties, si des objections sérieuses mettent en doute le caractère concluant de l’expertise sur des points essentiels (TF 4A_396/2015 du 9 février 2016 consid. 4.1 et les références citées).

Une expertise privée n’a pas la même valeur qu’une expertise judiciaire (ATF 125 V 351 consid. 3c ; TF 4D_71/2013 du 26 février 2014 consid. 2.5). La jurisprudence ne lui reconnaît en principe pas de force probante particulière ; elle doit être considérée comme de simples allégations d’une partie (cf. ATF 132 III 83 consid. 3.4 ; TF 4D_71/2013 du 26 février 2014 consid. 2.5 et l’arrêt cité). Le fait qu’une expertise privée n’ait pas la même valeur qu’une expertise judiciaire ne signifie toutefois pas encore que toute référence à une expertise privée dans un jugement soit constitutive d’arbitraire. Il se peut en effet que ladite expertise ne soit pas contestée sur certains points ou encore qu’elle se révèle convaincante, à l’instar d’une déclaration de partie ; il est également possible que l’expert privé, entendu comme témoin, confirme des éléments de fait précis de son rapport (TF 4D_71/2013 du 26 février 2014 consid. 2.5 et l’arrêt cité).

8.2 En l’espèce, l’argumentation de l’appelante n’est pas convaincante. L’expertise judiciaire réalisée par la Dresse [...] est motivée de manière circonstanciée et probante. Outre qu’on ne décèle aucune contradiction dans les développements étayés de l’experte judiciaire, force est de constater que celle-ci a effectué un travail important. Elle a analysé l’ensemble du dossier et a effectué plusieurs longs entretiens avec l’intimé afin de disposer de tous les éléments utiles. De plus, elle est, d’une part, revenue en détail sur les différents arrêts de travail de l’intimé et les événements privés et professionnels ayant conduit à ces incapacités et a, d’autre part, fait mention d’autres événements passés défavorables ayant eu un impact sur la situation de l’intéressé. Elle a examiné l’évolution de celui-ci depuis l’expertise du Dr [...] sur plusieurs pages et a pris position sur l’expertise privée de ce dernier et sur les différents rapports versés au dossier, dont ceux des médecins traitants de l’expertisé, les complétant de ses propres constatations (cf. pour le détail consid. C.4.1 et C.6 supra). L’experte a en particulier analysé l’appréciation du Dr [...], psychiatre de l’intimé, qu’elle a pris la peine de contacter pour obtenir des informations précises, notamment au sujet des certificats médicaux postdatés dont l’appelante fait référence, problématique en soi non déterminante pour juger de la force probante de l’expertise judiciaire. Enfin, avec l’ensemble des éléments en sa possession, l’experte est parvenue à tirer ses propres conclusions de la situation et a considéré qu’il y avait lieu de confirmer, s’agissant des périodes litigieuses, les incapacités de travail de 80% respectivement 90% certifiées par les médecins traitants de l’intimé.

Au demeurant, l’appelante se contente de motiver son grief de manière théorique et générale, mais ne prend pas la peine d’indiquer des éléments précis de l’expertise qu’elle considère comme erronés. Il importe peu que le rapport d’expertise ait été rendu huit ans après le début de l’incapacité de travail de l’intimé. Comme on l’a vu, le dossier est très bien documenté et l’experte a effectué un important travail de recherche afin d’avoir tous les éléments en sa possession avant de formuler ses propres conclusions. On ne saurait reprocher à l’intéressée de n’avoir pas contacté le Dr [...], dès lors que le rapport de celui-ci figurait déjà au dossier lors de l’établissement de l’expertise judiciaire et qu’il incombait à l’experte, uniquement, de savoir quels étaient les renseignements qu’elle devait requérir pour mener à bien sa mission. Enfin, l’appelante ne propose aucune réduction du taux d’incapacité de travail autre que celui retenu par l’experte et les premiers juges et ne conteste nullement le refus, par ces derniers, d’avoir retranché l’expertise judiciaire litigieuse respectivement d’en avoir administré une seconde. On rappelle encore que, selon la jurisprudence, l’expertise privée du Dr [...] ne revêt pas la même valeur probante qu’une expertise judiciaire et que celle-ci ne doit être considérée que comme une simple allégation de partie.

En définitive, l’appelante ne soulève aucun élément sérieux permettant de mettre en doute le caractère concluant de l’expertise judiciaire de la Dresse [...], de sorte que c’est à juste titre que les premiers juges se sont fondés sur cette expertise pour retenir les périodes et les taux d’incapacité de travail de l’intimé.

9. L’appelant I.____ reproche aux premiers juges d’avoir considéré que les indemnités journalières fondées sur l’incapacité de travail résultant de sa lésion au talon devaient être rejetées dans la mesure où il ne s’agissait pas d’un accident. Il fait valoir qu’il a apporté des éléments permettant d’admettre la survenance d’un accident le 15 juillet 2011, date à laquelle il aurait trébuché sur une marche de son escalier et se serait écorché le talon contre le rebord d’une marche. Il expose que la preuve serait difficile à apporter car la blessure paraissait à l’origine bénigne et a évolué lentement, qu’il n’a pas eu besoin de consulter immédiatement, son fils, infirmier, lui ayant prodigué les premiers soins, que ses déclarations sur ce point sont cohérentes et constantes, de sorte qu’il n’y a pas lieu de les remettre en cause, et que celles-ci ont été confirmées par son fils, qui a témoigné le 28 novembre 2019.

9.1 L’art. 8 CC (Code civil suisse du 10 décembre 1907 ; RS 210) prévoit, pour toutes les prétentions relevant du droit fédéral, que chaque partie doit, en l’absence d’une présomption légale, prouver les faits qu’elle allègue pour en déduire son droit. Ainsi, le demandeur doit prouver les faits qui fondent sa prétention, tandis que sa partie adverse doit prouver les faits qui entraînent l’extinction ou la perte du droit (ATF 130 III 321 consid. 3.1). Ces principes, qui sont également applicables dans le domaine du contrat d’assurance, impliquent qu’il incombe à l’ayant droit – soit à l’assuré dans le cas présent – d’alléguer et de prouver notamment la réalisation du risque assuré et l’étendue de la prétention (ATF 130 III 321 consid. 3.1). Cette preuve étant par nature difficile à apporter, l’exigence de preuve est réduite et il suffit que l’ayant droit établisse une vraisemblance prépondérante (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3), laquelle ne doit pas être confondue avec une simple vraisemblance (ATF 130 III 321 consid. 3.3). L’art. 8 CC donne à l’assureur le droit à la contre-preuve et il peut donc apporter des éléments propres à créer un doute et à ébranler la vraisemblance que l’ayant droit s’efforce d’établir. Au stade de la contre-preuve, l’assureur peut donc faire échec à cette preuve en éveillant des doutes sérieux à l’encontre de l’allégation (ATF 130 III 321 consid. 3.5). Le juge doit procéder à une appréciation de l’ensemble des éléments qui lui ont été apportés pour dire s’il retient qu’une vraisemblance prépondérante a été établie (ATF 130 III 321 consid. 3.4).

9.2 En l’espèce, le Dr [...], qui a examiné l’appelant le 29 août 2011, soit un mois et demi après l’événement allégué, n’a pas fait mention d’une lésion au talon gauche. Or, il a nécessairement examiné les talons de l’intéressé puisqu’il a diagnostiqué, outre un lentigo des mains et un prurit à la cuisse, une rhagade des talons, sans mentionner l’existence de la lésion litigieuse. On ne saurait donc suivre l’appelant lorsqu’il soutient que cette consultation « ne portait pas sur cette problématique mais notamment sur un lentigo des mains et un prurit de la cuisse ». En deuxième lieu, le témoignage du fils de l’intéressé, qui a confirmé l’existence d’une plaie et le fait qu’il lui a donné les premiers soins, ne peut être pris en considération sans que d’autres éléments viennent le corroborer, en raison des liens familiaux existant entre les intéressés. Il en va de même d’ailleurs des déclarations de l’appelant. Sans remettre en cause la crédibilité de celui-ci et, par conséquent, l’existence de sa lésion au talon, on ne saurait en effet prendre pour argent comptant les allégations de l’intéressé, sans qu’ils ne soient attestés par un document médical ou des déclarations d’un médecin, ce d’autant plus si celles-ci sont contestées par la partie adverse. Or tel n’est pas le cas. En troisième lieu, l’événement du 15 juillet 2011 s’apparente en tant que tel à un événement anodin ou banal et n’a pas nécessité de consultation médicale immédiate. Comme on l’a vu, même plus d’un mois après, aucune séquelle de l’évènement précité ne paraissait s’être reportée sur le talon de l’appelant. Dans ces conditions, à l’instar des premiers juges, force est de constater que l’appelant n’établit pas, avec une vraisemblance prépondérante, qu’un accident est survenu le 15 juillet 2011.

10. L’appelant I.____ estime qu’il existe un lien de causalité avec une vraisemblance prépondérante entre l’événement du 15 juillet 2011 et l’apparition de l’ulcère chronique sur son talon gauche. Il relève que les médecins l’ayant examiné n’ont en substance pas été en mesure d’expliquer les origines de cette lésion, mais que son cas est particulier compte tenu du caractère exceptionnel de la blessure, ce qui expliquerait l’impossibilité, pour les experts, d’affirmer de manière certaine un lien de causalité.

10.1 En vertu des principes généraux du droit, il suffit, pour qu’il y ait causalité naturelle (ou relation de cause à effet), que l’événement soit un chaînon nécessaire dans les circonstances ayant entraîné la lésion corporelle, sans lequel elle ne serait pas survenue ou ne se serait pas produite de la même manière. Il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé ; il faut et il suffit que l’événement dommageable, associé éventuellement à d’autres facteurs, ait provoqué l’atteinte à la santé physique ou psychique de l’assuré, c’est-à-dire qu’il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir si l’événement assuré et l’atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait (ATF 132 III 122 ; ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; ATF 128 III 174 consid. 2b ; ATF 128 III 180 consid. 2d et les arrêts cités). L’existence d’un lien de causalité naturelle entre le fait générateur et le dommage est une question de fait que le juge doit trancher selon la règle de la vraisemblance prépondérante lorsque, par la nature même de l’affaire, une preuve stricte n’est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée de celui qui en supporte le fardeau (cf. ATF 133 III 81 consid. 4.2.2 et les arrêts cités ; ATF 133 III 462 consid. 4.4.2). Lorsque la causalité naturelle est retenue, il faut encore se demander si le rapport de causalité peut être qualifié d’adéquat, c’est-à-dire si le comportement ou l’événement incriminé était propre, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s’est produit. Cette question doit être examinée de cas en cas par le juge selon les règles du droit et de l’équité, conformément à l’art. 4 CC (ATF 131 IV 145 consid. 5.1 ; ATF 123 III 110 consid. 3a ; ATF 119 lb 334 consid. 5b).

10.2 En l’espèce, le lien de causalité entre l’évènement du 15 juillet 2011 et la lésion au talon de l’appelant ne peut pas être établi avec une vraisemblance prépondérante. Compte tenu des éléments au dossier, que ce soit les rapports médicaux ou les expertises judiciaires, il n’est en effet pas possible de mettre l’atteinte au talon de l’appelant sur le compte de l’écorchure survenue, selon ce dernier, sur sa marche d’escalier le 15 juillet 2011. On relève en particulier que, dans leur rapport d’expertise du 19 février 2019, les experts n’ont pas été en mesure d’expliquer les raisons qui ont conduit à l’apparition de la lésion. Ils ont tout au plus pu déterminer que la persistance de la plaie chronique était expliquée par l’ostéomyélite du calcanéus, à savoir une infection profonde et osseuse, et que la datation de cette ostéomyélite était impossible à faire. Or, ces explications sont claires. Une datation de l’atteinte au talon de l’appelant ne peut pas être établie. Enfin, on ne saurait suivre l’appelant dans son raisonnement selon lequel les limites de la médecine moderne auraient été atteintes, si bien qu’il y aurait lieu de retenir un lien de causalité car sa blessure serait tout à fait exceptionnelle. Le grief est infondé et doit être rejeté.

11. A titre subsidiaire, l’appelant I.____ fait valoir qu’il conviendrait de déterminer dans quelle mesure il aurait droit, toujours pour sa lésion au talon, au versement d’indemnités journalières sous l’angle d’un second cas maladie. Il soutient que l’art. 13.3 des CGA, dont se prévaut l’intimée, qui prévoit en substance que les deux cas maladie dont il a souffert doivent être équivalents à un seul cas en ce qui concerne la durée des prestations, est une clause insolite et qu’elle ne lui serait pas opposable, car l’intimée n’aurait pas attiré son attention sur cette disposition. Ainsi, l’appelant estime qu’il aurait droit à une nouvelle couverture de 730 jours pour ce second cas.

11.1 La validité des conditions générales est limitée par la règle de la clause insolite. Selon la jurisprudence, sont soustraites de l’adhésion censée donnée globalement à des conditions générales toutes les clauses insolites sur lesquelles l’attention de la partie la plus faible ou la moins expérimentée en affaires n’a pas été spécialement attirée. Le rédacteur de conditions générales doit partir de l’idée, en vertu du principe de la confiance, qu’un partenaire contractuel inexpérimenté n’accepte pas des clauses insolites. Le caractère insolite d’une clause se détermine d’après la perception de celui qui l’accepte au moment de la conclusion du contrat (ATF 138 III 411 consid. 3.1 ; ATF 135 III 1 consid. 2.1). Le caractère insolite doit s’apprécier objectivement – la clause conduit à un changement essentiel du caractère du contrat ou s’écarte de manière importante du cadre légal du type de contrat concerné – et subjectivement – l’(in)expérience du cocontractant dans la branche doit être évaluée (ATF 138 III 411 consid. 3.1 ; ATF 135 III 1 consid. 2.1).

En particulier, la règle de la clause insolite peut trouver application lorsque la clause a pour effet de réduire drastiquement la couverture d’assurance de telle sorte que les risques les plus fréquents ne sont plus couverts, lorsque le sens et la portée d’une disposition sont travestis par une formulation compliquée ou lorsque, par son emplacement dans les conditions générales, elle apparaît surprenante et inattendue à l’assuré (TF 5A_152/2017 du 2 novembre 2017 consid. 4.3 et l’arrêt cité).

11.2 L’art. 13.3 des CGA est libellé comme il suit : « lorsqu’un nouveau cas de maladie entraîne, à la suite d’un cas d’assurance avec droit à prestations, une nouvelle incapacité de travail avec une autre origine, alors les deux cas de maladie sont équivalents à un seul cas de maladie en ce qui concerne la durée des prestations, si entre les deux il n’y a pas eu une capacité de travail complète d’au moins 30 jours ».

Les explications de l’appelant sur ce point, qui reprennent le contenu de ses plaidoiries écrites, ne sont pas convaincantes. L’intéressé se contente en effet d’affirmer que, selon cette clause, alors que toutes les conditions seraient réunies pour une couverture, cette disposition permettrait d’exclure un second cas maladie et que cela ne ferait aucun sens, le preneur d’assurance devant pouvoir compter sur une prise en charge de toute incapacité. En réalité, la formulation de cette clause n’est pas particulièrement insolite. Il s’agit d’une disposition de coordination au sein de l’assurance d’après laquelle la survenance d’un nouveau cas maladie n’entraîne pas la naissance d’un nouveau droit à l’indemnisation si entre les deux atteintes, l’assuré n’a pas présenté une capacité de travail complète de plus de 30 jours. Ainsi, la formation de cette clause n’apparaît pas de nature à réduire drastiquement la couverture d’assurance de sorte que les risques fréquents ne seraient plus couverts, puisqu’il subordonne simplement la pleine couverture de deux cas maladie à une reprise complète, entre-temps, du travail pour une durée d’un mois. De plus, la clause litigieuse est claire et n’est pas formulée de manière compliquée ou propre à prêter à confusion pour un lecteur raisonnable. Elle est en outre inscrite au début des CGA et sa teneur n’apparaît pas surprenante ou inattendue pour un assuré. On peut comprendre qu’un assureur veuille régler la coordination de sa couverture lors de la survenance de plusieurs cas maladie, en particulier pour éviter d’éventuels abus de la part d’assurés. Selon les règles jurisprudentielles bien établies, l’intimée n’avait par conséquent pas besoin d’attirer l’attention de l’appelant sur cette clause, ce dernier pouvant très bien – en raison de sa formation dans le domaine médical d’autant plus – la comprendre et décider, lors de la conclusion du contrat, de faire porter celui-ci sur cette clause ou non.

Les critiques de l’appelant sont donc infondées.

12. A titre plus subsidiaire, l’appelant I.____ relève qu’en cas d’application de l’art. 13.3 des CGA, celui-ci, s’il limite la durée maximale de la couverture, n’empêcherait pas le cumul des degrés d’incapacité et donc un degré de maladie plus élevé, soit en l’occurrence le taux de 100% pour l’incapacité liée au talon pour la période d’avril 2012 à avril 2014. Dans cette hypothèse, l’appelant, qui revient en détail sur les conséquences de sa lésion, prétend au versement d’une somme de 466’314 fr. 85, subsidiairement de 254’465 fr. 55.

L’appelant n’a pas présenté une capacité entière de travail de 30 jours minimum durant la période précitée (cf. tableau récapitulatif de l’appelant, appel, p. 15 ; consid. C.6 supra), de sorte qu’en application de l’art. 13.3 des CGA, les deux cas maladie de l’intéressé, distincts, doivent être traités comme un seul cas maladie en ce qui concerne la durée des prestations, à savoir le nombre d’indemnités journalières à verser. Il n’y a par ailleurs pas eu de nouveau délai cadre d’indemnisation de 730 jours en lien avec la lésion au talon, si bien que la couverture d’assurance est limitée au 30 avril 2013.

Pour le période du 1er mai au 31 août 2012, les premiers juges ont retenu une incapacité de travail de 80%, comprenant un volet de 60% pour le cas maladie psychique et un volet de 20% concernant l’atteinte au talon. Ils se sont fondés sur l’expertise réalisée par la Dresse [...], pertinente et qui doit être suivie (cf. consid. 8 supra), qui a fait état de cette question et avait pris contact avec les médecins traitants de l’appelant sur ce point. Ce dernier ne conteste du reste pas le raisonnement opéré par les premiers juges ni l’expertise judiciaire précitée sur ce point dans son appel, dès lors qu’il se contente en substance de se référer aux conclusions de l’expertise du Dr [...]. Pour cette période, il y a donc lieu de retenir, à l’instar des premiers juges, une incapacité de travail à 80%.

Pour la période du 1er septembre 2012 au 30 avril 2013, les premiers juges ont retenu un taux d’incapacité de 90%, uniquement en lien avec la maladie psychique de l’assuré, certifiée par le Dr [...], sans tenir compte d’une incapacité liée au talon, alors que cela avait été fait pour la période précédente. Pour ce faire, ils se sont également référés, à juste titre, à l’expertise réalisée par la Dresse [...], qui n’a pas retenu d’incapacité liée au talon pour cette période (rapport d’expertise, p. 47). L’appelant fonde sa démonstration sur les conclusions du rapport d’expertise du Dr [...], qui a certes confirmé, dans son rapport, une incapacité de travail de 100% d’avril 2012 à mai 2013. Cependant, l’appelant a, en première instance, uniquement allégué un taux d’incapacité de 90% pour cette période et allègue pour la première fois en appel un taux d’incapacité de 100%. Or, le rapport d’expertise du Dr [...] ayant été rendu au cours de la procédure de première instance, il aurait dû le faire devant l’autorité précédente. Les éléments sur lesquels se fonde l’intéressé ne peuvent dès lors plus être pris en compte à ce stade (cf. art. 317 CPC).

Le grief est donc infondé.

13. En conclusion, les appels doivent être rejetés et le jugement attaqué intégralement confirmé.

Il n’est pas perçu de frais judiciaires de deuxième instance (art. 114 let. e CPC).

Vu le sort de la cause, les dépens de deuxième instance seront compensés (art. 106 al. 1 CPC).

Par ces motifs,

la Cour d’appel civile

prononce :

I. L’appel de V.____ SA est rejeté.

II. L’appel de I.____ est rejeté.

III. Il n’est pas perçu de frais judiciaires de deuxième instance.

IV. Les dépens sont compensés.

V. L’arrêt est exécutoire.

La présidente : Le greffier :

Du

Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié à :

Me Daniel Pache, avocat (pour I.____),

Me Didier Elsig, avocat (pour V.____ SA),

et communiqué, par l’envoi de photocopies, à :

Mme la Juge présidant la Chambre patrimoniale cantonale.

La Cour d’appel civile considère que la valeur litigieuse est supérieure à 30’000 francs.

Le présent arrêt peut faire l’objet d’un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral au sens des art. 72 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110), le cas échéant d’un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Dans les affaires pécuniaires, le recours en matière civile n’est recevable que si la valeur litigieuse s’élève au moins à 15’000 fr. en matière de droit du travail et de droit du bail à loyer, à 30’000 fr. dans les autres cas, à moins que la contestation ne soulève une question juridique de principe (art. 74 LTF). Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF).

Le greffier :

Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.

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