Zusammenfassung des Urteils HC/2019/300: Kantonsgericht
Die Cour d'appel civile hat entschieden, dass die Ehefrau des Verstorbenen und die Beklagte die Beträge von insgesamt 86'100 CHF rechtmässig erhalten hat. Es wurde festgestellt, dass der Verstorbene zum Zeitpunkt der Überweisungen die erforderliche Entscheidungsfähigkeit hatte. Die Gerichtsentscheidung berücksichtigt, dass die Beklagte eine Vollmacht über die betroffenen Konten hatte und somit die Überweisungen rechtmässig waren. Es wurde festgestellt, dass die Ehefrau des Verstorbenen zum Zeitpunkt der Überweisungen ebenfalls die erforderliche Entscheidungsfähigkeit hatte. Trotz späterer Gesundheitsprobleme wurde nicht nachgewiesen, dass sie zum Zeitpunkt der Überweisungen nicht entscheidungsfähig war. Die Gerichtskosten in Höhe von 9'110 CHF wurden der Klägerin auferlegt. Die verklagte Person ist weiblich.
Kanton: | VD |
Fallnummer: | HC/2019/300 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: | Cour d'appel civile |
Datum: | 08.04.2019 |
Rechtskraft: | - |
Leitsatz/Stichwort: | - |
Schlagwörter : | époux; Appel; Intimée; éfenderesse; Appelant; Appelante; écembre; émoin; étaient; état; Autre; énéral; Philippe; Juvet; él Avait; établi; Avocat; égal; Lappel; ération; éjà |
Rechtsnorm: | Art. 100 BGG;Art. 16 ZGB;Art. 168 ZGB;Art. 18 ZGB;Art. 181 ZGB;Art. 201 ZGB;Art. 242 ZGB;Art. 310 ZPO;Art. 311 ZPO;Art. 317 ZPO;Art. 57 ZPO;Art. 74 BGG;Art. 8 ZGB; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: | - |
TRIBUNAL CANTONAL | PT17.008586-180898 188 |
cour d’appel CIVILE
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Arrêt du 8 avril 2019
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Composition : M. Abrecht, président
M. Oulevey, juge, et Mme Cherpillod, juge suppléante
Greffière : Mme Spitz
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Art. 16 CC et 239 al. 1 CO
Statuant sur l’appel interjeté par A.U.__, à [...], demanderesse, contre le jugement rendu le 5 janvier 2018 par le Tribunal civil de l’arrondissement de La Côte dans la cause divisant l’appelante d’avec A.J.__, à [...], défenderesse, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal considère :
En fait :
A. Par jugement du 5 janvier 2018, le Tribunal civil de l’arrondissement de La Côte (ci-après : le tribunal) a rejeté la demande en paiement formée le 27 février 2017 par A.U.__ contre A.J.__ (I), a mis les frais judiciaires, arrêtés à 9'110 fr., à la charge d’A.U.__ (II), a dit qu’en cas de demande de motivation du jugement, A.U.__ devait restituer à A.J.__ l’avance de frais que celle-ci avait fournie à concurrence de 672 fr. 50 (III), a dit qu’A.U.__ devait verser à A.J.__ la somme de 10'000 fr. à titre de dépens (IV) et a rejeté toute autres ou plus amples conclusions (V).
En droit, les premiers juges étaient saisis par le curateur de la demanderesse, au nom et pour le compte de celle-ci, d’une demande de remboursement de sommes que cette dernière et feu son époux auraient versées sans intention de donner et alors qu’ils ne disposaient plus de la capacité de discernement nécessaire, en faveur de la défenderesse, respectivement de l’époux de celle-ci, à hauteur d’un montant total de 88'000 francs. Le tribunal a constaté que les 800 fr. versés le 23 décembre 2011 avaient été remboursés le 30 décembre 2011, que les 1'100 fr. versés le 14 août 2012 correspondaient au salaire dû à une personne travaillant chez la demanderesse et que les autres montants versés entre le mois de décembre 2011 et le mois d’octobre 2012 à hauteur de 86'100 fr. pouvaient être qualifiés de donations, les éléments du dossier permettant de retenir que les époux U.__ entretenaient un lien étroit avec la défenderesse et avaient la volonté de la favoriser tant sur le plan successoral que par des avantages entre vifs. Les premiers juges ont en outre considéré que l’animus donandi des époux U.__ était établi, que feu B.U.__ disposait de sa pleine capacité de discernement lorsque les versements avaient été effectués et avait pu vérifier les opérations réalisées en faveur de la défenderesse et/ou de son époux, mais également que la demanderesse, qui avait sa pleine capacité de discernement lorsqu’elle avait exprimé sa volonté de donner à la défenderesse, avait laissé à son époux le soin de se charger des modalités et du contrôle de son engagement, de sorte que le montant total de 86'100 fr. versé à la défenderesse et/ou son époux l’avait été à titre de donations manuelles sous la forme de transferts bancaires et n’avaient donc pas à être restitués.
B. Par acte du 14 juin 2018, A.U.__ a interjeté appel contre ce jugement, en concluant en substance, avec suite de frais et dépens de première et de deuxième instance, à sa réforme en ce sens que A.J.__ soit condamnée à lui payer la somme de 86'100 fr. avec intérêts à 5 % l’an dès le 31 mai 2012. Subsidiairement, elle a conclu à ce que A.J.__ soit condamnée à lui verser la somme de 19'000 fr. avec intérêts à 5 % l’an dès le 31 mai 2012 et, encore plus subsidiairement, elle a conclu à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause aux premiers juges pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Par réponse du 23 octobre 2018, A.J.__ a en substance conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de l’appel.
Par réplique spontanée du 26 octobre 2018, A.U.__ a réitéré les conclusions prises dans son appel du 14 juin 2018.
Par duplique du 7 novembre 2018, A.J.__ a maintenu les conclusions prises dans sa réponse du 23 octobre 2018.
C. La Cour d'appel civile retient les faits pertinents suivants, sur la base du jugement complété par les pièces du dossier :
1. A.J.__ (ci-après : la défenderesse) a indiqué qu’elle connaissait A.U.__ (ci-après : la demanderesse) et son époux B.U.__ depuis qu’elle avait l’âge de deux ans et que ses parents étaient très proches d’eux, les deux familles étant par ailleurs voisines. Elle a exposé que, de ce fait, les époux U.__ avaient toujours été très présents dans les différentes étapes de sa vie et que cela était d’autant plus vrai s’agissant de B.U.__ qui avait repris le rôle de père pour elle lorsque que ce dernier était décédé. Elle a indiqué avoir toujours considéré les époux U.__ comme sa propre famille et qu’elle leur vouait une confiance pleine et entière.
La défenderesse a ajouté que les époux U.__ la considéraient comme leur propre fille, ce que son fils a confirmé. B.J.__ a d’ailleurs ajouté que les époux U.__ avaient « toujours fait partie des événements familiaux, [qu’]ils étaient toujours invités et [étaient] toujours venus », précisant qu’ « ils étaient très proches ».
Il ressort du certificat de baptême d’B.J.__, fils de la défenderesse né le [...] 1990, que la demanderesse est sa marraine.
La défenderesse a fait valoir qu’elle n’avait jamais cessé de se soucier du bien-être des époux U.__ et qu’à compter de l’année 2010, voyant les effets de la vieillesse s’intensifier, elle avait commencé à prendre soin d’eux de manière régulière. Elle faisait leurs courses à raison de deux fois par semaine et les aidait dans l’exécution de diverses tâches ménagères, ce qui a été confirmé par B.J.__.
b) Par testaments publics du 7 décembre 2011, B.U.__ et A.U.__ ont institué la défenderesse seule héritière de tous leurs biens en cas de prédécès de l’un d’entre eux ou de décès simultanés.
La défenderesse soutient qu’à l’époque de la signature des testaments publics, les époux U.__ étaient capables de discernement. Cela a été confirmé par le notaire X.__, qui a déclaré que les testateurs lui avaient paru capables de disposer pour cause de mort et avaient leur capacité de discernement, par F.__, qui a précisé qu’ils étaient « lucides, capables de disposer pour cause de mort » et disposaient selon elle « de leur plein discernement » et par B.__, qui a confirmé que les deux époux étaient « tout à fait capables de prendre des dispositions à cause de mort » et étaient « tout à fait conscients de ce qu’ils faisaient ».
Le témoin B.J.__ a pour sa part indiqué que selon lui, B.U.__ était tout à fait lucide lors de la signature des actes. S’agissant de la demanderesse, il a déclaré que cela avait « toujours été plus difficile » mais que pour lui, « elle était parfaitement claire à l’époque », tout en précisant qu’il ne savait pas ce qu’il en avait été ensuite car il parlait davantage avec B.U.__, alors qu’avec la demanderesse « les conversations étaient plus brèves ».
c) La défenderesse a exposé qu’à partir de l’année 2011, feu B.U.__ lui avait demandé de lui apporter son soutien dans le cadre de la gestion de leur comptabilité, ce qui a été confirmé par B.J.__.
Le 17 août 2011, une procuration a été émise en faveur de la défenderesse sur les deux comptes nos [...] et [...] détenus respectivement par B.U.__ pour le premier et par les époux U.__ pour le second, auprès de la banque [...].
La défenderesse a fait valoir qu’elle se chargeait ainsi du paiement des factures des époux U.__, et dès réception des relevés bancaires, les passait systématiquement en revue avec B.U.__ afin de vérifier que tout était en ordre. Sur ce point, le témoin B.J.__ a déclaré que « systématiquement elle allait avec M. B.U.__ et faisait le point et regardait les demandes et attentes de M. B.U.__. Elle lui soumettait physiquement les relevés de comptes ». Il a ajouté avoir été présent une à deux fois car c’était l’occasion pour lui d’aller voir B.U.__.
La défenderesse a indiqué que les époux U.__ avaient de la sorte toujours été tenus au courant de l’état de leurs comptes et qu’en outre, elle n’avait jamais demandé la moindre rémunération pour les diverses tâches effectuées au sein de leur domicile, ce qui a été confirmé par B.J.__.
2. La défenderesse a en outre exposé que le soutien nécessité par les époux U.__ était devenu de plus en plus intense et qu’elle n’avait finalement pas eu d’autre choix que de leur faire admettre qu’il était devenu impératif de recourir à une aide extérieure, ce qu’B.J.__ a confirmé.
Le 29 août 2012, S.__ a été désignée aux fonctions de gouvernante.
La défenderesse a expliqué que malgré le peu d’amis qu’ils avaient, la gouvernante était parvenue, dès son entrée en fonction, à isoler les époux U.__ et à les priver de tout contact avec le monde extérieur. S.__ serait allée jusqu’à expulser la personne, prénommée « D.__», qui venait tous les jours préparer les repas de midi et aider les époux U.__ dans le cadre de l’exécution de leurs tâches ménagères. La défenderesse aurait tout de suite senti que la gouvernante manipulait les époux U.__ et tentait de les monter contre elle, la traitant notamment de « voleuse », si bien que petit à petit elle s’était retrouvée mise à l’écart, pour finir par ne plus pouvoir mettre les pieds chez les époux U.__, la gouvernante l’expulsant systématiquement de leur domicile. Impuissante face à cette situation, ses contacts avec les époux U.__ avaient définitivement cessé à compter de la fin de l’année 2012.
A cet égard, D.__, entendue en qualité de témoin, a exposé avoir travaillé pour les époux U.__ de février 2012 à, selon son souvenir, début novembre 2012. Elle venait tous les jours, y compris le week-end au moment des repas de midi pour chauffer les plats, ainsi que, parfois, plus tôt dans la matinée pour faire du ménage. Les instructions sur le travail à effectuer lui étaient données par la défenderesse. Elle était rémunérée à raison de 25 fr. l’heure et a indiqué qu’il lui semblait que son salaire lui était versé de main à main, sans pouvoir être catégorique à ce sujet, et en admettant qu’il était possible qu’elle ait parfois été payée par virement bancaire. Elle a en outre expliqué ce qui suit :
« Mme A.J.__ a engagé une dame que j’appelle [...] pour être présente auprès des époux U.__ notamment la nuit. […] pour moi il était clair que cette dame cherchait à contrôler la situation. Cette dame ne voulait pas que je m’occupe des époux U.__. Elle me demandait de faire toutes sortes de tâches en plus de mon travail en me traitant un peu comme une esclave. Je pense qu’elle voulait effectivement que je cesse de travailler pour les époux U.__. La situation n’était pas supportable pour moi, j’ai décidé de ne plus travailler pour eux. Mon dernier salaire n’a jamais été payé. Mme A.U.__ était une personne fragile qu’il était, je pense, facile de manipuler. Une fois, j’ai assisté à une discussion où c’était un peu la bataille entre Mme A.J.__ et [...] [S.__] en présence des époux U.__. Il est exact que j’ai entendu [...] traiter Mme A.J.__ de voleuse. J’ai entendu entre elles qu’elles parlaient de comptes bancaires. J’ai compris qu’ [...] affirmait qu’il y avait des choses pas correctes. Après avoir résilié mon contrat de travail j’ai voulu aller rendre visite aux époux U.__ et [...] a refusé que je rentre dans leur appartement. [...] m’a dit qu’elle avait changé toutes les clés de l’appartement. Je suis d’ailleurs encore en possession de l’ancienne clé qui m’avait été remise lors du début de mon activité. Vous me demandez si elle a fait la même chose avec Mme A.J.__, je réponds que oui. Mme A.J.__ m’a dit elle-même qu’elle ne pouvait plus retourner chez le couple U.__.
[…]
Pour répondre à Me Isabelle Seidler, j’ai parlé quelques fois avec Mme A.J.__ à la suite de la fin de mon activité. Peut-être quatre fois.
Pour répondre à Me Berta Casas Rochel, je ne peux pas affirmer que [...] cherchait à expulser Mme A.J.__ de la vie des époux U.__ mais j’ai été frappée par le fait qu’ [...] lui avait dit qu’elle allait s’installer dans l’appartement des époux U.__, résilier le bail de son appartement et que désormais elle s’occuperait de tout. »
3. Le 15 novembre 2012, la défenderesse a adressé à X.__, notaire des époux U.__, un courriel contenant les informations sur les comptes bancaires du couple ainsi que les coordonnées de la gouvernante.
Par courriers du 16 novembre 2012 adressés à la Banque [...] et à la Banque [...], le notaire X.__ a notamment indiqué qu’il lui avait été communiqué que l’aide-soignante S.__ exerçait une influence psychologique des plus négative sur le couple et qu’une curatelle était en train d’être mise en place. Entendu en qualité de témoin, le notaire X.__ a confirmé que c’était bien la défenderesse qui lui avait signalé la situation.
4. a) Par ordonnances du Tribunal tutélaire de la République et Canton de Genève (ci-après : le tribunal tutélaire) du 5 décembre 2012, l’avocat Philippe Juvet a été désigné aux fonctions de représentant légal provisoire de la demanderesse et de feu son époux B.U.__.
Cette désignation est ainsi intervenue alors que les époux U.__ étaient âgés de 85 et 91 ans et semblaient victimes des velléités de la gouvernante susmentionnée, S.__. Divers intervenants, soit notamment le
Dr H.__, qui suivait médicalement les époux U.__ depuis plusieurs années, et le notaire X.__ avaient interpellé le tribunal tutélaire, inquiets de l’influence d’S.__ sur le couple. Aucun des intervenants n’avait par contre remis en doute la fiabilité de la défenderesse, présentée comme une amie de la famille aidant les époux U.__ avant d’être, elle aussi, écartée par la gouvernante.
b) Le 22 avril 2013, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant de Genève (ci-après : le TPAE) a autorisé l’avocat Philippe Juvet à résilier le contrat de travail d’S.__.
5. Par courrier du 14 mai 2013, la banque [...] a transmis à
l’avocat Philippe Juvet les relevés de compte des époux U.__ pour la période courant depuis la date de sa nomination, soit le 5 décembre 2012. Il ressort notamment de ce courrier que des procurations générales étaient inscrites pour le compte n° [...] en faveur de la défenderesse depuis le 17 août 2011, d’S.__ depuis le 9 novembre 2012 et de la demanderesse depuis le
20 août 2004 et qu’une procuration générale était inscrite pour le compte
n° [...] en faveur de la défenderesse depuis le 17 août 2011.
Les relevés bancaires des comptes nos [...] laissent en outre apparaître une liste de virements effectués en faveur de « J.__ » et « C.J.__ » pour un total de 88'000 fr., soit :
- 800 fr. le 23 décembre 2011 ;
- 4'000 fr. le 27 décembre 2011 ;
- 14'500 fr. le 27 janvier 2012 ;
- 15'000 fr. le 24 février 2012 ;
- 6'000 fr. le 28 mars 2012 ;
- 9'000 fr. le 27 avril 2012 ;
- 4'000 fr. et 5'000 fr. le 30 mai 2012 ;
- 2'600 fr. le 26 juin 2012 ;
- 8'000 fr. le 27 juillet 2012 ;
- 1'100 fr. le 14 août 2012 ;
- 4'000 fr. le 30 août 2012 ;
- 1'000 fr. et 4'500 fr. le 27 septembre 2012 ;
- 8'500 fr. le 29 octobre 2012.
6. Par ordonnances du 3 octobre 2013 le TPAE a désigné l’avocat Philippe Juvet comme curateur de portée générale de la demanderesse et de B.U.__ et a retenu l’incapacité des intéressés de résister aux manœuvres de la personne engagée à domicile.
Concernant la demanderesse, le TPAE a mentionné une expertise psychiatrique du 25 juin 2013 aux termes de laquelle l’expert concluait notamment que celle-ci présentait un état de démence modéré à sévère, assimilable à une déficience mentale, qu’en raison de ses troubles démentiels elle n’était pas à même de comprendre les tenants et aboutissants de situations complexes en lien avec, notamment, la gestion de son patrimoine et qu’une restriction totale de l’exercice de ses droits civils était nécessaire.
S’agissant de B.U.__, le TPAE a mentionné une expertise psychiatrique du 5 juillet 2013 aux termes de laquelle l’expert concluait notamment que l’état de santé mentale de celui-ci, caractérisé par la présence d’une démence, ne lui permettait plus d’assurer en personne la sauvegarde de ses intérêts, l’expert ne pouvant pas exclure qu’il se trouve sous l’influence de sa gouvernante ou d’une tierce personne. Selon l’expert, une restriction totale des droits civils de B.U.__ était nécessaire.
7. B.U.__ est décédé le [...] 2015.
8. Par demande reçue par le Tribunal des Prud’hommes de la République et Canton de Genève le 24 mai 2016, S.__ a agi contre A.U.__ et lui a réclamé divers montants notamment pour des salaires prétendument impayés pour la période du 29 août 2012 au 25 avril 2013.
Par attestation médicale du 18 octobre 2016, la Dresse [...] a estimé qu’A.U.__ n’était pas en mesure de représenter ses intérêts dans le cadre d’une procédure judiciaire et à assister à une audience ou à répondre aux questions d’un tribunal.
9. a) L’avocat Philippe Juvet soutient que les époux U.__ n’avaient pas la capacité de discernement nécessaire pour décider de donner de l’argent à la défenderesse à l’époque des versements, soit entre les mois de décembre 2011 et d’octobre 2012.
A cet égard, le notaire X.__ a indiqué n’avoir, sauf erreur de sa part, pas revu personnellement les époux U.__ depuis la séance d’instrumentation du 7 décembre 2011. Il a expliqué avoir eu des contacts avec la défenderesse et le Dr H.__ lorsqu’ils lui avaient signalé que la capacité des époux était réduite et qu’ils étaient par conséquent influençables, soit lorsqu’il avait envoyé les courriers susmentionnés aux banques concernées. Il a en revanche indiqué ne pas être au courant d’éventuelles donations entre vifs faites par les époux U.__ en faveur de la défenderesse. Il a cependant déclaré que pour sa part, il ne remettait pas en doute la manière dont la défenderesse s’était occupée des époux U.__ et n’avait aucun doute sur sa fiabilité.
Le Dr H.__ a quant à lui exposé qu’il connaissait les époux U.__ depuis de nombreuses années et avait été leur médecin traitant. Il avait également été leur médecin généraliste traitant lorsqu’ils avaient souhaité être soignés à domicile et les a ainsi suivis pendant environ une année. Il a expliqué qu’environ un mois ou deux avant qu’il signale leur situation au service du tuteur général, B.U.__ lui avait signifié la fin de leur collaboration. Selon le Dr H.__, B.U.__ était alors sous influence et semblait très embêté. Le témoin a expliqué que le couple, qu’il voyait environ toutes les trois semaines, était assez autonome dans sa villa et disposait d’un service infirmier à domicile assez conséquent. Il a souligné que « tout reposait sur M. U.__. Mme A.U.__ présentait un léger ralentissement intellectuel à ce moment-là » et qu’il craignait que B.U.__ soit hospitalisé car cela aurait à son avis induit, pour le couple, la fin du maintien à domicile.
Le Dr H.__ a affirmé n’avoir pas eu connaissance du fait que les époux U.__ avaient versé de l’argent à la défenderesse, qu’il avait rencontrée à deux ou trois reprises lorsqu’il suivait les époux U.__ et dont il avait été informé qu’elle s’occupait de régler leurs factures. Il n’avait pour sa part aucun doute au sujet de la fiabilité de la défenderesse et a ajouté qu’il avait compris de l’attitude de B.U.__ que ce dernier avait une grande confiance en elle.
S’agissant de la capacité de discernement des époux U.__, le
Dr H.__ s’est exprimé ainsi :
« Pour M. B.U.__, capacité de discernement totale, il savait très bien ce qu’il faisait et les décisions qu’il devait prendre. Néanmoins, au fil des mois et des semaines je le sentais sous influence. C’était un homme assez péremptoire et directif et tout à coup je sentais qu’il était obligé de faire des choses et qu’il me le disait en filigrane. C’était difficile pour lui de le verbaliser.
Pour Mme A.U.__, elle me reconnaissait car elle me connaissait depuis tout gamin. Elle m’a reconnu bien que trente ans se soient écoulés. Elle était très affective. Il y avait une partie qui était authentique et une autre partie qui était peut-être télescopique sachant que mon père avait travaillé pour elle pendant des années. Elle n’avait pas une capacité de discernement aussi clairvoyante que celle de son mari. Il y avait un affaiblissement intellectuel et elle était sous médicaments.
Pour répondre à Me Philippe Juvet qui me présente la pièce 4 page 2 dernier paragraphe et dans laquelle le tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant indique reproduire mes propos, je précise que l’affaiblissement intellectuel fluctuant de M. B.U.__ était récent et ne concernait que les derniers temps. Par ailleurs, lorsque l’on parle d’institutionnalisation c’est plutôt en EMS ou en Home.
Le terme d’affaiblissement intellectuel ne permet pas de quantifier. En ce qui concernait Mme A.U.__, je peux affirmer qu’elle n’était pas capable de discernement pour elle. S’agissant de M. B.U.__, je suspectais une petite dépression vers la fin qui avait pour effet une capacité de discernement fluctuante étant précisé que je n’aime pas parler d’affaiblissement intellectuel concernant M. B.U.__. »
b) La défenderesse soutient quant à elle qu’à l’époque des virements et ordres e-banking, les époux U.__ étaient parfaitement capables de discernement. Sur ce point, le témoin C.J.__ a expliqué qu’il avait eu beaucoup de discussions avec B.U.__ à ce moment-là et que celui-ci était « parfaitement sain et lucide » et continuait même à s’intéresser à la progression de sa société, à lire des livres sur la science et à s’intéresser à la science, ce que, d’après lui, on n’arrive plus à faire quand on est « un peu ramolli ». S’agissant de la capacité de discernement de la demanderesse durant l’année 2011-2012, il a expliqué qu’il n’était pas médecin mais qu’en parlant avec elle régulièrement il n’avait rien constaté d’anormal. Il estime ainsi qu’il était en mesure de se rendre compte du fait que le comportement de la demanderesse était attendu ou non, soit normal ou pas, d’autant plus qu’il la connaissait « depuis 1985 au moins ».
10. La défenderesse a exposé que son époux, C.J.__, physicien de profession, avait été licencié au mois de mars 2010, après 29 ans passés au sein de la société Z.__ SA, ce que l’intéressé a confirmé.
A l’audience de plaidoiries finales, C.J.__ a indiqué avoir alors participé à la création d’une entreprise en [...], soit la société « G.__ GmbH», qui a vu le jour le [...] 2010.
La défenderesse a exposé que l’année 2011 avait été éprouvante pour sa famille qui s’était retrouvée dans une situation financière particulièrement précaire dès lors que la société susmentionnée n’en était qu’à ses balbutiements et qu’il était inconcevable pour elle d’abandonner les époux U.__ pour reprendre une activité lucrative.
Elle a expliqué que B.U.__, chimiste de profession, était fasciné par la science et la technologie et qu’il avait accueilli avec un grand enthousiasme le projet de son époux, ce qui a été confirmé par B.J.__.
Selon la défenderesse, au vu des difficultés financières rencontrées par sa famille et de la relation étroite qu’elle entretenait avec B.U.__, qui la considérait comme sa propre fille, celui-ci avait émis le souhait de leur venir en aide, à elle et son mari. Elle a ainsi fait valoir que les époux U.__ avaient généreusement proposé de leur apporter un soutien financier dans le but exclusif de les aider à s’acquitter de leurs factures courantes, sans que la moindre obligation de remboursement ait jamais été évoquée. Ce serait ainsi que les époux U.__ leur aurait généreusement fait donation d’un montant total de 86'100 fr. entre le
27 décembre 2011 et le 29 octobre 2012.
Le témoin B.J.__ a confirmé avoir eu à l’époque connaissance du fait que B.U.__ avait souhaité mettre cette somme à disposition de ses parents pour d’une part soutenir la famille et d’autre part soutenir la création de la société de son père, afin de permettre à ses parents de suppléer au manque de revenus pendant le développement de l’entreprise. Il a ajouté que B.U.__ « avait été clair sur le fait que c’était pour aider et sans demander de retour », précisant que c’est ce qu’il avait lui-même entendu lorsqu’il avait assisté à une conversation entre B.U.__ et sa mère à ce sujet.
Quant au témoin C.J.__, il a déclaré que B.U.__ avait toujours été intéressé par sa profession et ce qu’il faisait, qu’il était lui-même chimiste et avait un grand intérêt pour les technologies modernes et la physique. Il a en outre exposé ce qui suit :
« Quand il a appris que je cherchais un nouveau travail et que c’était difficile. Je lui ai parlé d’une idée que j’avais et c’était lié à la « civilisation hydrogène » et qui consistait à utiliser l’hydrogène comme source de stockage d’énergie notamment d’énergie solaire. J’avais connu un ancien collègue qui était lui dans les énergies et on a décidé d’aller dans cette voie. Quand on commence dans une voie, il s’agit de s’autofinancer. B.U.__ m’a dit qu’il voulait nous soutenir, il ne voulait pas participer en prenant des parts dans la société, mais il voulait nous aider en nous aidant à payer les factures de tous les jours dans la vie privée de mon épouse, de moi-même, de notre fils. Je précise que je ne tirais à ce moment-là aucun salaire de l’activité développée en [...].
Il n’était pas prévu de remboursement. C’était des dons tout simplement.
[…]
Pour répondre à Me Jacques Barillon à ce sujet, je confirme que tout ce qui était l’administratif du quotidien ce n’était pas elle qui s’en chargeait.
Pour répondre à Me Jacques Barillon qui me demande si je veux dire par là que Mme U.__ s’en remettait à son mari pour traiter et régler toutes les questions administratives relevant du quotidien, je réponds exact.
[…]
Pour répondre à Me Philippe Juvet qui me demande pourquoi les éléments que j’ai déclaré être des donations ont été versés par mois et pas en une seule fois, je réponds que c’est parce que nous n’avions pas besoin de l’argent tout de suite. Il s’agissait de payer les factures courantes et celles-ci parviennent tous les mois.
Pour répondre à Me Philippe Juvet qui me demande pourquoi mon épouse qui a pas mal travaillé pour les époux U.__ n’a pas demandé de rémunération plutôt que des versements, je réponds que ce n’était pas dans l’esprit des choses. Elle avait elle-même aidé ma mère et ma tante sans être rémunérée pour cela. Cela restait dans un esprit familial tout simplement ».
11. Par courrier recommandé du 20 juillet 2016, non réclamé,
l’avocat Philippe Juvet a interpellé la défenderesse au sujet des virements et ordres e-banking effectués en faveur de « J.__ » ou « C.J.__ », dont il a fait la liste, et a demandé à la défenderesse de lui expliquer les motifs de ces transferts d’argent.
L’avocat Philippe Juvet a de nouveau interpellé la défenderesse par courriers des 8 août et 6 septembre 2016.
12. Le 23 septembre 2016, le TPAE a autorisé l’avocat Philippe Juvet à agir en recouvrement.
Le 27 septembre 2016, l’avocat Philippe Juvet a ainsi requis la poursuite de la défenderesse.
Le 29 septembre 2016, un commandement de payer (poursuite
n° 8026189) a été établi contre la défenderesse par l’Office des poursuites du district de Nyon. Selon la demanderesse, la défenderesse y aurait fait opposition totale lors de sa notification du 2 décembre 2016.
13. a) La demanderesse a ouvert action par le dépôt d’une requête de conciliation le 13 décembre 2016. La conciliation ayant échoué lors de l’audience de conciliation du 10 février 2017, une autorisation de procéder a été délivrée le même jour à la demanderesse.
b) Par demande en paiement du 27 février 2017, A.U.__, représentée par l’avocat Philippe Juvet, a en substance conclu au versement en sa faveur, par A.J.__, d’un montant de 88'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 31 mai 2012.
Par mémoire réponse du 24 mai 2017, la défenderesse a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de la demande.
Par réplique du 13 juillet 2017, la demanderesse a conclu, avec suite de frais et dépens, à ce qu’il soit constaté que la défenderesse admet avoir reçu 86'100 fr. et à ce que cette dernière soit condamnée à lui verser la somme de
88'000 fr., subsidiairement de 86'100 fr., avec intérêts à 5 % dès le 31 mai 2012.
c) Une audience d’audition anticipée du témoin D.__ a eu lieu le 6 octobre 2017.
L’audience de plaidoiries finales a eu lieu le 13 décembre 2017. A cette occasion, il a notamment été procédé à l’audition des témoins X.__, H.__, F.__, B.__, B.J.__ et C.J.__.
14. Le jugement, rendu sous la forme d'un dispositif, a été envoyé aux parties pour notification le 5 janvier 2018. La demanderesse en a requis la motivation par courrier du 8 janvier 2018.
En droit :
1.
1.1 L’appel est ouvert contre les décisions finales de première instance pour autant que la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l’autorité inférieure, soit de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC). L'appel, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance d'appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 CPC).
1.2 En l'espèce, formé en temps utile par une partie qui a un intérêt digne de protection (art. 59 al. 2 let. a CPC), contre une décision finale de première instance rendue dans une cause patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10’000 fr., l’appel est recevable.
2.
2.1 L’appel peut être formé pour violation du droit ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). L’autorité d’appel peut revoir l’ensemble du droit applicable, y compris les questions d’opportunité ou d’appréciation laissées par la loi à la décision du juge, et doit, le cas échéant, appliquer le droit d’office conformément au principe général de l’art. 57 CPC. Elle peut revoir librement l’appréciation des faits sur la base des preuves administrées en première instance (JdT 2011 III 43 consid. 2 et les références citées) et vérifie si le premier juge pouvait admettre les faits qu’il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 ; TF 4A_238/2015 du 22 septembre 2015 consid. 2.2).
2.2 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération dans le cadre d’une procédure d’appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b), ces deux conditions étant cumulatives. Il appartient ainsi à l'appelant de démontrer que ces conditions sont réalisées, de sorte que l'appel doit indiquer spécialement de tels faits et preuves nouveaux et motiver spécialement les raisons qui les rendent admissibles selon lui (JdT 2011 III 43 consid. 2 et les références citées).
On distingue à cet effet vrais et faux novas. Les vrais novas sont des faits ou moyens de preuve qui ne sont nés qu’après la fin de l’audience de débats principaux de première instance ; ils sont recevables en appel lorsqu’ils sont invoqués sans retard après leur découverte. Les faux novas sont des faits ou moyens de preuve nouveaux qui existaient déjà lors de l’audience de débats principaux ; leur recevabilité en appel est exclue lorsqu’ils auraient pu être invoqués en première instance en faisant preuve de la diligence requise (Colombini, Condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise relative à l’appel et au recours en matière civile, in : JdT 2013 III 131 ss, n. 40 p. 150 et les références citées).
2.3 En l’espèce, l’appelante se prévaut de la date à laquelle le Dr H.__ aurait signalé la situation des époux U.__ au tribunal tutélaire. Ce fait, qui n’a pas été allégué en première instance, est irrecevable en appel, faute pour l’appelante de démontrer que les conditions de l’art. 317 CPC seraient remplies. Il en va de même de celui qui en découle, selon lequel B.U.__ aurait été sous influence au moins dès fin septembre 2012.
Les conditions de recevabilité précitées ne sont pas non plus réunies s’agissant des pièces nouvelles produites par l’intimée à l’appui de sa réponse du
23 octobre 2018 et des faits nouveaux allégués par l’appelante dans sa réplique du 26 octobre 2018 et qui ne sont d’ailleurs pas établis.
3.
3.1 En l'espèce, les virements litigieux ont été effectués entre le
27 décembre 2011 et le 29 octobre 2012 en faveur de l'intimée, respectivement du compte ouvert au nom de l'époux de celle-ci, depuis le compte ouvert au nom de l'appelante et de feu son époux, respectivement du compte ouvert au nom de feu l'époux de l'appelante. L'appelante réclame la restitution des montants y afférents, pour un total de 86'100 francs. Elle invoque que les transferts ne reposeraient sur aucune cause valable, faute de donation valable. Elle fonde ses prétentions sur les règles sur l'enrichissement illégitime et sur l'art. 41 CO.
Il convient d'examiner si les montants litigieux ont été donnés valablement à l'intimée. Cela implique que leur titulaire ait eu, au moment pertinent, la capacité de discernement lui permettant de procéder à une donation, qu'il ait effectué les transferts dans l'intention de procéder à une donation en faveur de l'intimée et que l'intimée ait accepté ladite donation.
3.2 Selon l'art. 239 al. 1 CO, la donation est la disposition entre vifs par laquelle une personne cède tout ou partie de ses biens à une autre sans contre-prestation correspondante. Toute personne ayant l'exercice des droits civils peut disposer de ses biens par donation, sauf les restrictions dérivant du régime matrimonial ou du droit des successions (art. 240 al. 1 CO). La donation est un contrat. Elle suppose donc un accord des parties sur un transfert patrimonial à titre gratuit (art. 1 al. 1 CO). En conséquence, la donation doit être acceptée. L'acceptation peut intervenir par actes concluants (art. 1 al. 2 CO) et, comme la donation ne présente que des avantages pour le donataire, elle peut être tacite
(art. 6 CO).
Le contrat de donation peut revêtir deux formes : la donation manuelle (art. 242 CO) ou la promesse de donner (art. 243 CO). Lorsque le donateur s'engage envers le donataire à lui remettre gratuitement un bien et que le donataire accepte, le contrat est parfait. Il donne naissance à une obligation dont le donataire peut exiger l'exécution. Pour protéger le donateur contre des promesses faites à la légère, le législateur exige qu'il s'engage par écrit ou, s'il s'agit de donner un immeuble ou un droit réel immobilier, par acte authentique (art. 243 al. 1 et 2 CO). Seul le donateur doit signer l'acte écrit. On parle alors, selon le titre marginal de l'art. 243 CO, d'une « promesse de donner ». Le donateur peut également exprimer sa volonté de faire une libéralité en remettant directement le bien au donataire qui l'accepte. Dans ce cas, la conclusion de la donation a lieu en même temps que son exécution, de sorte que la naissance du contrat coïncide avec son extinction par l'exécution. On parle alors d'une « donation manuelle » selon l'expression figurant à l'art. 242 al. 1 CO. La « donation manuelle » peut revêtir, s'il s'agit d'une chose mobilière, toutes les formes de transfert de la propriété mobilière. Une « donation manuelle » peut ainsi intervenir par un virement d'un compte bancaire à un autre. Ce qui est décisif est que le bien sorte du patrimoine du donateur et entre dans celui du donataire (ATF 136 III 142 consid. 3.3 p. 144 ss et les références citées).
Une promesse de donner qui ne revêt pas la forme écrite est sans effet juridique (ATF 117 II 382 consid. 2a p. 385). Un ordre bancaire (qui n'exprime pas l'intention de donner) ne peut pas constituer une promesse valable. Cependant, si une promesse nulle pour vice de forme est ensuite exécutée sous la forme d'un transfert du bien d'un patrimoine à l'autre, il faut, en vertu de la règle spéciale de l'art. 243 al. 3 CO, considérer qu'il s'agit d'une donation manuelle valable (ATF 136 III 142 consid. 3.3 p. 146 et les références citées).
La gratuité est la caractéristique essentielle de la donation : l'attribution est faite dans le but immédiat d'enrichir le donataire, sans contrepartie, du moins sans contrepartie équivalente (Tercier/Bieri/Carron, Les contrats spéciaux, 5e éd. 2016, n. 1497 ; ATF 144 III 93 consid. 5.1.2 p. 97).
3.3 Est capable de discernement, au sens de l'art. 16 CC, dans sa teneur entrée en vigueur le 1er janvier 2013 et applicable depuis lors (art. 14 tit. fin. CC), toute personne qui n'est pas privée de la faculté d'agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d'ivresse ou d'autres causes semblables. Sous réserve des exceptions prévues par la loi, les actes de celui qui est incapable de discernement n'ont pas d'effets juridiques (art. 18 CC). Les conditions de l'incapacité de discernement constituent des faits dirimants qui entraînent l'inefficacité de l'acte (cf. déjà ATF 45 II 43 consid. 3 ; TF 5A_951/2016 du 14 septembre 2017 consid. 3.1.2 ; Walter, Berner Kommentar, 2012, n. 494 ad
art. 8 CC). Afin de protéger la confiance et la sécurité des transactions, le législateur part néanmoins du principe qu'une personne adulte est capable d'agir raisonnablement, sans qu'il soit nécessaire d'apporter d'autre preuve (cf. Walter, op. cit., n. 309 et 494 s. ad art. 8 CC). Celui qui invoque l'inefficacité d'un acte pour cause d'incapacité de discernement doit ainsi prouver l'un des états de faiblesse décrits à l'art. 16 CC et l'altération de la capacité d'agir raisonnablement qui en est la conséquence (preuve principale). Cette preuve n'est soumise à aucune prescription particulière (ATF 124 III 5 consid. 1 b ; 117 II 231 consid. 2b et les références ;
TF 5A_951/2016 du 14 septembre 2017 consid. 3.1.2), mais son degré est abaissé à la vraisemblance prépondérante lorsqu'il s'agit d'apprécier la capacité d'une personne décédée, une preuve absolue de l'état mental de cette personne étant, par la nature même des choses, impossible à rapporter (ATF 124 Ill 5 consid. 1 b ;
TF 4A_421/2016 du 13 décembre 2016 consid. 5.2 ; TF 5A_951/2016 précité ibid.).
Lorsqu'il est avéré qu'au moment d'accomplir l'acte litigieux, une personne se trouve durablement dans un état de faiblesse d'esprit au sens de l'art. 16 CC, qui, selon l'expérience générale de la vie, la prive d'agir raisonnablement, elle est alors présumée dépourvue de la capacité d'agir raisonnablement en rapport avec l'acte litigieux. Cette présomption de fait concerne les personnes qui, au moment de l'acte, se trouvent dans un état durable d'altération mentale liée à l'âge ou à la maladie (cf. TF 5A_951/2016 précité et les références ; TF 5A_325/2017
consid. 6.1).
3.4 En l'espèce, dès lors que la capacité de discernement des époux U.__, nécessaire pour disposer de leurs biens par donation (art. 240
al. 1 CO), est contestée, il convient d'examiner à quelle date cette capacité de discernement devait être présente.
Il n'est pas établi qu'une promesse de donner ait été passée par l'appelante et/ou son époux par écrit en faveur de l'intimée. Aucun engagement de donner valable au sens de l'art. 243 al. 1 CO ne peut ainsi être retenu. Seule une confirmation d'une promesse de donner, respectivement une donation manuelle, pourrait ainsi entrer en considération. L'une comme l'autre aurait lieu par la remise à l'intimée des sommes litigieuses (art. 242 al. 1 CC).
L'intimée disposait d'une procuration générale sur les comptes sur lesquels les prélèvements ont eu lieu, ce depuis le 17 août 2011, comptes toujours bien approvisionnés au vu des pièces produites. On peut donc se demander si la donation manuelle, serait-elle admise, pourrait être considérée comme déjà parfaite au moment où les époux U.__ auraient accepté, fin 2011, d'aider l'intimée et sa famille, dès lors que dès cette date, l'intimée pouvait, grâce à sa procuration générale, procéder aux prélèvements découlant d'une telle décision
(cf. question similaire laissée ouverte in ATF 136 III 142 consid. 3.4 p. 146). Dans la mesure toutefois où l'intimée invoque que les montants litigieux n'auraient été donnés par les époux U.__ qu'afin de couvrir des besoins particuliers de l'intimée et sa famille, on doit considérer que la donation, si elle est admise, n'a été faite par les époux U.__ et acceptée par l'intimée – et donc que le contrat de donation n'est venu à chef – que dès la survenance desdits besoins et le transfert effectif des montants litigieux. Ce n'est en effet que dès que l'intimée, représentant les époux U.__, aurait donné l'ordre de virer chacun des montants en sa faveur, via le compte ouvert au nom de son époux, qu'elle aurait manifesté sa volonté d'accepter la donation (dans ce sens ATF 136 III 142 consid. 3.4 p. 146). C'est donc au moment de chacun des virements litigieux que le propriétaire des montants débités devait avoir la capacité de discernement.
3.5
3.5.1 En l'espèce, les montants litigieux ont été débités d'une part d'un compte au nom de feu B.U.__ seul, d'autre part d'un compte au nom de l'appelante et de B.U.__.
Aux termes de l'art. 168 CC, chaque époux peut, sauf disposition légale contraire, faire tous actes juridiques avec son conjoint et avec les tiers.
Faute d'élément contraire, il convient de retenir que les époux U.__ étaient soumis au régime ordinaire de la participation aux acquêts
(art. 181 CC), prévu par les art. 196 ss CC.
En vertu de l'art. 200 al. 1 et 2 CC, quiconque allègue qu'un bien appartient à l'un ou à l'autre des époux est tenu d'en établir la preuve. A défaut de cette preuve, le bien est présumé appartenir en copropriété aux deux époux. Conformément à l'art. 201 al. 1 CC, chaque époux a l'administration, la jouissance et la disposition de ses acquêts et de ses biens propres, dans les limites de la loi. Selon l'art. 201 al. 2 CC, lorsqu'un bien appartient en copropriété aux deux époux, aucun d'eux ne peut, sauf convention contraire, disposer de sa part sans le consentement de l'autre.
Au vu de l'allégation de l'intimée que les deux comptes desquels les montants litigieux ont été débités étaient détenus par les époux U.__ (réponse, ad all. 11), faute d'allégation et d'élément contraire et compte tenu de la teneur de l'art. 200 al. 1 et 2 CC, il convient de considérer que l'ensemble des montants débités appartenaient en copropriété auxdits époux. Pour qu'une donation soit valable, eût-elle existé, il était donc nécessaire que les deux époux aient la capacité de discernement au moment de chacun des virements litigieux.
3.5.2 S'agissant de la capacité de discernement de B.U.__, le TPAE a certes prononcé, le 3 octobre 2013, à la suite d'une expertise psychiatrique datant du 5 juillet 2013, une mesure de curatelle de portée générale en faveur de B.U.__. Cela n'impliquait toutefois pas que B.U.__ ait déjà été privé de sa capacité de discernement entre le 27 décembre 2011 et le 29 octobre 2012, période durant laquelle des virements litigieux ont été effectués. Le fait que le notaire et les témoins ayant assisté à l'instrumentation du testament public des époux U.__ le 7 décembre 2011 aient unanimement attesté de la capacité de discernement de B.U.__ permet de retenir que ce dernier disposait toujours de sa capacité de discernement autour de cette période. Le fait d'instituer l'intimée seule héritière en décembre 2011, puis quelques semaines après de l'aider alors qu'elle indique que sa famille et elle rencontrent des difficultés financières importantes est en outre cohérent. Le Dr H.__ est le médecin généraliste des époux U.__. Il les voyait à peu près toutes les trois semaines durant l'année ayant précédé son signalement auprès du TPAE, signalement qui a donné lieu à la mesure susmentionnée. Ce témoin a attesté de la capacité de discernement de B.U.__. De la sorte, il convient de constater qu'au moment des virements litigieux, il n'a pas été établi, même au degré de la vraisemblance prépondérante, que B.U.__ se serait trouvé dans l'un des états de faiblesse visé par l'art. 16 CC, encore moins que cet état l'aurait privé d'agir raisonnablement. Cette preuve n'a en effet pas été apportée, les témoins dont l'appelante avait requis l'audition à l'appui de son allégué 38 ayant au contraire attesté de la capacité de discernement de B.U.__, respectivement n'ayant pas indiqué l'inverse pour la période litigieuse.
La présomption posée par l'art. 16 CC n'a ainsi pas été renversée s'agissant de B.U.__ pour la période durant laquelle les virements litigieux ont été opérés. La Cour retiendra en conséquence qu'il avait la capacité de discernement au moment de ces virements.
3.5.3 L'appelante a quant à elle fait l'objet d'une mesure de curatelle de portée générale par ordonnance du TPAE le 3 octobre 2013, sur la base d'une expertise datant du 25 juin 2013, dans laquelle l'expert concluait que l'appelante présentait un état de démence modéré à sévère, assimilable à une déficience mentale, qu'en raison de ses troubles démentiels elle n'était pas à même de comprendre les tenants et aboutissant de situations complexe en lien avec, notamment, la gestion de son patrimoine et qu'une restriction totale de l'exercice de ses droits civils était nécessaire. De l'autre côté, à nouveau, trois témoins ont attesté que l'appelante était capable de discernement en date du 7 décembre 2011 lors de l'instrumentation du testament public déjà évoqué ci-dessus. Le filleul de l'appelante, respectivement fils de l'intimée, a quant à lui attesté que l'appelante était parfaitement claire au moment des versements litigieux. Ces éléments permettent de se convaincre que la santé de l'appelante s'est péjorée. Ils n'établissent en revanche pas que celle-ci était déjà dans un état de faiblesse la rendant de manière générale incapable d'agir raisonnablement entre décembre 2011 et octobre 2012. A cet égard, on relève certes le témoignage du médecin généraliste des époux U.__, selon lequel l'appelante n'était plus capable de discernement. Le témoin n'indique toutefois pas à quelle date il a fait ce constat. Le témoin déclare d’ailleurs également que l'appelante n'avait pas « une capacité de discernement aussi clairvoyante que celle de son mari », ce qui est plus modéré, de même que l'appelante présentait « un léger ralentissement intellectuel », ce qui à nouveau n'impliquait pas une incapacité durable d’agir raisonnablement. Quoi qu'il en soit, les déclarations de ce témoin ne permettent pas de déterminer à partir de quelle date ce médecin, qui s'est occupé des époux U.__ durant toute l'année 2012, aurait estimé que la capacité de discernement de l'appelante aurait été réduite voire supprimée. Il n'y a en particulier pas lieu, comme le voudrait l'appelante, de considérer, faute de date, que le médecin aurait parlé de manière globale pour toute la période durant laquelle il s'est occupé des époux U.__. La lecture de son témoignage n'offre pas de prise à une telle interprétation. Le fait que le TPAE n'ait désigné, retenant l'urgence, un curateur à l'appelante qu'en date du 5 décembre 2012 laisse bien penser que rien ne lui avait été rapporté bien avant cette date. Or le Dr H.__ voyait les époux U.__ toutes les trois semaines et n'a pas procédé à un signalement concernant l'appelante avant celui ayant donné lieu, d'urgence, à une mesure en décembre 2012 seulement. Ces éléments ne permettent ainsi pas de retenir qu'au moment des transferts litigieux, qui ont commencé peu après une séance au sujet de laquelle trois témoins, dont la probité ne saurait être remise en question, ont attesté de la capacité de discernement de l'appelante, celle-ci se serait déjà trouvée durablement dans un état de faiblesse d'esprit qui l'aurait privée d'agir raisonnablement. La présomption de fait découlant de l'art. 16 CC doit ainsi être ici considérée comme non renversée au moment des virements litigieux et l'appelante capable de discernement lors de chacun des virements litigieux.
3.6 Il convient ensuite d'examiner si l'on peut considérer que les époux U.__ ont décidé de disposer des avoirs litigieux en faveur de l'intimée.
3.6.1 Aucun élément ne permet de remettre en question la probité de l'intimée, nombre de témoins ayant au contraire confirmé ladite probité. Il ressort de plus des preuves administrées qu’elle était très liée aux époux U.__, depuis de nombreuses années. Alors qu'ils n'avaient aucun lien strictement familial, les époux J.__ avaient ainsi demandé, en 1990, à l'appelante d'être la marraine de leur fils. En 2011, vingt ans plus tard, les époux U.__ avaient octroyé à l'intimée sur leur compte une procuration sans restriction. Quelques mois plus tard, fin 2011, ils l'avaient instituée leur unique héritière en cas de prédécès ou de décès simultanés. Leur capacité de discernement à ce moment-là n'est pas contestable au vu des éléments du dossier. De son côté, malgré l'absence de liens familiaux, l'intimée s'est occupée très assidument des époux U.__, s'occupant en particulier de trouver du personnel pour eux, de l'instruire régulièrement et de le payer, ce que le témoin D.__ a confirmé. Le Dr H.__ a quant à lui confirmé que l'intimée s'occupait de régler les factures des époux U.__. La procuration octroyée sur les deux comptes litigieux ne fait d'ailleurs que confirmer que les époux U.__ souhaitaient que l'intimée puisse exécuter des opérations sur leurs comptes, pour eux. Aucune contre-prestation financière n'était prévue pour ces soins importants. Au vu de ces éléments, confirmés par les témoignages du mari et du fils de l'intimée, respectivement filleule de l'appelante, et du fait que B.U.__ était âgé et ne bénéficiait pas d'une bonne vue, il convient de constater que B.U.__ avait bien délégué à l'intimée l'exécution des versements bancaires à effectuer sur les comptes dont il était (co)propriétaire. Ces éléments permettent d'ailleurs de confirmer, malgré les liens familiaux existant entre eux, la valeur probante à accorder au mari et au fils de l'intimée dans leurs témoignages respectifs. Les déclarations de ces derniers sont en outre concordantes – lorsqu'ils déposent les deux sur un même fait – et crédibles et ne sont contredites par aucun élément au dossier, le contexte bienveillant existant entre les époux U.__ et l'intimée allant au contraire clairement en faveur d'une assistance de l'intimée également pour l'exécution des paiements bancaires auxquels B.U.__ souhaitait procéder. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la Cour retiendra comme établi le système invoqué par l'intimée et confirmé par son fils, à savoir qu’au bénéfice d'une procuration donnée par les époux U.__ sur les comptes en 17 août 2011, l'intimée effectuait des versements en accord avec B.U.__, ceux-ci étant ensuite vérifiés par ce dernier. Il en résulte que la Cour retient que B.U.__, alors capable de discernement, a consenti aux différents virements litigieux effectués depuis les comptes dont il était (co)propriétaire.
3.6.2 Au vu des témoignages recueillis, notamment des déclarations d’B.J.__ selon lesquelles l’intimée passait systématiquement les relevés bancaires en revue avec B.U.__, de celles du Dr H.__ qui a indiqué que « tout reposait sur M. B.U.__ », des déclarations de C.J.__ qui a confirmé, au sujet de l’appelante, que « tout ce qui était l’administratif du quotidien ce n’était pas elle qui s’en chargeait » et qu’il était exact que ce qu’il voulait dire par là était « que Mme A.U.__ s’en remettait à son mari pour traiter et régler toutes les questions administratives relevant du quotidien », il convient également de retenir que c'est B.U.__ qui gérait les finances du couple et décidait des paiements pour celui-ci, avec l'accord tacite de son épouse, une telle répartition des choses n'ayant par ailleurs rien d'original. Dès lors, il conviendra de retenir que l'appelante avait à tout le moins tacitement accepté les différents virements effectués en faveur de l'intimée.
3.7 Il reste à examiner si ces transferts sont intervenus sans contre-prestation correspondante, soit à titre de donation.
3.7.1 En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective. Lorsque les parties se sont exprimées de manière concordante (échange de manifestations de volonté concordantes; übereinstimmende Willenserklärungen), qu'elles se sont effectivement comprises et, partant, ont voulu se lier, il y a accord de fait (tatsächlicher Konsens) ; si au contraire, alors qu'elles se sont comprises, elles ne sont pas parvenues à s'entendre, ce dont elles étaient d'emblée conscientes, il y a un désaccord patent (offener Dissens) et le contrat n'est pas conclu. Subsidiairement, si les parties se sont exprimées de manière concordante, mais que l'une ou les deux n'ont pas compris la volonté interne de l'autre, ce dont elles n'étaient pas conscientes dès le début, il y a désaccord latent (versteckter Dissens) et le contrat est conclu dans le sens objectif que l'on peut donner à leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance ; en pareil cas, l'accord est de droit (ou normatif).
En procédure, le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté – écrites ou orales – , mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 p. 98 et les références citées).
Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties – parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes – ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat – ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves – , il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance. D'après ce principe, la volonté interne de s'engager du déclarant n'est pas seule déterminante ; une obligation à sa charge peut découler de son comportement, dont l'autre partie pouvait, de bonne foi, déduire une volonté de s'engager. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime. Les circonstances déterminantes à cet égard sont uniquement celles qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, à l’exclusion des événements postérieurs (ATF 144 Ill 93 consid. 5.2.3 p. 98 s. et les références citées).
3.7.2 En l'espèce, aucun écrit n'a accompagné les virements litigieux. En revanche ceux-ci ont été faits dans un contexte de rapports quasi-familiaux et de confiance entre les époux U.__ d'une part et l'intimée d'autre part. Celle-ci effectuait ainsi de nombreuses tâches pour les époux U.__ sans attendre aucune contre-prestation ou rémunération de leur part. Aucun des témoins entendus n'a mis en doute sa probité ou son dévouement pour les époux U.__. C'est par ailleurs elle qui, inquiète de l'influence de l'aide-soignante engagée fin août 2012 sur les époux U.__, a interpellé le notaire de ces derniers pour lui faire part de ses préoccupations. Les époux U.__, quant à eux, avaient institué l'intimée héritière de tous leurs biens en décembre 2011. Ils avaient appris de l'intimée que la famille de celle-ci rencontrait des difficultés financières importantes, l'époux de l'intimée ayant perdu son travail en mars 2010 et ayant créé fin 2010 sa propre société, ce qui ne lui permettait pas de contribuer à l'entretien de sa famille, l'intimée n'exerçant quant à elle pas d'activité lucrative. Il est ainsi évident pour la Cour, dans ce contexte, que les virements litigieux décidés, respectivement acceptés tacitement peu après l'instrumentation de ce testament, en faveur de l'intimée et de sa famille par les époux U.__ l'étaient dans l'esprit de ces derniers à titre gratuit, avec la volonté de donner. Cela n'aurait en effet fait aucun sens que d'un côté les époux U.__, déjà âgés, instituent l'intimée unique héritière de leurs biens en cas de prédécès de l'un d'entre eux ou de décès simultanés, puis quelques semaines voire mois plus tard n'effectuent des versements en sa faveur et en faveur de sa famille qu'à charge pour elle de les rembourser. La nature gratuite des versements a encore été attestée par deux témoins, soit par B.J.__ et C.J.__. Ceux-ci ont tous deux confirmé avoir eu connaissance de ces versements et ont attesté du fait que les époux U.__ n’en attendaient pas le remboursement. La véracité des déclarations est ici encore corroborée par le contexte général existant entre les époux U.__ d'une part et l'intimée et sa famille d'autre part. Au vu de ces éléments, l'autorité de céans retient que les virements litigieux effectués depuis les comptes des époux U.__ l'ont été, de la volonté des époux U.__, à titre gratuit. L'intimée a bien compris cette volonté des époux U.__ de lui donner ces sommes. Elle les a acceptées au moment où elle a passé l'ordre de virement y relatif.
L'appelante invoque que l'intimée n'a pas produit les factures censées être acquittées avec les montants prélevés des comptes des époux U.__ ou le document récapitulatif qu'elle devait, selon l'appelante, préparer et montrer aux époux U.__ pour convenir d'un montant à payer. Cela démontrerait que les époux U.__ n'ont pas validé les virements litigieux. Une fois encore, il existait une confiance importante entre les époux U.__ et l'intimée, de sorte que la Cour s'estime convaincue que les époux U.__ avaient accepté d'aider l'intimée et sa famille pour leurs besoins courants et le développement de la société du mari de l'intimée, sans exiger préalablement la preuve documentée de tels besoins, sur la base seulement de demandes de la part de l'intimée. L'absence de la documentation alléguée est ainsi impropre à remettre en question l'appréciation qui précède. Le rapport de confiance existant entre les parties permet également de comprendre sans peine pourquoi les donations litigieuses n'ont pas été faites de manière plus formelle, l'absence de formalisation ne permettant pas de les nier. Le fait que l'aide accordée vise à couvrir des besoins concrets courants de la famille de l'intimée explique également sans difficulté que les montants virés aient été différents d'une fois à l'autre.
L'appelante rappelle que l'intimée n'a pas retiré les courriers recommandés de son curateur. Une telle attitude, dont il n'a au demeurant pas été démontré qu'elle visait pour l'intimée à éluder les prétentions formulées par ledit curateur, ne saurait établir les faits que l'appelante invoque. Il en va de même des accusations, non étayées, que l'intimée aurait « à l'évidence profité de bien plus de montants que ceux qui font l'objet de la procédure ».
En conséquence, l'autorité de céans considère que les virements effectués depuis les comptes des époux U.__ constituent des donations de leur part en faveur de l'intimée. Celles-ci ayant été acceptées par cette dernière, les contrats de donation relatifs à chaque somme sont venus à chef.
3.8 L'appelante invoque que les donations effectuées, seraient-elles admises, souffriraient d'une invalidité formelle, les billets de banque n'ayant pas été donnés de la main à la main, respectivement les virements bancaires effectués par les époux U.__.
Comme exposé ci-dessus, une donation manuelle peut intervenir par un virement d'un compte bancaire à un autre. En l'espèce, les virements litigieux, selon les faits ici constatés, l'ont été par l'intimée, représentant l'appelante et son mari, celui-ci ayant au surplus vérifié lesdites opérations ensuite et les ayant partant ratifiées. Les virements opérés sont ainsi imputables aux époux U.__, conformément à l'art. 32 al. 1 CO. Il s'ensuit que les donations manuelles ainsi opérées sont valables.
3.9 Il résulte de ce qui précède que l'action en enrichissement illégitime ne peut qu'être rejetée, l'enrichissement de l'intimée reposant sur une cause valable. Il en va de même de l'action en responsabilité pour acte illicite, faute déjà d'acte illicite, notamment d'acte constitutif d'abus de confiance ou de gestion déloyale, tels qu'invoqués par l'appelante. Le rejet de la demande ne peut ainsi qu'être confirmé.
4. Il s'ensuit que l'appel doit être rejeté et le jugement entrepris confirmé.
Les frais de deuxième instance, arrêtés à 1'861 fr. (art. 62 al. 1 TFJC [tarif des frais judiciaires civils du 28 septembre 2010 ; BLV 270.11.5]), seront mis à la charge de l'appelante, qui succombe. Celle-ci versera à l'intimée la somme de 3'000 fr. (art. 7 TDC [tarif des dépens en matière civile du 23 novembre 2010 ;
BLV 270.11.6]) à titre de dépens de deuxième instance.
Par ces motifs,
la Cour d’appel civile
prononce :
I. L’appel est rejeté.
II. Le jugement est confirmé.
III. Les frais judiciaires de deuxième instance, arrêtés à 1'861 fr. (mille huit cent soixante et un francs), sont mis à la charge de l’appelante A.U.__.
IV. L’appelante A.U.__ doit verser à l’intimée A.J.__ la somme de 3'000 fr. (trois mille francs) à titre de dépens de deuxième instance.
V. L’arrêt est exécutoire.
Le président : La greffière :
Du
Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié à :
Me Philippe Juvet (pour A.U.__),
Me Jacques Barillon (pour A.J.__),
et communiqué, par l'envoi de photocopies, à :
M. le Président du Tribunal civil de l’arrondissement de La Côte.
La Cour d’appel civile considère que la valeur litigieuse est supérieure à 30’000 francs.
Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral au sens des art. 72 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral – RS 173.110), le cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Dans les affaires pécuniaires, le recours en matière civile n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à 15'000 fr. en matière de droit du travail et de droit du bail à loyer, à 30'000 fr. dans les autres cas, à moins que la contestation ne soulève une question juridique de principe (art. 74 LTF). Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF).
La greffière :
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
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