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Urteil Kantonsgericht (VD)

Zusammenfassung des Urteils HC/2011/320: Kantonsgericht

Die Firma R.________ SA und P.________ haben gegen eine einstweilige Verfügung des Präsidenten des Zivilgerichts des Bezirks Broye-Nord vaudois Berufung eingelegt, die ihnen untersagt, zwischen 22 und 5 Uhr mit Lastwagen in einer bestimmten Strasse zu fahren. Der erste Richter entschied, dass die öffentlichen Umweltschutzvorschriften dem Zivilrichter in Fällen nächtlicher Lärmbelästigung nicht helfen können. Die Berufung wurde abgelehnt, und die Gerichtskosten wurden den Berufungsführern auferlegt. Die Nachbarn hatten sich über den Lärm der Lastwagen beschwert, die nachts in der Strasse fuhren. A.I.________ und B.I.________ reichten eine Klage ein, um die nächtlichen Störungen zu stoppen. Das Gericht entschied, dass die Berufung zulässig ist und dass die Berufungsführer ein berechtigtes Interesse an der Fortsetzung ihrer Aktivitäten haben.

Urteilsdetails des Kantongerichts HC/2011/320

Kanton:VD
Fallnummer:HC/2011/320
Instanz:Kantonsgericht
Abteilung:
Kantonsgericht Entscheid HC/2011/320 vom 31.05.2011 (VD)
Datum:31.05.2011
Rechtskraft:
Leitsatz/Stichwort:
Schlagwörter : être; ’au; ’appel; ’il; Daillens; ègle; Poste; érie; ’appelant; épens; ’OPB; ’est; épart; éhicule; écision; éhicules; érieur; ’autre; ênant; édé; ègles; étant; ’activité; ’interdiction
Rechtsnorm:Art. 1 SVG;Art. 100 BGG;Art. 104 ZPO;Art. 11 SchKG Art. 110 ZPO;Art. 13 SchKG Art. 15 SchKG Art. 2 SVG;Art. 23 SchKG Art. 308 ZPO;Art. 310 ZPO;Art. 314 ZPO;Art. 33 VRV;Art. 405 ZPO;Art. 57 ZPO;Art. 684 ZGB;Art. 74 BGG;Art. 91 VRV;Art. 91a VRV;Art. 92 VRV;
Referenz BGE:-
Kommentar:

Entscheid des Kantongerichts HC/2011/320

TRIBUNAL CANTONAL

99



JUGE DELEGUEE DE LA cour d’appel CIVILE

______________________________

Arrêt du 31 mai 2011

__________

Présidence de Mme Bendani, juge déléguée

Greffier : M. Corpataux

*****

Art. 104 al. 3, 308 al. 1 let b CPC ; 684 CC ; 91a al. 1, 92 OCR, 15 LPE, 1 ss OPB

Statuant à huis clos sur l’appel interjeté par R.____ SA, à Yverdon-les-Bains, et P.____, à La Sarraz, codéfendeurs au fond, contre l’ordonnance de mesures provisionnelles rendue le 17 janvier 2011 par le Président du Tribunal civil de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois dans la cause divisant les appelants d’avec A.I.____ et B.I.____, à Daillens, codemandeurs au fond, la juge déléguée de la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal voit :


En fait :

A. Par ordonnance de mesures provisionnelles directement motivée du 17 janvier 2011, le Président du Tribunal civil de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a fait interdiction à P.____, sous la menace des peines d’amende prévues à l’art. 292 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937, RS 311), de faire démarrer les moteurs ou de circuler avec les camions VD [...], VD [...] et VD [...] de 22 heures à 5 heures dans la rue du [...] à Daillens (I), rejeté toute autre ou plus ample conclusion provisionnelle (II), dit que les frais et dépens suivront le sort de la cause au fond (III) et déclaré l’ordonnance immédiatement exécutoire (IV).

En droit, le premier juge a considéré que les normes de droit public en matière de protection de l’environnement, et plus particulièrement l’OPB (Ordonnance du 15 décembre 1986 sur la protection contre le bruit, RS 814.41), n’étaient d’aucun secours au juge civil appelé à statuer dans un cas de nuisances sonores nocturnes très ponctuelles, susceptibles de réveiller les riverains, mais négligeables en moyenne sur l’ensemble des heures de repos. Il a en revanche admis, sur la base de I’OCR (Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière, RS 741.11), que les autorisations de circuler de nuit délivrées à la raison individuelle S.____ devaient être interprétées de manière restrictive dans le sens où celles-ci ne s’étendent pas aux trajets à vide traversant les zones d’habitation des villages desservies par les chemins communaux, comme la rue du [...]. Il a donc conclu que P.____ ne pouvait bénéficier des autorisations de circuler de nuit pour ses camions pour leur faire emprunter la voirie communale, fût-ce pour rejoindre les routes cantonales depuis le dépôt qu’il loue.

B. Par mémoire du 28 janvier 2011, R.____ SA et P.____, S.____, ont fait appel de cette ordonnance, concluant, principalement, à ce qu’elle soit réformée en ce sens que P.____ est autorisé à faire démarrer les moteurs ou de circuler avec les camions VD [...], VD [...] et VD [...] de 22 heures à 5 heures dans la rue [...] à Daillens sans restriction aucune, et, subsidiairement, à ce qu’elle soit annulée, la cause étant renvoyée à l’autorité de première instance pour nouvelle instruction et décision. Les appelants ont requis par ailleurs que l’effet suspensif soit accordé à leur appel.

Par décision du 4 février 2011, la requête d’effet suspensif a été rejetée, faute de préjudice difficilement réparable.

A.I.____ et B.I.____ ont déposé leur réponse le 27 avril 2011, concluant, avec suite de frais et dépens, au rejet de l’appel.

C. Le juge délégué retient les faits suivants, sur la base de l’ordonnance, complétée par les pièces du dossier :

1. A.I.____ et B.I.____ sont propriétaires, en propriété commune, société simple, depuis le 28 mai 2004, d’une quote-part de 89 millièmes de l’immeuble [...] de la commune de Daillens, laquelle correspond à un appartement de rez-de-chaussée, situé trois mètres au-dessus du niveau de la route, sis à la rue du [...] ; les époux vivent dans cet appartement, qu’ils ont acquis dans le but de profiter du calme et de la tranquillité d’un village, avec leur fils de sept ans.

R.____ SA est une société inscrite au registre du commerce depuis le [...] 1952 dont le but est la fabrication et la vente d’articles en papier et en carton. Elle est propriétaire de la parcelle [...] de la commune de Daillens, classée en zone d’activités, qui est en nature de forêt pour 150 m2, de pré-champ pour 3’049 m2 et est occupée pour le reste de sa surface par deux bâtiments industriels, soit une grande halle-dépôt et une petite bâtisse.

2. La parcelle de R.____ SA est contiguë à celle où habitent A.I.____ et B.I.____. La grande halle qui s’y trouve est située parallèlement et dans le prolongement de la rue du [...], à moins d’une centaine de mètres de la façade pignon de l’immeuble où ceux-ci vivent ; leur chambre à coucher et celle de leur fils donnent sur leur terrasse gazonnée, laquelle se termine où commence la parcelle de R.____ SA.

3. Lorsqu’ils ont emménagé, A.I.____ et B.I.____ n’étaient nullement gênés par les activités de R.____ SA, qui se déroulaient durant la journée.

Au printemps 2009, R.____ SA a décidé de renoncer à exploiter la halle-dépôt sise sur sa parcelle et de la louer à P.____, qui exploite sous la raison individuelle S.____, inscrite au registre du commerce depuis le 22 octobre 2003, une entreprise de transport de terre et autres matériaux par la route. Selon avenant du 9 avril 2010, trois places de parc devant le quai de chargement et six places de parc le long du bâtiment ont en outre été mises à disposition de P.____, à bien plaire.

4. En dépit du but énoncé au registre du commerce, S.____ ne transporte pas de la terre, mais effectue des transports nocturnes pour le compte d’éditeurs de journaux et de La Poste.

Le 29 janvier 2010, S.____ s’est vu attribuer deux mandats de transport par [...] SA, à Bussigny, l’un à destination de Montbrillant (GE) et l’autre à destination de la Praille (GE) ; ces mandats prévoient que le camion, d’une capacité de 17 palettes et d’une charge utile de 7,5 tonnes, doit se présenter au [...] à 1 heure 50, pour partir, après chargement, à 2 heures 50 et arriver 50 minutes plus tard à Vernier. Pour ces transports, S.____ a obtenu du Service des automobiles et de la navigation, à partir du 29 janvier 2010, des autorisations spéciales de circulation de nuit, le dimanche et les jours fériés, en application de l’art. 92 al. 3 let. e aOCR, pour les camions VD [...] et VD [...] ; ces autorisations spécifient que les marchandises transportées sont des quotidiens avec partie rédactionnelle et que l’itinéraire est : « La Sarraz – Daillens – Bussigny – Genève – Eclépens et retour, par autoroutes et routes cantonales », rappellent que l’art. 33 OCR, relatif au bruit à éviter, devra être strictement respecté, et indiquent que l’horaire va de 22 heures à 5 heures, celui-ci étant limité les dimanches et jours fériés au temps nécessaire pour effectuer les tournées indispensables.

P.____ dispose encore d’un troisième camion en leasing, immatriculé VD [...], avec lequel il effectue des transports pour le compte de La Poste. Ces trajets consistent à transporter des colis postaux et du courrier entre les centres des colis de Daillens et du courrier d’Eclépens et divers offices postaux ; les chargements commencent entre 4 heures 35 et 5 heures 20, selon les jours et les destinations. Pour ces transports, S.____ a également obtenu une autorisation de circuler de nuit, le dimanche et les jours fériés en application de l’art. 92 al. 3 let. e aOCR. Selon l’autorisation, l’itinéraire à respecter est semblable à celui des deux autres camions, avec en plus les communes de Cheseaux-sur-Lausanne, Assens et Eclépens.

5. Les transports nocturnes effectués par S.____ ont débuté déjà avant la délivrance des autorisations susmentionnées, apparemment depuis le mois de décembre 2009. Bien que les camions ne chargent rien depuis la halle-dépôt louée à R.____ SA, à Daillens, ils y sont stationnés et les chauffeurs prennent leur service à cet endroit ; ceux-ci doivent commencer par faire chauffer les moteurs pendant environ 5 minutes et démarrent ensuite en direction du centre du village en empruntant la rue du [...], seul trajet possible, la route conduisant à l’extérieur du village dans l’autre sens étant interdite aux poids lourds dès la sortie du village.

Ces démarrages et mouvements de véhicules ont d’emblée dérangé les riverains et en particulier ceux de la rue du [...], certains d’entre-eux s’en étant d’ailleurs plaint auprès de P.____ et de la Municipalité de Daillens. Celle-ci est intervenue le 28 janvier 2010 auprès de S.____ en lui faisant part des plaintes relatives au bruit du chargement de véhicules dès 4 heures du matin ; elle a par ailleurs attiré son attention sur l’art. 17 du règlement communal de police interdisant de faire du bruit sans nécessité, chacun étant tenu de prendre les précautions requises par les circonstances pour éviter de troubler la tranquillité et le temps de repos d’autrui. Par courrier du 29 janvier 2010, P.____ a répondu à la municipalité, faisant valoir qu’il n’y avait pas de chargement à 4 heures, mais uniquement la mise en route des véhicules à 4 heures 30, qu’un maximum de précautions était pris pour limiter les nuisances et qu’il était « couvert par le système postal en ce qui concerne les autorisations de circuler la nuit ». Il a ajouté que, à partir du 1er février 2010, des camions, au bénéfice d’une autorisation de circuler la nuit et le dimanche, partiraient à 1 heure 30 du matin sans chargement, et a invité la municipalité à s’adresser, au besoin, directement à son avocat.

Dès février 2010, deux camions de S.____ ont démarré chaque matin, à quelques dizaines de minutes d’intervalle, aux environs de 1 heure 30 pour se rendre au [...], à Bussigny, incommodant les voisins ; le troisième camion, celui effectuant les transports postaux, a continué à se mettre en route à 4 heures 30.

6. Le 18 mars 2010, A.I.____ a adressé à la Municipalité de Daillens une pétition, signée par 29 personnes domiciliées à la rue du [...], contre les nuisances sonores provenant des camions de S.____, lui demandant de faire cesser les activités de celle-ci entre 19 heures et 7 heures.

En avril 2010, la municipalité a tenté en vain de rencontrer P.____. Questionnée par la municipalité, la gendarmerie a déclaré qu’elle ne pouvait rien faire si S.____ disposait des autorisations requises pour circuler la nuit, les dimanches et les jours fériés ; interpellé par la municipalité, le voyer n’a pas voulu d’une interdiction de circuler des poids lourds entre 20 heures et 6 heures à la rue du [...].

La municipalité a alors mandaté le Service de l’environnement et de l’énergie (ci-après : SEVEN) pour qu’il effectue des mesures du bruit occasionné par les activités nocturnes de S.____. Le SEVEN a rendu son rapport le 28 juillet 2010, dont la teneur est la suivante :

« (…)

1. Bases réglementaires

(…)

2. Conditions d’exploitation

· Plusieurs poids lourds démarrent et arrivent entre 22h00 et 07h00. Aucune activité de chargement et déchargement a lieu durant cette période. Nous avons mesuré le démarrage du poids lourd et le départ sur le réseau routier.

· Nous avons constaté 2 départs de poids lourds entre 01h40 et 02h00, 1 départ vers 05h00 et 1 ou 2 arrivées juste avant 07h00.

· Dans la nuit du 21 au 22 juillet, un camion a essayé de démarrer quatre fois avant de pouvoir partir. Nous avons considéré cela comme un incident.

· Ces activités doivent être considérées comme nouvelles au sens de l’OPB ; ce sont les valeurs limites de planification qui doivent être prises en compte ; ces valeurs sont de Lr = 60 dB (A) de jour (entre 07h00 et 19h00) et de Lr = 50 dB (A) de nuit (entre 19h00 et 07h00)

3. Conditions de mesurage

· Une série de mesurages ont eu lieu du 20 au 23 juillet 2010 entre 22h00 et 07h00 avec des conditions atmosphériques favorables. (…)

· Les mesurages ont été effectués :

o Devant la fenêtre de la chambre à coucher de l’appartement de M. A.I.____ situé à la rue du [...].

4. Résultats de mesurages

Départ ou arrivée

des poids lourds

Départ

Départ

Départ

Arrivée

Arrivée

Arrivée

Durée de la phase bruyante

3’41’’

1’59’’

57’’

1’05’’

1’31’’

1’01’’

Niveau sonore

moyen (…) en dB

53.5

46.6

53.3

48.4

53.2

49.5

Facteur de correction

pour le type de bruit (K1)

0

0

0

0

0

0

Facteur de correction

pour composantes

tonales (K2)

+ 4

+ 4

+ 4

+ 4

+ 4

+ 4

Facteur de

Correction pour

composantes impulsives (K3)

+ 2

+ 2

+ 2

+ 2

+ 2

+ 2

Facteur de

Correction pour la

durée du bruit (Kt)

- 23.3

- 26.6

- 31.0

- 28.4

- 27.4

- 28.5

Niveau d’évaluation partiel

36.2

26.0

28.3

26.0

31.8

27.0

Le niveau d’évaluation totale Lr = somme des niveaux d’évaluation partiels = 38.8 dB (A).

Les mesures effectuées montrent que la valeur limite de nuit (DS III) est nettement respectées (sic).

Les détails des mesurages figurent en annexe.

5. Conclusion

Durant les périodes mesurées, nous n’avons pas constaté d’éclat de voix, claquement de portière et bruit d’autoradios.

Malgré le respect des exigences de l’annexe 6 de l’OPB, ce type d’activité de courte durée avec de (sic) niveaux sonores maximum situés entre 55 et 65 dB (A) est gênant pour le voisinage, notamment pendant ces périodes de repos.

Une fois les poids lourds sur le réseau routier, ce sont les valeurs limites de l’annexe 3 de l’OPB qui sont applicables. Ces valeurs sont certainement respectées en tenant compte de l’activité de l’entreprise [S.____]. Toutefois, le passage de ces poids lourds sur la route du [...] peut être gênant pour les riverains.

Afin de réduire les nuisances sonores, les camions démarrant entre 01h40 et 05h00 pourraient être stationnés en dehors du village, voir sur le lieu de chargement. Cette solution doit mise (sic) en œuvre d’entente avec le propriétaire de la société [S.____].

[…] »

La municipalité a tenté également de trouver une solution avec La Poste, lui rappelant que la traversée du village par des poids lourds en provenance ou en direction du centre de tri était strictement interdite, en vertu d’une convention passée entre elles, et lui proposant de louer à S.____ une place dans la zone industrielle des [...], afin que chacun retrouve sa quiétude et que soit respectée la clause de non passage dans l’intérieur de la commune.

Une séance a été organisée le 6 septembre 2010 par la municipalité. A cette occasion, B.I.____ et un des pétitionnaires domicilié dans le même immeuble qu’elle ont été entendus ; la première a affirmé être à bout et le second devoir dormir avec des boules Quiès. A l’issue de cette séance, la municipalité a décidé de déposer une demande écrite auprès du Service des routes, afin de voir si un panneau d’interdiction de circuler entre 20 heures et 6 heures pour les poids lourds pouvait être posé à la rue [...] et si cette interdiction pouvait primer sur l’autorisation de circuler la nuit accordée à S.____.

La municipalité et l’administrateur de R.____ SA ont fait le point de la situation lors d’une rencontre, le 11 octobre 2010 ; se déclarant persuadé que S.____ n’enfreignait pas la loi, ledit administrateur s’est contenté de faire part à son locataire des plaintes des voisins quant aux nuisances sonores.

7. Il résulte d’un courrier électronique adressé par le service immobilier de La Poste, notamment à la commune de Daillens, que La Poste avait proposé à P.____ la location d’un emplacement sur son terrain, mais que celui-ci avait refusé, au motif qu’il voulait un abri couvert. Par ailleurs, La Poste a informé la municipalité, le 12 août 2010, que P.____ l’avait assurée qu’aucun transport effectué pour le compte de La Poste ne traversait le village de Daillens et qu’il lui avait confié que ses camions partaient la nuit pour le compte d’un autre mandant et ne se rendaient au centre de tri d’Eclépens qu’au retour, en empruntant la sortie d’autoroute de La Sarraz.

8. Par certificat médical daté du 14 octobre 2010, le médecin de A.I.____ a attesté de la gêne majeure que représentaient pour son patient les camions circulant de nuit à côté de son domicile ; le médecin a attesté que cette situation avait clairement une incidence sur l’état de santé de son patient.

9. Par demande du 20 octobre 2010, A.I.____ et B.I.____ ont ouvert action en cessation de trouble contre R.____ SA et P.____, S.____, concluant en substance à ce qu’il leur soit interdit tout mouvement ou nuisance de poids lourds entre 22 heures et 7 heures.

Par requête de mesures provisionnelles du même jour, les codemandeurs ont requis qu’il soit ordonné, par voie de mesures provisionnelles et avec dépens, à R.____ SA et à P.____, sous la menace des peines d’amende prévues à l’article 292 CP, de cesser et faire cesser immédiatement, entre 22 heures et 7 heures, sur la parcelle [...] de Daillens, tout départ, arrivée et démarrage des poids lourds, de laisser tourner les moteurs des poids lourds et de charger ou décharger les poids lourds, et, à défaut d’exécution par les codéfendeurs, d’ordonner à l’autorité policière compétente de faire respecter cet ordre.

Dans un procédé écrit du 22 novembre 2010, R.____ SA et S.____ ont conclu au rejet des conclusions provisionnelles des codemandeurs.

Une inspection locale nocturne a été organisée par le premier juge le 23 novembre 2010, dès 21 heures 30. Des tests ont été effectués depuis la chambre à coucher de A.I.____ et B.I.____, avec la porte fenêtre donnant sur la terrasse gazonnée ouverte ou en oscillo-battant, respectivement avec la fenêtre fermée. Le premier juge a alors constaté que si le bruit d’un camion dont le moteur chauffe au ralenti, puis démarre pour emprunter la rue du [...] en direction du centre du village est quasi imperceptible avec la fenêtre fermée, le niveau sonore dès que la fenêtre est ouverte ou entrouverte est de nature à réveiller un dormeur dont le sommeil n’est pas particulièrement profond, compte tenu de l’absence totale d’autre bruit environnant.

Lors de l’audience de mesures provisionnelles, les parties ont confirmé leurs conclusions.

En droit :

1. a) L’ordonnance de mesures provisionnelles a été rendue le 17 janvier 2011, de sorte que les voies de droit sont régies par le CPC (art. 405 al. 1 CPC ; Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008, RS 272) entré en vigueur le 1er janvier 2011.

b) L’appel est recevable contre une ordonnance de mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC), dans les causes patrimoniales pour autant toutefois que la valeur litigieuse soit supérieure à 10’000 fr. (art. 308 al. 2 CPC). Les ordonnances de mesures provisionnelles étant régies par la procédure sommaire, selon l’art. 248 al. 1 let. d CPC, le délai pour l’introduction de l’appel est de dix jours (art. 314 al. 1 CPC). L’appel en matière de mesures provisionnelles relève de la compétence d’un juge unique (art. 84 al. 2 LOJV [Loi d’organisation judiciaire du 12 décembre 1979, RSV 173.01]).

En matière d’action en cessation de trouble, la valeur litigieuse se détermine selon l’intérêt du demandeur à l’admission de ses conclusions (ATF 126 III 223 c. 1a non publié ; ATF 116 II 431 c. 1), voire, s’il est plus élevé, selon l’intérêt du défendeur au rejet des conclusions de la demande (ATF 92 Il 62 cc. 3 à 5 ; ATF 82 II 120 c. 1 ; ATF 81 II 189 c. 1 ; TF, 5C.249/1994 du 5 janvier 1996 c. 1b). En l’espèce, l’intérêt des appelants – et intimés à la requête de mesures provisionnelles – à la poursuite de leurs activités est manifestement d’une valeur supérieure à 10'000 francs.

Formé en temps utile par des parties qui y ont intérêt et portant sur des conclusions supérieures à 10’000 fr., l’appel est formellement recevable.

2. L’appel peut être formé pour violation du droit ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). L’autorité d’appel peut revoir l’ensemble du droit applicable, y compris les questions d’opportunité ou d’appréciation laissées par la loi à la décision du juge, et doit, le cas échéant, appliquer le droit d’office conformément au principe général de l’art. 57 CPC. Elle peut revoir librement l’appréciation des faits sur la base des preuves administrées en première instance. Le large pouvoir d’examen en fait et en droit ainsi défini s’applique même si la décision attaquée est de nature provisionnelle (JT 2011 III 43 c. 2).

3. a) Se prévalant notamment du nouvel art. 91a OCR, entré en vigueur le 1er janvier 2011, les appelants relèvent que le régime des autorisations a été levé pour le transport des quotidiens comprenant une partie rédactionnelle et reprochent au premier juge d’avoir invoqué ce régime à l’appui de sa décision.

b) Aux termes de l’art. 2 al. 2 LCR (Loi sur la circulation routière du 19 décembre 1958, RS 741.01), la circulation des véhicules motorisés lourds destinés au transport des marchandises est interdite la nuit de 22 heures à 5 heures et le dimanche. Le Conseil fédéral règle les modalités.

Selon l’art. 91 al. 2 OCR, il est interdit de circuler de nuit entre 22 heures et 5 heures. L’art. 91 al. 3 OCR précise que sont soumis à l’interdiction de circuler le dimanche et de nuit :

a. les voitures automobiles lourdes (…) ;

b. les tracteurs industriels et les voitures automobiles de travail ;

c. les véhicules articulés lorsque le poids autorisé de l’ensemble (…) est supérieur à 5 tonnes ;

d. les véhicules qui tirent une remorque dont le poids total autorisé (…) est supérieur à 3,5 tonnes.

L’art. 91a al. 1 OCR précise que ne tombent pas sous l’interdiction de circuler le dimanche et de nuit, notamment :

f. les courses que La Poste Suisse effectue en vue d’assurer un service universel, conformément à son mandat (…) ;

j. le transport des quotidiens comprenant une partie rédactionnelle et les courses occasionnées par des reportages télévisés d’actualité.

L’art. 91a al. 3 OCR prévoit que, pour les courses visées à l’al. 1, let. f à j, le quart du volume de chargement du véhicule peut être occupé par d’autres marchandises, qu’une course à vide de 30 minutes au maximum peut précéder ou suivre le transport et que, pour les courses à vide plus longues, une autorisation conforme à l’art. 92 al. 1 OCR est requise. L’art. 91a al. 4 OCR dispose que, lors des courses effectuées pendant l’interdiction de circuler le dimanche et de nuit, tout ce qui pourrait troubler la tranquillité doit être évité.

Aux termes de l’art. 92 OCR, des autorisations de circuler le dimanche et de nuit seront accordées pour les courses urgentes et qui ne peuvent être évitées par des mesures d’organisation ou par le recours à un autre moyen de transport. Elles seront établies pour le transport sur le parcours le plus direct et pour une course à vide si celle-ci est nécessaire et inévitable (al. 1). Des autorisations sont octroyées pour les courses suivantes (al. 2) :

a. transport des envois postaux par délégation et dans le cadre du mandat légal de La Poste Suisse d’assurer un service universel (…) ;

b. transport du matériel de cirque, de forains, de marchands ambulants, d’orchestre, de théâtre et similaire ;

c. courses occasionnées par la construction et l’entretien des routes et des voies ferrées ainsi que des conduites industrielles telles que canalisations d’eau, lignes électriques ou lignes de télécommunication ;

d. déplacements de véhicules spéciaux et de transports spéciaux qui entravent la circulation ;

e. courses en rapport avec des manifestations, notamment pour le transport de produits alimentaires et de boissons.

Pour les autres courses que celles visées à l’art. 92 al. 2 OCR, le canton ne peut octroyer des autorisations qu’avec l’assentiment de l’Office fédéral des routes (ci-après : OFROU). En cas d’urgence, il peut autoriser de son propre chef une course indispensable ; il en informera alors l’OFROU (art. 92 al. 3 OCR). Le canton de stationnement ou le canton où commence la course soumise à autorisation délivre l’autorisation, qui est valable pour toute la Suisse. Le canton de stationnement n’est toutefois pas compétent lorsque son territoire ne sera pas emprunté. Pour les véhicules de la Confédération, c’est l’OFROU qui octroie l’autorisation (art. 92 al. 4 OCR). Pour chaque transport, le quart du volume de chargement du véhicule peut être occupé par d’autres marchandises (art. 92 al. 5 OCR).

Aussi les nouveaux art. 91 et 91a OCR ne prévoient-ils plus, comme sous l’ancien art. 92 al. 3 OCR, un système d’autorisation pour déroger à l’interdiction de circuler la nuit pour le transport en camions des quotidiens comprenant une partie rédactionnelle et des envois postaux dans le cadre du mandat légal de prestations (cf. art. 91a al. 1 let. f et j OCR) ; les trajets y relatifs ne sont plus soumis à l’interdiction de circuler le dimanche et la nuit.

c) Le premier juge a relevé que le législateur avait prévu des dispositions susceptibles de prévenir les émissions sonores excessives résultant du trafic routier, à savoir l’interdiction de circuler le dimanche et de nuit au sens de l’OCR, que les camions étaient soumis à cette interdiction, que la loi prévoyait des exceptions à cette interdiction et qu’en vertu de celles-ci, les camions de S.____ avaient été précisément mis au bénéfice des autorisations de circuler de nuit versées au dossier. Il a estimé que ces autorisations devaient toutefois, du point de vue du droit privé, être interprétées aussi restrictivement que possible, dans l’intérêt des riverains, que les autorisations délivrées à S.____ précisaient expressément que les trajets devaient être effectués par les autoroutes et routes cantonales, qu’apparemment il n’était donc pas permis d’emprunter dans les villages des routes communales et que, dans le même esprit, la convention passée entre La Poste et la commune de Daillens, lors de la construction du centre de tri des colis, avait expressément prévu que les camions de La Poste contourneraient le village. Le premier juge a donc conclu qu’il fallait interpréter les autorisations cantonales de circuler la nuit comme ne s’étendant pas aux trajets à vide traversant les zones d’habitation des villages desservies par des chemins communaux, que la rue du [...] était cadastré comme domaine public communal et que S.____ ne pouvait donc bénéficier des autorisations de circuler de nuit pour ses camions pour leur faire emprunter la voirie communale et qu’il lui appartenait de trouver une aire de stationnement pour ses camions directement accessible par les routes cantonales.

d) En application des nouvelles dispositions de l’OCR, telles qu’exposées ci-dessus et applicables dès le 1er janvier 2011, les véhicules transportant des quotidiens comprenant une partie rédactionnelle ne sont plus soumis à l’interdiction de circuler le dimanche et de nuit, ni à un système d’autorisation. Par conséquent, on ne saurait affirmer que ces véhicules ne sont pas autorisés à emprunter les routes communales, étant relevé que celles-ci font partie des voies publiques au sens des art. 1 al. 1 LCR et 1 OCR.

Reste que l’appelant P.____ effectue également des transports pour le compte de La Poste, le camion y relatif se mettant en route à 4 heures 30. Or, pour les transports des envois postaux qui, comme en l’occurrence, sont effectués par délégation, des autorisations restent nécessaires, de sorte que le raisonnement du premier juge tel qu’exposé ci-dessus peut être suivi s’agissant du camion utilisé par l’appelant pour les transports qu’il effectue pour le compte de La Poste. A ce sujet, il convient également de rappeler que cette dernière et la commune de Daillens ont passé, lors de la construction du centre de tir des colis, une convention prévoyant précisément que les camions de La Poste contourneraient le village. Par ailleurs, aux termes de l’art. 91a al. 4 OCR, lors des courses effectuées pendant l’interdiction de circuler le dimanche et de nuit, tout ce qui pourrait troubler la tranquillité doit être évité. En l’occurrence, les nuisances sonores causées par les véhicules de l’appelant, si elles sont de courtes durées, sont également gênantes pour le voisinage et ce plus particulièrement parce qu’elles ont lieu durant toute la semaine, à plusieurs reprises et surtout durant les périodes de repos.

Dans ces conditions, on doit admettre que le premier juge était fondé à apprécier les nuisances causées par l’appelant P.____ au regard des règles contenues dans l’OCR.

4. a) Se prévalant de la réglementation de droit public en matière d’aménagement du territoire et de protection contre le bruit, les appelants relèvent que, selon les mesures effectuées par le SEVEN, les valeurs limites de nuit sont respectées et que les nuisances sonores très ponctuelles émises par le départ des trois camions ne sont pas susceptibles de réveiller les riverains, sont négligeables sur l’ensemble des heures de repos et ne constituent pas des immissions excessives.

b) aa) Aux termes de l’art. 684 CC (Code civil suisse du 10 décembre 1907, RS 210), le propriétaire est tenu, dans l’exercice de son droit, spécialement dans ses travaux d’exploitation industrielle, de s’abstenir de tout excès au détriment de la propriété du voisin (al. 1) ; sont interdits en particulier les émissions de fumée ou de suie, les émanations incommodantes, les bruits, les trépidations qui ont un effet dommageable et qui excédent les limites de la tolérance que se doivent les voisins eu égard à l’usage local, à la situation et à la nature des immeubles (al. 2).

bb) Selon la jurisprudence (ATF 126 III 223 c. 4a et les réf. citées, JT 2001 I 58), lorsqu’il s’agit de distinguer ce qui est licite de ce qui ne l’est pas, de juger du caractère excessif d’une immission, l’intensité de l’effet dommageable est déterminant. Cette intensité est établie par référence à des critères objectifs. Le juge doit procéder à une pesée impartiale des intérêts en présence et doit se fonder à cet égard sur la sensibilité d’un sujet de droit ordinaire se trouvant dans la situation considérée. Dans la décision qu’il doit prendre en droit et en équité, le juge ne doit pas examiner seulement la situation et la nature des immeubles, mais aussi l’usage local, comme le précise expressément l’art. 684 al. 2 CC. Le juge doit évaluer l’intérêt concret et individuel du propriétaire ainsi que la pertinence de tous les éléments du cas d’espèce. A cet égard, il convient de garder à l’esprit que l’art. 684 CC, en tant que règle du droit privé de voisinage, tend en premier lieu à l’équilibre des intérêts des voisins. Sont interdites non seulement les immissions dommageables, mais aussi les immissions simplement gênantes ou excessives. Pour déterminer si les immissions constatées sont excessives (et donc illicites) eu égard à la situation des immeubles au sens de l’art. 684 CC, le juge du fond dispose d’un certain pouvoir d’appréciation, de même que pour ordonner les mesures qui lui semblent appropriées en conséquence (ATF 126 III 223 c. 4a et les réf. citées, JT 2001 I 58).

cc) En matière de protection contre les immissions excessives, le droit public et le droit privé prévoient des régimes qui sont en soi distincts l’un de l’autre. Toutefois, il existe des convergences et des recoupements entre les deux domaines. En particulier, lorsqu’il s’agit de déterminer les limites de la tolérance que se doivent les voisins eu égard à l’usage local, à la situation et à la nature des immeubles (art. 684 al. 2 CC), les normes de droit public peuvent jouer un rôle (règles de police des constructions, plans d’affectation, règles relatives à la protection contre le bruit, à la protection de l’air, etc.). Certes, les règles de droit public sont destinées à protéger d’autres intérêts que les règles de droit privé ; le droit public de l’environnement tient par exemple compte du fait que certaines catégories de personnes ont une sensibilité plus élevée (art. 13 al. 2 LPE [Loi fédérale du 7 octobre 1983 sur la protection de l’environnement, RS 814.01]) que le sujet de droit ordinaire qui sert de référence en droit privé. Ainsi, le droit public prévoit des valeurs générales de référence, contrairement au droit privé qui suppose une appréciation limitée au cas d’espèce. Le droit public n’offre d’ailleurs pas une protection aussi étendue que le droit privé ; il n’y a, par exemple, pas de protection contre les immissions idéales en droit public. D’un autre côté, le droit privé ne connaît pas le principe de prudence consacré par le droit public de l’environnement (art. 11 al. 2 LPE). Il y a lieu de tenir compte de ces différences. Dans de nombreux cas, ces différences excluent que la mesure admissible en droit public soit déterminante pour juger en droit privé du caractère excessif ou non de telle immission. Cependant, il y a lieu, selon un principe général, d’appliquer les différentes normes de l’ordre juridique de façon cohérente et non contradictoire : dans l’application des règles de droit pertinentes pour trancher un litige, le juge doit tenir compte des éventuelles règles qu’un autre domaine du droit consacre au même objet, dans toute la mesure possible. En ce sens, les autorités compétentes doivent donc contribuer à l’harmonisation du régime de protection contre les immissions excessives. En particulier, dès lors que les annexes à l’OPB prévoient des valeurs limites d’exposition pour les immissions sonores, celles-ci doivent être prises en considération pour juger de la limite tolérable en droit privé (ATF 126 III 223 c. 3c, JT 2001 I 58).

c) Le premier juge a relevé que, d’un point de vue des mesures techniques, la seule possibilité envisageable serait le montage d’aérateurs insonorisés dans les chambres à coucher au sens de l’al. 6 de l’annexe 1 de l’OPB et des art. 10 al. 1 et 15 al. 1 OPB, que cette mesure semblait toutefois être réservée aux cas où les valeurs d’alarme étaient dépassées, soit, pour le degré de sensibilité III, 65 dB de nuit, et qu’en l’état une telle mesure paraissait disproportionnée. S’agissant des valeurs limites de I’OPB, il a rappelé qu’en matière de trafic routier, des valeurs moyennes étaient calculées conformément aux chiffres 32 et 33 de l’annexe 3 OPB, en fonction du volume de trafic, par exemple la moyenne annuelle du trafic horaire entre 22 heures et 6 heures pour les valeurs nocturnes et qu’il était évident qu’avec trois camions qui provoquaient des nuisances pendant chacun cinq à six minutes par nuit, il était illusoire de parvenir à des valeurs limites significatives. Au regard de ces éléments, le premier juge a admis que les normes de droit public en matière de protection de l’environnement n’étaient d’aucun secours au juge civil appelé à statuer dans un cas de nuisances sonores nocturnes très ponctuelles, susceptibles de réveiller les riverains, mais négligeables en moyenne sur l’ensemble des heures de repos.

d) aa) Il est vrai que I’OPB se fonde sur des valeurs moyennes, qui ne sont pas forcément pertinentes s’agissant de nuisances sonores ponctuelles engendrées par le départ de nuit des trois camions de l’appelant. C’est donc à juste titre que l’autorité de première instance n’a pas directement appliqué les règles de droit public relatives à la protection contre le bruit.

Reste qu’on ne saurait écarter totalement le régime du bruit en droit public, et qu’il convient d’en tenir compte dans le cadre d’une appréciation d’ensemble.

bb) Aux termes de l’art. 15 LPE, les valeurs limites d’immissions s’appliquant au bruit et aux vibrations sont fixées de manière que, selon l’état de la science et l’expérience, les immissions inférieures à ces valeurs ne gênent pas de manière sensible la population dans son bien-être. Selon l’art. 23 LPE, aux fins d’assurer la protection contre le bruit causé par de nouvelles installations fixes et en vue de la planification de nouvelles zones à bâtir, le Conseil fédéral établit des valeurs limites de planification inférieures aux valeurs limites d’immissions.

L’art. 43 OPB prévoit que, dans les zones d’affectation selon les art. 14 ss LAT (Loi fédérale du 22 juin 1979 sur l’aménagement du territoire, RS 700), les degrés de sensibilité suivants sont à appliquer :

a. le degré de sensibilité I dans les zones qui requièrent une protection accrue contre le bruit, notamment dans les zones de détente ;

b. le degré de sensibilité Il dans les zones où aucune entreprise gênante n’est autorisée, notamment dans les zones d’habitation ainsi que dans celles réservées à des constructions et installations publiques ;

c. le degré de sensibilité III dans les zones où sont admises des entreprises moyennement gênantes, notamment dans les zones d’habitation et artisanales (zones mixtes) ainsi que dans les zones agricoles ;

d. le degré de sensibilité IV dans les zones où sont admises des entreprises fortement gênantes, notamment dans les zones industrielles.

Selon l’article 44 OPB, les cantons veillent à ce que les degrés de sensibilité soient attribués aux zones d’affectation dans les règlements de construction ou les plans d’affectation communaux (al. 1) ; les degrés de sensibilité seront attribués lors de la délimitation ou de la modification des zones d’affectation ou lors de la modification des règlements de construction (al. 2).

Selon le Règlement communal de Daillens de mars 2002 sur le plan général d’affectation et la police des constructions, le territoire de la commune est divisé en zones dont les périmètres respectifs sont délimités sur le plan déposé au greffe municipal (art. 3.1). A son art. 3.2, le règlement attribue aux zones divers degrés de sensibilité aux bruits conformément à la législation sur la protection de l’environnement. La zone de villas et la zone d’utilité publique sont classées en degré Il ; sont classées en degré III notamment la zone du bourg et la zone agricole, alors que la zone d’activités est classée en degré IV. La zone du bourg a pour but d’assurer la sauvegarde et le développement de la localité (art. 3.3). Elle est destinée à l’habitation, aux équipements collectifs ainsi qu’aux activités en relation avec l’agriculture ou l’économie locale ou régionale (art. 3.4 al. 1). Les autres activités sont interdites si elles sont de nature à compromettre le caractère de la localité (art. 3.4 al. 2). La zone d’activité est réservée aux entreprises industrielles et artisanales n’entraînant pas de préjudice insupportable pour les zones avoisinantes (art. 3.36).

En l’espèce, la parcelle des intimés est située en zone du bourg, soit en

zone de degré de sensibilité III, c’est-à-dire une zone où sont admises des entreprises moyennement gênantes. En revanche, la parcelle n° [...] appartenant à l’appelant R.____ SA et louée à l’appelant P.____ est située en zone d’activité, avec un degré de sensibilité IV.

Lorsque le règlement communal prescrit expressément que les entreprises admises dans la zone IV ne doivent pas entraîner de préjudice insupportable pour les zones avoisinantes, il faut admettre que, en limite d’une zone d’activité, l’usage local peut être plus restrictif en matière d’immissions touchant les zones voisines classées à des degrés de sensibilité inférieurs, qu’au coeur de la zone d’activité.

cc) En l’espèce, les immissions provoquées par l’appelant P.____ ont trait aux départs et arrivées de trois camions entre 22 heures et 6 heures du matin. Il s’agit là de bruit de l’industrie et des arts et métiers visés par l’annexe 6 de l’OPB ; une fois que les camions circulent sur la rue du [...], il s’agit de bruit issu du trafic routier au sens de l’annexe 3 de l’OPB.

Degré de sensibilité (art. 43)

Valeur de planification Lr en dB (A)

Valeur limite d’immission Lr en dB (A)

Valeur d’alarme Lr en dB (A)

Jour

Nuit

Jour

Nuit

Jour

Nuit

I

50

40

55

45

65

60

II

55

45

60

50

70

65

III

60

50

65

55

70

65

IV

65

55

70

60

75

70

Les valeurs limites d’exposition au bruit du trafic routier sont les suivantes (annexe 3 OPB) :

Les valeurs limites d’exposition au bruit de l’industrie et des arts et métiers sont les suivantes (annexe 6 OPB) :

Degré de sensibilité (art. 43)

Valeur de planification Lr en dB (A)

Valeur limite d’immission Lr en dB (A)

Valeur d’alarme Lr en dB (A)

Jour

Nuit

Jour

Nuit

Jour

Nuit

I

50

40

55

45

65

60

II

55

45

60

50

70

65

III

60

50

65

55

70

65

IV

65

55

70

60

75

70

En l’espèce, il convient de prendre en compte les valeurs limites de planification, les activités de l’appelant étant nouvelles (cf. art. 23 LPE).

dd) Certes, il résulte du rapport du SEVEN du 28 juillet 2010 que la valeur limite de nuit est nettement respectée. Reste que I’OPB se fonde sur des valeurs moyennes calculées notamment en fonction du volume du trafic entre 22 heures et 6 heures (cf. chiffres 32 ss annexe 3 et chiffres 31 ss annexe 6 de l’OPB) ; ce critère n’est toutefois pas pertinent s’agissant de nuisances sonores ponctuelles engendrées par le départ et l’arrivée de nuit des trois camions. A la lecture de l’expertise du SEVEN, on constate que le niveau sonore moyen – sans considération des facteurs de correction et, plus particulièrement, du facteur lié à la durée du bruit qui, comme dit précédemment, n’est pas pertinent – dépasse, pour la moitié des mesures effectuées, les valeurs de planification visées par les annexes 3 et 6 de l’OPB pour la zone considérée. Quant à l’autre moitié des mesures, les niveaux sonores moyens se situent entre 46.6 et 49.5 dB, alors que la valeur de planification nuit pour la zone II est de 50 dB.

Par ailleurs, de l’avis même de l’expert du SEVEN, ce type d’activité de courte durée avec des niveaux sonores maximum situés entre 55 et 65 dB(A) est gênant pour le voisinage, notamment pendant les périodes de repos ; l’expert relève qu’afin de réduire les nuisances sonores, les camions démarrant entre 1 heure 40 et 5 heures pourraient être stationnés en dehors du village, voire sur le lieu du chargement.

Lors de l’inspection locale, le premier juge a également constaté que le niveau sonore, dès que la fenêtre est ouverte ou entrouverte, est de nature à réveiller un dormeur dont le sommeil n’est pas particulièrement profond, compte tenu de l’absence totale d’autre bruit environnant.

De plus, il résulte du dossier que, en réalité, de nombreuses personnes sont incommodées par le bruit des camions. Ainsi, la pétition envoyée à la Municipalité de Daillens a été signée par 29 personnes. L’intimé A.I.____ a aussi produit un certificat médical attestant de la gêne majeure que représentaient pour lui les camions circulant de nuit à côté de son domicile ; le médecin a attesté que cette situation avait clairement une incidence sur l’état de santé de son patient. Entendus par la municipalité, l’intimée B.I.____ a dit être à bout et un des pétitionnaires domiciliés dans le même immeuble que la prénommée a dit devoir dormir avec des boules Quiès. Contrairement à ce qu’affirment les appelants, on ne saurait dire qu’un sujet ordinaire ne serait pas réveillé par les départs nocturnes, une personne au sommeil pas particulièrement profond ne pouvant être assimilée à une personne sensible. Des immissions sonores, même si elles ne durent que peu de temps, constituent des immissions excessives lorsque leur intensité excède le seuil du réveil pour des personnes normalement sensibles au bruit (ATF 126 III 223, JT 2001 I 58).

Enfin, on doit admettre que la construction de murs anti-bruit ou le montage d’aérateurs insonorisés dans les chambres à coucher constitueraient des mesures disproportionnées au regard des coûts engendrés pour les propriétaires par ce genre d’installations et du fait que, de son côté, l’appelant P.____ ne devrait pas avoir de grandes difficultés à trouver un nouvel emplacement pour ses trois camions en dehors du village, ce afin d’éviter des immissions nocturnes particulièrement gênantes pour les voisins. En effet, il résulte du courrier adressé par le service immobilier de La Poste notamment à la commune de Daillens que la Poste a déjà proposé à l’appelant P.____ la location d’un emplacement sur son terrain.

Sur le vu de ce qui précède, on doit admettre, comme le premier juge, que l’utilisation des places de parc par les camions de l’appelant P.____ engendre des nuisances sonores qui sont manifestement dérangeantes pour des personnes normalement sensibles au bruit, même si elles ne durent que peu de temps, dès lors que leur intensité excède le seuil de réveil, étant du reste rappelé que même des immissions excessives isolées peuvent être considérées comme illicites au sens de l’art. 684 CC.

Le grief doit donc être rejeté.

5. a) Les appelants soutiennent que la décision sur les frais et dépens n’est pas satisfaisante et arguent qu’il est exclu que les dépens qui reviennent à l’appelante R.____ SA soient réduits, au seul motif que celle-ci aurait un conseil commun avec l’appelant P.____.

b) L’art. 110 CPC prévoit que la décision sur les frais ne peut être attaquée séparément que par un recours. A contrario, on doit admettre que la décision sur les frais peut être contestée dans un appel si celui-ci porte aussi sur d’autres points (cf. Rüegg, BSK ZPO, Art. 110 n° 1). Tel est le cas en l’occurrence.

Aux termes de l’art. 104 CPC, le tribunal statue sur les frais en règle générale dans la décision finale (al. 1). La décision sur les frais des mesures provisionnelles peut être renvoyée à la décision finale (al. 3).

c) En l’espèce, le premier juge a fait application de l’art. 104 al. 3 CPC et dit par conséquent que les frais et dépens suivront le sort de la cause au fond. Partant, il convient de retenir que la critique relative aux frais et dépens est prématurée, ce qui entraîne son rejet.

6. En conclusion, l’appel doit être rejeté et l’ordonnance confirmée.

Les frais judiciaires de deuxième instance à la charge des appelants sont arrêtés à 1’500 fr. (art. 65 al. 2 TFJC [tarif des frais judiciaires en matière civile du 28 septembre 2010, RSV 270.11.5]).

Les appelants ayant succombé, des dépens, arrêtés à hauteur de 2'000 fr., sont alloués aux intimés (art. 37 CDPJ [Code de droit privé judiciaire vaudois du 12 janvier 2010, RSV 211.02]).

Par ces motifs,

la juge déléguée de la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal,

statuant à huis clos,

prononce :

I. L'appel est rejeté.

II. L'ordonnance est confirmée.

III. Les frais judiciaires de deuxième instance, arrêtés à 1'500 fr. (mille cinq cents francs), sont mis à la charge des appelants.

IV. Les appelants R.____ SA et P.____, solidairement entre eux, doivent verser aux intimés B.I.____ et A.I.____, solidairement entre eux, la somme de 2'000 fr. (deux mille francs) à titre de dépens de deuxième instance.

V. L'arrêt motivé est exécutoire.

La juge déléguée : Le greffier :

Du 1er juin 2011

Le dispositif de l'arrêt qui précède est communiqué par écrit aux intéressés.

Le greffier :

Du

L'arrêt qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié en expédition complète, par l'envoi de photocopies à :

Me Guy Longchamp (pour R.____ SA et P.____)

Me Bernard Katz (pour A.I.____ et B.I.____)

La juge déléguée de la Cour d’appel civile considère que la valeur litigieuse est supérieure à 30’000 francs.

Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral au sens des art. 72 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral – RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Dans les affaires pécuniaires, le recours en matière civile n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à 15'000 fr. en matière de droit du travail et de droit du bail à loyer, à 30'000 fr. dans les autres cas, à moins que la contestation ne soulève une question juridique de principe (art. 74 LTF). Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF).

Cet arrêt est communiqué, par l'envoi de photocopies, à :

Monsieur le Président du Tribunal civil de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois

Le greffier :

Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.

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