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Urteil Kantonsgericht (VD)

Zusammenfassung des Urteils HC/2011/254: Kantonsgericht

Das Gericht hat über einen Streit bezüglich einer vorläufigen Massnahme entschieden, bei dem es um die Besetzung von Gebäuden und umliegenden Grundstücken ging. Die Kläger wollten, dass die Beklagten alle Gegenstände umgehend von dem Grundstück entfernen. Das Gericht entschied, dass die Kläger das Recht auf Besitz und Nutzung der betroffenen Gebäude hatten und dass die Handlungen der Beklagten als rechtswidrige Störung des Besitzes anzusehen waren. Das Gericht wies das Berufungsbegehren der Beklagten ab und bestätigte die vorläufige Massnahme. Die Gerichtskosten in Höhe von 800 CHF wurden den Beklagten auferlegt. Die unterlegene Partei sind die Beklagten, von denen einige Mitglieder einer Genossenschaft sind.

Urteilsdetails des Kantongerichts HC/2011/254

Kanton:VD
Fallnummer:HC/2011/254
Instanz:Kantonsgericht
Abteilung:Cour d'appel civile
Kantonsgericht Entscheid HC/2011/254 vom 12.05.2011 (VD)
Datum:12.05.2011
Rechtskraft:-
Leitsatz/Stichwort:-
Schlagwörter : Appel; écembre; érative; Coopérative; Intimé; éfendeur; éfendeurs; édiat; état; Arrondissement; Action; ésiliation; Steinauer; Ordonnance; Président; Broye; îtrise; également; écision; édiate; Instruction; érieure; élégué; éprovisionnelle
Rechtsnorm:Art. 100 BGG;Art. 101 ZPO;Art. 106 ZPO;Art. 308 ZPO;Art. 310 ZPO;Art. 314 ZPO;Art. 317 ZPO;Art. 405 ZPO;Art. 57 ZPO;Art. 74 BGG;Art. 919 ZGB;Art. 920 ZGB;Art. 921 ZGB;Art. 927 ZGB;Art. 928 ZGB;Art. 929 ZGB;
Referenz BGE:-
Kommentar:
-

Entscheid des Kantongerichts HC/2011/254

TRIBUNAL CANTONAL

81



JUGE DELEGUE DE LA cour d’appel CIVILE

__

Arrêt du 12 mai 2011

___

Présidence de Mme Bendani, juge délégué

Greffier : M. Elsig

*****

Art. 919, 928 CC; 317 al. 1 CPC

Statuant à huis clos sur l'appel interjeté par V.__, à [...],A.K.__, à [...],B.K.__, à [...],W.__, à [...],C.K.__, à [...],N.__, à [...],J.__, à [...],M.__, à [...],Q.__, à [...], et L.__, à [...], contre l'ordonnance de mesures provisionnelles rendue le 7 février 2011 par le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois dans la cause divisant les appelants d’avec C.__, à [...], intimé, le juge délégué de la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal voit :


En fait :

A. Par ordonnance de mesures provisionnelles du 7 février 2011, dont la motivation a été envoyée le 15 mars 2011 pour notification, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a admis partiellement la requête du demandeur C.__ du 7 décembre 2010 (I) ordonné aux défendeurs V.__, A.K.__, B.K.__, W.__, C.K.__, N.__, J.__, M.__, Q.__ et L.__ de retirer immédiatement tous les objets déposés par leurs soins autour de la propriété de la Coopérative F.__, sous la menace des sanctions de l'art. 292 CP (Code pénal du 21 décembre 1937, RS 311) (II), fait interdiction aux défendeurs, sous la menace des sanctions de l'art. 292 CP, de déposer dorénavant tout objet sur la parcelle où se situent les locaux dont le demandeur a la maîtrise effective (III), fixé les frais de la procédure provisionnelle et préprovisionnelle du demandeur à 800 fr. (IV), alloué à celui-ci des dépens, par 1'237 fr. 50 (V), rejeté toutes autres ou plus amples conclusions (VI) et déclaré l'ordonnance immédiatement exécutoire, nonobstant recours ou appel (VII).

En droit, le premier juge a considéré que les actes des défendeurs consistant à stationner des remorques, citernes et autres machines agricoles et la pose d'une pierre devant l'entrée des locaux occupés par le demandeur avaient pour seul but de faire déguerpir celui-ci et constituaient un trouble illicite de la possession au sens de l'art. 928 al. 1 CC (Code civil du 10 décembre 1907; RS 210).

B. V.__, A.K.__, B.K.__, W.__, C.K.__, N.__, J.__, M.__, Q.__ et L.__ ont interjeté appel contre cette ordonnance en concluant, avec dépens, à sa réforme en ce sens que la requête de mesures provisionnelles du demandeur est rejetée. Ils ont produit un bordereau de pièces.

C. Le juge délégué retient les faits suivants, sur la base de l'ordonnance complétée par les pièces du dossier :

Le 10 août 1984 la Coopérative F.__ et le demandeur C.__ ont signé un contrat de "vente de lait pour la fabrication" du 10 août 1984, prévoyant notamment à son art. 5 que l'acheteur de lait payerait à la société un loyer de 3,7 ct. par kilo de lait pour la fromagerie et un loyer annuel de 43'200 fr. pour la porcherie, la location portant également sur un appartement de deux pièces.

Dans un contrat de "vente de lait" passé le 18 avril 2000 entre la "Société de laiterie et ses producteurs" et le demandeur, l'art. 7.2 prévoit notamment que la résiliation ordinaire du contrat pour le 30 avril et le 31 octobre, moyennant un délai de résiliation de six mois, serait également valable pour le contrat de location de la fromagerie, du magasin, de la porcherie et d'autres locaux et qu'une résiliation du contrat avant l'échéance pouvait intervenir pour des motifs graves telles le non-paiement des producteurs.

Les défendeurs V.__, W.__ et J.__ ont attesté par leur signature avoir pris connaissance des dispositions du contrat de vente de lait du 18 avril 2000 et les avoir acceptées.

Les défendeurs sont membres de la Coopérative F.__.

Par courrier recommandé du 15 décembre 2009, la Coopérative F.__ a résilié avec effet immédiat le contrat du 18 avril 2000, en invoquant le non-paiement des locations depuis le mois de juillet 2009 et le paiement partiel du lait livré au mois d'octobre 2009, et précisé qu'elle conviendrait jusqu'à la fin du mois de décembre 2009 d'un délai raisonnable pour la remise du logement et du magasin.

Par formule officielle du 10 mars 2010, la Coopérative F.__ a résilié pour le 30 septembre 2010 le bail portant sur les "locaux d'exploitation de la laiterie et fromagerie [...], l'appartement de la famille du fromager (logement, cave et galetas), la porcherie et l'appartement indépendant de 2 pièces". Ce congé était motivé par la demeure du locataire dans le paiement du loyer, le fait que les producteurs ne lui livraient plus de lait et par les problèmes de qualité dans la fabrication des fromages, éléments fondant une résiliation selon l'art. 266g CO (Code des obligations du 30 mars 1911; RS 220).

Le demandeur ayant contesté ce congé, la Commission de conciliation en matière de baux à loyer du district du Jura-Nord vaudois a, par décision du 30 juin 2010, annulé ledit congé.

Le 29 juin 2010, les membres de la Coopérative F.__, dont les défendeurs, ont ouvert action devant la Cour civile du Tribunal cantonal contre le demandeur en paiement du lait livré et des pertes subies du mois de décembre 2009 au mois de juin 2010.

Le 21 juillet 2010, la Coopérative F.__ a ouvert action devant le Tribunal des baux et a conclu à la confirmation de la résiliation du 10 mars 2010, le demandeur et son épouse devant restituer les locaux mentionnés dans cette résiliation le 30 septembre 2010 à midi au plus tard.

Depuis le mois de septembre 2010, des véhicules, des remorques et autres machines agricoles sont stationnés devant les locaux occupés par le demandeur. L'instruction n'a pas permis d'établir qui, des défendeurs, était propriétaire de ces machines.

Il ressort d'une copie non signée d'un procès-verbal d'audition du 21 octobre 2010, tenu dans le cadre d'une plainte pénale pour menaces déposée par le demandeur, que les défendeurs V.__ et A.K.__ ont déclaré au Juge d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois être disposés à "faire évacuer des alentours de la laiterie les machines qui y sont entreposées à titre de geste de bonne volonté".

Les véhicules, remorques et machines agricoles stationnés devant les locaux en cause ont été enlevés durant une courte période au mois d'octobre 2010 mais réinstallés avant la fin de ce mois. Sur les photographies produites par le demandeur, on constate que des remorques, des citernes et une grosse pierre ont été placées devant les entrées des locaux en cause. Une des remorques, dont l'arrière est dirigé contre la façade de l'immeuble, contenait apparemment des restes de purin. L'accès au garage situé dans les locaux occupés par le demandeurs est entravé par les machines susmentionnées.

Le 26 octobre 2010, le demandeur a demandé au Juge d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois de rappeler à V.__ et A.K.__ leur engagement pris le 21 octobre 2010 en ce qui concerne les machines entreposées sur la parcelle litigieuse.

Par jugement préjudiciel du 1er décembre 2010, faisant suite à une audience du 12 novembre 2010, le Tribunal des baux s'est déclaré incompétent à raison de la matière pour connaître du litige entre la Coopérative F.__ et le demandeur et reporté la cause en l'état devant la Cour civile du Tribunal cantonal. Dans sa motivation envoyée aux parties le 24 janvier 2011, le Tribunal des baux a considéré que l'élément de bail des contrats du 10 août 1984 et du 18 avril 2000 était accessoire par rapport à l'élément vente de lait.

Par requête de mesures provisionnelles et préprovisionnelles du 7 décembre 2010, C.__ a requis du Président du Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois qu'ordre soit donné aux défendeurs, sous la menace des sanctions de l'art. 292 CP, de retirer immédiatement tous les objets déposés par leurs soins autour de la propriété de la Coopérative F.__ (I), qu'interdiction leur soit faite de déposer tout objet sur la parcelle où se situent les locaux loués, sous menace des sanctions de l'art. 292 CP (II) et que la force publique puisse être requise pour faire respecter les conclusions I et II (III).

Dans leurs déterminations du 8 décembre 2010, les défendeurs ont conclu au rejet de ces conclusions et ont fait notamment valoir que les conventions mettant la fromagerie et la porcherie à la disposition du demandeur ne lui cédaient aucun usage exclusif sur le terrain entourant ces bâtiments, de sorte que, en tant que membres de la Coopérative F.__, ils étaient en droit d'y entreposer du matériel.

Un article de journal fait état de la décision des paysans de la Coopérative F.__ de bloquer la fromagerie à l'aide de leurs machines agricoles et d'une déclaration d'un des membres du comité de la coopérative selon laquelle lesdites machines seraient enlevées pour laisser place aux déménageurs.

Par décision du 9 décembre 2010, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a rejeté la requête de mesures préprovisionnelles.

Le 15 décembre 2010 un feu a été allumé devant les locaux du demandeur. Invoquant notamment ce motif, le demandeur a déposé le même jour devant le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois une requête de mesures préprovisionnelles reprenant ses conclusions du 7 décembre 2010. L'instruction n'a pas permis d'établir l'identité des personnes ayant allumé le feu en cause.

Le 16 décembre 2010, les défendeurs ont conclu au rejet de dite requête.

Par décision du 16 décembre 2010, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a refusé de rendre des mesures préprovisionnelles et dit que l'audience de mesures provisionnelle était maintenue au 19 janvier 2011.

A l'audience du 19 janvier 2011, les défendeurs ont déclaré qu'ils avaient stationné les véhicules en cause "afin de marquer leur territoire".

Le demandeur occupe actuellement toujours les locaux litigieux et exploite le magasin qui s'y trouve.

En droit :

1.1 Le Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (ci-après : CPC; RS 272) est entré en vigueur le 1er janvier 2011. L'ordonnance attaquée ayant été rendue le 7 février 2011, les voies de droit sont régies par ce code (art. 405 al. 1 CPC).

1.2 L'appel est recevable contre une ordonnance de mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC), dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC). Les ordonnances de mesures provisionnelles étant régies par la procédure sommaire, selon l'art. 248 let. d CPC, le délai pour l'introduction de l'appel est de dix jours (art. 314 al. 1 CPC). L'appel en matière de mesures provisionnelles relève de la compétence d'un juge unique (art. 84 al. 2 LOJV [loi d'organisation judiciaire du 12 décembre 1979; RSV 173.01]).

Les actions possessoires ne visent généralement qu'au rétablissement et au maintien d'un état de fait antérieur; sous réserve de l'art. 927 al. 2 CC, qui prévoit l'exception tirée du meilleur droit, elles ne conduisent pas à un jugement sur la conformité au droit de cet état de fait, mais n'assurent au demandeur qu'une protection provisoire, car une procédure engagée sur le terrain du droit peut mettre fin aux effets d'une décision portant sur la protection de la possession (ATF 133 III 638 c. 2; ATF 113 II 243 c. 1b et références). Ces actions doivent dès lors être considérées comme des mesures provisionnelles contre lesquelles l'appel est recevable.

S’agissant de la valeur litigieuse, on doit admettre, dans le cas particulier, que celle-ci est supérieure à 10'000 fr., l’intimé s’étant notamment vu bloquer ou entraver dans l’accès à ses locaux professionnels.

Ainsi, formé en temps utile par des parties qui y ont intérêt et portant sur des conclusions supérieures à 10'000 fr., l’appel interjeté est formellement recevable.

2.1 L'appel peut être formé pour violation du droit ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). L'autorité d'appel peut revoir l'ensemble du droit applicable, y compris les questions d'opportunité ou d'appréciation laissées par la loi à la décision du juge, et doit le cas échéant appliquer le droit d'office conformément au principe général de l'art. 57 CPC (Tappy, Les voies de droit du nouveau Code de procédure civile, in JT 2010 III 115, p. 134). Elle peut revoir librement l'appréciation des faits sur la base des preuves administrées en première instance (ibidem, p. 135). Le large pouvoir d'examen en fait et en droit ainsi défini s'applique même si la décision attaquée est de nature provisionnelle (ibidem, p. 136).

2.2 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard et ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise, ces deux conditions étant cumulatives (art. 317 al. 1 CPC; Tappy, op. cit., p. 138). Il appartient à l'appelant de démontrer que ces conditions sont réalisées, de sorte que l'appel doit indiquer spécialement de tels faits et preuves nouveaux et motiver spécialement les raisons qui les rendent admissibles selon lui (ibidem, pp. 136-137; JT 2011 III 43).

2.3 En l'espèce, la motivation du jugement du Tribunal des baux produite en deuxième instance par les appelants est recevable, dès lors qu'elle est postérieure à l'audience de mesures provisionnelles du 19 janvier 2011. Les appelants ne pouvaient donc la produire en première instance.

2.4 Les appelants requièrent le complément de l'état de fait de l'ordonnance sur divers points. Toutefois, comme on le verra, les éléments invoqués sont sans incidence sur le sort du litige.

3. Les appelants soutiennent que les dispositions sur la possession ne sont pas applicables à des immeubles et qu'à la date de la requête de mesures provisionnelle, l'intimé n'exerçait aucune maîtrise depuis le mois de septembre 2010 sur la place asphaltée sur laquelle sont stationnées les machines agricoles litigieuses. Ils font valoir que l'intimé n'a jamais bénéficié d'un droit exclusif sur le terrain en cause, qu'il n'a plus aucun droit sur les locaux de la fromagerie compte tenu de la résiliation du contrat, qu'il a cessé de s'acquitter du prix du lait à partir du mois d'octobre 2009 et qu'il avait un retard de loyer de 122'601 fr. 70 à la fin du mois de février 2010.

4.1 Aux termes de l’art. 919 al. 1 CC, celui qui a la maîtrise effective de la chose en a la possession. Selon l’art. 920 CC, lorsque le possesseur remet la chose à un tiers pour lui conférer soit un droit de servitude ou de gage, soit un droit personnel, tous deux en ont la possession (al. 1). Ceux qui possèdent à titre de propriétaire ont une possession originaire, les autres une possession dérivée (al. 2).

La possession individuelle est celle qui est exercée par une seule personne ; peu importe qu’il s’agisse d’une possession simple, médiate ou immédiate, originaire ou dérivée. La possession collective est celle qui est exercée par plusieurs possesseurs (cf. Steinauer, Les droits réels, Tome premier, 4ème éd., 2007, p. 98).

4.1.1 Les art. 926 à 929 CC organisent la protection de la possession en tant qu’état de fait. Cette protection trouve sa justification dans le souci de protéger la paix publique : non seulement le possesseur a intérêt à ce que sa maîtrise ne soit ni troublée ni usurpée, mais il est d’intérêt général que des tiers ne modifient pas unilatéralement la situation de fait constitutive de la possession, même s’ils prétendent être au bénéfice de droits préférables (cf. Steinauer, op. cit., p. 124 n° 313).

4.1.2 L’action en cessation du trouble est l’action possessoire dont dispose celui dont la possession d’une chose est troublée, en vue de faire cesser le trouble. Contrairement à l’appréciation des appelants, tant la doctrine que la jurisprudence admettent que cette action appartient à tout possesseur d’une chose, que celle-ci soit mobilière ou immobilière (cf. Steinauer, op. cit., p. 125 et les nombreux exemples jurisprudentiels cités ; cf. TF 5A_98/2010 du 7 mai 2010 ). Il en va en revanche différemment pour la protection du droit fondée sur la possession (cf. art. 930 à 937 CC ; Steinauer, op. cit., p. 144 ss).

L’action en cessation du trouble appartient à celui dont la possession est troublée. En général, il s’agit du possesseur immédiat, mais la possession médiate peut également être troublée. L’action ne peut être dirigée que contre l’auteur du trouble et ses successeurs universels. L’auteur du trouble peut également être un autre possesseur de la même chose, par exemple, un propriétaire qui pénètre contre la volonté du locataire dans les locaux loués, dans la mesure où le trouble est illicite (Steinauer, op. cit., p. 140 n° 354b).

L’action doit donc être admise chaque fois qu’il y a un trouble illicite de la possession.

Par trouble de la possession, il faut entendre toute entrave à l’exercice de la possession qui n’entraîne pas une dépossession. Peut ainsi constituer un trouble de la possession au sens de l’art. 928 CC non seulement une atteinte matérielle à l’objet possédé, mais aussi un acte qui en affecte indirectement la possession, par exemple, pour un fonds, le bruit causé par des avions, des émanations de fumée, ou une lumière aveuglante (ATF 95 II 397). L’atteinte peut aussi être psychique, mais elle doit alors être sérieuse (ATF 60 III 483). Constitue aussi une atteinte le simple fait d’interdire à une personne d’exercer sa possession, pour autant que cette interdiction soit formelle (ATF 83 III 141).

Un trouble de la possession est illicite chaque fois qu’il n’est pas autorisé par la loi ou par le possesseur. En principe, le défendeur n’est pas admis à invoquer un droit qu’il aurait sur ou en relation avec l’objet, notamment en vertu d’un contrat. En effet, l’action en raison du trouble est purement possessoire; le défendeur n’est donc pas admis à faire valoir un droit préférable sur la chose (cf. art. 928 al. 1 in fine ; Steinauer, op. cit., p. 140 n° 365).

4.1.3 Les règles générales précitées s’appliquent aussi en cas d’atteinte provenant d’un autre possesseur. Il faut cependant examiner en outre dans quelle mesure l’auteur de l’atteinte peut invoquer son propre droit à la possession pour justifier cette atteinte. En principe, une telle justification doit être rejetée, car les art. 926 ss CC ne visent qu’à protéger un état de fait. Les litiges relatifs aux droits des parties doivent en effet être réglés par d’autres voies.

Dans tous les cas, en cas de possession multiple, le possesseur immédiat peut exercer les droits prévues par les art. 926 ss CC en cas de trouble de la part du possesseur médiat (Steinauer, op. cit., p. 129).

4.2 Aux termes de l’art. 101 al. 1 ch. 2 CPC-VD (Code de procédure civile du 14 décembre 1966), des mesures provisionnelles peuvent être ordonnées en tout état de cause, même avant l’ouverture d’action, en cas d’urgence, pour protéger le possesseur dans ses droits. Le requérant doit rendre vraisemblable, mais non pas établir, les faits justifiant sa requête et, en conséquence, le droit dont il requiert la protection; quant au juge, il doit se limiter à un examen prima facie ou sommaire, sans préjuger du fond (cf. Poudret/Haldy/Tappy, Procédure civile vaudoise, 3ème éd., 2002, n. 1 ad art. 101 CPC-VD, p. 197).

5.1 En l'espèce, bien que les relations juridiques entre les parties soient peu claires et qu'elles font l'objet de procédures devant d'autres autorités, il n'en demeure pas moins que, sous l'angle de la vraisemblance, l'intimé a bien la possession immédiate, dérivée et individuelle des locaux litigieux, savoir ceux de la laiterie et fromagerie, du magasin qui s'y trouve, de l'appartement sis au même endroit, où il loge avec sa famille, de la porcherie et de l'appartement indépendant de deux pièces. En effet la Coopérative F.__ et les appelants ont cédé l'usage de ces locaux à l'intimé, comme cela ressort des deux contrats du 10 août 1984 et 18 avril 2000 et des démarches entreprises par la Coopérative F.__ tendant à résilier ces contrats. Dans les faits, l'intimé occupe actuellement toujours les locaux précités et exploite le magasin. Le fait que les parties soient également liées en vertu d'autres engagements qu'un contrat de bail à loyer n'est pas de nature à modifier cet état de fait, à savoir que l'intimé a la maîtrise des locaux et terrains qu'il occupe et donc la possession des immeubles en question.

A cet égard, l'on ne saurait déduire, au regard des règles de la bonne foi, que les contrats susmentionnés limitaient la cession aux seuls bâtiments et non au terrain alentour, la mise à disposition des premiers dans le but de l'exploitation d'une fromagerie et d'une porcherie entraînant, vu ce but, la mise à disposition du second, également nécessaire à l'exploitation. De même, il ne ressort pas desdits contrats que les appelants auraient été autorisés ou se seraient réservé le droit d'exercer une possession collective avec l'intimé sur les locaux litigieux. Enfin, le fait que les appelants ont déjà stationné leurs engins durant le mois de septembre 2010, avant de les enlever, puis de les replacer, ne permet pas davantage de reconnaître une possession collective des parties sur les immeubles en question. En effet, il résulte de l'art. 921 CC qu'une éventuelle maîtrise de fait acquise par suite de circonstances de nature passagère qui suspendent la maîtrise d'autrui n'est pas suffisante pour fonder la possession. En outre, on doit déduire du procès verbal d'audition du 21 octobre 2010 que l'intimé avait antérieurement réclamé la cessation du trouble. Il l'a fait à nouveau le 26 octobre 2010 par son courrier au juge d'instruction, puis a ouvert action le 7 décembre 2010. Il a ainsi satisfait aux exigences de délais posées par l'art. 929 CC (cf. Steinauer, op. cit., nos 348 ss, p. 135). Il n'était donc pas déchu de son action.

5.2 L'entreposage de véhicules, remorques, dont certaines contenant des résidus de purin, et autres machines agricoles devant les locaux litigieux qui entravent l'accès au garage, la pose d'une pierre devant l'entrée du magasin, le feu allumé le 15 décembre 2010 et les motifs des appelants savoir marquer leur terrain, bloquer la fromagerie et ne laisser la place libre que pour les déménageurs -, qui attestent que leur but est d'obtenir par la voie privée le départ de l'intimé, constituent un trouble de la possession au sens de l'art. 928 CC. L'entrave est tout d'abord matérielle, dès lors que la possession est restreinte par divers obstacles physiques placés devant les accès des locaux. L'entrave est également psychique dans la mesure où elle consiste à intimider et atteindre l'intimé, de manière à le gêner et lui faire quitter les lieux le plus rapidement possible.

5.3 Cette atteinte est illicite puisqu'elle n'est ni autorisée par la loi ni consentie par le possesseur, étant précisé que les appelants ne sauraient fonder leur attitude sur un éventuel droit préférable sur les immeubles en question, vu la règle posée à l'art. 928 al. 1 in fine CC (cf. c. 4.1.1 et 4.1.2 ci-dessus). Ainsi, il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant les droits et relations juridiques des parties – et plus particulièrement la question de la résiliation des contrats du 10 août 1984 et 18 avril 2000 -, l'art. 928 CC ne visant en définitive qu'à protéger un état de fait, les litiges relatifs aux droits respectifs des parties devant être réglés par d'autre voies. Des procédures judiciaires sont d'ailleurs déjà pendantes à ce sujet entre les intéressés.

5.4 Au vu des considérations qui précèdent il y a lieu d'admettre que les conditions de l'art. 928 CC sont réalisées et de rejeter l'appel sur ce point.

6. Les appelants contestent qu'on puisse leur donner ordre d'évacuer toutes les machines de la parcelle litigieuse, même celles dont ils ne sont pas eux-mêmes propriétaires et qu'ils n'ont pas eux-mêmes stationnées.

Certes, l'instruction n'a pas permis de déterminer avec exactitude qui des appelants était propriétaire des différentes machines entreposées devant les locaux en cause et qui les y avait placées. Elle n'a pas davantage permis d'élucider l'identité des personnes ayant placé la pierre et allumé un feu devant lesdits locaux.

Reste que, selon les faits retenus qui ne sont pas contestés par les appelants, il est constant que les parties sont divisées par un sérieux litige, que les membres de la Coopérative F.__ souhaitent voir l'intimé libérer les locaux litigieux et que ce sont des membres de ladite société qui ont entreposé des machines et une pierre devant lesdits locaux. De plus, les appelants sont tous membres de la coopérative et ils ont déclaré qu'ils considéraient avoir le droit d'entreposer leurs machines sur la parcelle litigieuse. Enfin, on peut admettre que l'intimé, qui connaît personnellement de nombreux membres de la coopérative, qui lui livraient du lait, n'a agi que contre les auteurs effectifs des troubles invoqués.

Dans ces circonstances, on doit admettre que l'ordre donné aux appelants est justifié, l'action en cessation de trouble devant être dirigée contre les auteurs du trouble et la légitimation passive étant suffisamment rendue vraisemblable.

L'appel doit en conséquence être rejeté sur ce point.

7. En conclusion, l'appel doit être rejeté et l'ordonnance de mesures provisionnelles confirmée.

Les frais judiciaires de deuxième instance, fixés à 800 fr. (art. 65 al. 1 TFJC [tarif du 28 septembre 2010 des frais judiciaires civils; RSV 270.11.5), sont mis à la charge des appelant, vu l'issue de l'appel (art. 106 al. 1 CPC).

Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens de deuxième instance, l'intimé n'ayant pas été invité à se déterminer.

Par ces motifs,

le juge délégué de la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal,

statuant à huis clos,

prononce :

I. L’appel est rejeté.

II. L'ordonnance est confirmée.

III. Les frais judiciaires de deuxième instance, fixés à 800 fr. (huit cents francs), sont mis à la charge des appelants J.__, M.__, L.__, W.__, V.__, Q.__, A.K.__, C.K.__, B.K.__, N.__, solidairement entre eux.

IV. L'arrêt motivé est exécutoire.

Le juge délégué : Le greffier :

Du 16 mai 2011

Le dispositif de l'arrêt qui précède est communiqué par écrit aux intéressés.

Le greffier :

Du

L'arrêt qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié en expédition complète, par l'envoi de photocopies à :

Me Mathias Keller (pour V.__, A.K.__, B.K.__, W.__, C.K.__, N.__, J.__, M.__, Q.__ et L.__),

Me Serge Demierre (pour C.__).

La Cour d’appel civile considère que la valeur litigieuse est inférieure 30'000 francs.

Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral au sens des art. 72 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral – RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Dans les affaires pécuniaires, le recours en matière civile n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à 15'000 fr. en matière de droit du travail et de droit du bail à loyer, à 30'000 fr. dans les autres cas, à moins que la contestation ne soulève une question juridique de principe (art. 74 LTF). Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF).

Cet arrêt est communiqué, par l'envoi de photocopies, à :

M. le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord-vaudois.

Le greffier :

Quelle: https://www.findinfo-tc.vd.ch/justice/findinfo-pub/internet/SimpleSearch.action

Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.

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