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Urteil Kantonsgericht (VD)

Zusammenfassung des Urteils Entscheid/2024/563: Kantonsgericht

Eine Mutter hat im Namen ihrer Tochter Anzeige gegen einen Mann erstattet, dem sie vorwirft, ihre Tochter in Gefahr gebracht zu haben. Die Tochter leidet an Gedächtnisverlust und anderen Problemen aufgrund eines früheren Unfalls. Der Mann wird beschuldigt, die Tochter betrunken allein gelassen und sexuell belästigt zu haben. Der Staatsanwalt hat die Anzeige abgelehnt, da die Beweise nicht ausreichen. Die Tochter hat dagegen Berufung eingelegt und fordert eine weitere Untersuchung des Falls.

Urteilsdetails des Kantongerichts Entscheid/2024/563

Kanton:VD
Fallnummer:Entscheid/2024/563
Instanz:Kantonsgericht
Abteilung:
Kantonsgericht Entscheid Entscheid/2024/563 vom 29.05.2024 (VD)
Datum:29.05.2024
Rechtskraft:
Leitsatz/Stichwort:
Schlagwörter : ’il; Ministère; ’elle; ’au; énal; était; Action; énale; -entrée; édure; écité; éré; édé; Ordonnance; ’ordonnance; ’avoir; él ’espèce; éposé; égard; ’était; émoins; ’instruction
Rechtsnorm:Art. 100 BGG;Art. 2 StPo;Art. 206 StPo;Art. 307 StPo;Art. 309 StPo;Art. 310 StPo;Art. 382 StPo;Art. 385 StPo;Art. 390 StPo;Art. 397 StPo;Art. 428 StPo;
Referenz BGE:-
Kommentar:

Entscheid des Kantongerichts Entscheid/2024/563

TRIBUNAL CANTONAL

397

PE22.013141-EBJ



CHAMBRE DES RECOURS PENALE

______________________

Arrêt du 29 mai 2024

__________

Composition : M. Krieger, président

M. Perrot et Mme Chollet, juges

Greffière : Mme Maire Kalubi

*****

Art. 177 al. 1, 180 al. 1, 181 CP ; 310 al. 1 CPP

Statuant sur le recours interjeté le 22 avril 2024 par R.L.____ contre l’ordonnance de non-entrée en matière rendue le 5 avril 2024 par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois dans la cause n° PE22.013141-EBJ, la Chambre des recours pénale considère :

En fait :

A. a) Le 13 juillet 2022, I.L.____, agissant en qualité de curatrice de sa fille R.L.____, née le [...] 1988, a déposé plainte au nom et pour le compte de celle-ci à l’encontre de M.____ pour mise en danger de la vie d’autrui, subsidiairement exposition, injure, menaces, contrainte et contrainte sexuelle, subsidiairement abus de la détresse, ou toute infraction que justice dira ; elle s’est constituée demanderesse au pénal et au civil.

Elle a notamment exposé que sa fille avait été victime d’un grave accident en 2005 qui lui avait occasionné un sévère traumatisme cranio-cérébral, à la suite duquel elle n’aurait plus de mémoire à court terme, ne supporterait pas le stress et la pression et serait désinhibée. Elle reproche à M.____ d’avoir mis sa fille en danger en consommant de l’alcool avec elle, en la laissant se déshydrater et en la laissant seule et avinée dans un train, ainsi que de s’être montré insistant et oppressant pour passer du temps avec elle, de l’avoir harcelée en lui adressant des messages, dont certains à caractère sexuel, et de lui avoir fait subir une importante pression, voire de lui avoir fait subir des actes sexuels sans son consentement ou en exploitant sa détresse. Elle lui reproche également de l’avoir traitée de « méchante » et de « menteuse » lors d’une discussion, et de « salope » dans un message.

b) Le 12 janvier 2023, R.L.____, par son conseil, a produit un certificat médical établi le 26 novembre 2022 par son médecin traitant, relevant qu’elle avait « exprimé le besoin d’être accompagnée par sa mère ou une tierce personne de confiance afin d’être rassurée vis-à-vis d’une potentielle rencontre de Monsieur M.____, personne qu’elle aurait récemment recroisée et dont elle semble craindre les comportements à son égard » (P. 17).

Par courriel du 24 janvier 2023, la recourante a produit un certificat médical établi le 21 janvier 2023 par son médecin traitant, attestant qu’à la suite d’un polytraumatisme lui laissant des déficits moteurs et cognitifs, dont un important déficit mnésique proche de l’oubli à mesure, elle n’était pas à même de se souvenir de sa relation avec M.____, en dehors de quelques bribes, et qu’elle avait exprimé une certaine crainte et une aversion vis-à-vis de celui-ci au moment de couper la relation, ne se sentant ni respectée ni en sécurité en sa présence (P. 18).

Par courrier du 27 février 2023, R.L.____ a requis, par son conseil, l’audition de sept témoins, indiquant qu’ils pourraient appuyer de façon générale les propos contenus dans sa plainte (P. 14).

c) Entendu par la police en qualité de personne appelée à donner des renseignements le 20 mars 2023, M.____ a déclaré être sorti avec R.L.____ pendant deux ou trois semaines au début de l’été 2022 et avoir entretenu entre cinq et six relations sexuelles consenties avec elle. Il l’a décrite comme « très dévergondée », a précisé qu’elle était capable de dire « non » si elle ne voulait pas et a produit des copies de messages à l’appui de ses dires. Il a contesté avoir harcelé R.L.____ et l’avoir laissée seule dans un train « en mauvais état ». Il a ajouté qu’elle prenait le train toute seule quotidiennement pour se rendre du foyer où elle résidait à Vevey jusqu’au G.____ à Lausanne, où ils travaillaient alors tous les deux. Il a déclaré qu’I.L.____ avait certainement déposé plainte contre lui pour qu’il coupe les ponts avec sa fille, et a par ailleurs précisé qu’il était détenu provisoirement depuis le 30 janvier 2023 pour avoir donné un coup de couteau à sa compagne.

d) Il ressort du rapport d’investigation établi le 6 juin 2023 par la Police de sûreté (P. 15) que R.L.____ n’a pas pu être entendue, un certificat médical indiquant qu’elle était inaudible et qu’elle ne pouvait pas se souvenir de sa relation avec M.____, hormis quelques bribes.

Il ressort par ailleurs dudit rapport que l’adjoint de la direction du Foyer [...], où résidait R.L.____, a expliqué que celle-ci vivait dans un studio et pouvait aller et venir à sa convenance, montrant ainsi son autonomie. Il a estimé qu’elle était capable de dire « non » au besoin et a confirmé qu’elle prenait le train sans accompagnement pour se rendre au G.____ à Lausanne. Il a ajouté qu’elle ne s’était jamais plainte auprès de la fondation du comportement de M.____.

En conclusion, la police a indiqué qu’elle n’avait pas été en mesure d’éclaircir les faits reprochés à M.____ par la mère de R.L.____, précisant qu’il ne semblait pas y avoir d’éléments constitutifs d’un délit. L’auteur du rapport a estimé que la situation semblait être celle d’une mère qui s’inquiétait pour sa fille souffrant de divers troubles, relevant d’ailleurs que, « selon M.____, la maman de R.L.____ aurait déposé plainte pour qu’il coupe les ponts avec sa fille alors que cette dernière voulait continuer cette relation amoureuse ».

B. Par ordonnance du 5 avril 2024, le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois a refusé d’entrer en matière sur la plainte de R.L.____ (I) et a laissé les frais à la charge de l’Etat (II).

La procureure a relevé que M.____ avait formellement contesté avoir harcelé R.L.____, l’avoir contrainte à des actes sexuels ou avoir abusé de sa détresse, précisant qu’elle était participative, qu’elle prenait beaucoup d’initiatives, qu’il ne l’avait jamais forcée à quoi que ce soit et qu’elle ne lui avait jamais rien reproché à cet égard, et a considéré que les messages produits à l’appui de la plainte ne permettaient pas d’établir le contraire. Elle a relevé que la lecture desdits messages permettait au contraire de constater qu’il s’agissait d’échanges réciproques, R.L.____ répondant systématiquement aux messages de M.____ ; elle ne lui indiquait pas être importunée par ceux-ci et ne lui demandait pas non plus d’arrêter de la contacter, de sorte qu’on ne pouvait lui reprocher de l’avoir harcelée ou oppressée par ce biais. La procureure a considéré qu’il ressortait en outre de ces conversations que R.L.____ faisait montre de répondant et de répartie et qu’elle semblait ne pas avoir de difficultés à s’opposer à son compagnon et à lui manifester son refus. Ainsi, selon le Ministère public, quand bien même M.____ se serait montré insistant pour passer du temps avec sa compagne, cela n’était pas suffisant pour être constitutif de contrainte, appréciation que les auditions de témoins sollicitées par la plaignante ne paraissaient pas à même d’infirmer ; à cet égard, la procureure a estimé que le fait que M.____ ait attendu R.L.____ après son travail ou ses rendez-vous médicaux n’apparaissait en tout état de cause pas suffisamment caractérisé pour être assimilé à de la contrainte au sens de l’art. 181 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; RS 311.0). Quant à la problématique liée à la consommation d’alcool de R.L.____, la procureure a considéré qu’aucun comportement pénalement répréhensible ne pouvait être reproché à M.____, en l’absence d’une position de garant – s’agissant d’une personne qu’il connaissait et fréquentait depuis peu – et en l’absence d’une mise en danger intentionnelle, imminente et concrète. La procureure a encore relevé qu’il ne pouvait être exclu que les plaintes de R.L.____ recueillies par sa mère au mois de mai 2022 aient en réalité concerné un ex-ami prénommé [...], dès lors qu’il ressortait d’un certificat médical au dossier qu’elle s’était dite harcelée et oppressée par celui-ci ; il en allait de même des éventuelles craintes qu’elle aurait manifestées auprès de tiers. La procureure a par ailleurs relevé que les termes « méchante » et « menteuse » – au demeurant contestés – n’étaient aucunement attentatoires à l’honneur dans le contexte décrit, de même que le message reprochant à R.L.____ d’« allumer tous les mecs comme une salope », que M.____ avait reconnu lui avoir écrit par jalousie dans le cadre d’une dispute de couple, et auquel elle n’avait au surplus pas réagi. Elle a enfin considéré qu’aucun propos faisant état de menace grave au sens de l’art. 180 al. 1 CP ne ressortait des messages produits. En définitive, le Ministère public a ainsi considéré que les éléments constitutifs des infractions d’exposition, de mise en danger de la vie d’autrui, d’injure, de menaces et de contrainte n’étaient pas réalisés. Quant aux soupçons de contrainte sexuelle et d’abus de la détresse, il a relevé qu’ils n’étaient fondés sur aucun élément concret et qu’ils étaient formellement contestés, et a considéré qu’aucune mesure d’enquête ne paraissait à même de les établir, R.L.____ n’étant en particulier pas audible à cet égard compte tenu de ses troubles de mémoire notamment.

C. a) Par acte du 22 avril 2024, R.L.____, représentée par sa mère, curatrice, a recouru, par son conseil, auprès de la Chambre de céans contre cette ordonnance, en concluant, avec suite de frais et dépens, à son annulation et au renvoi de la cause au Ministère public pour « tout acte d’instruction utile ».

Elle a en outre produit dix pièces.

b) Par avis du 29 avril 2024, la Chambre de céans a imparti à R.L.____ un délai au 21 mai 2024 pour effectuer un dépôt de 770 fr. à titre de sûretés pour les frais qui pourraient être mis à sa charge en cas de rejet ou d’irrecevabilité du recours, avec l'indication qu’à défaut, il ne serait pas entré en matière sur son recours sans que des frais de procédure soient perçus.

En temps utile, R.L.____ a effectué le dépôt de 770 fr. requis à titre de sûretés.

c) Invité à se déterminer, le Ministère public n’a pas procédé dans le délai imparti en application de l’art. 390 al. 2 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0).

En droit :

1. Les parties peuvent attaquer une ordonnance de non-entrée en matière rendue par le Ministère public en application de l’art. 310 CPP dans les dix jours devant l’autorité de recours (art. 310 al. 2, 322 al. 2 et 396 al. 1 CPP ; cf. art. 20 al. 1 let. b CPP) qui est, dans le Canton de Vaud, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 LVCPP [loi vaudoise d’introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 ; BLV 312.01] ; art. 80 LOJV [loi vaudoise d’organisation judiciaire du 12 décembre 1979 ; BLV 173.01]).

En l’espèce, déposé en temps utile devant l’autorité compétente par la partie plaignante qui a qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP) et dans les formes prescrites (art. 385 al. 1 CPP), le recours est recevable. Il en va de même des pièces produites à l’appui de celui-ci.

2. Conformément à l’art. 310 al. 1 let. a CPP, le Ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s’il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l’infraction ou les conditions à l’ouverture de l’action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage « in dubio pro duriore », qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. [Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101] et art. 2 al. 2 CPP ; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 ; TF 7B_2/2022 du 24 octobre 2023 consid. 2.1.1) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le Ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1 ; TF 7B_2/2022 précité).

3.

3.1 Dans un premier grief d’ordre formel, se prévalant du terme « immédiatement » mentionné à l’art. 310 al. 1 CPP, la recourante fait valoir que le Ministère public ne pourrait plus rendre une ordonnance de non-entrée en matière plus de deux ans après le dépôt de la plainte.

3.2 Le terme « immédiatement » indique que l'ordonnance de non-entrée en matière doit être rendue à réception de la dénonciation, de la plainte ou du rapport de police avant qu'il soit procédé à de plus amples actes d'enquête et qu'une instruction soit ouverte selon l'art. 309 CPP (TF 7B_57/2022 du 27 mars 2024 consid. 7.4.2 ; TF 7B_2/2022 précité ; TF 7B_27/2023 du 12 septembre 2023 consid. 2.1). Selon la jurisprudence, le Ministère public peut procéder à certaines vérifications avant de refuser d'entrer en matière. Il peut demander des compléments d'enquête à la police, non seulement lorsqu'il s'agit de compléter un précédent rapport au sens de l'art. 307 CPP, mais aussi lorsque la dénonciation elle-même apparaît insuffisante (art. 309 al. 2 CPP). Il ressort également de l'art. 309 al. 1 let. a CPP que le Ministère public peut procéder à ses propres constatations. Cela comprend le droit de consulter les fichiers, dossiers et renseignements disponibles. Il en va de même lorsque le Ministère public demande à la personne mise en cause une simple prise de position (TF 7B_57/2022 précité ; TF 6B_866/2021 du 15 août 2022 consid. 2.2.1 ; TF 6B_89/2022 du 2 juin 2022 consid. 2.2). L'audition du prévenu et de la partie plaignante par la police ne dépasse pas le cadre des investigations policières qui peuvent être effectuées avant que le Ministère public ouvre une instruction (art. 206 al. 1 CPP ; TF 7B_27/2023 précité et les arrêts cités).

Le Code de procédure pénale ne spécifie pas le délai dans lequel doit être rendue une ordonnance de non-entrée en matière. Il découle de ce silence que le Ministère public doit uniquement veiller à ne pas violer le principe de la célérité. Lorsque, hormis des investigations policières, aucune mesure d’instruction n’a été mise en œuvre depuis la plainte, pas plus qu’une ordonnance d’ouverture d’instruction (art. 309 al. 3 CPP) n’a été rendue dans l’intervalle, le Ministère public conserve ainsi la faculté de statuer par voie d’ordonnance de non-entrée en matière nonobstant le long délai écoulé depuis sa saisine (TF 1B_111/2012 du 5 avril 2012 consid. 2.1 et 2.2 ; CREP 10 décembre 2019/988 consid. 5.2 ; CREP 25 mars 2019/230 consid. 5.2).

L’intéressé qui se plaint d’un retard injustifié doit entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence. Si l’autorité de recours constate un déni de justice ou un retard injustifié, elle peut donner des instructions à l’autorité concernée en lui impartissant des délais pour s’exécuter (art. 397 al. 4 CPP).

3.3 En l’espèce, nonobstant le fait que l’ordonnance entreprise ait été rendue près de deux ans après le dépôt de la plainte, le Ministère public conservait la faculté de statuer par voie d’ordonnance de non-entrée en matière, aucune mesure d’instruction n’ayant été mise en œuvre et aucune ordonnance d’ouverture d’instruction n’ayant été rendue dans l’intervalle. La recourante, qui était assistée, ne s’est au demeurant jamais plainte d’un éventuel retard injustifié et n’a jamais soulevé ce grief par la voie d’un recours avant que l’ordonnance de non-entrée en matière soit rendue.

Ce grief est donc infondé.

4.

4.1 Invoquant une constatation arbitraire des faits et une violation du principe « in dubio pro duriore », la recourante reproche au Ministère public d’avoir considéré que les éléments constitutifs des infractions dénoncées n’étaient pas réalisés sans avoir mené de réelle instruction, en se fondant sur les seules déclarations de M.____ et en refusant d’entendre les témoins proposés, alors qu’ils auraient été en mesure de confirmer qu’elle était « sous une pression constante » de l’intimé. Elle soutient par ailleurs que le fait qu’elle ait répondu à certains messages de manière désinhibée tiendrait à sa pathologie et ne saurait signifier qu’elle n’aurait pas été harcelée ou contrainte et souligne le caractère objectivement oppressant des messages que lui adressait son compagnon. Elle relève de surcroît que M.____ se trouverait actuellement en détention provisoire pour tentative de meurtre pour avoir notamment « planté un couteau » dans le ventre de son amie au mois de janvier 2023, et qu’il aurait déjà été jugé en 2017 pour des lésions corporelles envers une autre femme, ce qui démontrerait son instabilité émotionnelle et son incapacité à gérer ses frustrations. Elle souligne enfin qu’il aurait été mis en accusation en 2019 pour actes d’ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance notamment.

4.2

4.2.1 Selon l'art. 177 al. 1 CP dans sa teneur au 1er juillet 2023, quiconque, de toute autre manière que celles visées aux dispositions précédentes, attaque autrui dans son honneur par la parole, l’écriture, l’image, le geste ou par des voies de fait, est, sur plainte, puni d’une peine pécuniaire de 90 jours-amende au plus.

L’injure peut consister dans la formulation d’un jugement de valeur offensant, mettant en doute l’honnêteté, la loyauté ou la moralité d’une personne de manière à la rendre méprisable en tant qu’être humain ou entité juridique (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3e éd., Berne 2010, nn. 10 ss ad art. 177 CP), ou en une injure formelle, lorsque l'auteur a, en une forme répréhensible, témoigné de son mépris à l'égard de la personne visée et l'a attaquée dans le sentiment qu'elle a de sa propre dignité (Corboz, op. cit., n. 14 ad art. 177 CP). La marque de mépris doit revêtir une certaine gravité, excédant ce qui est acceptable. Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut procéder à une interprétation objective selon le sens que le destinataire non prévenu devait, dans les circonstances d’espèce, lui attribuer (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.3 ; ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3). Les mêmes termes n’ont donc pas nécessairement la même portée suivant le contexte dans lequel ils sont employés (ATF 118 IV 248 consid. 2b).

4.2.2 Aux termes de l'art. 180 al. 1 CP dans sa teneur au 1er juillet 2023, quiconque, par une menace grave, alarme ou effraie une personne est, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

La menace suppose que l'auteur ait volontairement fait redouter à sa victime la survenance d'un préjudice, au sens large (ATF 122 IV 97 consid. 2b). Elle constitue un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 consid. 2b, JdT 1994 IV 3 ; ATF 106 IV 125 consid. 2a, JdT 1981 IV 106 ; TF 6B_754/2023 du 11 octobre 2023 consid. 3.1), ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 122 IV 322 consid. 1a ; TF 6B_754/2023 précité ; TF 6B_746/2022 du 30 mars 2023 consid. 3.1). Toute menace ne tombe pas sous le coup de l'art. 180 CP. La loi exige en effet que la menace soit grave. C'est le cas si elle est objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. Il convient à cet égard de tenir compte de la réaction qu'aurait une personne raisonnable face à une situation identique (ATF 122 IV 322 précité ; TF 6B_754/2023 précité ; TF 6B_746/2022 précité). Il faut en outre que la victime ait été effectivement alarmée ou effrayée. Celle-ci doit craindre que le préjudice annoncé se réalise. Cela implique, d'une part, qu'elle le considère comme possible et, d'autre part, que ce préjudice soit d'une telle gravité qu'il suscite de la peur (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 ; ATF 119 IV 1 consid. 5a ; TF 6B_754/2023 précité et les arrêts cités).

4.2.3 Selon l’art. 181 CP dans sa teneur au 1er juillet 2023, quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Le bien juridique protégé par cette disposition est la liberté d'action, plus particulièrement la libre formation et le libre exercice de la volonté (ATF 141 IV 1 consid. 3.3.1).

Outre la violence et la menace d’un dommage sérieux, il peut également y avoir contrainte lorsque l'auteur entrave sa victime « de quelque autre manière » dans sa liberté d’action. Cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive. N’importe quelle pression de peu d’importance ne suffit pas. Il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à I’entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d’action. Il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1 ; ATF 137 IV 326 consid. 3.3.1).

4.3 En l’espèce, contrairement à ce qu’a retenu la procureure, il n’est à ce stade pas possible de déduire de la plainte et de la seule audition de M.____ par la police que les éléments constitutifs des infractions qui lui sont reprochées ne sont pas réalisés. S’agissant en particulier de l’infraction de contrainte, le Ministère public ne pouvait pas, dans le cadre d’une procédure où l’accusation repose essentiellement sur les déclarations de la mère de la victime, auxquelles s’opposent celles de l’intimé, affirmer d’emblée que l’audition des témoins proposés par la plaignante n’était pas à même d’infirmer son appréciation selon laquelle le fait de s’être montré insistant pour passer du temps avec sa compagne n’était pas constitutif de contrainte. En effet, dans un tel cas, dès lors qu’il subsiste notamment des doutes quant à l’intensité des pressions subies par R.L.____ et de leurs conséquences sur sa liberté de décision ou d’action, et en présence de témoins susceptibles d’apporter des éclaircissements sur ces points, le principe « in dubio pro duriore » impose l’ouverture d’une instruction, ce d’autant plus que la recourante ne peut elle-même pas être entendue dans le cas d’espèce et que les déclarations de M.____ sont sujettes à caution compte tenu de ses antécédents pénaux et de l’enquête actuellement diligentée à son encontre pour tentative de meurtre. En outre, comme le relève à juste titre la recourante, la teneur de ses réponses aux messages de son ex-compagnon ne saurait à elle-seule être interprétée comme un élément disculpant pour l’intimé, dès lors que ses réactions doivent être appréciées à la lumière de sa pathologie, laquelle est attestée par des certificats médicaux.

S’agissant par ailleurs de l’infraction d’injure, s’il est vrai que les termes « méchante » et « menteuse » ne semblent pas attentatoires à l’honneur dans le cas d’espèce, il n’en va pas de même du message traitant la recourante de « salope », que M.____ a admis lui avoir adressé. Le fait que ces propos aient été formulés sous le coup de la jalousie et que R.L.____ n’ait pas réagi ne saurait en effet suffire à les rendre acceptables.

S’agissant enfin de l’infraction de menaces, il y a lieu de relever que l’intimé mentionne dans plusieurs messages adressés à sa compagne qu’il va se suicider si elle le fait souffrir ou si elle ne coopère pas, qu’il déclare qu’il n’est pas surprenant qu’elle se soit fait violer compte tenu de son comportement, qu’elle verra comment elle va finir si elle continue comme ça, et l’informe qu’il n’apprécie pas ces « changements », précisant que sa propre pathologie lui interdirait ce « genre de problème contrariant ». Ces messages, pris dans leur ensemble, interpellent compte tenu des troubles dont souffre la recourante et, s’ils sont déjà inquiétants par eux-mêmes, le sont d’autant plus à la lumière des faits qui sont désormais reprochés à M.____ s’agissant d’une autre compagne, qu’il a admis avoir « plantée » avec un couteau.

Au regard de ce qui précède, le Ministère public ne pouvait pas à ce stade rendre une ordonnance de non-entrée en matière, mais devait instruire l’affaire. Il lui appartiendra donc d’ouvrir une instruction pénale à l’encontre de M.____ et de procéder à tout le moins à l’audition des témoins susceptibles d’éclaircir les faits. Il lui appartiendra en outre, une fois ces mesures d’instruction mises en œuvre, de réexaminer si les infractions de mise en danger de la vie d’autrui et de contrainte sexuelle, subsidiairement abus de la détresse apparaissent réalisées.

5. En définitive, le recours doit être admis et l’ordonnance entreprise annulée. Le dossier de la cause sera renvoyé au Ministère public pour qu’il procède dans le sens des considérants.

Vu l’admission du recours, les frais de la procédure, constitués en l’espèce du seul émolument d'arrêt, par 1’430 fr. (art. 20 al. 1 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; BLV 312.03.1]), seront laissés à la charge de l’Etat (art. 428 al. 4 CPP). Le montant de 770 fr. versé par la recourante à titre de sûretés lui sera par ailleurs restitué (art. 7 TFIP).

La recourante, qui a procédé avec l’assistance d’un conseil de choix et qui a obtenu gain de cause, a droit, de la part de l’Etat, à une indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours. Au vu du mémoire déposé et de la nature de l’affaire, cette indemnité sera fixée à 1’200 fr., correspondant à quatre heures d’activité nécessaire d’avocat au tarif horaire de 300 fr. (art. 26a al. 3 TFIP), montant auquel il convient d’ajouter des débours forfaitaires à concurrence de 2 % des honoraires admis (art. 19 al. 2 TDC [tarif des dépens en matière civile du 23 novembre 2010 ; BLV 270.11.6], applicable par renvoi de l’art. 26a al. 6 TFIP), par 24 fr., plus la TVA au taux de 8,1 %, par 99 fr. 15, soit à 1’324 fr. au total en chiffres arrondis.

Par ces motifs,

la Chambre des recours pénale

prononce :

I. Le recours est admis.

II. L’ordonnance du 5 avril 2024 est annulée.

III. Le dossier de la cause est renvoyé au Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois pour qu’il procède dans le sens des considérants.

IV. Les frais d’arrêt, par 1’430 fr. (mille quatre cent trente francs), sont laissés à la charge de l’Etat.

V. Le montant de 770 fr. (sept cent septante francs) versé par R.L.____ à titre de sûretés lui est restitué.

VI. Une indemnité de 1’324 fr. (mille trois cent vingt-quatre francs) est allouée à la recourante pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours, à la charge de l’Etat.

VII. L’arrêt est exécutoire.

Le président : La greffière :

Du

Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à :

- Me Bertrand Gygax, avocat (pour R.L.____),

- Ministère public central,

et communiqué à :

Mme la Procureure de l’arrondissement de l’Est vaudois,

par l’envoi de photocopies.

Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF).

La greffière :

Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.

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