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Urteil Kantonsgericht (VD)

Zusammenfassung des Urteils Entscheid/2024/548: Kantonsgericht

Die Chambre des recours pénale hat über einen Rekurs von F.________ gegen eine Verfügung des Ministère public im Kanton Waadt entschieden. F.________ hatte eine Beschwerde gegen das Vorgehen der Polizei eingereicht, die sie am 1. Juli 2022 in ihrem Zuhause aufgesucht hatte. Die Polizei hatte sie festgenommen und in ein Krankenhaus bringen wollen, da sie angeblich alkoholisiert war. F.________ wehrte sich dagegen und wurde gewaltsam festgenommen. Der Ministère public entschied, das Verfahren einzustellen, da die Polizei angemessen gehandelt habe. F.________ legte Rekurs ein und beantragte eine Entschädigung. Der Ministère public verzichtete auf eine Stellungnahme. Die Chambre des recours pénale entschied, dass der Rekurs von F.________ zulässig ist und dass das Verfahren weitergeführt werden muss, da Zweifel an der Rechtmässigkeit des Vorgehens der Polizei bestehen.

Urteilsdetails des Kantongerichts Entscheid/2024/548

Kanton:VD
Fallnummer:Entscheid/2024/548
Instanz:Kantonsgericht
Abteilung:
Kantonsgericht Entscheid Entscheid/2024/548 vom 21.05.2024 (VD)
Datum:21.05.2024
Rechtskraft:
Leitsatz/Stichwort:
Schlagwörter : Ministère; ’au; ’elle; ’il; énal; était; énale; édure; égal; ’autorité; ’intervention; Instruction; ’alcool; ’instruction; état; ’Est; également; ’est; éré; ’avoir; établi; édé
Rechtsnorm:Art. 100 BGG;Art. 139 StPo;Art. 197 StPo;Art. 198 StPo;Art. 213 StPo;Art. 215 StPo;Art. 241 StPo;Art. 244 StPo;Art. 318 StPo;Art. 319 StPo;Art. 382 StPo;Art. 385 StPo;Art. 428 StPo;Art. 436 StPo;Art. 6 StPo;
Referenz BGE:-
Kommentar:

Entscheid des Kantongerichts Entscheid/2024/548

TRIBUNAL CANTONAL

388

PE22.018560-EBJ



CHAMBRE DES RECOURS PENALE

______________________

Arrêt du 21 mai 2024

__________

Composition : M. Krieger, président

M. Perrot et Mme Courbat, juges

Greffier : M. Serex

*****

Art. 312 CP ; 319 al. 1 let. a et b CPP

Statuant sur le recours interjeté le 30 janvier 2024 par F.____ contre l’ordonnance rendue le 8 janvier 2024 par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois dans la cause n° PE22.028560-EBJ, la Chambre des recours pénale considère :

En fait :

A. Le 30 septembre 2022, F.____ a déposé plainte pénale contre les agents de police C.____, M.____, W.____ et B.____, qui étaient intervenus à son endroit le 1er juillet 2022 à son domicile de [...]. Elle a exposé être séparée depuis le mois de juin 2020 de J.____, avec qui elle a eu une fille, [...], née le [...] 2017. Leur relation était conflictuelle s’agissant de leur coparentalité. A la suite d’une requête de mesures provisionnelles déposée par J.____, qui reprochait notamment à la plaignante une consommation d’alcool excessive en présence de leur fille, une conciliation a eu lieu le 17 février 2022 devant la Présidente du Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois. Celle-ci a abouti à la mise en place d’une garde alternée, à la fixation du domicile légal de [...] auprès de sa mère et à l’engagement de F.____ de poursuivre un suivi en addictologie. Celle-ci s’engageait à se soumettre, à raison d’au moins une fois par mois durant six mois, à un test sanguin dont les résultats devaient être transmis au tribunal.

Dans ce contexte, à [...], le 1er juillet 2022, J.____ a ramené [...] au domicile de F.____. Selon la plaignante, des policiers armés seraient ensuite intervenus vers 20h00 à son domicile. Ils lui auraient expliqué qu’ils craignaient que [...] ne soit en danger. Elle aurait répondu que [...] ne courrait nul danger dès lors qu’elle était auprès d’elle. Elle aurait répété aux agents qu’elle n’avait consommé qu’un verre et demi de vin rouge, que sa fille était en sécurité auprès d’elle et qu’aucun motif ne justifiait la poursuite de leur intervention. Ceux-ci n’auraient cependant rien voulu entendre et auraient affirmé péremptoirement qu’elle était ostensiblement alcoolisée. Ils lui auraient ainsi ordonné de se soumettre à un éthylotest. Elle a refusé de coopérer dès lors que J.____ était en ligne avec les agents, qu’elle s’estimait sobre et qu’on ne lui donnait pas les explications qu’elle demandait. Face à son refus, les policiers auraient exigé de l’emmener au CHUV, sans l’informer davantage du motif justifiant un tel déplacement. C.____ se serait ensuite placé debout devant elle, alors qu’elle se trouvait sur son canapé, et aurait déclaré : « alors ça va se passer comme ça ». Elle se serait alors déplacée vers un autre policier en indiquant à l’agent précité qu’elle ne souhaitait plus lui parler.

Au cours de l’intervention, les agents ont pris contact avec la personne de permanence auprès de la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse, qui a pris la décision de placer [...] chez J.____ pour le week-end. L’enfant a été confiée à des voisins, H.P.____ et B.P.____, dans l’attente que son père vienne la prendre en charge.

Désespérée par la situation, F.____ a appelé une amie, I.____, afin que celle-ci la rejoigne. Selon la plaignante, à son arrivée, I.____ aurait proposé de l’accompagner au CHUV afin de désamorcer la situation. Sa démarche aurait échoué dès lors que les policiers, irrités, auraient indiqué qu’ils envisageaient de faire usage de la force. I.____ se serait alors approchée de F.____ pour la rassurer, mais C.____ l’aurait repoussée avec force, au point qu’elle aurait dû lui demander à plusieurs reprises de cesser de la bousculer. Les agents auraient ensuite fait sortir la plaignante de chez elle en la poussant et en la maintenant brutalement, bien qu’elle aurait été, selon elle, parfaitement calme. Ils auraient ensuite tenté de la faire entrer dans leur véhicule, sans l’informer du but de leur démarche, de ses droits et de la raison de la poursuite de leur intervention. Elle se serait alors débattue et les policiers l’auraient violemment plaquée au sol, lui auraient maintenu la tête contre le bitume, et l’auraient menottée en lui faisant une clé de bras afin de la forcer à entrer leur véhicule. Pendant qu’elle se faisait menotter, la plaignante aurait exigé de pouvoir appeler son avocate, ce qui lui aurait ensuite été refusé durant de nombreuses heures. Elle a ensuite été conduite au poste de police de [...], où elle a été placée en cellule pour la nuit, au motif qu’elle aurait été, selon les intervenants, encore sous l’effet de l’alcool ou à tout le moins trop excitée. Un médecin est ensuite intervenu à son endroit. Il aurait également affirmé qu’elle était alcoolisée et devait être conduite à l’hôpital, ce qu’elle aurait refusé, contestant être sous l’influence de l’alcool.

Le lendemain, à 8h40, F.____ s’est finalement soumise à un éthylotest et celui-ci s’est avéré négatif. Elle a dès lors pu quitter le poste de police, après avoir été informée du fait que sa fille se trouvait auprès de J.____ et que les policiers avaient effectué un signalement auprès de la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse.

F.____ a présenté des ecchymoses et des dermabrasions au niveau des bras et des jambes, ainsi qu’une ecchymose au niveau du postérieur. Elle a également souffert d’un stress post-traumatique.

A la suite de ces faits, la Police Est lausannois a dénoncé F.____ à la Commission de police pour troubles à la tranquillité et à l’ordre publics en violation de l’art. 27 du Règlement général de police de l’Association de communes de l’Est lausannois.

B. Par ordonnance du 8 janvier 2024, le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois (ci-après : Ministère public) a ordonné le classement de la procédure pénale ouverte pour lésions corporelles simples et abus d’autorité (I), a rejeté la requête d’assistance judiciaire gratuite présentée par F.____ (II) et a laissé les frais de procédure à la charge de l’Etat (III).

Le Ministère public a rejeté les réquisitions de preuve de F.____ tendant à sa propre audition ainsi qu’aux auditions de H.P.____, B.P.____ et I.____. Il a indiqué que ses auditions n’apporteraient rien dans la mesure où leur version apparaissait déjà au dossier. Il a également mis en doute la neutralité d’I.____ en raison de ses liens avec la plaignante.

Sur le fond, le Ministère public a estimé qu’il apparaissait que l’intervention des policiers avait été proportionnée aux circonstances, de sorte qu’aucun abus d’autorité ne pouvait leur être reproché. La plaignante avait reconnu avoir refusé de se soumettre aux injonctions des agents et s’être débattue, ce qui justifiait la contrainte dont elle avait fait l’objet. Bien que F.____ ait contesté avoir été sous l’influence de l’alcool, le Ministère public a relevé que son ébriété avait pu être constatée par J.____, par les quatre agents de police étant intervenus et par le médecin de garde. Il a estimé que le témoignage d’I.____, qui a déclaré n’avoir pas senti d’effluve d’alcool lorsqu’elle avait étreint la plaignante, n'était pas suffisant pour confirmer la version de la plaignante à lui seul. L’éthylotest auquel F.____ s’était soumise le lendemain à 8h40 n’était pas pertinent car réalisé plus de douze heures après l’intervention de police. Pour ce qui est des lésions corporelles mentionnées dans le constat médical établi le 3 juillet 2022, le parquet a considéré qu’elles n’apparaissaient pas incompatibles avec une mise au sol, un maintien à terre et une contention avec des menottes. Il a considéré qu’au vu des circonstances, si l’intervention avait certes été mouvementée, force était de constater que les agents de police avaient fait un usage proportionné et adéquat de la force en réponse au comportement oppositionnel de la plaignante et que les lésions subies par celle-ci l’ont été dans les limites de l’art. 14 CP.

C. Par acte du 30 janvier 2024, par son conseil de choix, F.____ a recouru contre cette ordonnance et conclu, sous suite de frais et dépens, principalement, à son annulation, au renvoi du dossier de la cause au Ministère public pour qu’il procède dans le sens des considérants, en ce sens que les agents de police soient condamnés pour lésions corporelles simples, abus d’autorité, contrainte et séquestration, et à l’allocation en sa faveur d’une indemnité pour la procédure de recours. Subsidiairement, elle a conclu à l’annulation de l’ordonnance, au renvoi du dossier de la cause au Ministère public pour qu’il procède à un complément d’instruction dans le sens des considérants et à l’allocation en sa faveur d’une indemnité pour la procédure de recours.

Le 16 mai 2024, le Ministère public a indiqué qu’il renonçait à déposer des déterminations.

En droit :

1.

1.1 Les parties peuvent attaquer une ordonnance de classement rendue par le Ministère public en application des art. 319 ss CPP (code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0) dans les dix jours devant l’autorité de recours (art. 322 al. 2 et 396 al. 1 CPP ; cf. art. 20 al. 1 let. b CPP) qui est, dans le canton de Vaud, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 LVCPP [loi vaudoise d’introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 ; BLV 312.01] ; art. 80 LOJV [loi vaudoise d’organisation judiciaire du 12 décembre 1979 ; BLV 173.01]).

1.2 Interjeté en temps utile auprès de l’autorité compétente par la partie plaignante qui a qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP) et satisfaisant aux exigences de forme prescrites (art. 385 al. 1 CPP), le recours est recevable, à l’exception de la conclusion principale tendant à la condamnation des agents, la Chambre des recours pénale n'étant pas compétente pour prononcer une condamnation.

2.

2.1 La recourante invoque une violation de son droit d’être entendu. Elle fait grief au Ministère public de n’avoir pas donné suite à ses réquisitions de preuves, en particulier celles tendant à sa propre audition et à l’audition d’I.____. Elle relève qu’elle n’a jamais été entendue par le Ministère public, alors que les agents ont été auditionnés. Le Ministère public n’aurait ainsi jamais pu apprécier la crédibilité de ses déclarations. Pour ce qui est de l’audition d’I.____, la recourante reproche au parquet d’avoir estimé que le témoignage de cette dernière serait partial en raison de ses liens d’amitié avec la recourante, alors que les quatre agents ont été entendus malgré leur accointance professionnelle. Le Ministère public n’aurait pas non plus expliqué en quoi cette audition ne serait pas apte à modifier l’état de fait. L’appréciation anticipée des preuves par le Ministère public aurait ainsi été arbitraire.

2.2 Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment celui de produire ou de faire administrer des preuves, à condition qu'elles soient pertinentes et de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; ATF 143 V 71 consid. 4.1 ; ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références citées). En procédure pénale, le Ministère public peut écarter une réquisition de preuves si celle-ci porte sur des faits non pertinents, notoires, connus de l’autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés en droit (art. 318 al. 2 CPP). Ces motifs correspondent à ceux pour lesquels le Ministère public peut, de manière générale, renoncer à administrer une preuve (art. 139 al. 2 CPP). Le législateur a ainsi consacré le droit des autorités pénales de procéder à une appréciation anticipée des preuves. Le magistrat peut renoncer à l’administration de certaines preuves notamment lorsque les faits dont les parties veulent rapporter l’authenticité ne sont pas importants pour la solution du litige ou s’il parvient sans arbitraire à la constatation, sur la base des éléments déjà recueillis, que l’administration de la preuve sollicitée ne peut plus modifier sa conviction. Ce refus d’instruire ne viole le droit d’être entendu que si l’appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d’arbitraire (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3 ; ATF 141 I 60 consid. 3.3 ; ATF 136 I 229 consid. 5.3 ; TF 6B_400/2020 du 20 janvier 2021 consid. 2.1). Le magistrat peut ainsi mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant de manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu'elles ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3 ; TF 7B_691/2923 du 7 novembre 2023 consid. 3.2.1).

L’art. 318 al. 3 CPP prévoit expressément que la décision négative du Ministère public sur une requête en complément de preuves n’est en elle-même pas sujette à recours. En revanche, les éléments soulevés en relation avec le rejet des réquisitions de preuves doivent être appréciés au regard de l’examen du bien-fondé ou non du classement, le recourant devant démontrer que les moyens de preuve invoqués seront de nature à modifier le résultat de celles déjà administrées (CREP 21 décembre 2023/326 et réf. cit.).

2.3 En l’espèce, l’examen du rejet des réquisitions de preuve de la recourante est intimement lié à ses griefs sur le fond. Le tout sera examiné conjointement au considérant 4.3 ci-dessous.

3.

3.1 La recourante invoque une constatation erronée et incomplète des faits. Premièrement, elle reproche au Ministère public d’avoir retenu qu’elle se trouvait dans un état alcoolisé au moment des faits, quand bien même il apparaît à l’analyse de ses expertises biologiques qu’elle ne consomme pas d’alcool de façon problématique et que des témoins directs de l’intervention policière ont confirmé qu’elle ne sentait pas l’alcool. Deuxièmement, elle reproche au Ministère public de n’avoir pas pris en compte le résultat négatif de l’éthylotest auquel elle s’est soumise, alors que si elle avait été enivrée au point d’avoir des troubles de l’élocution et de ne plus tenir debout, elle aurait toujours dû avoir de l’alcool dans le sang à 8h30 le lendemain.

3.2 En l’espèce, le recours devant être admis pour les raisons exposées au considérant 4.3 ci-dessous, la question peut rester ouverte.

4.

4.1 La recourante invoque une violation du principe in dubio pro duriore. Elle soutient que l’instruction est lacunaire car le Ministère public n’a pas examiné la licéité des mesures de contrainte ordonnées par les agents. Elle relève que la police n’était pas compétente pour lui ordonner de se rendre en CHUV afin de se soumettre à un examen médical. Elle relève également qu’il n’existait pas de soupçon d’une infraction ni de danger pour qui que ce soit, qui auraient pu justifier de pénétrer dans son domicile, de procéder à son appréhension ou de la soumettre à un examen médical.

4.2

4.2.1 Selon l'art. 319 al. 1 CPP, le Ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b), lorsque des faits justificatifs empêchent de retenir une infraction contre le prévenu (let. c), lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (let. d) ou lorsqu'on peut renoncer à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales (let. e). L'art. 319 al. 2 CPP prévoit encore deux autres motifs de classement exceptionnels, à savoir l’intérêt de la victime et le consentement de celle-ci au classement.

La décision de classer la procédure doit être prise en application du principe in dubio pro duriore, qui signifie qu’en règle générale, un classement ou une non-entrée en matière ne peut être prononcé par le Ministère public que lorsqu’il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. La procédure doit se poursuivre lorsqu’une condamnation apparaît plus vraisemblable qu’un acquittement ou lorsque les probabilités d’acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d’une infraction grave. En effet, en cas de doute s’agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n’est pas à l’autorité d’instruction ou d’accusation mais au juge matériellement compétent qu’il appartient de se prononcer (ATF 146 IV 68 consid. 2.1, JdT 2020 IV 256 ; ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1, JdT 2017 IV 357 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1.1 et les références citées ; TF 6B_957/2021 du 24 mars 2022 consid. 2.1). En revanche, le Ministère public doit classer la procédure s’il apparaît, sur la base de faits assez clairs pour qu’il n’y ait pas lieu de s’attendre à une appréciation différente de l’autorité de jugement (ATF 143 IV 241 précité consid. 2.3.2), qu’un renvoi aboutirait selon toute vraisemblance à un acquittement.

Pour pouvoir constater légitimement que l’instruction ne corrobore aucun soupçon justifiant une mise en accusation (art. 319 al. 1 let. a CPP), le Ministère public doit avoir préalablement procédé, conformément à la maxime de l’instruction (art. 6 al. 1 CPP), à toutes les mesures d’instruction pertinentes susceptibles d’établir l’existence de soupçons suffisants justifiant une mise en accusation (TF 7B_153/2022 du 20 juillet 2023 consid. 3.5).

4.2.2 Aux termes de l’art. 123 ch. 1 aCP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; RS 311.0), dans sa formulation au moment des faits, celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une autre atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé est puni sur plainte puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

L'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Cette disposition protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique. Elle implique une atteinte importante aux biens juridiques ainsi protégés. A titre d'exemples, la jurisprudence cite l'administration d'injections, la tonsure totale et tout acte qui provoque un état maladif, l'aggrave ou en retarde la guérison, comme les blessures, les meurtrissures, les écorchures ou les griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (ATF 134 IV 189 consid. 1.1 ; TF 6B_652/2023 du 11 décembre 2023 consid.1.1.4).

4.2.3 Aux termes de l’art. 312 aCP, dans sa formulation au moment des faits, les membres d’une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abusé des pouvoirs de leur charge, seront punis d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Sur le plan objectif, l'infraction réprimée par cette disposition suppose de l'auteur, soit un membre d'une autorité ou un fonctionnaire au sens de l'art. 110 al. 3 CP, qu'il ait agi dans l'accomplissement de sa tâche officielle et qu'il ait abusé des pouvoirs inhérents à cette tâche. L'auteur n'abuse ainsi de son autorité que lorsqu'il use de manière illicite des pouvoirs qu'il détient de sa charge, c'est-à-dire lorsqu'il décide ou contraint en vertu de sa charge officielle dans un cas où il ne lui était pas permis de le faire. L'infraction peut aussi être réalisée lorsque l'auteur poursuit un but légitime, mais recourt pour l'atteindre à des moyens disproportionnés (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa et b ; ATF 113 IV 29 consid. 1 ; TF 6B_433/2020 du 24 août 2020 consid. 1.2.1).

Du point de vue subjectif, l'infraction suppose un comportement intentionnel, au moins sous la forme du dol éventuel, ainsi qu'un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, celui de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite ou celui de nuire à autrui. L'existence par dol éventuel de l'un ou l'autre de ces desseins suffit (TF 6B_433/2020 précité consid. 1.2.1). Il faut admettre que l’auteur nuit à autrui dès qu’il utilise des moyens excessifs, même s’il poursuit un but légitime. Le motif pour lequel l’auteur agit est ainsi sans pertinence sur l’intention, mais a trait à l’examen de la culpabilité (TF 6B_518/2021 du 8 juin 2022 consid. 1.1 et les références citées).

4.2.4 L'art. 14 CP prévoit que quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du Code pénal ou d'une autre loi.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les fonctionnaires de police qui commettent des infractions dans l'exercice de leurs fonctions ne peuvent pas invoquer cette disposition si leur action ne respecte pas le principe de proportionnalité. En d'autres termes, l'action des fonctionnaires de police doit être appropriée et nécessaire à l'atteinte du but poursuivi et le bien juridique touché, de même que l'ampleur de sa violation doivent être proportionnés au but visé (ATF 141 IV 417 consid. 2.3 ; TF 6B_468/2022 du 12 janvier 2023 consid. 2.2 et les références citées).

4.2.5 Conformément à l’art. 197 al. 1 CPP, les mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), que des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), que les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et qu’elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l’infraction (let. d). L’al. 2 dispose quant à lui que les mesures de contrainte qui portent atteinte aux droits fondamentaux des personnes qui n’ont pas le statut de prévenu sont appliquées avec une retenue particulière.

En application de l’art. 198 al. 1 CPP, les mesures de contrainte peuvent être ordonnées par le ministère public (let. a), le tribunal et, dans les cas urgents, la direction de la procédure (let. b) et la police, dans les cas prévus par la loi (let. c).

Aux termes de l’art. 213 CPP, s'il est nécessaire de pénétrer dans des bâtiments, des habitations ou d'autres locaux non publics pour appréhender ou arrêter une personne, les dispositions concernant la perquisition sont applicables (al. 1). Lorsqu'il y a péril en la demeure, la police peut pénétrer dans des locaux sans mandat de perquisition (al. 2). Il y a péril en la demeure lorsque le respect des formes ordinaires du mandat compromettrait l’appréhension ou l’arrestation provisoire (Chaix, in : Jeanneret et al., Commentaire romand, Code de procédure pénale, 2e éd, Bâle 2019, n. 12 ad art. 213 CPP).

L’art. 215 al. 1 CPP dispose qu’afin d’élucider une infraction, la police peut appréhender une personne et, au besoin, la conduire au poste dans les buts d’établir son identité (let. a), de l’interroger brièvement (let. b), de déterminer si elle a commis une infraction (let. c) ou de déterminer si des recherches doivent être entreprises à son sujet ou au sujet d’objets se trouvant en sa possession (let. d). L’appréhension se distingue de l’arrestation (art. 217 ss CPP) en ce sens que l’arrestation présuppose que la personne visée soit soupçonnée de manière concrète d’avoir commis une infraction, alors que l’appréhension doit permettre de définir le cercle des personnes soupçonnées. Le séjour au poste d’une personne appréhendée doit (précisément parce qu’il n’existe contre elle aucun soupçon concret) durer nettement moins de trois heures au total. Il convient de ne pas tenir compte de la durée d’un éventuel interrogatoire formel dans le décompte des heures, seule étant déterminante la période pendant laquelle la personne est tenue à disposition des autorités (ATF 143 IV 339 consid. 3.2).

En application de l’art. 241 al. 1 CPP, les perquisitions, fouilles et examens font l’objet d’un mandat écrit. En cas d’urgence ces mesures peuvent être ordonnées par oral, mais doivent être confirmée par écrit. L’al. 3 dispose que lorsqu’il y a péril en la demeure, la police peut ordonner l’examen des orifices et des cavités du corps qu’il est impossible d’examiner sans l’aide d’un instrument et effectuer des perquisitions sans mandat; le cas échéant, elle en informe sans délai l’autorité pénale compétente.

L’art. 244 CPP en particulier dispose que les bâtiments, les habitations et autres locaux non publics ne peuvent être perquisitionnés qu'avec le consentement de l'ayant droit (al. 1). Ce consentement n'est pas nécessaire, s'il y a lieu de présumer que, dans ces locaux se trouvent des personnes recherchées (al. 2 let. a), se trouvent des traces, des objets ou des valeurs patrimoniales susceptibles d'être séquestrés (al. 2 let. b) ou que des infractions sont commises (al. 2 let. c).

4.3 En l’espèce, afin d’évaluer si les agents pourraient s’être notamment rendus coupable d’abus d’autorité, il est nécessaire de savoir si les mesures qu’ils ont prises respectaient les conditions légales en la matière. Or, le Ministère public n’a pas examiné :

- Si les conditions pour procéder à l’appréhension de la recourante étaient réalisées lorsque les agents sont arrivés à son domicile. On ignore en particulier si ces derniers avaient des raisons concrètes de penser qu’une infraction avait été commise. W.____ a déclaré avoir passé du temps avec [...] dans sa chambre durant l’intervention et que celle-ci « avait les yeux rouges, comme si elle avait pleuré auparavant » (PV aud. 2, ll. 54 ss). M.____ a également déclaré avoir passé un moment dans la chambre avec la fillette (PV aud. 3, ll. 50 et 51). Les deux agents n’ont toutefois pas indiqué si [...] leur aurait confié des informations qui auraient pu laisser penser que la recourante avait eu un comportement inapproprié à son égard ou que l’enfant se trouvait en danger en restant avec sa mère ;

- Si la recourante avait donné l’autorisation aux agents de pénétrer dans son logement ou si ceux-ci avaient considéré qu’ils y étaient autorisés en raison d’un péril en la demeure, dans la mesure où il n’apparaît pas qu’un mandat pour effectuer une visite domiciliaire au sens de l’art. 213 CPP ait été délivré ;

- Si les agents étaient en droit de demander à la recourante de les suivre au CHUV afin qu’elle se soumette à un examen de son état physique ou psychique. Il n’apparaît en effet pas non plus qu’un mandat dans ce sens ait été délivré.

Se pose également la question de la proportionnalité des mesures mises en œuvre par les policiers. L’intervention de police était uniquement fondée sur la dénonciation de J.____. Les agents étaient conscients du climat conflictuel existant entre le dénonciateur et la recourante puisque celui-ci leur avait transmis une copie du procès-verbal de l’audience de la Présidente du Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois du 17 février 2022 (P. 13 ; PV aud. 1 à 4). Il leur était dès lors nécessaire d’agir de façon appropriée aux circonstances et de faire preuve d’une retenue particulière. Le but recherché par l’intervention était de protéger [...] au cas où la recourante n’était pas en mesure de s’en occuper, ce qui n’a pas été établi. La nécessité des mesures mises en œuvre par la suite apparaît donc discutable. On soulignera que [...] n’était déjà plus présente lorsque l’intervention s’est envenimée, que la recourante a été menottée et que les agents ont considéré qu’elle avait troublé la tranquillité et l’ordre publics.

Le Ministère public a également tenu pour avéré l’état d’ébriété de la recourante sans prendre en considération les résultats des analyses sanguines auxquelles la recourante s’était soumise de façon mensuelle de décembre 2021 à août 2022 (P. 5). Toutefois, leur examen s’imposait dans la mesure où les marqueurs de la recourante se trouvaient systématiquement dans la norme. En outre, I.____ ayant été témoin directe d’une partie des faits et ayant pu constater l’état dans lequel se trouvait la recourante, son témoignage serait en mesure d’apporter un éclairage important sur le déroulement des évènements. Ses liens d’amitié avec la recourante ne permettent pas de mettre d’emblée en doute sa crédibilité. Enfin, les faits n’étant à ce stade pas établis de façon claire, une audition de la recourante est nécessaire afin de lui donner l’occasion de s’exprimer sur les déclarations des agents et de permettre d’évaluer la crédibilité des différentes personnes concernées.

Les conditions d’application de l’art. 319 al. 1 let. a et b CPP ne sont ainsi pas réalisées en l’état. Le Ministère public devra procéder à un complément d’instruction, dans le sens évoqué ci-dessus.

5. En définitive, le recours doit être admis dans la mesure où il est recevable (cf. ch. 1.2), l’ordonnance entreprise annulée et le dossier de la cause renvoyé au Ministère public afin que celui-ci procède à un complément d’instruction dans le sens des considérants.

Les frais de procédure, constitués en l’espèce du seul émolument d’arrêt, par 1’540 fr. (art. 20 al. 1 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; BLV 312.03.1]), seront laissés à la charge de l’Etat (art. 428 al. 4 CPP).

La recourante, qui obtient gain de cause et a procédé avec l’assistance d’un mandataire professionnel, a droit à l’octroi d’une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits pour la procédure de recours. Me Diego Roggero a produit une liste des opérations faisant état de 4h30 d’activité d’avocat au tarif horaire de 300 francs. Il n’y a pas lieu de s’en écarter. Les honoraires s’élèveront ainsi à 1'350 francs. Viennent s’y ajouter des débours forfaitaires à hauteur de 2 % des honoraires admis (art. 19 al. 2 TDC [tarif des dépens en matière civile du 23 novembre 2010 ; BLV 270.11.6]), applicable par renvoi de l’art. 26a al. 6 TFIP), par 27 fr., et la TVA au taux de 8,1 % sur le tout, par 111 fr. 55. L’indemnité s’élève ainsi à 1'489 fr. en chiffres arrondis. Elle sera laissée à la charge de l’Etat (art. 436 al. 3 CPP).

Par ces motifs,

la Chambre des recours pénale

prononce :

I. Le recours est admis dans la mesure où il est recevable.

II. L’ordonnance du 8 janvier 2024 est annulée.

III. Le dossier de la cause est renvoyé au Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois afin qu’il procède dans le sens des considérants.

IV. Les frais d’arrêt, par 1’540 fr. (mille cinq cent quarante francs), sont laissés à la charge de l’Etat.

V. Une indemnité de 1’489 fr. (mille quatre cent huitante-neuf francs) est allouée à F.____ pour la procédure de recours, à la charge de l’Etat.

VI. L’arrêt est exécutoire.

Le président : Le greffier :

Du

Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à :

- Me Diego Roggero, avocat (pour F.____),

- Ministère public central,

et communiqué à :

Mme la Procureure de l’arrondissement de l’Est vaudois,

par l’envoi de photocopies.

Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF).

Le greffier :

Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.

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