Zusammenfassung des Urteils Entscheid/2023/808: Kantonsgericht
Zusammenfassung: Die Chambre des recours pénale hat über einen Fall entschieden, bei dem eine Person namens Q.________ mit anderen Personen zusammenarbeitete, um unrechtmässig Gelder zu erhalten. Es ging um betrügerische Aktivitäten im Zusammenhang mit Covid-19-Hilfsgeldern und Kryptowährungen. Die Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS stellte einen Schaden von über 2,7 Millionen Schweizer Franken fest. Der Ministère public ordnete den Sequester von Kryptowährungen an, die auf verschiedenen Konten gehalten wurden. L.________, eine betroffene Person, legte gegen diese Entscheidungen Rekurs ein, argumentierte jedoch erfolglos gegen die Massnahmen. Die Gerichtskosten betrugen 788 CHF.
Kanton: | VD |
Fallnummer: | Entscheid/2023/808 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: |
Datum: | 13.11.2023 |
Rechtskraft: |
Leitsatz/Stichwort: | |
Schlagwörter : | être; Ministère; ’il; équestre; ’au; éalisation; édure; énal; énale; ’est; évenu; équestré; Covid; éposé; ’autre; édé; érence; èces; Autorité; éférence; Autres; éré; ’autres; ’être |
Rechtsnorm: | Art. 100 BGG;Art. 105 StPo;Art. 130 SchKG;Art. 197 StPo;Art. 263 StPo;Art. 266 StPo;Art. 267 StPo;Art. 3 ZGB;Art. 382 StPo;Art. 385 StPo;Art. 390 StPo;Art. 396 StPo;Art. 428 StPo;Art. 433 StPo;Art. 436 StPo;Art. 80 StPo; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: |
TRIBUNAL CANTONAL | 788 PE22.012710-JDZ |
CHAMBRE DES RECOURS PENALE
______________________
Arrêt du 13 novembre 2023
__________
Composition : Mme Byrde, présidente
M. Krieger et Mme Courbat, juges
Greffier : M. Jaunin
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Art. 29 al. 2 Cst. ; 70 al. 2, 71 al. 1 et 3 CP ; 263 al. 1 let. d et al. 2, 266 al. 5 CPP
Statuant sur le recours interjeté le 22 août 2023 par L.____ contre les ordonnances rendues les 27 juillet et 12 août 2023 par le Ministère public central, division affaires spéciales, dans la cause n° PE22.012710-JDZ, la Chambre des recours pénale considère :
En fait :
A. Entre le 28 novembre 2020, à tout le moins, et le 1er juin 2022, Q.____ aurait, avec la participation d’une soixantaine de comparses, créé et fait affilier des profils fictifs de personnes de condition indépendante, dont lui-même, en soumettant de faux documents et informations à la Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS (ci-après : « la Caisse » ou
« CCVD »), dans le seul but de percevoir indûment des APG Covid, et d’avoir reçu des commissions de la part de ses comparses.
Entre le 28 novembre 2020, à tout le moins, et le 1er juin 2022, Q.____ aurait transféré, tout ou en partie, des montants reçus au titre de commissions pour les faits décrits ci-dessus ainsi que les montants touchés au titre d’APG Covid sur des comptes bancaires sis en France, en Allemagne, en Angleterre et/ou dans d’autres pays européens. Il aurait également changé ces montants en cryptomonnaies, dans le but d’entraver l’identification de l’origine des fonds, leur découverte ou leur confiscation.
Le 30 juin 2022, la CCVD a déposé plainte pénale contre plus d’une soixante de personnes, dont Q.____. Elle a chiffré son dommage à un montant total brut de 2'744'562 fr. 80.
Le 31 août 2022, le Ministère public central, division affaires spéciales, a décidé de l’ouverture d’une instruction pénale contre une soixantaine de prévenus, parmi lesquels Q.____ et R.____, pour « avoir ou avoir tenté, sur la base de fausses déclarations et de faux documents dont la véracité était difficilement vérifiable en raison de l’absence d’exigence de justificatifs, obtenu indument une affiliation rétroactive en qualité de personne de condition indépendante (PCI) et des allocations perte de gain Covid (APG Covid) du régime d’urgence auprès de la Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, pour un montant total brut d’au moins CHF 2,7 millions ».
A ce stade, selon l’analyse préliminaire des flux des valeurs patrimoniales ayant transité sur les comptes d’Q.____,
celui-ci aurait reçu un montant d’au moins 677'919 fr. 10, provenant soit directement des prestations sociales versées par la CCVD, alors qu’il n’y avait potentiellement pas droit, soit des commissions issues des montants des APG Covid touchés indûment par ses comparses. Ces analyses ont également démontré, d’une part, des flux de fonds, à hauteur de 110'989 fr. 07, entre les comptes bancaires de plusieurs prévenus et ceux de L.____, ce montant ayant été investi dans l’acquisition de cryptomonnaies, et d’autre part des mouvements de différentes cryptomonnaies entre le compte [...] ([...]), ouvert au nom de ce dernier, et un ou plusieurs comptes, dont le détenteur était son cousin, Q.____.
B. Par ordonnance du 27 juillet 2023, le Ministère public a ordonné à [...], en application des art. 263 al. 1 let. a, b et d CPP et 71 al. 1 et 3 CP,
le séquestre des cryptomonnaies Tether (USDT) déposées sur le compte
[...] ouvert au nom de L.____, (I), a ordonné à [...] le transfert des cryptomonnaies séquestrées sur une adresse ETH (II) et a dit que les frais de la présente décision suivaient le sort de la cause (III).
Par ordonnance complémentaire du 14 août 2023, le Ministère public a ordonné à [...] le séquestre de l’intégralité des cryptomonnaies déposées sur le compte [...] ouvert au nom de L.____ (I), a ordonné à [...] le transfert des cryptomonnaies Tether (USDT), BTokens (BETH), The Graph (GRT), Cosmos (ATOM) et Ravencoins (RVN) séquestrées sur une adresse ETH (II à VI), a ordonné à [...] le transfert des cryptomonnaies Cardonos (ADA), Bitcoins (BTC), Avalanches (AVAX), Polygons (MATIC), Polkadots (DOT), Solana (SOL) et Chainlinks (LINK) sur des wallets de [...] AG (VII à XIII), a ordonné à [...] AG la réalisation des cryptomonnaies transférées par [...] sur les wallets précités et le transfert de leur contrevaleur en francs suisses sur le compte CH90 0900 0000 1002 7441 0 de l’Etat de Vaud au nom du Ministère public central (XIV), a ordonné à [...] AG de transmettre sans délai le décompte de la transaction au procureur (XV), a dit que la présente décision ne serait exécutée que lorsqu’elle serait définitive (XVI) et a dit que les frais de celle-ci suivaient le sort de la cause (XVII).
C. Par acte du 22 août 2023, L.____ a recouru contre ces deux ordonnances, concluant, avec suite de frais et dépens, à leur annulation.
Par acte complémentaire du 24 août 2023, L.____ a requis l’effet suspensif, « en ce sens que les chiffres I à XV du dispositif de l’ordonnance rendue par le Ministère public le 14 août 2023 sont privés d’effet jusqu’à droit connu sur le sort des conclusions I et II prises au pied de son pourvoi du 22 août 2023 ». Il a également informé la Chambre de céans de son intention de consulter le dossier de la cause dans les locaux du Tribunal cantonal.
Invité par la Chambre de céans à motiver sa demande de consultation du dossier de l’affaire, L.____ s’est déterminé par courrier du 31 août 2023. Il a requis l’accès complet au dossier de la procédure.
Par courrier du 6 septembre 2023, le Ministère public s’est déterminé sur la question de l’accès complet au dossier par L.____. Il a conclu au rejet de la demande de ce dernier de consulter l’intégralité du dossier et à l’autorisation de la consultation des pièces listées au ch. 3.3 de ses déterminations.
Par acte du 11 septembre 2023, L.____ s’est déterminé sur le courrier du Ministère public du 6 septembre 2023. Il a conclu à être autorisé, par la Chambre de céans, à consulter les pièces mentionnées dans ce courrier, le temps nécessaire à leur consultation complète, ainsi que les pièces suivantes : le procès-verbal des opérations et le bordereau de pièces, toutes les requêtes du Ministère public à [...] SA, [...] ou [...] en lien avec Q.____ et/ou R.____ ou ceux concernant le recourant et surtout les réponses de ces néobanques en lien avec les flux entre les comptes du recourant et ceux des prévenus, toutes les requêtes du Ministère public aux banques (traditionnelles) en lien avec les comptes détenus par Q.____ et/ou R.____ ou le recourant et surtout les réponses de ces banques interpellées en lien avec les flux entre les comptes du recourant et ceux des prévenus, ainsi que tous les rapports d’inspecteurs en lien avec les avoirs détenus auprès de banques (et néobanques) par Q.____ et/ou R.____ ou par le recourant lui-même. Il a en outre requis, une fois la consultation opérée, un délai supplémentaire de 72 heures pour indiquer les pièces complémentaires auxquelles il devra avoir accès.
Par courrier du 13 septembre 2023, dans le délai imparti en application de l’art. 390 al. 2 CPP, le Ministère public s’est déterminé sur le recours déposé par L.____, concluant à son rejet.
Le 14 septembre 2023, L.____ s’est déterminé sur le courrier du Ministère public du 13 septembre 2023. Il a confirmé les conclusions prises dans son acte du 11 septembre 2023 et les a complétées, en ce sens qu’il devait également être autorisé à consulter les pièces mentionnées dans le courrier précité du Ministère public.
Par courrier daté du « 6 septembre 2023 » (sic), reçu le 5 octobre 2023, le Ministère public s’est déterminé sur les courriers des 11 et 14 septembre 2023 de L.____. Il a conclu au rejet de la demande de ce dernier de consulter l’intégralité du dossier et à l’autorisation de la consultation des pièces listées au
ch. 3.3 de ses déterminations du 6 septembre 2023.
Par avis du 20 octobre 2023, la Chambre de céans a autorisé le recourant à consulter les pièces listées dans les déterminations du Ministère public du 6 septembre 2023.
Le 3 novembre 2023, dans le délai imparti, L.____, par son conseil, a déposé une réplique au terme de laquelle il a confirmé ses conclusions prises au pied de son recours.
Par courrier du 10 novembre 2023, le Ministère public a déclaré renoncer à se déterminer sur la réplique du recourant, constatant que celui-ci n’apportait aucun élément nouveau, ni en fait ni en droit.
En droit :
1.
1.1 Aux termes de l’art. 393 al. 1 let. a CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0), le recours est recevable contre les décisions et actes de procédure de la police, du Ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions. Une ordonnance de séquestre (art. 263 CPP) rendue par le Ministère public dans le cadre de la procédure préliminaire est ainsi susceptible de recours selon les art. 393 ss CPP (Moreillon/Parein-Reymond, Petit Commentaire, Code de procédure pénale, 2e éd., Bâle 2016, n. 24 ad art. 263 CPP).
Ce recours s’exerce par écrit, dans les dix jours, devant l’autorité de recours (art. 396 al. 1 CPP ; cf. art. 20 al. 1 let. b CPP), qui est, dans le canton de Vaud, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 LVCPP [loi vaudoise d’introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 ; BLV 312.01] ; art. 80 LOJV [loi vaudoise d’organisation judiciaire du 12 décembre 1979 ; BLV 173.01]).
1.2 En sa qualité de détenteur des valeurs patrimoniales visées par le séquestre, L.____ doit être considéré comme un tiers touché par un acte de procédure (cf. art. 105 al. 2 let. f CPP ; Bendani in : Jeanneret et al. [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 23 ad art. 105 CPP). Dès lors qu'il dispose d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification des ordonnances attaquées, il a la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP). Pour le surplus, le recours a été déposé en temps utile devant l’autorité compétente et satisfait aux conditions de forme posées par l’art. 385 al. 1 CPP. Il est donc recevable.
2. Le séquestre – notamment au sens de l’art. 263 al. 1 CPP – est une mesure de contrainte qui ne peut être ordonnée, en vertu de l'art. 197 al. 1 CPP, que si elle est prévue par la loi (let. a), s'il existe des soupçons suffisants laissant présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elle apparaît justifiée au regard de la gravité de l'infraction (let. d).
En vertu de l'art. 263 al. 1 CPP, des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuves (let. a), qu’ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités (let. b), qu’ils devront être restitués au lésé (let. c) ou qu'ils devront être confisqués (let. d). L'autorité doit pouvoir statuer rapidement, ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 ; TF 1B_590/2022 du 20 avril 2023 consid. 2.1 ; TF 1B_398/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5.3).
3. Invoquant une violation du droit d’être entendu, le recourant fait grief au Ministère public de ne pas avoir procédé à l’examen de sa bonne foi, un tel examen constituant, selon lui, la prémisse nécessaire à la perspective d’une confiscation ou au prononcé d’une créance compensatrice. A cet égard, il soutient qu’il aurait dû être entendu par le procureur à tout le moins avant la reddition du prononcé ordonnant la réalisation forcée des cryptomonnaies séquestrées et ce, pour exposer et démontrer que les fonds concernés lui appartenaient ou qu’il les détenait de bonne foi.
3.1
3.1.1 Le droit d’être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101) et 3 al. 2 let. c CPP, implique notamment pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision, afin que l’intéressé puisse la comprendre, se rendre compte de la portée de celle-ci et exercer son droit de recours à bon escient, et que l’autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 ; ATF 142 I 135 consid. 2.1 ; ATF 138 I 232 consid. 5.1). Pour satisfaire à ces exigences, elle ne doit pas se prononcer sur tous les moyens des parties ; il suffit qu’elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé son raisonnement, de manière que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 147 IV 249 consid. 2.4 ; ATF 134 I 83 consid. 4.1 ; ATF 133 III 439 consid. 3.3 ; Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., 2e éd., Bâle 2016,
n. 6 ss ad art. 80 CPP). Il comprend également le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; TF 1B_637/2022 du 26 janvier 2023
consid. 2.1).
3.1.2 Selon l’art. 263 al. 2 CPP le séquestre est ordonné par voie d'ordonnance écrite, brièvement motivée. Cette disposition prévoit expressément l'obligation de motiver une ordonnance de séquestre aux fins de respecter le droit d'être entendu des personnes dont les biens sont saisis, de manière à ce qu’elles puissent se rendre compte de la portée de celle-ci, l'attaquer en connaissance de cause et afin que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle à bon escient (Julen Berthod, in : Jeanneret/Kuhn/Perrier Depeursinge [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 34 ad art. 263 CPP, avec
n. infrapaginale 114).
3.2 En l’espèce, l’ordonnance de séquestre du 27 juillet 2023 ainsi que
son complément du 14 août 2023 comportent quatre, respectivement cinq pages. Celles-ci exposent précisément, tant en fait qu’en droit, les raisons ayant amené le Ministère public à ordonner le séquestre des cryptomonnaies détenues par le recourant. Leur motivation est conforme à ce qui est imposé par la jurisprudence. Le recourant pouvait ainsi se rendre compte de la portée des ordonnances querellées et les attaquer en toute connaissance de cause, ce qu’il a d’ailleurs fait comme le démontrent clairement les 19 pages que contiennent son acte de recours, de même que les 20 pages de sa réplique aux déterminations du Ministère public. Par ailleurs, le recourant, qui se plaint de ne pas avoir pu s’exprimer avant la reddition du prononcé, perd de vue que, contrairement à la confiscation qui est une mesure définitive, le séquestre à un caractère provisoire (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 1 ad remarques préliminaires aux articles 263 à 268 CPP). Il s’agit d’une mesure de contrainte qui doit permettre de garantir l’administration des preuves et la saisie à des fins de sûreté ou de confiscation. Il doit pouvoir être ordonné rapidement et peut du reste, en cas d’urgence, l’être oralement (art. 263 al. 2 CPP). Or, si le prévenu ou le tiers saisi devait être consulté préalablement au séquestre pour faire valoir sa version des faits, cela pourrait conduire précisément à une situation risquée où les actifs susceptibles d’être séquestrés pourraient disparaître. Ainsi, sur ce point, le moyen tiré de la violation du droit d’être entendu doit être rejeté.
La question de savoir si le droit d’être entendu du recourant a été violé s’agissant de la réalisation des cryptomonnaies transférées auprès de [...] AG (ch. XIV du dispositif de l’ordonnance de séquestre complémentaire du 14 août 2023) sera, quant à elle, examinée ci-dessous (infra consid. 5).
4. Invoquant une violation des art. 70 al. 2 et 71 al. 3 CP, le recourant considère qu’il est propriétaire des fonds actuellement déposés sur son compte [...]. Selon lui, ces fonds ne seraient pas concernés par les faits reprochés à Q.____, dont il n’avait pas connaissance. Il reconnaît avoir reçu de ce dernier des valeurs, par virements bancaires, mais aussi de R.____, qui souhaitait faire fructifier une somme de 40'000 francs ; celle-ci avait du reste touché un héritage, de sorte qu’il n’était pas surprenant qu’elle puisse disposer de fonds. Il affirme cependant avoir intégralement restitué les montants reçus sur des adresses wallets communiquées par Q.____ et ce, sous la forme d’une contre-prestation ou d’investissements fructueux. Il relève en outre que le virement de R.____ a été effectué le 13 novembre 2020, soit avant la période durant laquelle Q.____ aurait perçu des APG Covid indues. Le recourant admet également avoir reçu des sommes d’argents d’autres personnes, dont sa mère. Ces sommes, sans lien avec la présente cause, auraient été investies dans l’achat de cryptomonnaies. Enfin, il fait valoir que les avoirs séquestres constitueraient une source de revenu, de sorte qu’une confiscation se révèlerait d’une rigueur excessive.
4.1
4.1.1 L’atteinte causée par une mesure de séquestre présuppose l’existence de présomptions concrètes à l’encontre de la ou des personnes visées par la procédure pénale. Au début de l’enquête, il est admis qu’un soupçon crédible ou un début de preuve de l’existence de l’infraction reprochée suffise à permettre le séquestre, ce qui laisse une grande place à l’appréciation du juge (cf. art. 197 al. 1 let. b CPP ; Julen Berthod, in : Jeanneret/Kuhn/Perrier Depeursinge [éd.], op. cit.,
n. 22 ad art. 263 CPP). Il faut également pouvoir établir un lien de connexité entre l’objet séquestré et l’infraction poursuivie. À cet égard, le Tribunal fédéral considère qu’en début de procédure, la simple probabilité de ce lien suffit, dans la mesure où la saisie avant jugement ne constitue qu’une mesure provisoire qui se rapporte à des prétentions encore incertaines. En outre, dans le cadre de l'examen d'un séquestre, l'autorité statue sous l'angle de la vraisemblance, examinant des prétentions encore incertaines. La mesure doit pouvoir être ordonnée rapidement, ce qui exclut la résolution de questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 ; TF 1B_667/2021 du 19 avril 2022 ; TF 1B_481/2021 du 4 novembre 2021 consid. 2.2).
4.1.2 Le séquestre de type conservatoire – soit en vue d’une confiscation – (art. 263 al. 1 let. d CPP) consiste à placer sous main de justice des biens en raison du danger qu'ils présentent pour la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public (art. 69 CP), de leur origine ou de leur utilisation criminelle (art. 70 et 72 CP) pour autant que l'on puisse admettre, prima facie, qu'ils pourront, au terme de la procédure pénale, être détruits, restitués au lésé ou confisqués en application des art. 69 ss CP ou d’autres normes de confiscation spéciales (sur l'art. 70 al. 1 CP, voir notamment ATF 144 IV 285 consid. 2.2 ; TF 1B_343/2020 du 3 septembre 2020 consid. 3.1 ; Julen Berthod, in : Jeanneret/Kuhn/Perrier Depeursinge [éd.], op. cit.,
n. 7 ad art. 263 CPP). Il s’agit d’une mesure conservatoire provisoire fondée sur la vraisemblance (ATF 143 IV 357 consid. 1.2.3 et les références citées).
4.1.3 A teneur de l’art. 71 al. 1 CP, lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l’État d’un montant équivalent ; elle ne peut être prononcée contre un tiers que dans la mesure où les conditions prévues à l’art. 70
al. 2 CP ne sont pas réalisées. Selon l'art. 71 al. 3 CP, l'autorité d'instruction peut placer sous séquestre, en vue de l'exécution d'une créance compensatrice, des éléments du patrimoine de la personne concernée ; le séquestre ne donne pas de droit de préférence en faveur de l'Etat lors de l'exécution forcée de la créance compensatrice.
Un séquestre est proportionné lorsqu'il porte sur des avoirs dont on peut admettre en particulier qu'ils pourront être vraisemblablement confisqués ou restitués en application du droit pénal. Tant que l'instruction n'est pas achevée et que subsiste une probabilité de confiscation, de créance compensatrice ou d'une allocation au lésé, la mesure conservatoire doit être maintenue (ATF 141 IV 360 consid. 3.2) ; l'intégralité des fonds doit demeurer à disposition de la justice aussi longtemps qu'il existe un doute sur la part de ceux-ci qui pourrait provenir d'une activité criminelle (TF 1B_455/2022 du 17 mai 2023 consid. 4.3 ; TF 1B_398/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5.3 ; TF 1B_143/2022 du 30 août 2022 consid. 4.1) et un séquestre ne peut donc être levé que dans l'hypothèse où il est d'emblée manifeste et indubitable que les conditions matérielles d'une confiscation ne sont pas réalisées et ne pourront pas l'être (ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1; ATF 139 IV 250 consid. 2.1).
Il n'en va pas différemment dans l'hypothèse particulière où le séquestre tend uniquement à garantir une éventuelle créance compensatrice. Certes, ce type de séquestre peut porter sur tous les biens, valeurs et/ou revenus de l'intéressé sans qu'un lien de connexité avec l'infraction ne soit exigé (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 ; ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2). Toutefois, tant que l'étendue de la mesure ne paraît pas manifestement violer le principe de proportionnalité, notamment sous l'angle du respect des conditions minimales d'existence (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 ; TF 1B_123/2022 du 9 août 2022 consid. 2.1 ; TF 1B_157/2007 du 25 octobre 2007 consid. 2.6 ; TF 1P.21/2007 du 2 mai 2007 consid. 4.3), le séquestre doit être maintenu. C'est devant le juge du fond au moment du prononcé de la créance compensatrice que la situation personnelle, notamment financière, du prévenu sera prise en considération (cf. art. 71 al. 2 CP ; ATF 141 IV 360
consid. 3.2).
4.1.4 La loi autorise le juge à prononcer la confiscation de valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits (art. 70 al. 1 CP). Inspirée de l'adage selon lequel « le crime ne doit pas payer », cette mesure a pour but d'éviter qu'une personne puisse tirer avantage d'une infraction (ATF 145 IV 237 consid. 3.2.1 ; ATF 141 IV 155 consid. 4.1 ; ATF 140 IV 57 consid. 4.1.1 et les références citées ; TF 1B_398/2022 précité consid. 5.1). La confiscation suppose un comportement qui réunisse les éléments constitutifs objectifs et subjectifs d'une infraction et qui soit illicite. Elle peut cependant être ordonnée alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable, ou lorsque l'auteur de l'acte répréhensible ne peut être puni en l'absence de culpabilité ou parce qu'il est décédé (ATF 141 IV 155 consid. 4.1 et les références citées). La confiscation suppose également un lien de causalité tel que l'obtention des valeurs patrimoniales apparaisse comme la conséquence directe et immédiate de l'infraction (ATF 145 IV 237 consid. 3.2.1 ; ATF 141 IV 155 consid. 4.1 et les références citées ; TF 6B_67/2019 du 16 décembre 2020 consid. 5.2).
4.1.5 Conformément à l'art. 70 al. 2 CP, la confiscation n'est pas prononcée lorsqu'un tiers a acquis les valeurs dans l'ignorance des faits qui l'auraient justifiée, et cela dans la mesure où il a fourni une contre-prestation adéquate ou si la confiscation se révèle d'une rigueur excessive. Selon la jurisprudence, les règles sur la confiscation doivent être appliquées de manière restrictive lorsque des tiers non enrichis sont concernés (TF 1B_59/2019 du 21 juin 2019 consid. 3.2 et les références citées). L'esprit et le but de la confiscation excluent en effet que la mesure puisse porter préjudice à des valeurs acquises de bonne foi dans le cadre d'un acte juridique conforme à la loi (ATF 115 IV 175 consid. 2b/bb ; TF 1B_343/2019 du
23 janvier 2020 consid. 4.1).
Les deux conditions posées à l'art. 70 al. 2 CP sont cumulatives. Si elles ne sont pas réalisées, la confiscation peut être prononcée alors même que le tiers a conclu une transaction en soi légitime, mais a été payé avec le produit d'une infraction. Le tiers ne doit pas avoir rendu plus difficile l'identification de l'origine et de la découverte des actifs d'origine criminelle ou leur confiscation. Pour qu'un séquestre puisse être refusé à ce stade de la procédure en application de l'art. 70 al. 2 CP, il faut qu'une confiscation soit d'emblée et indubitablement exclue, respectivement que la bonne foi du tiers soit clairement et définitivement établie. La notion de bonne foi pénale du tiers porte sur l'ignorance des faits qui justifieraient la confiscation, soit de son caractère de récompense ou de produit d'une infraction. Selon la jurisprudence, elle ne se rapporte pas à la notion civile consacrée à l'art. 3 CC. La confiscation ne peut ainsi pas être prononcée si le tiers sait simplement qu'une procédure pénale a été ouverte contre son partenaire commercial, mais ne dispose pas d'informations particulières. Il faut que le tiers ait une connaissance certaine des faits qui auraient justifié la confiscation ou, à tout le moins, considère leur existence comme sérieusement possible, soit qu'il connaisse les infractions d'où provenaient les valeurs ou, du moins, ait eu des indices sérieux que les valeurs provenaient d'une infraction. En d'autres termes, la confiscation à l'égard d'un tiers ne sera possible que si celui-ci a une connaissance correspondant au dol éventuel - des faits justifiant la confiscation. La violation d'un devoir de diligence ou d'un devoir de se renseigner ne suffit pas pour exclure la bonne foi du tiers. Quant à la contre-prestation, elle doit avoir été fournie avant que le tiers ne reçoive les valeurs d'origine illégale. C'est en tenant compte de toutes les circonstances du cas d'espèce qu'il faut décider si une contre-prestation adéquate existe, sans se limiter à une appréciation de pur droit civil (TF 1B_269/2018 du 26 septembre 2018 consid. 4.2 ; TF 1B_22/2017 du 24 mars 2017 consid. 3.1 et l’arrêt cité). En particulier, elle n’est pas adéquate lorsque les valeurs patrimoniales ont été remises à titre gratuit (TF 1B_269/2018 précité ; TF 1B_22/2017 du 24 mars 2017 consid. 3.2).
4.2
4.2.1 S’agissant de la propriété des avoirs séquestrés et des flux de fonds entre les comptes bancaires de différents prévenus et ceux du recourant, le Ministère public expose que, selon les analyses financières préliminaires effectuées par la Police de sûreté, Q.____ a transféré sur le compte [...] de son cousin, L.____, entre le 19 mai et le 5 novembre 2021, un montant de 24'547 fr. 07 (P. 176). Par ailleurs, le recourant a lui-même indiqué avoir reçu de l’intéressé une somme de 20'000 fr. le 11 juillet 2023 (ch. A.4 de l’acte du recours), de sorte que le total des fonds transférés par Q.____ au recourant s’élevait à 44'547 fr. 07 entre mai 2021 et juillet 2023. Or, selon la plainte pénale déposée le 30 juin 2022 par la CCVD, Q.____ a bénéficié indûment d’aides APG Covid à partir du 17 décembre 2020 et jusqu’au 11 août 2021. Il s’ensuit que le transfert des valeurs entre les comptes du prévenu et du recourant est intervenu après qu’Q.____ ait perçu les aides APG Covid et reçu des commissions de ses comparses. De même, le Ministère public relève que, toujours selon les analyses préliminaires, L.____ a encore reçu une somme de 66'442 fr. d’autres prévenus, dont 40'000 fr. de R.____. Il précise que l’identité des autres personnes ne peut être indiquées afin de ne pas compromettre l’enquête, celles-ci n’ayant pas encore été entendues. En définitive, le Ministère public indique que L.____ a reçu, à tout le moins, 110'989 fr. 07 (44'547 fr. 07 + 66'442 fr.) de la part de personnes prévenues dans la présente instruction, dont la majeure partie proviendrait très vraisemblablement directement des aides versées à ceux-ci par la CCVD, de sorte que le séquestre est justifié en raison de l’origine délictueuse des fonds.
Le Ministère public considère ensuite que le séquestre doit être prononcé pour garantir le paiement d’une créance compensatrice, laquelle serait hautement vraisemblable au vu de l’utilisation faite des aides versées, dès lors qu’Q.____ et R.____ auraient reçu indûment de la CCVD des APG Covid de 116'988 fr. 80, respectivement
60'407 fr. 70, et que d’autres prévenus en auraient bénéficié à hauteur, respectivement, d’au moins 96'152 fr. 05 et 51'849 fr. 70.
4.2.3 En l’espèce, le recourant ne conteste pas, à juste titre, l’existence de soupçons suffisants de la commission par Q.____, actuellement en détention provisoire, des infractions d’escroquerie, de faux dans les titres et de blanchiment d’argent. Il ne conteste ainsi pas les soupçons pesant sur l’intéressé d’avoir participé, avec une soixantaine de comparses, à une escroquerie de grande ampleur au préjudice de la CCVD, laquelle lui aurait permis de recevoir une somme d’environ 678'000 fr. provenant, soit des APG Covid versés par la Caisse et auxquels il n’avait pas droit, soit de commissions perçues auprès de ses comparses.
Dans ses ordonnances et ses déterminations, le Ministère public expose que les analyses préliminaires effectuées par la police ont démontré que le recourant avait reçu au moins 110'989 fr. 07 provenant d’Q.____ et d’autres prévenus, dont R.____. Le recourant ne conteste pas avoir reçu un tel montant ni que celui-ci ait été investi dans l’achat de cryptomonnaies. S’agissant plus particulièrement d’Q.____, il ne remet pas en cause la réalité des éléments contenus dans le courriel adressé le 8 août 2023 par l’insp. [...] de la Police de sûreté (Brigade Analyse Traces Techologiques, Division Enquête Cyber – Cybercrime Unit) au Ministère public (P. 176), duquel il ressort qu’Q.____ a effectué cinq transactions à destination du compte [...] ([...]) du recourant entre le 19 mai et le 5 novembre 2021, pour un montant total de 24'547 fr. 07. Il reconnait du reste, lui-même, avoir reçu 20'000 fr. de plus en juillet 2023 (cf. ch. A. 4 de l’acte de recours). On relèvera également que l’argument selon lequel il aurait reçu cet argent avant que son cousin, Q.____, débute l’activité délictueuse reprochée, est erroné, comme le démontre les dates contenues dans le courriel précité (cf. P. 176). Ce sont bien d’abord des APG Covid qui ont été versées au prévenu, soit pour la première fois en décembre 2020, et c’est ensuite que les transferts de fonds litigieux à destination du recourant ont eu lieu, soir entre le 19 mai et le 5 novembre 2021. Compte tenu de ce qui précède, il faut constater que le Ministère public a rendu vraisemblable que des fonds d’origine délictueuse ont bien été déposés sur le compte [...] du recourant.
Le recourant soutient, en substance, qu’il aurait restitué les fonds litigieux. Les arguments qu’il avance amènent les commentaires suivants :
a) Le recourant relève tout d’abord avoir reçu, le 15 septembre 2020, un virement de 4'375 fr. d’Q.____ qu’il lui aurait restitué le lendemain. Il s’agissait d’une opération de change. Cet argument est dénué de pertinence. En effet, il s’agit d’un virement antérieur au faits reprochés, et donc sans lien avec eux. Ce virement n’est au demeurant pas mentionné dans le courriel de l’insp. [...] du 8 août 2023 (cf. P. 176), sur lequel le Ministère public s’est fondé pour ordonner le séquestre.
b) Le recourant indique avoir reçu une somme de 40'000 fr. le
13 novembre 2020 de R.____ qu’il aurait investie, le lendemain, dans l’achat de cryptomonnaies. Il est vrai que, comme le relève le recourant, ce virement, qui est mentionné par le Ministère public dans ses déterminations, a été effectué avant même qu’Q.____ et R.____ touchent des APG Covid. De son côté, le Ministère public ne précise pas la date à laquelle les 40'000 fr. auxquels il fait référence ont été transférés au recourant, de sorte qu’on ignore si on parle bien ici du même montant ; la pièce 176 ne comporte pas davantage d’indications à ce sujet. Il s’ensuit qu’il faut donner acte au recourant que cette somme de 40'000 fr. paraît ne présenter aucun lien avec les faits litigieux. Cela n’est toutefois pas déterminant, puisqu’il demeure hautement vraisemblable, compte tenu notamment de la pièce 176, qu’il a reçu d’autres fonds d’origine délictueuse, de la part d’Q.____, à hauteur d’au moins 70’989 fr. 07 (110'989 fr. 07 – 40'000 fr.).
c) Le recourant invoque avoir viré des USDT à Q.____ les 3 décembre 2020 et 4 janvier 2021. En l’occurrence, les pièces transmises par le recourant pour appuyer ses dires ne comportent que des blockchains relatives à des transferts de cryptomonnaies, soit une suite de chiffres et de lettres qui ne permet pas à elle seule de déterminer le montant effectivement versé ni du reste le destinataire des fonds. De plus, ces virements paraissent, de toute manière, dénués de pertinence, dès lors que la pièce 176 sur laquelle se fonde le Ministère public mentionne des transferts litigieux pour la période du 19 mai au
5 novembre 2021, soit postérieurement aux virements des 3 décembre 2020 et
4 janvier 2021.
d) Le recourant reconnaît avoir reçu le 11 juillet 2023, de la part d’Q.____, un montant total de 20'000 francs. Il expose qu’il s’agissait d’une opération de change et qu’il aurait restitué immédiatement la contrevaleur à ce dernier. Là encore, les pièces remises par le recourant ne permettent pas de corroborer ses dires (cf. supra let. c). De plus, on ne distingue pas en quoi cette transaction présenterait un lien avec les transferts d’argent mentionnés dans la pièce 176, lesquels ne sont, faut-il le rappeler, pas contestés.
e) Le recourant indique avoir, le 25 juillet 2021, transféré le reste des placements qu’il avait effectués pour le compte d’Q.____ sur trois wallets désignés par ce dernier. Sur ce point, il peut entièrement être renvoyé à ce qui est exposé sous let. d ci-dessus. Cet argument est donc dénué de pertinence.
f) S’agissant plus particulièrement de la pièce 176, le recourant expose, en substance, que ces transferts constitueraient des remboursements partiels de prêts qu’il avait accordés à Q.____. En l’occurrence, l’existence de prêts ne repose que sur les affirmations du recourant ; ces prêts ne sont étayés par aucune pièce. Pour le reste, là encore, le recourant se limite à produire des historiques de transactions, contenant des suites de chiffres et de lettres, qui ne permettent en tout cas pas d’établir qu’il aurait restitué l’entier des fonds litigieux reçus.
En définitive, il est hautement vraisemblable, au vu des éléments fournis par le Ministère public et singulièrement de la pièce 176, que des fonds provenant d’APG Covid indues, ont été déposés, à tout le moins par un des prévenus, soit Q.____, sur le compte [...] du recourant, celui-ci ne démontrant pas qu’il aurait restitué, sous une forme ou une autre, l’intégralité des fonds litigieux. Pour le reste, les faits apparaissent extrêmement complexes dans la mesure où le recourant a procédé à de multiples transferts sur divers comptes et dans différentes cryptomonnaies, selon ses dires, pour « éviter des frais », ce qui suscite des interrogations, puisque, de manière générale, c’est justement en multipliant les transferts que des frais sont générés. Quoi qu’il en soit, et comme le rappelle la jurisprudence, l'autorité doit pouvoir statuer rapidement, ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir.
S’agissant de la question de la confiscation auprès d’un tiers, notamment sous l’angle de la vraisemblance d’une créance compensatrice, laquelle ne peut être exclue à ce stade, il faut relever que, dans le cas d’espèce, il n’est tout simplement pas possible de se substituer à une analyse approfondie des flux par des spécialistes. Dans l’intervalle, il convient donc de garantir la disponibilité des fonds séquestrés. En l’état, et comme cela a été exposé ci-dessus, il est suffisamment vraisemblable que des fonds déposés sur le compte [...] du recourant proviennent d’une activité délictueuse. Rien ne permet de dire, à ce stade de l’enquête, qu’une confiscation serait d’emblée et indubitablement exclue, respectivement que la bonne foi du tiers serait clairement et définitivement établie (art. 70 al. 2 et 71 al. 1 CP ; cf. supra consid. 4.1.5). Par ailleurs, au vu de la complexité des transferts et investissements auxquels le recourant s’est livré, on ne peut clairement pas affirmer, sous l’angle de l’art. 70 al. 2 CP, que ce dernier n’a pas rendu plus difficile l’identification de l’origine et de la découverte des actifs d’origine criminelle ou leur confiscation (cf. supra consid. 4.1.5). Enfin, toujours sous l’angle de l’art. 70 al. 2 CP, le recourant fait valoir que la confiscation de ses avoirs se révèlerait d’une rigueur excessive dès lors qu’elle le priverait de ses cryptoactifs ainsi que du produit des investissements lesquels constitueraient une source de revenu (acte de recours, ch. 48, p. 17). Il prétend en outre qu’il n’aurait perçu aucun revenu en tant qu’administrateur et président du conseil d’administration de la société [...]. En l’occurrence, le recourant n’a produit aucune pièce propre à établir sa situation financière. De plus, le fait que la société précitée n’aurait pas réalisé un bénéfice imposable en 2021, pour ses quatre premiers mois d’activité (cf. acte de recours, annexe 24), ne signifie pas encore qu’il n’aurait touché aucun salaire ni même qu’il ne percevrait pas d’autres sources de revenu.
Il résulte de ce qui précède que les conditions d’un séquestre de type conservatoire au sens de l’art. 263 al. 1 let. d CPP sont réalisées. Partant, c’est à juste titre que le Ministère public a ordonné le séquestre des avoirs déposés sur le compte [...] du recourant.
5. Invoquant une violation du droit d’être entendu, le recourant considère que le Ministère public aurait dû procéder à son audition avant d’ordonner la réalisation forcée des actifs séquestrés. De plus, il estime que les conditions de
l’art. 266 al. 5 CPP ne sont pas remplies, la jurisprudence exigeant l’avis d’un expert préalablement à toute réalisation anticipée de cryptomonnaies.
5.1
5.1.1 Les principes juridiques relatifs au droit d’être entendu ont été exposés ci-dessus (cf. supra consid. 3.1).
5.1.2
5.1.2.1 Le séquestre pénal est une mesure préventive et conservatoire concernant des objets et des valeurs patrimoniales qui seront utilisés comme moyens de preuve ou pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités, qui devront être restitués aux lésés ou être confisqués (cf. art. 263 al. 1 let. a à d CPP. L’autorité pénale qui l’a prononcé est tenue de conserver les objets et valeurs patrimoniales séquestrés de manière appropriée (cf. art. 266 al. 2 CPP) jusqu’à ce qu’il soit décidé définitivement sur leur utilisation (cf. art. 267 CPP). Les objets et valeurs patrimoniales concernés doivent être sécurisés et traités de telle sorte qu’ils ne soient pas endommagés, ne perdent pas de valeur et ne disparaissent pas. La manière dont la conservation doit être effectuée concrètement dépend de la nature des objets et des valeurs patrimoniales séquestrés (ATF 148 IV 74 consid. 3.1 et les références citées, JdT 2022 IV 238).
5.1.2.2 Selon l’art. 266 al. 5 CPP, les objets sujets à une dépréciation rapide ou à un entretien dispendieux, ainsi que les papiers-valeurs ou autres valeurs ayant un prix en bourse ou sur le marché peuvent être réalisés immédiatement selon les dispositions de la LP (loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillite ; RS 281.1), le produit étant frappé du séquestre. La réalisation anticipée sert, d’une part, les intérêts de l’Etat qui pourrait autrement être tenu au paiement de dommages-intérêts et, d’autre part, les intérêts de la personne prévenue qui ne subit pas de désavantage patrimonial. Le produit de la réalisation anticipée devra être restitué à l’ayant droit ou saisi. Compte tenu de ce que la réalisation anticipée constitue une ingérence lourde dans la propriété de la personne concernée (art. 26 Cst.), il doit en être fait usage avec retenue (ATF 148 IV 74 consid. 3.2 et les références citées).
5.1.2.3 Conformément à l’art. 266 al. 5 CPP, la réalisation anticipée est réalisée selon les dispositions de la LP qui prévoient, entre autres, la vente aux enchères (art. 125 ss LP) et la vente de gré à gré (art. 130 LP). Le genre de la réalisation dépend de l’objet ou de la valeur patrimoniale concernés, en particulier d’une éventuelle cotation en bourse ou sur le marché, étant précisé que les intérêts des parties concernées doivent être sauvegardés au mieux et qu’il doit être obtenu le produit de réalisation le plus élevé possible. D’après la jurisprudence du TF, l’idée de réaliser une valeur la plus élevée possible sera en règle générale plus facile à obtenir par une vente de gré à gré que par une vente aux enchères. La vente de gré à gré n’est pas réglementée concrètement par la loi, de sorte que les autorités disposent d’un large pouvoir d’appréciation et d’une importante marge de manœuvre, pour réaliser un produit aussi avantageux que possible (ATF 148 IV 74 consid. 3.3 et les références citées).
5.1.2.4 La réalisation anticipée doit donc être effectuée de telle manière à ce que les intérêts en jeu soient sauvegardés au mieux. Elle doit être adaptée à la situation concrète et, le cas échéant, adaptée aux particularités du marché, lorsqu’il y a moins de papiers-valeurs ou de valeurs liquides ou lorsqu’un bien particulier est touché. Ceci vaut autant pour le genre de réalisation que concernant les modalités de la réalisation. Ainsi, les autorités pénales doivent agir avec les connaissances techniques et professionnelles et avec la prudence requise lors de réalisations anticipées de biens et de valeurs patrimoniales, et le cas échéant, si l’autorité ne dispose pas des connaissances techniques nécessaires, avoir recours à un conseil professionnel (ATF 148 IV 74 consid. 3.4 et les références citées). Il convient en particulier de prendre en compte la situation concrète, ainsi que le genre et les particularités de chacune des différentes valeurs à réaliser. Celles-ci peuvent imposer de prendre des dispositions spécifiques, en particulier en ce qui concerne la nature et les modalités de réalisation. La protection des « projets » qui sont en arrière-plan n’est pas la priorité, le but étant de préserver au mieux les intérêts en cause et d’obtenir un produit de vente aussi élevé que possible (ATF 148 IV 74 consid. 4.4.2).
5.2 La Chambre de céans relève tout d’abord qu’une réalisation anticipée des cryptomonnaies séquestrées constitue une ingérence lourde dans le droit de propriété du recourant, qui n’est en outre pas prévenu à ce stade de la procédure. Dans ces circonstances, il n’est pas concevable qu’une telle mesure puisse être ordonnée sans que celui-ci ait pu s’exprimer sur les éléments pertinents et ce d’autant moins que la réalisation ne présente, en l’espèce, aucun caractère d’urgence, le Ministère public ne prétendant pas qu’il existerait un danger actuel de perte de valeur. Il s’ensuit que, sur ce point, le droit d’être entendu du recourant a été violé, de sorte que ce moyen doit être admis.
Par ailleurs, les valeurs patrimoniales séquestrées sont incontestablement volatiles, puisqu’elles dépendent étroitement des fluctuations plus ou moins importantes de leur cours. Il s’ensuit que leur réalisation immédiate et dans leur ensemble pourrait avoir un effet négatif sur le produit de la réalisation. Ceci ne serait pas compatible avec les intérêts de l’Etat ni ceux du recourant, et serait contraire à la ratio legis de l’art. 266 al. 5 CPP. Dans un cas comme celui-ci, dans lequel il est prévisible que la manière dont sera effectuée la réalisation pourrait être déterminante pour son résultat, le Ministère public doit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, prendre des mesures afin d’éviter une perte de valeur autant que possible et sauvegarder aux mieux les intérêts du tiers saisi ou de l’Etat (cf. ATF 148 IV 74 consid. 4.4.2). En l’occurrence, la nature et les modalités de la réalisation anticipée ne sont pas connues. En effet, il ne ressort ni de la motivation de l’ordonnance ni de son dispositif comment il convient de procéder pour la réalisation, ce qu’il faudrait, le cas échéant, prendre en compte ou éviter, ou qui devrait être éventuellement impliqué. On ne trouve notamment aucun élément qui permettrait de conclure que les avoirs en cryptomonnaies devraient être réalisés immédiatement et dans leur totalité ou que la réalisation devrait se faire lentement sur une période plus étendue. De plus, il n’apparaît pas non plus que le Ministère public disposerait des connaissances techniques nécessaires ou qu’il aurait pris contact, avant qu’il rende l’ordonnance, avec un professionnel du domaine ou qu’il aurait pris d’autres mesures ou effectué d’autres vérifications.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis s’agissant de la réalisation anticipée des cryptomonnaies séquestrées, le Ministère public étant invité, d’une part, à procéder à l’audition du recourant, en vue de respecter son droit d’être entendu, et, d’autre part, à requérir l’avis d’un spécialiste du domaine, qui, comme le prévoit la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée (ATF 148 IV 74 consid. 4.4), devra d’abord se prononcer sur la question de savoir s’il faut ou non procéder à une réalisation anticipée des avoirs, puis, dans l’affirmative, selon quelles modalités, à savoir quand et comment.
6. En définitive, le recours doit être partiellement admis en ce sens que les chiffres XIV et XV du dispositif de l’ordonnance du 14 août 2023 doivent être annulés et le dossier de la cause renvoyé au Ministère public pour qu’il procède dans le sens des considérants. En revanche, l’ordonnance du 27 juillet 2023 sera confirmée.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure de recours, constitués en l’espèce de l’émolument d’arrêt, par 2’420 fr. (art. 20 al. 1 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; BLV 312.03.1]), seront mis par deux tiers, soit par 1’613 fr., à la charge du recourant, le solde, par 807 fr., étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP).
Obtenant partiellement gain de cause, le recourant, qui a procédé avec l’assistance d’un avocat de choix, a droit à une indemnité réduite pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours (art. 433 al. 1 let. a CPP, applicable par renvoi de l’art. 436 al. 1 CPP). Il n’a pas produit de liste d’opérations, de sorte qu’on ignore précisément le nombre d’heures d’activité effectuées par son avocat. Par conséquent, il sera retenu, ex aequo et bono, 13 heures pour la rédaction des écritures, soit du recours (6 heures), des conclusions complémentaires (1 heure) et de la réplique (6 heures), 2 heures pour la rédaction des courriers des 31 août,
11 septembre, 14 septembre 2023 et 22 septembre 2023, 2 heures pour des entretiens avec le client, 5 heures pour la consultation du dossier, y compris l’analyse des pièces prélevées, et 2 heures pour la prise de connaissance des déterminations du Ministère public. L’indemnité totale sera donc fixée à 7’200 fr., correspondant Ã
24 heures d’activité nécessaire d’avocat au tarif horaire de 300 fr., auxquels il convient d’ajouter des débours forfaitaires à concurrence de 2 %, par 144 fr., plus la TVA, par 565 fr. 50, soit à 7’910 fr. au total en chiffres arrondis. Par parallélisme avec le sort des frais, cette indemnité sera réduite des deux tiers pour tenir compte de la mesure dans laquelle le recours est admis, étant relevé que les moyens soulevés par le recourant dans ses écritures sont, dans une proportion estimée à deux tiers, exclusivement liés au séquestre proprement dit, et non à la réalisation des valeurs séquestrées, question sur la laquelle il obtient gain de cause. En définitive, c’est une indemnité au sens de l’art. 433 CPP, à la charge de l’Etat, de 2'637 fr., en chiffres arrondis, qui sera allouée au recourant pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours.
Par ces motifs,
la Chambre des recours pénale
prononce :
I. Le recours est partiellement admis.
II. L’ordonnance du 27 juillet 2023 est confirmée.
III. Les chiffres XIV et XV du dispositif de l’ordonnance du 14 août 2023 sont annulés. Celle-ci est confirmée pour le surplus.
IV. Le dossier de la cause est renvoyé au Ministère public central, division affaires spéciales, pour qu’il procède dans le sens des considérants.
V. Les frais d’arrêt, par 2’420 fr. (deux mille quatre cent vingt francs), sont mis par deux tiers, soit par 1’613 fr. (mille six cent treize francs), à la charge de L.____, le solde, par 807 fr. (huit cent sept francs), étant laissé à la charge de l’Etat.
VI. Une indemnité réduite de 2’637 fr. (deux mille six cent trente-sept francs) est allouée à L.____ pour la procédure de recours, à la charge de l’Etat.
VII. L’arrêt est exécutoire.
La présidente : Le greffier :
Du
Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à :
- Me Jérôme Campart, avocat (pour L.____),
- Ministère public central,
et communiqué à :
M. le Procureur du Ministère public central, division affaires spéciales,
par l’envoi de photocopies.
Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF).
Le greffier :
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
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