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Urteil Kantonsgericht (VD)

Kopfdaten
Kanton:VD
Fallnummer:Entscheid/2023/740
Instanz:Kantonsgericht
Abteilung:
Kantonsgericht Entscheid Entscheid/2023/740 vom 24.08.2023 (VD)
Datum:24.08.2023
Rechtskraft:
Leitsatz/Stichwort:
Zusammenfassung : Die Chambre des recours pénale hat am 24. August 2023 über einen Rekurs von P.________ gegen eine Nichtanhandnahmeverfügung des Ministère public im Kanton Waadt entschieden. P.________ hatte eine Beschwerde wegen Verletzung des Fabrikations- oder Geschäftsgeheimnisses sowie unlauterem Wettbewerb eingereicht. Der Ministère public lehnte die Eingabe ab, da keine konkreten Anhaltspunkte für eine Diffamierung vorlägen. P.________ rekurrierte gegen diese Entscheidung und forderte die Wiederaufnahme des Verfahrens. Der Rekurs wurde zugelassen, da die Beschwerdeführerin behauptete, dass ihre Ehre verletzt worden sei. Die Chambre des recours pénale entschied, dass die Beschwerdeführerin genügend Zeit hatte, ihre Anschuldigungen zu belegen, und wies den Rekurs ab.
Schlagwörter : élai; énal; énale; édure; Ministère; -entrée; Autorité; égation; Honneur; ’autorité; ’est; ’ordonnance; édé; énéral; égal; énérale; épris; écis; écembre; ’information; évrier; éférences; Action
Rechtsnorm:Art. 100 BGG; Art. 310 StPo; Art. 382 StPo; Art. 385 StPo; Art. 390 StPo; Art. 422 StPo; Art. 428 StPo; Art. 5 StPo; Art. 92 StPo; Art. 94 StPo; Art. 95 StPo;
Referenz BGE:-
Kommentar:
Entscheid

TRIBUNAL CANTONAL

689

PE22.021847-MYO



CHAMBRE DES RECOURS PENALE

______________________

Arrêt du 24 août 2023

__________

Composition : Mme Byrde, présidente

MM. Krieger et Perrot, juges

Greffière : Mme Fritsché

*****

Art. 173 CP ; 92, 310 et 393 CPP

Statuant sur le recours interjeté le 6 avril 2023 par P.____ contre l’ordonnance de non-entrée en matière rendue le 24 mars 2023 par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois dans la cause n° PE22.021847-MYO, la Chambre des recours pénale considère :

En fait :

A. a) Par courrier du 18 novembre 2022, P.____, représentée par son administrateur [...], a déclaré déposer plainte contre N.____, respectivement contre A.B.____ et B.B.____, respectivement contre inconnu, pour violation du secret de fabrication ou du secret commercial, concurrence déloyale, « ainsi que toute autre infraction que l’enquête à ouvrir permettra de révéler ».

Dans sa plainte, P.____ reproche notamment à A.B.____ de s’être rendu, dans le courant du mois de septembre 2022, auprès de diverses personnes actives dans le négoce de vin, afin de leur faire part de la procédure de faillite intentée à l’encontre de la société P.____, « dans un but évident de nuire à sa réputation commerciale », et, par ailleurs, d’avoir, le 2 septembre 2022, publié le message suivant sur les réseaux sociaux : « Bye bye la grande maison [...]» avec un smiley qui se cache les yeux, « toujours dans le but de nuire à son concurrent ».

b) Par courrier du 19 décembre 2022, le Ministère public a notamment invité la société plaignante à produire une pièce dans son intégralité, et non en partie, et à indiquer auprès de qui A.B.____ avait propagé l’information de l’ouverture d’une procédure de faillite. Un délai au 28 février 2023 lui a été imparti à cet effet (P. 6).

Par courrier du 28 février 2023, la plaignante a produit les documents requis et a sollicité une prolongation de 20 jours du délai pour communiquer au Ministère public auprès de qui l’information critiquée avait été propagée (P. 7/1).

Par courrier du 3 mars 2023, le Ministère public a accordé à P.____ une prolongation de délai au 20 mars 2023 (P. 9).

Par courrier du 20 mars 2023, l’intéressée a requis une nouvelle prolongation de trois semaines pour communiquer l’information requise (P. 10).

Par courrier du 22 mars 2023, le Ministère public a indiqué ce qui suit au conseil de la plaignante :

« (…) je constate que depuis le dépôt de leur plainte, le 18 novembre 2022, vos clients ne sont pas en mesure de donner au Ministère public des indices concrets de la commission de l’infraction de diffamation.

Une ordonnance de non-entrée en matière partielle sera dès lors rendue prochainement » (P. 11).

Par courrier du 23 mars 2023, P.____ a répondu à la Procureure que sa correspondance du 22 mars 2023 paraissait s’apparenter à un déni de justice et l’a invitée à statuer sur sa demande de prolongation du 20 mars 2023.

B. Par ordonnance du 24 mars 2023, le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois a refusé d’entrer en matière sur la possible diffamation ressortant de la plainte de P.____ (I), et a laissé les frais à la charge de l’Etat (II).

La procureure a motivé son ordonnance comme suit :

« La partie plaignante a bénéficié de suffisamment de prolongations de délais pour étayer sa plainte : en annonçant, le 18 novembre 2022, que l’information de la faillite avait été propagée auprès de tiers, elle avait déjà nécessairement connaissance à ce moment de l’identité d’à tout le moins l’une des personnes ayant reçu dite information, ne serait-ce que par « ricochet », faute de quoi la partie plaignante ne pourrait pas savoir que tel avait été le cas.

En définitive, il n’y a aucun indice concret qu’une information destinée à nuire à la réputation de la société, et plus spécifiquement à porter atteinte à l’honneur de son administrateur, si tant est que l’information en question entre dans le cadre des atteintes à l’honneur réprimées par le code pénal, ce qui paraît douteux, aurait été propagée par [...]. Par surabondance, [...] n’a pas déposé plainte en son propre nom.

La question de la violation du secret de fabrication ou du secret commercial et de la concurrence déloyale est traitée séparément ».

Le 27 mars 2023, la plaignante a transmis à la procureure les noms et les coordonnées des personnes auprès de qui A.B.____ se serait rendu afin de leur faire part de la procédure de faillite intentée à son encontre (P. 13).

C. Par acte du 6 avril 2023, P.____, par l’intermédiaire de son conseil de choix, a recouru contre cette ordonnance en concluant, sous suite de frais et de dépens, à son annulation et au renvoi de la cause au Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois pour réouverture et poursuite de l’infraction. Elle a également conclu à ce qu’une indemnité lui soit allouée pour les dépens afférents à la procédure de première instance.

Il n’y pas été ordonné d’échange d’écritures.

En droit :

1.

1.1 Les parties peuvent attaquer une ordonnance de non-entrée en matière rendue par le Ministère public en application de l’art. 310 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0) dans les dix jours devant l’autorité de recours (art. 310 al. 2, 322 al. 2 et 396 al. 1 CPP ; cf. art. 20 al. 1 let. b CPP) qui est, dans le canton de Vaud, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 LVCPP [Loi vaudoise d’introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 ; BLV 312.01] ; art. 80 LOJV [Loi vaudoise d’organisation judiciaire du 12 décembre 1979 ; BLV 173.01]).

1.2 En l’espèce, la partie plaignante P.____ a la qualité pour recourir puisqu’elle prétend que les propos incriminés l’ont atteinte dans son honneur (art. 382 al. 1 CPP ; cf. infra consid. 3.2.4). Interjeté dans le délai légal et dans les formes prescrites (art. 385 al. 1 CPP) auprès de l’autorité compétente, le recours est ainsi recevable.

2.

2.1 Dans un grief d’ordre formel, la recourante reproche au Ministère public de ne jamais avoir formellement statué sur sa dernière demande de prolongation de délai du 20 mars 2023 et d’avoir immédiatement rendu une ordonnance de non-entrée en matière. Elle considère qu’il s’agit d’une violation procédurale constitutive d’un déni de justice. La recourante fait également valoir que la motivation de la procureure selon laquelle « la partie plaignante a bénéficié de suffisamment de prolongation de délai » verse dans l’arbitraire puisqu’elle n’a en réalité bénéficié que d’une unique prolongation.

2.2 Selon l’art. 92 CPP, les autorités peuvent prolonger les délais ou ajourner les termes qu’elles ont fixés, d’office ou sur demande. La demande doit être présentée avant l’expiration des délais et être suffisamment motivée. Si elle n’est pas motivée, elle devra être déclarée irrecevable. Si elle est motivée, il appartiendra à l’autorité d’apprécier si les circonstances évoquées justifient une prolongation de délai ou un ajournement du terme. L’autorité dispose à cet égard d’un libre pouvoir d’appréciation, limité uniquement par l’arbitraire. Ainsi, l’art. 92 CPP ne confère pas à la partie un droit absolu à la prolongation du délai ou à l’ajournement d’un terme même s’il s’agit d’une première demande (Stoll, in : Jeanneret/Kuhn/Perrier Depeursinge [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 6 ad art. 95 CPP). Les conditions pour obtenir une prolongation ou un ajournement sont cependant moins strictes que celles prévues pour obtenir la restitution d’un délai selon l’art. 94 CPP. Il n’est notamment pas nécessaire d’établir que la partie est empêchée d’agir dans le délai sans sa faute (Stoll, op. cit., n. 7 ad art. 92 CPP).

Pour prendre sa décision, l’autorité doit peser l’ensemble des intérêts en présence, une réserve particulière s’imposant lorsque le prévenu est placé en détention (cf. art. 5 al. 2 CPP) ou que l’on s’approche de la prescription de l’action pénale. En revanche, lorsque la procédure n’est pas particulièrement urgente, il suffira que le requérant fasse valoir, à l’appui d’une première demande de prolongation de délai, des motifs plausibles pour lesquels il n’est pas en mesure de respecter le délai (Riedo, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2e éd., Bâle 2014, n. 23 et 24 ad art. 92 CPP ; StolI, op. cit., n. 7 ad art. 92 CPP). Sont plausibles, selon la jurisprudence, les raisons qui, selon l’expérience générale de la vie, apparaissent propres à empêcher le déroulement de la procédure conformément aux délais prévus. Parmi celles-ci figurent la maladie, l’hospitalisation, le décès, le service militaire, l’emprisonnement, mais aussi la surcharge de travail et le séjour à l’étranger (TF 6B_229/2015 du 30 avril 2015 consid. 1.1 et les références citées ; Riedo, op. cit., n. 24 ad art. 92 CPP et les références citées; Stoll, op. cit., n. 7 ad art. 92 CPP).

En cas de demandes réitérées de prolongation de délai, il convient de se montrer plus strict que lors d’une première demande de prolongation. Ainsi, au regard du principe de célérité (art. 5 CPP), une nouvelle prolongation de délai ne pourra en règle générale pas être accordée pour le seul motif que le défenseur est surchargé (Riedo, op. cit., n. 25 ad art. 92 CPP). Cela étant, il apparaît souhaitable, pour des motifs de clarté, que l’autorité qui accorde une prolongation de délai indique qu’il s’agit d’une unique, respectivement de l’ultime prolongation. Dans ce cas, une nouvelle demande de prolongation ne sera acceptée qu’en cas d’urgence (Riedo, op. cit., n. 26 ad art. 92 CPP ; Stoll, op. cit., n. 7 ad art. 92 CPP; TF 5A_812/2010 du 3 août 2011, consid. 2.1 ; TF 6P.115/2006-6S.241/2006 du 17 août 2006, consid. 1). En principe, si l’autorité a indiqué clairement qu’il n’y aurait pas de prolongation (supplémentaire), compte tenu de l’urgence et des circonstances du cas d’espèce, la partie et son mandataire doivent veiller à agir dans le délai fixé. L'autorité veillera à écarter les demandes de prolongation dilatoires ou à caractère abusif (Moreillon/Parein-Reymond, Petit Commentaire du Code de procédure pénale, 2e éd., Bâle 2016, n. 4 ad art. 92 CPP et les références citées).

2.3 En l’espèce, il est vrai que la recourante a bénéficié de beaucoup de temps pour fournir les éléments requis. A cet égard, on rappellera que la plainte a été déposée le 18 novembre 2022, qu’à réception de celle-ci, la procureure a immédiatement demandé à la plaignante de lui indiquer auprès de qui A.B.____ aurait propagé l’information litigieuse et lui a imparti un délai au 28 février 2023 à cet effet. A la demande de P.____, la procureure a accepté de prolonger le délai imparti au 20 mars 2023. A ce moment, il aurait été parfaitement loisible au Ministère public d’attirer l’attention de la recourante sur le caractère unique de ce report. En l’absence d’une telle réserve, le refus de la procureure exprimé implicitement dans son avis du 22 mars 2023 apparaît disproportionné, un bref délai de grâce pouvant être accordé à la recourante pour procéder avant la reddition de l’ordonnance. Il s’ensuit que la Procureure aurait dû donner à la recourante une dernière et brève prolongation plutôt que d’annoncer qu’elle rendrait son ordonnance à bref délai et, finalement, rendre celle-ci quatre jours après l’échéance de la prolongation. Cela étant, même si cette ordonnance a été rendue prématurément, la recourante n’est pas lésée car les allégations de la plainte susceptibles d’être établies par l’audition des personnes annoncées dans son courrier du 27 mars 2023, ne tombent pas sous le coup de l’art. 173 CP (cf. consid. 3.2.3 infra). Ainsi, le vice formel invoqué par P.____ est sans conséquence, cela d’autant moins que la Chambre de céans dispose d’un large pouvoir d’examen en fait et en droit, qui lui permet de prendre en compte les courriers de la recourante postérieurs à l’ordonnance attaquée ainsi que les nouveaux moyens factuels et juridiques contenus dans le mémoire de recours (cf. infra consid. 3.2.2).

3.

3.1 Sur le fond, la recourante soutient que des indices concrets d’une diffamation figurent au dossier sous la forme d’un message diffusé le 2 septembre 2022 par A.B.____ sur ses réseaux sociaux (P. 5/8) ; en outre, elle réitère une allégation formulée dans la plainte et selon laquelle celui-ci se serait également rendu, dans le courant du mois de septembre 2022, auprès de diverses personnes actives dans le négoce de vin, afin de leur faire part de la procédure de faillite intentée à son encontre, dans un but évident de nuire à sa réputation commerciale. Par ailleurs, la recourante reproche au Ministère public de ne pas avoir procédé à l’audition des parties et relève enfin que la jurisprudence fédérale consacre de longue date la protection de l’honneur des personnes morales.

3.2

3.2.1 Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le Ministère public rend immédiatement – c'est-à-dire sans qu'une instruction soit ouverte (art. 309 al. 1 et 4 CPP ; ATF 144 IV 86 consid. 2.3.3) – une ordonnance de non-entrée en matière lorsqu'il apparaît, à réception de la dénonciation (cf. art. 301 et 302 CPP) ou de la plainte (Cornu, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2019, nn. 1 et 2 ad art. 310 CPP) ou après une procédure préliminaire limitée aux investigations de la police (art. 300 al. 1 let. a, 306 et 307 CPP), que les éléments constitutifs d'une infraction ou les conditions d'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (TF 6B_1177/2022 du 21 février 2023 consid. 2.1). Cette disposition doit être appliquée conformément à l’adage « in dubio pro duriore ». Celui-ci, qui découle du principe de la légalité, signifie qu’un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le Ministère public que lorsqu’il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1 et les références citées). Une ordonnance de non-entrée en matière ne peut être rendue que dans les cas clairs du point de vue des faits, mais également du droit ; s'il est nécessaire de clarifier l'état de fait ou de procéder à une appréciation juridique approfondie, le prononcé d'une ordonnance de non-entrée en matière n'entre pas en ligne de compte. En règle générale, dans le doute, il convient d'ouvrir une enquête pénale (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2 ; ATF 137 IV 285 consid. 2.3 et les réf. citées, JdT 2012 IV 160). La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées). En revanche, le Ministère public doit pouvoir rendre une ordonnance de non-entrée en matière dans les cas où il apparaît d’emblée qu’aucun acte d’enquête ne pourra apporter la preuve d’une infraction à la charge d’une personne déterminée (TF 6B_375/2020 du 9 juillet 2020 consid. 3.2 et les références citées ; TF 6B_541/2017 du 20 décembre 2017 consid. 2.2).

3.2.2 Le droit d'être d'entendu découlant de l’art. 29 al. 2 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101) et, en procédure pénale, des 3 al. 2 let. c et 107 CPP, comprend notamment le droit, pour le justiciable, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et arrêts cités ; TF 2C_501/2020 du 15 mars 2021 consid. 5.1). Il comprend également l’obligation pour le juge de motiver ses décisions afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer son droit de recours à bon escient. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 145 IV 99 consid. 3.1 ; ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 ; ATF 139 IV 179 consid. 2.2 ; TF 1B_335/2019 du 16 janvier 2020 consid. 3.1.1).

Le droit d’être entendu n’est pas accordé aux parties dans le cadre de l’ordonnance de non-entrée en matière. Elles doivent faire valoir leurs droits par le biais d’un recours au sens des art. 393 ss CPP (TF 6B_638/2021 du 17 août 2022 consid. 2.1.3 ; Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire du Code de procédure pénale, 2e éd., Bâle 2016, n. 20 ad art. 310 CPP ; CREP 30 septembre 2019/795 ; CREP 3 décembre 2018/938 consid. 2.2). La partie plaignante a ainsi la possibilité de compléter sa plainte et de présenter des moyens de preuve complémentaires (cf. CREP 10 décembre 2020/912 consid. 2.2). Le droit d’être entendu d’une partie n’est pas violé par le fait que l’autorité statue sans autre opération à réception de son acte. En particulier, celui qui dépose une plainte pénale auprès du Ministère public n’a pas à être interpellé si le procureur refuse d’entrer en matière pour des motifs qui ressortent de la plainte elle-même ou qui sont manifestement connus de son auteur (CREP 20 octobre 2020/806).

3.2.3 Selon l’art. 173 CP, se rend coupable de diffamation et sera, sur plainte, puni d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus, celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, ou celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon (ch. 1). L'inculpé n'encourra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies (ch. 2). L'inculpé ne sera pas admis à faire ces preuves et il sera punissable si ses allégations ont été articulées ou propagées sans égard à l'intérêt public ou sans autre motif suffisant, principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui, notamment lorsqu'elles ont trait à la vie privée ou à la vie de famille (ch. 3).

Cette disposition protège la réputation d'être un individu honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. Il faut donc que l'atteinte fasse apparaître la personne visée comme méprisable (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.1). L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'être humain (ATF 132 IV 112 consid. 2.1). Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon la signification qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.3 ; ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3). S’agissant d’un texte, il doit être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui se dégage du texte dans son ensemble (ATF 137 IV 313 consid 2.1.3 ; TF 6B_541/2019 du 15 juillet 2019 consid. 2.1).

Pour qu'il y ait diffamation ou calomnie, il faut une allégation de fait, et non pas un simple jugement de valeur (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.4 ; ATF 137 IV 313 consid. 2.1.2 ; ATF 117 IV 27 consid. 2c). Si l'on ne discerne qu'un jugement de valeur offensant, la diffamation est exclue et il faut appliquer la disposition réprimant l'injure (art. 177 CP), qui revêt un caractère subsidiaire (TF 6B_476/2016 du 23 février 2017 consid. 4.1 ; TF 6B_6/2015 du 23 mars 2016 consid. 2.2). La notion de jugement de valeur doit être comprise dans un sens large. Il s'agit d'une manifestation directe de mésestime ou de mépris, au moyen de mots blessants, de gestes ou de voies de fait (ATF 128 IV 53 consid. 1f/aa et réf. cit.). Simple appréciation, le jugement de valeur n'est pas susceptible de faire l'objet d'une preuve quant à son caractère vrai ou faux. La frontière entre l'allégation de faits et le jugement de valeur n'est pas toujours claire. En effet, l'allégation de faits peut très bien contenir un élément d'appréciation et un jugement de valeur peut aussi se fonder sur des faits précis. Pour distinguer l'allégation de fait du jugement de valeur, par exemple s'agissant des expressions « voleur » ou « escroc », il faut se demander, en fonction des circonstances, si les termes litigieux ont un rapport reconnaissable avec un fait ou sont employés pour exprimer le mépris. Lorsque le jugement de valeur et l'allégation de faits sont liés, on parle de jugement de valeur mixte. Dans cette hypothèse, c'est la réalité du fait ainsi allégué qui peut faire l'objet des preuves libératoires de l'art. 173 CP ou dont la fausseté doit être établie dans le cadre de l'art. 174 CP. Alors qu'en cas de diffamation, il appartient à l'auteur de prouver que les allégations propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies, les autorités pénales doivent prouver, en cas de calomnie, que le fait allégué est faux (TF 6B_119/2017 du 12 septembre 2017 consid. 3.1 et réf. cit.). Traiter quelqu’un de voleur et d’escroc revient à l’accuser d’avoir commis, ou de commettre une infraction (ATF 148 IV 409 consid. 2.3 ; ATF 145 IV 262 consid. 4.2.2). Du point de vue subjectif, il suffit que l'auteur ait eu conscience du caractère attentatoire à l'honneur de ses propos et qu'il les ait néanmoins proférés ; il n'est pas nécessaire qu'il ait eu la volonté de blesser la personne visée (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.6 ; TF 6B_541/2019 du 15 juillet 2019 consid. 2.1).

3.2.4 Jouit du droit à l'honneur non seulement toute personne physique, mais toute personne morale ou entité capable d'ester en justice, à l'exception des collectivités publiques et des autorités (ATF 124 IV 262 consid. 2a p. 266; ATF 114 IV 14 consid. 2a p. 15; TF 6B_1020/2018 du 1er juillet 2019 consid. 5.1.1; TF 6B_202/2013 du 13 mai 2013 consid. 2.4 in fine; TF 6S.504/2005 du 28 février 2006 consid. 1.1). Une personne morale est atteinte dans son honneur lorsqu'il est allégué qu'elle a une activité ou un but propre à la rendre méprisable selon les conceptions morales généralement admises, ou lorsqu'on la dénigre elle-même, en évoquant le comportement méprisable de ses organes ou employés (TF 6B_777/2022 du 16 mars 2023 consid. 2.2 destiné à la publication ; TF 6B_119/2017 du 12 décembre 2017 consid. 3.1; Corboz, Les infractions en droit suisse, op. cit., n. 26 ad. art. 173 CP).

3.3 En l’espèce, on ne saurait admettre que le message diffusé le 2 septembre 2022 sur les réseaux sociaux, soit « bye bye la grande maison [...]» avec un smiley qui se cache un œil, remplisse les conditions d’une atteinte à l’honneur, des propos moqueurs annonçant une fin d’activité d’une société ou même une faillite de celle-ci n’étant pas susceptibles de la faire passer, ainsi que ses organes, pour une entité méprisable, à l’instar par exemple d’une société dont la direction serait soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale. Ici, rien de tel et, sous l’angle exclusif de l’infraction de diffamation – seule infraction analysée dans l’ordonnance de non-entrée en matière partielle ici contestée –, l’élément objectif n’est pas réalisé. De même, l’annonce de l’existence d’une procédure de faillite que A.B.____ aurait faite à différents acteurs actifs dans le négoce du vin n’impute ni à P.____, ni à son administrateur, un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises, ni a fortiori n’évoquent la commission d’une infraction pénale.

Par conséquent, les propos contenus dans les messages incriminés ne sont pas attentatoires à l’honneur de la recourante.

4. Enfin, au stade de l’ordonnance de non-entrée en matière, le droit d’être entendu d’une partie n’est pas violé par le fait que l’autorité statue sans autre opération, de sorte que le moyen de la recourante, qui se plaint du fait que la procureure n’a pas procédé aux auditions requises tombe à faux (cf. consid. 3.2.2 in fine supra), étant précisé que la question de la violation du secret de fabrication ou du secret commercial et celle de la concurrence déloyale seront traitées séparément (cf. ordonnance attaquée p. 2).

5. Au vu de ce qui précède, le recours, manifestement mal fondé, doit être rejeté sans échange d’écritures (art. 390 al. 2 CPP) et l’ordonnance du 24 mars 2023 confirmée.

Les frais de la procédure de recours, constitués en l’espèce du seul émolument d’arrêt (art. 422 al. 1 CPP), par 1’320 fr. (art. 20 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; BLV 312.03.1]), seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).

Par ces motifs,

la Chambre des recours pénale

prononce :

I. Le recours est rejeté.

II. L’ordonnance du 24 mars 2023 est confirmée.

III. Les frais d’arrêt, par 1'320 fr. (mille trois cent vingt francs), sont mis à la charge de P.____.

IV. L’arrêt est exécutoire.

La présidente : La greffière :

Du

Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à :

- Me Mireille Loroch, avocate (pour P.____),

- Ministère public central,

et communiqué à :

Mme la Procureure de l’arrondissement de l’Est vaudois,

par l’envoi de photocopies.

Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF).

La greffière :

Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.

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