Zusammenfassung des Urteils Entscheid/2018/247: Kantonsgericht
Die Chambre des recours pénale hat am 23. März 2018 über einen Rekurs von U.________ gegen die Ablehnung eines Beweisantrags entschieden. Der Rekurs bezog sich auf eine nicht datierte Briefkopie, die U.________ an F.________ senden wollte. Der Ministère public hatte diese Briefkopie trotz des Adressierens an den Verteidiger von U.________ in das Dossier aufgenommen. Die Chambre des recours pénale entschied, dass dieser Beweis aufgrund der Verletzung des Rechts des Beschuldigten, vertraulich mit seinem Verteidiger zu kommunizieren, nicht verwendbar ist. Die Briefkopie wurde aus dem Dossier entfernt und muss bis zum Abschluss des Verfahrens aufbewahrt und dann vernichtet werden. Die Kosten des Verfahrens und die Entschädigung für den amtlichen Verteidiger von U.________ werden vom Staat getragen.
Kanton: | VD |
Fallnummer: | Entscheid/2018/247 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: | Chambre des recours pénale |
Datum: | 23.03.2018 |
Rechtskraft: | - |
Leitsatz/Stichwort: | - |
Schlagwörter : | édure; évenu; éfense; énale; éfenseur; Ministère; étention; Office; édéral; évrier; Zangger; ègle; égal; Chambre; également; écision; élucider; éfinitive; Ordonnance; Arrondissement; Cette |
Rechtsnorm: | Art. 141 StPo;Art. 223 StPo;Art. 235 StPo;Art. 382 StPo;Art. 385 StPo;Art. 393 StPo;Art. 396 StPo; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: | Schweizer, Eugster, , Art. 398 StPO, 2011 |
| TRIBUNAL CANTONAL | 226 PE17.021078-MRN |
CHAMBRE DES RECOURS PENALE
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Arrêt du 23 mars 2018
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Composition : M. Meylan, président
MM. Abrecht et Perrot, juges
Greffier : M. Addor
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Art. 141, 235, 393 al. 1 let. a CPP
Statuant sur le recours interjeté le 8 mars 2018 par U.__ contre l’ordonnance de refus de retranchement de pièce rendue le 6 mars 2018 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne dans la cause n° PE17.021078-MRN, la Chambre des recours pénale considère :
En fait :
A. a) Le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne instruit une enquête pénale contre U.__, P.__ et N.__ pour avoir, à [...], le 28 octobre 2017, en agissant en commun, abusé sexuellement de X.__, alors que celle-ci était sous l’emprise de l’alcool, U.__ est également mis en cause pour avoir séjourné et travaillé illégalement en Suisse.
Le 25 février 2018, le Tribunal des mesures de contrainte a, sur demande du Ministère public, ordonné la détention provisoire de U.__ pour une durée maximale de trois mois, en raison notamment du risque de collusion.
Le 26 février 2018, la procureure a désigné Me Anna Zangger en qualité de défenseur d’office de U.__.
b) Le 26 février 2018, la police cantonale a fait parvenir à la procureure une enveloppe non scellée à l’adresse de Me Anna Zangger. Cette enveloppe était accompagnée d’une note manuscrite d’un membre du personnel de la police cantonale rédigée en ces termes : « Mr U.__ n’a pas l’adresse de son amie et demande à son avocate de lui faire parvenir ce courrier ». La procureure a ouvert ce pli pour contrôle, pensant qu’il contenait uniquement la lettre destinée à l’amie de U.__, F.__. Elle a alors constaté que l’enveloppe renfermait non seulement la lettre que ce prévenu destinait à son amie, laquelle a été retournée à son expéditeur, mais également une missive à l’attention de son défenseur d’office.
c) Le 27 février 2018, la procureure a transmis à Me Anna Zangger la lettre adressée à celle-ci par U.__, en expliquant que cette lettre se trouvait dans l’enveloppe ouverte sur laquelle figurait son nom et qui contenait également une lettre que le prévenu entendait faire parvenir à son amie. A cet envoi était joint notamment une copie de la note manuscrite établie par le personnel de la police cantonale.
Le 28 février 2018, Me Anna Zangger a fait observer que l’ouverture, respectivement la lecture de lettres adressées au nom de l’avocat d’un prévenu en détention provisoire étaient prohibés et a en conséquence demandé que la lettre que le prévenu entendait adresser à son amie ne soit pas versée au dossier.
Le même jour, la procureure a répondu à l’avocate en se référant notamment aux explications données dans sa lettre du 27 février 2018. Elle a par ailleurs indiqué qu’une copie de la lettre que U.__ destinait à son amie avait été versée sous pièce 86 au dossier de la cause, après avoir été censurée.
B. a) Par lettre du 1er mars 2018, Me Anna Zangger a réitéré sa requête tendant au retranchement de la lettre litigieuse, pour le motif que la preuve ainsi versée au dossier devait être considérée comme illicite.
b) Par ordonnance du 6 mars 2018, le Ministère public a refusé de retrancher du dossier copie de la lettre non datée que U.__ entendait adresser à F.__ et qui avait été versée au dossier sous pièce 86. La procureure a considéré que la note manuscrite de la police laissait penser que le pli en cause, malgré l’adressage figurant sur l’enveloppe, contenait uniquement la lettre que le prévenu destinait à son amie. Cette circonstance l’avait amenée à en prendre connaissance dans le cadre de son pouvoir de contrôle, après avoir procédé à une pesée des intérêts en présence, soit d’une part la prévention du risque de collusion et d’autre part l’intérêt du prévenu à communiquer de manière confidentielle avec son défenseur.
C. Par acte du 8 mars 2018, U.__ a interjeté recours devant la Chambre des recours pénale contre cette ordonnance, en concluant principalement à sa réforme en ce sens que la lettre litigieuse soit retranchée du dossier, subsidiairement à son annulation, le dossier de la cause étant renvoyé au Ministère public pour nouvelle décision,
Dans ses déterminations du 22 mars 2018, le Ministère public a conclu au rejet du recours, en reprenant l’argumentation exposée dans son ordonnance.
En droit :
1. Aux termes de l’art. 393 al. 1 let. a CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0), le recours est recevable contre les décisions et actes de procédure du ministère public. Une ordonnance du ministère public refusant de retrancher des pièces du dossier, ou au contraire ordonnant un retranchement de pièces, est ainsi susceptible de recours selon les art. 393 ss CPP (Stephenson/Thiriet, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2e éd., Bâle 2014, n. 10 ad art. 393 CPP ; cf. TF 1B_266/2017 du 5 octobre 2017 consid. 2.5 à 2.9 ; CREP 28 septembre 2017/660 consid. 1, et les références citées). Ce recours doit être adressé par écrit, dans un délai de dix jours dès la notification de la décision attaquée (art. 384 let. b CPP), à l’autorité de recours (art. 396 al. 1 CPP) qui est, dans le canton de Vaud, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 LVCPP [Loi d’introduction du code de procédure pénale suisse ; RSV 312.01] ; art. 80 LOJV [Loi d’organisation judiciaire ; RSV 173.01]).
En l’espèce, interjeté dans le délai légal auprès de l’autorité compétente par le prévenu qui a qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP ; cf., en ce sens, TF 1B_266/2017 du 5 octobre 2017 consid. 2.9, précité) et dans les formes prescrites (art. 385 al. 1 CPP), le recours est recevable.
2.
2.1 Aux termes de l'art. 141 al. 2 CPP, les preuves qui ont été administrées d'une manière illicite ou en violation de règles de validité par les autorités pénales ne sont pas exploitables, à moins que leur exploitation soit indispensable pour élucider des infractions graves. Les preuves qui ont seulement été administrées en violation d’une prescription d’ordre sont néanmoins exploitables conformément à l’art. 141 al. 3 CPP. En vertu de l’art. 141 al. 5 CPP, les pièces relatives aux moyens de preuves non exploitables doivent être retirées du dossier pénal, conservées à part jusqu’à la clôture définitive de la procédure, puis détruites.
Lorsque la loi ne qualifie pas elle-même une disposition de règle de validité, la distinction entre une telle règle et une prescription d’ordre s’opère en prenant principalement pour critère l’objectif de protection auquel est censée ou non répondre la norme. Si la disposition de procédure en cause revêt une importance telle pour la sauvegarde des intérêts légitimes de la personne concernée qu’elle ne peut atteindre son but que moyennant l’invalidation de l’acte de procédure accompli en violation de cette disposition, on a affaire à une règle de validité (ATF 139 IV 128 consid. 1.6, JdT 2014 IV 15 ; Message relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 pp. 1057 ss, spéc. 1163).
2.2 Aux termes de l'art. 223 al. 2 CPP, qui règle les relations du prévenu avec son défenseur durant la procédure de détention (cf. le titre marginal de l’art. 223 CPP et l’alinéa 1 de cette disposition), tout prévenu peut communiquer en tout temps et sans surveillance avec son défenseur, que ce soit oralement ou par écrit, pendant la procédure de détention devant le ministère public et les tribunaux. Cette disposition s’applique essentiellement aux cas dans lesquels ni la détention provisoire ni celle pour des motifs de sûreté n’a encore été ordonnée, soit lorsque la procédure en question est encore en cours ; une fois la détention ordonnée et durant la procédure de prolongation, c’est l’art. 235 al. 4 CPP qui s’applique (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire du CPP, 2e éd., Bâle 2016, n. 4 ad art. 223 CPP ; Matthias Härri, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], op. cit., n. 56 ad art. 235 CPP).
Selon l’art. 235 CPP, tout contact entre le prévenu en détention avant jugement et des tiers est soumis à l’autorisation de la directement de la procédure (al. 2), et celle-ci contrôle le courrier entrant et sortant (al. 3, 1re phrase). Toutefois, l’art. 235 al. 4 CPP dispose que le prévenu en détention peut communiquer librement avec son défenseur et sans que le contenu de leurs échanges soit contrôlé ; s’il existe un risque fondé d’abus, la direction de la procédure peut, avec l’accord du tribunal des mesures de contrainte, limiter temporairement les relations du prévenu avec son défenseur; elle les en informe préalablement. Le droit du prévenu de communiquer sans surveillance avec son défenseur figure parmi les exigences élémentaires du procès équitable dans une société démocratique et découle de l'art. 6 ch. 3 let. c CEDH (ATF 121 I 164 consid. 2c et les réf. ; Härri, op. cit., n. 52 ad art. 235 CP et les références citées).
2.3 Il est incontestable que le droit du prévenu de communiquer librement avec son défenseur, sans que le contenu de leurs échanges soit contrôlé, est une règle de validité (cf. consid. 2.1 supra), de sorte que les preuves qui ont été administrées en violation de ce droit par les autorités pénales ne sont pas exploitables, à moins que leur exploitation soit indispensable pour élucider des infractions graves (art. 141 al. 2 CPP).
2.4 En l’espèce, il est établi que le Ministère public a lu deux lettres que le recourant avait placées dans une enveloppe expressément adressée à son défenseur d'office, l’une d’elles étant destinée directement à son avocate et l'autre à son amie, F.__. Un tel procédé contrevient à l’évidence à l’art. 235 al. 4 CPP et entraîne l’inexploitabilité de la preuve ainsi obtenue, à savoir de la lettre adressée par le recourant à F.__ dont une copie a été versée au dossier sous pièce 86. Les explications données à ce propos par la procureure, si elles permettent de comprendre pourquoi celle-ci a pris connaissance du contenu du pli non scellé contenant la lettre litigieuse, ne sauraient remettre en cause le caractère inexploitable de ce document, au sens de l’art. 141 al. 2 CPP, dans la mesure où il n’est pas prétendu qu’il s’agisse d’une preuve dont l’exploitation serait indispensable pour élucider des infractions graves.
En effet, cette lettre a été retournée au prévenu – conformément à la pratique qui veut que le courrier qui est censuré doit être bloqué par la direction de la procédure, laquelle peut ensuite le retourner à l'expéditeur ou le verser au dossier, accompagné ou non d'un avis, mais doit dans tous les cas en conserver une copie pour appuyer la décision de censure (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 19 ad art. 235 CPP et les références citées) – au motif qu’à la fin de celle-ci, le prévenu invitait sa compagne à entreprendre une démarche en lien avec l'enquête qui n'était pas exprimée clairement. On constate à la lecture de la pièce 86 que l’allusion à cette démarche tient en une seule phrase, au dernier paragraphe de la lettre litigieuse, qui est la suivante : « Et il faudra aussi aller faire la promesse a la police que tu m'avait dit à mon sujet BB ». Or, on ne voit pas en quoi l’exploitation de cet élément serait indispensable pour élucider une infraction grave ; la procureure ne le prétend d’ailleurs pas, puisqu’elle allègue uniquement la nécessité de prévenir le risque de collusion.
2.5 Il résulte de ce qui précède que la pièce 86, qui est inexploitable, doit, conformément à l’art. 141 al. 5 CPP, être retirée du dossier, conservée à part jusqu’à la clôture définitive de la procédure, puis être détruite.
3. En définitive, le recours doit être admis et l’ordonnance attaquée réformée dans le sens des considérants qui précèdent (cf. consid. 2.5 supra).
Les frais de la procédure de recours, constitués en l’espèce de l’émolument d'arrêt, par 770 fr. (art. 20 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]) et des frais imputables à la défense d’office (art. 422 al. 1 et 2 let. a CPP), fixés à 540 fr., plus la TVA par 41 fr. 60, soit un total de 581 fr. 60, seront laissés à la charge de l’Etat (art. 423 al. 1 CPP).
Par ces motifs,
la Chambre des recours pénale
prononce :
I. Le recours est admis.
II. L’ordonnance du 6 mars 2018 est réformée en ce sens que la copie de la lettre non datée que U.__ entendait adresser à F.__ et qui a été versée au dossier sous pièce 86 est retirée du dossier pénal pour être conservée à part jusqu’à la clôture définitive de la procédure, puis sera détruite.
III. L’indemnité allouée au défenseur d’office de U.__ est fixée à 581 fr. 60 (cinq cent huitante et un francs et soixante centimes).
IV. Les frais d’arrêt, par 770 fr. (sept cent septante francs), ainsi que l’indemnité due au défenseur d’office de U.__, par 581 fr. 60 (cinq cent huitante et un francs et soixante centimes), sont laissés à la charge de l’Etat.
V. L’arrêt est exécutoire.
Le président : Le greffier :
Du
Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à :
- Me Anna Zangger, avocate (pour U.__),
- Me Coralie Germond, avocate (pour X.__),
- Me Stève Kalbermatten, avocat (pour N.__),
- Me Céline Jarry-Lacombe, avocate (pour P.__),
- Ministère public central,
et communiqué à :
- Mme la Procureure de l’arrondissement de Lausanne,
par l’envoi de photocopies.
Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral – RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF).
En vertu de l’art. 135 al. 3 let. b CPP, le présent arrêt peut, en tant qu'il concerne l’indemnité d’office, faire l’objet d’un recours au sens des art. 393 ss CPP devant le Tribunal pénal fédéral (art. 37 al. 1 et 39 al. 1 LOAP [Loi fédérale du 19 mars 2010 sur l’organisation des autorités fédérales; RS 173.71]. Ce recours doit être déposé devant le Tribunal pénal fédéral dans un délai de dix jours dès la notification de l’arrêt attaqué (art. 396 al. 1 CPP).
Le greffier :
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