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Urteil Kantonsgericht (VD)

Zusammenfassung des Urteils Entscheid/2018/1028: Kantonsgericht

Die Chambre des recours pénale hat am 12. Dezember 2018 über Rechtsmittel von A.X.________, E.X.________ und I.X.________ entschieden, die sich gegen Ablehnungen der unentgeltlichen Rechtspflege für die beschwerdeführende Partei und gegen den Antrag auf Exhumierung vom 10. und 14. September 2018 durch die Staatsanwaltschaft des Bezirks Lausanne im Fall Nr. PE18.013807-ERY richteten. Es handelt sich um den Tod eines 21-jährigen Mannes, der am 14. Juli 2018 von einem Gebäudedach sprang und auf ein geparktes Auto fiel. Es wird festgestellt, dass die Rechtsmittel abgelehnt werden, da die Erfolgsaussichten gering erscheinen. Der Richter entscheidet, dass die Gerichtskosten von 1'430 CHF von den Beschwerdeführern getragen werden.

Urteilsdetails des Kantongerichts Entscheid/2018/1028

Kanton:VD
Fallnummer:Entscheid/2018/1028
Instanz:Kantonsgericht
Abteilung:Chambre des recours pénale
Kantonsgericht Entscheid Entscheid/2018/1028 vom 12.12.2018 (VD)
Datum:12.12.2018
Rechtskraft:-
Leitsatz/Stichwort:-
Schlagwörter : éfunt; Assistance; écision; énale; Exhumation; état; établi; Instruction; él égligence; Action; écès; étant; égal; ègle; éventuel; égale; éléments; éder; établir; Enquête; étentions; ésignation; éterminer
Rechtsnorm:Art. 132 StPo;Art. 136 StPo;Art. 139 StPo;Art. 254 StPo;Art. 382 StPo;Art. 385 StPo;Art. 390 StPo;Art. 393 StPo;Art. 393s StPo;Art. 394 StPo;Art. 396 StPo;Art. 6 StPo;
Referenz BGE:-
Kommentar:
Schweizer, Zürich, Basel, Genf, Art. 30 BV, 2002

Entscheid des Kantongerichts Entscheid/2018/1028



TRIBUNAL CANTONAL

968

PE18.013807-ERY



CHAMBRE DES RECOURS PENALE

__

Arrêt du 12 décembre 2018

__

Composition : M. Meylan, président

M. Krieger et Mme Byrde, juges

Greffière : Mme Vuagniaux

*****

Art. 136 et 254 CPP

Statuant sur les recours interjetés les 18 et 24 septembre 2018 par A.X.__, E.X.__ et I.X.__, contre les ordonnances de refus de l'assistance judiciaire gratuite pour la partie plaignante et de refus de requête d'exhumation rendues respectivement les 10 et 14 septembre 2018 par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, dans la cause no PE18.013807-ERY, la Chambre des recours pénale considère :

En fait :

A. Le 14 juillet 2018, O.X.__, âgé de 21 ans, s'est jeté du toit de [...]. Tombé sur une voiture en stationnement, il est décédé sur le coup. Une intervention directe d’un tiers a pu être exclue. Le jeune homme résidait depuis environ deux ans, sur une base volontaire, au foyer S.__, à Yverdon-les-Bains.

Le corps a été acheminé au Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML) pour un examen externe. Vu l'absence d'éléments impliquant l'intervention d'un tiers, le corps n'a pas été autopsié et rendu à sa famille. Le défunt a été inhumé en [...].

Le 19 août 2018, la mère du défunt, A.X.__, a émis des soupçons quant à une responsabilité de la directrice et du médecin référent du foyer concernant la mort de son fils.

Par mandat du 20 août 2018, le procureur a chargé la police de procéder à l'audition de la directrice du foyer S.__ en vue d'établir l'évolution d'O.X.__ depuis son arrivée au foyer, l'état dans lequel il se trouvait les jours précédant son décès et les éventuelles mesures prises à son sujet, de déterminer, sur la base des déclarations de la directrice, l'identité de toute personne pouvant apporter des informations sur les questions précitées et utiles à l'enquête, ainsi que de procéder à l'audition de toute personne pouvant apporter des éléments utiles à l'enquête quant à l'état dans lequel se trouvait O.X.__ les jours précédant son décès et les éventuelles mesures prises à son sujet.

Le 27 août 2018, A.X.__ et la sœur du défunt, E.X.__, ont déposé plainte pénale contre inconnu pour homicide par négligence, pour le cas où l'enquête devait révéler un défaut de mesures de surveillance adéquates. I.X.__, père du défunt, a également déposé plainte le 30 août 2018. Les parties plaignantes ont indiqué qu'elles chiffreraient ultérieurement leurs prétentions civiles en réparation du tort moral et en indemnisation des frais consécutifs au décès d'O.X.__. Elles ont en outre demandé à être mises au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite.

Le 5 septembre 2018, les plaignants ont sollicité la production du dossier médical du défunt, de son dossier auprès du foyer S.__, de son téléphone portable et de son agenda. Ils ont également demandé leur propre audition et celle de neuf personnes à titre de témoins, ainsi que la mise en œuvre d'une analyse toxicologique des prélèvements effectués sur le corps du défunt afin de savoir si celui-ci était sous l'influence de médicaments lorsqu'il s'est suicidé.

Le 11 septembre 2018, le procureur a informé la famille X.__ qu'aucun matériel biologique n'avait été prélevé sur le corps du défunt et qu'il n'entendait pas ordonner l'exhumation à cet effet.

B. Par décision du 10 septembre 2018, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a refusé l'octroi de l'assistance judiciaire et la désignation d'un conseil juridique gratuit aux plaignants, au motif que leurs prétentions civiles semblaient vouées à l'échec. En effet, toute intervention de tiers pouvait être exclue en l'état et le foyer S.__ était un établissement ouvert, ce qui permettait à O.X.__ d'aller et venir librement.

Par décision du 14 septembre 2018, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a rejeté la requête des plaignants tendant à l'exhumation du corps de feu O.X.__, au motif que même s'il était établi que le personnel du foyer S.__ avait administré au défunt une quelconque substance contre-indiquée, cela ne permettrait de toute manière pas d'établir un lien de causalité entre l'ingestion de cette substance et le suicide.

C. Par acte du 18 septembre 2018, A.X.__, E.X.__ et I.X.__ ont recouru contre la décision de refus d'assistance judiciaire gratuite du 10 septembre 2018, en concluant, avec suite de frais et dépens, préalablement à ce que le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite leur soit octroyé pour la procédure de recours, Me Arnaud Thièry étant désigné en qualité de conseil juridique gratuit, principalement à ce que l'assistance judiciaire gratuite leur soit octroyée dans la procédure pénale PE18.013807, Me Arnaud Thièry étant désigné en qualité de conseil juridique gratuit, subsidiairement à l'annulation de la décision querellée, le dossier étant renvoyé au ministère public pour complément d'instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.

Par acte du 24 septembre 2018, A.X.__, E.X.__ et I.X.__ ont recouru contre la décision de refus de requête d'exhumation du 14 septembre 2018, en concluant, avec suite de frais et dépens, préalablement à ce que le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite leur soit octroyé pour la procédure de recours, Me Arnaud Thièry étant désigné en qualité de conseil juridique gratuit, principalement à la réforme de la décision querellée en ce sens que l'exhumation du corps de feu O.X.__ soit ordonnée et qu'une analyse soit effectuée par le CURML en vue de déterminer si des traces de médicaments ou de toute autre substance (alcool, toxiques, etc.) sont présentes dans le corps du défunt, subsidiairement à l'annulation de la décision attaquée, le dossier étant renvoyé au ministère public pour complément d'instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.

En droit :

1. Il convient tout d'abord de relever que les seuls éléments recueillis au moment où les décisions litigieuses ont été rendues résultent du procès-verbal des opérations. Le 14 juillet 2018, l'inspecteur [...] a informé le procureur que les faits étaient clairs et qu'il s'agissait d'un suicide, qu'un peu de sang et un couteau avaient été retrouvés dans la salle de bains du défunt, ce qui laissait penser qu'il aurait essayé de se couper les veines avant de quitter le foyer, qu'il n'y avait pas de traces de lutte dans la chambre du défunt, que les éducateurs n'avaient pas signalé de bruits de bagarre et que les membres du foyer avaient expliqué que le défunt avait un moral en dents de scie. Le 18 juillet 2018, une personne de l'équipe de soutien psychologique de l'Eglise évangélique réformée du canton de Vaud a informé le procureur qu'elle avait rencontré la famille du défunt et que celle-ci lui avait demandé de transmettre au procureur l'information selon laquelle le « foyer » lui aurait dit que le défunt se droguait, ce qui les avait surpris. Enfin, le 13 septembre 2018, la Dresse [...], du CURML, a informé le procureur que la sœur du défunt lui avait téléphoné afin de se renseigner au sujet d'une éventuelle exhumation du cadavre et qu'elle lui avait répondu que même si une substance inhabituelle était découverte dans l'organisme du défunt, cela ne permettrait de toute manière pas d'établir un lien de causalité entre la prise de cette substance et l'acte fatal.

Décision de refus d'assistance judiciaire gratuite du 10 septembre 2018

2. Interjeté dans le délai légal (art. 396 al. 1 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0]) contre une ordonnance du ministère public rejetant la requête d’assistance judiciaire et de désignation d'un conseil juridique gratuit (art. 393 al. 1 let. a CPP ; CREP 13 février 2017/111 ; CREP 19 juillet 2016/388), par des parties qui ont qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP) et dans les formes prescrites (art. 385 al. 1 CPP), le recours est recevable.

3.

3.1 Les recourants ne contestent pas que le défunt se soit suicidé et que personne ne l'ait poussé du toit du bâtiment. Ils soutiennent en revanche que la responsabilité pénale d'un tiers pourrait être engagée quant à l'infraction d'homicide par négligence, la première question à résoudre étant celle de savoir dans quel état de santé se trouvait le défunt les jours précédant son décès, s'il disposait de sa pleine ou partielle capacité de discernement au moment de son suicide et si des mesures avaient été prises pour prévenir un risque suicidaire qui aurait été identifié. Les recourants font valoir que le procureur ne peut pas retenir que leurs conclusions civiles sont vouées à l'échec, dès lors que l'instruction est toujours en cours et que l'assistance d'un avocat est nécessaire au vu des formes juridiques complexes qui peuvent intervenir dans le cas d'un suicide (devoir de diligence du personnel soignant et position de garant du foyer et de son personnel notamment). La condition de l'indigence étant en outre réalisée, les recourants considèrent qu'ils ont droit à l'assistance judiciaire gratuite.

3.2

3.2.1 Selon l’art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). Selon l'alinéa 2 de cette disposition, l'assistance judiciaire comprend : l'exonération d'avances de frais et de sûretés (let. a), l'exonération des frais de procédure (let. b) et la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante l'exige (let. c).

Cette norme reprend ainsi les trois conditions cumulatives découlant de l'art. 29 al. 3 Cst., à savoir l'indigence, les chances de succès et le besoin d'être assisté (TF 1B_151/2016 du 1er juin 2016 consid. 2.2). Le législateur a sciemment limité l'octroi de l'assistance judiciaire aux cas où le plaignant peut faire valoir des prétentions civiles (TF 1B_151/2016 précité). Il a ainsi tenu compte du fait que le monopole de la justice répressive est par principe exercé par l'Etat, de sorte que l'assistance judiciaire de la partie plaignante se justifie en priorité pour que celle-ci puisse défendre ses conclusions civiles (cf. Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 p. 1160 ; TF 1B_314/2016 du 28 septembre 2016 consid. 2.1). L'art. 136 al. 1 CPP n'exclut cependant pas que le conseil juridique assistant le plaignant au bénéfice de l'assistance judiciaire puisse intervenir, déjà au stade de l'instruction préliminaire, également sur les aspects pénaux qui peuvent avoir une influence sur le principe et la quotité des prétentions civiles (TF 1B_151/2016 précité ; TF 6B_458/2015 du 16 décembre 2015 consid. 4.3.3 et les références citées).

Les chances de succès de l'action civile doivent être examinées par l'autorité compétente lors du dépôt de la demande d'assistance judiciaire (Harari/Corminboeuf, Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 32 ad art. 136 CPP). D'après la jurisprudence, un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter. Il ne l'est en revanche pas lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près, ou que les premières ne sont que légèrement inférieures aux secondes. L'élément déterminant réside dans le fait que l'indigent ne doit pas se lancer, parce qu'il plaide aux frais de la collectivité, dans des démarches vaines qu'une personne raisonnable n'entreprendrait pas si, disposant de moyens suffisants, elle devait les financer de ses propres deniers (TF 1B_23/2013 du 15 avril 2013 consid. 2.1).

S’agissant de la désignation d’un conseil juridique gratuit, l’art. 136 al. 2 let. c CPP pose, en plus des exigences de l’indigence et des chances de succès de l’action civile, l’exigence supplémentaire que l’assistance d’un avocat se révèle nécessaire à la défense des intérêts de la partie plaignante. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que la partie plaignante ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. Il faut tenir compte notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause en fait et en droit, des circonstances personnelles du demandeur, de ses connaissances linguistiques, de son âge, de sa situation sociale et de son état de santé (ATF 123 I 145 consid. 2b/cc et 3a/bb ; TF 1B_151/2016 du 1er juin 2016 consid. 2.3 ; TF 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.2 ; TF 6B_122/2013 du 11 juillet 2013 consid. 4.1.2). Le fait que la partie adverse soit assistée d’un avocat peut également devoir être pris en considération (Harari/Corminboeuf, op. cit., n. 64 ad art. 136 CPP).

3.2.2 Aux termes de l'art. 117 CP, celui qui, par négligence, aura causé la mort d'une personne sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Une condamnation pour homicide par négligence au sens de l'art. 117 CP suppose la réalisation de trois éléments constitutifs, à savoir le décès d'une personne, une négligence, ainsi qu'un rapport de causalité naturelle et adéquate entre les deux premiers éléments (ATF 122 IV 145 consid. 3 ; TF 6B_704/2018 du 2 novembre 2018 consid. 4.1).

Il faut tout d'abord que l'auteur ait, d'une part, violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d'autre part, il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir. Pour déterminer concrètement les devoirs découlant de l'obligation de diligence, le juge peut se référer à des dispositions légales ou réglementaires régissant l'activité en cause, à des règles émanant d'associations privées ou semi-publiques reconnues ou encore se fonder sur les principes généraux ou une expertise (ATF 143 IV 138 consid. 2.1 ; ATF 135 IV 56 consid. 2.1 ; TF 6B_704/2018 du 2 novembre 2018 consid. 4.1). L'auteur viole les règles de la prudence s'il omet, alors qu'il occupe une position de garant (art. 11 al. 2 et 3 CP ; sur cette notion, cf. ATF 141 IV 249 consid. 1.1) et que le risque dont il doit empêcher la réalisation vient à dépasser la limite de l'admissible, d'accomplir une action dont il devrait se rendre compte, de par ses connaissances et aptitudes personnelles, qu'elle était nécessaire pour éviter un dommage. S'il y a eu violation des règles de la prudence, encore faut-il que celle-ci puisse être imputée à faute, c'est-à-dire que l'on puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, d'avoir fait preuve d'un manque d'effort blâmable (ATF 134 IV 255 consid. 4.2.3 ; TF 6B_704/2018 du 2 novembre 2018 consid. 4.1). Il faut ensuite qu'il existe un rapport de causalité entre la violation fautive du devoir de prudence et le décès de la victime. En cas de violation du devoir de prudence par omission, il faut procéder par hypothèse et se demander si l'accomplissement de l'acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s'est produit, pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée. Pour l'analyse des conséquences de l'acte supposé, il faut appliquer les concepts généraux de la causalité naturelle et de la causalité adéquate (ATF 134 IV 255 consid. 4.4.1 ; TF 6B_704/2018 du 2 novembre 2018 consid. 4.1).

3.3 En l'espèce, l'indigence de la famille X.__ n'est pas contestable, pas plus que ne l'est la complexité de l'infraction d'homicide par négligence invoquée. Il est vrai aussi qu'il ne résulte pas du procès-verbal que la police aurait débuté les auditions comme demandé par le procureur par mandat du 20 août 2018. Cela ne signifie toutefois pas que les plaignants ont droit à l'assistance judiciaire gratuite à ce stade de la procédure. En effet, on ne peut que constater que les prétentions civiles des recourants sont théoriques, puisqu'aucun élément au dossier ne met en lumière le moindre début de soupçon de responsabilité d'un tiers. Le simple fait que le défunt résidait dans un foyer pour personnes présentant des difficultés psychosociales, sur un mode volontaire et sans surveillance imposée, ne suffit pas pour retenir d'emblée qu'il y aurait une position de garant des responsables du foyer, et au surplus, une violation des règles de prudence par omission, d’une part, et une omission fautive, d’autre part.

Le 27 août 2018, par l'intermédiaire de leur avocat, les recourants ont sollicité leur propre audition et les mesures d'instruction nécessaires afin de savoir dans quel état se trouvait le défunt les jours précédant son décès et si des mesures appropriées avaient été prises en lien avec un éventuel état de santé altéré. Or, force est de reconnaître que toute personne aisée et raisonnable n'aurait pas mandaté un avocat à ses propres frais pour solliciter ces mesures d'instruction, mais les aurait demandées elle-même auprès du procureur. C'est d'ailleurs exactement ce que la mère du défunt a fait en envoyant deux courriels au procureur avant de mandater son avocat : le premier, daté du 19 août 2018, dans lequel elle exposait ses soupçons et auquel le procureur a fait droit en répondant qu'il avait sollicité de la police des auditions et des recherches complémentaires conformément aux remarques formulées ; le second, daté du 21 août 2018, dans lequel elle posait trois questions concernant l'enquête et auquel le procureur a répondu que les courriels n'étaient pas un moyen de communiquer et qu'elle devait faire la même demande par courrier (cf. fourre « pièces de forme »). De plus, c'est aussi ce qu'a fait la sœur du défunt en téléphonant au CURML le 13 septembre 2018 afin de savoir si une exhumation du corps était possible.

A cela s'ajoute que les deux conditions de l'action civile qui ne paraît pas vouée à l'échec et de la nécessité d'un avocat pour la défense des intérêts de la partie plaignante ne pouvaient pas être examinées au moment où la requête d'assistance judiciaire gratuite a été déposée le 27 août 2018, puisqu'il n'existait à ce moment-là aucune prévention à l'égard d'un éventuel auteur d'homicide par négligence. Les plaignants ne pouvaient donc manifestement pas bénéficier de l'assistance judiciaire gratuite à ce stade de la procédure. Ce n'est que le résultat des auditions sollicitées qui déterminera si des recherches complémentaires doivent être exécutées ou pas. Dans l'affirmative, il faudra requérir la production du dossier médical du défunt et établir un tableau de sa situation personnelle, soit notamment éclaircir les raisons pour lesquelles il se trouvait au foyer S.__ et si un risque élevé de suicide était connu par des tiers ou pas.

4. La requête tendant à l’octroi de l’assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours, respectivement à la désignation d’un conseil juridique gratuit, doit être rejetée, le recours paraissant d'emblée dénué de chances de succès (CREP 23 mars 2017/190 ; CREP 22 septembre 2016/484 ; Ruckstuhl, Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2e éd., Bâle 2014, n. 10 ad art. 132 CPP).

Décision de refus de requête d'exhumation du 14 septembre 2018

5.

5.1 Les plaignants considèrent que le recours contre la décision de refus d'exhumation est recevable. En effet, dans la mesure où la fiabilité des analyses toxicologiques du corps du défunt va diminuer avec le temps, la requête d'exhumation ne pourra pas être réitérée ultérieurement sans préjudice juridique au sens de l'art. 394 let. b CPP.

5.2 Aux termes de l’art. 393 al. 1 let. a CPP, le recours est recevable contre les décisions et les actes de procédure du ministère public. Ainsi, la décision du ministère public d'administrer ou de refuser d'administrer une preuve au sens des art. 139 ss CPP peut en principe faire l’objet d’un recours selon les art. 393 ss CPP (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire, Code de procédure pénale, 2e éd., Bâle 2016, n. 12 ad art. 393 CPP ; Keller, Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, 2e éd., 2014, n. 16 ad art. 393 CPP ; CREP 27 juillet 2015/500 ; CREP 30 mai 2014/376). Par souci d’économie, l'art. 394 let. b CPP déroge toutefois à ce principe (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 7 ad art. 394 CPP) en disposant que le recours est irrecevable lorsque le ministère public ou l'autorité pénale compétente en matière de contraventions rejette une réquisition de preuves qui peut être réitérée sans préjudice juridique devant le tribunal de première instance.

Les décisions relatives à l'administration des preuves ne sont en principe pas de nature à causer un dommage juridique irréparable (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATF 134 III 188 consid. 2.3 ; ATF 133 IV 139 consid. 4 ; TF 1B_688/2011 du 14 mars 2012). Cette règle comporte toutefois des exceptions, notamment lorsque le refus porte sur des moyens de preuve qui risquent de disparaître et qui visent des faits décisifs non encore élucidés (ATF 133 IV 335 consid. 4 ; ATF 101 Ia 161 ; ATF 98 Ib 282 consid. 4 ; TF 1B_688/2011 du 14 mars 2012 et les réf. citées).

5.3 En l'espèce, l'avis de doctrine selon lequel « la décision portant sur une exhumation est sujette à recours », auquel les recourants se réfèrent (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 7 ad art. 254 CPP, qui renvoie à l'article de Coquoz, Les recours pendant la procédure préliminaire, in RPS 2010, pp. 353 ss, spéc. p. 369), n'est pas applicable, puisqu'il ne concerne pas un recours contre une décision de refus d'exhumation, mais un recours contre une décision du ministère public ordonnant une exhumation, qui dans un tel cas est évidemment recevable.

L'examen toxicologique d'un cadavre pourrait effectivement être rendu plus difficile au fur et à mesure que le temps passe, rendant possible la disparition du moyen ou tout au moins rendant l'exploitation du moyen de preuve plus difficile (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 9 ad art. 394 CPP, qui relève notamment que la simple crainte de l'écoulement du temps ne suffit pas à justifier un tel préjudice juridique), mais il est douteux qu'un recours contre une décision du ministère public refusant une exhumation soit recevable. Cette question peut toutefois demeurer ouverte, dès lors que le recours doit être rejeté pour les motifs qui suivent.

6.

6.1 Les recourants soutiennent que la question qui se pose est celle de savoir si la capacité de discernement du défunt était altérée au moment de son suicide, ce qui pourrait être le cas si celui-ci avait ingéré une quantité importante de médicaments, prescrits ou non, ou d'autres substances (alcool, psychotropes, etc.) qui, par leur composition et/ou leur dosage, auraient été le déclencheur du geste fatal. Dans la mesure où il s'agit d'un acte d'enquête parmi d'autres, qui s'inscrit dans la perspective d'établir s'il y a eu la violation d'un devoir de prudence de la part de la direction du foyer, en particulier d'un devoir de prendre des mesures de protection appropriées à l'égard d'un résident souffrant de troubles psychiatriques, les recourants considèrent qu'il se justifie d'ordonner l'exhumation du corps d'O.X.__ afin de procéder à des examens toxicologiques. Ils ajoutent que l'enquête devra aussi déterminer si une éventuelle médication a été faite contre la volonté du défunt. Les recourants font ainsi allusion non seulement à l'infraction d'homicide par négligence, mais aussi à celles d'exposition et d'incitation et assistance au suicide.

6.2

6.2.1 Selon l'art. 139 al. 1 CPP, conformément au principe de la maxime de l’instruction (art. 6 CPP), les autorités pénales mettent en œuvre tous les moyens de preuve licites qui, selon l'état des connaissances scientifiques et l'expérience, sont propres à établir la vérité (al. 1). Il n’y a pas lieu d’administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l’autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés (al. 2).

Le législateur a ainsi consacré le droit des autorités pénales de procéder à une appréciation anticipée des preuves. Le magistrat peut renoncer à l'administration de certaines preuves, notamment lorsque les faits dont les parties veulent rapporter l'authenticité ne sont pas importants pour la solution du litige ou s’il parvient sans arbitraire à la constatation, sur la base des éléments déjà recueillis, que l’administration de la preuve sollicitée ne peut plus modifier sa conviction. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (TF 6B_593/2016 du 27 avril 2017 consid. 5 ; TF 6B_598/2013 du 5 septembre 2013 consid. 3.1 ; ATF 136 I 229 consid. 5.3 ; Bénédict/Treccani, Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 23 ad art. 139 CPP).

6.2.2 Il convient de n'ordonner une exhumation qu'avec la plus grande retenue et lorsque cette mesure apparaît comme absolument indispensable. Cette mesure ne sera de plus ordonnée que pour l'élucidation de crimes graves, en général des meurtres ou des assassinats (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 3 ad art. 254 CPP ; Schmid/Jositsch, Praxiskommentar, Schweizerische Strafprozess-
ordnung, 3e éd., 2018, n. 1 ad art. 254 CPP).

6.3 En l'espèce, la condition de l'élucidation d'un crime grave, tels un meurtre ou un assassinat, n'est d'ores et déjà pas réalisée. De plus, la mesure d'instruction requise n'est justifiée par aucun élément du dossier, puisque les recourants se bornent en l'état à spéculer sur les raisons qui auraient poussé la jeune victime à se suicider. En outre, comme l'a expliqué le médecin légiste à la sœur du défunt, même si une substance quelconque était retrouvée dans le corps de celui-ci, il n'est de loin pas sûr qu'un lien de causalité serait établi entre la prise de cette substance – volontaire ou pas – et l'acte fatal. Au demeurant, dans l’affirmative, encore faudrait-il, pour incriminer l’omission d’un éventuel tiers garant, que la prise de cette substance eût pu être reconnue par celui-ci. Enfin, il y a lieu de relever que le corps du jeune homme a été enterré en [...], ce qui rend une telle mesure d'instruction quasiment impossible au vu des différences culturelles et juridiques face à une telle pratique. Le refus de la requête d'exhumation doit par conséquent être confirmé.

7. La requête tendant à l’octroi de l’assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours, respectivement à la désignation d’un conseil juridique gratuit, doit être rejetée, le recours paraissant d'emblée dénué de chances de succès (CREP 23 mars 2017/190 ; CREP 22 septembre 2016/484 ; Ruckstuhl, Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2e éd., Bâle 2014, n. 10 ad art. 132 CPP).

8. En définitive, les recours, manifestement mal fondés, doivent être rejetés sans échange d'écritures (art. 390 al. 2 CPP), dans la mesure où ils sont recevables. Les ordonnances des 10 et 14 septembre 2018 sont confirmées.

Les frais de la procédure de recours, par 1'430 fr. (art. 20 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), seront mis à la charge des recourants, qui succombent (art. 428 al. 1 CPP), solidairement entre eux.

Par ces motifs,

la Chambre des recours pénale

prononce :

I. Les recours sont rejetés dans la mesure où ils sont recevables.

II. La décision du 10 septembre 2018 est confirmée.

III. La décision du 14 septembre 2018 est confirmée.

IV. Les requêtes d'assistance judiciaire pour la procédure de recours sont rejetées.

V. Les frais de la procédure de recours, par 1'430 fr. (mille quatre cent trente francs), sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.

VI. L’arrêt est exécutoire.

Le président : La greffière :

Du

Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à :

- Me Arnaud Thièry, avocat (pour A.X.__, E.X.__ et I.X.__,

- Ministère public central,

et communiqué à :

- M. le Procureur de l'arrondissement de Lausanne,

par l’envoi de photocopies.

Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF).

La greffière :

Quelle: https://www.findinfo-tc.vd.ch/justice/findinfo-pub/internet/SimpleSearch.action

Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.

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