Kanton: | VD |
Fallnummer: | 2024/780 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: |
Datum: | 26.09.2024 |
Rechtskraft: |
Leitsatz/Stichwort: | |
Zusammenfassung : | Der Text handelt von einem Versicherungsfall, bei dem ein Mann namens W.________ nach einem Arbeitsunfall eine Verletzung an der rechten Schulter erlitten hat. Nach verschiedenen medizinischen Untersuchungen und Behandlungen wurde ihm von der Versicherung eine volle Arbeitsfähigkeit attestiert, was dazu führte, dass ihm Leistungen verweigert wurden. W.________ legte daraufhin Widerspruch ein und forderte eine Invalidenrente, medizinische Behandlung und eine Entschädigung für die Beeinträchtigung seiner körperlichen Unversehrtheit. Die Versicherung lehnte dies ab, woraufhin W.________ vor Gericht zog. In der Verhandlung wurde festgestellt, dass die Versicherung im Recht war und die Entscheidung bestätigt wurde. Der Richter lehnte zusätzliche medizinische Gutachten ab und entschied zugunsten der Versicherung. |
Schlagwörter : | épaule; ’assuré; était; ’épaule; édical; édecin; -claviculaire; égrité; érieur; ’intégrité; ’accident; ’il; Assurance; ’est; édecins; ’assurance; ’activité; écision; édicale; ’atteinte; Accidents; état; écessitant; épaules |
Rechtsnorm: | Art. 1 UVG; Art. 100 BGG; Art. 18 UVG; Art. 19 UVG; Art. 24 UVG; Art. 25 UVG; Art. 6 UVG; Art. 6 SchKG; Art. 60 SchKG; Art. 7 SchKG; Art. 8 SchKG; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: |
TRIBUNAL CANTONAL | AA 104/23 - 102/2024 ZA23.045485 |
COUR DES ASSURANCES SOCIALES
_______________________
Arrêt du 26 septembre 2024
__________
Composition : M. Wiedler, président
Mmes Durussel et Livet, juges
Greffier : M. Germond
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Cause pendante entre :
W.____, à [...] (VD), recourant, représenté par Me Jean-Michel Duc, avocat à Lausanne, |
et
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, à Lucerne, intimée. |
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Art. 61 let. c LPGA ; 6, 18 s. et 24 s. LAA ; 36 OLAA
E n f a i t :
A. a) W.____ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en [...], travaillait en 2021 comme chauffeur poids lourds au service de la société A.____ Placement SA à [...] (contrat de mission). A ce titre, il était assuré contre le risque d’accidents auprès de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la CNA ou l’intimée).
b) Le 17 août 2021, l’assuré a subi un accident de la route alors qu’il circulait au volant d’un camion dans le cadre de l’accomplissement de son travail (rapport de police du 23 octobre 2021). Blessé à l’épaule droite, celui-ci avait interrompu son travail le même jour (déclarations de sinistre LAA des 19 août et 3 novembre 2021).
La CNA a pris cet accident en charge.
Un rapport du 2 septembre 2021 d’IRM de l’épaule droite réalisée le jour précédent a mis en évidence chez l’assuré une disjonction acromio-claviculaire de type Rockwood III, un os acromial, une tendinopathie insertionnelle du sus-épineux avec déchirure intrinsèque et une bursite sous-acromiale. Une luxation gléno-humérale était exclue et il n’y avait pas de nette déchirure du labrum.
Dans un rapport du 9 septembre 2021, le Dr E.____, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, a posé le diagnostic d’entorse acromio-claviculaire droite de grade II, post-traumatique, le 17 août 2021, et celui secondaire de lésion partielle du tendon du supra-épineux gauche avec lésion du labrum postérieur, post-traumatique en 2016. Le traitement était conservateur avec si nécessaire, la prescription ultérieure de la physiothérapie.
Le 10 janvier 2022, l’assuré a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité auprès de l’Office de l’assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après : l’OAI) pour les suites de l’accident subi le 17 août 2021 et a bénéficié de l’octroi d’une mesure d’intervention précoce sous forme de trois modules externalisés auprès de [...] à [...], du 21 mars au 9 septembre 2022.
A côté de la physiothérapie prescrite, l’évolution était marquée par des douleurs sous contrôle au repos et une récupération fonctionnelle complète. Il persistait des douleurs à l’effort qui s’opposaient à la reprise par l’assuré de son activité professionnelle habituelle. Au vu des séquelles persistantes à l’épaule droite, l’exercice d’une activité lucrative sans effort et sans mobilisation répétitive de l’épaule au-dessus du buste était préférable. Une plastie ligamentaire acromio-claviculaire était décrite à « haut risque d’être au résultat décevant dans des activités avec efforts répétés », si bien qu’il convenait de privilégier la poursuite du traitement conservateur mis en place (document « premier entretien téléphonique avec l’assuré » du 21 décembre 2021 ; rapport du 3 mars 2022 du Dr E.____).
Du 26 avril au 31 mai 2022, l’assuré a séjourné auprès du Service de réadaptation de l’appareil locomoteur de la Clinique romande de réadaptation (CRR) de Sion. Le rapport de sortie faisait état des diagnostics suivants :
“DIAGNOSTIC PRINCIPAL
- Thérapies physiques et fonctionnelles pour persistance de douleurs et limitation fonctionnelle de l’épaule droite à la suite d’une entorse acromio-claviculaire le 17.08.2021
DIAGNOSTICS SECONDAIRES
- Traumatisme de l’épaule droite le 17.08.2021 :
entorse acromio-claviculaire de grade III
tendinopathie insertionnelle du supra-épineux avec déchirure intrinsèque
bursite sous-acromiale
- 18.05.2022 : infiltration acromio-claviculaire sous US
- Douleurs chroniques de l’épaule gauche
- Lésion partielle du tendon supra-épineux gauche avec lésion du labrum postérieur d’origine en 2016”.
Les limitations fonctionnelles définitives retenues étaient les suivantes : « activités nécessitant le port de charges prolongé ou répétitif supérieur à 5-10 kg ; activités nécessitant le maintien prolongé ou répétitif des membres supérieurs au-dessus du plan des épaules ou en porte-à-faux ». La situation était pratiquement stabilisée du point de vue médical et des aptitudes fonctionnelles. Hormis la poursuite d’un traitement de physiothérapie en piscine, aucune nouvelle intervention n’était proposée. Le pronostic de réinsertion de l’assuré dans son ancienne activité était défavorable alors que celui dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles précitées était favorable et devait encore être évalué aux ateliers professionnels de la CRR, avec une pleine capacité de travail attendue (rapport de sortie du 11 juillet 2022 des Drs T.____, spécialiste en médecine physique et réadaptation ainsi qu’en chirurgie orthopédique, et Q.____, médecin-assistante).
Le 11 octobre 2022, la CNA a reçu au dossier un rapport relatif à l’évaluation des capacités professionnelles de l’assuré aux ateliers professionnels de la CRR du 7 juin au 1er juillet 2022. Celui-ci s’était montré peu intéressé et peu impliqué et il avait rapidement mis un terme aux activités proposées. On extrait de ce rapport d’évaluation professionnelle, la conclusion et les propositions suivantes :
“Capacité d’intégration : Outre une nature calme, posée et très confiante, la mesure a mis en évidence les bonnes capacités intellectuelles de M. W.____ ainsi qu’un réseau bien étoffé.
M. W.____ a un discours positif vis-à-vis de son avenir professionnel et envisage diverses solutions adaptées à son état de santé.
A l’aise avec autrui, l’assuré se montre entreprenant dans les contacts qu’il réalise.
M. W.____ avance à son rythme et nous estimons qu’il saura rebondir sur le premier marché du travail au moment opportun.
Propositions d’orientation
professionnelle : Les projets mis en avant lors de la présente mesure sont les suivants :
- Domaine de la conduite : conducteur de véhicules lourds (international, camion-poubelle, évent. camion-citerne) – coursier.
- Domaine de la construction : contremaître ; des cours de français écrit préalables seront nécessaires pour l’employabilité de M. W.____ dans ce secteur, ce qui est également le cas pour l’apprentissage du programme informatique spécifique au secteur (BauBit Pro).
- Domaine de la vente : vendeur dans une station-service, en quincaillerie ; vendeur externe-commercial (plâtrerie, peinture) ; l’amélioration préalable de son niveau de français écrit sera nécessaire.
- Domaine de l’hygiène : assistant technique en stérilisation.
L’assuré aura besoin d’un soutien sous la forme d’une aide au placement pour concrétiser les discussions qu’il a déjà engagées avec certains employeurs.”
Le 7 novembre 2022, la Dre B.____, médecin praticien, médecin d’arrondissement de la CNA, a reçu l’assuré pour un examen final. Dans son rapport du même jour, elle a retenu les diagnostics suivants :
“Diagnostic
• Douleurs constantes de l’épaule D [droite] avec limitations fonctionnelles variables dans les suites d’une entorse acromio-claviculaire survenue le 17.08.2021 qui a entraîné une entorse acromio-claviculaire de grade III.
Diagnostics secondaires
- Tendinopathie insertionnelle du supra-épineux avec déchirure intrinsèque et bursite sous-acromiale.
- 18.05.2022 Infiltration acromio-claviculaire sous ultrason.
- Douleurs chroniques de l’épaule G [gauche] avec lésion partielle du tendon supra-épineux G [gauche] avec lésion du labrum postérieur d’origine traumatique anamnestique en 2016.”
Sur la base de son propre examen clinique et du dossier médical mis à sa disposition, la Dre B.____ a retenu que la situation était désormais considérée comme stabilisée sur le plan médical, malgré le souhait de l’assuré d’être opéré de son épaule droite, opération pour laquelle il lui avait été suggéré, au vu du préavis défavorable du Dr E.____, de demander un consilium au Prof. P.____, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur. Les limitations fonctionnelles définitives en raison de l’état de l’épaule droite, opérée ou pas, étaient les suivantes : « pas d’activités nécessitant le port de charges prolongé ou répété supérieures à 5-10 kg, pas d’activités nécessitant le maintien prolongé ou répété des membres supérieurs au-dessus du plan des épaules ou en porte-à-faux ». Si dans l’activité habituelle de chauffeur poids lourds ou dans une activité de plâtrier la capacité de travail de l’assuré était nulle de manière définitive, celui-ci disposait en revanche d’une capacité de travail entière dans une activité adaptée aux restrictions fonctionnelles retenues. Il convenait d’attendre l’avis médical du Prof. P.____ avant de finaliser le bilan du cas d’espèce.
Le 9 février 2023, la CNA a reçu un rapport du 7 février 2023 du DrE.____ qui a notamment annoncé une évaluation par le Prof. P.____ prévue à la fin du mois de février 2023. Au status, il était relevé une mobilisation complète et symétrique des deux épaules de l’assuré.
Dans un rapport du 24 février 2023, le Prof. P.____ n’a pas retenu d’indication à une approche chirurgicale, en raison de douleurs des deux épaules dans le cadre d’un os acromial non fusionné et d’un status après entorse acromio-claviculaire stade III à droite mais avec une incompétence partielle uniquement des ligaments coraco-claviculaires. Objectivement, la mobilité de l’épaule gauche de l’assuré était complète et un peu diminuée à droite.
Le 9 mars 2023, répondant à un questionnaire complémentaire de la CNA, la Dre B.____ a confirmé son évaluation de la capacité de travail résiduelle de l’assuré en ajoutant que l’activité de machiniste était adaptée sans des travaux lourds de chantier à effectuer. L’assuré ne présentait pas de séquelle correspondant à un taux indemnisable pour atteinte à l’intégrité au vu de la mobilité de l’épaule droite décrite comme complète et symétrique par le Dr E.____ et un peu diminuée lors de l’examen réalisé par le Prof. P.____ en lien avec les atteintes préexistantes. La poursuite des traitements en cours n’était pas nécessaire car aucun n’était susceptible d’éviter une aggravation aiguë de l’état de l’épaule droite ; l’unique mesure à prendre était le strict respect des limitations fonctionnelles retenues et l’exercice d’une activité parfaitement adaptée à celles-ci.
Le 9 mars 2023, la CNA a informé l’assuré que la lecture des examens médicaux des Drs E.____ et P.____ ne permettait pas de retenir un lien de causalité entre l’accident du 17 août 2021 et les ennuis de santé persistants et que, pour les seules suites de l’accident du 17 août 2021 qui avait touché son épaule droite, une pleine capacité lui était reconnue depuis le 1er octobre 2022. L’état de santé était stabilisé sans nécessiter aucun traitement. La CNA a dès lors fait part à l’intéressé de la fin du paiement des soins médicaux et de l’indemnité journalière au 30 septembre 2022.
Le 25 avril 2023, la Dre B.____ a répondu à un questionnaire complémentaire adressé par la CNA de la manière suivante :
“[Quelles activités et quelles tâches la personne assurée peut-elle encore exercer compte tenu de la capacité résiduelle suite aux séquelles de l’accident ?]
Au vu des précisions de l’assuré, nous pouvons retenir que l’ancienne activité de chauffeur / grutier est une activité adaptée.
En effet, selon les précisions de l’assuré en date du 17.04.2023, nous pouvons retenir que son activité habituelle était adaptée. La conduite d’un véhicule (voiture ou camion) est adaptée aux limitations fonctionnelles suivantes : pas d’activités nécessitant le port de charges non prolongé ou répété supérieures à 5-10 kg, pas d’activités nécessitant le maintien prolongé ou répété des membres supérieurs au-dessus du plan des épaules ou en porte-à-faux.
De plus, la conduite de la grue se fait depuis en bas (pas de nécessité de monter en haut de la grue dans la cabine) à l’aide de commandes. L’activité de chauffeur poids lourds avec chargement et déchargement du camion, n’est par contre pas exigible.
[Dans quelle mesure en termes de temps et de rendement, (léger/moyen/lourd) ? Veuillez décrire précisément la capacité fonctionnelle.]
La capacité de travail est donc entière et sans diminution de rendement, dans l’activité antérieure, telle que décrite par l’assuré le 17.04.2023.”
Par décision du 12 mai 2023, la CNA a refusé l’octroi d’une rente d’invalidité de l’assurance-accidents. Selon ses constatations, pour les seules suites de l’accident d’août 2021, l’assuré était à même d’exercer une activité à plein temps dans différents secteurs de l’économie, à la condition d’éviter les professions impliquant le port de charges prolongé ou répété supérieures à cinq-dix kilos, les activités nécessitant le maintien prolongé ou répété des membres supérieurs au-dessus du plan des épaules ou en porte-à-faux. Il résultait de la comparaison entre le revenu d’invalide (62’770 fr.), calculé sur la base des données statistiques de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS), niveau de compétences 1, et en tenant compte d’un abattement de 5 % pour les limitations fonctionnelles, et celui sans invalidité (66'044 fr.), une perte de gain de 5 % insuffisante pour ouvrir le droit à la rente. La CNA a également nié à l’assuré le droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité en se référant à l’appréciation médicale du 9 mars 2023 de sa médecin d’arrondissement.
Aux termes de son opposition formée le 5 juin 2023 et complétée le 20 septembre 2023 contre cette décision, l’assuré, sous la plume de Me Jean-Michel Duc, a demandé le versement d’une rente d’invalidité de l’assurance-accidents, la prise en charge du traitement médical et l’octroi d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité. Sollicitant en outre la prise en charge par la CNA d’une consultation auprès du Dr N.____, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, lequel examinerait la nécessité d’examens « plus poussés », l’assuré a produit un rapport du 28 juillet 2023 des Drs Z.____, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, et O.____, médecin praticien, de la Clinique universitaire de [...] à Zurich. Ces médecins ont retenu, à l’épaule droite, une arthropathie de l’articulation acromio-claviculaire avec une nette douleur à la pression dans la zone de l’articulation. Ils suspectaient une lésion du tendon du sus-épineux de cette épaule sans déchirure visible depuis une distorsion acromio-claviculaire le 17 août 2021 et ont recommandé la réalisation d’une infiltration thérapeutique avec, en cas de succès, une résection arthroscopique de l’articulation à discuter. Au niveau de l’épaule gauche, ils ont suspecté une bursite sous-acromiale post-traumatique, sans déchirure visible, remontant à 2016 et ont indiqué que cette affection devrait être traitée par la physiothérapie intensive. Ils ont également retenu une « Epicondylitis lateralls Ellbogen » (ou « Tennis Elbow ») droite qui devrait en principe être traitée par la physiothérapie intensive et, en cas de douleurs persistantes malgré ce traitement, ils ont préconisé d’élargir le diagnostic par IRM du coude. Ils ne se sont pas exprimés sur la capacité de travail résiduelle de l’assuré dans une activité adaptée aux restrictions physiques retenues.
Par décision sur opposition du 25 septembre 2023, la CNA a rejeté l’opposition de l’assuré et a confirmé sa décision du 12 mai 2023. Elle a retenu que le dernier rapport médical recueilli n’était pas susceptible de modifier sa position fondée sur les conclusions des autres médecins au dossier. L’octroi d’une nouvelle prolongation du délai pour permettre à l’intéressé de compléter l’opposition du 5 juin 2023 ne se justifiait pas car le dossier était déjà correctement instruit sur le plan médical, en particulier au vu d’un consilium du Prof. P.____. La CNA a ajouté que, même en retenant l’ancienne activité de chauffeur comme inadaptée, la comparaison des revenus telle qu’effectuée dans la décision attaquée aboutissait à une perte de gain insuffisante pour ouvrir le droit à une rente d’invalidité LAA. Pour le reste, la CNA n’avait aucun motif de s’écarter du rapport d’examen final de sa médecin d’arrondissement, car le recourant n’était pas en mesure d’étayer ses allégations sur la base d’une appréciation médicale contradictoire qui justifierait un nouveau calcul du taux d’atteinte à l’intégrité. La CNA s’estimait dès lors également fondée à refuser l’octroi d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité selon l’estimation du 9 mars 2023 de la Dre B.____, corroborée par le rapport contemporain du Prof. P.____ qui mettait en lien une « incompétence » uniquement pour les ligaments coraco-claviculaires et non pas les ligaments acromio-claviculaires accidentés.
B. Par acte du 24 octobre 2023, W.____, représenté par Me Jean-Michel Duc, a interjeté recours auprès de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal en concluant à la condamnation de la CNA au versement de plus amples prestations en sa faveur, à dire d’expert, et, subsidiairement, à l’annulation de la décision sur opposition précitée et au renvoi de la cause à la CNA pour instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants. En substance, il a reproché à la CNA d’avoir mal instruit son cas sur le plan médical, contestant la valeur probante des conclusions du rapport de l’examen final effectué par la Dre B.____. Ce faisant, il réfutait disposer d’une capacité de travail entière dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles retenues par l’intimée en ajoutant que ces restrictions justifiaient un abattement sur le calcul du degré d’invalidité. A titre de mesures d’instruction, il a requis l’octroi d’un délai de trois mois pour produire les résultats d’une expertise orthopédique ou neurologique et compléter son recours, alternativement la mise en œuvre d’une expertise médicale (en orthopédie, neurologie, voire radiologie) par le tribunal, et la tenue de débats publics conformément à l’art. 6 § 1 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; RS 0.101).
Par décision incidente du 6 mars 2024, le juge instructeur a informé les parties qu’il refusait de donner une suite favorable à la requête du recourant visant à obtenir une suspension de la procédure dans l’attente de l’établissement d’une expertise privée.
Dans sa réponse du 17 avril 2024, la CNA, a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision sur opposition attaquée. Elle a produit son dossier complet.
Une audience de débats publics a eu lieu ce jour à laquelle le recourant ne s’est pas présenté. Lors de l’audience, son avocat a produit un échange de courriels des 25 et 26 septembre 2024 avec l’infirmière du cabinet du Prof.[...] [...] (GE) dont il ressort que ce dernier ne « pourra pas rendre ses conclusions dans le délai imparti » ainsi qu’un rapport non daté du DrY.____, médecin traitant, posant les diagnostics d’arthropathie acromio-claviculaire de l’épaule droite, d’entorse acromio-claviculaire droite (stade III), de bursite sous-acromiale gauche post-traumatique et d’os acromial non fusionné bilatéralement en indiquant que l’accident de 2021 serait clairement la cause « directe » des douleurs actuelles à l’épaule droite et que les limitations fonctionnelles causées par cet accident rendraient « difficile une reprise complète du travail, même dans une activité adaptée ». Son avocat a ensuite plaidé pour le recourant.
E n d r o i t :
1. a) La LPGA (loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales ; RS 830.1) est, sauf dérogation expresse, applicable en matière d’assurance-accidents (art. 1 al. 1 LAA [loi fédérale du 20 mars 1981 sur l’assurance-accidents ; RS 832.20]). Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l’opposition n’est pas ouverte peuvent faire l’objet d’un recours auprès du tribunal des assurances compétent (art. 56 et 58 LPGA), dans les trente jours suivant leur notification (art. 60 al. 1 LPGA).
b) En l’occurrence, déposé en temps utile auprès du tribunal compétent (art. 93 let. a LPA-VD [loi cantonale vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative ; BLV 173.36]) et respectant les autres conditions formelles prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA notamment), le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité de l’assurance-accidents ainsi que sur le droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité des suites de l’événement du 17 août 2021.
3. a) Aux termes de l’art. 6 al. 1 LAA, si la loi n’en dispose pas autrement, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle.
b) Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose en premier lieu, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire, en revanche, que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé ; il faut et il suffit que l’événement dommageable, associé éventuellement à d’autres facteurs, ait provoqué l’atteinte à la santé physique, mentale ou psychique de l’assuré, c’est-à-dire qu’il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références citées).
c) Le droit à des prestations de l’assurance-accidents suppose en outre l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 ; TF 8C_595/2017 du 16 mai 2018 consid. 3.1 et les références citées). En matière de troubles physiques, la causalité adéquate se confond pratiquement avec la causalité naturelle (ATF 140 V 356 consid. 3.2 et la référence ; TF 8C_404/2020 du 11 juin 2021 consid. 6.2.1).
4. a) L’invalidité se définit comme l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée et qui résulte d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident (art. 8 al. 1 LPGA par renvoi de l’art. 18 al. 1 LAA). Est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (art. 7 LPGA). Quant à l’incapacité de travail, elle est définie par l’art. 6 LPGA comme toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique (première phrase). En cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de l’assuré peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité (deuxième phrase).
b) Aux termes de l’art. 18 al. 1 LAA, si l’assuré est invalide à 10 % au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d’invalidité, pour autant que l’accident soit survenu avant l’âge ordinaire de la retraite (teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2023). Le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus à attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de la personne assurée – ce par quoi il faut entendre l’amélioration ou la récupération de la capacité de travail (ATF 134 V 109 consid. 4.3 ; TF 8C_95/2021 du 27 mai 2021 consid. 3.2) – et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (art. 19 al. 1 LAA).
5. a) Pour fixer le degré d’invalidité, l’administration – en cas de recours, le juge – se fonde sur des documents médicaux, ainsi que, le cas échéant, des documents émanant d’autres spécialistes pour prendre position. La tâche du médecin consiste à évaluer l’état de santé de la personne assurée et à indiquer dans quelle mesure et dans quelles activités elle est incapable de travailler. En outre, les renseignements fournis par les médecins constituent un élément important pour apprécier la question de savoir quelle activité peut encore être raisonnablement exigée de la part de la personne assurée (ATF 132 V 93 consid. 4 et les références citées ; TF 8C_160/2016 du 2 mars 2017 consid. 4.1 ; TF 8C_862/2008 du 19 août 2009 consid. 4.2).
b) Selon le principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA), le juge apprécie librement les preuves médicales sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Le juge doit examiner objectivement tous les documents à disposition, quelle que soit leur provenance, puis décider s’ils permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. S’il existe des avis contradictoires, il ne peut trancher l’affaire sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion plutôt qu’une autre. En ce qui concerne la valeur probante d’un rapport médical, il est déterminant que les points litigieux aient fait l’objet d’une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description du contexte médical et l’appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions soient bien motivées. Au demeurant, l’élément déterminant pour la valeur probante, n’est ni l’origine du moyen de preuve, ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 125 V 351 consid. 3a ; TF 8C_510/2020 du 15 avril 2021 consid. 2.4).
c) Le juge peut accorder valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins des assurances aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu’aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee et la référence citée ; TF 8C_565/2008 du 27 janvier 2009 consid. 3.3.2). Il résulte de ce qui précède que les rapports des médecins employés de l’assurance sont à prendre en considération tant qu’il n’existe aucun doute, même minime, sur l’exactitude de leurs conclusions (ATF 135 V 465 consid. 4.7 ; TF 8C_796/2016 du 14 juin 2017 consid. 3.3).
6. a) Dans un premier moyen, le recourant fait grief à la CNA d’avoir mené une instruction médicale erronée et lacunaire. Il soutient pour sa part, sur la base des avis des médecins consultés, ne pas être en mesure d’exercer une activité lucrative compte tenu de son état de santé physique déficient depuis l’événement accidentel survenu en août 2021.
b) En l’occurrence, la CNA ne conteste pas que le recourant a subi un accident le 17 août 2021, puisqu’elle a presté (paiement des soins médicaux et de l’indemnité journalière) jusqu’au 30 septembre 2022 et a, compte tenu de la stabilisation de l’état de santé physique, examiné ensuite le droit de celui-ci à une rente d’invalidité ainsi qu’à une indemnité pour atteinte à l’intégrité.
c) S’agissant de la répercussion des troubles somatiques du recourant sur sa capacité de travail depuis le 1er octobre 2022, la Dre B.____ a posé le diagnostic de douleurs constantes à l’épaule droite avec limitations fonctionnelles variables dans les suites d’une entorse acromio-claviculaire survenue le 17 août 2021 qui a entraîné une entorse acromio-claviculaire de grade III. Les diagnostics secondaires retenus étaient une tendinopathie insertionnelle du supra-épineux avec déchirure intrinsèque et bursite sous-acromiale, une infiltration acromio-claviculaire sous ultrason le 18 mai 2022 et des douleurs chroniques de l’épaule gauche avec lésion partielle du tendon supra-épineux gauche avec lésion du labrum postérieur d’origine traumatique anamnestique en 2016. Elle a estimé que, malgré les atteintes aux deux épaules et s’agissant des seules séquelles de l’accident, le recourant disposait d’une pleine capacité de travail, sans perte de rendement, dans son activité habituelle de chauffeur de camion et grutier (depuis le sol à l’aide de commandes) adaptée aux limitations fonctionnelles retenues : « pas d’activités nécessitant le port de charges prolongé ou répété supérieures à 5-10 kg, pas d’activités nécessitant le maintien prolongé ou répété des membres supérieurs au-dessus du plan des épaules ou en porte-à-faux » (rapports des 7 novembre 2022, 9 mars et 25 avril 2023).
Lors de son examen final de l’assuré en date du 7 novembre 2022, la médecin d’arrondissement de la CNA a constaté au status une mobilité de l’épaule droite qui était diminuée par rapport à la gauche, avec une flexion à 124°, une abduction à 98° et une impossibilité de mettre le bras droit derrière la tête sans l’aide du bras gauche. Ce comportement douloureux était contradictoire avec les informations récoltées lors du séjour à la CRR qui indiquait une amélioration globale des amplitudes des épaules (celles de l’épaule droite atteignant quasiment celle de l’épaule gauche) ainsi que de la force des membres supérieurs, et de la condition physique générale de l’assuré. Dans le même sens, lors de la consultation le 1er mars 2022 auprès du Dr E.____, il avait été noté une mobilisation de l’épaule complète et symétrique, des douleurs acromio-claviculaires et une touche de piano sans dyskinésie scapulaire. A l’occasion de l’examen clinique, l’assuré a informé la Dre B.____ de son souhait d’être opéré à son épaule droite, raison pour laquelle il avait été convenu d’attendre le consilium du Prof. P.____ avant de pouvoir clore le bilan final. Des limitations fonctionnelles définitives étaient retenues correspondant à celles listées par les médecins de la CRR. Le 25 avril 2023, sur la base du descriptif de son ancien travail fourni par le recourant, la CNA a retenu l’adéquation de cette profession habituelle au handicap, avec une capacité de travail entière sans diminution de rendement.
d) L’évaluation de la capacité résiduelle de travail théoriquement pleine et entière du recourant dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles, dont l’activité habituelle de celui-ci, est confirmée par les autres pièces médicales figurant au dossier, et n’est pas mise en doute par le rapport produit par l’assuré dans le cadre de la procédure d’opposition devant l’autorité administrative.
Dans leur rapport du 11 juillet 2022, les médecins de la CRR ont diagnostiqué des douleurs constantes de l’épaule droite avec limitations fonctionnelles variables dans les suites d’une entorse acromio-claviculaire survenue le 17 août 2021 ayant entraîné une entorse acromio-claviculaire de grade III. En l’absence de nouvelle intervention chirurgicale envisageable, ils mentionnaient qu’une stabilisation médicale était pratiquement atteinte. Ils ont constaté que l’assuré présentait des douleurs mécaniques au niveau de l’épaule droite, bien localisées au niveau de l’acromio-claviculaire à caractère de frottement douloureux surtout déclenchées par la rotation externe et lors de manutention d’objets le bras en porte-à-faux, sans franche douleur nocturne mais avec une légère sensibilité et une raideur le matin ainsi que quelques « clacs » sensibles selon les mouvements. Il n’y avait pas de franc sentiment d’instabilité, hormis l’impression de l’assuré selon laquelle son bras était tiré vers le bas, ni de douleur ou de symptôme neuropathique associé, avec une force conservée. A l’épaule gauche, la douleur était ressentie dans la région de l’acromio-claviculaire et irradiait vers le trapèze postérieurement et dans le bras distalement, sur un mode également mécanique. La mobilisation des bras au-dessus de l’horizontale était moins supportable du côté gauche qu’à droite. Les douleurs étaient évaluées par l’intéressé au maximum à six sur dix des deux côtés. Le moral était conservé. Le sommeil était perturbé depuis l’accident avec la nécessité de prendre des somnifères mais sans une franche somnolence diurne. Des éléments de syndrome de stress post-traumatique étaient retrouvés à l’anamnèse, durant la phase de secours alors que l’assuré se trouvait encore dans le camion. Aucun nouveau diagnostic n’avait été posé durant le séjour, en particulier aucune psychopathologie retenue. Le traitement s’était porté sur l’antalgie habituelle en réserve (Ibuprofen et Dafalgan) et une infiltration acromio-claviculaire droite avait été réalisée le 18 mai 2022 mais dépourvue d’effet significatif à la sortie de l’hospitalisation. Des limitations fonctionnelles définitives étaient retenues (à savoir : « activités nécessitant le port de charges prolongé ou répétitif supérieur à 5-10 kg ; activités nécessitant le maintien prolongé ou répétitif des membres supérieurs au-dessus du plan des épaules ou en porte-à-faux »). Les médecins de la CRR ont indiqué que si le pronostic de réinsertion de l’assuré dans son ancienne activité était défavorable, il était par contre favorable dans une activité adaptée aux restrictions fonctionnelles listées, mais devait encore être évalué aux ateliers professionnels, avec une pleine capacité de travail attendue. Ces médecins ont relevé en particulier que lors du séjour, l’assuré sous-estimait considérablement ses aptitudes fonctionnelles, que sa volonté de donner le maximum aux différents tests avait été incertaine et le niveau de cohérence pendant l’évaluation moyen ; le niveau d’effort fourni correspondait à un niveau d’effort léger selon le D.O.T avec des charges allant de cinq à dix kilos. Hormis des autolimitations en lien avec les douleurs annoncées et la sous-estimation du niveau d’activité réalisable (score au PACT très bas), aucune incohérence n’était relevée (rapport de sortie d’hospitalisation, p. 6).
L’évaluation des capacités professionnelles du recourant en juin et juillet 2022 aux ateliers professionnels de la CRR, allant jusqu’à quatre heures consécutives par jour, a mis en évidence que si celui-ci était peu intéressé, peu impliqué et avait rapidement mis un terme aux activités proposées. Il pouvait néanmoins élaborer divers projets professionnels. Un soutien prenant la forme d’une mesure d’aide au placement était indiqué afin de permettre à l’assuré de concrétiser les discussions déjà engagées auprès de certains employeurs potentiels dans les pistes professionnelles explorées à la CRR.
Dans son rapport du 3 mars 2022, le Dr E.____ a retenu des limitations fonctionnelles semblables à celles listées par ses confrères de la CRR, à savoir que le recourant devait exercer une activité professionnelle sans effort, ni mobilisation répétitive de l’épaule au-dessus du buste. Le 9 février 2023, au status médical, ce médecin a constaté une mobilisation complète et symétrique des épaules (droite et gauche) de l’assuré.
Le 24 février 2023, le Prof. P.____ a confirmé pour sa part que l’assuré présentait des douleurs des deux épaules dans le cadre d’un os acromial non fusionné, avec également à droite un status après entorse acromio-claviculaire stade III, mais avec une incompétence partielle uniquement des ligaments coraco-claviculaires. Au status, la mobilité de l’épaule gauche était complète et un peu diminuée à droite en lien avec des atteintes préexistantes. Ce médecin ne préconisait aucune approche chirurgicale mais uniquement un suivi de l’assuré par son chirurgien traitant. Consulté à une seule reprise pour « second avis » chirurgical, le Prof. P.____ ne s’est pas exprimé sur la capacité de travail résiduelle du recourant.
De leur côté, les Drs Z.____ et O.____ ont retenu, à l’épaule droite, une arthropathie de l’articulation acromio-claviculaire ainsi qu’une suspicion incertaine de lésion du tendon du sus-épineux, sans déchirure visible, depuis une distorsion acromio-claviculaire en 2021. A l’épaule gauche, ils suspectaient une bursite sous-acromiale post-traumatique, également sans déchirure visible. Ils ont également fait état d’une « Epicondylitis lateralls Ellbogen » (ou « Tennis Elbow ») droite. Sans livrer une estimation de la capacité de travail résiduelle de l’assuré dans une activité adaptée à son handicap physique, ces médecins ont uniquement proposé la réalisation d’une infiltration thérapeutique de l’acromio-claviculaire droite avec, en cas de réponse positive, la suggestion d’une résection arthroscopique de l’articulation. A leurs avis, les atteintes présentées à l’épaule gauche pourraient être liées à un accident en 2016 et traitées par de la physiothérapie intensive. Quant aux troubles touchant le coude, ils résulteraient d’une possible épicondylite et non de l’accident survenu en 2021, et devraient en principe être traités par la physiothérapie intensive avec, en cas de persistance des douleurs, une approche diagnostique par IRM (rapport du rapport du 28 juillet 2023 des médecins de la Clinique universitaire de [...]). En l’absence de sinistre annoncé à l’intimée que ce soit en 2016 pour l’atteinte de l’épaule gauche ou plus tard pour un problème aux coudes, la prise en charge des suites des ennuis de santé persistants à ces membres chez le recourant n’incombe pas à la charge de son assureur-accidents.
En ce qui concerne les seuls troubles présentés à l’épaule droite des suites de l’accident assuré, une arthrose acromio-claviculaire et une tendinopathie du sus-épineux ont été mises en évidence sur l’IRM de l’épaule droite datant de septembre 2021. De leur côté, les médecins cliniciens de [...] n’avaient qu’une connaissance partielle du dossier médical du recourant, ignorant en particulier le résultat du séjour à la CRR, les imageries plus anciennes ainsi que le résultat des infiltrations déjà réalisées. Partant, leurs constatations ne sont donc pas nouvelles et avaient d’ores et déjà fait l’objet d’investigations poussées de la part des autres médecins appelés à examiner le recourant. En particulier, l’infiltration réalisée le 18 mai 2022 lors du séjour à la CRR n’a apporté aucune amélioration significative, si bien que la proposition d’une résection arthroscopique après une infiltration telle que formulée par les Drs Z.____ et O.____ n’est pas pertinente. En outre, les cliniciens de [...] n’apportent aucun élément nouveau et ne se déterminent pas sur la capacité de travail dans une activité adaptée au handicap ; dans l’anamnèse de leur rapport, ils relèvent que la profession en tant que chauffeur est actuellement « nicht arbeitstätig », sans fournir de plus amples indications. Le caractère laconique de ce rapport s’explique car les Drs Z.____ et O.____ ont été sollicités pour établir un second avis médical sur la base d’une consultation unique du recourant le 26 juillet 2023. Dans ces conditions, l’avis de ces deux médecins paraît procéder plus d’une simple appréciation divergente d’un état de fait clairement déjà posé sur le plan médical lors de l’examen réalisé tant à la CRR qu’ensuite par la médecin d’arrondissement de la CNA, mais sans avoir effectué ni pris en considération la nécessité d’une approche globale et circonstanciée du cas particulier.
Enfin, le rapport non daté du Dr Y.____ produit ce jour en audience, outre qu’il ne fait pas mention d’éléments médicaux nouveaux au regard de ceux dont la médecin d’arrondissement de l’intimée a eu connaissance et paraît ainsi procéder d’une appréciation divergente d’un état de fait clairement posé sur le plan médical, il n’objective pas son estimation de la capacité de travail résiduelle de son patient, si bien que son appréciation n’est pas celle à laquelle il convient d’attribuer la valeur la plus probante parmi celles du dossier. De manière plus générale, il convient de rappeler qu’il est admis, de jurisprudence constante, que le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison du mandat thérapeutique et de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 135 V 465 consid. 4.5).
e) On ne voit en l’occurrence aucune raison de s’écarter des conclusions circonstanciées de la Dre B.____ dont les avis successifs des 7 novembre 2022, 9 mars et 25 avril 2023, remplissent tous les réquisits jurisprudentiels pour se voir accorder pleine valeur probante (cf. consid. 5b-c supra). Ces rapports sont en effet le fruit d’une analyse sérieuse et approfondie du cas, en ce qu’ils se fondent en particulier sur les plaintes exprimées par le recourant, comportent une étude complète des pièces médicales figurant au dossier et énoncent le contexte déterminant. Ils reposent sur des examens cliniques complets, corroborés par ceux effectués quelques mois plutôt à la CRR confirmés par l’évaluation réalisée aux ateliers professionnels et par les investigations contemporaines du Dr E.____ ainsi que du Prof. P.____, et sans mise en doute par les rapports isolés des Drs Z.____ et O.____, et du Dr Y.____. Ainsi, les avis médicaux de la Dre B.____ figurant au dossier contiennent une appréciation claire de la situation par une praticienne expérimentée et aboutissent à des conclusions médicales dûment motivées et éprouvées, et qui sont exemptes de toute contradiction. Celles-ci peuvent donc être suivies par la Cour de céans.
f) Sur la base des observations non sérieusement contredites et pleinement probantes de sa médecin d’arrondissement, la CNA était donc fondée à retenir que, pour les seules suites de l’accident assuré du 17 août 2021, le recourant conservait une pleine capacité de travail, sans diminution de rendement, dans une activité adaptée exercée dans différents secteurs de l’industrie à la condition d’éviter les activités nécessitant le port de charges prolongé ou répété supérieures à 5-10 kilos ainsi que celles nécessitant le maintien prolongé ou répété des membres supérieurs au-dessus du plan des épaules ou en porte-à-faux. De même, selon les conclusions de la médecin d’assurance, l’ancienne activité de chauffeur poids lourds (avec la conduite de la grue qui se fait depuis en bas à l’aide de commandes) doit être considérée comme adaptée aux restrictions précitées et partant, pleinement exigible de la part du recourant malgré son handicap physique.
g) Par surabondance, même si l’on devait considérer l’activité de chauffeur comme inadaptée à l’état de santé physique défaillant du recourant, il ressort de la comparaison des revenus effectuée par la CNA dans sa décision du 12 mai 2023 une perte de gain fondée sur un degré d’invalidité de 5 % (tenant compte d’un abattement de 5 % sur le revenu d’invalide pour les limitations fonctionnelles) qui serait de toute manière insuffisante pour ouvrir le droit à une rente d’invalidité de l’assurance-accidents (cf. art. 18 al. 1 LAA).
7. a) Le recourant reproche également à l'intimée une estimation incorrecte de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité à laquelle il aurait droit.
b) Selon l’art. 24 al. 1 LAA, l’assuré qui, par suite de l’accident, souffre d’une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l’intégrité. L’indemnité est fixée en même temps que la rente d’invalidité ou, si comme en l’espèce l’assuré ne peut prétendre à une rente, lorsque le traitement médical est terminé (art. 24 al. 2 LAA).
Conformément à l’art. 36 al. 1 OLAA, une atteinte à l’intégrité est réputée durable lorsqu’il est prévisible qu’elle subsistera avec au moins la même gravité pendant toute la vie. Elle est réputée importante lorsque l’intégrité physique, mentale ou psychique subit, indépendamment de la diminution de la capacité de gain, une altération évidente ou grave. Cette disposition de l’ordonnance a été jugée conforme à la loi en tant qu’elle définit le caractère durable de l’atteinte (ATF 133 V 224 consid. 2.2).
Aux termes de l’art. 25 al. 1 LAA, l’indemnité pour atteinte à l’intégrité est allouée sous forme de prestation en capital. Elle ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l’époque de l’accident et elle est échelonnée selon la gravité de l’atteinte à l’intégrité, qui s’apprécie d’après les constatations médicales. C’est dire que chez toutes les personnes présentant le même status médical, l’atteinte à l’intégrité est la même ; elle est évaluée de manière abstraite, égale pour tous, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de tenir compte des inconvénients spécifiques qu’elle entraîne pour la personne concernée (ATF 115 V 147 consid. 1 ; 113 V 218 consid. 4b ; TF 8C_566/2017 du 8 mars 2018 consid. 5.1). L’évaluation de l’atteinte à l’intégrité incombe avant tout aux médecins, qui doivent d’une part constater objectivement les limitations, et d’autre part, estimer l’atteinte à l’intégrité en résultant (TF 8C_566/2017 précité consid. 5.1 et la référence).
L’indemnité pour atteinte à l’intégrité est calculée selon les directives figurant à l’annexe 3 de l’OLAA (art. 36 al. 2 OLAA). Cette annexe comporte un barème des atteintes à l’intégrité en pour cent du montant maximum du gain assuré. Ce barème – reconnu conforme à la loi – ne constitue pas une énumération exhaustive (ATF 124 V 29 consid. 1b, 113 V 218 consid. 2a). Il représente une « règle générale » (ch. 1, première phrase, de l’annexe). Pour les atteintes qui sont spéciales ou qui ne figurent pas dans la liste, il y a lieu d’appliquer le barème par analogie, en tenant compte de la gravité de l’atteinte (ch. 1, deuxième phrase, de l’annexe). Le ch. 2 de l’annexe dispose au surplus qu’en cas de perte partielle d’un organe ou de son usage, l’indemnité pour atteinte à l’intégrité est réduite en conséquence, aucune indemnité n’étant toutefois versée dans les cas pour lesquels un taux inférieur à 5 % du montant maximum du gain assuré serait appliqué. A cette fin, la Division médicale de la CNA a établi plusieurs tables d’indemnisation des atteintes à l’intégrité selon la LAA. Sans lier le juge, ces tables sont néanmoins compatibles avec l’annexe 3 OLAA (ATF 124 V 209 consid. 4a/cc ; TF 8C_198/2020 du 28 septembre 2020 consid. 3.1) et permettent de procéder à une appréciation plus nuancée, lorsque l’atteinte d’un organe n’est que partielle.
c) En l’occurrence, pour ce qui est de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité, dans son estimation du 9 mars 2023, la Dre B.____ a écrit que « l’assuré ne présente pas de séquelle correspondant à un taux d’IpAI, la mobilité de l’épaule droite est décrite comme complète et symétrique par le Dr E.____ qui suit l’assuré. La mobilité était un peu diminuée lors de l’examen du Prof. P.____ en lien avec les atteintes préexistantes ».
Cette appréciation médicale s’accorde, d’une part, avec la table 1 des atteintes à l’intégrité résultant de troubles fonctionnels des membres supérieurs selon la LAA et, d’autre part, avec le rapport du 24 février 2023 du Prof. P.____ mettant en lien une « incompétence » uniquement pour les ligaments coraco-claviculaires et non les ligaments acromio-claviculaires accidentés. Quoi qu’en dise le recourant, l’atteinte à l’intégrité a correctement été évaluée par la médecin d’arrondissement de l’intimée. En conséquence, la décision attaquée en tant qu’elle retient l’absence d’atteinte « importante » à l’intégrité physique dans le cas d’espèce ne prête pas flanc à la critique, le recourant ne produisant au demeurant aucun avis médical susceptible de remettre en cause les conclusions de la Dre B.____.
8. Sur le vu de ce qui précède, les pièces médicales au dossier permettent à la Cour de céans de statuer en pleine connaissance de cause sans qu’il y ait lieu de donner suite à la demande d’expertise médicale (en orthopédie, neurologie, voire radiologie) requise par le recourant. En effet, une telle mesure ne serait pas de nature à modifier les considérations qui précèdent, les faits pertinents ayant pu être constatés à satisfaction de droit, en particulier l’ensemble des médecins s’accordant sur les limitations fonctionnelles. La requête du recourant en ce sens doit ainsi être rejetée par appréciation anticipée des preuves (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).
9. a) Mal fondé, le recours doit être rejeté et la décision sur opposition attaquée confirmée.
b) Il n’y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires (art. 61 let. fbis LPGA), ni d’allouer de dépens au recourant, qui n’obtient pas gain de cause (art. 61 let. g LPGA).
c) L’intimée n’y a pas davantage droit, dès lors qu’elle a agi en qualité d’institution chargée de tâches de droit public (ATF 126 V 143 consid. 4 ; voir également ATF 128 V 323).
Par ces motifs,
la Cour des assurances sociales
prononce :
I. Le recours est rejeté.
II. La décision sur opposition rendue le 25 septembre 2023 par la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents est confirmée.
III. Il n’est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens.
Le président : Le greffier :
Du
L'arrêt qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié à :
Me Jean-Michel Duc (pour W.____),
Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents,
- Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP),
par l'envoi de photocopies.
Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral au sens des art. 82 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF).
Le greffier :
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
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