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Urteil Kantonsgericht (VD)

Kopfdaten
Kanton:VD
Fallnummer:2024/608
Instanz:Kantonsgericht
Abteilung:
Kantonsgericht Entscheid 2024/608 vom 29.07.2024 (VD)
Datum:29.07.2024
Rechtskraft:
Leitsatz/Stichwort:
Zusammenfassung : Die Chambre des curatelles des Tribunal cantonal entscheidet über den Rekurs von R.________ gegen die Entscheidung der Justiz des Bezirks Riviera - Pays-d'Enhaut betreffend das Besuchsrecht für das Kind A.A.________. Die ersten Richter haben entschieden, dass R.________ kein Besuchsrecht zusteht, da sie nicht als `Elternteil aus Absicht` angesehen wird. R.________ hat gegen diese Entscheidung Rekurs eingelegt und fordert ein umfassendes Besuchsrecht für A.A.________. Die Situation ist geprägt von einem Konflikt zwischen R.________ und B.A.________, die nicht mehr zusammenleben, aber gemeinsame Kinder haben. Es wird diskutiert, ob R.________ ein Besuchsrecht zusteht, und es wird empfohlen, den Konflikt zwischen den Müttern zu lösen, um das Wohl der Kinder zu gewährleisten.
Schlagwörter : Enfant; ’elle; était; ’BA; ’AA; ’enfant; écision; ’au; éré; Adoption; Autorité; ’il; Elles; édé; édure; érêt; écembre; ’était; ’elles; éférence; ’est; éférences; Intérêt; Avoir
Rechtsnorm:Art. 100 BGG; Art. 123 ZPO; Art. 229 ZPO; Art. 261 ZPO; Art. 27 SchKG; Art. 27 VwVG; Art. 273 ZGB; Art. 274a ZGB; Art. 306 ZGB; Art. 314 ZGB; Art. 317 ZPO; Art. 446 ZGB; Art. 450 ZGB; Art. 450a ZGB; Art. 450b ZGB; Art. 450d ZGB; Art. 450f ZGB; Art. 492 ZPO;
Referenz BGE:-
Kommentar:
Droese, Basler Zivilgesetzbuch I, Art. 450 ZGB, 2022
Entscheid

TRIBUNAL CANTONAL

LQ20.048486-240446

169



CHAMBRE DES CURATELLES

___________________

Arrêt du 29 juillet 2024

___________

Composition : Mme Chollet, présidente

Mmes Rouleau et Kühnlein, juges

Greffier : Mme Rodondi

*****

Art.274a et 450 CC ; 29 al. 2 Cst.

La Chambre des curatelles du Tribunal cantonal prend séance pour statuer sur le recours interjeté par R.____, à [...], contre la décision rendue le 12 octobre 2023 par la Justice de paix du district de la Riviera – Pays-d’Enhaut dans la cause concernant l’enfant A.A.____.

Délibérant à huis clos, la Chambre voit :


En fait :

A. Par décision du 12 octobre 2023, notifiée aux parties le 4 mars 2024, la Justice de paix du district de la Riviera – Pays-d’Enhaut (ci-après : la justice de paix ou les premiers juges) a mis fin à l’enquête en fixation d’un droit aux relations personnelles entre R.____ et l’enfant A.A.____, dont la mère et seule détentrice de l’autorité parentale est B.A.____ (I), rejeté les conclusions prises par R.____ dans sa demande du 17 juin 2022, telles que précisées le 11 octobre 2023 (II), relevé Me Anaïs Brodard, avocate à Lausanne, de sa mission de conseil d’office de R.____ (III), arrêté l’indemnité finale de Me Anaïs Brodard à 9'371 fr. 50, débours, vacation et TVA inclus (IV), dit que R.____ était, dans la mesure de l’art. 123 CPC (Code de procédure civile du 19 décembre 2008 ; RS 272), tenue au remboursement de cette indemnité, mise provisoirement à charge de l’Etat (V), laissé les frais de la décision, ainsi que ceux des mesures provisionnelles et de l’évaluation de la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (ci-après : la DGEJ), à la charge de l’Etat (VI) et dit qu’il n’était pas alloué de dépens (VII).

En droit, les premiers juges ont considéré que l’on n’était pas en présence de circonstances exceptionnelles justifiant de faire application de l’art. 274a CC (Code civil suisse du 10 décembre 1907 ; RS 210) et que point n’était dès lors besoin d’examiner si un droit de visite était dans l’intérêt de l’enfant. Ils ont retenu en substance que R.____ n’était pas un « parent d’intention » vis-à-vis d’A.A.____, en ce sens que la conception de l’enfant ne résultait pas d’un projet parental commun des parties, qui n’étaient alors déjà plus en couple, mais de la seule volonté d’B.A.____ et que R.____, même si elle aimait sans aucun doute sincèrement A.A.____, ne pouvait objectivement être considérée comme ayant tissé avec cette dernière, durant les deux ans de vie commune, des liens à ce point étroits qui pourraient avoir donné naissance à une parenté sociale. Les juges ont estimé que R.____ ne pouvait être suivie lorsqu’elle soutenait que sous réserve du fait que la procédure d’adoption d’[...] était venue à terme, la situation des deux enfants était identique, de sorte qu’il serait choquant de les traiter différemment. Ils ont relevé que même en faisant abstraction du lien de filiation existant entre B.A.____ et [...], il n’était pas contesté que celui-ci avait été conçu dans le cadre d’un projet parental commun aux parties, si bien qu’B.A.____ représentait clairement pour lui un parent d’intention au sens de la jurisprudence. Ils ont ajouté qu’il était également constant qu’B.A.____ s’était occupée d’I.____ au quotidien tel un parent, et ce pendant plus de cinq ans, alors que R.____ n’était dans aucun de ces cas de figure s’agissant d’A.A.____. Ils ont observé que le lien entre A.A.____ et I.____ pourrait être maintenu dans le cadre de l’exercice du droit aux relations personnelles entre ce dernier et B.A.____.

B. Par acte du 3 avril 2024, R.____ (ci-après : la recourante), par son conseil, a recouru contre cette décision, concluant, avec dépens, principalement à la réforme du chiffre II du dispositif en ce sens qu’elle bénéficie d'un libre et large droit de visite sur l'enfant A.A.____, à fixer d'entente avec B.A.____, à défaut d’entente, à ce que son droit de visite s'exerce de manière médiatisée pendant les six premiers mois par le biais d'Accord Famille ou, à son défaut, par le biais de toute autre structure permettant la médiatisation du droit de visite et, par la suite et toujours à défaut d’entente, à ce qu’elle puisse avoir A.A.____ auprès d'elle un week-end par mois, du vendredi soir au dimanche soir, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires et des jours fériés légaux. Subsidiairement, R.____ a conclu à l’annulation du chiffre II du dispositif et au renvoi de la cause à l’autorité de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle a en outre requis l’assistance judiciaire et produit un bordereau de trois pièces à l’appui de son écriture.

Par avis du 10 avril 2024, la Juge déléguée de la Chambre des curatelles a dispensé, en l’état, R.____ d’avance de frais, la décision définitive sur l’assistance judiciaire étant réservée.

C. La Chambre retient les faits suivants :

1. R.____, née le [...] 1985, et B.A.____, née le [...] 1986, se sont rencontrées en 2013. Quelques mois après leur rencontre, elles ont emménagé ensemble et vécu en concubinage. En 2014, elles ont décidé de recourir à la procréation médicalement assistée et ont acquis auprès d’une société au [...] des paillettes d’un donneur non-anonyme.

Le 3 avril 2015, R.____ a donné naissance à l'enfant I.____.

En décembre 2015, R.____ et B.A.____ se sont séparées, mais ont décidé de continuer à vivre sous le même toit et de mentir quant à la nature amoureuse de leur relation afin de permettre l’adoption d’I.____ par B.A.____.

2. Le 6 août 2017, l’article suivant a paru sur le site internet https://www.swissinfo.ch/fre/être-lesbienne-en-suisse_-personne-ne-peut-nous-priver-du-droit-d-être mamans/43386190 :

« J'ai toujours su qu'un jour je deviendrais mère. (…) » R.____ cherche la main d’B.A.____, la serre dans la sienne, avant de poursuivre : « [...] a deux mamans et beaucoup d'amour. Et c'est l'amour qui fait une famille, indépendamment de sa composition. »

(…)

(…) « Nous sommes une famille comme les autres. Nos journées se déroulent dans la simplicité : maison, travail, école, changer les couches, trouver un jardin d'enfants… Bref, nous sommes des parents comme les autres », affirme R.____. Plus extravertie et exubérante que sa compagne, c’est elle qui mène la discussion, pendant qu’B.A.____ tient I.____ dans ses bras.

(…)

R.____ et B.A.____ rêvent d’une famille nombreuse, et le projet d’un deuxième enfant est déjà en cours. Cette fois, c’est B.A.____ qui portera l’enfant. « Nous espérons qu’il arrive l’été prochain, après mes examens », affirme R.____. (…) Pour réaliser ce rêve, les jeunes femmes contourneront à nouveau la loi : « C’est un acte de désobéissance civile, car personne ne peut nous priver du droit d’être mamans. »

(…) ».

3. Durant l'été 2017, B.A.____ a informé R.____ qu'elle souhaitait avoir un enfant biologique et a sollicité son accord pour recourir aux paillettes du même donneur que pour I.____. R.____ a consenti à cette utilisation.

4. Par requête du 10 janvier 2018, B.A.____ a demandé à adopter l'enfant [...].

Le 17 avril 2018, R.____ a consenti à l'adoption de son fils [...] par B.A.____, ce dont le Juge de paix du district de Lausanne a attesté le 11 juin 2016 (recte : 2018).

5. Le 24 avril 2018, la Dre [...], médecin associée au Service de néonatologie du Département femme-mère-enfant du CHUV, a établi un rapport concernant I.____. Elle a indiqué que R.____ avait requis une consultation intermédiaire pour son fils en raison de troubles du comportement, évoquant des difficultés relationnelles importantes au sein de la famille, avec des manifestations d’opposition et de colère chez I.____ à son égard. Elle a proposé à R.____ un soutien pédopsychiatrique pour son enfant, ce que la mère a accepté. I.____ a ainsi été suivi du 1er juin 2018 au 10 décembre 2019 par la Dre [...], médecin adjointe auprès du Service de pédopsychiatrie de liaison du CHUV (attestation médicale du 14 janvier 2021).

6. Le 24 août 2018, B.A.____ a donné naissance à l'enfant A.A.____. R.____ était à son chevet lors de l'accouchement. La mère de cette dernière, W.____, et [...] étaient également présents à l'hôpital.

7. Le 28 mars 2019, le Département de I’Economie, de l'innovation et du sport du canton de Vaud a prononcé l’adoption d’I.____ par B.A.____.

Par requête du 3 septembre 2019, R.____ a demandé à adopter l'enfant A.A.____.

8. Selon une attestation du 30 octobre 2019 du Service des immatriculations et inscriptions de l’Université de Lausanne, R.____ a été inscrite en qualité d'étudiante à la faculté de droit pour les semestres d'automne 2017-2018, de printemps 2018, d'automne 2018-2019 et de printemps 2019.

9. Le 5 décembre 2019, B.A.____ a consenti à l'adoption de sa fille A.A.____ par R.____, ce dont le Juge de paix du district de Lausanne a attesté le 21 janvier 2020, précisant que le délai légal de révocation était arrivé à échéance le 16 janvier 2020 sans avoir été utilisé.

10. Fin 2019, B.A.____ a fait la connaissance d’[...].

11. Le 1er juillet 2020, R.____ a signalé au Service de protection de la jeunesse (ci-après : le SPJ, actuellement la DGEJ) qu’B.A.____ voulait se rendre en [...] avec A.A.____ et I.____ et que compte tenu de la pandémie du Covid-19, elle s’opposait à ce qu'elle emmène son fils pour des motifs de santé. Elle a alors fait part de mensonges au sein de leur couple entachant la procédure d'adoption d’[...].

Le 9 juillet 2020, B.A.____ est partie en Italie avec A.A.____. A son retour de vacances, elle s’est provisoirement installée avec sa fille chez [...].

Le 20 juillet 2020, R.____ et B.A.____ se sont rencontrées. R.____ a enregistré cette conversation sans opposition d’B.A.____. Il en ressort en substance qu’B.A.____ voulait discuter de la garde des enfants, alors que R.____ souhaitait obtenir des explications sur la décision de son ex-compagne de révoquer le consentement à l'adoption d'A.A.____, qu’elle considérait comme une trahison. B.A.____ a proposé que chacune ait la garde de son enfant biologique pendant la semaine et qu’elles se partagent les week-end et les vacances avec les deux enfants. R.____ a refusé et demandé qu’elles maintiennent leur « deal », à savoir que les enfants soient une semaine sur deux chez chacune. Dans cette conversation, R.____ a évoqué un accord « donnant donnant », puis le fait qu'A.A.____ sera sûrement adoptée par O.____. Les parties ne sont pas parvenues à s’entendre.

Du 21 au 26 juillet 2020, B.A.____ a permis à R.____ de garder A.A.____ avec sa mère.

Le 6 août 2020, B.A.____ a emménagé avec A.A.____ dans un nouvel appartement à [...], R.____ demeurant avec [...] dans l'ancien logement familial.

12. Le 12 août 2020, B.A.____ a révoqué son consentement à l'adoption d’A.A.____ par R.____, mettant ainsi un terme à la procédure.

13. Le 18 août 2020, le SPJ groupe adoption a signalé à la justice de paix la situation d’I.____. Il a indiqué que le conflit entre R.____ et B.A.____ entamait sérieusement leurs compétences parentales et qu'elles avaient toutes deux partagé leur désarroi tout en dénigrant l'autre et lui rejetant la responsabilité du conflit. Il a mentionné qu’B.A.____ se disait sous l'emprise de R.____, déclarant qu’elle devait « sauver sa peau et celle de sa fille sans pouvoir protéger [...] », dont le développement et la santé souffriraient de l'anxiété de sa mère. Il a constaté que R.____ souhaitait sincèrement le bien des enfants, mais semblait effectivement particulièrement anxieuse et démunie et se laissait déborder par ses émotions. Quant à B.A.____, il a observé qu’elle paraissait particulièrement influençable. Le SPJ a affirmé que malgré leur bonne volonté, les deux femmes se montraient incapables de protéger les enfants du conflit les divisant et les utilisaient. Il a relevé que le projet de « désadopter » [...] et de le priver de l'un de ses parents l’avait particulièrement alerté, l'enfant paraissant être le centre d'un conflit éducatif.

Jusqu'au 29 août 2020, R.____ a autorisé B.A.____ à garder occasionnellement [...].

Le 17 septembre 2020, B.A.____ a saisi l’autorité de protection de l’enfant d’une requête tendant en substance à ce que la garde d’[...] lui soit attribuée, respectivement l’autorité parentale conjointe si celle-ci ne devait pas résulter ex lege de l’adoption.

14. Le 20 octobre 2020, la DGEJ a établi une appréciation du signalement. Elle a exposé qu’[...] et A.A.____ bénéficiaient d’un cadre répondant à leurs besoins de base, que R.____ et B.A.____ étaient pareillement soucieuses du bien-être de leur enfant respectif, mais que le conflit massif qui les opposait menaçait l’intérêt et le développement affectif des enfants. Elle a indiqué que R.____ et B.A.____ avaient confirmé que le processus d’adoption d’I.____ était basé sur un faux dès lors que le couple n’était plus ensemble après sa naissance, mais avait continué à vivre sous le même toit jusqu’à l’été 2020, faisant chambre séparée. Elle a relevé que le conflit se cristallisait surtout autour d’A.A.____, B.A.____ refusant que sa fille ait un contact, même lors de moments communs, avec R.____, qu’elle estimait ne pas être une personne fiable, alors que cette dernière ne voulait pas empêcher son fils de voir son ancienne compagne, ce qui provoquait de vives tensions et une possible instrumentalisation des enfants. Elle a mentionné que les deux femmes reconnaissaient qu’il y avait des discordances éducatives importantes entre elles et qu’B.A.____ avait déclaré qu’« [...] était le projet de Madame R.____ et A.A.____ le sien ». La DGEJ a rapporté que l’enseignante d’I.____, [...], lui avait dit que jusqu’à la rentrée 2020, elle avait beaucoup plus vu B.A.____ que R.____, qui avait été peu présente durant les premières années et culpabilisait beaucoup, mais que désormais, elle ne voyait plus que R.____, laquelle avait spontanément pris contact avec Astrame sur les conseils de la DGEJ et de la pédopsychiatre pour permettre à son fils d’avoir un soutien. Elle a relaté que selon la Dre [...], pédiatre des deux enfants, [...] et A.A.____ se développaient bien, que leurs mères étaient très investies et que si elle avait dans un premier temps eu davantage de contacts avec B.A.____, désormais chaque mère venait à sa consultation pour son propre enfant. La DGEJ a observé que « le projet de famille semblait avoir été construit par les deux femmes ensemble qui [avaie]nt pour ce faire décidé de prendre le même donneur, conférant aux enfants un statut de demi-frère et sœur biologique » et que la séparation avait été abrupte. Elle a affirmé que le conflit de couple massif ne permettait pas d'aboutir à une solution raisonnée et que les enfants, notamment [...], semblaient affectés. Elle a recommandé de travailler le conflit entre les mères pour permettre à I.____ et A.A.____ de trouver une stabilité et un bien-être psychique. Elle a requis de la justice de paix la fixation d'une audience, l'ouverture d'une enquête en limitation de l'autorité parentale et la fixation d'un droit de visite pour les enfants.

15. Le 29 octobre 2020, le Juge de paix du district de Lausanne a procédé à l’audition de R.____ et d’B.A.____, assistées de leur conseil respectif. Les parties ont alors convenu de suspendre la cause concernant l'enfant [...] jusqu’au 30 novembre 2020 afin de leur permettre de finaliser une convention à lui soumettre pour valoir ordonnance de mesures provisionnelles.

16. Par lettre du 10 novembre 2020, T.____, dont les enfants fréquentent la même école qu’I.____, a vanté les qualités maternelles de R.____. Elle a indiqué qu’à l’été, elle avait personnellement constaté qu’A.A.____ voulait rester avec R.____ et I.____. Elle a estimé qu’il serait préjudiciable pour A.A.____ de lui retirer « un quelconque droit de maintenir une relation profonde avec sa maman R.____ ».

Par courrier du 11 novembre 2020, Q.____, animateur socioculturel et co-gérant de la [...] (ci-après : [...]) à [...], a déclaré que cette institution avait toujours considéré R.____, B.A.____ et leurs deux enfants comme une famille, I.____ et A.A.____ étant accompagnés par l’une ou l’autre des mères, sans distinction légale ni biologique.

17. Par décision du 30 novembre 2020, la Direction de l'Etat civil du canton de Vaud a rejeté la requête de R.____ tendant à l'adoption d’A.A.____. Ce refus a été confirmé par arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (CDAP) du 2 juillet 2021.

18. Le 1er décembre 2020, B.A.____ s'est installée avec A.A.____ chez U.____.

Par requête de mesures provisionnelles du même jour, R.____ a demandé la fixation en sa faveur d’un libre et large droit de visite sur l'enfant A.A.____, à fixer d’entente avec B.A.____ et selon des modalités à déterminer en cours d’instance.

19. Par courrier du 9 décembre 2020, Q.____ a déclaré que selon ses souvenirs, A.A.____ avait toujours fréquenté [...] accompagnée d’B.A.____.

Le 14 janvier 2021, [...] a attesté qu’en 2014, elle avait réceptionné à son ancien domicile à [...] le colis contenant la paillette pour l’insémination d’I.____, qu’en 2017, elle avait fait de même pour le paquet contenant la paillette pour la première insémination d’A.A.____, que cette même année, elle avait récupéré chez des amis d’B.A.____ domiciliés à [...] un second colis contenant la paillette pour l’insémination d’A.A.____ et qu’elle avait à chaque fois passé la douane avec les colis.

20. Le 18 janvier 2021, le Juge de paix du district de la Riviera - Pays-d’Enhaut (ci-après : le juge de paix) a procédé à l’audition de R.____ et d’B.A.____, assistées de leur conseil respectif. Ces dernières ont confirmé qu’elles n’étaient plus en couple depuis décembre 2015, soit bien avant la naissance d’A.A.____, même si elles avaient continué à vivre ensemble jusqu’à l’été 2020. R.____ a indiqué que lorsqu’B.A.____ avait décidé d’avoir un enfant, elle lui avait demandé son accord pour utiliser les paillettes acquises ensemble en 2014 et qu’à partir de ce moment-là, le projet du second enfant était devenu selon elle un projet commun, alors qu’initialement elles avaient envisagé une garde partagée sur I.____ et A.A.____. Elle a déclaré que malgré leur séparation, le fait qu’elles s’entendaient bien justifiait à leurs yeux le projet d’élever leurs deux enfants ensemble et d’adopter l’enfant de l’autre. Elle a précisé que les disputes avaient commencé après la naissance d’A.A.____. Elle a requis un droit de visite sur cette dernière d’un week-end sur deux, relevant que les parties avaient dans un premier temps convenu d’un droit de visite usuel tant pour A.A.____ que pour [...], ce qui aurait permis aux enfants de se retrouver durant les week-ends. Interpellée par le juge sur les motifs pour lesquels le projet d’adoption d’A.A.____ par R.____ avait été entrepris nonobstant la fin de la relation de couple, B.A.____ a affirmé qu’elle regrettait aujourd’hui d’avoir initié cette procédure et pensait que c’était une erreur dans la mesure où la naissance de sa fille était un projet personnel. Elle a réitéré qu’il n’y avait aucune ouverture possible de sa part quant à un droit de visite sur sa fille, considérant qu’il n’était pas dans l’intérêt de l’enfant. Elle a mentionné qu’elle n’avait pu rencontrer [...] qu’à quelques reprises depuis la séparation et qu’elle ne l’avait plus revu depuis novembre 2020.

Lors de cette audience, O.____ et M.____, voisine de R.____ et d’B.A.____ jusqu’en décembre 2020, dont le fils fréquentait le même jardin d’enfants qu’I.____, ont été entendues en qualité de témoins. [...] a déclaré que n’ayant jamais vécu sous le même toit que R.____ et B.A.____, elle ne pouvait pas se prononcer sur le fait de savoir si cette dernière était ou non sous l’emprise de son ancienne compagne, ni s’il y avait une relation particulière entre R.____ et A.A.____, ne les ayant vues qu’une fois ensemble. Elle a rapporté que lorsqu’elle avait rencontré B.A.____, celle-ci attendait que l’adoption d’[...] par R.____, qu’elle n’avait jamais souhaitée, se fasse pour pouvoir partir et déménager et avait finalement révoqué son accord à l’adoption en été 2020. Elle a affirmé qu’B.A.____ était une très bonne mère et que R.____ était impulsive et rancunière et instrumentalisait les enfants. Elle a indiqué que lorsqu’B.A.____ venait chez elle alors qu’elle habitait encore avec R.____, ce qui s’était produit à trois ou quatre reprises pour une durée d’un jour et une nuit, c’était cette dernière qui gardait les deux enfants. Elle a mentionné que depuis quelques mois, A.A.____ l’appelait « maman » et lui était très attachée. M.____ a quant à elle mentionné qu’elle croisait souvent B.A.____ avec les deux enfants, qu’elle l’avait toujours vue très présente pour eux et qu’elle amenait et allait chercher [...] à la crèche le 90% du temps. Elle a observé que R.____ s’occupait sporadiquement d’A.A.____ et qu’elle ignorait pour quelle raison elle n’allait pas très souvent à la crèche. Elle a ajouté qu’elle avait vu [...] à deux reprises et avait été surprise de l’affection qu’A.A.____ lui portait et réciproquement. Elle a précisé qu’elle avait vu l’enfant pour la dernière fois fin octobre 2020.

Par ordonnance de mesures provisionnelles du 18 janvier 2021, confirmée par arrêt de la Chambre des curatelles du 20 mai 2021 (112), puis par arrêt de la IIe Cour de droit civil du Tribunal fédéral du 12 janvier 2022, le juge de paix a poursuivi l’enquête en fixation d’un droit de visite en faveur de R.____ sur l’enfant A.A.____, rejeté la requête de mesures provisionnelles de R.____ du 1er décembre 2020 et confié un mandat d’évaluation à la DGEJ. Il a notamment retenu qu’« au stade de la vraisemblance, l’existence de circonstances particulières pouvant justifier de faire application de l’art. 274a CC doit être admise ».

21. Le 18 février 2021, le Juge de paix du district de Lausanne a procédé à l’audition de R.____ et d’B.A.____, assistées de leur conseil respectif, concernant l’enfant I.____. R.____ a indiqué que son fils avait vu A.A.____ et B.A.____ pour la dernière fois le 16 novembre 2020 et n'avait eu aucun contact avec elles depuis lors. Les parties ont requis la suspension de la cause jusqu'au dépôt du rapport de la DGEJ.

22. Le 14 octobre 2021, la DGEJ a établi un rapport d’évaluation concernant A.A.____. Elle a indiqué que durant son évaluation, R.____ et B.A.____ s’étaient montrées collaborantes et soucieuses du bien-être de chacun des enfants, avaient toutes deux démontré des relations complices avec leur enfant biologique et étaient investies dans leur prise en charge. Elle a relevé qu’B.A.____ avait reconnu qu’une garde partagée des enfants avait été envisagée lors de la séparation, mais avait maintenu son opposition formelle à tout contact entre A.A.____ et R.____, n’y voyant pas de sens au vu de l’absence d’engagement parental de cette dernière lors de la vie commune (« pas une seule consultation chez la pédiatre, pourtant elle n’a jamais travaillé presque, alors ce n’est pas par manque de temps, mais d’engagement, il n’y a pas d’intérêt »), ainsi que de relation privilégiée avec l’enfant (« un droit de visite doit être prévu pour maintenir un lien et non pas pour en créer un », « il y a une forme d’amour, mais ce n’est pas un engagement parental »). Elle a mentionné qu’B.A.____ avait déclaré avoir été dans l’impossibilité de se détacher du projet d’adoption d’A.A.____, qui n’était « pas sain », évoquant un chantage de son ancienne compagne quant à l’autorité parentale conjointe sur I.____. La DGEJ a signalé que R.____ avait reconnu que c’était surtout B.A.____ qui s’occupait des enfants et avait insisté sur le fait qu’A.A.____ était un projet commun des parties (choix du prénom et des vêtements, présence lors de l’accouchement) et qu’elle souhaitait la revoir, la priorité restant toutefois pour elle le lien entre I.____ et sa sœur. Elle a ajouté qu’elle avait sollicité le Coteau pour envisager un éventuel accompagnement dans la reprise de relations personnelles entre I.____ et B.A.____, en y incluant A.A.____ par la suite, mais que cette structure s’y était opposée au motif que le conflit entre les mères devrait préalablement être traité, la priorité étant de protéger les enfants du climat conflictuel plutôt que d’envisager des rencontres dans des conditions insécures. Elle a préconisé de ne pas fixer de droit aux relations personnelles entre A.A.____ et R.____, d’enjoindre cette dernière et B.A.____ à entreprendre une médiation et de désigner un curateur de représentation au sens de l’art. 306 al. 2 CC à A.A.____ en vue de défendre son droit d’avoir des liens avec I.____.

23. Le 18 mai 2022, R.____ et B.A.____ ont signé une convention, ratifiée le jour même par la Présidente du Tribunal de l’arrondissement de Lausanne pour valoir ordonnance de mesures provisionnelles, prévoyant notamment un droit de visite d’B.A.____ sur I.____ s’exerçant de manière médiatisée.

24. Le 17 juin 2022, R.____ a adressé à la justice de paix une demande tendant à la fixation d’un droit de visite au sens de l’art. 274a CC sur l'enfant A.A.____ selon des modalités à fixer en cours d'instance.

Dans sa réponse du 12 septembre 2022, B.A.____ a conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet, de la requête précitée.

Dans ses déterminations du 3 février 2023, R.____ a confirmé les conclusions de sa demande du 17 juin 2022.

Le 8 mai 2023, le juge de paix a tenu audience en présence de R.____, assistée de son conseil, et de l’avocat d’B.A.____, dispensée, afin de procéder à l’audition anticipée en qualité de témoin de W.____. Celle-ci a déclaré que la volonté de sa fille et d’B.A.____ de fonder une famille demeurait intacte malgré la fin de leur relation amoureuse et qu’elles s’étaient toujours accordées sur le fait qu’en cas de séparation, elles exerceraient une garde alternée sur leurs enfants. Elle a attesté que R.____ avait été présente tout au long de la grossesse d’B.A.____, était là lors de l’accouchement et avait coupé le cordon ombilical. Elle a précisé qu’elle ignorait si c’était sa fille qui avait procédé à l’insémination d’B.A.____. Elle a affirmé que les parties avaient ensuite vécu une vie de famille tout à fait normale avec leurs deux enfants, leur quotidien étant rythmé par le soin apporté à ces derniers et les sorties en famille, se considéraient comme une famille à part entière et formaient, d’un point de vue extérieur, un foyer uni. Elle a relevé que pour sa fille et pour un nombre important de tiers, il était évident qu’A.A.____ était l’enfant, ne serait-ce que d’intention, de R.____. Elle a observé qu’I.____ et A.A.____ appelaient R.____ « maman » et B.A.____ « mama ». Elle a ajouté qu’B.A.____ communiquait avec elle comme si elle était sa belle-mère, lui envoyant des photos de ses échographies lors de sa grossesse, et que les deux femmes se partageaient les tâches. Elle a mentionné qu’elle avait financé le leasing de la voiture qui devait servir à la famille et ouvert un compte épargne au nom de chacun des deux enfants.

Le 20 juin 2023, la justice de paix a procédé à l’audition de R.____ et d’B.A.____, assistées de leur conseil respectif. Le conseil d’B.A.____ a confirmé que sa cliente résidait désormais au [...].

Lors de cette audience, T.____, Q.____ et E.____, voisine de R.____ et d’B.A.____ lorsqu’elles partageaient le même logement, ont été entendus en qualité de témoins.

T.____ a exposé qu’elle avait connu les parties lorsqu’[...] avait un peu moins d’une année, qu’elle les croisait principalement au parc, qu’à son avis, elles se considéraient comme une famille à part entière et que R.____ était présente pour les enfants. Elle a indiqué qu’elle n’avait pas remarqué de changement particulier dans le comportement de R.____ et d’B.A.____ après la naissance d’A.A.____ et qu’elle avait été surprise d’apprendre leur séparation. Elle a confirmé que les enfants appelaient R.____ « maman » et B.A.____ « mama » et qu’ils avaient grandi comme des frère et sœur ayant les mêmes parents, formant une famille unie et aimante d’un point de vue extérieur. Elle a expliqué, s’agissant de sa lettre du 10 novembre 2020, qu’en rentrant de l’école avec ses enfants, elle avait croisé B.A.____ et A.A.____ au parc, que R.____ était ensuite arrivée avec I.____ et que lorsqu’B.A.____ avait décidé de partir, elle avait constaté qu’A.A.____ voulait rester avec R.____, insistant en ce sens, notamment en pleurant. Elle a précisé qu’elle avait perçu l’attitude d’A.A.____ comme une envie de rester avec R.____, plutôt que de continuer à jouer avec les autres enfants, notamment son frère. Elle a estimé qu’A.A.____ était voulue et désirée par R.____, mais n’a pas su dire si elle les avait croisées uniquement les deux ensemble.

Q.____ a déclaré qu’à [...], ils avaient toujours considéré les parties comme une famille classique et qu’I.____ et A.A.____ avaient grandis comme des frère et sœur ayant les mêmes parents. Il a spécifié que dans les activités quotidiennes, il avait vu plus régulièrement B.A.____, mais que dans les moments communs, les parties venaient le plus souvent ensemble. Il a affirmé que R.____ était présente au quotidien pour A.A.____ et [...], précisant qu’il n’avait pas le souvenir de l’avoir constaté personnellement, mais que rien ne laissait penser le contraire. Il a ajouté qu’il ne se souvenait pas d’avoir vu R.____ seule avec A.A.____, ni si elle était une personne de référence pour l’enfant.

E.____ a observé qu’elle n’avait pas connu les parties avant qu’elles ne se séparent, n’ayant pas d’autres contacts avec elles qu’un bonjour.

Le 12 octobre 2023, la justice de paix a procédé à l’audition de R.____ et d’B.A.____, assistées de leur conseil respectif. Le conseil de R.____ a produit des conclusions précisées datées du 11 octobre 2023, concluant à l’octroi en faveur de sa cliente d’un droit de visite sur l’enfant A.A.____ s’exerçant de manière médiatisée durant les six premiers mois par le biais d’Accord Famille ou, à défaut, par le biais de toute autre structure équivalente, puis de manière libre et large d’entente avec B.A.____ et, à ce défaut, à raison d’un week-end par mois, du vendredi soir au dimanche soir, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires et des jours fériés. Le conseil d’B.A.____ a conclu au rejet de ces conclusions.

En droit :

1.

1.1 Le recours est dirigé contre une décision de la justice de paix refusant d’accorder à la recourante un droit de visite au sens de l’art. 274a CC sur la fille mineure de son ancienne compagne.

1.2

1.2.1 Contre une telle décision, le recours de l'art. 450 CC est ouvert à la Chambre des curatelles (art. 8 LVPAE [Loi du 29 mai 2012 d'application du droit fédéral de la protection de l'adulte et de l'enfant ; BLV 211.255] et 76 al. 2 LOJV [Loi d'organisation judiciaire du 12 décembre 1979 ; BLV 173.01]) dans les trente jours dès la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC). Les personnes parties à la procédure, les proches de la personne concernée et les personnes qui ont un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée ont qualité pour recourir (art. 450 al. 2 CC). Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit (art. 450 al. 3 CC), les exigences de motivation ne devant cependant pas être trop élevées (Droese, Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, Art. 1-456 ZGB, 7e éd., Bâle 2022, ci-après : Basler Kommentar, n. 42 ad art. 450 CC, p. 2940).

En vertu de l’art. 314 al. 1 CC, les dispositions de la procédure devant l’autorité de protection de l’adulte (art. 360 à 456 CC) sont applicables par analogie. En matière de protection de l’adulte, respectivement de l’enfant, si le droit fédéral y relatif et le droit cantonal ne contiennent pas de règles particulières, la procédure est régie par le CPC, applicable à titre de droit cantonal supplétif (art. 12 al. 1 et 20 al. 1 LVPAE et 450f CC ; ATF 140 III 167 consid. 2.3 ; CCUR 25 juillet 2022/127 et les références citées).

1.2.2 L’art. 446 al. 1 CC prévoit que l'autorité de protection établit les faits d'office. L’art. 229 al. 3 CPC étant applicable devant cette autorité, les faits et moyens de preuve nouveaux sont admis jusqu’aux délibérations. Cela vaut aussi en deuxième instance (Droese, Basler Kommentar, op. cit., n. 7 ad art. 450a CC, p. 2943, et les auteurs cités ; TF 5C_1/2018 du 8 mars 2019 consid. 5.1 et les références citées). En matière de protection de l'adulte et de l'enfant, la maxime inquisitoire illimitée est applicable, de sorte que les restrictions posées par l'art. 317 CPC pour l'introduction de faits ou moyens de preuve nouveaux sont inapplicables (cf. JdT 2011 III 43 ; CCUR 27 juillet 2020/151).

1.2.3 La Chambre des curatelles doit procéder à un examen complet de la décision attaquée, en fait, en droit et en opportunité (art. 450a CC), conformément à la maxime d’office et à la maxime inquisitoire, puisque ces principes de la procédure de première instance s’appliquent aussi devant l’instance judiciaire de recours (Droit de la protection de l'enfant, Guide pratique COPMA, Zurich/St-Gall 2017, ci-après : Guide pratique COPMA 2017, n. 5.77, p. 180). Elle peut confirmer ou modifier la décision attaquée devant elle. Dans des circonstances exceptionnelles, elle peut aussi l’annuler et renvoyer l’affaire à l’autorité de protection, par exemple pour compléter l’état de fait sur des points essentiels (art. 318 al. 1 let. c ch. 2 CPC, applicable par renvoi des art. 450f CC et 20 LVPAE). Selon les situations, le recours sera par conséquent réformatoire ou cassatoire (Guide pratique COPMA 2017, n. 5.84, p. 182).

Conformément à l’art. 450d CC, la Chambre des curatelles donne à la justice de paix l’occasion de prendre position (al. 1), cette autorité pouvant, au lieu de prendre position, reconsidérer sa décision (al. 2).

1.3 En l’espèce, motivé et interjeté en temps utile par l’ancienne compagne de la mère de la mineure concernée, qui s’est vu refuser le droit d’entretenir des relations personnelles avec l’enfant en première instance, le recours est recevable. Il en va de même des pièces produites en deuxième instance, si tant est qu’elles ne figurent pas déjà au dossier.

2.

2.1 La Chambre des curatelles, qui n’est pas tenue par les moyens et les conclusions des parties, examine d’office si la décision n’est pas affectée de vices d’ordre formel. Elle ne doit annuler une décision que s’il ne lui est pas possible de faire autrement, soit parce qu’elle est en présence d’une procédure informe, soit parce qu’elle constate la violation d’une règle essentielle de la procédure à laquelle elle ne peut elle-même remédier et qui est de nature à exercer une influence sur la solution de l’affaire (Poudret/Haldy/Tappy, Procédure civile vaudoise, 3e éd., Lausanne 2002, nn. 3 et 4 ad art. 492 CPC-VD [Code de procédure civile vaudois du 14 décembre 1966, aujourd'hui abrogé], p. 763, point de vue qui demeure valable sous l’empire du nouveau droit).

La procédure devant l'autorité de protection est régie par les art. 443 ss CC. La personne concernée doit être entendue personnellement, à moins que l'audition personnelle paraisse disproportionnée.

2.2

2.2.1 La recourante invoque une violation du droit d'être entendu.

2.2.2 Consacré à l’art. 29 al. 2 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; ATF 141 V 495 consid. 2.2 ; ATF 135 I 187 consid. 2.2 ; TF 5A_699/2017 du 24 octobre 2017 consid. 3.1.3 ; TF 5A_741/2016 du 6 décembre 2016 consid. 3.1.2). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 141 V 495 consid. 2.2 ; ATF 137 I 195 consid. 2.2, SJ 2011 I 345) et avec un plein pouvoir d'examen (ATF 135 I 279 consid. 2.2 ; ATF 127 III 193 consid. 3 ; sur le tout : TF 8C_119/2020 du 26 novembre 2020 consid. 4.2).

Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens des art. 29 Cst. et 6 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; RS 0.101), le droit d'être entendu garantit notamment au justiciable le droit de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, d’obtenir et de participer à l’administration des preuves pertinentes et valablement offertes et de se déterminer sur son résultat, d’avoir accès au dossier et de prendre connaissance de toute pièce du dossier ainsi que de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où il l’estime nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit. Il appartient en effet aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier appelle des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; ATF 139 II 489 consid. 3.3 ; ATF 138 I 484 consid. 2.1), que cela soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre (CCUR 3 mars 2021/56).

La jurisprudence a aussi déduit du droit d'être entendu l'obligation pour le juge de motiver sa décision afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé dans sa décision, de sorte que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; ATF 133 I 270 consid. 3.1, JdT 2011 IV 3 ; TF 6B_802/2017 du 24 janvier 2018 consid. 1.1). Toutefois, l'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui paraissent pertinents (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; ATF 142 III 433 consid. 4.3.2 ; ATF 138 I 232 consid. 5.1). Une motivation implicite, résultant des différents considérants de la décision, suffit à respecter le droit d’être entendu (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; TF 6B_802/2017 du 24 janvier 2018 consid. 1.1 ; TF 5A_892/2013 du 29 juillet 2014 consid. 4.1.2 ; TF 5A_278/2012 du 14 juin 2012 consid. 4.1).

Une violation du droit d’être entendu peut être réparée dans le cadre de la procédure de recours lorsque le vice n’est pas particulièrement grave et pour autant que la partie lésée ait la possibilité de s’exprimer et de recevoir une décision motivée de la part de l’autorité de recours jouissant d’un plein pouvoir d’examen quant aux faits et au droit (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; ATF 136 III 174 consid. 5.1.2 ; TF 4D_76/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.2, non publié à l’ATF 147 III 440 ; TF 5A_887/2017 du 16 février 2018 consid. 6.1 ; TF 5A_741/2016 du 6 décembre 2016 consid. 3.1.2).

2.2.3

2.2.3.1 La recourante reproche à l’autorité de protection revenue sur son appréciation initiale résultant de l’ordonnance de mesures provisionnelles du 18 janvier 2021, selon laquelle « au stade de la vraisemblance, l’existence de circonstances particulières pouvant justifier de faire application de l’art. 274a CC doit être admise », d’autant qu'il s'agit du même juge instructeur. Elle relève en outre que les premiers juges n’ont pas expliqué la raison de ce revirement.

Du fait de leur nature même, les mesures provisionnelles sont en règle générale fondées sur un examen sommaire des faits et de la situation juridique (cf. art. 261 al. 1 CPC ; Guide pratique COPMA 2017, n. 5.20, p. 164). S'agissant d'une mesure provisoire, il suffit que la cause et la condition soient réalisées à première vue (CCUR 4 mars 2021/59 consid. 3.1.4 ; JdT 2005 III 51). Imaginer que cette décision est figée et ne peut être modifiée au moment où une décision au fond doit être rendue, c'est faire fi de la procédure d'enquête qui est intervenue dans l'intervalle. Par ailleurs, cela va à l'encontre d'un principe cardinal de la procédure selon lequel le magistrat doit pouvoir modifier son appréciation entre une décision sur mesures provisionnelles et une décision au fond. Partant, il n'y a pas violation du droit d'être entendu de ce chef.

2.2.3.2 La recourante fait également grief à la justice de paix de ne pas avoir examiné le critère de l'art. 274a CC relatif à l'intérêt supérieur de l'enfant.

L'octroi d'un droit aux relations personnelles à un tiers est soumis à deux conditions cumulatives, à savoir l’existence de circonstances exceptionnelles et l’intérêt de l’enfant. Or, les premiers juges ont considéré que la condition de l’existence de circonstances exceptionnelles n’était pas remplie en l’espèce. Ils n’avaient par conséquent pas à examiner la condition de l'intérêt supérieur de l'enfant, l'exclusion de la première condition scellant le sort de la cause. En outre, la recourante a pu faire valoir ses arguments devant la Chambre de céans, laquelle dispose d’un plein pouvoir d'examen en fait et en droit. Une éventuelle violation de son droit d'être entendue a ainsi été réparée en deuxième instance.

3.

3.1

3.1.1 La recourante reproche aux premiers juges d’avoir considéré que la première condition posée par l'art. 274a al. 1 CC, à savoir l'existence de circonstances exceptionnelles, n'était pas remplie. Elle soutient que plusieurs éléments de fait retenus par l'autorité de protection tendent à démontrer que l’on se trouve en présence de circonstances exceptionnelles et qu’elle a joué un rôle de parent d’intention dans la vie d’A.A.____, respectivement qu’B.A.____ lui a accordé une place dans un projet familial concernant cet enfant.

La recourante admet que le projet de conception d'A.A.____ émanait d'une impulsion initiale d’B.A.____, qui souhaitait avoir un second enfant. Elle affirme toutefois que cette impulsion est devenue un projet commun des parties, lesquelles ont depuis toujours eu l'intention d'élever les enfants issus des paillettes achetées ensemble comme une fratrie. Elle fait valoir qu’elles se sont toutes deux impliquées dans le processus de conception, ont préparé ensemble la naissance de l’enfant (choix du prénom, achat des vêtements, préparation de la chambre etc.) et l’ont élevée de concert à son arrivée. Elle relève que l'article publié sur le site Swissinfo.ch est paru le 6 août 2017, soit plus d’un an avant la naissance d’A.A.____, ce qui démontre qu’à cette époque déjà, la naissance de l’enfant était envisagée par chacune des parties ou tout du moins que cette idée était présente dans leurs esprits et ce alors même qu’elles étaient séparées depuis 2015. Elle ajoute qu’A.A.____ étant née le [...] 2018, la date de sa conception peut raisonnablement être estimée à la fin du mois de novembre 2017 et que par conséquent, compte tenu du temps de livraison nécessaire entre la banque du donneur située au [...] et leur domicile et du fait qu’elles ont dû procéder à deux inséminations afin de concevoir A.A.____, il est évident que la première tentative a été faite avant la parution de l’article précité, ce qui renforce encore la crédibilité de ce qu’elles ont exprimé lors de ce témoignage. Elle observe encore que les colis contenant les paillettes pour les inséminations d’I.____ et d’A.A.____ ont été réceptionnés et amenés par une de ses proches, ce qui témoigne de son investissement, ainsi que de celui de sa famille dans les projets de conception des deux enfants. Enfin, elle mentionne qu’B.A.____ donnait régulièrement des nouvelles de sa grossesse à sa propre mère, ce qui n’aurait pas eu lieu d’être si le projet de la naissance d’A.A.____ avait été personnel.

La recourante concède avoir menti sur la nature de sa relation avec B.A.____, mais déclare qu’elle n'a en revanche jamais remis en question leur volonté de former une famille et d'élever leurs enfants ensemble. Elle affirme qu’il en va de même de la prénommée. Elle en veut pour preuve qu’B.A.____ a déposé deux demandes en vue de l’adoption d’A.A.____ par elle et a consenti à cette adoption avant de changer brusquement d’avis. Elle estime qu’B.A.____ a volontairement modifié sa version des faits s’agissant de leur projet parental afin d’asseoir sa position procédurale et de l’empêcher de pouvoir maintenir un lien avec A.A.____, désirant désormais se mettre en ménage avec sa nouvelle compagne.

La recourante indique que le caractère commun du projet de famille des parties, respectivement de la naissance d’A.A.____, a été constaté tant par la DGEJ dans son rapport du 20 octobre 2020 (« le projet de famille a semble-t-il été construit par les deux femmes ensemble qui ont pour ce faire décidé de prendre le même donneur »), que par la CDAP dans son arrêt du 2 juillet 2021.

La recourante considère que le raisonnement de la justice de paix est choquant et discriminatoire. Elle remarque que le critère du caractère commun du projet de naissance d’un enfant est totalement étranger lorsqu’il s’agit d’enfants issus d’un couple hétérosexuel et qu’il en va de même s’agissant de l'art. 274a CC stricto sensu, ainsi que des décisions qui concernent les grands-parents par exemple. Elle est d’avis que l’élément principal à analyser est celui du lien unissant l’enfant au tiers requérant le droit de visite et que le caractère commun du projet de naissance doit tout au plus renforcer la nécessité d’accorder un droit aux relations personnelles.

La recourante soutient que les premiers juges ne pouvaient pas exiger une preuve stricte du fait qu’elle avait procédé à l'insémination de son ancienne compagne dès lors que cela s'est bien évidemment passé dans l'intimité. Elle relève en outre que si le projet de naissance d’A.A.____ avait effectivement été uniquement celui d’B.A.____, celle-ci ne l’aurait pas conviée à assister à l'accouchement. Elle estime que le fait que l’adoption d’I.____ par B.A.____ ait été prononcée le 28 mars 2019 et que la vie commune ait malgré tout continué jusqu’en juillet 2020 démontre la volonté des parties de vivre et d’éduquer leurs enfants ensemble, comme du reste le fait qu’elles partageaient des vacances et des activités en famille, photos à l’appui. Elle conteste avoir exercé une « emprise » sur B.A.____, cette allégation n’étant au demeurant étayée par aucune pièce ni aucun autre élément de preuve. Elle précise, s’agissant de la crainte ressentie par B.A.____ concernant ses droits et ses relations avec I.____, qu’elle a la ferme intention de se conformer à l’accord passé entre le parties durant la vie commune, à savoir d'exercer une garde partagée sur leurs enfants.

La recourante affirme qu’elle aime A.A.____, la considère comme sa fille biologique et la place sur un pied d’égalité avec son fils I.____. Elle prétend que le fait de se tatouer les initiales de l’enfant révèle un lien particulièrement fort, au-delà d’un simple attachement. S'y ajoute le fait que sa propre mère s’est également fait tatouer le prénom d’A.A.____ et a ouvert un compte bancaire pour elle.

La recourante fait grief aux premiers juges d’avoir retenu qu’elle n’avait pas assumé de tâches de nature parentale ayant donné lieu à la naissance d’une parenté sociale. Elle fait valoir que durant les deux ans de vie commune des parties, elle a passé énormément de temps seule avec A.A.____, photos et vidéos à l’appui. Elle observe qu’au moment de sa naissance, I.____ était âgé d’à peine trois ans et n’était pas encore scolarisé, de sorte qu’il était normal qu’elle le prenne avec lorsqu’elle s’occupait d’A.A.____.

La recourante soutient encore qu’il est inexact de retenir qu’A.A.____ l’appelait « maman » en raison de son très jeune âge car cela reviendrait à considérer que n’importe quel enfant en bas âge serait capable d’appeler par ce surnom un adulte vivant avec lui sous le même toit, ce qui ne correspond pas à la réalité et au comportement usuel des enfants. Elle relève que le fait qu’elle se soit présentée comme telle à A.A.____ tend à démontrer qu’elle a bel et bien joué le rôle de parent nourricier, respectivement d’intention, vis-à-vis de cette dernière. Elle ajoute qu’B.A.____ n’indique nullement s’y être opposée, ce qui atteste que les parties se considéraient comme une famille.

Enfin, la recourante reproche à l’autorité de première instance d’avoir comparé les situations d’I.____ et d’A.A.____, les mettant sur un pied d’égalité. Elle souligne que leur situation n’est pas identique d’un point de vue juridique, I.____ étant lié à elle par la naissance et à B.A.____ par une filiation juridique découlant d’une décision d’adoption, alors qu’A.A.____ n’a de lien de filiation qu’avec sa mère biologique.

3.1.2 S’agissant de la deuxième condition de l’art. 274a al. 1 CC, à savoir du critère relatif à l'intérêt de l'enfant, la recourante affirme que le bien-être d’A.A.____ implique de manière inéluctable qu’elle puisse continuer à entretenir des relations avec la personne qui a partagé sa vie durant près de deux ans et s’en est occupée comme de sa propre fille.

Elle considère en outre que l’enfant a besoin, respectivement le droit, dans le cadre de son évolution et de sa construction, de connaître ses origines et, par voie de conséquence, le projet de vie familiale au sein duquel elle est née, ainsi que la personne qui a joué le rôle de mère pour elle durant les premières années de sa vie.

3.2 Le droit d'exercer des relations personnelles dépend, dans la règle, de l'existence d'un lien de filiation juridique direct selon l'art. 273 CC qui prévoit que le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances (al. 1). La loi mentionne le « droit aux relations personnelles », soit une notion plus large que le « simple » droit de visite qui peut être défini comme « des contacts par le biais de visites », mais vise également les échanges téléphoniques, épistolaires, communications par SMS, e-mails, Skype, FaceTime ou WhatsApp. Les évolutions technologiques permettront très certainement encore d'autres moyens d'être en contact à l'avenir. Le droit aux relations personnelles est aujourd'hui considéré comme un droit réciproque de l'enfant et de chaque parent d'entretenir des contacts, de maintenir et de nourrir ainsi des liens vivants entre eux. Ces liens jouent un rôle important dans le développement de l'enfant, en participant notamment à la construction de sa personnalité (Dénéréaz Luisier/Kirchhofer/Mérinat, Le droit aux relations personnelles des tiers avec l'enfant, in Vaerini/Foutoulakis [éd.], Droit aux relations personnelles de l'enfant, Berne 2023, pp. 161 ss, spéc. pp. 164 et 165 et les références citées).

Le droit aux relations personnelles faisant partie des droits de la personnalité de l'enfant et des parents, il bénéficie d'une protection spéciale découlant notamment des art. 8 CEDH, 9 ch. 3 CDE (Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant ; RS 0.107), 13 Cst., 28 ss CC et 220 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; RS 311.0). Cela étant, l'exercice des relations personnelles n'est pas absolu, comme l'indique déjà le texte de l'art. 273 CC (« indiquées par les circonstances »). Il peut être restreint s'il est non conforme à l'intérêt de l'enfant ou aménagé (droit de visite surveillé ou médiatisé). Enfin, l'exécution forcée de ce droit (que cela soit à l'égard du parent non-gardien ou de l'enfant) est rarissime et pose question. À défaut de lien de filiation juridique direct, c'est l'art. 274a CC qui règle le droit des tiers aux relations personnelles avec l'enfant qui doit être invoqué (Dénéréaz Luisier/Kirchhofer/Mérinat, op. cit., p. 165 et les références citées).

L’art. 274a CC dispose que dans des circonstances exceptionnelles, le droit d’entretenir des relations personnelles peut être accordé à des tiers, en particulier à des membres de la parenté, à condition que ce soit dans l’intérêt de l’enfant (al. 1). Les limites du droit aux relations personnelles des père et mère sont applicables par analogie (al. 2). Cette disposition concerne principalement le droit que pourraient revendiquer les grands-parents de l’enfant (TF 5A_380/2018 du 16 août 2018 consid. 3.1). Le cercle des tiers concernés est cependant plus large et s’étend aussi bien dans la sphère de parenté de l’enfant qu’à l’extérieur de celle-ci (Dénéréaz Luisier/Kirchhofer/Mérinat, op. cit., p. 165). Le beau-parent peut donc se prévaloir de cette disposition pour obtenir le droit d’entretenir des relations personnelles avec l’enfant de son conjoint dont il est séparé ou divorcé (TF 5A_755/2020 du 16 mars 2021 consid. 5 et les références citées ; Meier/Stettler, Droit de la filiation, 6e éd., Genève/Zurich/Bâle 2019, n. 978, pp. 629 et 630). De même, comme le prévoit expressément l’art. 27 al. 2 LPart (Loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe du 18 juin 2004 ; RS 211.231), un ex-partenaire peut se voir accorder un droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant de son ex-partenaire en cas de suspension de la vie commune ou de dissolution du partenariat enregistré, aux conditions prévues par l'art. 274a CC (TF 5A_225/2022 du 21 juin 2023 consid. 5 ; TF 5A_520/2021 du 12 janvier 2022 consid. 5.2.1 ; TF 5A_755/2020 du 16 mars 2021 consid. 5 ; ATF 147 III 209 consid. 5 et les références citées ; Dénéréaz Luisier/Kirchhofer/Mérinat, op. cit., p. 166).

L’art. 274a al. 1 CC subordonne l’octroi d’un droit aux relations personnelles à des tiers à l’existence de circonstances exceptionnelles qui doivent être rapportées par ceux qui le revendiquent, le droit constituant une exception (TF 5A_755/2020 du 16 mars 2021 consid. 5.1 et les références citées ; Message du Conseil fédéral du 5 juin 1974 concernant la modification du Code civil suisse, FF 1974 pp. 1 ss, spéc. p. 54). Tel est notamment le cas en présence d'une relation particulièrement étroite que des tiers ont nouée avec l'enfant, comme ses parents nourriciers, ou lorsque l'enfant a tissé un lien de parenté dite « sociale » avec d'autres personnes, qui ont assumé des tâches de nature parentale à son égard (ATF 147 III 209 consid. 5.1 et les références ; TF 5A_225/2022 du 21 juin 2023 consid. 5.1 ; TF 5A_520/2021 du 12 janvier 2022 consid. 5.2.1 ; TF 5A_755/2020 du 16 mars 2021 consid. 5.1 ; Dénéréaz Luisier/Kirchhofer/Mérinat, op. cit., p. 168 ; Meier/Stettler, op. cit., n. 978, p. 630). Le parent « social » peut être défini comme toute personne ayant assumé un rôle parental auprès de l’enfant, alors que le parent d’intention est le partenaire du parent biologique dans le cadre d’un projet parental commun (Dénéréaz Luisier/Kirchhofer/Mérinat, op. cit., p. 166).

La seconde condition posée par l’art. 274a al. 1 CC est l’intérêt de l’enfant. Seul cet intérêt est déterminant, à l’exclusion de celui de la personne avec laquelle l’enfant peut ou doit entretenir des relations personnelles. Il ne suffit pas que les relations personnelles ne portent pas préjudice à l'enfant, encore faut-il qu'elles servent positivement le bien de celui-ci (ATF 147 III 209 consid. 5.2 et les références ; TF 5A_225/2022 du 21 juin 2023 consid. 5.2 ; TF 5A_520/2021 du 12 janvier 2022 consid. 5.2.1 ; TF 5A_755/2020 du 16 mars 2021 consid. 5.2). L’autorité doit procéder à une pesée des intérêts de l’enfant entre le bénéfice que peuvent lui apporter ces relations personnelles et ce qui peut lui être préjudiciable, par exemple s’il risque d’en découler un conflit de loyauté nuisant à son bien-être et à son bon développement psychique, moral ou intellectuel (Dénéréaz Luisier/Kirchhofer/Mérinat, op. cit., pp. 169 et 170).

Il incombe à l'autorité saisie de la requête d'apprécier le type de relation qui s'est établi entre l'enfant et le requérant, et en particulier si une « relation particulière » s'est instaurée entre eux (TF 5A_755/2020 du 16 mars 2021 consid. 5.2 ; en ce qui concerne le beau-parent, cf. TF 5A_831/2008 du 16 février 2009 consid. 3.2 in fine). S'agissant du droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant de son ex-partenaire enregistré, il pourra notamment être accordé lorsque l'enfant a noué une relation intense avec le partenaire de son père ou de sa mère et que le maintien de cette relation est dans son intérêt (cf. Message du Conseil fédéral relatif à la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe du 29 novembre 2002, FF 2003 1192 ss, spéc. p.1245 ad art. 27 LPart). Lorsque le requérant n'est pas seulement le concubin ou le partenaire enregistré du parent, mais qu'il endosse aussi le rôle de parent d'intention non biologique de l'enfant, autrement dit lorsque l'enfant a été conçu dans le cadre d'un projet parental commun et qu'il a grandi au sein du couple formé par ses deux parents d'intention, le maintien de relations personnelles sera en principe dans l'intérêt de l'enfant (TF 5A_755/2020 du 16 mars 2021 consid. 5.2 et les références citées ; Dénéréaz Luisier/Kirchhofer/Mérinat, op. cit., p. 170). Dans une telle configuration, le tiers représente pour l'enfant une véritable figure parentale d'attachement, de sorte que les autres critères d'appréciation, tels que celui de l'existence de relations conflictuelles entre le parent légal et son ex-partenaire, doivent être relégués au second plan et ne suffisent généralement pas à dénier l'intérêt de l'enfant à poursuivre la relation. En revanche, la situation sera appréciée avec plus de circonspection lorsque le requérant n'a connu l'enfant qu'après sa naissance, ce qui est souvent le cas s’agissant des beaux-parents. Dans tous les cas, le maintien d'un lien sera d'autant plus important pour l'enfant que la relation affective avec l'ex-partenaire, ex-conjoint ou ex-concubin de son parent est étroite et que la vie commune a duré longtemps ( ATF 147 III 209 consid. 5. et les références ; TF 5A_225/2022 du 21 juin 2023 consid. 5.2 ; TF 5A_520/2021 du 12 janvier 2022 consid. 5.2.1 ; TF 5A_755/2020 du 16 mars 2021 consid. 5.2 et les références citées ; Dénéréaz Luisier/Kirchhofer/Mérinat, op. cit., p. 170).

La preuve directe de l'existence d'un lien de parenté sociale, respectivement d'un projet parental commun étant difficilement envisageable, l'appréciation de cette circonstance doit généralement être effectuée de manière indirecte, sur la base d'un faisceau d'indices, dont aucun n'est à lui seul déterminant (Dénéréaz Luisier/Kirchhofer/Mérinat, op. cit., p. 172). Dans ce cadre, l'autorité pourra prendre en considération, de manière globale, tous les indices pertinents pour établir notamment le contexte de la conception des enfants, de leur naissance et, le cas échéant, les circonstances ayant prévalu durant la période où ils ont vécu avec la partie requérante. Les constatations portant sur les indices peuvent concerner des circonstances externes tout comme des éléments d'ordre psychique relevant de la volonté interne (TF 5A_225/2022 du 21 juin 2023 consid. 5.3 et les références citées).

L'autorité compétente doit faire preuve d'une circonspection particulière lorsque le droit revendiqué par des tiers vient s'ajouter à l'exercice de relations personnelles par les parents de l'enfant ( ATF 147 III 209 consid. 5.2 in fine et les références citées ; TF 5A_225/2022 du 21 juin 2023 consid. 5 ; TF 5A_520/2021 du 12 janvier 2022 consid. 5.2.1 ; TF 5A_755/2020 du 16 mars 2021 consid. 5.2 et les références citées ; Meier/Stettler, op. cit., n. 980, p. 631). Ces relations entre le tiers et l'enfant doivent ainsi s'intégrer au contexte social dans lequel il vit et ne pas s'exercer au détriment d'autres relations plus importantes pour lui (Dénéréaz Luisier/Kirchhofer/Mérinat, op. cit., pp. 170 et 171).

3.3

3.3.1 En l’espèce, la recourante et B.A.____ se sont rencontrées en 2013 et ont vécu sous le même toit jusqu’en juillet 2020. L’article paru le 6 août 2017 laisse certes entendre qu’elles formaient alors une famille et que la naissance d’un second enfant était envisagée par chacune des parties (« nous sommes une famille comme les autres », « le projet d’un deuxième enfant est déjà en cours »). R.____ et B.A.____ se sont toutefois séparées en décembre 2015 et ont admis avoir menti quant à la nature amoureuse de leur relation afin de ne pas mettre à mal la procédure d’adoption d’I.____ par B.A.____ (appréciation du signalement de la DGEJ du 20 octobre 2020 ; audition du 18 janvier 2021). Par ailleurs, le fait que durant l’été 2017, B.A.____ ait informé R.____ de son désir d’avoir un enfant biologique et lui ait demandé son accord pour recourir aux paillettes résultant du lot commun acheté en 2014 démontre qu’à ce moment, il n'y avait plus de vie de couple, mais une situation de cohabitation et qu’A.A.____ n'a par conséquent pas été conçue dans les mêmes conditions qu'I.____. Sa conception n’est ainsi pas un projet parental commun, mais une décision d’B.A.____, la recourante ayant donné son accord sur les modalités, peu importe à cet égard que les parties faisaient ménage commun lors de cette conception, qu’elles aient eu l’intention d’avoir plusieurs enfants ensemble lorsqu’elles étaient en couple ou que les paillettes utilisées proviennent du même lot acheté en commun dans le cadre du projet qui a donné lieu à la naissance d’I.____. Le fait qu'après avoir donné son accord, R.____ s'est finalement investie, au point notamment que c'est une amie à elle qui a transporté la semence pour la conception d’A.A.____ depuis l’étranger (lettre du 14 janvier 2021), qu'elle l'aurait introduite elle-même, selon ses dires, et qu’elle a été présente lors de l’accouchement paraît assez peu relevant dès lors que les parties ont formé un couple, ont eu un enfant qu’elles élevaient ensemble et dont le bébé à naître serait la demi-sœur et s’entendaient bien, les disputes ayant commencé après la naissance d’A.A.____ selon les déclarations de la recourante elle-même (audience du 18 janvier 2021). En outre, le fait que R.____ se soit fait tatouer les initiales d’A.A.____ sur un doigt ou que sa mère ait ouvert un compte bancaire au nom de l’enfant ne signifie pas qu’B.A.____ considérait sa fille comme un enfant commun. Enfin, on comprend de la discussion entre R.____ et B.A.____ du 20 juillet 2020 qu'il y avait une forme de contrat (un « deal » selon les propos de la recourante) entre les deux femmes afin que chacune ait les enfants auprès d'elle une semaine sur deux. Ainsi, si les parties vivaient dans le même logement et si les tiers étaient convaincus que les quatre protagonistes étaient une famille « ordinaire », c'est parce qu'il fallait donner une telle apparence pour voir aboutir les projets d'adoption.

Partant, la conception d’A.A.____ ne résultant pas d’un projet parental commun des parties, mais de la seule volonté d’B.A.____, R.____ ne peut être considérée comme un parent d'intention vis-à-vis de l’enfant.

3.3.2 Il convient encore d’examiner si la recourante peut être considérée comme un parent « social », l'absence d'intention ne l'empêchant pas d'avoir joué un tel rôle auprès d’A.A.____ pendant la vie commune et d'avoir assumé des tâches parentales au point que l'enfant aurait noué avec elle une relation particulièrement étroite.

A.A.____ est née le [...] 2018 et a donc vécu dans le même foyer que R.____ jusqu'à ses presque deux ans. Or, les deux premières années d’un enfant sont cruciales en ce qui concerne l'attachement. La recourante admet que dans l'organisation de la communauté domestique, c'est B.A.____ qui s'occupait majoritairement des deux enfants (rapport d’évaluation de la DGEJ du 14 octobre 2021), étant elle-même occupée à ses études de droit, au point qu’I.____ a développé une forme de rejet envers sa mère et qu'un suivi pédopsychiatrique a dû être mis en place pour rétablir le lien mère-fils (rapport de la Dre [...] du 24 avril 2018). Elle soutient toutefois qu'il s'agissait d'une répartition usuelle des tâches, comme tel serait le cas au sein d'un couple hétérosexuel, et qu'on ne saurait le lui opposer. Cet argument tombe à faux dès lors qu'il n'y avait plus de couple, mais une colocation de circonstances.

Il n'y a pas d'éléments au dossier qui tendent à démontrer que R.____ aurait partagé des moments privilégiés avec A.A.____ durant les deux premières années de sa vie. En effet, il ne ressort d'aucun témoignage, à part de celui de la mère de la recourante (audition du 8 mai 2023), qui n'a pas grande force probante, que R.____ passait du temps seule avec A.A.____ (courrier de Q.____ du 9 décembre 2020 ; auditions de M.____ du 18 janvier 2021, ainsi que de T.____ et de Q.____ du 20 juin 2023). Par ailleurs, si A.A.____ l'a appelée « maman », elle en a fait de même avec O.____, la compagne d’alors d’B.A.____. Certes, la recourante est attachée à A.A.____ au point de s’être fait tatouer ses initiales sur les doigts. Cela n'est cependant pas déterminant s'agissant du critère d'attachement de l'enfant à R.____.

En réalité, s'il est douteux, au vu de ce qui précède, que R.____ ait joué le rôle de « parent social » au sein de la communauté domestique de circonstance qui a été maintenue dans le but de ne pas mettre à mal un projet d'adoption, la question peut rester ouverte au vu de ce qui suit.

3.3.3 L'intérêt supérieur d'A.A.____ commande assurément qu'il soit renoncé à l'exercice de relations personnelles avec la recourante. En effet, il existe un conflit massif entre cette dernière et son ancienne compagne (signalement du SPJ du 18 août 2020 ; appréciation du signalement de la DGEJ du 20 octobre 2020), au point que le Coteau a refusé d'intervenir, le conflit devant être traité préalablement afin de protéger les enfants (rapport d’évaluation de la DGEJ du 14 octobre 2021). La reprise des contacts nécessiterait donc que la situation entre les deux femmes soit apaisée, au moyen d'un travail préalable. De plus, il conviendrait d'accompagner A.A.____ dans la reprise de contacts avec une personne qu'elle n'a pas vue depuis quatre ans, ce qui nécessiterait des paliers et un élargissement progressif.

S'agissant de l’argument selon lequel A.A.____ doit pouvoir connaître I.____ et partager des moments avec lui, tel sera le cas grâce au fait qu’B.A.____ dispose d'un droit de visite sur ce dernier, qui est son fils adoptif. Cela suffira à préserver le lien entre les deux enfants.

3.3.4 Il résulte de ce qui précède que c’est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la requête de la recourante tendant à la fixation en sa faveur d’un droit de visite sur l’enfant de son ancienne compagne, les conditions de l'art. 274a al. 1 CC n’étant pas remplies.

4. En conclusion, le recours de R.____ doit être rejeté et la décision entreprise confirmée.

Au vu du sort de la cause, le recours était d’emblée dénué de chances de succès. Partant, la requête d’assistance judiciaire de la recourante doit être rejetée (art. 117 let. b CPC).

Le présent arrêt peut être rendu sans frais judiciaires (art. 74a al. 4 TFJC [Tarif du 28 septembre 2010 des frais judiciaires civils ; BLV 270.11.5]).

Par ces motifs,

la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal,

statuant à huis clos,

prononce :

I. Le recours est rejeté.

II. La décision est confirmée.

III. La requête d’assistance judiciaire est rejetée.

IV. L’arrêt, rendu sans frais judiciaires de deuxième instance, est exécutoire.

La présidente : La greffière :

Du

L'arrêt qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié à :

Me Anaïs Brodard (pour R.____),

Me Alain Pichard (pour B.A.____),

et communiqué à :

M. le Juge de paix du district de la Riviera – Pays-d’Enhaut,

Direction générale de l’enfance et de la jeunesse, Unité évaluation et missions spécifiques,

par l'envoi de photocopies.

Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral au sens des art. 72 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral – RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF).

La greffière :

Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.

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