Kanton: | VD |
Fallnummer: | 2024/468 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: |
Datum: | 26.07.2024 |
Rechtskraft: |
Leitsatz/Stichwort: | |
Zusammenfassung : | Der Text handelt von einem Versicherungsstreit zwischen R.________, einem ehemaligen Chauffeur, und dem Invalidenversicherungsamt des Kantons Waadt. R.________ beantragte 2001 Leistungen aufgrund von Rückenbeschwerden, die zu einer teilweisen Arbeitsunfähigkeit führten. Nach einer Umschulung zum Elektronikmonteur und verschiedenen psychischen Problemen wurde ihm letztendlich eine volle Arbeitsfähigkeit attestiert. Trotz einer erneuten Verschlechterung seines Gesundheitszustands und der Diagnose einer schizoiden Persönlichkeitsstörung wurde ihm erneut die Leistung verweigert. Nach mehreren Anträgen und Gutachten wurde sein Anspruch auf Leistungen erneut abgelehnt. Das Gericht bestätigte diese Entscheidung, die auch vom Bundesgericht nicht angefochten wurde. |
Schlagwörter : | écision; ’assuré; évision; ’OAI; ’il; était; état; ’est; édure; édical; Assurance-invalidité; ’expert; édéral; ’assurance; éposé; ’au; ’assurance-invalidité; étaient; ’état; épressif; ’arrêt |
Rechtsnorm: | Art. 100 BGG; Art. 100 VwVG; Art. 101 VwVG; Art. 102 VwVG; Art. 17 SchKG; Art. 43 SchKG; Art. 53 SchKG; Art. 55 SchKG; Art. 56 SchKG; Art. 60 SchKG; Art. 61 SchKG; Art. 67 VwVG; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: |
TRIBUNAL CANTONAL | AI 111/23 - 197/2024 ZD23.016453 |
COUR DES ASSURANCES SOCIALES
_______________________
Arrêt du 26 juin 2024
__________
Composition : M. Wiedler, président
M. Neu et Mme Berberat, juges
Greffier : M. Favez
*****
Cause pendante entre :
R.____, à [...], recourant, représenté par Denis Dougoud, conseiller juridique à Lausanne, |
et
Office de l’assurance-invalidité pour le canton de Vaud, à Vevey, intimé. |
_________
Art. 17 et 61 let. i LPGA
E n f a i t :
A. R.____ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en 196[...], ressortissant C.____, père de [...] enfants, a travaillé dès 199[...] en tant que chauffeur [...] pour G.____ à 100 %.
Le 9 avril 2001, il a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité auprès de l’Office de l’assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après : l’OAI ou l’intimé), en faisant état de maux de dos.
Dans un rapport à l’OAI du 1er mai 2001, le Dr P.____, spécialiste en rhumatologie au Centre hospitalier B.____, a posé les diagnostics, avec répercussion sur la capacité de travail, de lombalgies chroniques non spécifiques, récidivantes, sur troubles statiques rachidiens et importantes dysbalances musculaires étagées, de probable état anxio-dépressif réactionnel, ainsi que de probable syndrome d’apnée du sommeil. Il a retenu une capacité de travail de 50 % dans l’activité de chauffeur [...].
Le 16 mai 2001, la Dre S.____, médecin généraliste traitante, a repris le diagnostic somatique posé par le Dr P.____. La capacité de travail était de 50 % dans l’activité habituelle et entière dans une activité adaptée, soit avec des horaires réguliers, sans le stress des clients et avec des changements réguliers de position.
Dans un rapport d’examen du 31 octobre 2001, la Dre M.____, médecin au Service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR), a retenu comme atteinte principale à la santé des dorso-lombalgies chroniques récidivantes sur troubles statiques rachidiens et sur importantes dysbalances musculaires étagées. Elle a constaté une capacité de travail de 50 % dans l’activité habituelle de chauffeur [...] et de 100 % dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles, décrites comme suit :
« Pas de position assise de plus de 30 min., pas d’activité avec horaires irréguliers, pas de stress de clients, changements de position réguliers, pas de port de charge régulier de plus de 10 kg, pas de port de charge occasionnelle de plus de 25 kg, pas de vibration, pas d’activité monotone, pas de travail de rendement imposé, pas de mouvement répétitif du tronc. »
Après avoir examiné les aptitudes de l’assuré, l’OAI a relevé, dans un rapport d’orientation professionnelle du 27 mai 2002, de nombreuses difficultés et constaté que les potentialités intellectuelles de l’intéressé ne lui permettaient pas d’entreprendre une formation de type CFC.
L’OAI a alloué à l’assuré une mesure professionnelle sous la forme d’un pré-stage en vue d’une formation comme monteur en électronique auprès de la Fondation L.____ à [...] du 20 au 31 octobre 2003. A l’issue du pré-stage, un responsable a expliqué à l’OAI que le niveau scolaire de l’intéressé était plutôt faible et que ses aptitudes d’apprentissage n’étaient pas très importantes. Dans ces circonstances, seule une formation élémentaire était envisageable (cf. note d’entretien téléphonique de l’OAI du 31 octobre 2003).
L’OAI a octroyé à l’assuré une mesure de reclassement professionnel, à savoir une formation élémentaire d’une durée de deux ans comme monteur en électronique auprès de la Fondation L.____, du 2 août 2004 au 31 juillet 2006.
Un responsable de dite Fondation ayant informé l’OAI que le comportement de l’assuré s’était dégradé depuis novembre 2005, ce dernier a expliqué, à la demande de l’OAI, qu’il souffrait d’une dépression à la suite de la séparation d’avec son épouse et qu’il prenait des anti-dépresseurs (cf. notes d’entretiens téléphoniques de l’OAI du 1er mars 2006).
Dans un rapport du 12 juin 2006, la Dre S.____ a posé les diagnostics d’état anxio-dépressif, de dorso-lombalgies chroniques récidivantes et de troubles du sommeil. Elle a indiqué que son patient avait dû faire face à un divorce demandé par son ex-épouse, en plus du désagrément d’effectuer une formation à [...], alors qu’il habitait à [...]. Elle avait prescrit à plusieurs reprises des psychotropes et il était actuellement sous anti-dépresseurs. Les limitations fonctionnelles demeuraient inchangées. Le travail que réalisait l’assuré convenait à ses possibilités, pour autant qu’il puisse bouger souvent et que le rythme soit le même que durant la formation.
Le 31 juillet 2006, l’assuré a achevé sa formation avec succès.
Dans un rapport final du 30 août 2006, les responsables de la Fondation L.____ ont relevé que l’assuré possédait de bonnes capacités manuelles et que l’exécution de ses travaux était de bonne qualité. Il avait rencontré des problèmes d’ordre psychique au cours du dernier semestre et son comportement au travail s’était dégradé, avec notamment le refus d’exécuter certains travaux. La profession était bien adaptée à son handicap et il se plaignait rarement de douleurs au dos.
Le Service de réadaptation de l’OAI a retenu que l’assuré pouvait désormais prétendre à un revenu annuel brut de l’ordre de 54'000 fr., pouvant évoluer à moyen terme vers 60'000 francs. Sans atteinte à la santé, il aurait réalisé un revenu annuel brut de 77'637 fr. 30 en tant que conducteur G.____. Il résultait de la comparaison de ces revenus un taux d’invalidité de 22 %, lequel n’ouvrait pas de droit à une rente (cf. rapport final du 6 septembre 2006 et note du 5 novembre 2007 de l’OAI).
Par décision du 22 avril 2008, l’OAI a relevé que la réadaptation professionnelle était achevée et que d’autres mesures professionnelles n’étaient plus nécessaires. Au vu du revenu réalisé, il n’y avait pas de droit à une rente d’invalidité. Cette décision est entrée en force.
Le même jour, l’OAI a octroyé à l’assuré une aide au placement, renouvelée le 7 janvier 2013.
Dès le 30 janvier 2013, l’intéressé a travaillé auprès de l’entreprise T.____ SA en qualité de monteur électronicien à 100 %, pour un revenu annuel de 54'452 francs. Après un arrêt de travail de trois mois occasionné par une blessure au pouce droit en avril 2013, il a été licencié (cf. rapport de la Dre S.____ du 21 juillet 2014).
B. Le 15 mai 2014, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations.
Dans un rapport du 21 juillet 2014 à l’OAI, la Dre S.____ a posé les diagnostics, avec effet sur la capacité de travail, de trouble dépressif et anxieux existant depuis plus de dix ans et de dorso-lombalgies chroniques récidivantes sur troubles statiques rachidiens et sur importantes dysbalances musculaires étagées depuis 1988 au moins. Elle a expliqué ne pas tellement avoir vu l’assuré pour ses troubles psychiques, de sorte qu’elle avait de la peine à évaluer sa capacité de travail, mais estimait toutefois que l’exercice d’une activité légère à 50 %, sans exigence de rendement trop élevée, pourrait lui être bénéfique.
Dans un rapport à l’OAI du 19 août 2014, le Dr J.____, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a expliqué qu’il suivait l’assuré depuis décembre 2013. Il a retenu les diagnostics de personnalité schizoïde et de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques, lesquels entraînaient une incapacité totale de travail depuis octobre 2013. Une reprise du travail à 50 % pourrait être envisagée par la suite, en fonction de la réponse du patient aux mesures médicales proposées. Celles-ci consistaient notamment en un suivi par une infirmière en santé mentale en vue de l’aider à adopter un meilleur comportement pour sa santé et à développer des compétences sociales. Le spécialiste a notamment fait état de ce qui suit :
« Anamnèse
Patient d'origine [...] et qui se trouve en Suisse depuis 1987. Premier syndrome dépressif en 2005 suite à la mésentente conjugale qui va aboutir à son divorce en 2006. Ex-conducteur de G.____ pendant douze ans, il a été victime de lésion professionnelle de la colonne et a dû arrêter son activité professionnelle, ce qui va encore accentuer ses difficultés psychiques. Il bénéficie des prestations de mesures professionnelles de l'Al et accomplit une formation élémentaire de monteur en électronique. Pendant sa formation, les plaintes de douleurs au dos se sont calmées mais l'état psychique s'est dégradé. D'après lui, l'offre de travail est limitée et il n'arrive pas à avoir un travail fixe. Depuis 2006, il reçoit l'aide sociale. Il souffre de la séparation d'avec la mère de ses enfants et de ses enfants aussi. Il se remet en ménage avec une autre personne, mais celle-ci se suicide. Il reçoit une aide à domicile du CMS de [...] (repas chauds, nettoyage, infirmière).
Constat médical
Le patient présente certes un trouble de l'humeur attesté par divers médecins qui se sont occupés de lui. Le vécu des pertes successives a été accompagné d'un abaissement de l'humeur, d'une réduction de l'énergie et d'une diminution de l'activité. Il existe une altération de la capacité à éprouver du plaisir, une perte d'intérêt, une diminution de l'aptitude à se concentrer, associées à une fatigue importante, même après un effort minime. On observe des troubles du sommeil. Il existe une diminution de l'estime de soi et de la confiance en soi ainsi que des idées de culpabilité et de dévalorisation.
Cependant, le tableau clinique du patient ne peut être expliqué seulement par le diagnostic de dépression récurrente. Le niveau du retrait de ses contacts (sociaux, familiaux, affectif, etc.), la préférence pour des activités de rêverie, les activités solitaires (TV) et l'introspection excessive avec rumination de son passé ajoutée d'une limitation à exprimer ses sentiments et à éprouver du plaisir sont mieux compris dans le contexte d'une personnalité schizoïde. Cette personnalité est confirmée par le récent résultat de l'examen 16-PF5 de Cattell effectué en [...] et dont le résultat est mis en copie. Cette personnalité explique mieux l'échec de sa réinsertion professionnelle et doit être prise en compte dans l'élaboration de tout autre projet d'occupation ou de réinsertion. »
Le Dr J.____ a joint à son rapport un courrier du même jour rédigé par ses soins, relevant que le test de personnalité 16-PF5 de Cattell réalisé par l’assuré avait mis en évidence les traits primaires de stabilité et de dominance et le trait global d’indépendance.
Le 28 octobre 2014, le Dr J.____ a informé l’OAI que le suivi par l’infirmière en psychiatrie avait été favorable et que l’assuré pourrait assumer une activité à un taux de 50 % en milieu protégé. Il a recommandé une mesure de réadaptation professionnelle.
Au début de l’année 2016, l’assuré a travaillé à 50 %, tous les matins, dans le domaine de l’informatique. Cela s’était bien déroulé durant les trois premiers mois, puis il s’était senti trop fatigué à la fois physiquement et psychiquement, et avait manqué de temps en temps un jour pour récupérer. Dès le 14 juin 2016, il a été en arrêt maladie (cf. rapport d’expertise du 23 septembre 2016 du Dr F.____, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie).
L’OAI a mis en œuvre une expertise psychiatrique auprès du Dr F.____, lequel a examiné l’assuré le 29 juin 2016. Ce dernier s’est encore entretenu avec la psychologue D.____ le 30 juin 2016. Dans son rapport du 23 septembre 2016, le Dr F.____ a relevé que l’assuré était divorcé et père de deux filles avec son ex-épouse. Après son divorce, il avait rencontré une nouvelle compagne, qui s’était suicidée. Par la suite, il avait refait sa vie en 2007 avec une autre femme, avec laquelle il avait eu deux fils nés en 2008 et 2010. Ils s’étaient séparés à la naissance du second garçon. L’assuré voyait ses fils le mercredi après-midi et était en conflit avec leur mère. Depuis, il n’avait pas eu de relation stable. L’expert a observé que l’intéressé présentait une symptomatologie dépressive. Il a posé le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen sans syndrome somatique. Selon le Dr F.____, le chômage de l’assuré, sa situation économique difficile, ses compétences scolaires déficientes, son âge et son niveau de formation expliquaient ce trouble. Par ailleurs, il a exposé que les observations cliniques n'avaient pas mis en évidence un trouble de la personnalité schizoïde. Reprenant les neuf critères posés par la CIM-10 (Classification internationale des maladies) pour définir un tel trouble, il a relevé que l’assuré avait eu des relations affectives et sociales, qu’il souffrait de solitude et préférerait avoir un cercle d’amis, et qu’il ne présentait pas d’indifférence nette aux conventions et normes sociales. La divergence d’appréciation par rapport au psychiatre traitant, lequel retenait ce trouble, était probablement due à l’évaluation de l’intensité des symptômes. L’expert a retenu une pleine capacité de travail dans une activité adaptée aux capacités physiques et intellectuelles. Les limitations fonctionnelles consistaient en de la fatigue, de la fatigabilité, un manque d'élan vital, une réduction de l'énergie, l'absence d'intérêt et de plaisir, un trouble de la concentration et de l'attention, une perte de l'estime et de la confiance en soi, un sentiment de honte, de dévalorisation et de culpabilité, un sentiment d'inutilité, des troubles du sommeil et une vision morose et pessimiste de l'avenir.
Le 26 octobre 2016, en réponse à l’OAI, le Dr F.____ a précisé que l’assuré avait toujours été capable de travailler à plein temps.
Par avis médical du 13 janvier 2017, la Dre Z.____, médecin au SMR, a retenu que l’intéressé disposait d’une capacité de travail entière dans l’activité de monteur en électronique.
Par projet de décision du 17 janvier 2017, l’OAI a informé l’assuré qu'il envisageait de rejeter sa demande de prestations, au motif qu'il ne présentait pas d'atteinte à la santé invalidante au sens de l'assurance-invalidité.
Le 10 mars 2017, l’assuré s’est opposé à ce projet en se référant au courrier du même jour du Dr J.____, joint en annexe. Ce spécialiste contestait les conclusions du rapport du Dr F.____. Il expliquait que l’expert n’avait pas mentionné les résultats du test de personnalité effectué par l’assuré et qu’il n’avait d’ailleurs présenté les conclusions d’aucun autre test pour contredire le diagnostic de personnalité schizoïde. L’expert s’était limité à mentionner la liste des critères diagnostiques d’une classification internationale. Or, parmi les neuf critères, huit étaient retrouvés chez l’assuré, ce qui confirmait l’existence de ce trouble de la personnalité. Enfin, l’expert n’avait pas essayé d’objectiver l’intensité de l’état dépressif. Le Dr J.____ annonçait poursuivre les investigations de la personnalité de son patient à l’aide de tests et évaluer l’intensité de son état dépressif, dans un délai de trois mois.
Dans un courrier à l’OAI du 7 juillet 2017, le Dr J.____ a confirmé les diagnostics qu’il avait posés en 2014, soit une personnalité schizoïde et un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques. Les atteintes psychiques de l’assuré étaient nettement plus importantes que celles décrites dans l’expertise psychiatrique. L’incapacité de travail était totale et définitive dans toute activité. Le Dr J.____ se fondait sur les documents suivants, joints en annexe :
- un rapport d’examen psychologique établi le 1er juin 2017 par la psychologue X.____, faisant suite à la réalisation par l’assuré d’un test de Rorschach et d’un TAT (Test d'Aperception Thématique). Elle constatait une structure psychotique compatible avec une évolution mélancolique. Elle notait un trouble important au niveau de l'intégrité corporelle, des angoisses persécutoires combattues par des défenses peu élaborées et que l’on pouvait assister à un retournement contre soi du vécu persécutoire peu différencié. Elle terminait son rapport en posant la question d’une atteinte psycho-organique ;
- un rapport d’évaluation neuropsychologique du 8 juin 2017 de la neuropsychologue W.____, décrivant plusieurs difficultés du recourant, et ajoutant qu’elle retrouvait dans ce tableau des éléments compatibles avec la symptomatologie dépressive, notamment sur le plan mnésique et attentionnel. Elle précisait que le peu de plaintes exprimées par l’assuré et les difficultés mises en évidence en reconnaissance émotionnelle étaient toutefois peu typiques et semblaient dépasser ce cadre.
Par avis médical du 15 août 2017, la Dre Z.____ a relevé que les résultats du bilan neuropsychologique du 8 juin 2017 étaient similaires à ceux décrits dans le rapport d’orientation professionnelle établi le 27 mai 2002 par V.____. Ces limitations n’avaient donc pas empêché l’assuré de réussir une reconversion professionnelle et de travailler par la suite. Par ailleurs, la Dre Z.____ a expliqué ne pas retrouver dans l’histoire de vie de l’assuré un trouble du comportement déviant au point de justifier des limitations fonctionnelles claires. Le Dr J.____ n’en donnait d’ailleurs aucune pour appuyer son estimation de la capacité de travail. Dès lors, le rapport de ce spécialiste n’apportait pas d’éléments nouveaux susceptibles de changer son appréciation et elle se ralliait aux conclusions de l’expertise du Dr F.____.
Par décision du 21 août 2017, l’OAI a confirmé le refus de prestations. Dans une lettre du même jour, il a expliqué que le rapport du Dr J.____ n’amenait pas d’éléments médicaux nouveaux susceptibles de modifier son appréciation.
Par arrêt du 9 août 2018, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal a rejeté le recours formé par l’assuré à l’encontre de la décision du 21 août 2017 (Arrêt CASSO AI 301/17 – 232/2018). La Cour a retenu qu’il n’existait aucune aggravation, depuis la décision du 22 avril 2008, de l’état de santé du recourant d’un point de vue somatique, ce qu’il n’alléguait d’ailleurs pas. Sur le plan psychique, une pleine valeur probante a été reconnue à l’expertise psychiatrique du 23 septembre 2016 du Dr F.____, de sorte que l’assuré disposait d’une pleine capacité de travail sur le plan psychiatrique.
Cet arrêt n’a pas été contesté devant le Tribunal fédéral et est entré en force.
C. Le 27 août 2019, l’assuré a déposé une troisième demande de prestations, faisant valoir que son état de santé s’était aggravé, en lien avec un trouble de la personnalité schizoïde.
Par décision du 2 mars 2020, confirmant un projet de décision du 21 janvier 2020, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur cette nouvelle demande, faute d’élément rendant plausible une aggravation de l’état de santé de l’assuré.
Cette décision est entrée en force.
D. a) Le 16 novembre 2022, l’assuré, désormais représenté par Procap, a déposé une quatrième demande de prestations, faisant valoir que son état de santé s’était aggravé. A l’appui de sa demande, il a produit un rapport du 13 août 2022 de la Dre Q.____, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, laquelle retenait les diagnostics de dysthymie (F34.1), de trouble dissociatif dans le cadre d’un trouble de stress posttraumatique complexe (6B41), de dislocation de la famille par séparation et divorce (Z63.5), et d’autres événements difficiles ayant une incidence sur la famille et le foyer (suicide de sa copine ; Z63.7).
Dans un projet de décision du 12 janvier 2023, l’OAI a informé l’assuré qu’il entendait ne pas entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations du 16 novembre 2022. Il a indiqué que le rapport médical produit ne montrait aucun changement de l’état de santé de l’assuré et révélait une appréciation médicale différente d’un même état de fait.
Le 14 février 2023, l’assuré a fait part de ses objections au projet de décision du 12 janvier 2023, produisant un rapport du 10 septembre 2022 du Dr J.____. Ce dernier a posé les mêmes diagnostics que la Dre Q.____ dans son rapport du 13 août 2022. Il a estimé que la capacité de travail était nulle dans toutes activités professionnelles sous réserve d’une activité occupationnelle en atelier protégé.
L’OAI a soumis le dossier au Service médical régional de l’assurance-invalidité, lequel a estimé que la situation était inchangée dans un avis du 13 mars 2023.
Par décision du 21 mars 2023, l’OAI a confirmé son projet de décision du 12 janvier 2023, refusant d’entrer en matière sur la nouvelle demande du 16 novembre 2022 de l’assuré.
b) Par acte déposé le 17 avril 2023, R.____, représenté par Denis Dougoud, a recouru contre la décision du 21 mars 2023 devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal, en concluant à son annulation et au renvoi du dossier à l’OAI pour instruction. Il demande en outre le bénéfice de l’assistance judiciaire. A l’appui de son recours, il invoque une violation de l’art. 53 LPGA (loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales ; RS 830.1) régissant la « révision procédurale », estimant qu’en l’espèce, il convient de comparer les éléments de fait et de droit au moment de la décision du 21 août 2017 avec ceux de la situation prévalant actuellement. Il estime encore que, selon l’art. 67 al. 1 PA (loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 ; RS 172.01), applicable par renvoi de l’art. 55 al. 1 LPGA, la demande de révision doit être adressée par écrit à l’autorité de recours dans les 90 jours qui suivent la découverte du motif de révision, mais au plus tard dix ans après la notification de la décision sur recours. En l’occurrence, il aurait pris connaissance du rapport médical du 13 août 2022 de la Dre Q.____ le 12 septembre 2022, de sorte que le dépôt de la demande le 16 novembre 2022 serait intervenue dans le respect de ce délai.
Dans sa réponse du 4 mai 2023, l’OAI a conclu au rejet du recours, se référant à l’avis du SMR du 13 mars 2023, en tant que l’acte du 17 avril 2023 porte sur son refus d’entrer en matière sur sa demande de prestations déposée le 16 novembre 2022. En tant que le recourant demande la révision procédurale de la décision 21 août 2017, l’OAI fait valoir que l’acte du 17 avril 2023 est irrecevable, cette décision ne pouvant pas être révisée per se, du fait qu’elle a été confirmée par l’arrêt du 9 août 2018 de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal.
Répliquant le 29 mai 2023, R.____ a confirmé ses conclusions et moyens. Il soutient qu’il n’appartenait pas à l’OAI d’examiner si les conditions d’une révision procédurale étaient réalisées, car sa demande concernait effectivement l’arrêt du 9 août 2018 de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal, l’art. 61 let. i LPGA étant applicable. L’OAI aurait donc dû transmettre la demande du recourant à la CASSO comme objet de sa compétence. Il a ainsi confirmé qu’il sollicitait la révision de l’arrêt précité.
E n d r o i t :
1. a) La LPGA est, sauf dérogation expresse, applicable en matière d’assurance-invalidité (art. 1 al. 1 LAI [loi fédérale du 19 juin 1959 sur l’assurance-invalidité ; RS 831.20]). Les décisions des offices AI cantonaux peuvent directement faire l’objet d’un recours devant le tribunal des assurances du siège de l’office concerné (art. 56 al. 1 LPGA et art. 69 al. 1 let. a LAI), dans les trente jours suivant leur notification (art. 60 al. 1 LPGA).
b) En l’occurrence, déposé en temps utile auprès du tribunal compétent (art. 93 let. a LPA-VD [loi du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative ; BLV 173.36]) et respectant les autres conditions formelles prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA notamment), le recours est recevable.
2. Le litige porte sur la question de savoir si l’OAI était fondé à refuser d’entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations déposée le 16 novembre 2022 par R.____ et sur la révision de l’arrêt rendu le 9 août 2018 par la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal.
3. a) Dans le cadre du « développement continu de l’AI », la LAI, le RAI (règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité ; RS 831.201) et la LPGA – notamment – ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (RO 2021 705 ; FF 2017 2535). En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 148 V 21 consid. 5.3). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, le régime légal applicable ratione temporis dépend du moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est postérieure au 1er janvier 2022, la situation est régie par les nouvelles dispositions légales et réglementaires en vigueur dès le 1er janvier 2022. Concrètement, cela concerne toute demande d’octroi de rente d’invalidité déposée à partir du 1er juillet 2021 compris (art. 29 al. 1 LAI, inchangé par la réforme).
b) En l’occurrence, un éventuel droit de la partie recourante à une rente d’invalidité prendrait naissance au mois de mai 2023, soit six mois après le dépôt de sa demande du 16 novembre 2022 (art. 29 al. 1 LAI). Ce sont donc les dispositions de la LAI et du RAI dans leur teneur en vigueur dès le 1er janvier 2022 qui s’appliquent.
4. a) Lorsqu’une rente a été refusée parce que le degré d’invalidité était insuffisant, une nouvelle demande ne peut être examinée que si l’assuré rend plausible que son invalidité s’est modifiée de manière à influencer ses droits (art. 87 al. 2 et 3 RAI). Cette exigence doit permettre à l’administration qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations, entrée en force, d’écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l’assuré se borne à répéter les mêmes arguments sans rendre plausible une modification des faits déterminants depuis le dernier examen matériel du droit aux prestations (ATF 133 V 108 consid. 5.2 ; 130 V 71 consid. 3.1 ; 130 V 64 consid. 2 et 5.2.3).
b) Le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’autorité (art. 43 al. 1 LPGA), ne s’applique pas à la procédure prévue par l’art. 87 al. 2 et 3 RAI (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5). Lorsqu’elle est saisie d’une nouvelle demande, l’administration doit donc commencer par examiner si les allégations de l’assuré sont, d’une manière générale, plausibles. Si tel n’est pas le cas, l’affaire est liquidée d’entrée de cause et sans autre investigation par un refus d’entrer en matière (TF 9C_384/2021 du 25 avril 2022 consid. 3).
c) Lorsqu’un assuré introduit une nouvelle demande de prestations ou une procédure de révision sans rendre plausible que son invalidité s’est modifiée, notamment en se bornant à renvoyer à des pièces médicales qu’il propose de produire ultérieurement ou à des avis médicaux qui devraient selon lui être recueillis d’office, l’administration doit lui impartir un délai raisonnable pour déposer ses moyens de preuve, en l’avertissant qu’elle n’entrera pas en matière sur sa demande pour le cas où il ne se plierait pas à ses injonctions. Cela présuppose que les moyens proposés soient pertinents, en d’autres termes qu’ils soient de nature à rendre plausibles les faits allégués (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 ; TF 9C_789/2012 du 27 juillet 2013 consid. 2.3 ; 9C_708/2007 du 11 septembre 2008 consid. 2.3). Par ailleurs, « rendre plausible » ne doit pas être compris au sens de la preuve de la vraisemblance prépondérante telle qu’elle est souvent exigée en droit des assurances sociales. Il ne s’agit en effet pas ici d’apporter une « preuve complète » qu’un changement notable est intervenu dans l’état de fait depuis la dernière décision. Il suffit bien plutôt qu’il existe des indices à l’appui de ce changement et que le juge et l’administration puissent être convaincus que les faits allégués se sont vraisemblablement produits (Michel Valterio, Droit de l’assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l’assurance-invalidité [AI], Genève/Zurich/Bâle 2011, n. 3100, p. 840 s.).
d) Dans un litige portant sur le bien-fondé du refus d’entrer en matière sur une nouvelle demande, l’examen du juge des assurances sociales est d’emblée limité au point de savoir si les pièces déposées en procédure administrative justifiaient ou non la reprise de l’instruction du dossier. Le juge doit donc examiner la situation d’après l’état de fait tel qu’il se présentait à l’administration au moment où celle-ci a statué. Il ne prend pas en considération les rapports médicaux produits postérieurement à la décision administrative attaquée (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5).
e) On ajoutera que la dernière décision entrée en force qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit, constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4).
5. a) En l’occurrence, l’office intimé a, par sa décision du 23 janvier 2023, refusé d’entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations d’invalidité déposée par le recourant le 16 novembre 2022. Il n’y a donc pas lieu d’examiner si, entre la décision du 21 août 2017 entrée en force et la décision litigieuse du 21 mars 2023, un changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité – et donc le droit à la rente – s’est produit. Il faut au contraire se limiter à examiner si le recourant, dans ses démarches auprès de l’office intimé, jusqu’à la décision objet de la présente procédure, a établi de façon plausible que son état de santé s’est modifié depuis la décision du 21 août 2017 – laquelle a donné lieu à un examen matériel du droit à la rente – en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la décision de refus d’entrée en matière du 21 mars 2023 et les circonstances qui prévalaient à l’époque de la décision du 21 août 2017.
b) A l’époque de la décision du 21 août 2017, la Dre Z.____ du SMR avait indiqué, dans un avis du 13 janvier 2017, que le recourant présentait un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen sans syndrome somatique. La Dre Z.____ s’était fondée sur le rapport d’expertise du 23 septembre 2016 du Dr F.____ et sur son complément du 26 octobre 2016 ainsi que sur les renseignements fournis par le Dr J.____. Elle avait retenu que l’intéressé disposait d’une capacité de travail entière dans l’activité de monteur en électronique, ce dont l’intimé avait déduit que le recourant ne présentait pas d'atteinte à la santé invalidante au sens de l'assurance-invalidité.
c) aa) Dans le cadre de l’expertise réalisée en 2016, le Dr F.____ a expliqué que les troubles présentés par l’assuré étaient essentiellement dus à des facteurs externes à l’assurance. Il a présenté les limitations fonctionnelles du recourant en ces termes :
« Les limitations fonctionnelles sont dues à la fatigue, la fatigabilité, le manque d’élan vital, la réduction de l’énergie, l’absence d’intérêt et de plaisir, aux troubles de la concentration et de l’attention, la perte de l’estime de soi et de la confiance en soi, le sentiment de honte, de dévalorisation et de culpabilité, le sentiment d’inutilité, les troubles du sommeil, la vision morose et pessimiste de l’avenir. »
Il a estimé que la capacité de travail était entière dans l’activité habituelle.
bb) Dans son rapport du 10 septembre 2022, le Dr J.____ a fait état de ce qui suit :
« Evolution clinique : l’évolution depuis mon dernier rapport médical pour l’AI de 2017, est caractérisée par une péjoration progressive de son état de dysthymie, d’apathie et d’anhédonie, une rumination des traumatismes du passé. Il est pratiquement coupé du monde, vit seul dans son appartement qu’il n’arrive pas à tenir sans l’aide du ménage envoyée par le CMS. Il présente des troubles cognitifs moyens mais avec retentissement sur le fonctionnement dans sa vie de tous les jours. Il existe une baisse de l’auto-estime et l’humeur est abaissée en permanence. Sa santé somatique présente aussi un déclin important avec, en particulier, un syndrome d’apnée de sommeil (soigné au Centre Pneumologie de […]) qui est aggravé par son comportement du fait de rester alité la plupart de la journée et inverser son rythme nycthéméral.
Limitations fonctionnelles : Le malade a d’importantes difficultés à suivre les routines et les règles de la vie courante, il n’arrive pas à planifier les tâches et vit ses journées de façon peu structurée. Il présente des traits de rigidité dans sa personnalité, ce qui contribue à l’installation des comportements ritualisés. Il lui est difficile à prendre des décisions et à suivre celles qui ont été prises. Il y a un manque important de capacité à prendre des initiatives. Il est vite fatigué, d’une part par manque d’entraînement physique, mais aussi par la présence d’un manque d’intérêt et de motivation à se mobiliser. Il a une très faible estime de soi, et il fuit les contacts sociaux ; il est incapable de s’intégrer dans un groupe et il supporte peu aussi les relations interpersonnelles. Il a une tendance à l’auto-négligence en ce qui concerne tous les domaines des soins corporels (alimentation, hygiène, activité physique, sommeil). »
Les Drs Q.____ et J.____ ont en outre posé le diagnostic de trouble dissociatif dans leurs rapports des 13 août et 10 septembre 2022. Ils expliquent pour l’essentiel ce nouveau diagnostic par un traumatisme, respectivement par un stress intense (divorce et suicide de son amie). Ce nouveau diagnostic aurait également le mérite d’expliquer la fatigue du recourant ainsi que la perturbation de l’état d’éveil et de réactivité. Or, il n’est pas exclu compte tenu des circonstances du cas d’espèce que ce trouble se soit développé et installé depuis la décision du 21 août 2017, les psychiatres consultés évoquant des pistes plausibles. La possibilité d’un trouble dissociatif ou d’une décompensation grave d’un trouble de la personnalité n’est pas exclue chez un assuré qui a subi de difficiles épreuves au cours de sa vie. Il n’est ainsi pas exclu, au vu de la péjoration de l’état de santé du recourant, que les diagnostics retenus par le passé masquaient un trouble plus grave, plausiblement décompensé, ce qu’il appartiendra à l’OAI d’instruire et le cas échéant de mettre en œuvre une nouvelle expertise.
C’est d’ailleurs justement ce que soutient le recourant en s’appuyant sur l’avis du Dr J.____ qui atteste une péjoration progressive de son état de santé dans son rapport du 10 septembre 2022. Cette péjoration est rendue plausible à tout le moins au niveau de l’isolement social et du suivi des routines et règles de la vie courante ainsi que de la dissociation. S’agissant de l’isolement social et de l’incapacité à s’intégrer à un groupe, le psychiatre traitant affirme que son patient est coupé du monde alors qu’il fréquentait encore des « copains » et a eu tout de même une brève activité au moment de l’expertise réalisée par le Dr F.____ (pp. 543-544 dossier AI). S’agissant du suivi des routines et règles de la vie courante, cette problématique n’a pas du tout été évoquée par l’expert qui relevait que, malgré une limitation de ses ressources, l’intéressé était encore fonctionnel. Enfin, même si ce n’est pas signalé tel quel, la plausible dissociation (cf. en particulier, rapport du 13 août 2022 de la Dre Q.____, en particulier p. 730 dossier AI) entraîne per se des limitations fonctionnelles dans tous types d’emplois. La Dre Q.____ a ainsi expliqué qu’une fois dissocié, ce qu’elle a observé (p. 731 dossier AI), il était difficile pour le recourant de revenir à la réalité.
Aussi, force est de reconnaître que le recourant rend plausible une péjoration de son état de santé.
cc) Pour sa part, l’office intimé se fonde sur un avis du 13 mars 2023 de la Dre Z.____ du SMR, laquelle a apprécié le cas en ces termes :
« La Dresse Q.____ propose un nouveau diagnostic s’appuyant sur sa lecture du parcours de vie de l’assuré ; néanmoins, hormis une hypothèse diagnostique différente, on ne voit pas très bien en en quoi cela modifie objectivement les limitations fonctionnelles, ceci d’autant plus qu’un diagnostic de dysthymie est également retenu, équivalant à un trouble dépressif persistant mais d’intensité insuffisante pour être caractérisé en épisode léger. Sachant que lors de la dernière évaluation, l’expert retenait un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, il n’est pas possible d’admettre une aggravation médicale de la situation de cet assuré depuis la dernière évaluation, le trouble de l’humeur s’étant plutôt amélioré. On ne comprend pas non plus l’apparition d’un trouble dissociatif avec un stress post traumatique complexe chez un assuré qui n’a jamais présenté ce type de symptômes par le passé, notamment lors de la précédente expertise. Les limitations fonctionnelles données dans le rapport du Dr J.____ se réfèrent aux critères de la mini-CIF APP, appréciation qui arrive habituellement au terme d’une évaluation complète et objective d’une situation médicale et qui vise à traduire des empêchements en lien avec un diagnostic et des observations objectives. En l’absence d’analyse clinique objective, avec un diagnostic de dysthymie, les empêchements évoqués ne sont pas cohérents. Enfin le Dr J.____ retient une CT nulle ou tout au plus de 50 % dans une activité protégée depuis octobre 2014 (cf RM Dr J.____ du 28.10.2014). »
Cet avis ne correspond pas aux pièces du dossier, ignorant les plausibles nouvelles limitations fonctionnelles relevées par le Dr J.____ qui n’étaient pas présentes au moment de l’expertise. La Dre Z.____ n’explique pas pour quels motifs la péjoration de l’état de santé du recourant et les nouvelles limitations fonctionnelles ne seraient pas plausibles, ce qui on le souligne, ne signifie pas encore qu’elles soient établies au degré de la vraisemblance prépondérante. Quant à la critique de l’utilisation du mini CIF-APP pour l’évaluation des troubles, elle ne manque pas de surprendre lorsque c’est justement ce que demande l’intimé dans l’annexe psychiatrique au rapport AI mis à disposition des médecins (cf. notamment dans le cas d’espèce le rapport du 19 août 2014 du Dr J.____). Même à supposer que la pratique de l’intimé ait changé, voire même que les règles de l’art médicales aient évolué, et contrairement à ce qui peut être exigé dans le cadre d’une expertise, le SMR ne saurait reprocher à un médecin traitant de s’y référer. Le SMR perd ainsi de vue que, au stade de l’entrée en matière sur une nouvelle demande de prestations, le médecin traitant n’a pas vocation à remplacer une évaluation expertale, mais à mettre en lumière des faits nouveaux susceptibles de rendre plausible la nécessité d’un nouvel examen du droit aux prestations. Enfin, la question du diagnostic n’est pas décisive en présence de plausibles nouvelles limitations fonctionnelles et d’une péjoration de l’état de santé psychique tout de même attestée par deux psychiatres différents (dissociation, difficultés dans le suivi des routines et des règles de la vie courante, isolement social, interaction en groupe).
d) Aussi, c’est de manière contraire au droit fédéral que l’office intimé a refusé d’entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations déposée par le recourant, si bien qu’il convient de renvoyer la cause à cet office afin qu’il entre en matière sur la nouvelle demande de prestations puis, conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales (art. 43 al. 1 LPGA), mette en œuvre les mesures d’instruction idoines aux fins d’éclaircir la situation sur le plan psychiatrique, le cas échéant par le biais d’une expertise.
6. a) L’institution de la révision au sens de l’art. 17 LPGA, qui suppose un changement de circonstances, doit être distinguée de deux autres institutions voisines, prévues à l’art. 53 LPGA, qui permettent également de modifier une décision pourvue de l’autorité de chose jugée. Il s’agit d’une part de la reconsidération, qui implique que la décision (administrative) initiale était manifestement erronée, et, d’autre part, de la révision procédurale de la décision initiale, qui suppose la découverte de faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuves susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (Moser-Szeless, Commentaire romand LPGA, no 6 ad art. 17 LPGA). La révision procédurale de jugement est quant à elle régie par l’art. 61 let. i LPGA, lequel prévoit que la procédure cantonale devant le tribunal cantonal des assurances sociale est réglée par le droit cantonal, qui doit prévoir que les jugements sont soumis à révision si des faits ou moyens de preuve nouveaux sont découverts ou si un crime ou un délit a influencé le jugement.
b) La procédure devant le tribunal cantonal institué pour connaître du contentieux relatif au droit des assurances sociales, conformément aux art. 56 ss LPGA, doit en particulier satisfaire aux exigences mentionnées à l’art. 61 let. a à i LPGA. L’art. 61 let. i LPGA prévoit plus spécifiquement que les jugements sont soumis à révision si des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont découverts ou si un crime ou un délit a influencé le jugement.
L’art. 61 let. i LPGA impose seulement aux cantons de prévoir, en son principe, la possibilité d’une révision en présence des deux motifs classiques de celle-ci, à savoir lorsque des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont découverts ou si un crime ou un délit a influencé le jugement. Pour le reste, la procédure de révision est régie par le droit cantonal (Jean Métral, in Commentaire LPGA, n° 133 ad art. 61 LPGA ; cf. aussi ATF 111 V 51).
Aux termes de l’art. 100 LPA-VD, un jugement peut être annulé ou modifié, sur requête, s’il a été influencé par un crime ou un délit (al. 1 let. a) ou si le requérant invoque des faits ou des moyens de preuve importants qu’il ne pouvait pas connaître lors de la première décision ou dont il ne pouvait pas ou n’avait pas de raison de se prévaloir à l’époque (al. 1 let. b). Les faits nouveaux survenus après le prononcé du jugement ne peuvent donner lieu à une demande de révision (al. 2). L’art. 101 LPA-VD prévoit que la demande de révision doit être déposée dans les nonante jours dès la découverte du moyen de révision ; dans le cas mentionné à l’art. 100 al. 1 let. b, le droit de demander la révision se périme en outre par dix ans dès la notification de la décision ou du jugement visé. L’autorité ayant rendu le jugement visé statue sur la demande de révision (cf. art. 102 LPA-VD).
c) La voie de la révision n’est pas subsidiaire par rapport à la voie du recours au Tribunal fédéral. De l’art. 125 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF ; RS 173.110), qui règle la relation entre les moyens extraordinaires de droit cantonal et le recours en matière de droit public, il résulte en effet que l’instance précédant le Tribunal fédéral ne peut pas refuser d’entrer en matière sur une demande de révision au seul motif qu’un recours contre le jugement dont la révision est demandée a été introduit devant le Tribunal fédéral (cf. ATF 138 II 386 consid. 6). Ainsi, une partie qui, avant la fin de la procédure fédérale, pense avoir découvert un motif de révision du jugement cantonal doit former une demande de révision devant l’instance cantonale, tout en requérant la suspension de la procédure fédérale pour éviter que le Tribunal fédéral statue matériellement sur le recours pendant la procédure de révision cantonale (cf. ATF 138 II 386 consid. 7).
d) L’arrêt du 9 août 2018 ayant été rendu par la Cour, la présente demande de révision est de la compétence de la Cour de céans (cf. art. 102 LPA-VD).
e) La notion de fait ou moyen de preuve nouveau s’apprécie de la même manière en cas de révision (procédurale) d’une décision administrative (cf. art. 53 al. 1 LPGA), de révision d’un jugement cantonal (cf. art. 61 let. i LPGA) ou de révision d’un arrêt fondée sur l’art. 123 al. 2 let. a LTF (cf. TF 8C_120/2017 du 20 avril 2017 consid. 2 et TF 9C_764/2009 du 26 mars 2010 consid. 3.1, in SVR 2010 IV n° 55 p. 169).
Sont "nouveaux" au sens de ces dispositions les faits qui se sont produits jusqu’au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits étaient encore recevables, mais qui n’étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence. La nouveauté se rapporte ainsi à la découverte du fait, et non au fait lui-même. En outre, les faits nouveaux doivent être importants, c’est-à-dire qu’ils doivent être de nature à modifier l’état de fait qui est à la base du jugement entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d’une appréciation juridique correcte. Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit les faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n’avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Si les nouveaux moyens sont destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le requérant doit aussi démontrer qu’il ne pouvait pas les invoquer dans la précédente procédure. Une preuve est considérée comme concluante lorsqu’il faut admettre qu’elle aurait conduit le juge à statuer autrement s’il en avait eu connaissance dans la procédure principale. Ce qui est décisif, c’est que le moyen de preuve ne serve pas à l’appréciation des faits seulement, mais à l’établissement de ces derniers. Ainsi, il ne suffit pas qu’une nouvelle expertise donne une appréciation différente des faits ; il faut bien plutôt des éléments de fait nouveaux, dont il résulte que les bases de la décision entreprise comportaient des défauts objectifs. Pour justifier la révision d’une décision, il ne suffit pas que l’expert tire ultérieurement, des faits connus au moment du jugement principal, d’autres conclusions que le tribunal. Il n’y a pas non plus motif à révision du seul fait que le tribunal paraît avoir mal interprété des faits connus déjà lors de la procédure principale. L’appréciation inexacte doit être, bien plutôt, la conséquence de l’ignorance ou de l’absence de preuve de faits essentiels pour le jugement (cf. ATF 127 V 353 consid. 5b et les références ; cf. TF 8F_2/2016 du 27 juin 2016 consid. 1 et la jurisprudence citée).
7. a) Dans sa réplique, le recourant sollicite que la Cour de céans procède à la révision de son arrêt du 9 août 2018, admettant pour le reste qu’il ne pouvait pas demander la révision d’une décision administrative ayant fait l’objet d’un arrêt sur recours, soit la décision du 21 août 2017 de l’OAI. Il y a donc lieu d’examiner la recevabilité de la demande de révision, en tant qu’elle porte sur l’arrêt précité.
En l’occurrence, le motif de révision invoqué par le recourant est fondé exclusivement sur le rapport médical du 13 août 2022 de la Dre Q.____. Or, il ne ressort pas du dossier que, dans les 90 jours qui ont suivi la rédaction de ce rapport médical, le recourant ait entrepris une quelconque démarche tendant à la révision de l’arrêt du 9 août 2018. Le recourant prétend avoir pris connaissance du rapport médical le 12 septembre 2022, sans pour autant l’établir. Même si on devait retenir que la nouvelle demande de prestations respectait le délai, elle ne saurait dans tous les cas être interprétée comme une demande de révision de l’arrêt du 9 août 2018. En effet, une nouvelle demande de prestations était en tant que telle recevable et c’est à juste titre que l’OAI a examiné s’il convenait d’entrer en matière (ce qui constitue l’objet de la décision attaquée et du litige, cf. consid. 2 et 5 ci-dessus). Ce n’est que dans ses objections du 14 février 2023 sur le projet de décision de l’OAI que le recourant mentionne pour la première fois l’art. 53 LPGA, soit clairement de manière tardive, même si l’OAI avait alors transmis cette écriture comme objet de la compétence du Tribunal de céans. On relèvera encore que dans ses objections, il n’est absolument pas évident que le recourant demande la révision procédurale d’une précédente décision, la mention de l’art. 53 LPGA semblant plutôt relever d’une confusion de la part de son conseil que d’une réelle demande.
En définitive, la demande de révision formée par le recourant est tardive et doit partant être déclarée irrecevable.
8. a) Bien fondé, le recours doit par conséquent être admis et la décision attaquée annulée, la cause étant renvoyée à l’office intimé pour qu’il entre en matière sur la demande de prestations de la partie recourante. Quant à la demande de révision de l’arrêt du 9 août 2018 de la Cour des assurances sociales, elle est irrecevable.
b) Sur la base de l’art. 69 al. 1bis LAI, la procédure de recours en matière de contestations portant sur l’octroi ou le refus de prestations de l’assurance-invalidité est soumise à des frais de justice. Il convient de les fixer à 600 fr. sur la base de la seule disposition précitée pour l’examen relatif à l’entrée en matière sur la demande de prestations et de les mettre à la charge de la partie intimée, vu l’issue du litige. Il ne sera pas perçu davantage de frais judiciaires pour la procédure de révision (art. 49 et 55 LPA-VD).
c) Le recourant obtient gain de cause en ce qui concerne la décision du 21 mars 2023 et a droit à une indemnité de dépens à titre de participation aux honoraires de son conseil (art. 61 let. g LPGA), qu’il convient d’arrêter à 1'000 fr., débours et TVA compris, et de mettre intégralement à la charge de l’intimé (art. 10 et 11 TFJDA [tarif du 28 avril 2015 des frais judiciaires et des dépens en matière administrative ; BLV 173.36.5.1]).
d) La demande d’assistance judiciaire du 17 avril 2023 est sans objet vu l’issue de la cause.
Par ces motifs,
la Cour des assurances sociales
prononce :
I. Le recours est admis.
II. La demande de révision de l’arrêt du 9 août 2018 de la Cour des assurances sociales (Arrêt CASSO AI 301/17 – 232/2018) est irrecevable.
III. La décision rendue le 21 mars 2023 par l’Office de l’assurance-invalidité pour le canton de Vaud est annulée, la cause étant renvoyée à cet office pour qu’il entre en matière sur la demande de prestations de R.____.
IV. Les frais judiciaires, arrêtés à 600 fr. (six cents francs), sont mis à la charge de l’Office de l’assurance-invalidité pour le canton de Vaud.
V. L’Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud versera à R.____ une indemnité de 1'000 fr. (mille francs) à titre de dépens.
VI. La demande d’assistance judiciaire du 17 avril 2023 est sans objet vu l’issue de la cause.
Le président : Le greffier :
Du
L’arrêt qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié à :
M. Denis Dougoud (pour le recourant)
Office de l’assurance-invalidité pour le canton de Vaud (intimé),
- Office fédéral des assurances sociales,
par l’envoi de photocopies.
Le présent arrêt peut faire l’objet d’un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral au sens des art. 82 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110), cas échéant d’un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF).
Le greffier :
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
Hier geht es zurück zur Suchmaschine.