Kanton: | VD |
Fallnummer: | 2024/438 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: |
Datum: | 29.05.2024 |
Rechtskraft: |
Leitsatz/Stichwort: | |
Zusammenfassung : | Eine Person, die an einem Nierenkarzinom erkrankt war und eine Nephrektomie benötigte, hat erfolglos Leistungen der Invalidenversicherung beantragt. Nach mehreren Ablehnungen wurde schliesslich eine volle Invalidenrente gewährt, rückwirkend ab April 2017. Es entstand ein Streit über die Rückzahlung von Sozialhilfeleistungen, die während dieser Zeit erhalten wurden. Die Gerichte entschieden zugunsten der Sozialdienste, die die Rückzahlung der erhaltenen Leistungen forderten. Der Fall wurde vor Gericht verhandelt, wobei die Entscheidung zugunsten der Sozialdienste fiel. Die Person, die die Invalidenrente erhalten hatte, musste einen Teil davon zurückerstatten. |
Schlagwörter : | Invalidité; écis; Assuré; écision; ’assuré; ’assurée; ’assurance; Office; Assurance-invalidité; ’assurance-invalidité; ’office; ériode; ’action; étroactif; Service; ’elle; Caisse; Centre; ’invalidité; éré; égional; étroactive; édure; édé; écembre; éance |
Rechtsnorm: | Art. 100 BGG; Art. 22 SchKG; Art. 24 VwVG; Art. 55 SchKG; Art. 56 SchKG; Art. 60 SchKG; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: |
TRIBUNAL CANTONAL | AI 348/22 - 158/2024 ZD22.051390 |
COUR DES ASSURANCES SOCIALES
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Arrêt du 29 mai 2024
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Composition : Mme Berberat, présidente
MM. Neu et Wiedler, juges
Greffier : M. Addor
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Cause pendante entre :
M.____, à H.____, recourante, représentée par Me Johnny Dousse, avocat à Neuchâtel, |
et
OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITE POUR LE CANTON DE VAUD, à Vevey, intimé. |
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Art. 22 LPGA ; 85bis RAI ; 24 al. 1 LPA-VD
E n f a i t :
A. a) Souffrant d’un carcinome au niveau du rein droit ayant nécessité une néphrectomie, M.____ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en 1983, a déposé, le 15 septembre 2011, une demande de prestations de l’assurance-invalidité auprès de l’Office cantonal AI du Valais.
Par décision du 18 avril 2013, l’Office cantonal AI du Valais a rejeté la demande de l’assurée, faute d’incapacité de travail et de gain au terme du délai d’attente d’une année.
b) L’assurée a déposé, le 30 septembre 2016, une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité auprès de l’Office de l’assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après : l’office AI ou l’intimé), reçue le 3 octobre 2016.
Par projet de décision du 15 décembre 2016, l’office AI a informé l’assurée qu’il n’entendait pas entrer en matière sur sa demande.
Compte tenu des documents produits par l’assurée à réception de ce projet de décision, l’office AI a fait réaliser une expertise auprès du Centre d'expertises C.____. Dans leur rapport du 3 août 2016, les Drs T.____, spécialiste en médecine physique et réadaptation, L.____, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et V.____, spécialiste en médecine interne générale et en rhumatologie, ont estimé que l’intéressée disposait, malgré les atteintes à la santé qu’elle présentait, d’une pleine capacité de travail en toute activité.
Par décision du 3 juin 2019, l’office AI a rejeté la demande de prestations de l’assurée, au motif qu’elle bénéficiait d’une capacité de travail entière dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles décrites.
Statuant par arrêt du 13 août 2020 (cause AI 257/19 – 280/2020) sur le recours formé par l’assurée contre la décision du 3 juin 2019, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois l’a admis, annulant la décision précitée et renvoyant la cause à l’office AI afin qu’il complète l’instruction. En bref, elle a retenu que les rapports produits par l’intéressée, notamment celui établi le 16 décembre 2019 par le Dr G.____, spécialiste en médecine physique et réadaptation, étaient de nature à éveiller des doutes quant à la fiabilité et à la validité des constatations opérées par les experts du Centre d'expertises C.____.
B. Reprenant l’instruction, l’office AI a recueilli des renseignements médicaux auprès des médecins traitants de l’assurée.
Après avoir analysé les éléments médicaux versés au dossier, le Dr F.____, médecin auprès du Service médical régional de l’assurance-invalidité (SMR), a jugé que, au vu de l’ensemble des atteintes à la santé présentées par l’assurée (syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile, troubles psychiatriques, troubles neurologiques fonctionnels, troubles ostéo-articulaires et douleurs pelviennes chroniques), la capacité de travail était nulle en toute activité depuis le mois de février 2017 (avis médical du 2 mars 2022).
Par projet de décision du 8 avril 2022, l’office AI a informé l’assurée qu’il comptait lui reconnaître le droit à une rente entière d’invalidité à compter du 1er avril 2017.
Par courrier du 7 juillet 2022, la Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS (ci-après : la Caisse) a demandé à l’assurée de compléter différentes rubriques figurant au dos de cette correspondance, en indiquant notamment si des organismes étaient – on non – intervenus financièrement en sa faveur. Cela fait, elle devait retourner dans un délai de dix jours ce formulaire daté et signé accompagné d’éventuels justificatifs.
En réponse à cette demande, l’assurée a indiqué, le 14 juillet 2022, qu’elle avait été soutenue financièrement par le Centre social régional de B.____ de 2017 à 2019 à hauteur de 48'241 fr. 25, par le Centre social régional de W.____ à Q.____ de 2019 à 2020 pour un montant de 32'233 fr. 45 et, de 2021 à 2022, par le Service de l’action sociale de la commune de P.____ (BE) pour un montant de 31'488 fr. 55. Tout en indiquant qu’elle contestait « tous les montants réclamés qui sortent des reçus », elle a joint à son courrier les relevés bancaires attestant des montants perçus entre mars 2017 et mai 2022.
Par courrier du 21 juillet 2022, la Caisse a informé l’assurée que son opposition aux revendications du Centre Social Régional (CSR) devait être faite directement auprès du service en question. A défaut, elle l’invitait à attendre la notification de sa décision rétroactive qui attestera de la répartition des revendications aux différents tiers et contre laquelle elle pourrait faire opposition.
Par décision du 15 août 2022, l’office AI a octroyé à l’assurée une rente entière d’invalidité d’un montant mensuel de 1'475 fr. à compter du 1er septembre 2022 sur la base d’un degré d’invalidité de 100 %. La décision concernant la période comprise entre le 1er avril 2017 et le 31 août 2022 serait notifiée ultérieurement.
C. Par acte du 14 septembre 2022, M.____ a recouru devant la Cour de céans contre la décision du 15 août 2022 en contestant le montant de la rente allouée.
La cause a été enregistrée sous le numéro de référence AI 232/22.
D. Dans l’intervalle, la Caisse a adressé à divers organismes le formulaire « Compensation avec des paiements rétroactifs de l’AVS/AI » qu’elle leur a demandé de compléter en vue de la notification de la décision concernant le rétroactif des rentes d’invalidité.
Le 29 août 2022, le Service de l’action sociale de la commune de P.____ a indiqué être intervenu en faveur de l’assurée du 1er mars 2021 au 31 juillet 2022 pour un montant de 46'168 fr. 35.
Le 1er novembre 2022, la Caisse cantonale de chômage, Agence Z.____, a fait savoir qu’elle renonçait à requérir la compensation.
Toujours le 1er novembre 2022, le Centre social régional de W.____, à Q.____, a signalé qu’il était intervenu en faveur de l’assurée du 1er avril 2017 au 31 août 2019 pour un montant de 75'536 fr. 20, puis du 1er mars au 30 novembre 2020 pour un montant de 21'395 fr. 55, auquel s’ajoutait un montant de 130 fr. 60 au titre d’indu, soit un montant total de 97'062 fr. 35.
Le 7 novembre 2022, le Centre social régional de B.____ a indiqué qu’il renonçait à requérir la compensation.
Par décision du 18 novembre 2022, l’office AI a reconnu le droit de l’assurée à une rente entière d’invalidité dès le 1er avril 2017, soit 1'450 fr. par mois du 1er avril 2017 au 31 décembre 2018, 1'462 fr. par mois du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020 puis 1'475 fr. par mois dès le 1er janvier 2021. Le décompte avait la teneur suivante :
Droit d’avril 2017 à décembre 2018 21 mois à CHF 1'450.00 CHF 30’450.00
Droit de janvier 2019 à décembre 2020 24 mois à CHF 1'462.00 CHF 35'088.00
Droit de janvier 2021 à août 2022 20 mois à CHF 1'475.00 CHF 29’500.00
Intérêts moratoires CHF 1'873.00
Montant total CHF 96'911.00
Action sociale CHF -25'075.00
Centre social régional W.____ CHF -55'304.00
Nous vous verserons dans les 10 prochains jours CHF 16'532.00
E. a) Par acte du 17 décembre 2022, M.____ a recouru devant la Cour de céans contre la décision du 18 novembre 2022. Contestant non seulement le montant total de la rente rétroactive allouée en sa faveur mais également celui des déductions opérées en faveur de tiers, elle faisait valoir que, durant les périodes où elle avait entrepris des études, l’aide sociale ne lui avait pas été versée. D’après les calculs de l’assurée, la Caisse a versé au Service de l’action sociale de P.____ un montant de 25'075 fr. (au lieu de 20'650 fr.) alors qu’elle avait versé aux CSR de Q.____ et de B.____ un montant de 55'304 fr. au lieu de 41'999 fr. 50. Il en résultait un surplus de 1'197 fr. 50 (17'729 fr. 50 [13'304 fr. 50 + 4'425 fr.] / 16'532 fr.), auquel elle estimait qu’il convenait d’ajouter un montant de 10'845 fr. 85, d’où un solde en sa faveur de 12'043 fr. 50.
La cause a été enregistrée sous le numéro de référence AI 348/22.
b) A sa réponse du 21 février 2023, l’office AI a joint les déterminations de la Caisse du 9 février 2023. Après avoir requis la jonction des causes AI 232/22 et AI 348/22, elle a exposé les éléments pris en considération pour le calcul de la rente servie depuis le 1er avril 2017. Elle soutenait par ailleurs que la Cour de céans devait décliner sa compétence pour trancher le litige concernant le montant de la créance en compensation, dès lors que les contestations devaient être dirigées directement contre l’organisme qui a fait valoir la compensation. Aussi a-t-elle conclu au rejet de chacun des recours.
c) Dans sa réplique du 24 mai 2023, l’assurée, désormais représentée par Me Johnny Dousse, avocat, a souligné qu’elle ne critiquait pas uniquement le montant invoqué en compensation mais également le fait que la rente d’invalidité octroyée rétroactivement pour des périodes durant lesquelles elle ne bénéficiait pas de l’aide sociale ne pouvait pas servir à compenser des prestations accordées à titre d’avance pour une autre période. Elle a par ailleurs requis la production de l’intégralité de son dossier auprès des CSR de W.____ et de B.____, ainsi que du Service de l’action sociale de P.____, en lien avec les prestations d’aide sociale octroyées entre le 1er avril 2017 et le 31 août 2022.
d) Par écriture du 27 juillet 2023, l’assurée a notamment confirmé ses réquisitions tendant à la production de pièces, ainsi que de son dossier en lien avec une bourse d’études octroyée en 2016/2017 et en 2019/2020. Cela étant, elle a conclu, sous suite de frais et dépens, principalement, au paiement d’un montant minimal de 29'773 fr. à titre de versement rétroactif de la rente de l’assurance-invalidité à compter du 1er avril 2017 et, subsidiairement, au renvoi du dossier à la Caisse pour complément d’instruction puis nouvelle décision.
e) Dans son pli du 14 septembre 2023, l’office AI s’est référé à la prise de position de la Caisse datée du 13 septembre 2023. Celle-ci soulignait plus particulièrement que les formulaires qui lui avaient été transmis mettaient en évidence une concordance temporelle entre les avances de prestations demandées en restitution et les périodes d’octroi de la rente de l’assurance-invalidité rétroactive en faveur de l’assurée. Renvoyant pour le surplus à ses déterminations du 9 février 2023, elle a derechef conclu au rejet du recours.
f) Dans ses déterminations du 31 octobre 2023, l’assurée a rappelé que c’était à tort que la Caisse invoquait l’incompétence de la Cour de céans pour connaître des litiges concernant la compensation des paiements rétroactifs de l’AVS/AI avec des créances d’un organisme d’aide sociale. En effet, la décision du 18 novembre 2022 mentionnait expressément les voies de droit. De plus, l’intéressée n’avait nullement été informée des prétentions émises par les différents services d’action sociale avant le prononcé de la décision attaquée, alors même qu’elle avait adressé sa contestation aux organismes concernés et qu’elle n’avait toujours pas reçu de réponse de leur part. Elle estimait par ailleurs que les montants des créances en compensation étaient inexacts, dans la mesure où ils ne correspondaient pas aux prestations réellement touchées. Aussi aurait-elle dû percevoir un montant de 29'773 fr. à titre de rente rétroactive. Partant, elle a déclaré confirmer ses conclusions ainsi que l’intégralité de ses réquisitions.
F. Par arrêt rendu ce jour (cause AI 232/22 – 157/2024), la Cour de céans a rejeté le recours formé par M.____ contre la décision du 15 août 2022.
E n d r o i t :
1. a) La LPGA (loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales ; RS 830.1) est, sauf dérogation expresse, applicable en matière d’assurance-invalidité (art. 1 al. 1 LAI [loi fédérale du 19 juin 1959 sur l’assurance-invalidité ; RS 831.20]). Les décisions des offices AI cantonaux peuvent directement faire l’objet d’un recours devant le tribunal des assurances du siège de l’office concerné (art. 56 al. 1 LPGA et art. 69 al. 1 let. a LAI), dans les trente jours suivant leur notification (art. 60 al. 1 LPGA).
b) En l’occurrence, déposé en temps utile auprès du tribunal compétent (art. 93 let. a LPA-VD [loi cantonale vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative ; BLV 173.36]) et respectant les autres conditions formelles prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA notamment), le recours est recevable.
2. Le litige porte sur la question de savoir si l’intimé était fondé à verser directement en mains du CSR le montant de la rente de l’assurance-invalidité due rétroactivement à l’assurée pour la période du 1er avril 2017 au 31 août 2022. Il convient de préciser que la recourante ne conteste ni le degré d’invalidité retenu par l’intimé, ni le droit à une rente de l’assurance-invalidité.
3. Dans son écriture du 9 février 2023, la Caisse, soit par elle l’office intimé, a requis la jonction des causes AI 232/22 et AI 348/22.
a) Selon l'art. 24 LPA-VD, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation de faits identique ou à une cause juridique commune. Les recours de droit administratif concernant des faits de même nature, portant sur des questions juridiques communes et dirigés contre un même jugement peuvent être réunis et liquidés dans un seul arrêt (ATF 120 V 466 consid. 1).
b) En l’occurrence, la décision du 15 août 2022 – objet de la cause AI 232/22 – fixe le montant mensuel de la rente entière d’invalidité allouée en faveur de la recourante à compter du 1er septembre 2022, alors que la décision du 18 novembre 2022 – objet de la cause AI 348/22 – fixe le montant du rétroactif de la rente entière d’invalidité octroyée à la recourante du 1er avril 2017 au 31 août 2022, sous déduction des avances perçues au titre de l’aide sociale. Si les deux décisions concernent certes le montant de la rente entière d’invalidité en faveur de la recourante, elles se rapportent toutefois à des périodes temporelles distinctes. De plus, la solution de la cause AI 348/22 dépend de celle de la cause AI 232/22, puisque le montant du rétroactif en faveur de la recourante dépend directement du montant de la rente servie dès le 1er janvier 2021, respectivement le 1er septembre 2022. En outre, ce ne sont pas les mêmes lois qui sont applicables à ces deux procédures. A cela s’ajoute que le traitement de l’ensemble des questions litigieuses dans un seul et même arrêt aboutirait à une décision compliquée et potentiellement peu claire. Par conséquent, il n’y a pas lieu de joindre les causes AI 232/22 et AI 348/22, de sorte que la requête de l’office intimé en ce sens doit être rejetée.
4. a) Aux termes de l’art. 22 al. 1 LPGA, le droit aux prestations des assureurs sociaux est en principe incessible sous peine de nullité. En revanche, selon l’alinéa 2 de cette disposition, les prestations accordées rétroactivement par l'assureur social peuvent être cédées à l'employeur ou à une institution d'aide sociale publique ou privée dans la mesure où ceux-ci ont consenti des avances (let. a), ainsi qu’à l'assureur qui a pris provisoirement à sa charge des prestations (let. b).
b) Selon l’art 85bis al. 1 RAI (règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité ; RS 831.201), dont la base légale est l'art. 22 LPGA (ATF 136 V 381 consid. 3.2), les employeurs, les institutions de prévoyance professionnelle, les assurances-maladie, les organismes d’assistance publics ou privés ou les assurances en responsabilité civile ayant leur siège en Suisse qui, en vue de l'octroi d'une rente de l'assurance-invalidité, ont fait une avance, peuvent exiger qu'on leur verse l'arriéré de cette rente en compensation de leur avance et jusqu'à concurrence de celle-ci. Les organismes ayant consenti une avance doivent faire valoir leurs droits au moyen d'un formulaire spécial, au plus tôt lors de la demande de rente et, au plus tard, au moment de la décision de l'office AI.
L’art. 85bis al. 2 RAI prévoit que sont considérées comme une avance les prestations librement consenties, que l'assuré s'est engagé à rembourser, pour autant qu'il ait convenu par écrit que l'arriéré serait versé au tiers ayant effectué l'avance (let. a), de même que les prestations versées contractuellement ou légalement, pour autant que le droit au remboursement, en cas de paiement d’une rente, puisse être déduit sans équivoque du contrat ou de la loi (let. b). Les arrérages de rente peuvent être versés à l’organisme ayant consenti une avance jusqu’à concurrence, au plus, du montant de celle-ci et pour la période à laquelle se rapportent les rentes (al. 3).
Les avances librement consenties selon l'art. 85bis al. 2 let. a RAI supposent le consentement écrit de la personne intéressée pour que le créancier puisse en exiger le remboursement. Dans l'éventualité de l'art. 85bis al. 2 let. b RAI, le consentement n'est pas nécessaire ; celui-ci est remplacé par l'exigence d'un droit au remboursement « sans équivoque ». Pour que l'on puisse parler d'un droit non équivoque au remboursement à l'égard de l'assurance-invalidité, il faut que le droit direct au remboursement découle expressément d'une norme légale ou contractuelle (ATF 133 V 14 consid. 8.3 et les références). L'art. 85bis RAI n'est pas simplement destiné à protéger les intérêts publics en général. Il vise certes à favoriser une bonne coordination des assurances sociales, notamment par la prévention d'une surindemnisation pour une période pendant laquelle l'assuré reçoit rétroactivement une rente. Mais il vise aussi à sauvegarder les intérêts de tiers qui ont versé des avances à l'assuré en attendant qu'il soit statué sur ses droits (ATF 133 V 14 consid. 8.4 ; TF 9C_926/2010 du 4 août 2011 consid. 3.2).
c) Au niveau du droit cantonal vaudois, conformément à l’art. 46 al. 1 LASV (loi cantonale du 2 décembre 2003 sur l’action sociale vaudoise ; BLV 850.051), le bénéficiaire qui a déposé ou qui dépose une demande de prestations d’assurances sociales ou privées ou d’avances sur pensions alimentaires ou de bourses d’études ou de prestations complémentaires cantonales pour famille ou de prestations cantonales de la rente-pont en informe sans délai l’autorité compétente. Si ces prestations d’assurance sont octroyées rétroactivement, les montants reçus au titre de prestations du revenu d’insertion sont considérés comme des avances et le bénéficiaire est tenu de les restituer (y compris les frais particuliers ou exceptionnels). L’alinéa 2 dispose que l’autorité ayant octroyé le revenu d’insertion est subrogée dans les droits du bénéficiaire à concurrence des montants versés par elle et peut demander aux assurances concernées que les arrérages des rentes soient versés en ses mains jusqu’à concurrence des prestations allouées.
Au niveau du droit cantonal bernois, toutes les personnes dans le besoin ont droit à l'aide sociale personnelle et matérielle (art. 23 al. 1 LASoc [loi du 11 juin 2001 sur l’aide sociale [LASoc] ; RSB 860.1), à savoir celles qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins, que ce soit de manière temporaire ou durable (art. 23 al. 2 LASoc). Concernant le versement de l'arriéré d'une rente de l’assurance-invalidité ou de prestations complémentaires au tiers ayant fait une avance, tant l'art. 85bis al. 1 et 3 RAI que l'art. 22 OPC-AVS/AI (ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et l'invalidité du 15 janvier 1971 ; RS 831.301) disposent que les organismes d'assistance publics ou privés qui ont fait une avance peuvent exiger qu'on leur verse l'arriéré d'une rente de l’assurance-invalidité ou de prestations complémentaires en compensation de leur avance et jusqu'à concurrence, au plus, du montant de celles-ci et pour la période à laquelle se rapportent les rentes ou les prestations. Ces principes sont concrétisés, en matière d'aide sociale, à l'art. 34a al. 3 LASoc qui précise que si le service social a fourni des avances de prestations d’assurances sociales, il peut exiger de l’assureur qu’il lui verse directement le montant dû.
5. a) Dans le cas d'espèce, l’art. 85bis RAI détermine le droit au remboursement direct en faveur du CSR de W.____ et du Service de l’action sociale de P.____. Compte tenu de la disposition précitée, l’art. 46 LASV permet au CSR de W.____ d’obtenir le remboursement direct de ses avances (cf. arrêt CASSO AI 59/18-279/2018 du 25 septembre 2018 consid. 3b et 4b), alors que c’est l'art. 34a al. 3 LASoc qui autorise le Service de l’action sociale de P.____ à requérir le remboursement direct de ses avances (cf. jugement du Tribunal administratif du canton de Berne du 23 juillet 2021, 100.2020.381, consid. 2.3). La compensation est ainsi basée sur des dispositions légales stipulant sans équivoque un droit à un remboursement direct de paiements rétroactifs de l’AVS/AI. Il n’y a pas besoin d’un accord de la recourante dès lors que les montants reçus au titre de prestations du revenu d’insertion deviennent de par la loi des avances du moment que les prestations de l’assurance-invalidité sont octroyées rétroactivement, ce qui est le cas en l’occurrence.
b) Dans ses déterminations du 13 septembre 2023, la Caisse a retenu que, pour les mois d’avril 2017 à août 2022, le rétroactif de la rente d’invalidité en faveur de la recourante s’élevait à 95'038 fr., à savoir 21 mois à 1'450 fr. (30'450 fr.), 24 mois à 1'462 fr. (35'088 fr.) et 20 mois à 1'475 fr. (29'500 fr.), sous déduction des intérêts moratoires à hauteur de 1'873 francs. Selon le formulaire « Compensation avec des paiements rétroactifs de l’AVS/AI », le Service de l’action sociale de la commune de P.____ a requis la compensation d’un montant de 46'168 fr. 35 pour la période du 1er mars 2021 au 31 juillet 2022. Or il ressort du relevé complet produit par ledit service que la recourante a effectivement perçu des prestations pour la période de mars 2021 à juillet 2022. Dès lors que le rétroactif disponible pour cette période s’élève à 25'075 fr. (17 mois à 1'475 fr.), ce même montant a été versé au Service de l’action sociale de P.____ au titre de compensation avec les avances accordées à la recourante. De son côté, le Centre social régional de W.____ a demandé, au moyen du formulaire « Compensation avec des paiements rétroactifs de l’AVS/AI », la compensation d’un montant de 97'062 fr. 35, c’est-à-dire un montant de 75'536 fr. 20 pour la période du 1er avril 2017 au 31 août 2019 et de 21'395 fr. 55 pour la période du 1er mars 2020 au 30 novembre 2020, auquel s’ajoutait un montant de 130 fr. 60 au titre d’indu. Le relevé complet produit par cet organisme fait état de prestations versées en faveur de la recourante pour les périodes d’avril 2017 à août 2019 et de mars 2020 à novembre 2020. Dans la mesure où le montant rétroactif disponible pour les mois d’avril 2017 à août 2019 s’élevait à 42'146 fr. (21 mois à 1'450 fr. et 8 mois à 1’462 fr.) et à 13'158 fr. pour les mois de mars 2020 à novembre 2020 (9 mois à 1'462 fr.), le montant total versé au Centre social régional de W.____ au titre de compensation avec les avances accordées à la recourante s’élevait à 55'304 francs. Au vu de ces éléments, c’est à juste titre que l’office AI a compensé le rétroactif en faveur de la recourante avec les montants versés par le Service de l’action sociale de P.____ et le Centre social régional de W.____.
6. La recourante se plaint d’avoir vainement demandé une copie de son dossier et des pièces justificatives relatives au versement de l’aide sociale, raison pour laquelle elle sollicite la justification de la retenue avec un décompte précis.
a) Selon la jurisprudence, les objections contre le montant de la créance amenée en compensation ne peuvent pas être soulevées dans la procédure devant les offices AI. Ces contestations doivent être dirigées directement contre l’organisme qui a fait valoir la compensation. Cette jurisprudence est conforme à l’institution de la cession en droit privé, étant entendu que la notion de cession utilisée à l’art. 22 LPGA correspond à celle de l’art. 164 CO (Code des obligations du 30 mars 1911 ; RS 220). Ainsi, pour faire valoir son droit à la cession, il incombe à l’organisme de prouver l’existence de sa créance. Si cette condition est réalisée, l’office AI est valablement libéré de sa dette en payant directement en main de cet organisme. Il n’appartient en revanche pas à l’office AI, en tant que débiteur cédé, de vérifier le montant de la créance à compenser (TF 9C_225/2014 du 10 juillet 2014 consid. 3.3.1 et les références citées). En d’autres termes, le point de savoir si, et le cas échéant dans quelle mesure, un organisme ayant effectué une avance selon l’art. 85bis al. 1 RAI dispose d’une créance en restitution à l’encontre de l’assuré doit, en cas de litige, être tranché dans une procédure opposant dit organisme et l’assuré ; ce dernier doit contester le principe de la restitution et, le cas échéant, l’étendue de celle-ci directement auprès de l’auteur de l’avance. La décision de l’office AI sur le paiement direct à celui qui a fait une avance ne concerne que les modalités du versement, de sorte qu’elle ne déploie aucune force de chose décidée en ce qui concerne le bien-fondé et le montant de la créance en restitution. L’assuré doit disposer d’une voie de droit directe à l’encontre de l’auteur de l’avance pour contester le bien-fondé et le montant de la prétention en restitution (TF 9C_287/2014 du 16 juin 2014 consid. 2.2 et les références citées).
b) Si le principe même de la compensation est justifié en l'espèce, cela ne signifie pas encore que les montants demandés en restitution par le CSR de W.____ et le Service de l’action sociale de P.____ sont exacts et ne préjugent pas des questions de surindemnisation. Force est de constater cependant, conformément à la jurisprudence précitée (cf. considérant 6a supra), que la Cour de céans n'est pas compétente pour trancher ces questions, de sorte que les griefs de la recourante à cet égard sont irrecevables. En effet, en cas de compensation avec un arriéré de rente de l’assurance-invalidité, l'assuré ne peut pas remettre en question la créance en restitution de l'institution d'aide sociale par un recours contre la décision de compensation de l'office AI. Il doit utiliser les voies de droit contre la décision de restitution à rendre par l'institution d'aide sociale. En d'autres termes, la procédure doit opposer le CSR et l'assuré, celui-ci devant contester le bien-fondé de la demande en restitution et, le cas échéant, l'étendue de celle-ci directement auprès de cet organisme. Cela implique une procédure de réclamation et, en cas de désaccord persistant, un recours devant la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (art. 92 ss LPA-VD), voire auprès du Tribunal administratif du canton de Berne (art. 51 et 52 LASoc).
7. Le dossier est complet permettant à la Cour de céans de statuer en pleine connaissance de cause. Il n’y a dès lors pas lieu de donner suite aux réquisitions de la recourante tendant à la production de l’intégralité de son dossier auprès des CSR de W.____ et de B.____, ainsi que du Service de l’action sociale de P.____. En effet, le dossier tel que constitué contient le relevé des prestations versées en faveur de la recourante par le Service de l’action sociale de P.____ et par le CSR de W.____ aux périodes déterminantes, à savoir respectivement de mars 2021 à juillet 2022 et d’avril 2017 à août 2019 puis mars 2020 à novembre 2020. Au demeurant, on ne voit pas en quoi le dossier auprès du CSR de B.____ serait de nature à exercer une influence sur le sort du litige, dès lors que cet organisme a renoncé à requérir la compensation. Quant au dossier en lien avec la bourse d’études octroyée en 2016/2017 et 2019/2020, il ne se rapporte pas à la problématique traitée dans le cadre de la présente procédure, à savoir la compensation d’avances faites par des organismes visés par l’art. 85bis al. 1 RAI avec des paiements rétroactifs de l’AVS/AI. Le juge peut ainsi mettre fin à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu’elles ne pourraient pas l’amener à modifier son avis (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101) (SVR 2001 IV n° 10 p. 28 consid. 4b ; cf. ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d et l’arrêt cité ; TF 9C_272/2011 du 6 décembre 2011).
8. En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité, ce qui entraîne la confirmation de la décision entreprise.
9. a) En dérogation à l’art. 61 let. a LPGA, la procédure de recours en matière de contestations portant sur l’octroi ou le refus de prestations de l’assurance-invalidité devant le tribunal cantonal des assurances est soumise à des frais de justice ; le montant des frais est fixé en fonction de la charge liée à la procédure, indépendamment de la valeur litigieuse, et doit se situer entre 200 et 1'000 fr. (art. 69 al. 1bis LAI). Toutefois, selon la jurisprudence, le litige concernant le paiement de prestations en mains de tiers n’a en soi pas pour objet l’octroi ou le refus de prestations d’assurance (TF I 256/06 du 26 septembre 2007 consid. 2 et 7), de sorte qu’il ne sera pas perçu de frais de justice.
b) Enfin, la recourante n’obtenant pas gain de cause, il n’y a pas lieu d’allouer des dépens en sa faveur (art. 55 al. 1 LPA-VD et 61 let. g LPGA).
Par ces motifs,
la Cour des assurances sociales
prononce :
I. Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
II. La décision rendue le 18 novembre 2022 par l’Office de l’assurance-invalidité pour le canton de Vaud est confirmée.
III. Il n’est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens.
La présidente : Le greffier :
Du
L'arrêt qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié à :
Me Johnny Dousse, avocat (pour M.____),
Office de l’assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
- Office fédéral des assurances sociales,
par l'envoi de photocopies.
Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral au sens des art. 82 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF).
Le greffier :
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
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