Zusammenfassung des Urteils 2024/20: Kantonsgericht
Die Versicherungsnehmerin W.________ hat gegen die Versicherung G.________ vor dem Kantonalen Sozialversicherungsgericht Klage eingereicht, um von der Zahlung von Prämien befreit zu werden und eine monatliche Erwerbsunfähigkeitsrente zu erhalten. Die Versicherung lehnte die Forderung ab und forderte ihrerseits eine Zahlung von W.________. Es ging um die Frage der Erwerbsfähigkeit aufgrund gesundheitlicher Probleme nach einer Handoperation. Nach verschiedenen medizinischen Gutachten und Entscheidungen der Invalidenversicherung wurde W.________ schliesslich eine volle Invalidenrente zugesprochen. Die Versicherung forderte jedoch fälschlicherweise bereits gezahlte Leistungen zurück, da sie der Meinung war, dass W.________ ab einem bestimmten Zeitpunkt wieder voll arbeitsfähig war. Nach einem langwierigen Rechtsstreit wurde W.________ letztendlich eine volle Invalidenrente zugesprochen.
Kanton: | VD |
Fallnummer: | 2024/20 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: |
Datum: | 25.04.2024 |
Rechtskraft: |
Leitsatz/Stichwort: | |
Schlagwörter : | éfenderesse; Invalidité; Assurance; Assuré; Incapacité; ’assuré; ération; ’incapacité; Assurée; était; érêt; écision; ’assurance; ’assurée; ’elle; érêts; ’est; ’OAI; CASSO; ’an; évoyance; étent; édure |
Rechtsnorm: | Art. 100 VVG;Art. 100 BGG;Art. 109 SchKG;Art. 109 VwVG;Art. 221 ZPO;Art. 26 SchKG;Art. 41 VVG;Art. 55 VwVG;Art. 61 VVG;Art. 67 SchKG;Art. 73 SchKG;Art. 82 SchKG; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: |
TRIBUNAL CANTONAL | PP 25/17 - 17/2024 |
COUR DES ASSURANCES SOCIALES
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Jugement du 25 avril 2024
__________
Composition : Mme Livet, présidente
M. Neu et Mme Durussel, juges
Greffière : Mme Huser
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Cause pendante entre :
W.____, à [...], demanderesse, représentée par Me Antonella Cereghetti Zwahlen, avocate à Lausanne, |
et
G.____, à [...], défenderesse. |
_________
Art. 41 al. 1 LCA ; 61 aLCA ; 19 LRP
E n f a i t :
A. Par demande du 3 novembre 2017, W.____ (ci-après : l’assurée ou la demanderesse), sous la plume de son conseil, a ouvert action contre G.____ (ci-après : la défenderesse) devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal (CASSO), en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à être libérée du paiement des primes à 100 % dès le 12 janvier 2013, au versement en sa faveur d’une rente mensuelle d’incapacité de gain de 2'666 fr. 65 dès le 12 octobre 2014, au versement en sa faveur des montants respectifs de 55'999 fr. 65 à titre de rentes non versées, 6'418 fr. 65 à titre de primes payées en trop et 6'403 fr. 95 à titre de frais d’avocat avant procédure et, subsidiairement, à être libérée du paiement des primes à 100 % dès le 12 janvier 2013, au versement en sa faveur d’une rente mensuelle d’incapacité de gain de 2'666 fr. 65 dès le 12 octobre 2014 et au versement en sa faveur d’un montant de 68'822 fr. 25.
Par réponse du 8 décembre 2017, G.____ a conclu au rejet de la demande et, à titre reconventionnel, au versement par la demanderesse d’un montant de 23'336 fr. 45 avec intérêt à 5 % l’an.
B. a) Parallèlement, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’Office de l’assurance-invalidité pour le canton de Vaud (OAI) le 12 mars 2014, indiquant présenter une incapacité de travail depuis le 12 octobre 2012 en raison de complications à la suite d’une opération du tunnel carpien à la main droite.
Par projet du 11 mai 2015, confirmé par décision du 22 juin 2015, l’OAI a informé la demanderesse de son refus de prester.
b) Par arrêt du 17 janvier 2018, la CASSO a renvoyé la cause à l’OAI pour complément d’instruction sous la forme d’une expertise comprenant au moins un volet chirurgical de la main et un volet psychique.
c) Une expertise a été réalisée par la Policlinique médicale universitaire (PMU) dont le rapport date du 9 juillet 2019. Les conclusions des experts étaient les suivantes :
« 4.2. Diagnostics pertinents ayant ou non une incidence sur la capacité de travail
· Episode dépressif d'intensité moyenne à sévère présent entre 2012 et 2017, actuellement en rémission F32.1/F32.2
· Compression ulnaire au décours d'une décompression du nerf médian G56.2, Y60.8
· Status post neurolyse par voie endoscopique du nerf médian le 12.10.2012 G56.0
· Neurolyse du rameau palmaire et des branches latérales avec mise en place d'AlloWrap sur le rameau palmaire du nerf médian le 18.10.2013
· Neurolyse du nerf ulnaire le 30.08.2016
· Libération d'adhérences le 13.06.2017
4.3 Constatations/diagnostics ayant une incidence sur les capacités fonctionnelles
L'allodynie qui a fait suite à la chirurgie du tunnel carpien entrainant des douleurs insomniantes et un manque de force n'était compatible avec aucune activité professionnelle.
Actuellement, il persiste une diminution de la force de la main et de la pince modérée et un manque d'endurance en lien avec l'amyotrophie de la main qui a été importante et dont le processus de régénération est lent, et qui ne permettent pas à l'assurée d'effectuer la partie massage de son activité professionnelle mais avec une amélioration progressive notée.
[…]
4.7. Capacité de travail dans l'activité exercée jusqu'ici
Capacité de travail à 50%.
4.8. Capacité de travail dans une activité adaptée
La capacité de travail est de 100%.
4.9. Motivation de l'incapacité de travail globale et de la capacité de travail globale (les incapacités de travail partielles s'additionnent-elles totalement, en partie ou pas du tout)
L'intensité du syndrome douloureux et la perte de force objectivée à plusieurs reprises du membre supérieur droit en lien avec l'allodynie post opératoire justifie une incapacité de travail totale d'octobre 2012 jusqu'à fin septembre 2017. L'évolution au niveau de la main étant progressivement favorable, l'assurée a pu reprendre son activité à 20% à partir de cette date pour atteindre 50% depuis le 02.10.2018. Dans l'activité habituelle qui demande de la force et de l'endurance, l'amyotrophie persistante justifie encore un taux d'activité à 50% mais l'amélioration devrait encore se poursuivre. Nous n'avons donc pas de raison médicale pour nous écarter des incapacités de travail attestées par le Pr S.____.
Par ailleurs, vu l'intensité de la symptomatologie thymique décrite par l'assurée dans ce contexte de douleurs chroniques, nous considérons que Madame W.____ a été en incapacité de travail totale du point de vue psychiatrique d'octobre 2012 à juin 2017 où progressivement l'assurée a retrouvé une pleine capacité.
4.10. Mesures médicales et thérapies ayant une incidence sur la capacité de travail
Poursuite de la physiothérapie et de l'ergothérapie de la main droite dans le but d'une récupération totale de la force et de l'endurance et ainsi d'une pleine capacité de travail dans l'activité habituelle. »
Dans un avis médical du 17 septembre 2019, le Service médical régional de l’AI (SMR) a jugé l’expertise de la PMU convaincante et a retenu que l’assurée avait retrouvé une pleine capacité de travail dans une activité adaptée en juin 2017.
Par projet de décision du 25 novembre 2019, annulant et remplaçant celui du 30 septembre 2019, l’OAI a fait savoir à l’assurée qu’il avait l’intention de lui octroyer une rente entière d’invalidité du 1er septembre 2014 au 31 janvier 2019. Ce projet se référait à un rapport d’évaluation du 7 avril 2015 selon lequel un changement d’activité était exigible.
Par courriers des 16 décembre 2019 et 28 janvier 2020, G.____ a demandé à l’OAI de modifier son projet de décision, en retenant une pleine capacité de travail dès septembre 2017. Elle a produit un rapport de son médecin-conseil qui estimait qu’il n’y avait pas de raison médicale justifiant une incapacité de travail dans une activité adaptée au-delà de l’été 2017.
L’OAI a établi un nouveau projet de décision le 5 mars 2020, annulant et remplaçant le précédent, et prévoyant d’octroyer à l’assurée une rente entière d’invalidité du 1er octobre 2013 au 31 août 2017, mentionnant toutefois dans la motivation que le droit à la rente ne prenait naissance qu’à partir du 1er septembre 2014.
L’assurée s’y est opposée en date du 9 avril 2020, reprenant ses précédents arguments et soutenant qu’on ne pouvait raisonnablement exiger d’elle qu’elle exerce une activité adaptée à 100% à partir du 2 octobre 2018 en lieu et place de son activité habituelle, qu’elle avait pu reprendre progressivement jusqu’à un plein temps dès le 6 janvier 2020. Elle a produit un certificat médical du 16 décembre 2019 du Prof. S.____, spécialiste en chirurgie de la main, indiquant qu’elle avait poursuivi sa reprise thérapeutique, sa capacité de travail passant de 60 % à 70 % le 8 octobre 2019, puis à 100 % dès le 6 janvier 2020.
L’OAI a répondu aux objections de l’assurée par courrier du 30 avril 2020. Il a considéré qu’elle avait retrouvé une capacité de travail dès le mois de juin 2017 avec l’amendement des troubles psychiques et qu’elle était alors âgée de 56 ans de sorte qu’un changement d’activité professionnelle était raisonnablement exigible.
Par décision du 20 mai 2020, l’OAI a octroyé à l’assurée une rente entière d’invalidité du 1er septembre 2014 au 31 août 2017.
d) L’assurée a recouru contre cette décision et dans un arrêt de la CASSO du 18 janvier 2022 (AI 195/20 – 17/2022), le recours a été admis.
La Cour précitée s’est posé la question de savoir si l’on pouvait raisonnablement exiger de la recourante qu’elle abandonne son activité habituelle, qu’elle avait reprise progressivement dès le 18 septembre 2017, au profit d’une activité adaptée, qu’elle aurait pu exercer à plein temps dès octobre 2017. Elle a considéré que l’on ne pouvait exiger d’une assurée, âgée de 57 ans au moment de l’expertise, respectivement de 60 ans au moment de la décision de l’OAI, qui avait travaillé durant 32 ans comme esthéticienne, dont 21 ans à titre indépendant, de changer de profession alors que le pronostic de réinsertion dans son activité habituelle était bon, qu’elle avait effectivement pu reprendre progressivement son emploi et que l’octroi de prestations ne concernait qu’une période d’environ deux ans. Au vu de l’ensemble de ces circonstances, la CASSO a estimé qu’un changement de profession n’était pas raisonnablement exigible dans le cas de l’assurée, qui avait pleinement respecté son obligation de diminuer le dommage en reprenant son activité dès que possible. Cette reprise progressive s’était déroulée comme suit :
- à 20 % du 18 septembre 2017 au 30 avril 2018,
- à 30 % du 1er mai 2018 au 25 juin 2018,
- à 40 % (avec une rentabilité à 20 %) du 26 juin 2018 au 6 août 2018,
- à 50 % (avec une rentabilité à 30 %) du 7 août 2018 au 1er octobre 2018,
- à 50 % du 2 octobre 2018 au 15 juillet 2019,
- à 60 % du 16 juillet 2019 au 7 octobre 2019,
- à 70 % du 8 octobre 2019 au 5 janvier 2020,
- à 100 % dès le 6 janvier 2020.
En bref, la CASSO a souligné que les avis médicaux du médecin du SMR, qui n’avait jamais examiné la demanderesse, ne pouvaient être suivis.
Sur le plan somatique, le Prof. S.____ et la Dresse D.____ avaient mis en évidence des atteintes qui n’avaient pas été décelées auparavant par les autres praticiens appelés à se déterminer sur le cas de l’intéressée et qui pourraient expliquer les douleurs ressenties par cette dernière. Ces spécialistes avaient fait état d’une neuropathie du nerf ulnaire (protocole opératoire du 6 septembre 2016) avec forte déviation du nerf ulnaire en direction du nerf médian (rapport du 10 août 2017 du Prof. S.____), respectivement d’une compression du nerf ulnaire avec trajet aberrant du nerf ulnaire dans la région de l'os pisiforme (rapport du 9 février 2017 de la Dresse D.____). Le Prof. S.____ avait en outre observé une nette compression avec déformation du nerf en sablier (protocole opératoire du 6 septembre 2016). Tant le Prof. S.____ que la Dresse D.____ s’étaient fondés sur des éléments cliniques objectifs dont la Prof. P.____ et le Dr R.____ n’avaient pas connaissance lorsqu’ils s’étaient prononcés sur la capacité résiduelle de travail de la recourante en 2013 et 2014. Le SMR avait estimé néanmoins que les rapports des spécialistes devaient être écartés, au motif qu’il s’agissait d’une simple appréciation différente d’un même état de fait (avis médicaux du SMR des 18 avril et 21 septembre 2017). Or, dans la mesure où la procédure en cause n’était pas une procédure de révision mais bien l’examen d’une première demande de prestations AI, cet argument n’était pas pertinent. Dans ce contexte, bien que les éléments cliniques mis en évidence paraissaient démontrer une atteinte relativement circonscrite, l’avis du SMR ne pouvait être suivi. Il existait ainsi une incertitude sur la nature exacte des troubles somatiques présentés par la recourante et leur influence sur sa capacité de travail.
Sur le plan psychique, la Prof. P.____ avait posé le diagnostic d’état dépressif en raison de troubles du sommeil chroniques liés à des douleurs, respectivement d’état dépressif lié à la résurgence de l’allodynie (rapports des 15 septembre 2015, 28 décembre 2015 et 14 mars 2016). Les Dresses D.____ et E.____ avaient en outre estimé que les allodynies de la recourante présentaient des douleurs entraînant un syndrome dépressif (rapport du 9 février 2017 de la Dresse D.____), respectivement pouvant entraîner des états dépressifs (certificat médical de la Dresse E.____ du 21 mai 2017). La Dresse H.____ du SMR avait reconnu une péjoration de la situation de l’intéressée, avec notamment une symptomatologie psychique, à compter de septembre 2015 (avis médicaux SMR des 28 juin 2016 et 18 avril 2017). Elle avait en revanche nié toute atteinte psychique au moment du prononcé de la décision litigieuse du 22 juin 2015, sans aucune explication objective ni investigation complémentaire, pour la seule raison semblait-il que le diagnostic de trouble dépressif avait été articulé pour la première fois en septembre 2015. Or, compte tenu des causes alléguées du possible état dépressif de l’intéressée (troubles du sommeil chroniques et résurgence de l’allodynie) et du fait que le SMR avait admis une péjoration de sa symptomatologie psychique, on ne pouvait exclure la présence chez la recourante avant septembre 2015 d’une atteinte à la santé psychique invalidante ayant une influence sur sa capacité de travail, au seul motif que les médecins avaient posé le diagnostic pour la première fois à ce moment-là. Faute d’argument médical, l’appréciation du SMR ne l’emportait pas sur les avis de la Prof. P.____ et des Dresses D.____ et E.____. Elle ne permettait pas d’écarter totalement le diagnostic d’état dépressif invalidant.
La décision rendue le 20 mai 2020 par l’OAI a ainsi été réformée en ce sens qu’W.____ avait droit à une rente entière d’invalidité du 1er septembre 2014 au 30 septembre 2018, à une demi-rente d’invalidité du 1er octobre 2018 au 31 juillet 2019, puis à un quart de rente du 1er août 2019 au 31 octobre 2019.
C. a) Selon un contrat de prévoyance liée signé entre les parties débutant le 1er août 1999 et se terminant le 1er août 2022, la prestation principale consistait en un versement de 128'000 fr. en cas de vie le 1er août 2022 et les prestations complémentaires en un versement d’une rente annuelle de 32'000 fr. payable mensuellement jusqu’au 31 juillet 2020 en cas d’incapacité de gain par suite de maladie ou d’accident survenue avant le 1er août 2018 après un délai d’attente de 720 jours. La prime trimestrielle dont devait s’acquitter l’assurée s’élevait à 1'200 fr. 90.
b) Le chiffre 3 des conditions générales d’assurance (CGA), consacré aux définitions, stipulait en particulier à son ch. 3.9 ce qui suit :
« 3.9 L’incapacité de gain : l’état qui empêche l’assuré, par suite de maladie, d’accident ou de déclin de ses facultés mentales ou physiques – sur la base de signes objectifs médicalement vérifiables – d’exercer sa profession ou toute autre activité conforme à sa position sociale, ses connaissances et ses aptitudes et qui lui cause simultanément une perte de gain ou un autre préjudice pécuniaire équivalent. ».
S’agissant des rentes et de la libération du paiement des primes en cas d’incapacité de gain, le chiffre 11 indiquait :
« 11.1 En cas d’incapacité de gain de l’assuré et à proportion de son degré, l’assureur, s’il en a été convenu ainsi :
libère le preneur de son obligation de payer les primes,
verse la rente fixée dans la police.
La rente est proportionnelle au degré d’incapacité de gain entre 25 et 66 2/3 % ; cependant, une incapacité inférieure à 25 % ne donne droit à aucune prestation et une incapacité égale ou supérieure à 66 2/3 % est considérée comme une incapacité totale. »
Quant au chiffre 25, qui traite de l’exigibilité des prestations, il prévoyait que :
« Dès que les pièces justificatives en sa possession lui ont permis de constater le bien-fondé de la prétention, l’assureur paie les prestations échues à l’ayant droit ; le paiement est libératoire pour l’assureur. »
c) Par courrier du 4 avril 2013, G.____ a informé l’assurée qu’elle la libérait du paiement des primes à 100% dès le 12 janvier 2013, soit après un délai d’attente de 90 jours. Il était précisé que cette libération était accordée à titre provisoire et sans reconnaissance d’obligation et qu’il appartenait, le moment venu et sur demande de G.____, d’apporter la preuve d’une perte de gain ou d’un autre préjudice pécuniaire équivalent (art. 3.9 CGA). A défaut, les primes libérées devaient être restituées dans les trente jours dès l’échéance du décompte complémentaire. G.____ priait également l’assurée de bien vouloir lui signaler toute modification future de son taux d’incapacité de travail.
Le 25 juin 2014, la demanderesse a signé une déclaration en faveur de la défenderesse l’autorisant à recueillir tous les renseignements nécessaires notamment auprès des médecins, hôpitaux et de l’assurance invalidité fédérale.
Par courrier du 2 octobre 2014, G.____ a informé l’assurée qu’en se fondant sur un rapport de la Prof. P.____, spécialiste en chirurgie de la main, relatif à l’incapacité de travail de celle-ci depuis le 12 octobre 2012, elle verserait une rente mensuelle de 2'666 fr. 65 à partir du 12 octobre 2014, le prorata de la rente pour le mois d’octobre s’élevant à 1'688 fr. 90. G.____ priait également l’assurée de lui envoyer systématiquement une copie des certificats médicaux attestant la prolongation de son incapacité de travail et de lui signaler toute modification future de son taux d’incapacité de travail. Elle demandait aussi que toute décision de l’OAI lui soit communiquée.
d) Par courrier du 2 février 2016 (reçu selon tampon humide le 3 février 2016), la demanderesse a communiqué à la défenderesse les rapports de la Prof.P.____ des 24 juillet, 15 septembre et 28 décembre 2015.
Dans une lettre du 10 mars 2016 à G.____, l’assurée a constaté que le versement de la rente avait cessé, sans préavis.
Par courrier du 14 mars 2016, G.____ a écrit ceci au conseil de l’assurée :
« Nous nous référons à votre courrier du 2 février 2016 concernant votre mandante mentionnée en titre.
La police d'assurance de votre mandante prévoit une rente ainsi que la libération du paiement des primes en cas d'incapacité de gain. Par incapacité de gain, on entend l'incapacité d'exercer sa profession ou toute autre activité adaptée.
Les conditions d'assurance précisent que l'assureur doit être avisé sans délai de toute modification du degré d'incapacité de gain de l'assuré, de manière à pouvoir adapter immédiatement ses prestations au nouvel état de fait.
Après examen du dossier de l'Assurance-Invalidité (AI), que nous avons reçu à fin janvier 2016, il s'avère que votre mandante disposait d'une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à compter en tout cas de la décision du 22 juin 2015. Au vu de l'ensemble du dossier, il faudrait même admettre que votre mandante disposait d'une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à compter de février ou mars 2014. Nous relevons que votre mandante ne nous a pas communiqué la décision de l'Al et a ainsi omis de nous aviser de toute modification du degré d'incapacité de gain, en violation des conditions d'assurance et de l'avertissement formulé dans notre courrier du 2 octobre 2014.
Au vu de ce qui précède, nous vous informons que nous supprimons le droit de votre mandante aux prestations à compter du 22 juin 2015.
Dans ces circonstances, nous avons libéré à tort votre mandante du paiement des primes du 22 juin 2015 jusqu'à fin janvier 2016, et nous avons versé à tort les rentes d'incapacité de gain du 22 juin 2015 jusqu'à fin janvier 2016. Nous facturons à votre mandante, selon décompte annexé, les prestations dont votre mandante a bénéficié à tort.
Toutefois, un recours étant pendant contre la décision Al du 22 juin 2015, nous serions disposés à suspendre le recouvrement des sommes versées indûment, jusqu'à droit connu sur la procédure Al, pour autant que vous nous adressiez, dans un délai au 15 avril 2016, une déclaration de renonciation à invoquer la prescription pour notre créance en restitution à hauteur de la somme faisant l'objet du décompte précité. Pour cela, nous prions Madame W.____ de bien vouloir nous retourner ledit décompte dûment daté et signé.
En outre, nous nous réservons le droit d'exiger le paiement des primes libérées de mars 2014 à juin 2015, ainsi que le remboursement des rentes d'incapacité de gain d'octobre 2014 à juin 2015.
Au vu de ce qui précède, nous vous informons que les primes sont à nouveau facturées à partir du 1er février 2016. »
Différents échanges de courriers entre les parties s’en sont suivis entre avril 2016 et avril 2017.
En résumé, la demanderesse soutenait qu’elle n’avait pas cherché à dissimuler des éléments à la défenderesse, en particulier la décision de l’OAI. Elle avait en effet délié ses médecins traitants du secret médical à l’égard de la défenderesse et l’avait par ailleurs expressément autorisée à se renseigner auprès de l’OAI. Elle avait régulièrement transmis les certificats médicaux attestant de son incapacité de travail. En outre, elle estimait que la défenderesse n’était pas liée par la décision de l’OAI, qui avait de toute façon fait l’objet d’un recours auprès de la CASSO, et priait donc la défenderesse de reprendre le paiement de la rente et d’accepter la suspension du paiement des primes. Elle a également signé une déclaration de renonciation à la prescription concernant les prétentions émises par la défenderesse. Par courrier du 26 juillet 2016, elle a en particulier transmis le certificat médical établi par le Prof. S.____ le 12 juillet 2016, dont il ressort que les douleurs neuropathiques dont souffrait la demanderesse depuis plusieurs années étaient en lien avec une compression du nerf ulnaire au niveau du canal de Guyon.
Quant à la défenderesse, elle a réitéré sa position selon laquelle elle s’en tenait à la décision de l’OAI du 22 juin 2015, qui constatait que la demanderesse disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée, à tout le moins dès la date de cette décision, estimant que l’incapacité de gain au sens du chiffre 3.9 des CGA était décrite sur la base des mêmes critères que l’assurance-invalidité. Elle a ainsi refusé de verser une rente, invité la demanderesse à payer les primes échues et maintenu ses prétentions en remboursement. Elle a toutefois signalé qu’elle réexaminerait le dossier à réception de l’arrêt de la CASSO concernant la rente AI.
Le 11 mai 2017, la défenderesse a écrit à l’assurée qu’à la suite de l’opération du 30 août 2016, celle-ci n’avait certainement pu exercer aucune activité, raison pour laquelle elle avait admis une période de libération du paiement des primes. Toutefois, selon le médecin-conseil, la durée d’un arrêt de travail pour ce type d’intervention était généralement de quelques jours, tout au plus de six semaines. Dès lors, la défenderesse a octroyé la libération du paiement des primes pour cause d’incapacité de gain du 30 août 2016 au 30 avril 2017. Elle a en outre informé la demanderesse qu’en raison de sa demande de suspension de la procédure en matière d’assurance-invalidité, elle allait procéder à l’encaissement des prestations versées à tort, joignant un bulletin de versement pour un montant de 20'520 fr. 80, payable à 30 jours. La demanderesse s’y est opposée et la défenderesse lui a laissé un dernier délai au 31 juillet 2017 pour procéder au paiement.
Dans une lettre du 8 septembre 2017, G.____ a requis de l’assurée qu’elle signe un accord par lequel elle s’engageait à respecter le jugement rendu par la CASSO, en contrepartie de l’engagement de G.____ à suspendre la procédure d’encaissement des prestations (22'135 fr. 40) qui auraient été versées indûment à la demanderesse du 1er juin 2015 au 31 janvier 2016.
Par correspondance du 9 octobre 2017, l’assurée a informé G.____ qu’elle ne signerait pas l’accord proposé par celle-ci.
A la suite de la demande qu’elle a déposée le 3 novembre 2017 auprès de la CASSO, l’assurée a, le 29 janvier 2018, adressé à G.____ l’arrêt rendu le 18 janvier 2018 par cette Cour, lequel tendait au renvoi de la cause à l’OAI pour complément d’instruction. L’assurée écrivait en outre ce qui suit :
« Cela étant, dans la mesure où vous soutenez depuis de nombreux mois, que ce soit dans nos échanges de correspondances ou en procédure, que les G.____ se fondent sur les décisions prises par l’Office AI, je pars de l’idée que vous respecterez cette décision et que vous n’effectuerez aucune démarche de recouvrement des prétendues prestations versées en trop jusqu’à nouvelle décision de l’Office AI. »
Par avis du 3 juillet 2018, confirmé le 13 janvier 2020, la juge instructrice alors en charge du dossier a suspendu la présente cause (PP 25/17) jusqu’à droit connu sur la procédure en matière d’assurance-invalidité (AI 195/20).
D. a) L’arrêt du 18 janvier 2022 rendu dans la cause AI 195/20, aux termes duquel la CASSO a mis l’assurée au bénéfice d’une rente entière d’invalidité du 1er septembre 2014 au 30 septembre 2018 puis d’une demi-rente d’invalidité du 1er octobre 2018 au 31 juillet 2019 et enfin d’un quart de rente du 1er août 2019 au 31 octobre 2019, a été versé dans la présente cause (PP 25/17), laquelle a alors été reprise le 17 mars 2022.
b) Par correspondance du 25 mai 2022, la défenderesse a informé la CASSO de l’échec des pourparlers transactionnels. Elle s’est déterminée sur l’arrêt rendu le 18 janvier 2022 en contestant l’existence d’une incapacité de travail sur le plan psychiatrique, son taux et sa durée n’étant pas établis, observant que l’incapacité de travail totale au niveau psychiatrique entre octobre 2012 et juin 2017 avait été retenue des années plus tard et qu’elle reposait essentiellement sur la base des déclarations de la demanderesse. Elle a également relevé que la CASSO avait retenu une pleine capacité de travail dans une activité adaptée au plus tard en octobre 2017. La défenderesse a encore exposé que les règles de l’assurance-invalidité étaient différentes de celles applicables à la défenderesse. Elle s’est référée à l’art. 3.9 de ses conditions générales et a conclu que la demanderesse était apte à travailler dans une activité adaptée dès octobre 2017. Enfin, elle a considéré que l’arrêt de la CASSO ne la liait aucunement.
c) La demanderesse s’est déterminée le 16 juillet 2022. Elle a rappelé l’historique de l’affaire et relevé que l’arrêt de la CASSO n’avait pas fait l’objet d’un recours. Elle a souligné que si la notion d’incapacité de gain définie par l’art. 3.9 CGA différait effectivement de la notion d’invalidité de l’assurance-invalidité, la première était plus large que celle qui résultait de l’assurance-invalidité. Elle a ainsi considéré que les CGA couvraient un risque qui n’exigeait pas la prise en considération d’une activité raisonnablement exigible sur l’ensemble du marché du travail. La demanderesse a soutenu qu’il était illusoire qu’elle retrouvât une activité adaptée sur le marché du travail autre que son activité habituelle. En ce qui concernait l’obligation de diminuer le dommage, elle s’est référée à l’art. 61 aLCA et à la jurisprudence rendue à propos de cette disposition pour conclure qu’il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir respecté cette obligation. La demanderesse a en outre relevé que la défenderesse n’avait eu de cesse de se prévaloir de la procédure AI, si bien que l’argument consistant à prétendre que l’arrêt de la CASSO ne la liait pas était en totale contradiction avec la position qu’elle avait soutenue tout au long de l’affaire et relevait de la mauvaise foi. Elle a encore mentionné la question des intérêts moratoires qui devaient être pris en considération depuis le 3 novembre 2017, date du dépôt de sa demande en paiement.
En outre, la demanderesse a précisé les conclusions prises au pied de cette demande. Elle a ainsi conclu à ce qu’elle soit libérée du paiement des primes à 100% dès le 12 janvier 2013 et jusqu’au 1er octobre 2018, à 50% du 2 octobre 2018 au 15 juillet 2019, à 40% du 16 juillet 2019 au 7 octobre 2019 et à 30% du 8 octobre 2019 au 5 janvier 2020 (conclusion V), à ce qu’une rente mensuelle d’incapacité de gain lui soit allouée dès le 12 octobre 2014 jusqu’au 5 janvier 2020, selon les modalités suivantes : à 100% du 12 octobre 2014 jusqu’au 1er octobre 2018, à 50% du 2 octobre 2018 au 15 juillet 2019, à 40% du 16 juillet 2019 au 7 octobre 2019 et à 30% du 8 octobre 2019 au 5 janvier 2020 (conclusion VI), qu’en conséquence, la défenderesse soit condamnée à lui verser les sommes suivantes : 85'421 fr. 70, avec intérêts à 5% l’an dès le 1er février 2016 (échéance moyenne arrondie), 12'622 fr. 35, avec intérêts à 5% l’an dès le 2 octobre 2018 (échéance moyenne arrondie), 2'915 fr. 55, avec intérêts à 5% l’an dès le 16 juillet 2019 (échéance moyenne arrondie) et 2'346 fr. 70, avec intérêts à 5% l’an dès le 8 octobre 2019 (échéance moyenne arrondie) (conclusions VII), que la défenderesse soit condamnée à lui verser un montant de 6'418 fr.65, avec intérêts à 5% l’an dès le 3 novembre 2017, date du dépôt de la demande (conclusion VIII) et que la défenderesse soit condamnée à lui verser un montant de 13’167 fr. 55, avec intérêts à 5% l’an dès le 3 novembre 2017, date du dépôt de la demande (conclusion IX).
Elle a joint à son écriture deux correspondances successives de la défenderesse : l’une, datée du 6 avril 2022, dans laquelle celle-ci proposait de renoncer à la restitution de prestations versées à tort en 2015 et 2016 et de prolonger la rente d’incapacité de gain à 100 % dès le 1er février 2016 avec réduction progressive entre le 2 octobre 2018 et le 5 janvier 2020, soit au total 103'306 fr. 30. En outre, un montant de 13'167 fr. 55 devait être crédité à la demanderesse au titre de rétroactif de la libération du paiement des primes. En contrepartie, la demanderesse devait retirer sa demande, garder ses frais et renoncer à des dépens. L’autre, datée du 9 mai 2022, aux termes de laquelle la défenderesse réitérait sa proposition transactionnelle, avec pour seule modification le montant dû à la demanderesse à titre de rétroactif de la libération du paiement des primes (12'172 fr. 05 au lieu de 13'167 fr. 55), ce montant tenant compte de la prime trimestrielle due pour la période du 1er mai au 31 juillet 2022.
d) Dans ses ultimes déterminations du 31 août 2022, la défenderesse s’est tout d’abord dit étonnée que la demanderesse produise dans la présente procédure les courriers des 6 avril et 9 mai 2022 émis dans le cadre des pourparlers transactionnels et a requis qu’ils en soient écartés. Elle a considéré que les intérêts moratoires ne pourraient courir que dès la réception de l’arrêt de la CASSO du 18 janvier 2022 et qu’il n’y avait pas lieu à l’octroi de dépens, la procédure ayant été suspendue durant la procédure AI. Elle a également contesté que la notion d’incapacité de gain dans l’assurance-invalidité soit plus sévère que celle prévue par les CGA.
E n d r o i t :
1. Le litige concerne des prétentions fondées sur un contrat d’assurance de prévoyance liée selon l’art. 82 LPP (loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité ; RS 831.40).
a) Par contrats de prévoyance liée, on entend les contrats spéciaux d'assurance de capital et de rentes sur la vie ou en cas d'invalidité ou de décès, y compris d'éventuelles assurances complémentaires en cas de décès par accident ou d'invalidité, qui sont conclus avec une institution d'assurance soumise à la surveillance des assurances ou avec une institution d'assurance de droit public satisfaisant aux exigences fixées à l'art. 67 al. 1 LPP et qui sont affectés exclusivement et irrévocablement à la prévoyance (art. 1 al. 2 OPP 3 [ordonnance du 13 novembre 1985 sur les déductions admises fiscalement pour les cotisations versées à des formes reconnues de prévoyance ; RS 831.461.3]). Il s'agit d'une forme de prévoyance reconnue par le Conseil fédéral en collaboration avec les cantons et fiscalement favorable au sens de l'art. 82 al. 2 LPP. Bien que ces contrats soient régis matériellement par la LCA (loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d’assurance ; RS 221.229.1), les contestations résultant de leur application sont de la compétence de l'autorité cantonale désignée pour connaître des contestations opposant fondations ou institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit (art. 73 al. 1 let. b LPP). Dans le canton de Vaud, cette compétence est dévolue à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal (CASSO ; art. 93 al. 1 let. c LPA-VD [loi cantonale vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative ; BLV 173.36]). La compétence de la CASSO est ainsi acquise ratione materiae.
b) Le for des litiges du droit de la prévoyance professionnelle est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l’exploitation dans laquelle la personne assurée a été engagée (art. 73 al. 3 LPP et 73 al. 1 let. b en corrélation avec l’art. 82 al. 2 LPP ; également art. 49 al. 2 ch. 22 LPP). L’action de la demanderesse, formée devant le tribunal compétent à raison du siège de la défenderesse, est recevable ratione loci.
c) En matière de prévoyance professionnelle, les institutions de prévoyance ne sont pas habilitées à rendre des décisions proprement dites (ATF 142 V 20 consid. 3.2.1). Lorsqu’un litige survient au sujet de prétentions qu’elles font valoir envers des assurés ou qu’elles leur refusent, ce litige doit se résoudre par la voie d’une action devant le tribunal compétent (ATF 132 V 404 consid. 4.2 et 115 V 224 consid. 2). L’acte introductif d’instance revêt la forme d’une action (ATF 118 V 158 consid. 1 ; 117 V 237 et 329 consid. 5d ; 115 V 224 et 239, confirmés par ATF 129 V 450 consid. 2). L’ouverture de l’action prévue à l’art. 73 LPP n’est soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai. Les prétentions qu’un assuré fonde sur la LPP ou sur le règlement de l’institution de prévoyance ne peuvent s’éteindre, par suite de l’écoulement du temps, qu’en raison de la prescription (ATF 117 V 329 consid. 4 ; 117 V 336). Faute pour la LPGA (loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales ; RS 830.1) de trouver application en matière de prévoyance professionnelle, il y a lieu d’appliquer, sur le plan procédural, les règles des art. 106 ss LPA-VD sur l’action de droit administratif. L’action introduite par la demanderesse le 3 novembre 2017 est également recevable ratione temporis.
d) Elle remplit en outre les conditions formelles de l’art. 221 CPC (Code de procédure civile du 19 décembre 2008 ; RS 272), applicable par renvoi de l’art. 109 al. 2 LPA-VD.
e) Il y a également lieu d’entrer en matière sur la demande reconventionnelle contenue dans la réponse de la défenderesse, qui présente une relation de connexité avec la demande principale et est soumise à la même procédure (art. 14 al. 1 et 224 al. 1 CPC).
f) La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la cause doit être tranchée par une cour composée de trois magistrats (art. 83c al. 1 LOJV [loi vaudoise du 12 décembre 1979 d’organisation judiciaire ; BLV 173.01]) et non par un juge unique (art. 94 al. 1 let. a a contrario, 107 et 109 al. 1 LPA-VD).
2. Dans son courrier du 31 août 2022, la défenderesse requiert que les documents émis dans le cadre des pourparlers transactionnels soient écartés de la présente procédure.
a) Selon l'art. 6 du Code suisse de déontologie du 1er juillet 2005 de la Fédération suisse des avocats (aCSD ; en vigueur jusqu’au 30 juin 2023, applicable en l’espèce au vu de la date de production des documents litigieux), l'avocat ne porte pas à la connaissance du tribunal des propositions transactionnelles, sauf accord exprès de la partie adverse. Après avoir posé que le caractère confidentiel d'une communication adressée à un confrère doit être clairement exprimé, l'art. 26 aCSD répète qu'il ne peut être fait état en procédure « de documents ou du contenu de propositions transactionnelles ou de discussions confidentielles ». Ces dispositions servent à préciser la portée de l'art. 12 let. a LLCA, qui prescrit à l'avocat d'exercer sa profession avec soin et diligence. Selon la jurisprudence, le non-respect d'une clause de confidentialité et l'utilisation en procédure du contenu de pourparlers transactionnels constituent une violation de l'obligation résultant de l'art. 12 let. a LLCA ( ATF 140 III 6 consid. 3.1 ; TF 2C_988/2017 du 19 septembre 2018 consid. 4.5 et les références).
Lorsque des discussions transactionnelles sont menées, par écrit ou oralement, entre avocats, il n'est pas nécessaire que le caractère confidentiel de celles-ci soit prévu de manière explicite. Conformément aux art. 6 et 26 aCSD, les avocats sont automatiquement soumis au devoir de confidentialité s'agissant non seulement du contenu, mais également de l'existence de pourparlers transactionnels (TF 2C_988/2017 précité consid. 4.6.1 et les références). En revanche, s'agissant de pourparlers transactionnels entre un avocat et une partie non représentée, le Tribunal fédéral a admis que, lorsque cela a été expressément prévu par les parties, ceux-ci sont couverts par le devoir de confidentialité de l'avocat (TF 2C_988/2017 précité consid. 4.6.2 et les références). A contrario, à défaut de réserve expresse, l’avocat peut faire état de pourparlers engagés avec une partie non représentée.
b) En l’espèce, les courriers litigieux des 6 avril et 9 mai 2022 – signés par une responsable de secteur et une gestionnaire clientèle de la défenderesse – n’émanent pas d’un avocat. Il n’y figure aucune clause de confidentialité ou quelconque mention du caractère confidentiel de la proposition. Par conséquent, l’avocate de la demanderesse n’a violé ni les règles déontologiques, ni l’art. 12 let. a LLCA, en produisant les courriers en cause et il n’y a aucun motif de les écarter de la procédure.
3. Le litige porte, d’une part, sur le point de savoir si la demanderesse peut prétendre à des prestations en cas d’incapacité de gain (rente en cas d’incapacité de gain et libération du paiement des primes) découlant de la police de prévoyance liée, et, d’autre part, sur l’obligation de l’assurée de réduire le dommage.
4. a) Conformément à l'art. 26 al. 1 LPP, les dispositions de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité (art. 29 LAI [loi fédérale du 19 juin 1959 sur l’assurance-invalidité ; RS 831.20]) s'appliquent par analogie à la naissance du droit aux prestations d'invalidité de la prévoyance professionnelle. Si une institution de prévoyance reprend – explicitement ou par renvoi – la définition de l'invalidité dans l'assurance-invalidité, elle est en principe liée, lors de la survenance du fait assuré, par l'estimation de l'invalidité des organes de l'assurance-invalidité, sauf lorsque cette estimation apparaît d'emblée insoutenable (ATF 144 V 72 consid. 4.1 ; ATF 138 V 409 consid. 3.1; 126 V 308 consid. 1). Il en va différemment lorsque l'institution adopte une définition qui ne concorde pas avec celle de l'assurance-invalidité, par exemple en cas d'invalidité dite « professionnelle » (c'est-à-dire en cas d'incapacité d'exercer l'activité habituelle). Dans cette hypothèse, il lui appartient de statuer librement, selon ses propres règles. Elle pourra certes se fonder, le cas échéant, sur des éléments recueillis par les organes de l'assurance-invalidité, mais elle ne sera pas liée par une estimation qui repose sur d'autres critères. Toutefois, lorsque l'institution de prévoyance s'en tient à ce qu'ont décidé les organes de l'assurance-invalidité quant à la fixation du degré d'invalidité ou se fonde même sur leur décision, la force contraignante, voulue par le législateur et exprimée dans les art. 23 ss LPP, s'applique, sous réserve du caractère d'emblée insoutenable de la décision de l'assurance-invalidité (ATF 138 V 409 consid. 3.1 et les références ; TF 9C_866/2018 du 11 juin 2019 consid. 3.2).
b) Selon l’art. 19 [...] (loi du [...] ; BLV [...]), la LCA et le CO (loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse, Livre cinquième : Droit des obligations ; RS 220) sont applicables à titre de droit cantonal supplétif pour tout ce qui n'est pas prévu par la [...] ou son règlement d'exécution, par les conditions générales, la police d'assurance ou ses avenants.
c) Les CGA définissent l’incapacité de gain comme étant l'état qui empêche l'assuré, par suite de maladie, d'accident ou de déclin de ses facultés mentales ou physiques – sur la base de signes objectifs médicalement vérifiables –d'exercer sa profession ou toute autre activité conforme à sa position sociale, ses connaissances et ses aptitudes et qui lui cause simultanément une perte de gain ou un autre préjudice pécuniaire équivalent (ch. 3.9).
Il ressort, par ailleurs, des chiffres 11.1 et 11.2 CGA qu’en cas d’incapacité de gain supérieure à 66 2/3%, l’assureur verse la prestation intégrale, à savoir une rente annuelle de 32’000 fr. ; cette somme est due quel que soit le montant de la perte effective. En cas d’incapacité entre 66 2/3% et 25%, la prestation assurée, à savoir la rente annuelle de 32'000 fr., est versée en proportion du degré d’incapacité, indépendamment de la perte effective. Enfin, en cas d’incapacité inférieure à 25%, aucune prestation n’est due, quand bien même l’assurée subirait une perte.
d) Ainsi, les CGA prévoient, contrairement à ce que soutient la défenderesse, une notion de l’invalidité plus large que celle qui résulte de la LAI, en tant qu’elle reconnaît l’existence d’une invalidité lorsque la personne assurée n’est plus en mesure d’exercer les devoirs de sa charge et qu’une autre charge ne peut raisonnablement plus être exigée d’elle, en tenant compte de son occupation antérieure, de sa position sociale, de ses aptitudes et de sa formation. Partant, la notion d’invalidité (dite « professionnelle ») définie dans le règlement de prévoyance couvre un risque qui n’exige pas la prise en considération d’une activité raisonnablement exigible sur l’ensemble du marché du travail (voir en matière d’assurance-invalidité : ATF 137 V 334 consid. 5.2 p. 341). La défenderesse n’est donc pas liée par l’estimation de l’invalidité faite par l’OAI, qui est toutefois plus sévère.
5. a) Le contrat d’assurance conclu entre les parties prévoit que la demanderesse a droit à un montant annuel de 32’000 fr. en cas d’incapacité de gain. Dans son sens courant, l’incapacité de gain (« Erwerbsunfähigkeit ») ne consiste pas en une perte ou une diminution de la capacité de travail médico-théorique, mais en la perte ou la diminution concrète de la possibilité d’acquérir un revenu, synonyme de perte économique. En l’espèce, le ch. 3.9. CGA, qui définit la notion d’incapacité de gain, va bien dans ce sens en exigeant, en plus de l’impossibilité d’exercer une activité professionnelle appropriée pour cause de maladie ou d’accident, une perte de gain ou un autre préjudice pécuniaire équivalent. La prestation de l'assureur est ainsi subordonnée à l’existence d’une perte patrimoniale effective. Partant, l’assurance litigieuse doit être qualifiée d’assurance contre les dommages (cf. TF 9C_330/2020 du 23 mars 2021 consid. 6.1, portant sur une clause contractuelle similaire à celle ici en cause).
b) L'art. 61 aLCA, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 applicable en l’espèce, disposait que lors du sinistre, l'ayant droit était obligé de faire tout ce qui était possible pour restreindre le dommage ; s'il n'y avait pas péril en la demeure, il devait requérir les instructions de l'assureur sur les mesures à prendre et s'y conformer (al. 1) ; si l’ayant droit contrevenait à cette obligation d’une manière inexcusable, l’assureur pouvait réduire l’indemnité au montant auquel elle serait ramenée si l’obligation avait été remplie (al. 2). Cette obligation, qui figurait parmi les dispositions spécifiques à l’assurance de dommages, exprimait un principe général du droit des assurances (TF 4A_472/2022 du 15 juin 2023 consid. 4.1 ; 4A_304/2012 du 14 novembre 2012 consid. 2.2 non publié in ATF 138 III 799). L’obligation découlant de l’art. 61 aLCA pouvait impliquer l’obligation pour l’assuré de changer d’activité professionnelle, si cela pouvait raisonnablement être exigé de lui. L’assureur qui entendait faire application de l’art. 61 al. 2 aLCA devait inviter l’assuré à changer d’activité et lui impartir pour cela un délai d’adaptation approprié (TF 4A_472/2022 précité consid. 4.2). Il incombait à l’assureur qui n’entendait pas indemniser la totalité du dommage subi par l’assuré, de prouver que celui-ci avait violé son devoir de réduire son dommage (TF 4A_472/2022 précité consid. 4.3). Ce principe devait toutefois être mis en œuvre en tenant compte des circonstances concrètes et personnelles de l’assuré (TF 4A_472/2022 précité consid. 4.2). Un indépendant à la tête d’une entreprise ne devait pas être considéré de ce point de vue de la même manière qu’un salarié ; il supportait un risque économique accru et, le cas échéant, ne bénéficiait pas des prestations de l’assurance-chômage s’il avait une capacité de travail entière dans une activité autre que celle garantie par sa police. C’était précisément pour se prémunir contre ce risque économique qu’il souscrivait ce type d’assurance, circonstance qui devait être prise en compte au moment où se posait la question de l’allocation (Vincent Bruhlart, Droit des assurances privées, Berne 2008, n. 825, pp. 367 s.).
c) En l’espèce, la défenderesse soutient que dès octobre 2017 (voire 2014), la demanderesse, née en 1960, bénéficiait d’une capacité de travail entière dans une activité adaptée. A ce moment, elle avait 57 ans et travaillait comme indépendante depuis 1991, soit depuis 26 ans. Elle avait alors repris son activité habituelle, certes à taux partiel, dès le mois de septembre 2017 et a recouvré une capacité de travail entière dans son activité habituelle dès le 6 janvier 2020. En l’occurrence, il convient de considérer qu’un changement de profession n’était pas raisonnablement exigible dans le cas de la demanderesse, qui a pleinement respecté son obligation de diminuer le dommage à l’assurance en reprenant son activité dès que possible, comme cela a d’ailleurs été constaté par la CASSO dans l’arrêt rendu le 18 janvier 2022 (AI 195/20 - 17/2022). En outre, lors de la reprise de son activité habituelle à temps très partiel, en septembre 2017, le pronostic était bon et le seul frein à une reprise complète de l’activité était une question d’endurance. Par ailleurs, il ne ressort pas des différents échanges entre la demanderesse et la défenderesse que celle-ci aurait invité celle-là à changer d’activité et lui aurait imparti un délai d’adaptation approprié. Dans ces conditions, la demanderesse n’a pas violé son obligation de diminuer le dommage au sens de l’art. 61 aLCA et il n’y a donc pas matière à réduire les prestations auxquelles elle peut prétendre.
d) Pour ce qui est de la libération du paiement des primes, le délai d’attente (90 jours) est arrivé à échéance le 12 janvier 2013. La période déterminante pour examiner le droit à cette libération débute donc le 13 janvier 2013 et se termine le 5 janvier 2020. Compte tenu d’une incapacité de travail totale attestée du 12 octobre 2012 au 17 septembre 2017, puis égale ou supérieure à 70% entre le 18 septembre 2017 et le 1er octobre 2018, à 50% du 2 octobre 2018 au 15 juillet 2019, à 40% du 16 juillet 2019 au 7 octobre 2019, à 30% du 8 octobre 2019 au 5 janvier 2020 et de 0% dès le 6 janvier 2020, la demanderesse peut prétendre à la libération des primes à 100% du 13 janvier 2013 au 1er octobre 2018, à 50% du 2 octobre 2018 au 15 juillet 2019, à 40% du 16 juillet 2019 au 7 octobre 2019 et à 30% du 8 octobre 2019 au 5 janvier 2020.
La demanderesse a conclu, dans son écriture du 16 juillet 2022, à la condamnation de la défenderesse à payer un montant de 6'418 fr. 65 (conclusion VIII) et un montant de 13’167 fr. 55 (conclusion IX), sans précision quant au fondement de ces prétentions. La conclusion VIII est reprise de sa demande du 3 novembre 2017, qui précisait que ce montant était dû à titre de primes payées en trop. Quant à la conclusion IX, le montant correspond à celui figurant dans le courrier de la défenderesse du 6 avril 2022, au titre de la libération des primes. Le montant de 6'418 fr. 65 correspondait aux primes payées à tort au moment du dépôt de la demande, en novembre 2017. Quant au montant de 13’167 fr. 55, il correspond à l’état du décompte en avril 2022, si bien que le montant de 6'418 fr. 65 est compris dans celui de 13’167 fr. 55.
Selon le décompte détaillé figurant dans le courrier de la défenderesse du 9 mai 2022, établi à la demande de la demanderesse dans la suite du courrier du 6 avril 2022, c’est un montant de 12'172 fr. 05 qui est dû à la demanderesse, au titre de la libération du paiement des primes, c’est-à-dire en remboursement des primes payées à tort par la demanderesse. La défenderesse a précisé à cet égard que la prime relative à la période du 1er mai au 31 juillet 2022 n’avait pas encore été déduite du décompte du 6 avril 2022. La demanderesse ne conteste pas le décompte précité. Tout au plus, reprend-elle, dans sa conclusion IX, le montant figurant dans le courrier de la défenderesse du 6 avril 2022, sans autre explication. C’est en outre le lieu de rappeler que, conformément au contrat de prévoyance liée signé par les parties, la police d’assurance est arrivée à échéance le 1er août 2022. Dès lors, il n’y a pas de motif de s’écarter du décompte détaillé de la défenderesse du 9 mai 2022 et il convient de condamner celle-ci à payer à la demanderesse un montant de 12'172 fr. 05, au titre du remboursement des primes payées à tort par la demanderesse (libération du paiement des primes). La conclusion VIII de la demanderesse doit en revanche être rejetée, dans la mesure où le montant est déjà compris dans le montant précité.
e) S’agissant du droit à la rente d’invalidité, le délai d’attente (720 jours) est arrivé à échéance le 11 octobre 2014. La période déterminante pour examiner le droit à la rente court donc du 12 octobre 2014 au 5 janvier 2020, la demanderesse ayant recouvré une capacité de travail entière à compter du 6 janvier 2020. Les taux d’incapacités sont les mêmes que ceux retenus pour la libération des primes.
Par conséquent, la demanderesse peut prétendre à une rente à 100% du 12 octobre 2014 au 1er octobre 2018, à 50% du 2 octobre 2018 au 15 juillet 2019, à 40% du 16 juillet 2019 au 7 octobre 2019 et à 30% du 8 octobre 2019 au 5 janvier 2020.
Parties s’accordent sur les montants totaux de la rente relatifs aux différentes périodes, qui apparaissent correspondre aux montants prévus contractuellement (en tenant compte des montants d’ores et déjà versés à la demanderesse jusqu’au 31 janvier 2016), si bien qu’il y a lieu de condamner la défenderesse à payer à la demanderesse les montants de 85'421 fr. 70, 12'622 fr. 35, 2'915 fr. 55 et 2'346 fr. 70, au titre des arriérés de rente d’incapacité de gain.
f) Au vu de ce qui précède, la demande reconventionnelle de la défenderesse tendant au paiement par la demanderesse d’un montant de 23'336 fr. 45, en remboursement des prestations versées pour le période du 22 juin 2015 au 31 janvier 2016 et en paiement d’une partie des primes suspendues, doit être rejetée.
6. Il convient encore d’examiner la question du dies a quo des intérêts moratoires. En effet, la demanderesse considère que la défenderesse avait connaissance du bien-fondé de ses prétentions par l’envoi régulier de certificats médicaux attestant de son incapacité totale de travail depuis octobre 2012 et compte tenu de l’expertise pluridisciplinaire du 9 juillet 2019, ainsi que du dossier de l’OAI dont elle a eu connaissance. Elle relève en outre que la demande déposée le 3 novembre 2017 constitue une mise en demeure et fixe le point de départ des intérêts moratoires dus. La défenderesse soutient, pour sa part, que ceux-ci ne sont dus qu’à partir du 11 avril 2022, date qui correspond aux quatre semaines après que l’arrêt rendu le 18 janvier 2022 est devenu définitif et exécutoire.
a) Aux termes de l’art. 41 al. 1 LCA, la créance qui résulte du contrat d’assurances est échue quatre semaines après le moment où l’assureur a reçu les renseignements de nature à lui permettre de se convaincre du bien-fondé de la prétention. Les « renseignements » au sens de l’art. 41 LCA visent des questions de fait, qui doivent permettre à l’assureur de se convaincre du bien-fondé de la prétention de l’assuré. Ils correspondent aux devoirs de déclaration et de renseignement institués par les art. 38 et 39 LCA (ATF 129 III 510 consid. 3 ; TF 4A_58/2019 du 13 janvier 2020 consid. 4.1 et les références). Le délai de libération, de quatre semaines, laissé à l’assureur ne court pas tant que l’ayant droit n’a pas suffisamment fondé sa prétention ; tel est par exemple le cas lorsque, dans l’assurance contre les accidents, l’état de santé véritable de l’ayant droit n’est pas éclairci parce que ce dernier empêche le travail de médecins (TF 4A_58/2019 précité consid. 4.1 et les références). Il est précisé, à l’art. 41 al. 2 LCA, qu’est nulle la clause portant que la prétention n’est échue qu’après avoir été reconnue par l’entreprise d’assurance ou constatée par un jugement définitif.
b) L’assureur est libre, comme en l’espèce (cf. chiffre 25 CGA) de renoncer, dans ses CGA, au délai de délibération, de quatre semaines, prévu par la loi et de prévoir le versement des prestations d’assurance dès la réception des documents justificatifs, compte tenu du caractère dispositif de l’art. 41 al. 1 LCA (Emilie Conti Morel, in Vincent Bruhlart/Ghislaine Frésard-Felley/Olivier Subilia [édit.], Commentaire romand, Loi sur le contrat d’assurance, Bâle 2022, n. 25 ad art. 41 LCA).
c) Le débiteur d’une obligation exigible est mis en demeure par l’interpellation du créancier (art. 102 al. 1 CO en lien avec l’art. 100 al. 1 LCA). L’intérêt moratoire de 5% l’an (art. 104 al. 1 CO) est dû à partir du jour suivant celui où le débiteur a reçu l’interpellation, ou, en cas d’ouverture d’une action en justice, dès le lendemain du jour où la demande en justice a été notifiée au débiteur. Toutefois, lorsque l’assureur refuse définitivement, à tort, d’allouer des prestations, on admet, par analogie avec l’art. 108 ch. 1 CO, qu’une interpellation n’est pas nécessaire ; l’exigibilité et la demeure sont alors immédiatement réalisées (TF 4A_58/2019 précité consid. 4.1 et les références).
d) En l’occurrence, est litigieux le moment à compter duquel la défenderesse a reçu les renseignements de nature à lui permettre de se convaincre du bien-fondé des prétentions de l’assurée.
La demanderesse a régulièrement fourni à la défenderesse des rapports médicaux, ainsi que des certificats médicaux, attestant de son incapacité totale de travail depuis octobre 2012 et de l’évolution de son état de santé. Elle s’est donc acquittée à satisfaction du devoir de transmettre à la défenderesse tous les renseignements de nature à lui permettre de se convaincre du bien-fondé de ses prétentions. D’ailleurs, par courrier du 2 octobre 2014, la défenderesse informait la demanderesse qu’en se fondant sur un rapport de la Prof. P.____, relatif à l’incapacité de travail de celle-ci depuis le 12 octobre 2012, elle verserait une rente mensuelle à partir du 12 octobre 2014. En mars 2016, la défenderesse, qui avait eu connaissance de la décision de l’OAI du 22 juin 2015 en janvier 2016, a reproché à la demanderesse de ne pas la lui avoir fournie. Or la demanderesse avait autorisé, déjà le 26 juin 2014, la défenderesse à se renseigner auprès de tous ses médecins et de l’OAI. Celle-ci avait donc accès au dossier de l’OAI. Par ailleurs, la décision de l’OAI n’était pas définitive au vu du recours déposé par la demanderesse à son encontre. Quand bien même la demanderesse aurait dû transmettre la décision litigieuse à la défenderesse, cette omission n’est pas suffisante pour retenir qu’elle aurait violé son devoir de renseignements, cette situation n’étant en rien comparable au cas de l’assuré qui empêcherait le travail des médecins visant à établir son état de santé. On ne saurait donc reprocher à la demanderesse une violation de son devoir de renseignements.
Par ailleurs, si la défenderesse a certes eu connaissance de la décision de l’OAI en janvier 2016, ce qui selon elle lui permettait de douter du bien-fondé des prétentions de la demanderesse, elle connaissait également les certificats médicaux transmis régulièrement par la demanderesse. En particulier, dès le 3 février 2016 (date du timbre humide de la défenderesse), elle a eu connaissance des certificats de la Prof. P.____ diagnostiquant un état dépressif en raison de troubles du sommeil chroniques liés à des douleurs, respectivement un état dépressif lié à la résurgence de l’allodynie. Dès cette date, elle était donc en possession des éléments permettant de mettre en doute l’appréciation du médecin du SMR, et à sa suite de l’OAI, sur l’état psychique de la demanderesse et disposait des éléments suffisants, sur le plan psychique, pour se convaincre du bien-fondé des prétentions de la demanderesse. Quant au plan somatique, outre les nombreux certificats médicaux des différents médecins traitants de la demanderesse déjà en possession de la défenderesse, celle-ci a été informée, dès le 27 juillet 2016 (date du timbre humide de la défenderesse), par la réception du rapport du Prof. S.____ du 12 juillet 2016, que les douleurs neuropathiques dont souffrait la demanderesse depuis plusieurs années étaient en lien avec une compression du nerf ulnaire au niveau du canal de Guyon. Ce rapport permettait également de mettre en doute l’appréciation du médecin du SMR, sur le plan somatique. Ainsi, pour autant que l’on considère que les divers certificats et rapports médicaux déjà en main de la défenderesse n’étaient pas suffisants, à tout le moins depuis le 27 juillet 2016 avait-elle connaissance des éléments suffisants, sur le plan somatique, pour se convaincre du bien-fondé des prétentions de la demanderesse. On ne saurait suivre la thèse de la défenderesse selon laquelle seul l’arrêt de la CASSO du 18 janvier 2022 lui aurait permis d’acquérir une conviction. L’expertise du 9 juillet 2019, sur laquelle s’est fondée la CASSO, n’a pas apporté d’éléments nouveaux mais a confirmé les diagnostics posés par les Prof. P.____ en 2015 déjà et S.____ en juillet 2016.
Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il convient de retenir que la défenderesse était en possession des éléments permettant de se convaincre du bien-fondé des prétentions de la demanderesse au plus tard le 3 février 2016. Dans la mesure où la défenderesse a renoncé, dans ses CGA, au délai de délibération, les prestations étaient exigibles dès le 3 février 2016. Une mise en demeure n’était par ailleurs pas nécessaire, la défenderesse ayant informé la demanderesse qu’elle refusait de prester.
e) En prenant l’échéance moyenne en considération pour chaque période, la demanderesse respecte la jurisprudence selon laquelle l'intérêt moratoire doit être fixé, s'agissant d'un dommage périodique et pour des raisons pratiques, précisément selon une échéance moyenne (ATF 131 III 12 consid. 9.5 ; TF 4A_463/2008 du 20 avril 2010).
Toutefois, s’agissant du montant de 85'421 fr. 70, celui-ci ne correspond pas à la période du 12 octobre 2014 au 1er octobre 2018, comme le soutient la demanderesse. En effet, celle-ci avait d’ores et déjà touché les prestations – soit une rente entière – relatives à la période du 12 octobre 2014 au 31 janvier 2016, date à partir de laquelle la défenderesse a cessé de lui verser les prestations. Le montant précité correspond donc à la période du 1er février 2016 au 1er octobre 2018. Quoi qu’il en soit, comme retenu ci-dessus, les prestations étaient exigibles dès le 3 février 2016. L’échéance moyenne entre cette date et le 1er octobre 2018 est le 2 juin 2017, date à partir de laquelle les intérêts moratoires sont dus. S’agissant de la période du 2 octobre 2018 au 15 juillet 2019, les intérêts moratoires à 5% l’an sont dus, toujours selon l’échéance moyenne, à compter du 22 février 2019. Pour la période du 16 juillet 2019 au 7 octobre 2019, les intérêts moratoires à 5% l’an sont dus à compter du 11 septembre 2019. Enfin, pour la période du 8 octobre 2019 au 5 janvier 2020, les intérêts moratoires à 5% l’an sont dus à compter du 22 novembre 2019.
Quant au montant relatif au remboursement des primes payées à tort par la demanderesse, il convient également de prendre l’échéance moyenne pour le calcul des intérêts moratoires. Dans la mesure où la défenderesse avait dispensé la demanderesse du paiement de celle-ci jusqu’au 31 janvier 2016 et que les primes ont couru jusqu’au 31 juillet 2022, et compte tenu de la connaissance par la défenderesse du bien-fondé des prétentions de la demanderesse dès le 3 février 2016, il convient de prendre l’échéance moyenne entre le 3 février 2016 et le 31 juillet 2022, soit le 3 mai 2019.
7. Dans sa demande du 3 novembre 2017, la demanderesse a conclu à la condamnation de la défenderesse à lui payer un montant de 6'403 fr. 95 (conclusion IX de la demande du 3 novembre 2017), à titre de frais d’avocat pour les opérations déployées par son mandataire professionnel jusqu’à la rédaction de la demande. Ce faisant, la demanderesse invoque une créance en réparation d’un dommage qui ne relève pas de la prévoyance professionnelle (au sens large ou au sens étroit) mais bien plutôt de la responsabilité civile dont le juge désigné à l’art. 73 LPP n’a pas à connaître (cf. ATF 141 V 170 consid. 3 ; 128 V 254 consid. 2a). Une action en responsabilité civile intentée contre une institution de prévoyance n’est ainsi pas recevable devant les autorités juridictionnelles désignées à l’art. 73 LPP (TFA [Tribunal fédéral des assurances] B 132/06 du 21 août 2007 consid. 4 ; TFA B 37/03 du 10 mars 2004 consid. 4.3 ; TFA B 93/03 du 27 avril 2004 consid. 2.3 ; voir également ATF 120 V 30 consid. 3 et 4 ; ATF 117 V 42 consid. 3d). Il faut donc en déduire que la conclusion susmentionnée est irrecevable.
8. Le dossier est complet et permet à la Cour de céans de statuer en pleine connaissance de cause. Il n’y a dès lors pas lieu de compléter l’instruction par la mise en œuvre d’une expertise médicale judiciaire (cf. conclusion II de la demande du 3 novembre 2017) et la production de divers dossiers actualisés (cf. let. E de l’écriture du 16 juillet 2022). De telles mesures ne seraient pas de nature à modifier les considérations qui précèdent, les faits pertinents ayant pu être constatés à satisfaction de droit (appréciation anticipée des preuves : ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). La requête de la demanderesse en ce sens doit ainsi être rejetée.
9. a) En définitive, la demande doit être partiellement admise en ce sens que la défenderesse est condamnée à payer à la demanderesse les montants de 85'421 fr. 70 avec intérêts à 5% l’an dès le 2 juin 2017, à titre de rente d’invalidité à 100% du 12 octobre 2014 au 1er octobre 2018, 12'622 fr. 35 avec intérêts à 5% l’an dès le 22 février 2019 à titre de rente d’invalidité à 50% du 2 octobre 2018 au 15 juillet 2019, 2'915 fr. 55 avec intérêts à 5% l’an dès le 11 septembre 2019 à titre de rente d’invalidité à 40% du 16 juillet 2019 au 7 octobre 2019 et 2'346 fr. 70 avec intérêts à 5% l’an dès le 22 novembre 2019 à titre de rente d’invalidité à 30% du 8 octobre 2019 au 5 janvier 2020. Elle est également condamnée à payer à la demanderesse un montant de 12'172 fr. 05, avec intérêts à 5% l’an dès le 3 mai 2019 à titre de remboursement des primes payées à tort (libération du paiement des primes). La demande reconventionnelle doit être rejetée.
b) Il n’y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires (art. 73 al. 2 LPP).
c) Vu le sort de ses conclusions, la demanderesse a droit à une indemnité de dépens à titre de participation aux honoraires de son conseil (art. 55 LPA-VD, par renvoi de l’art. 109 LPA-VD). Il convient d’arrêter cette indemnité à 3’000 fr., débours et TVA compris (art. 10 et 11 TFJDA [tarif du 28 avril 2015 des frais judiciaires et des dépens en matière administrative ; BLV 173.36.5.1]), et de la mettre à la charge de la défenderesse. On relèvera à cet égard que l’argument de cette dernière selon lequel la procédure AI a été suspendue, si bien que la demanderesse n’aurait pas droit à des dépens, n’est pas pertinent.
Par ces motifs,
la Cour des assurances sociales
prononce :
I. La demande est partiellement admise.
II. G.____ doit immédiat paiement à W.____ des montants de 85'421 fr. 70 (huitante-cinq mille quatre cent vingt et un francs et septante centimes) avec intérêts à 5% l’an dès le 2 juin 2017, à titre de rente d’invalidité à 100% du 12 octobre 2014 au 1er octobre 2018, 12'622 fr. 35 (douze mille six cent vingt-deux francs et trente-cinq centimes) avec intérêts à 5% l’an dès le 22 février 2019 à titre de rente d’invalidité à 50% du 2 octobre 2018 au 15 juillet 2019, 2'915 fr. 55 (deux mille neuf cent quinze francs et cinquante-cinq centimes) avec intérêts à 5% l’an dès le 11 septembre 2019 à titre de rente d’invalidité à 40% du 16 juillet 2019 au 7 octobre 2019 et 2'346 fr. 70 (deux mille trois cent quarante-six francs et septante centimes) avec intérêts à 5% l’an dès le 22 novembre 2019 à titre de rente d’invalidité à 30% du 8 octobre 2019 au 5 janvier 2020.
III. G.____ doit immédiat paiement à W.____ d’un montant de 12'172 fr. 05 (douze mille cent septante-deux francs et cinq centimes), avec intérêts à 5% l’an dès le 3 mai 2019 à titre de remboursement des primes payées à tort.
IV. La demande reconventionnelle est rejetée.
V. Toutes autres et plus amples conclusions sont rejetées.
VI. Il n’est pas perçu de frais judiciaires.G.____ versera à W.____ le montant de 3'000 fr. (trois mille francs), à titre de dépens.
La présidente : La greffière :
Du
L'arrêt qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié à :
Me Antonella Cereghetti Zwahlen (pour la demanderesse),
G.____,
- Office fédéral des assurances sociales,
par l'envoi de photocopies.
Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral au sens des art. 82 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF).
La greffière :
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
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