Zusammenfassung des Urteils 2023/868: Kantonsgericht
Die Versicherte D.________ hat sich aufgrund von chronischen Nacken- und Schulterbeschwerden seit Ende 2007 chiropraktischen Behandlungen unterzogen, die von der obligatorischen Krankenversicherung übernommen wurden. Nach einem ärztlichen Gutachten wurde entschieden, dass die Behandlung nicht mehr von der Krankenversicherung übernommen wird, da sie als übermässig angesehen wurde. Nach einem weiteren Gutachten wurde festgelegt, dass ein aktiverer Ansatz mit Muskeltraining und manueller Therapie angemessen sei und auf 36 Sitzungen pro Jahr begrenzt wurde. Die Versicherte legte Einspruch ein, unterstützt von einem Chiropraktiker, der die Notwendigkeit der Behandlung betonte. Nach verschiedenen Gutachten und Expertisen wurde entschieden, dass die Krankenversicherung die Behandlungskosten übernehmen muss.
Kanton: | VD |
Fallnummer: | 2023/868 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: |
Datum: | 06.11.2023 |
Rechtskraft: |
Leitsatz/Stichwort: | |
Schlagwörter : | éance; éances; était; Intimée; ’intimée; édecin; Assuré; écision; érapie; édical; Assurée; Expert; Assureur; érapeutique; éjà; édicale; édure; étaient; LAMaI; évrier; Assurance; Avait; équence; Expertise; éral; écembre |
Rechtsnorm: | Art. 1 LAMaI;Art. 100 BGG;Art. 17 SchKG;Art. 17 VwVG;Art. 22 SchKG;Art. 24 LAMaI;Art. 24 SchKG;Art. 25 LAMaI;Art. 27 ATSG;Art. 27 SchKG;Art. 3 SchKG;Art. 32 LAMaI;Art. 33 LAMaI;Art. 42 LAMaI;Art. 43 LAMaI;Art. 45 SchKG;Art. 56 LAMaI;Art. 60 SchKG;Art. 81 SchKG; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: |
COUR DES ASSURANCES SOCIALES
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Arrêt du 6 novembre 2023
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Composition : Mme Durussel, présidente
M. Wiedler, juge, et Mme Dormond Béguelin, assesseure
Greffière : Mme Lopez
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Cause pendante entre :
D.____, à [...], recourante, représentée par Me Gilles-Antoine Hofstetter, avocat à Lausanne, |
et
N.____, à [...], intimée. |
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Art. 24, 25 et 32 LAMal
E n f a i t :
A. D.____ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en [...], ayant travaillé comme enseignante, puis documentaliste, est affiliée pour l'assurance obligatoire des soins auprès de N.____ (ci-après : l’assureur ou l’intimée).
A la suite de cervicoscapulalgies chroniques, l'assurée a suivi des séances de chiropraxie à raison de deux à trois par semaine depuis fin 2007, remboursées par l'assurance obligatoire des soins.
En tant que médecin conseil de l'assureur, le Dr X.____, spécialiste en médecine interne générale, a vu l'assurée en consultation le 15 juillet 2009. Après s'être entretenu avec elle sans l'examiner et après avoir pris connaissance du dossier de l’assurance-invalidité, il a indiqué, par courrier du 22 janvier 2010, que l'intéressée ne justifiait pas d'un traitement de chiropraxie trois fois par semaine en l'état actuel. Il a précisé qu'il s'agissait clairement d'un problème de surconsommation médicale.
Se prévalant de cet avis médical et se fondant sur l'art. 32 LAMaI (loi fédérale du 18 mars 1994 sur l’assurance-maladie ; RS 832.10) posant comme conditions au remboursement que les prestations soient efficaces, appropriées et économiques, l'assureur a informé l'assurée par courrier du 9 février 2010 qu'il ne prendrait plus en charge de traitement effectué chez un chiropraticien. Comme elle souhaitait s'y opposer, l'assurée a requis par courrier du 22 février 2010 la délivrance d'une décision à cet égard, ce à quoi l'assureur a répondu le 16 mars 2010 qu'il n'était pas en mesure de traiter son dossier dans l'immédiat.
Dans un rapport du 15 juillet 2010, le Dr F.____, médecin praticien au C.____, a répondu au médecin conseil de l’assureur sur le point de savoir dans quel contexte la chiropraxie pouvait être pratiquée à long cours dans un problème chronique, en l'occurrence des cervicalgies associées à des brachialgies intermittentes. Après avoir analysé la littérature scientifique sur le sujet, il a indiqué ne pas avoir trouvé de réponse claire à la question. Cependant, il recommandait dans une telle situation une approche plus active ; la mobilisation segmentaire et chiropratique était certes utile dans le contexte aigu et subaigu de manière rapprochée, mais à long terme rien ne remplaçait un entraînement musculaire bien conduit. Il n'avait toutefois pas d'argument scientifique pour soutenir une diminution de cette prise en charge même si les discussions pluridisciplinaires allaient dans ce sens. Il ne pouvait que suggérer une approche plus active, mais vu la durée de la symptomatologie et les nombreux intervenants déjà impliqués, la probabilité d'amélioration lui semblait très mince.
Par décision du 27 août 2010, l'assureur a rappelé le nombre élevé de séances prodiguées par différents chiropraticiens depuis le 21 août 2007 et que son médecin conseil avait constaté une surconsommation médicale. A la lecture du rapport d'expertise du Dr F.____ du 15 juillet 2010 et selon un nouvel avis du médecin conseil, il a admis comme adéquat, efficace et économique un traitement par une approche plus active par le biais d'un renforcement musculaire bien conduit en association avec une thérapie manuelle (TM) (combinaison de chiropraxie et de physiothérapie), à concurrence de 36 séances pas année (chiropraxie et physiothérapie compris).
L'assurée a formé opposition à cette décision par courrier du 6 septembre 2010. Dans le cadre de la procédure d’opposition, elle s'est prévalue d'un rapport du 30 septembre 2010 du Dr A.E.____, chiropraticien, qui notait en prémisse que l'assurée était soignée deux à trois fois par semaine à son institut et qu'il semblait difficile à l'assurée de consulter moins. Selon ce médecin, l'assurée souffrait essentiellement d'algies somatoformes. Il précisait que ces malades présentaient des symptômes ressemblant à ceux relevés chez des dépressifs, ainsi que des altérations du tonus de base avec pour conséquence des troubles dyskinétiques de l'appareil locomoteur, neurogènes et myogènes. Il indiquait que ces troubles étaient plus invalidants chez des sujets dont le système articulaire était plus faible, ce qui n'était pas le cas de sa patiente. Il ajoutait qu'à part une arthrose cervicale avec une protrusion discale de C6-C7, l'assurée jouissait d'un système locomoteur dans la norme et que les symptômes s'étaient exprimés plus particulièrement dans la zone cervico-scapulaire, ainsi que dans la région maxillo-faciale et le rachis lombaire. Il renonçait à décrire en détail les troubles fonctionnels récurrents en relation avec les algies dont s'était plainte la patiente pendant trois ans ; pour lui, il était clair qu’on ne soignait pas efficacement sans de bons signes objectifs. Contestant les conclusions des médecins de l’Office de l’assurance-invalidité, il leur reprochait de ne pas prendre en compte la souffrance physique partiellement objectivable de l'assurée, ni l'évidente souffrance psycho-émotionnelle qui était sans doute à l'origine de ses maux. Il concluait que l'assurée avait encore besoin d'un soutien psychothérapeutique comme de soins antalgiques et rééducatifs, la fréquence de deux à trois séances par semaine n'étant pas excessive même si ce type de prise en charge était rare. Il terminait en ces termes (sic) :
« Son Assurance, N.____ m'avait contacté courant 2009 et nous avions décidé de garder une fréquence régulière de traitements afin d'éviter d'autres consultations à l'extérieur. La décision du N.____ de suspendre tous remboursement des prestations chiropratiques (pour des motifs de coût, d'efficacité et d'inopportunité) en janvier 2010 n'a rien changé ; nous soignons Madame D.____ à la même fréquence.
Nous avons retenu ses factures pour l'instant. Abandonner cette patiente à ce stade aurait été simplement monstrueux. »
Dans un rapport du 9 décembre 2010, la Dre P.____, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a indiqué que, grâce à sa compliance aux propositions thérapeutiques et à ses démarches personnelles pour mieux gérer les douleurs et le stress, l'assurée avait pu reprendre une activité professionnelle. La chiropraxie, des approches corporelles, la psychothérapie, ainsi que l'apprentissage de technique d'autohypnose offraient un soutien pour faire face aux fluctuations des douleurs et des états émotionnels ainsi qu'à leurs conséquences, à savoir de l’insomnie, de la fatigue, des difficultés de concentration, et de l’anxiété.
Le 27 mai 2011, l'assurée a été vue par le Dr F.____ pour une expertise médicale à la demande du médecin conseil de l'assureur. Il a posé les diagnostics de cervicoscapulalgies chroniques dans le contexte de troubles statiques et dégénératifs et d'un déconditionnement musculaire et psychique, ainsi que des comorbidités telles qu'un probable état anxieux. L'anamnèse révélait que l'assurée était en bonne santé globale jusqu'à ce qu'elle fût victime en 2004 d'une entorse cervicale lors d'une collision en chaîne en voiture. Elle avait présenté des douleurs après cet accident mais elles s'étaient résorbées après quelque temps. La patiente s'était ainsi retrouvée asymptomatique après cet accident. En août 2006, après avoir conduit une voiture pendant six à sept heures, elle avait vu apparaître des douleurs cervicoscapulaires avec des irradiations diffuses. Avec du recul, l'assurée avait analysé la situation l'ayant conduite à cette chute douloureuse : de nombreux éléments stressants étaient présents, comme la préparation de la rentrée scolaire avec un déménagement de la classe, puis des hésitations concernant son éventuel mariage, contrariétés qui mettaient son corps en tension. Le Dr F.____ a constaté que l'assurée présentait des cervicalgies chroniques dans le cadre de troubles dégénératifs peu importants, mais surtout liés à des facteurs psychosociaux. L’évaluation clinique et physiothérapeutique montrait un déconditionnement musculaire, qui n'aidait pas la patiente dans sa situation douloureuse, le Dr F.____ ajoutant qu'il ne fallait pas oublier la part psychologique influençant les douleurs. Il a donc préconisé un reconditionnement musculaire pluridisciplinaire – aussi bien physiothérapeutique qu'ergothérapeutique à long cours, soit pendant minimum six à neuf mois – pour espérer récupérer. A la question de savoir si trois séances chiropratiques par semaine étaient justifiées, il a répondu que la patiente en suivait deux par semaine ce qui semblait encore utile (en plus du suivi psychologique). Il a indiqué qu'il n'y avait aucune sanction chirurgicale à prévoir et qu'un éventuel traitement multidisciplinaire n'aurait probablement que peu de chance de changer les symptômes, vu leur longue durée. Dès lors qu'une augmentation du taux d'activité était envisagée, il a préconisé de laisser à la patiente deux traitements par semaine pendant six mois et réévaluer la situation après.
Dans un courrier du 21 octobre 2013, la Dre I.____, médecin praticien, a informé le médecin conseil de l'assureur que depuis que l'assurée était suivie par le Dr A.E.____ son état s'était lentement mais régulièrement amélioré. Elle recommandait la poursuite de ce traitement qui pouvait l'aider dans la voie de la guérison.
Répondant à une demande de renseignements de l'assureur, le Dr A.E.____ a indiqué, par courrier du 22 novembre 2013, que dès lors que l'assureur avait décidé début 2010 d'interrompre tout remboursement, excepté douze séances par an, il avait décidé de garder les factures, assumant complètement les frais du traitement en cours. Il a précisé que la dépendance au traitement n'avait pas changé et que l’assurée suivait toujours trois séances par semaine, depuis 2008. Il n'a pu poser aucun diagnostic standard, le seul approchant étant le syndrome douloureux somatoforme. La patiente avait suivi 130 séances en 2010, 144 en 2011, 145 en 2012 et 120 en 2013. Les traitements étaient du type antalgique, étirements, massages, mobilisations passives et actives, rééducation posturale, proprioceptive, mécanothérapie, ajustements de type chiropratique, ultra-sons, cryothérapie et chaleur, contentions et utilisation de bandage stabilisateur sur les régions soignées. Les douleurs s’étaient propagées avec le temps tout au long du système locomoteur ; l’assurée avait subi au départ des traitements davantage ciblés sur la zone cervico-dorsale que sur le reste du corps, mais avec le temps aucune zone n'avait été épargnée. Durant ces années, la patiente avait consulté divers thérapeutes, dont notamment une psychiatre et une neurologue, et elle avait évolué d'une incapacité de travail totale au début de la prise en charge vers une capacité de travail de 80 %. Selon le Dr A.E.____, les autres traitements n'étaient plus nécessaires, mais le traitement actuel devait être poursuivi à moins d'en trouver un autre plus efficace. Il lui paraissait nécessaire, sous peine de rechute, de conserver les acquis, la symptomatologie étant chronique et lentement évolutive.
B. Le 20 février 2017, D.____, représentée par Me Gilles-Antoine Hofstetter, a interjeté un recours devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal en soulevant le grief de déni de justice et en concluant à la condamnation de N.____ au paiement d'un montant de 82'039 fr. 40, avec intérêt à 5 % dès le 1er août 2013, pour le traitement de chiropraxie suivi de mars 2010 à janvier 2017.
Invitée à se déterminer sur le recours et à produire son dossier, N.____ a communiqué à la Cour de céans, le 28 avril 2017, une décision sur opposition rendue le même jour et par laquelle elle a constaté que le Dr A.E.____ s'était engagé auprès d'elle à ne pas facturer ses traitements, qu'il ne lui avait plus transmis de factures jusqu'en 2016, qu'elle ignorait que le traitement se poursuivait et ne pouvait donc pas instruire la cause et qu'une partie des créances dont le paiement était demandé devant le Tribunal cantonal était périmé, avant de refuser, en substance, le paiement des prestations.
Par arrêt du 2 mai 2017 (n° AM 13/17 – 15/2017), la Cour de céans a admis le recours et invité N.____ à rendre une décision sur opposition à bref délai en précisant quelles factures, parmi celles produites par la recourante, étaient prises en charges, lesquelles étaient refusées et, cas échéant, pour quels motifs, dès lors que la décision sur opposition du 28 avril 2017 ne statuait pas véritablement sur le droit aux prestations litigieuses. L'arrêt cantonal retenait qu'au vu des relances successives présentées par la recourante, en particulier en novembre 2012 et novembre 2015, et en l'absence de toute mesure d'instruction concrète ressortant des pièces produites par l’intimée, un retard injustifié était patent avant la décision sur opposition du 28 avril 2017, voire au-delà vu le caractère insuffisant de cette décision pour répondre à la demande de prestations de la recourante.
Dans le cadre de la procédure de recours, l'assurée avait notamment produit un rapport de la Dre M.____, spécialiste en neurologie, du 13 juin 2018 qui indiquait qu'il n'y avait cliniquement et radiologiquement pas d'explication neurologique aux tensions douloureuses sous-auriculaires gauches, l'examen neurologique restant formellement normal ; cette médecin recommandait la poursuite de la psychothérapie et l'exercice d'une activité physique régulière. L’assurée avait en outre produit une décision de la Caisse de pension [...] du 25 septembre 2015 lui accordant une pension d'invalidité partielle dès le 1er juin 2015.
C. Par décision sur opposition du 27 juillet 2017, l’assureur a constaté la péremption des prestations facturées à l'assurée avant le 22 février 2012, dès lors que les factures ne lui avaient été transmises que le 22 février 2017, dans le cadre du recours déposé par l'assurée. L’assureur n’entrait par ailleurs pas en matière sur le relevé des frais médicaux établi par le Dr A.E.____ qui ne constituait pas des factures de soins, ajoutant qu'elle ignorait que ce médecin avait émis des factures alors qu'il s'était engagé auprès du médecin conseil à ne pas le faire. L’assureur a listé les factures prises en charge et, pour le reste, a confirmé la limitation de prise en charge décidée en 2010 pour les mêmes motifs.
D. a) Par acte du 8 septembre 2017, D.____, représentée par son conseil, a recouru auprès de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal à l'encontre de la décision sur opposition précitée, concluant principalement à sa réforme en ce sens que N.____ doit prendre en charge les traitements de chiropraxie dispensés à la recourante, ce également ultérieurement au mois de mars 2010. Partant l’intimée devait notamment prendre en charge les frais des séances de chiropraxie dispensées à la recourante entre mars 2010 et janvier 2017 ascendant à 82'039 fr. 40 avec intérêt à 5% l'an dès le 1er août 2013 (échéance moyenne) sous déduction des montants dont le remboursement avait été annoncé dans la décision attaquée, toutes prétentions relatives à des frais de chiropraxie ultérieurs étant réservés. Subsidiairement, elle a conclu à l’annulation de la décision sur opposition attaquée et au renvoi de la cause à l’intimée pour complément d'instruction et nouvelle décision. La recourante s'est notamment plainte d’avoir requis à plusieurs reprises et en vain auprès de l’intimée de pouvoir consulter le dossier complet la concernant. Elle a qualifié de mauvaise foi le comportement de l’intimée, qui a mis sept ans pour se prononcer sur son opposition et qui ne lui a pas donné l'accès à son dossier. A l'argument de la péremption de certaines factures retenu par l’intimée, la recourante a répondu que l’intimée ne lui avait pas communiqué un état des remboursements afin qu'elle se rende compte du nombre de séances dont elle pouvait requérir le remboursement dans la mesure où il était limité à 36 par an ; l’intimée devait en outre lui rappeler ses droits, en particulier celui de requérir le remboursement de factures même si elles étaient en l'état refusées par l'assureur, vu la durée anormalement longue de la procédure d'opposition. La recourante a expliqué par ailleurs que le Dr A.E.____ n'avait pas renoncé à facturer ses prestations mais qu'il avait suspendu leur recouvrement jusqu'à droit connu sur l'opposition ; le Dr A.E.____ n'avait à aucun moment reconnu que ses prestations ne tombaient pas sous le coup de la LAMal. Selon la recourante, sur le plan médical, les pièces au dossier justifiaient la prise en charge complète des prestations. Elle a en outre soutenu que les factures devaient être soumises à l'assureur en application du système du tiers payant, de sorte qu'il ne lui appartenait pas de s'en acquitter.
Dans ses déterminations du 13 novembre 2017, N.____ a conclu au rejet du recours. Elle a confirmé la péremption des factures qui lui avaient été remises, selon le système du tiers garant, au-delà du délai de cinq ans dès réception de la facture par la recourante de son fournisseur de soin. Elle a contesté avoir fait preuve de mauvaise foi, sa position ayant toujours été claire et ayant été formalisée dans une décision explicite. Elle a rappelé que le Dr A.E.____ avait indiqué que ses prestations seraient à sa charge, compte tenu du refus de la prise en charge de l'assureur. Elle n'avait aucune raison de dire à la recourante qu'elle devait quand même lui transmettre les factures qu'elle refusait de prendre en charge. Elle a ajouté qu'elle n'avait pas manqué à son devoir d'information et qu'on ne pouvait pas lui reprocher de la mauvaise foi. Sur le plan médical, elle a relevé que la recourante avait été suivie par treize prestataires de services en seize mois entre 2007 et 2008 et que la surconsommation de soins avait déjà été constatée par son médecin conseil en janvier 2010 ; la dépendance aux soins avait d'ailleurs été admise par le Dr A.E.____. Ce dernier n'avait posé aucun diagnostic standard et aucun trouble objectivable n'avait été constaté justifiant de tels soins aussi durables. L’intimée s’est étonnée ensuite que le Dr A.E.____ ait poursuivi le traitement avec la même intensité pendant plus de sept ans alors qu'en 2010 déjà la surconsommation avait été constatée. L'intimée a opposé le principe de l'interdiction de la surindemnisation en ce sens que la recourante n'avait pas payé les prestations dont il était requis le remboursement de sorte qu'elle n'avait pas subi de préjudice financier.
Par courrier du 9 janvier 2018, la recourante a fait part d'observations complémentaires en constatant que l’intimée n'avait pas adressé son dossier complet. Elle a noté que le Dr F.____, dans son expertise du 22 juin 2011, préconisait la prise en charge de deux séances par semaine et suggérait une réévaluation qui n'avait probablement pas été faite. Elle a contesté que le Dr A.E.____ eût renoncé à facturer ses prestations et a précisé qu'elle s'acquitterait des factures dès qu'elle en aurait reçu le remboursement, ce qui excluait toute surindemnisation. Elle a ajouté que la péremption ne saurait être acquise dès lors qu'il avait été convenu que les factures seraient suspendues pendant la durée de la procédure d'opposition qui a duré sept ans à cause du manque d'agissement de l’intimée.
Par courrier du 8 mars 2018, le précédent juge instructeur a renoncé à la production de l'entier du dossier en raison de son volume mais a requis la production par l’intimée de tous les échanges qu'elle avait eus avec le Dr A.E.____, directement ou par l'intermédiaire de son médecin conseil. L’intimée devait en outre produire une liste des factures de chiropraxie ou physiothérapie qu'elle avait acquittées pour la recourante, en précisant le nombre de séances facturées. La recourante conservait la possibilité de consulter l'intégralité du dossier auprès de l’intimée.
Par courrier du 15 mai 2018, l’intimée a attesté que toutes les pièces utiles aux besoins de la cause avaient été produites. Elle a produit les factures qui lui avait été présentées pour remboursement par la recourante et prises en charge par l’intimée, ainsi que les décomptes de prestations, excepté ceux antérieurs à 2012 qui n'étaient plus accessibles. Elle a relevé que les factures n’avaient pas été conservées par le Dr A.E.____ mais établies immédiatement après les soins et a affirmé qu'en l'absence de preuve de paiement de ces factures par la recourante, elle ne saurait prétendre à leur remboursement.
La recourante s’est déterminée le 5 juillet 2018 en estimant concevable que le Dr A.E.____ ait conservé les factures tout en ne renonçant pas à leur remboursement.
b) Après une audience tenue le 23 mai 2019 en vue des débats et du jugement préjudiciel portant sur la péremption du droit aux prestations litigieuses, la Cour de céans a rendu un arrêt le 12 février 2020 constatant la péremption des créances éventuelles en remboursement des factures des 3 janvier 2011, 1er février 2011, 13 août 2011, 15 août 2011, 30 décembre 2011, 13 août 2010, 25 octobre 2010, 30 décembre 2010 et 7 janvier 2011 émises par les Drs S.____, R.____, L.____, A.V.____, K.____ et B.____, conformément à l'art. 24 al. 1 LPGA (loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales ; RS 830.1), ainsi que l'absence de péremption de la créance éventuelle de D.____ en remboursement des factures des 27 février 2014, 9 avril 2014, 22 juillet 2014 et 2 septembre 2015 du Dr A.E.____, ainsi que des autres factures de ce médecin postérieures à juin 2015.
c) Le 24 novembre 2020, à la réquisition du juge instructeur, l'Office de l’assurance-invalidité pour le canton de Vaud a produit les rapports médicaux figurant dans son dossier concernant l'assurée.
Il en ressort notamment que le Dr W.____, spécialiste en neurologie, avait conclu que son examen neurologique de l'assurée du 14 septembre 2006 était dans les limites physiologiques et avait proposé une thérapie douce auprès d'un physiothérapeute. La Dre Z.____, spécialiste en médecine interne et rhumatologie, avait également conclu, dans un rapport du 5 octobre 2006, à l'absence d'élément inquiétant, émettant l'hypothèse d'une dysfonction cervicale déclenchée par une position inhabituelle lors du voyage en voiture avec évolution favorable, et avait proposé la poursuite de la physiothérapie pendant six séances. Dans un rapport du 8 août 2007, le Dr H.____, spécialiste en anesthésiologie, avait évoqué un probable syndrome somatoforme douloureux, vu notamment l'absence d'explication claire sur l'origine des douleurs. Dans un rapport daté du 15 décembre 2008, la Dre P.____ avait posé le diagnostic de trouble somatoforme douloureux (F45.4) induisant une incapacité de travail totale dans la profession d'enseignante mais de 80 % comme documentaliste. Elle avait relevé l'évolution chronique des douleurs depuis 2006 et les multiples investigations et traitements suivis sans succès.
Le 4 février 2009, les Drs A.____, spécialiste en médecine interne et rhumatologie, et Q.____, spécialiste en psychiatrie, du Service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR), ont examiné l'assurée et ont posé le diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail de rachialgies diffuses à prédominance cervicale dans le cadre de discrets troubles statiques du rachis avec petite hernie discale C6-C7 sans conflit disco-radiculaire et sans contact avec la moelle (M54) ; sans effet sur la capacité de travail, ils ont retenu les diagnostics de status après opérations pour fibroadénome bilatéral des seins et syndrome des ovaires polykystiques. Ils ont écarté le diagnostic de fibromyalgie, les douleurs à la palpation étant insuffisantes, mais retenu une tendance à la fibromyalgie, ajoutant que le trouble somatoforme douloureux évoqué par la psychiatre traitante était en accord avec l'observation actuelle. Ils ont constaté que l'assurée ne souffrait d'aucune atteinte psychiatrique. Ils ont considéré que la capacité de travail avait toujours été complète, les limitations fonctionnelles étant compatibles avec son activité d'enseignante, et ont précisé que le taux restreint auquel l'assurée travaillait était motivé pour des raisons non médicales. Les Drs A.E.____ et P.____ ont contesté l'absence d'incapacité de travail respectivement dans des rapports des 8 et 19 mai 2009. Dans un avis du SMR du 3 juin 2009, le Dr G.____ a toutefois constaté que ces rapports n'apportaient pas d'éléments qui n'auraient pas été pris en compte lors de l'examen rhumatologique et psychiatrique du SMR.
d) Le 17 décembre 2020, le juge instructeur a indiqué aux parties qu'il envisageait d'ordonner une expertise pluridisciplinaire, avec des volets chiropratique, rhumatologique et psychiatrique, et de désigner J.____ en collaboration avec le Dr Y.____, spécialiste en médecine interne générale, médecine manuelle et chiropraticien. Les parties n'y ont émis aucune objection, l’intimée ayant juste précisé le 25 janvier 2021 s'être déjà approchée du Dr Y.____ non pas directement au sujet de la recourante, mais quant au mode de facturation du Dr A.E.____ plusieurs années auparavant. Dès lors, le 1er février 2021, le juge instructeur a confié une expertise au Dr Y.____ en qualité de co-expert, mandat que ce médecin a toutefois refusé le 9 février 2021 au motif qu’il s'était rendu compte qu'il avait déjà rendu une expertise pour l’intimée le 25 octobre 2016 concernant déjà cette patiente.
Le 1er mars 2021, à la réquisition du juge instructeur, l’intimée a produit l'expertise relative à la facturation du Dr A.E.____ concernant la recourante relative à la période de 2010 à juin 2015, réalisée par le Dr Y.____ le 25 octobre 2016 à la demande de l’intimée. Il en ressort que le Dr A.E.____ est le fils du Dr B.E.____, pionnier de la chiropratique suisse, auteur de plusieurs ouvrages et fondateur de l'Institut [...], qui a d'ailleurs repris le cabinet de son père. Sans avoir examiné la patiente, le Dr Y.____ pensait qu'il était légitime d'évoquer le diagnostic de trouble somatoforme douloureux comme l'affirmaient le Dr A.E.____ et la Dre P.____. Le Dr Y.____ reconnaissait qu'il y avait eu un échec partiel de la prise en charge par tous les soignants si l'on tenait compte de la durée des traitements sur plusieurs années et surtout du nombre de séances de traitements chiropratiques combinés mais a relevé que cette remarque était aussi valable pour la psychothérapie. Il a indiqué ensuite que sur le plan des coûts globaux, la situation aurait pu être pire si le tourisme médical s'était poursuivi. Vu sous l'angle de l'art. 56 LAMaI, le Dr Y.____ estimait que les traitements dispensés par le Dr A.E.____ étaient bien dans l’intérêt de l'assurée, les buts du traitement ayant aussi partiellement été atteints par la reprise de l'activité professionnelle. Il restait que l'assurée avait développé une dépendance aux traitements chiropratiques et aux mesures de physiothérapies actives et passives, ce qui était le cas aussi de la psychothérapie pourtant pas contestée. Le défi auquel devaient s'atteler les soignants serait de réduire cette dépendance sans perdre le bénéfice de l'acquis. Il a répondu aux questions de l'assureur de la manière suivante :
« - Le traitement facturé par le Dr A.E.____ (2 à 4 séances par semaine pendant au moins 8 ans est-il conforme aux principes de l’efficacité, l’adéquation et l’économicité du traitement mentionné dans l’art. 32 LAMAL ? Si non quel est votre avis à ce sujet ?
Compte tenu du cas extrêmement complexe de Mme D.____ qui présente un syndrome somatoforme douloureux, la prise en charge ne peut se comparer à d’autres syndromes douloureux dans le cadre d’une affection aiguë à durée limitée. Dans le cas présent, ce modèle ne s’applique pas. La prise en charge d’emblée multidisciplinaire organisée par le Dr A.E.____ a amélioré l’état clinique de la patiente et a permis sa réinsertion professionnelle. La patiente est demandeuse et a développé une certaine dépendance aux traitements. La longue durée de traitement prouve, à mon avis, qu’elle est satisfaite de sa prise en charge.
- La combinaison de traitements effectués vous paraît-elle justifiée (consultations, vacation, traitement chiropratique, mesures passives, réflexothérapie neuromusculaire) ?
Le syndrome somatoforme douloureux s'exprime essentiellement par des plaintes somatiques, ces patients doivent être abordés par une approche conjointe, la psychothérapie pure ne suffit pas. Même si les facteurs psycho-sociaux jouent un grand rôle, des problèmes somatiques sont aussi présents et nécessitent une prise en charge ponctuelle. Il est capital d'être à l'écoute des plaintes du patient, de les prendre au sérieux de manière à gagner la confiance et à conclure une alliance thérapeutique constructive. C'est une construction fragile et le Dr A.E.____ semble avoir réussi à la conserver mais c'est au prix d'attacher suffisamment d'attention aux symptômes somatiques variables du patient.
Dans ce cas, la combinaison thérapeutique me paraît globalement justifiée.
-La facturation systématique de la « vacation » pour un cas chronique vous paraît-elle justifiée ?
La prise en charge d'une patiente avec un syndrome somatoforme douloureux nécessite du temps, c'est essentiel pour entretenir la relation de confiance, elle est donc plus justifiée dans une affection chronique que dans un cas aigu. Il est peut-être inhabituel de voir la vacation facturée à chaque visite mais seulement une fois par session et chez une patiente enseignante suivant une psychothérapie, à [...] où la base de consultation médicale est de 20 minutes, cela me paraît dans l’ensemble défendable.
- En ce qui concerne les traitements actuels et futurs, que suggérez-vous comme thérapie en complément des traitements psychothérapeutiques suivis régulièrement auprès du psychiatre CR.____ ?
J'ai déjà évoqué précédemment la dépendance que cette patiente a probablement développé face au traitement de chiropratique avec les mesures physiothérapeutiques mais cette réflexion est aussi valable pour la psychothérapie. Il s'agit d'utiliser le modèle d'affection chronique nécessitant un traitement au long cours qui peut varier en intensité suivant les épisodes de la vie de la patiente, sa résilience et ses facultés d'adaptation (coping mechanism). La multidisciplinarité de la prise en charge doit absolument être préservée, c'est la seule qui montre un peu d'efficacité.
Un objectif thérapeutique pourrait être l'autonomisation progressive avec utilisation accentuée de mesures de physiothérapie active au lieu de passive, la pratique régulière d'un sport type endurance mais de manière modérée.
- A votre avis, les séances de chiropractie sont-elles toujours justifiées ? Si oui, merci de bien vouloir préciser le nombre maximum de séances par année.
Comme je l’ai développé précédemment, je pense que l'approche holistique du Dr A.E.____ convient à cette patiente. Il me paraît raisonnable de viser à diminuer le nombre de séance par année, mais cela doit se faire progressivement sous peine de compromettre ce qui a déjà été obtenu. La question ne se poserait pas pour une maladie somatique chronique. Le but visé doit être clairement formulé mais je ne fixerais pas de nombre limite, pas tellement à cause de la problématique des coûts mais surtout vis-à-vis de Mme D.____ qui pourrait compenser la limitation des traitements par une recrudescence de tourisme thérapeutique éventuellement plus coûteux. »
Par courrier du 31 mai 2021, la recourante a relevé que malgré plusieurs demandes de pouvoir consulter le dossier complet de l’intimée et quand bien même celle-ci a été invitée à produire le dossier dans le cadre de la présente procédure de recours, l’intimée n'avait jamais produit ni même mentionné l'existence de l'expertise Y.____, pièce pourtant importante pour le traitement de son cas. Elle a relevé la mauvaise foi de l’intimée qui, lorsque le juge instructeur a proposé de confier une expertise à ce médecin, n'a même pas jugé utile de dire qu'elle avait mandaté ce médecin dans le cadre de la même affaire concernant la même assurée quelques années plus tôt. En outre, en mettant en œuvre cette expertise sans en aviser la recourante à l'époque, l’intimée a violé son droit d'être entendue et son droit de participer à la mise en œuvre de l'expertise. Enfin, la recourante a noté que l’intimée avait totalement passé sous silence ladite expertise dans sa décision sur opposition. Une telle rétention d'informations relevait d'une mauvaise foi caractérisée et ces procédés apparaissaient illicites, la recourante réservant ses droits à l'encontre de l'intéressée à cet égard.
e) Dans l'intervalle, le 12 mai 2021, le juge instructeur a confié le mandat d'expertise au J.____ ainsi qu'au Dr CS.____, pour le volet chiropratique. Les experts rhumatologue et psychiatre, d'une part, ainsi que l'expert chiropratique, d'autre part, ont vu l'assurée, puis les premiers ont transmis leurs constatations au Dr CS.____ qui a revu l'assurée une seconde fois et transmis son rapport aux experts du J.____, lesquels ont intégré les données du Dr CS.____ dans leur rapport avant de conclure.
Le Dr CS.____ a établi son rapport le 10 mars 2023 et les Dr DT.____, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et EU.____, spécialiste en rhumatologie, du J.____, ont rendu leur rapport d'expertise le 31 mars 2023.
aa) Du rapport du Dr CS.____, les éléments suivants peuvent être mis en évidence.
Il ressort de son anamnèse que les plaintes de la recourante remontaient à un accident de voiture de 2004 lors duquel elle avait embouti une camionnette qui avait brusquement freiné devant elle, les trois voitures suivantes étant entrées en collision en chaîne contre les deux premiers véhicules immobilisés ; elle avait ressenti quelques douleurs cervicales et du thorax mais n'avait pas suivi de soins particuliers à l'époque. Ses plaintes actuelles remontaient à août 2006 à la suite d'un long voyage en voiture. La recourante a connu de courtes périodes d'arrêt de travail en 2007, a repris une activité à 20 % en juin 2008, à 50 % en août 2010, à 70 % en 2011, à 80 % en 2015 et à 85 % en 2021. Elle suivait (encore en 2023) des séances de fasciathérapie à raison d'une par semaine en moyenne depuis mai 2010, ainsi que d'autres thérapies comme le magnétiseur, l'acupuncture, la mésothérapie, le shiatsu, la rééducation neuro-visuelle, et les compléments alimentaires. Le Dr A.E.____, consulté depuis août 2007, a été son « îlot de secours » ; il a mis sur pied une approche pluridisciplinaire, l'approche chiropratique et la relation thérapeutique tissée demeurant le pilier central des soins.
Les observations cliniques faites par le Dr CS.____ ont révélé qu'à l'exception d'une flexion et de rotations légèrement limitées, les amplitudes de mouvement cervicales de la recourante étaient dans la norme pour l'âge (40-49 ans). La mobilité lombaire se déroulait harmonieusement et n’était pas limitée ; les latéroflexions, même si elles n’étaient pas limitées, montraient une rectitude lombaire supérieure (L1-L3). Les hanches étaient libres. Les amplitudes de mouvement des articulations scapulo-humérales étaient légèrement diminuées lors de l'adduction postérieure-supérieure droite (- 3 cm) et de l'adduction croisée gauche (- 7 cm), normales pour une droitière. Des tests plus spécifiques ont notamment mis en évidence une proprioception cervicale fortement altérée et un affaiblissement des muscles du cou. A la palpation sont apparues des restrictions de la mobilité intersegmentaire en C1-2 à droite, au niveau du rachis dorsal moyen (D3-5) et de l'articulation sacro-iliaque droite, ainsi qu'une hypertonicité des muscles ilio-psoas gauches (montrant en outre une force réduite), fessier moyen droit, rhomboïdes droits, levator scapula droit et sous-occipitaux droits.
Le Dr CS.____ a posé les diagnostics, conformes à la CIM-10, d'entorse et foulure du rachis cervical (S13.4), qu'il a identifiés sous les termes de « whiplash » et de « whiplash associated disease » (WAD). Il a retenu le diagnostic différentiel de trouble somatoforme indifférencié (F451). Dès le 1er janvier 2022, compte tenu de la CIM-11, il a modifié les diagnostics en douleur chronique post-traumatique (douleur chronique secondaire ; MG30-20) et le différentiel en douleur chronique primaire (MG30-02). Pour argumenter ses diagnostics, le Dr CS.____ a prévenu d’emblée que la recourante se situait dans une zone grise des connaissances actuelles de la médecine. Il penchait pour le diagnostic de séquelles chroniques d'un whiplash en raison des troubles proprioceptifs et visuels et de la sensation de distorsion corporelle qui lui paraissaient plus compatibles qu’avec un trouble somatoforme indifférencié. Il a relevé que la recourante réunissait une grande partie des symptômes reconnus pour un whiplash en se référant aux plaintes de la recourante.
Le Dr CS.____ a ensuite décrit les traitements chiropratiques prodigués par le Dr A.E.____ depuis 2009 et constaté que les factures correspondaient au travail effectué lors d'une séance type. Il en a conclu que les prestations facturées étaient justifiées par le travail effectué à chaque séance, à l'exception de la position 6007 correspondant à la vacation facturée systématiquement, alors que cette position aurait dû être facturée qu'une fois par semaine. Sur le principe, l'indication médicale d'un traitement chiropratique pour des cervicalgies chroniques et pour des séquelles de whiplash était généralement admise. Examinant le cas spécifique, le Dr CS.____ a constaté ce qui suit :
« Une étude de la recherche actuelle doit donc être menée quant à la fréquence des traitements (3x/semaine au début de la prise en charge, puis 2x/semaine dès novembre 2011 jusqu'à ce jour), qui peut raisonnablement paraître élevée ; je ne pense effectivement jamais avoir eu de patient.e vu.e aussi régulièrement pendant une telle période. Je joins le Dr F.____ dans son expertise du 15.7.2010 : la littérature scientifique est muette à ce sujet, de nos jours encore.
Sur quels critères alors se baser afin d'évaluer si « tous les traitements chiropratiques étaient-ils médicalement indiqués ? ». Comme déjà mentionné plus haut, la complexité des cas de douleurs chroniques similaires à celui de Mme D.____ pose bien des questions actuellement, entre diagnostic, système de classification, altérations nociceptives, altérations neurologiques (Farrell), sensibilisation centrale (Suter), émotions (Allaz), pathologie des petites fibres (Farrell), prise en charge (Zurron, Stannard), etc. Dans l'impossibilité de répondre de manière scientifique à la notion de quantité, je vais me pencher sur celle des recommandations actuelles de prédication de soins dans ce cadre de complexité symptomatologique ».
Après avoir cité la littérature, il a poursuivi comme suit :
« La littérature actuelle met l'emphase sur une approche personnalisée, répondant aux attentes et aux souhaits des patients.tes, ainsi que sur la durabilité de la relation thérapeutique et sur la programmation de rendez-vous réguliers sur un certain temps. « Ce cheminement prend du temps et parfois même beaucoup de temps ». Les attentes et besoins de Mme D.____ sont-ils dictés par son thérapeute ? La longue liste de mes collègues consultés lors de l'absence du Dr A.E.____ tendrait à montrer le contraire et que la fréquence des consultations dont elle a besoin est indépendante de son thérapeute principal. Mme D.____ elle-même, quand on lui demande, dit ne pas être encore prête à diminuer ses consultations, à une par semaine, par exemple. Je conclurai des citations récentes ci-dessus recensées que la littérature actuelle ne remet pas en cause la fréquence des traitements par Mme D.____. »
S'agissant de l'économicité, le Dr CS.____ a indiqué que si les conditions d'efficacité et d'adéquation étaient remplies, l'économicité coulait de source. En l'espèce, le traitement chiropratique était efficace pour les troubles cervicaux chroniques et il était adéquat car il était administré dans une approche multimodale (Letzel), donc il était économique. Il a ajouté ce qui suit :
« Je peux imaginer que le fait de revoir une patiente telle que Mme D.____ 23 fois par semaine sur de longues années a de quoi vous mettre en face de vos limites et qu'il faut du courage et de la persévérance pour ne pas lui proposer d'autres solutions, qui ne lui seraient peut-être pas aussi bénéfiques, même si le soulagement symptomatique dû au traitement chiropratique n'est qu'à court terme. Nous pouvons aussi noter, à la lecture du dossier imposant de Mme D.____, que la désescalade mentionnée par la Dre EV.____ s’est vérifiée : la relation thérapeutique établie a diminué le recours aux examens complémentaires, quasiment inexistants depuis 2008, alors que pas moins de 5 IRM et 2 scanners (sans parler de radiographies et d'infiltrations articulaires) avaient été effectués entre 2006 et 2008, à l'exception notable d'une IRM cervicale en 2019, sur demande du médecin traitant à la suite d'une demande à celui-ci du fasciathérapeute de la patiente. »
Le Dr CS.____ a rappelé que, selon lui, la vacation ne s'imposait pas à chaque traitement.
Ses conclusions étaient les suivantes :
« C. Synthèse, pronostic et conclusions
Synthèse : points saillants
· La littérature scientifique actuelle ne précise pas de fréquence recommandée des traitements chiropratiques.
· Les positions tarifaires facturées correspondent aux prestations thérapeutiques.
· Les recherches montrent que ce que les gens souhaitent le plus, c'est une relation forte avec leur fournisseur de soins.
· La littérature scientifique actuelle souligne combien il est essentiel d'orienter les propositions antalgiques en tenant compte des attentes des patients. Le partage des décisions et la personnalisation des soins sont essentiels à la réussite de l'accompagnement des personnes dans le paysage actuel des soins de santé. Au moment présent, Mme D.____ ne se sent pas prête à espacer ses rendez-vous.
· L'obliger à le faire pourrait la déstabiliser et lui faire recommencer une quête inutile d'un soulagement utopique de ses troubles en reprenant des consultations de spécialistes ou en requérant des examens complémentaires probablement inutiles. Pour rappel, et en résumé, notons ici qu'entre août '06 et février '09, Mme D.____ a vu 2 neurologues, 2 rhumatologues, 4 antalgistes, 1 psychiatre, 1 radiologue interventionnel et 2 orthopédistes. Elle a aussi bénéficié de radiographies cervicales et dorsales, d'une échographie abdominale, de 5 IRM, de 2 CT-scans et de 5 infiltrations en radiologie interventionnelle. Puis plus aucune consultation spécialisée ni examen complémentaire depuis '08. À l'exception d'une IRM cervicale en '19, demande qui n'émanait pas de la patiente.
· La prise en charge du Dr A.E.____ a certainement permis cette désescalade.
· Elle a aussi permis à Mme D.____ de reprendre une activité professionnelle presque entière, de s'approprier une position proactive face à ses troubles, d'apprendre à « vivre avec ». Ce sont les buts thérapeutiques essentiels pour ce genre de condition.
· La littérature scientifique actuelle recommande une approche pluridisciplinaire pour les troubles présentés par Mme D.____. Cela a été mis en place dès '07, par le Dr A.E.____.
· Les principes d'efficacité, d'adéquation et d'économicité sont respectés.
· L'examen clinique met en évidence, objectivement, d'importants troubles proprioceptifs cervicaux ainsi qu'une faiblesse des muscles fléchisseurs profonds du cou. Les troubles de Mme D.____ sont donc objectivables ; ils pourraient l'être encore mieux en pratiquant des examens neurologiques plus spécialisés, mais cela n'aiderait pas la patiente, ce serait plutôt par intérêt académique.
Pronostic : Mme D.____ souffre d'une maladie chronique, qu'elle soit secondaire ou primaire, sans espoir de guérison. Elle peut encore progresser dans la gestion de ses symptômes, voire même encore les minimiser, grâce à son attitude proactive et à la relation thérapeutique centrale nouée avec le Dr A.E.____.
Conclusion : Je pense que le long chemin de Mme D.____ est un succès thérapeutique grâce à la prise en charge du Dr A.E.____ et au traitement multidisciplinaire qu'il a instauré.
D. Remarques éventuelles
Le coût est certes non-négligeable : dans l'épais dossier que j'ai reçu du Juge Métral figure un document incomplet de l'avocat de Mme D.____ (Me Hofstetter), daté du 20 février, dont il manque les 12 premières pages. La somme de 82'039.40 y est documentée en page 15, qui correspond aux traitements du Dr A.E.____ entre mars '10 et janvier '17 (83 mois), soit une somme mensuelle de 988.40. Ces coûts émargent à l'assurance de base de la patiente, mais si nous avons une vision globale des coûts (APG voire AI, chômage, aide sociale, éventuel tourisme médical, examens complémentaires), je pense que ce coût est la solution la plus économique.
Tout en étant conscient que l'assureur maladie de base est la seule structure institutionnelle concernée par cette somme significative, la complexité de ce cas et sa rareté doivent être soulignées. Je n'en ai personnellement jamais rencontré en consultation en 37 ans de carrière (ou, pris de désarroi, en ai adressé à d'autres spécialistes, sans que je m'en souvienne) ; le Dr A.E.____ m'a dit n'en avoir eu qu'un seul, en 50 ans de carrière. Les critères usuels d'évaluation des coûts/bénéfices et de la fréquence des consultations, sont plus difficilement utilisables dans un cas si complexe et ils peuvent devoir être adaptés, modulés ().
Le cas de Mme D.____ peut être comparé à celui d'une personne atteinte de maladie chronique inguérissable, de polyarthrite rhumatoïde par exemple. Quel est le coût d'un traitement d'une telle personne qui serait soulagée par la prise bi-hebdomadaire de 2x25mg d'Enbrel ? 4 seringues préremplies self-administrées, soit la dose de deux semaines, coûte 682.35, ou 1364.70 par mois, soit 138 % de plus que le traitement du Dr A.E.____, sans l'implication et l'engagement personnels, sans faille, pluri-hebdomadaires, requis du thérapeute dans un traitement tel que celui de Mme D.____. »
bb) Les experts du J.____ ont également rappelé l'anamnèse et examiné les plaintes de la recourante.
Sur le plan rhumatologique, l'examen clinique n'a pas montré de signe d'irritation radiculaire ou de déficit neurologique périphérique. La mobilité du rachis était correcte même si les mouvements entraînaient des douleurs qui n'irradiaient pas dans les membres et ne s'accompagnaient pas de troubles neurologiques périphériques. Il n'y avait pas non plus de contracture musculaire ni les points algiques à la palpation typiques d'une fibromyalgie. Le tableau clinique était très évocateur d'un syndrome douloureux persistant (F45.4). Ce diagnostic était déjà avancé par le psychiatre traitant en 2007, et le neurologue décrivait des douleurs d'origine incertaine en 2008. Même si plusieurs imageries par résonance magnétique (IRM) ont montré des discopathies notamment en C6-C7, niveau qui a bénéficié d'une nucléotomie, mais également en C5-C6, ces éléments objectifs n'expliquaient pas le tableau clinique avec l'extension des zones douloureuses, leur chronicité et les autres symptômes décrits par l'assurée. Le Dr EU.____ a rappelé également le whiplash qui aurait entraîné une entorse bénigne survenue en 2004 et relevé que les plaintes motivant les investigations et consultations se sont développées en 2006. Cela étant, il lui paraissait peu vraisemblable que cela résulta d'un traumatisme survenu deux ans auparavant. Il a conclu que la recourante souffrait d'un syndrome douloureux chronique depuis 2006 et présentait un status après entorse cervicale bénigne en 2004, un status après nucléotomie percutanée en 2008 pour une discopathie en C6-C7 ainsi qu'un status après opérations pour fibroadénomes bilatéraux des seins et des ovaires polykystiques. Il n'y avait pas de prise en charge spécifique ou d'autre thérapie à prévoir. Le pronostic était favorable d'un point de vue fonctionnel, mais réservé quant à l'évolution de la symptomatologie douloureuse au vu de la longue durée d'évolution. Par ailleurs il n'y avait pas de pathologie qui justifiait une incapacité de travail dans l'activité habituelle d'enseignante.
Sur le plan psychique, l'évaluation n'a pas mis en évidence une atteinte thymique ; il n'y avait pas d'humeur dysphorique constatée, pas de diminution significative de l'intérêt et du plaisir, pas de troubles cognitifs, ni d'idéation suicidaire, pas de culpabilité pathologique ni de dévalorisation significative, pas de perturbation du sommeil et de l'appétit. Le Dr DT.____ n’a relevé qu'une réduction de l'énergie vitale avec fatigue, de sorte que les critères majeurs/mineurs de dépression selon l'ICD-10 n’étaient pas suffisamment présents même pour retenir une dépression légère. En ce qui concerne l'anxiété, la tendance à se faire des soucis, quoiqu'assez fréquente, n’était pas envahissante, elle était présente de longue date et prenait place dans un contexte de difficultés de santé de sorte que l'on pouvait la considérer quasiment comme une réaction normale dans ce contexte. Ce médecin a en outre noté la présence de douleurs multiples et chroniques qui ne s'expliquaient pas entièrement par les lésions organiques. Cette atteinte algique avait débuté il y a des années et serait devenue significative en 2006 et chronicisée depuis lors. Dans le cas présent, il existait effectivement une douleur à l'origine d'un sentiment de détresse, associée à un contexte de conflits émotionnels et de problèmes psychosociaux à l'origine. Les critères étaient donc remplis pour retenir un diagnostic de syndrome somatoforme douloureux persistant (F45.4). Dans cette situation, il y avait donc un « chainage » entre une problématique initiale de coup du lapin, qui a été à l'origine d'une atteinte algique au départ scapulocervicales qui s’était progressivement généralisée et chronicisée pour aboutir à une problématique algique quasiment indépendante depuis lors. Selon le Dr DT.____, il n'y avait aucune indication à un suivi spécialisé, le pronostic étant réservé en lien avec une affection au décours chronique et restant particulièrement difficile à traiter. La capacité de travail était intacte.
S'agissant des traitements chiropratiques pratiqués depuis 2009, l'expert rhumatologique a noté qu'il n'y avait pas d'évidence scientifique montrant l'efficacité de traitements physiques fréquents, rapprochés et administrés de façon prolongée. Dans les situations de syndrome douloureux chronique, la prise en charge thérapeutique devrait viser à une autonomisation de la personne souffrante. Les thérapies devraient s'orienter vers une prise en charge active et non passive avec notamment la pratique d'un programme d'exercices personnels adaptés. Une prise en charge de type multimodal était préconisée avec une collaboration entre médecins somaticiens et psychiatres. L'expert psychiatre a noté que cela ne relevait pas de son domaine de compétence de se prononcer sur un traitement chiropratique, mais qu'il y avait différentes approches pour la prise en charge d'un syndrome douloureux, et que traditionnellement il était préconisé un soutien psychothérapeutique et une étroite collaboration entre médecins somaticiens et psychiatres, ainsi que des approches de soulagement antalgique.
A la question de savoir si tous les traitements chiropratiques étaient médicalement indiqués et répondaient à l'exigence d'économicité, les experts ont répondu que la personne souffrante dans les situations de syndrome douloureux somatoforme persistant était souvent très demandeuse de soins, que ce soit par leur fréquence ou par leur variété. Dans le cas présent, ils se sont demandé si l'assurée avait développé une dépendance à la thérapie voire aux thérapeutes, même si de façon inconsciente. Ainsi, la thérapie aurait dû viser à une autonomisation de Ia recourante et essayer de diminuer la consommation médicale ; cela aurait dû être fait dès que possible, soit dans les premiers mois de la prise en charge multimodale. Les experts ont ajouté qu'il n'y avait pas de réponse définitive à la demande de préciser quelle partie des traitements chiropratiques était éventuellement médicalement indiquée tout en répondant à l'exigence d'économicité. Par analogie, la LAMaI admettait quatre séries de neuf séances par année de physiothérapie pour des pathologies chroniques (par exemple rhumatisme inflammatoire ou troubles
dégénératifs). Dans le cas présent, selon les experts, on pourrait admettre 36 séances par année de 2010 à 2017.
cc) Invitée à se déterminer sur les rapports d'expertise, la recourante a confirmé les conclusions de son recours par acte du 31 mai 2023. Elle a fait valoir que les experts du J.____ avaient minimisé l'importance de ses troubles et de la nécessité d'un quota de séances sensiblement supérieur à 36 par an, alors qu'ils admettraient l’efficacité du traitement. Elle a contesté être dépendante à la thérapie voire aux thérapeutes. Elle a relevé que l'expert spécialiste de la chiropraxie, qui admettait que ses traitements répondaient à une indication médicale et au critère de l'économicité compte tenu de sa situation complexe, était davantage probante et a souligné la qualification de « succès thérapeutique » avancée par le Dr CS.____.
Par déterminations du 9 juin 2023, l’intimée a mis en évidence que l'expertise du J.____, tout comme le Dr Y.____ à l'époque, avait indiqué que le traitement de la recourante aurait dû être orienté vers une autonomisation progressive, dès les premiers mois de la prise en charge. Le traitement n'était ni médicalement justifié, ni adéquat, ni économique, mais répondait à une dépendance de la recourante. L'absence d'évidence scientifique montrant l'efficacité de traitements physiques fréquents, rapprochés et durables était corroborée par le Dr F.____ et le Dr CS.____. Le fait que la littérature médicale mettrait l'emphase sur une approche personnalisée répondant aux attentes et aux souhaits des patients, comme l’a relevé le Dr CS.____, ne permettait pas de retenir que le traitement était médicalement adéquat et économique ni de justifier la prise en charge de ses frais. L’intimée a rappelé au demeurant que la recourante n’avait pas payé les soins qui n’avaient d’ailleurs pas été facturés par le Dr A.E.____, de sorte qu’il n’était pas possible de mettre ces frais à la charge de l’assureur (surindemnisation).
f) Invitée à indiquer si elle entendait maintenir sa requête d’audience publique par courrier de la juge instructrice du 14 août 2023, la recourante a fait savoir le 24 août 2023 que tel était le cas. Une audience de débats publics et de jugement a ainsi eu lieu le 6 novembre 2023, lors de laquelle les parties ont plaidé leur cause.
E n d r o i t :
1. a) La LPGA est, sauf dérogation expresse, applicable en matière d'assurance-maladie (art. 1 al. 1 LAMaI). Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l'opposition n'est pas ouverte peuvent faire l'objet d'un recours auprès du tribunal des assurances compétent (art. 56 et 58 LPGA), dans les trente jours suivant leur notification (art. 60 al. 1 LPGA).
b) En l'occurrence, déposé en temps utile compte tenu des féries judiciaires (art. 38 al. 4 let. b LPGA) auprès du tribunal compétent (art. 93 let. a LPA-VD [loi cantonale vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative ; BLV 173.36]) et respectant les autres conditions formelles prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA notamment), le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le principe de la prise en charge par l’assurance obligatoire des soins des traitements de chiropraxie dispensés à la recourante, également ultérieurement au mois de mars 2010, que l’intimée a limitée à 36 séances par an dans une décision datant du 27 août 2010 et confirmée par décision sur opposition du 27 juillet 2017.
La Cour devra en outre examiner le bien-fondé de certaines factures en particulier. Dans la décision attaquée, l’intimée a en effet constaté la péremption des factures antérieures au 22 février 2012 et a refusé de rembourser des soins qui n'avaient pas été facturés. Il est également fait mention de certaines factures déjà remboursées. La recourante a au demeurant pris une conclusion en paiement d'un montant pour les séances entre mars 2010 et janvier 2017, toutes prétentions relatives à des frais de chiropraxie ultérieurs étant réservés.
Il est rappelé qu'un arrêt rendu le 12 février 2020 statue de manière préjudicielle sur la péremption d'une partie de la créance éventuelle. Il résulte de cet arrêt que seule la créance éventuelle de la recourante en remboursement des factures des 27 février 2014, 9 avril 2014, 22 juillet 2014 et 2 septembre 2015 du Dr A.E.____, ainsi que des autres factures de ce médecin postérieures à juin 2015 ne sont pas périmées. L'examen des factures en particulier sera donc limité à ces prétentions, à l'exclusion de celles dont la péremption a été constatée dans l'arrêt préjudiciel précité.
3. a) Au sens de l'art. 24 LAMaI, l'assurance obligatoire des soins (ci-après : AOS) prend en charge les coûts des prestations définies aux art. 25 à 31 LAMaI, en tenant compte des conditions des art. 32 à 34 LAMaI.
Selon l'art. 25 LAMaI, l'AOS prend en charge les coûts des prestations servant à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses séquelles (al. 1). Ces prestations comprennent notamment les examens et traitements dispensés sous forme ambulatoire, en milieu hospitalier ou dans un établissement médico-social ainsi que les soins dispensés dans un hôpital par des chiropraticiens (art. 25 al. 2 let a ch. 2 LAMal dans sa version en vigueur dès le 1er janvier 2011). Sont également compris dans ces prestations les analyses, médicaments, moyens et appareils diagnostiques ou thérapeutiques prescrits par un médecin ou, dans les limites fixées par le Conseil fédéral, par un chiropraticien (art. 25 al. 2 let. b LAMaI).
b) Est réputée maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n'est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail (art. 3 al. 1 LPGA). La notion de maladie suppose, d'une part, une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique dans le sens d'un état physique, psychique ou mental qui s'écarte de la norme et, d'autre part, la nécessité d'un examen ou d'un traitement médical (Gebhard Eugster, Krankenversicherung, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2e éd., n° 248 p. 477 cité dans ATF 134 V 83 consid. 3.1). La prise en charge des conséquences d'une maladie suppose également que celles-ci relèvent d'une altération de la santé et puissent ainsi être qualifiées de maladie (ATF 129 V 32 consid. 4.2.1).
La notion de maladie est une notion juridique qui ne se recoupe pas nécessairement avec la définition médicale de la maladie (ATF 124 V 118 consid. 3b et les références). Pour qu'une altération de la santé ou un dysfonctionnement du corps humain soient considérés comme une maladie au sens juridique, il faut qu'ils aient valeur de maladie (« Krankheitswert ») ou, en d'autres termes, atteignent une certaine ampleur ou intensité et rendent nécessaires des soins médicaux ou provoquent une incapacité de travail. Un traitement ou un examen médical est nécessaire lorsque l'atteinte à la santé limite à ce point les fonctions physiques ou mentales que le patient a besoin d'un soutien médical ou que le processus de guérison n'est plus possible sans un tel appui ou du moins pas avec de réelles chances de succès, ou encore qu'on ne saurait exiger du patient qu'il vive sans avoir pu essayer au moins un type de traitement (ATF 137 V 295 consid. 4.2.2 ; TF 9C_465/2010 du 6 décembre 2010 consid. 4.1). Quant au traitement médical, il ne comprend pas uniquement les mesures médicales qui servent à la guérison de la maladie, mais il englobe aussi les thérapies seulement symptomatiques, de même que les mesures qui servent à l'élimination d'atteintes secondaires dues à la maladie (TF 9C_465/2010 précité consid. 1.2 et les références citées).
c) Aux termes de l'art. 32 LAMaI, les prestations mentionnées aux art. 25 à 31 LAMaI doivent être efficaces, appropriées et économiques ; l'efficacité doit être démontrée selon des méthodes scientifiques.
Une prestation est efficace lorsqu'on peut objectivement en attendre le résultat thérapeutique visé par le traitement de la maladie, à savoir la suppression la plus complète possible de l'atteinte à la santé somatique ou psychique (ATF 145 V 116 consid. 3.2.1).
La question de son caractère adéquat s'apprécie en fonction du bénéfice diagnostique ou thérapeutique de l'application dans le cas particulier, en tenant compte des risques qui y sont liés au regard du but thérapeutique. Le caractère adéquat relève en principe de critères médicaux et se confond avec la question de l'indication médicale : lorsque l'indication médicale est clairement établie, le caractère adéquat de la prestation l'est également (cf. ATF 139 V 135 consid. 4.4.2 ; TF 9C_685/2012 du 6 mars 2013 consid. 4.4.2 et les références citées).
Le critère de l'économicité concerne le rapport entre les coûts et le bénéfice de la mesure, lorsque dans le cas concret différentes formes et/ou méthodes de traitement efficaces et appropriées entrent en ligne de compte pour combattre une maladie (ATF 130 V 532 consid. 2.2). Le caractère économique présuppose l'efficacité et l'adéquation du traitement. Il s'évalue objectivement et a un caractère comparatif, en ce sens qu'il joue un rôle lorsque, dans un cas particulier, plusieurs alternatives diagnostiques ou thérapeutiques sont appropriées. Dans ce cas, il convient de peser le rapport entre les coûts et l'utilité de chaque mesure. Si l'une des mesures permet d'atteindre le but poursuivi de manière nettement plus économique que ne le ferait l'autre mesure, la personne assurée n'a pas droit au remboursement des coûts de la mesure la plus onéreuse (ATF 145 V 116 consid. 3.2.3).
d) L'exigence du caractère économique des prestations ressort également de l'art 56 al. 1 LAMaI, selon lequel le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l'intérêt de l'assuré et le but du traitement. Les assureurs-maladie sont en droit de refuser la prise en charge de mesures thérapeutiques inutiles ou de mesures qui auraient pu être remplacées par d'autres, moins onéreuses (cf. art. 56 al. 2 LAMaI) ; ils y sont d'ailleurs obligés, dès lors qu'ils sont tenus de veiller au respect du principe de l'économie du traitement (cf. ATF 127 V 43 consid. 2b et les références citées ; TF 9C_1008/2012 du 9 mai 2013 consid. 4.2 ; TFA K 35/04 du 29 juin 2004 consid. 3). Le principe d'économicité ne concerne pas uniquement les relations entre assureurs et fournisseurs de soins ; il est également opposable à l'assuré, qui n'a aucun droit au remboursement d'un traitement non économique (cf. ATF 127 V 43 consid. 2b et 125 V 95 consid. 2b avec les références citées ; TFA K 35/04 précité consid. 3). Le critère de l'économicité intervient lorsqu'il existe dans le cas particulier plusieurs alternatives diagnostiques ou thérapeutiques appropriées. Il y a alors lieu de procéder à une balance entre coûts et bénéfices de chaque mesure. Si l'une d'entre elles permet d'arriver au but recherché en étant sensiblement meilleur marché que les autres, l'assuré n'a pas droit au remboursement des frais de la mesure la plus onéreuse (cf. ATF 139 V 135 consid. 4.4.3 et les références citées).
e) Pour garantir que les prestations prises en charge par l'assurance-maladie obligatoire remplissent les exigences d'efficacité, d'adéquation et d'économicité posées par l'art. 32 al. 1 LAMaI, l'art. 33 LAMaI permet de désigner les prestations susceptibles d'être prises en charge selon le type de fournisseurs de prestations et/ou selon la nature de la prestation dispensée (cf. ATF 134 V 83 consid. 4.1 et la jurisprudence citée). Selon l'art. 33 al. 1 LAMaI, le Conseil fédéral peut désigner les prestations fournies par un médecin ou un chiropraticien, dont les coûts ne sont pas pris en charge par l'assurance obligatoire des soins ou le sont à certaines conditions. Cette disposition se fonde sur la présomption que médecins et chiropraticiens appliquent des traitements et mesures qui répondent aux conditions posées par l'art. 32 al. 1 LAMaI. Il incombe ainsi au Conseil fédéral de dresser une liste « négative » des prestations qui ne répondraient pas à ces critères ou qui n'y répondraient que partiellement ou sous conditions. D'après l'art. 33 al. 3 LAMaI, le Conseil fédéral détermine également dans quelle mesure l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts d'une prestation, nouvelle ou controversée, dont l'efficacité, l'adéquation ou le caractère économique sont en cours d'évaluation.
A l'art. 33 OAMal (ordonnance du 27 juin 1995 sur l’assurance-maladie ; RS 832.102) et comme l'y autorise l'art. 33 al. 5 LAMaI, le Conseil fédéral a délégué les compétences susmentionnées au Département fédéral de l'intérieur (DFI). Celui-ci en a fait usage en promulguant l'Ordonnance du 29 septembre 1995 sur les prestations de l'assurance des soins (OPAS ; RS 832.112.31).
L'art. 4 OPAS décrit les prestations prescrites par les chiropraticiens prises en charge par l'assurance, soit des analyses (let. a), des médicaments (let b), des moyens et appareils diagnostiques ou thérapeutiques (let. c), des examens par imageries (let. d) et des prestations de physiothérapie selon l'art. 5 (let. e). L'art. 5 OPAS énonce que l'assurance prend en charge les prestations des physiothérapeutes lorsqu'elles sont fournies sur prescription médicale et dans le cadre du traitement de maladies musculosquelettiques ou neurologiques ou des systèmes des organes internes et des vaisseaux, pour autant que la physiothérapie permette de les traiter. Il précise que l'assurance prend en charge, par prescription médicale, au plus les coûts de neuf séances, le premier traitement devant intervenir dans les cinq semaines qui suivent la prescription médicale (al. 2). Il ajoute qu'une nouvelle prescription médicale est nécessaire pour la prise en charge d'un plus grand nombre de séances (al. 3). Pour que, après un traitement équivalent à 36 séances, celui-ci continue à être pris en charge, le médecin traitant doit adresser un rapport au médecin-conseil de l'assureur et lui remettre une proposition dûment motivée. Le médecin-conseil propose de poursuivre ou non la thérapie aux frais de l'assurance, en indiquant dans quelle mesure et à quel moment le prochain rapport doit être présenté (al. 4).
f) Selon le principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA), le juge apprécie librement les preuves médicales sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Le juge doit examiner objectivement tous les documents à disposition, quelle que soit leur provenance, puis décider s'ils permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. S'il existe des avis contradictoires, il ne peut trancher l'affaire sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion plutôt qu'une autre (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2 ; ATF 125 V 351 consid. 3a ; TF 9C_453/2017 & 9C 454/2017 du 6 mars 2018 consid. 4.2).
4. En l'espèce, aux termes de la décision attaquée, l'intimée a admis la prise en charge, au titre de l'assurance obligatoire des soins, de 36 séances de chiropraxie par année. La recourante a sollicité pour sa part la prise en charge de deux à trois séances par semaine.
Il est donc admis que la recourante est atteinte d'une maladie qui nécessite un traitement chiropratique, mais le litige porte sur la fréquence des soins. Afin de se prononcer, il y a lieu d'analyser le diagnostic retenu et déterminer si le traitement délivré est efficace, approprié et économique (art. 32 LAMaI).
a) Les experts de J.____ ont retenu l'existence d'un syndrome douloureux persistant (F45.4) en étayant leur diagnostic. Celui-ci avait d'ailleurs déjà été évoqué par la plupart des médecins consultés, soit en particulier le Dr A.E.____ (courrier du 22 novembre 2013), le Dr Y.____ (rapport du 25 octobre 2016), Ia Dre P.____ (rapport du 15 décembre 2008), le Dr H.____ (rapport du 8 août 2007), ainsi que les Drs Q.____ et A.____ du SMR qui avaient indiqué dans leur examen bidisciplinaire du 4 février 2009 que le trouble somatoforme douloureux évoqué par la psychiatre traitante était en accord avec l'observation actuelle. Même si des imageries ont permis de constater des discopathies, il est constant que ces éléments objectifs ne suffisent pas à expliquer le tableau clinique avec l'extension des douleurs, leur chronicité et les autres symptômes décrits par la recourante, ce qui résulte des divers examens médicaux et imageries au dossier. Le Dr CS.____ a émis le diagnostic d'entorse et foulure du rachis cervical (whiplash) en ajoutant le trouble somatoforme indifférencié comme diagnostic différentiel et en précisant que la recourante était dans une zone grise des connaissances actuelles de la médecine. Comme l'a relevé le Dr EU.____, il est peu vraisemblable qu'une entorse bénigne survenue en 2004 puisse être à l'origine des plaintes émises à partir de 2006. Le diagnostic posé par les experts de J.____ est ainsi corroboré par les pièces au dossier et peut ainsi être validé.
b) Le traitement chiropratique est remboursé par l’assurance obligatoire des soins aux conditions des art. 32 LAMaI et 4 OPAS.
L'expert chiropraticien CS.____ a admis que la fréquence des traitements à hauteur de trois puis deux séances par semaine pouvait raisonnablement paraître élevée et a rejoint l'avis du Dr F.____ (expertise du 15 juillet 2010) en ce sens que la littérature scientifique était muette à ce sujet. Dans l'impossibilité de répondre de manière scientifique à la notion de quantité, il s'est penché sur les recommandations actuelles de prédication de soins dans ce cadre de complexité symptomatologique. Il a noté que la littérature scientifique mettait l'accent sur une approche personnalisée, répondant aux attentes et aux souhaits des patients. Dès lors que la recourante avait dit ne pas être prête à diminuer les consultations à une par semaine par exemple, il en a conclu que la littérature scientifique ne remettait pas en question la fréquence des traitements suivis par la recourante. Constatant que le traitement était efficace pour les troubles cervicaux chroniques et adéquat car il était administré dans une approche multimodale, il en a déduit que, dans la mesure où les conditions d'efficacité et d'adéquation étaient remplies, l'économicité coulait de source. Il a ajouté que ces traitements, certes coûteux, avaient permis de renoncer à d'autres traitements plus coûteux.
Après avoir pris connaissance du rapport du Dr CS.____, l'expert rhumatologue EU.____ a estimé qu'il n'y avait pas d'évidence scientifique montrant l'efficacité de traitements physiques fréquents, rapprochés et administrés de façon prolongée. Cette conclusion rejoint celle du Dr CS.____ et du Dr F.____. Contrairement au Dr CS.____ qui n'a pas réussi à répondre à la question par rapport à une analyse concrète du cas mais qui s'est référé à un principe faisant dépendre l'indication médicale aux souhaits du patient, soit un principe qui n'intègre pas les conditions d'économicité, d'adéquation et d'efficacité et qui ne peut donc pas être suivi, le Dr EU.____ a analysé la situation du cas concret de syndrome douloureux chronique. Il a indiqué que la prise en charge thérapeutique adéquate d'une telle atteinte devrait viser à une autonomisation de la personne souffrante. En outre, les thérapies devraient s'orienter vers une prise en charge active et non passive avec notamment la pratique d'un programme d'exercices personnels adaptés. Il a ajouté qu'une prise en charge de type multimodal est préconisée avec une collaboration entre médecins somaticiens et psychiatres. L'expert psychiatre DT.____ a relevé la possibilité de plusieurs approches mais a également noté que traditionnellement il était préconisé un soutien psychothérapeutique et une étroite collaboration entre médecins somaticiens et psychiatres, ainsi que des approches de soulagement antalgique.
Sans remettre en question la perception de la recourante, il y a lieu de constater, à la lecture des pièces du dossier, que l'efficacité du traitement litigieux à la fréquence suivie n'est pas démontrée selon les standards scientifiques exigés par la LAMaI.
S'agissant plus précisément du caractère économique du traitement délivré à une telle fréquence, les experts de J.____ ont indiqué que la personne souffrante dans les situations de syndrome douloureux somatoforme persistant était souvent très demandeuse de soins, que ce soit par leur fréquence ou par leur variété et que, dans le cas présent, ils s'étaient demandé si l'assurée avait développé une dépendance à la thérapie voire aux thérapeutes, même si de façon inconsciente. Ils ont considéré que, dans cette circonstance, la thérapie aurait dû viser à une autonomisation de la recourante et essayer de diminuer la consommation médicale ; cela aurait dû être fait dès que possible, soit dans les premiers mois de la prise en charge multimodale. Les experts ont ajouté qu'il n'y avait pas de réponse définitive à la demande de préciser quelle partie des traitements chiropratiques était éventuellement médicalement indiquée tout en répondant à l'exigence d'économicité et ont relevé, par analogie, que la LAMaI admettait quatre séries de neuf séances par année de physiothérapie pour des pathologies chroniques (par exemple rhumatisme inflammatoire ou troubles dégénératifs). Dans le cas présent, les experts ont admis que 36 séances par année de 2010 à 2017 répondaient au critère d'économicité.
Il reste à examiner si les avis médicaux au dossier viennent jeter le doute sur les conclusions des experts de J.____.
Le Dr Y.____, en 2016, avait également mis en avant le cas extrêmement complexe de la recourante et avait constaté une certaine efficacité des traitements puisque la recourante avait pu récupérer sa capacité de travail. Or, selon les experts de J.____, la recourante a toujours disposé d'une capacité de travail entière, son atteinte n'ayant jamais été invalidante. Le Dr Y.____ avait ensuite conclu à un traitement adéquat dans la mesure où la recourante en était satisfaite et avait développé une dépendance aux traitements, ce qui n'est pas relevant, comme on l'a vu plus haut. Le Dr Y.____ avait préconisé une approche multimodale, sur le plan psychique et physique, et avait suggéré un objectif d'autonomisation progressive avec utilisation accentuée de mesures de physiothérapie active au lieu
de passive et la pratique d'un sport ; il lui paraissait raisonnable de diminuer le nombre de séances par année progressivement afin de ne pas compromettre ce qui avait déjà été obtenu. Il n'avait pas fixé de nombre de séance limite, pas à cause des coûts, mais vis-à-vis de la recourante qui pourrait compenser la limitation des traitements par une recrudescence de tourisme thérapeutique éventuellement plus coûteux. Cet objectif rejoint l'avis des experts qui eux estiment toutefois que cette progression aurait dû avoir lieu plus tôt. Le Dr Y.____ ne convainc pas en faisant prévaloir les souhaits de la patiente, pour les mêmes motifs que ceux retenus concernant le Dr CS.____, et en brandissant le risque d'un tourisme médical éventuellement plus coûteux, alors qu'il n'est pas davantage rendu vraisemblable, ni même allégué, que d'autres traitements rempliraient les conditions justifiant leur prise en charge par l’assurance obligatoire des soins. Les experts de J.____ ont préconisé une autonomisation et non pas un report vers d'autres thérapies plus économiques.
Pour sa part, le Dr F.____ (rapport du 27 mai 2011) avait recommandé un reconditionnement musculaire avec des séances de physiothérapie et ergothérapie de six à neuf mois. A l'époque il avait estimé que les deux séances de chiropraxie par semaine suivies par la recourante avaient encore une utilité pendant six mois, ensuite de quoi il faudrait réévaluer la situation. En juillet 2010 déjà, il préconisait une approche plus active : la mobilisation segmentaire et chiropratique était certes utile dans le contexte aigu et subaigu de manière rapprochée, mais à long terme rien ne remplaçait un entraînement musculaire bien conduit. Il n'avait toutefois pas d'argument scientifique pour soutenir une diminution de cette prise en charge même si les discussions pluridisciplinaires allaient dans ce sens. Il ne pouvait que suggérer une approche plus active, mais vu la durée de la symptomatologie et les nombreux intervenants déjà impliqués, la probabilité d'amélioration lui semblait très mince. Dix ans plus tard, l'amélioration n'a effectivement pas été très importante puisque les séances hebdomadaires ont passé de trois à deux sans qu'une amélioration objective des symptômes n'ait été décrite. Ses recommandations s'inscrivent dans la même ligne que celles des experts de J.____ qui ont pu constater quelques années plus tard le peu d'évolution et l'absence d'autonomisation de la recourante qui s'est, au contraire, enracinée dans une dépendance aux soins.
Les Dr W.____ (rapport du 14 septembre 2006) et Z.____ (rapport du 5 octobre 2006) avaient déjà à l'époque proposé une thérapie douce et temporaire auprès d'un physiothérapeute.
Quant au Dr A.E.____, il a également justifié la fréquence des consultations par la dépendance de sa patiente qui en était satisfaite et il estimait cruel de l'en priver, ce qui est loin d'être suffisant pour admettre l'économicité, l'efficacité et l'adéquation de ses traitements à la fréquence observée. Il n'a pas davantage réussi à objectiver une amélioration de l'état de santé de la recourante qui, selon lui, avait toujours besoin de ses traitements.
Ainsi, si la prise en charge de la recourante a été qualifiée d'exceptionnelle par nombre de médecins qui ont donné leur avis, y compris le Dr CS.____, il n'y a pas d'argument objectif permettant de constater le côté extraordinaire de l'atteinte de la recourante ; aucun élément ne permet d'objectiver la nécessité de traiter cette situation par une prise en charge aussi exceptionnelle dans la fréquence des séances et la durée du traitement, seuls les souhaits de la recourante ayant été mis en avant pour justifier une telle consommation, ce qui n'est pas pertinent.
c) En définitive, les rapports et expertises médicales au dossier ne jettent aucun doute sur les conclusions des experts de J.____ et sont même plutôt de nature à les conforter dans le sens où le traitement aurait dû évoluer vers une approche plus active et une autonomisation de la patiente.
Ainsi, le rapport des experts de J.____ doit se voir reconnaître pleine valeur probante, leur appréciation étant dûment motivée et fondée sur des éléments objectifs. Ils ont exposé de manière convaincante leurs constations et conclusions et ont discuté soigneusement les positions des autres médecins, y compris celle du co-expert CS.____. Aucun élément ne permet de remettre en cause son bien-fondé.
A cela s'ajoute que la solution est plus favorable à la systématique prévue par l'art. 4 OPAS relatif aux prestations prescrites par les chiropraticiens, qui renvoie à l'art. 5 OPAS pour ce qui concerne les prestations de physiothérapie, à savoir qu'un traitement de plus de 36 séances doit faire l'objet d'un rapport du médecin traitant au médecin-conseil de l'assureur accompagné d'une proposition dûment motivée ; le médecin-conseil propose ensuite de poursuivre ou non la thérapie aux frais de l'assurance en indiquant dans quelle mesure et à quel moment le prochain rapport doit être présenté. En l'espèce, le médecin traitant n'a pas déposé de rapport et proposition motivée après chaque échéance de 36 séances pour justifier la poursuite de la prise en charge. Cela étant, les experts et l'assureur ont admis un tel quota par année pendant sept ans, ce qui peut être alloué.
C'est donc à juste titre que, l’intimée a limité la prise en charge à 36 séances par an dans sa décision du 27 août 2010 confirmée dans une décision sur opposition du 27 juillet 2017.
L'expertise de J.____ réalisée dans le cadre de la procédure de recours précise que le remboursement des soins était justifié jusqu'à fin 2017, de sorte que les prestations doivent prendre fin au 31 décembre 2017, soit après la date de la décision sur opposition entreprise. Les faits qui ont permis d'arriver à une telle conclusion se sont toutefois produits avant la décision sur opposition attaquée puisque la période en cause a débuté avant 2010. C'est le même complexe de fait qui a permis à J.____ de déterminer la fin du traitement. Il est en outre question du même rapport juridique puisque le litige porte sur le bien-fondé de la prise en charge des prestations de chiropraxie. Enfin, cette prise en charge n'avait été octroyée qu'annuellement et cette prestation en nature ne constitue pas une prestation durable au sens de l'art. 17 LPGA (Margit Moser-Szeless, in Dupont/Moser-Szeless [édit.], Loi sur la partie générale des assurances sociales, Commentaire romand, Bâle 2018, n° 40 ad art. 17 LPA par analogie), de sorte qu'il peut y être mis un terme même de manière rétroactive. En l'espèce, il doit être constaté que le remboursement des prestations litigieuses doit prendre fin au 31 décembre 2017.
5. a) L’intimée fait valoir que le Dr A.E.____ aurait renoncé au paiement de ses factures. Elle soutient aussi ne pas devoir rembourser les factures dont on n'aurait pas la preuve qu’elles avaient été payées auprès du fournisseur de soins.
b) Le Dr A.E.____ a indiqué dans un rapport du 30 septembre 2010 que la décision de l’intimée de suspendre tout remboursement des prestations chiropratiques (pour des motifs de coût, d'efficacité et d'inopportunité) en janvier 2010 n'avait rien changé à sa décision de poursuivre le traitement à la même fréquence. Il ajoutait qu'il avait retenu ses factures pour l'instant car abandonner cette patiente à ce stade aurait été simplement monstrueux. Dans un courrier du 22 novembre 2013, il a rappelé que l'assureur avait interrompu début 2010 tout remboursement excepté douze séances par an et qu'il avait décidé de garder les factures assumant complètement les frais du traitement en cours. Il n'en résulte pas clairement la volonté du Dr A.E.____ de renoncer à tous honoraires dès lors qu'il parle de suspension et d'interruption des remboursements. Il y a lieu d'en déduire que le médecin était d'accord d'assumer temporairement les frais de prise en charge tant que la décision de l'assureur était négative, mais on ne saurait y voir une renonciation définitive, et cela certainement pas si la prise en charge par l'assureur était finalement reconnue. Par conséquent, le moyen de l’intimée selon lequel le Dr A.E.____ aurait renoncé définitivement à facturer ses prestations est mal fondé.
c) L'art. 42 LAMaI règle les modalités de facturation et définit le débiteur de la prestation. Ainsi, sauf convention contraire entre les assureurs et les fournisseurs de prestations, l'assuré est le débiteur de la rémunération envers le fournisseur de prestations. L'assuré a, dans ce cas, le droit d'être remboursé par son assureur (système du tiers garant). En dérogation à l'art. 22 al. 1 LPGA, ce droit peut être cédé au fournisseur de prestations (al. 1). Les assureurs et fournisseurs de prestations peuvent convenir que l'assureur est le débiteur de la rémunération (système du tiers payant), ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Vu le système du tiers garant, c'est bien l'assurée qui doit payer les prestations du fournisseur de soins et est créancière de l'assureur pour le remboursement. S’il existe un risque que l'assuré perçoive de l'assureur le remboursement de factures qu'il ne paie finalement pas auprès du prestataire de soins, le risque de perte en matière de recouvrement fait toutefois partie du risque entrepreneurial du prestataire (Gebhard Eugster, Bundesgestez über die Krankenversicherung [KVG], 2010, n° 2 ad art. 42 LAMal, p. 288 ; Kerstin Noëlle Vokinger/Martin Zobl, in : Blechta/Colatrella/Rüedi/Staffelbach [édit.], Krankenversicherungsgesetz/Krankenversicherungsaufsichtsgesetz, Basler Kommentar, 2020, n° 9 ad art. 42 LAMal ; ATF 117 IV 256 : lorsque l'assuré dispose de la somme remboursée pour ses propres besoins et sans honorer les prestations remboursées, il ne commet pas d'abus de confiance). Il s'ensuit que l’intimée ne s'expose pas à payer deux fois puisque c'est bien la recourante qui est créancière du remboursement et que le fournisseur de soins ne peut pas rechercher l'assureur en paiement.
En conséquence, il importe peu à ce stade de savoir si les factures litigieuses ont été payées ou pas par la recourante.
Il faut en revanche que l'assurée soumette des factures en vue de leur remboursement ; des décomptes ne suffisent pas.
Aux termes de l'art. 42 al. 3 LAMaI, le fournisseur de prestations doit remettre au débiteur de la rémunération une facture détaillée et compréhensible. Il doit aussi lui transmettre toutes les indications nécessaires lui permettant de vérifier le calcul de la rémunération et le caractère économique de la prestation. Les fournisseurs de prestations doivent faire figurer dans la facture au sens de l'al. 3 les diagnostics et les procédures sous forme codée, conformément aux classifications contenues dans l'édition suisse correspondante publiée par le département compétent (art. 42 al. 3bis LAMaI). Les fournisseurs de prestations établissent leurs factures sur la base de tarifs ou de prix (art. 43 LAMaI). L'art. 59 OAMal précise encore les indications que doivent contenir les factures. L'assuré et l'assureur doivent ainsi être en mesure de vérifier le montant des prestations facturées ainsi que leur caractère économique.
En conséquence, seules les factures dûment établies pourront être prises en compte.
6. La recourante a pris une conclusion en paiement chiffrée. En l'état actuel du dossier il n'est toutefois pas possible de se prononcer de manière chiffrée sur ses prétentions.
On rappelle que seule la créance éventuelle de la recourante en remboursement des factures des 27 février 2014, 9 avril 2014, 22 juillet 2014 et 2 septembre 2015 du Dr A.E.____, ainsi que des autres factures de ce médecin postérieures à juin 2015 ne sont pas périmées. Ces factures ne peuvent toutefois pas être admises en entier puisqu'elles portent sur plus que 36 séances par an. Il faut en outre tenir compte des factures déjà remboursées par l’intimée pour des séances auprès du Dr A.E.____ et auprès d'autres chiropraticiens entre 2010 et 2017. Il résulte des pièces au dossier que le nombre suivant de séances de chiropraxie ont d'ores et déjà été remboursées :
Pour l’année 2012 :
1) Les factures du Dr A.V.____ pour les traitements du 30 juillet au 6 août 2012 pour un montant de 224 fr. 40, soit 3 séances.
2) Les factures du Dr S.____ pour les traitements suivants :
- du 4 août 2012 d'un montant de 136 fr. 40, soit 1 séance,
- du 31 décembre 2012 d'un montant de 125 fr. 40, soit 1 séance.
Il y a donc eu une prise en charge de 5 séances pour 2012, de sorte que 31 séances peuvent encore être remboursées.
Pour l’année 2013 :
1) Les factures du Dr A.V.____ pour les traitements suivants :
- du 13 juillet au 23 août 2013 d'un montant de 418 fr., soit 5 séances,
- du 16 décembre 2012 au 23 décembre 2013 d'un montant de 145 fr. 20, soit 2 séances.
2) La facture du Dr RL.____ pour le traitement du 4 août 2013 d'un montant de 112 fr. 20, soit 1 séance.
3) La facture du Dr S.____ pour le traitement du 12 août 2013 d'un montant de 134 fr. 20, soit 1 séance.
4) La facture du Dr TN.____ pour le traitement du 24 novembre 2013 d'un montant de 118 fr. 80, soit 1 séance.
5) La facture de la Dre VS.____ pour le traitement du 25 décembre 2013 d'un montant de 140 fr. 80, soit 1 séance.
6) Les factures de la Dre R.____ pour les traitements des 28 et 29 décembre 2013 d'un montant de 151 fr. 80, soit 2 séances.
Il y a donc eu une prise en charge de 13 séances pour 2013, de sorte que 23 séances peuvent encore être remboursées.
Pour l’année 2014 :
1) Les factures du Dr A.V.____ pour les traitements suivants :
- du 3 janvier 2014 pour un montant de 72 fr. 60, soit 1 séance,
- du 28 juillet au 4 septembre 2014 pour un montant de 541 fr. 20, soit 7 séances,
- du 23 décembre 2014 pour un montant de 96 fr. 80, soit 1 séance,
- du 29 décembre 2014 pour un montant de 96 fr. 80, soit 1 séance.
2) Les factures du Dr S.____ pour les traitements suivants :
- du 1er janvier 2014 d'un montant de 134 fr. 20, soit 1 séance,
- du 25 août 2014 d'un montant de 129 fr. 80, soit 1 séance.
3) La facture de la Dre R.____ pour le traitement du 27 juillet 2014 d’un montant de 92 fr. 40, soit 1 séance.
Il y a donc eu une prise en charge de 13 séances pour 2014, de sorte que 23 séances peuvent encore être remboursées.
Pour l’année 2015 :
1) Les factures du Dr A.V.____ pour les traitements suivants :
- du 9 janvier 2015 pour un montant de 90 fr. 20, soit 1 séance,
- du 13 juillet au 3 août 2015 pour un montant de 398 fr. 20, soit 5 séances.
2) La facture de la Dre B.V.____ pour le traitement du 20 juillet 2015 pour un montant de 72 fr. 60, soit 1 séance.
3) La facture du Dr TN.____ pour le traitement du 4 janvier 2015 d’un montant de 118 fr. 80, soit 1 séance.
Il y a donc eu une prise en charge de 8 séances pour 2015, de sorte que 28 séances peuvent encore être remboursées.
Pour l’année 2016 :
1) Les factures du Dr S.____ pour les traitements suivants :
- du 1er janvier 2016 pour un montant de 127 fr. 60, soit 1 séance,
- du 31 décembre 2016 pour un montant de 144 fr. 90, soit 1 séance.
2) La facture du Dr TN.____ pour le traitement du 5 mars 2016 d'un montant de 118 fr. 80, soit 1 séance.
3) Les factures du Dr A.E.____ pour les traitements suivants :
- du 10 juin 2016 au 5 juillet 2016 pour un montant de 202 fr. 40, soit 2 séances,
- du 26 au 29 juillet 2016 d'un montant de 198 fr., soit 2 séances,
- du 11 au 18 novembre 2016 pour un montant de 338 fr. 10, soit 3 séances.
4) Les factures du Dr A.V.____ pour les traitements suivants :
- du 2 au 29 août 2016 pour un montant de 347 fr. 30, soit 4 séances,
- du 14 au 24 octobre 2016 pour un montant de 253 fr., soit 3 séances,
- du 6 juin au 7 juillet 2016 pour un montant de 367 fr. 40, soit 5 séances,
- du 27 au 30 décembre 2016 pour un montant de 213 fr. 90, soit 2 séances.
5) La facture de la Dre R.____ pour le traitement du 31 juillet 2016 d'un montant de 131 fr. 10, soit 1 séance.
6) La facture de la Dre VS.____ pour le traitement du 13 novembre 2016 d'un montant de 151 fr. 80, soit 1 séance.
Il y a donc eu une prise en charge de 26 séances pour 2016, de sorte que 10 séances peuvent encore être remboursées.
Pour l’année 2017 :
1) Les factures du Dr A.V.____ pour les traitements suivants :
- du 3 au 6 janvier 2017 pour un montant de 158 fr. 40, soit 2 séances,
- du 9 au 27 mars 2017 pour un montant de 196 fr. 80, soit 2 séances,
- du 13 avril 2017 pour un montant de 105 fr. 60, soit 1 séance,
- du 26 mai 2017 pour un montant de 105 fr. 60, soit 1 séance.
Il y a donc eu une prise en charge de 6 séances pour 2017, de sorte que 30 séances peuvent encore être remboursées.
On ignore en revanche quelles sont les factures qui ont d'ores et déjà été remboursées en 2010 et 2011 et ainsi le nombre de séances qui ont déjà été remboursées à la recourante. La Cour de céans n'est donc pas en mesure de chiffrer les montants qui sont dus à la recourante. Il appartiendra à l’intimée d'établir un décompte et de déterminer la somme à verser selon les indications suivantes.
1) La facture du 27 février 2014 du Dr A.E.____ porte sur des prestations délivrées entre le 8 février 2010 et le 25 février 2014. Il s'agit donc d'analyser la situation de manière annuelle, à savoir :
- Pour 2010 et 2011, il y a lieu de relever le nombre de séances de chiropraxie déjà prises en charge par an et de rembourser celles du Dr A.E.____ jusqu'à concurrence de 36 séances par an en tenant compte de celles déjà acquittées. Pour 2010, la décision ayant été rendue le 27 août 2010, si le nombre de séances rendues antérieurement atteignait déjà 36 séances, la recourante n'aura droit à aucun remboursement supplémentaire ; si la recourante a obtenu le remboursement de plus de 36 séances avant le 27 août 2010, ces remboursements lui seront acquis puisque la limite n'a pas d'effet rétroactif mais elle ne pourra plus obtenir de prise en charge supplémentaire. Pour 2011, si par exemple l'assureur a déjà payé 36 séances, aucune séance supplémentaire ne sera acquittée pour cette année. Autre exemple : si 20 séances ont déjà été remboursées en 2011, seules 16 séances du Dr A.E.____ pourront être remboursées. On procédera alors par ordre d'ancienneté des prestations pour déterminer quelles séances du Dr A.E.____ devront être remboursées ; ainsi, dans l'exemple précité, les 16 premières séances de 2011 devraient être acquittées.
- Pour 2012, il existe la possibilité de rembourser encore 31 séances comme on l'a vu plus haut, de sorte que les séances entre le 2 janvier 2012 et le 16 mars 2012 pourront être remboursées.
- Pour 2013, il existe la possibilité de rembourser encore 23 séances comme on l'a vu plus haut, de sorte que les séances entre le 4 janvier 2013 et le 25 février 2013 pourront être remboursées.
- Pour 2014, il existe la possibilité de rembourser encore 23 séances comme on l'a vu plus haut, de sorte que les séances entre le 7 janvier 2014 et le 25 février 2014, à savoir 15 séances, pourront être remboursées. Il restera un crédit pour 8 séances supplémentaire en 2014.
2) La facture du 9 avril 2014, du Dr A.E.____ porte sur des prestations délivrées entre le 28 février 2014 et le 8 avril 2014. Il existe la possibilité de rembourser encore 8 séances comme on l'a vu plus haut, de sorte que les séances entre le 28 février 2014 et le 25 mars 2014 pourront être remboursées.
3) La facture du 22 juillet 2014 du Dr A.E.____ porte sur des prestations délivrées entre le 11 avril 2014 et le 18 juillet 2014 et ne pourront pas être remboursées dès lors qu'elles sortent du quota annuel.
4) La facture du 2 septembre 2015 du Dr A.E.____ porte sur des prestations délivrées entre le 22 juillet 2014 et le 22 juin 2015. Il existe la possibilité de rembourser encore 28 séances en 2015 comme on l'a vu plus haut, de sorte que les séances entre le 6 janvier 2015 et le 10 avril 2015 pourront être remboursées, étant rappelé que le quota pour 2014 est déjà épuisé.
5) Les factures du Dr A.E.____ pour la période du 26 juin au 16 octobre 2015, celle du 16 novembre 2015 pour la période du 20 octobre au 23 octobre 2015, celle du 14 décembre 2015 pour la période du 28 octobre au 20 novembre 2015, celle du 10 décembre 2015 pour la séance du 6 novembre 2015 et celle du 11 janvier 2016 portant sur la période du 24 novembre au 23 décembre 2015 ne pourront pas être prises en charge, vu l'épuisement du quota pour cette année.
6) La facture du Dr A.E.____ du 12 mai 2017 pour la période du 4 octobre au 23 décembre 2016 : il existe la possibilité de rembourser encore 10 séances comme on l'a vu plus haut, de sorte que seules les séances entre le 4 octobre et le 8 novembre 2016 pourront être remboursées.
7) La facture du Dr A.E.____ du 12 mai 2017 pour la période du 10 au 31 janvier 2017 : il existe la possibilité de rembourser encore 30 séances comme on l'a vu plus haut, de sorte que les 7 séances entre le 10 janvier 2017 et le 31 janvier 2017 pourront être remboursées. Il reste 23 séances en crédit.
8) La facture du 8 mars 2017 du Dr A.E.____ portant sur la période du 3 février au 7 mars 2017 : il existe la possibilité de rembourser encore 23 séances comme on l'a vu plus haut, de sorte que les 9 séances de cette facture pourront être remboursées et il reste un quota de 14 séances.
9) La facture du 23 mars 2017 du Dr A.E.____ portant sur la période du 3 au 24 mars 2017 : il existe la possibilité de rembourser encore 14 séances comme on l'a vu plus haut, de sorte que les 6 séances de cette facture pourront être remboursées et il reste un crédit de 8 séances.
10) La facture du 5 mai 2017 du Dr A.E.____ portant sur la période du 28 mars au 5 mai 2017 : iI existe la possibilité de rembourser encore 8 séances comme on l'a vu plus haut, de sorte que les séances du 28 mars au 28 avril 2017 peuvent être remboursées, le solde dépassant la limite admise.
11) Les factures du 16 juin 2017 du Dr A.E.____ portant sur les traitements du 9 mai au 13 juin 2017, du 10 juillet 2017 sur la période du 16 juin au 10 juillet 2017, du 4 août 2017 sur la période du 14 au 21 juillet 2017, du 20 septembre 2017 sur la période du 14 août au 19 septembre 2017 et celle du 18 octobre 2017 sur la période du 1 er septembre au 16 octobre 2017 ne peuvent pas être remboursées car elles sont au-delà du quota octroyé.
Le recours devra donc être admis partiellement et la décision réformée en ce sens que la recourante a droit au remboursement de ses traitements de chiropraxie à concurrence de 36 séances par an depuis le 27 août 2010 jusqu'au 31 décembre 2017. La cause sera renvoyée à l’intimée pour calcul des prétentions dans le sens qui précède.
7. Le dossier est complet. Il permet ainsi à la Cour de céans de statuer en pleine connaissance de cause. Il n'y a pas lieu de donner suite à la mesure d'instruction requise par la recourante, à savoir l'audition de témoins en les personnes du Dr A.E.____ et du Dr F.____. En effet, une telle mesure d'instruction ne serait pas de nature à modifier les considérations qui précèdent, les faits pertinents sur le plan médical ayant pu être constatés à satisfaction de droit dans le cadre de l'expertise judiciaire mise en œuvre et ayant pu être librement appréciés par la présente juridiction (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3 ; ATF 141 I 60 consid. 3.3).
8. a) La recourante invoque la protection de sa bonne foi et rappelle le devoir de renseignement de l'assureur au sens de l'art. 27 LPGA en reprochant à l’intimée de ne pas lui avoir indiqué qu'elle devait requérir le remboursement de toutes ses factures même si certaines étaient en l'état refusées car dépassant la limite octroyée.
b) Sous réserve de l'art. 9 qui ne trouve pas application en l'espèce, la LAMaI ne contient pas de disposition spécifique régissant le devoir d'information des organes d'application, de telle sorte qu'il convient de se référer à l'art. 27 LPGA.
Aux termes de cette disposition, les assureurs et les organes d'exécution des diverses assurances sociales sont tenus, dans les limites de leur domaine de compétence, de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1). Outre cette obligation d'information générale, l'alinéa 2 prévoit également que chacun a le droit d'être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations, les assureurs à l'égard desquels les intéressés doivent faire valoir leurs droits ou remplir leurs obligations étant compétents à cet égard.
Ce devoir de conseil de l'assureur social comprend l'obligation de rendre la personne intéressée attentive au fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l'une des conditions du droit aux prestations (ATF 131 V 472 consid. 4.3).
Les conseils ou renseignements portent sur les faits que la personne qui a besoin des conseils doit connaître pour pouvoir correctement user de ses droits et obligations dans une situation concrète face à l'assureur-maladie (Gebhard Eugster, ATSG und Krankenversicherung : Streifzug durch Art. 1-55 ATSG, RSAS 2003 p. 226 ; du même auteur, Krankenversicherung, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3e éd., Bâle 2016, n° 1528 ss p. 863). Le devoir de conseil s'étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique (TF K 7/06 du 12 janvier 2007 consid. 3.3, in SVR 2007 KV n° 14 p. 53 et la référence). Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l'assuré, telle qu'elle est reconnaissable pour l'administration (Ulrich Meyer, Grundlagen, Begriff und Grenzen der Beratungspflicht der Sozialversicherungstrager nach Art. 27 Abs. 2 ATSG, in Sozialversicherungsrechtstagung, 2006, n° 35, p. 27).
Le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l'assureur, est assimilé à une déclaration erronée de sa part qui peut, à certaines conditions, obliger l'autorité à consentir à un administré un avantage auquel il n'aurait pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de l'art. 9 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101) (ATF 131 V 472 consid. 5).
D'après la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (a) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement (« ohne weiteres ») de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour (d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et (e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 131 II 627 consid. 6.1 et les références citées). Ces principes s'appliquent par analogie au défaut de renseignement, la condition (c) devant toutefois être formulée de la façon suivante : que l'administré n'ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu'il n'avait pas à s'attendre à une autre information (ATF 131 V 472 consid. 5 ; TF 9C_753/2016 du 3 avril 2017 consid. 6.1).
c) En l'espèce, la décision du 27 août 2010 de l’intimée indique clairement que le traitement est admis à raison de 36 séances par année (chiropraxie et physiothérapie comprises). La recourante ne peut donc pas se prévaloir de sa bonne foi ni reprocher à l’intimée de ne pas l'avoir informée de cette limite. Elle a ainsi poursuivi sa consommation médicale intensive en connaissance de cause. Elle ne saurait tenir l’intimée pour responsable du fait qu'elle n'a pas transmis toutes les factures au fur et à mesure et soutenir qu'elle ignorait qu'elle devait les transmettre à l’intimée pendant la procédure d'opposition malgré la décision initiale refusant la prise en charge à la fréquence requise. On voit en effet qu'elle a transmis certaines factures qui ont été remboursées et qu'elle n'a pas présenté d'autres factures alors que la limite de séances indiquée dans la décision de 2010 n'était pas atteinte de sorte qu'il lui était largement loisible de déposer d'autres factures, qui lui auraient été remboursées à concurrence de la limite fixée à 36 séances par an. Les factures dépassant ce quota auraient pu être enregistrées mais n'auraient pas pu être prises en compte en définitive. Ce moyen est donc mal fondé.
9. La recourante se plaint de ce que l’intimée ne lui a pas transmis le dossier malgré plusieurs demandes.
La jurisprudence relative à l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; ATF 129 II 504 consid. 2.2 ; ATF 127 I 56 consid. 2b ; ATF 127 III 578 consid. 2c ; ATF 126 V 130 consid. 2a) a déduit du droit d'être entendu, en particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 132 V 368 consid. 3.1 ; ATF 126 I 15 consid. 2a/aa ; ATF 124 V 180 consid. 1a et les références).
Dans le contexte des expertises, le droit d'être entendu comprend notamment le droit de prendre connaissance du contenu de l'expertise et de poser des questions complémentaires à l'expert, l'administration ou le tribunal pouvant renoncer à ce que l'expert réponde aux questions complémentaires si aucun élément nouveau n'est à en attendre (appréciation anticipée des preuves ; ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATF 125 I 127 consid. 6c/cc in fine ; 124 V 94 consid. 4b ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; ATF 122 III 219 consid. 3c ; SVR 2014 UV n° 32 p. 106 ; TF 8C_834/2013 du 18 juillet 2014 consid. 5.1).
Conformément à l'art. 42, deuxième phrase, LPGA, les parties n'ont pas besoin d'être entendues avant les décisions qui peuvent être attaquées par voie d'opposition. Toutefois, au plus tard dans la procédure d'opposition, l'administration doit respecter les principes généraux du droit d'être entendu et, par conséquent, permettre à la personne assurée ou à son représentant de consulter le dossier sur lequel elle fonde sa décision sur opposition (ATF 132 V 387 consid. 4.1).
Selon la jurisprudence, la violation du droit d'être entendu pour autant qu'elle ne soit pas d'une gravité particulière est réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Au demeurant, la réparation d’un vice éventuel ne doit avoir lieu qu'exceptionnellement (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa ; ATF 126 I 68 consid. 2 ; ATF 126 V 130 consid. 2b et les références).
En l'espèce, il est constant que la recourante a vainement tenté d'obtenir le dossier pour consultation pendant la procédure d'opposition à plusieurs reprises (courriers des 23 novembre 2012 et 4 novembre 2015, recours du 20 février 2017, ainsi que courriers des 4 mai 2017, 18 mai 2017 et 21 juin 2017). Pendant toute la procédure d'opposition qui a duré sept ans, l’intimée n'a, de manière incompréhensible, jamais donné suite à ces nombreuses demandes, ce qui est d'ores et déjà constitutif d'une violation importante du droit d'être entendu de l'assurée. On relève que la décision attaquée repose sur une expertise du Dr F.____ qui n'a jamais été portée à la connaissance de la recourante et sur laquelle elle n'a ainsi jamais pu faire valoir ses moyens dans le cadre de la procédure d'opposition.
On rappelle en outre que la recourante avait déposé un précédent recours pour violation du droit d'être entendu et déni de justice par acte du 20 février 2017 et que, dans le délai de réponse, l’intimée avait produit une décision sur opposition sans produire le dossier malgré l'invitation du juge à produire le dossier avec ses déterminations, de sorte que la recourante n'en avait toujours pas pris connaissance lorsqu'elle a déposé le présent recours.
Dans le cadre de la présente procédure de recours, à la demande du juge instructeur, l’intimée a à nouveau été invitée à produire le dossier complet de l'assurée par courrier du 13 septembre 2017. Dans un courrier du 8 mars 2018, le juge instructeur constatait que l’intimée n'avait toutefois produit qu'une sélection de pièces, sans le préciser, ce qui n'était pas admissible. Il indiquait que si l’intimée estimait que des motifs d'économie de procédure justifiaient de ne produire qu'une partie du dossier en raison de son volume, il lui appartenait de le préciser clairement d'emblée. Compte tenu de l'indication de l’intimée selon laquelle le dossier était très volumineux, le juge instructeur avait renoncé à la production de l'intégralité du dossier mais avait requis de l’intimée qu'elle complète le dossier, ce qu'elle a fait en déposant quelques pièces supplémentaires. A ce stade, la Cour de céans et la recourante étaient légitimées à considérer que toutes les pièces utiles pour statuer sur les prétentions de la recourante avaient été versées au dossier.
Or tel n'était pas le cas. En effet, lorsque le juge instructeur a voulu mettre en œuvre une expertise auprès du Dr Y.____, celui-ci a refusé le mandat en indiquant avoir déjà procédé à une expertise dans ce dossier. Cependant aucun rapport de cet expert ne figurait au dossier produit par l’intimée ; celle-ci avait pourtant été interpellée avant la mise en œuvre de cette expertise et avait répondu qu'elle avait approché ce médecin non pas directement au sujet de la recourante mais quant au mode de facturation du Dr A.E.____ plusieurs années auparavant. Il s'est avéré que non seulement l’intimée disposait d'un rapport d'expertise de la présente situation établi par ce médecin et n'avait pas produit cette pièce importante du dossier, mais qu'en plus lorsqu'elle a été interpellée par le juge instructeur lors de la mise en œuvre du Dr Y.____, elle n'a pas indiqué qu'elle l'avait déjà mandaté dans le cadre de la procédure d'opposition. On ajoute que l’intimée a requis l'expertise du Dr Y.____ sans en informer la recourante, qui n'a pas été vue par l'expert, ni n'a eu connaissance de son rapport. Cette succession de violations du droit d'être entendu de la recourante est tout à fait inadmissible et doit être qualifiée de crasse.
Une telle violation du droit d'être entendu justifierait une annulation de la décision sur opposition sans même entrer en matière sur le fond. Cependant l'instruction de la procédure de recours était déjà avancée et la Cour était déjà entrée en matière sur le fond en rendant un arrêt préjudiciel lorsque les faits constitutifs de la violation crasse du droit d'être entendu de la recourante ont été portés à la connaissance de la Cour. Il se justifie en conséquence, par économie de procédure, de considérer que la violation du droit d’être entendu a été réparée. Il a donc été décidé de statuer sur le recours, la recourante ayant eu l'occasion de s'exprimer sur toutes les pièces au dossier, en particulier sur tous les rapports d'expertise la concernant devant la Cour des assurances sociales qui jouit d’un plein pouvoir d’examen.
Cela étant, le principe de causalité veut que les frais inutiles soient payés par celui qui les a occasionnés (ATF 125 V 373 consid. 2b ; SVR 2018 IV n° 89 p. 263 ; TF 8C_304/2018 du 6 juillet 2018 consid. 4.3.2). Cela peut notamment justifier une indemnité de partie à la charge de l'institution d'assurance ou de l'organe d'exécution qui a obtenu gain de cause (SVR 2010 IV n° 40 p. 126 ; TF 9C_1000/2009 du 6 janvier 2010 consid. 2.2 ; TFA C 56/03 du 20 août 2003 consid. 3.1 et les références citées). Ce principe général du droit, selon lequel la partie qui a causé les frais de la procédure doit les assumer, s'applique également en cas de violation du droit d'être entendu (TF 8C_738/2014 du 15 janvier 2015 consid. 7 ; TF 8C_672/2020 du 15 avril 2021 consid. 5.2). Ce qui est déterminant pour les conséquences financières, c'est que la partie n'ait pas à supporter des frais qu'elle n'aurait pas eus si le droit d'être entendu n'avait pas été violé (TF 8C_843/2014 du 18 mars 2015 consid. 11).
En l'espèce, la recourante n'a pas pu accéder à son dossier durant toute la phase de l'opposition ; elle a dû déposer un recours pour pouvoir consulter son dossier. Néanmoins, de manière contraire aux injonctions de l'autorité de céans et à l'art. 81 al. 2 LPA-VD, l’intimée n'a pas produit l'intégralité du dossier, ni toutes les pièces utiles. La recourante n'a ainsi pas eu connaissance de toutes les pièces déterminantes dans le cadre de l'échange des écritures dans la présente procédure de recours puisque l'expertise du Dr Y.____ n'a été produite que lors de la mise en œuvre de l'expertise judiciaire. Il s'ensuit que le recours et les écritures subséquentes ont été utiles pour connaître les pièces constituant le fondement de la décision sur opposition et afin de pouvoir l'attaquer en toute connaissance de cause. Ce n'est par conséquent qu'en mars 2021 que la recourante a eu connaissance de l'ensemble du dossier établi par l’intimée et qu'elle a pu faire valoir ses moyens ; vu le stade de la procédure de recours à ce moment-là et le contenu de l'expertise Y.____, il était compréhensible qu'elle maintienne son recours. Si son droit d'être entendu n'avait pas été violé, elle aurait pu se déterminer dans le cadre de la procédure d'opposition sur l'ensemble des pièces médicales au dossier, en particulier les expertises du Dr F.____, et en se prévalant des constatations du Dr Y.____ ; l’intimée aurait ainsi dû se positionner sur ses griefs, notamment sur ceux relatifs au fait que l'expertise Y.____ n'apparaît nullement dans la décision sur opposition et ne semble donc pas avoir été prise en considération. Le manque de transparence de l’intimée a certes largement incité la recourante à agir devant l'autorité de céans. On peut même affirmer que son obstruction à laisser la recourante accéder à son dossier n'a pas laissé d'autre choix à cette dernière de procéder par la voie du recours et à confier l'instruction de la cause à la Cour de céans. Cette situation justifie l'allocation d'une indemnité à titre de pleins dépens à la recourante, quand bien même celle-ci n'obtient pas gain de cause sur l'ensemble de ses conclusions. Pour la fixation de leur montant, il convient de tenir compte de 30 heures raisonnablement consacrées au litige au tarif horaire de 250 fr., soit 7'500 fr., montant auquel il y a lieu d’ajouter des débours forfaitaires et la TVA (art. 10 et 11 TFJDA [tarif du 28 avril 2015 des frais judiciaires et des dépens en matière administrative ; BLV 173.36.5.1]), ce qui conduit à fixer l’indemnité de dépens au montant arrondi de 8'500 francs.
10. Sous réserve des exigences définies à l'art. 61 let a à i LPGA, la procédure devant le tribunal cantonal des assurances est régie par le droit cantonal et les principes généraux de procédure. Conformément à l'art. 61 let. f bis LPGA, la procédure est soumise à des frais judiciaires si la loi spéciale le prévoit, si la loi spéciale ne prévoit pas de frais judiciaires pour de tels litiges, le tribunal peut en mettre à la charge de la partie qui agit de manière téméraire ou fait preuve de légèreté.
Dans une jurisprudence constante, le Tribunal fédéral a indiqué que les frais qui découlaient de la mise en œuvre d'une expertise médicale judiciaire mono-, biou pluridisciplinaire pouvaient le cas échéant être mis à la charge d'un assureur social. En effet, lorsque l'autorité judiciaire de première instance décidait de confier la
réalisation d'une expertise judiciaire pluridisciplinaire à un ou plusieurs experts ou à un centre d'expertise parce qu'elle estimait que l'instruction menée par l'autorité administrative était insuffisante (au sens du consid. 4.4.1.4 de I'ATF 137 V 210), elle intervenait dans les faits en lieu et place de l'autorité administrative qui aurait dû, en principe, mettre en œuvre cette mesure d'instruction dans le cadre de la procédure administrative. Dans ces conditions, les frais de l'expertise ne constituaient pas des frais de justice, mais des frais relatifs à la procédure administrative au sens de l'art. 45 LPGA qui devaient être pris en charge par l'assureur social (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Le Tribunal fédéral a précisé par la suite que cette règle ne devait pas entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore fallait-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il devait exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 139 V 496 consid. 4 ; TF 9C_781/2013 du 28 janvier 2014 consid. 3.2 et 4.2 sur l'application en matière d'assurance maladie).
En l'espèce, l'instruction telle qu'elle résultait du dossier transmis par l’intimée au début de la procédure de recours apparaissait des plus lacunaires et insatisfaisantes. Les expertises du Dr F.____ datant de 2010 et 2011 n'étaient pas suffisantes pour se prononcer et aucun renseignement médical n'a été requis entre 2013 et 2017, ni même aucune mesure d'instruction n'a été ordonnée pendant cette longue période, sous réserve de l'expertise Y.____ en 2016 mais dont on a appris l'existence qu'au moment de mettre en œuvre l'expertise judiciaire en mars 2021. Cette expertise n'était au demeurant pas suffisamment probante pour les motifs indiqués plus haut. En outre, en tant que partie à la présente procédure, comme il a été constaté plus haut, l’intimée a agi avec légèreté, voir témérairement. C'est donc en raison de ces lacunes et insuffisances caractérisées qu'une expertise judiciaire a dû être réalisée afin de pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. Il se justifie ainsi de mettre les frais des expertises judiciaires, par 11'990 fr. (soit 8'990 fr. pour J.____ et 3'000 fr. pour le Dr CS.____), à la charge de l’intimée.
Celle-ci devra par ailleurs verser à la recourante une indemnité de 200 fr. pour les frais de déplacement pour l’expertise judiciaire.
L’arrêt est rendu sans frais.
Par ces motifs,
la Cour des assurances sociales
prononce :
I. Le recours est admis partiellement.
II. La décision rendue le 27 juillet 2017 par N.____ est réformée, en ce sens que D.____ a droit au remboursement de ses traitements de chiropraxie à concurrence de trente-six séances par an depuis le 27 août 2010 jusqu’au 31 décembre 2017.
III. La cause est renvoyée à N.____ pour calcul du montant des prétentions dans le sens des considérants.
IV. Les frais d’expertises judiciaires, arrêtés à 11'900 fr. (onze mille neuf cents francs), sont mis à la charge de N.____, l’arrêt étant rendu sans frais.
V. N.____ versera à D.____ une indemnité de 8'700 fr. (huit mille sept cents francs) à titre de dépens, soit 8'500 fr. (huit mille cinq cents francs) au titre de participation aux honoraires de son mandataire et 200 fr. (deux cents francs) au titre de frais de déplacement pour l’expertise judiciaire.
La présidente : La greffière :
Du
L'arrêt qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié à :
Me Gilles-Antoine Hofstetter (pour la recourante),
N.____,
- Office fédéral de la santé publique,
par l'envoi de photocopies.
Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral au sens des art. 82 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF).
La greffière :
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
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