Zusammenfassung des Urteils 2012/360: Kantonsgericht
Die Assurée, eine schweizerisch-türkische Staatsangehörige, leidet an Hirnschäden aufgrund von Geburtskomplikationen und lebt seit 1983 in der Schweiz in einer Institution. Nachdem sie 1997 unter Vormundschaft gestellt wurde, hat sie ihren Lebensmittelpunkt in der Schweiz. Es wurde überprüft, ob sie die rechtlichen Anforderungen erfüllt, um einen freiwilligen Wohnsitz in der Schweiz zu begründen. Ein Gerichtsurteil entschied, dass sie dazu fähig ist und ihren Lebensmittelpunkt in der Schweiz hat. Die Kosten des Gerichtsverfahrens wurden festgelegt.
Kanton: | VD |
Fallnummer: | 2012/360 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: | Sozialversicherungsgericht |
Datum: | 24.04.2012 |
Rechtskraft: | - |
Leitsatz/Stichwort: | - |
Schlagwörter : | Suisse; écis; Intention; établi; écision; éral; éside; éjour; élé; édéral; él établissement; Assurée; Expertisée; Turquie; Assurance; érent; éléments; érêt; érêts; érente; érivé; établir |
Rechtsnorm: | Art. 100 BGG;Art. 13 SchKG;Art. 16 ZGB;Art. 23 ZGB;Art. 25 ZGB;Art. 26 ZGB;Art. 376 ZGB;Art. 377 ZGB;Art. 85 LDIP;Art. 95a AHVG; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: | -, Basler Kommentar , Art. 25, 2002 -, ATSG-, Art. 13 ATSG, 2009 Spühler, Basler Kommentar zur ZPO, Art. 321 ZPO ; Art. 311 ZPO, 2017 |
TRIBUNAL CANTONAL | AVS 35/09 - 22/2012 ZC09.024447 |
COUR DES ASSURANCES SOCIALES
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Arrêt du 24 avril 2012
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Présidence de M. Jomini
Juges : M. Piguet, juge suppléant, et M. Zbinden, assesseur
Greffier : M. Simon
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Cause pendante entre :
D.__, à Mollie-Margot (commune de Savigny), recourante, représentée par Me Jean-Louis Duc, avocat, à Château-d'Oex, |
et
Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, à Clarens, intimée, et OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITE POUR LE CANTON DE VAUD, à Vevey, intimé. |
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Art. 13 al. 1 LPGA; art. 16 et 23 al. 1 CC
E n f a i t :
A. D.__ (ci-après: l'assurée), ressortissante suisse d’origine turque née en 1964, est arrivée en Suisse au mois de décembre 1983 au bénéfice d’un permis B (séjour temporaire pour raison de santé). Souffrant de lésions cérébrales séquellaires d’une anoxie périnatale liée à des complications obstétricales au moment de sa naissance, elle a résidé depuis lors au sein de l’institution P.__ à Mollie-Margot; elle retourne en Turquie seulement pour y passer des vacances dans sa famille. Le 8 avril 1997, la Justice de Paix du cercle de Lutry a prononcé son interdiction et lui a désigné un tuteur en la personne de Me Jean-Louis Duc. Elle a obtenu la nationalité suisse en 2009.
B. a) Le 1er décembre 2000, le tuteur de l'assurée a demandé à la Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS (ci-après: la CCVD) de procéder à l’affiliation de sa pupille comme personne sans activité lucrative, ce que la CCVD a fait avec effet au 1er janvier 1995 (en application d’une prescription de cinq ans).
b) Le 21 décembre 2000, l'assurée a présenté auprès de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'OAI) une demande d’allocation pour impotent. Considérant que l’intéressée n’était pas domiciliée en Suisse, pays qui avait été choisi par ses parents uniquement en raison de l’invalidité de leur enfant et que la tutelle instituée en Suisse n’était pas déterminante à cet égard, l’OAl a, par décision du 18 juillet 2001, rejeté la demande de prestations. Cette décision a été confirmée par jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 3 février 2003 et par arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 18 juin 2004 (cause I 270/03; ATF 130 V 404). Ce dernier a notamment retenu ce qui suit (consid. 7):
"En l’espèce, la recourante séjourne en Suisse depuis le 9 décembre 1983, date à laquelle ses parents l’ont placée en institution en raison de son état de santé. Du moment que l’intéressée n’est pas entrée de son plein gré dans l’établissement, la présomption que le séjour ne constitue pas un domicile (art. 26 CC) ne peut pas être renversée [...]. C’est seulement depuis la mise sous tutelle de la recourante en 1997 que l’on peut admettre l’existence d’un domicile en Suisse, sous la forme d’un domicile dérivé, au siège de l’autorité tutélaire (art. 25 al. 2 CC). Dans la mesure où, par ailleurs, l’intéressée n’a pas quitté depuis lors le lieu du domicile dérivé, la constitution d’un domicile volontaire au sens de l’art. 23 al. 1 CC doit être niée.
Faute de s’être constitué un domicile volontaire en Suisse, la recourante ne saurait prétendre une rente extraordinaire d’invalidité ni une allocation pour impotent [...]".
C. a) Se prévalant de l’art. 13 al. 1 LPGA (loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales, RS 830.1), entré en vigueur le 1er janvier 2003, qui stipule que le domicile d’une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 CC (code civil suisse du 10 décembre 1907, RS 210), l'assurée a sollicité le 22 août 2004 le réexamen de son droit à des prestations de l’assurance-invalidité. Considérant que cette modification ne modifiait en rien la jurisprudence développée jusqu’à ce jour par le Tribunal fédéral des assurances concernant la notion de domicile, l’OAl a, par décision du 22 mars 2005, confirmée sur opposition le 25 avril suivant, rejeté la demande de prestations.
b) A la suite de l’arrêt rendu par le Tribunal fédéral des assurances le 18 juin 2004, la CCVD a consulté l’Office fédéral des assurances sociales (ci-après: l'OFAS) sur la question de l’affiliation de l'assurée à I’AVS. Par lettre du 12 mai 2005, celui-ci a invité la CCVD à annuler avec effet rétroactif son affiliation et à lui restituer les cotisations versées. Par décision du 1er juillet 2005, confirmée sur opposition le 22 juillet suivant, la CCVD a statué dans le sens proposé par l’OFAS.
c) Par actes des 26 avril 2005 (cause Al 91/05) et 31 juillet 2005 (cause AVS 25/05), l'assurée, représentée par son tuteur, a recouru contre les décisions de l’OAl du 25 avril 2005 et de la CCVD du 22 juillet 2005, en concluant, d’une part, à l’octroi d’une rente extraordinaire de l’assurance-invalidité et d’une allocation pour impotent et, d’autre part, au maintien de son affiliation à l’AVS. Après que les causes eurent été jointes le 25 octobre 2005, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a, par jugement du 26 octobre 2007, rejeté les recours et confirmé les décisions attaquées. Il a considéré que c’était en vain que l'assurée tentait de démontrer que les considérants de l’arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 18 juin 2004 étaient dépassés par l’introduction de l’art. 13 LPGA. Au contraire, le raisonnement de la juridiction fédérale demeurait pleinement valable pour la période postérieure au 1er janvier 2003. Comme l’avait retenu à l’époque le Tribunal fédéral des assurances, l'assurée ne disposait pas d’un domicile volontaire en Suisse au sens de la loi. Les conditions légales à son affiliation à l’AVS et à l’octroi de prestations de l’assurance-invalidité n’étaient ainsi pas réalisées. C’était dès lors à juste titre que la CCVD avait radié rétroactivement au 1er janvier 1995 l’affiliation de la recourante à I’AVS en qualité de personne sans activité lucrative et que l’OAl avait refusé d’octroyer à l’intéressée une rente extraordinaire et une allocation pour impotent.
d) Par arrêt du 10 juin 2009 (ATF 135 V 249), le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours en matière de droit public formé par l'assurée. Il a annulé le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 26 octobre 2007 et lui a renvoyé la cause « afin qu’il se prononce et rende un nouveau jugement dans le sens des considérants ». Le Tribunal fédéral a considéré ce qui suit:
"4.2 Selon son texte clair, l'art. 13 al. 1 LPGA ne renvoie pas seulement à la notion de domicile au sens du code civil (comme le faisait l'art. 95a aLAVS en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002) mais expressément aux art. 23 à 26 CC. Interprété selon son sens littéral, l'art. 13 al. 1 LPGA inclut dès lors la notion de domicile dérivé au sens de l'art. 25 al. 2 CC. Il convient d'examiner s'il existe des raisons objectives permettant de penser que l'art. 13 al. 1 LPGA ne restitue pas le sens véritable de la norme en cause.
4.3 Selon une jurisprudence constante résumée et analysée dans l'arrêt I 270/03 (cf. consid. 3.1 ci-dessus), la notion de domicile comme condition nécessaire à l'octroi de prestations de l'assurance sociale suisse a toujours été interprétée de manière restrictive, excluant la notion de domicile dérivé au sens de l'art. 25 al. 2 CC. Les travaux préparatoires n'offrent aucune indication sur une éventuelle volonté du législateur de changer cette conception. Dans la mesure où les chambres fédérales ont adopté l'art. 13 al. 1 LPGA sans discussions, on peut donc penser que le législateur entendait maintenir la notion de domicile développée sous l'ancien droit (cf. l'art. 95a LAVS), à savoir le domicile volontaire au sens de l'art. 23 CC, à l'exclusion du domicile dérivé selon l'art. 25 al. 2 CC.
4.4 Cette pratique découle en outre du système de la loi. La législation en matière d'assurance sociale rattache l'assujettissement à un système d'assurance sociale ainsi que le droit d'obtenir, à certaines conditions, des prestations en vertu d'un tel système à la notion de domicile. Celle-ci, comme la notion d'activité lucrative, a dès lors une importance cruciale en matière de droit des assurances sociales, raison pour laquelle la LPGA lui a consacré une disposition spécifique (cf. UELI KIESER, ATSG-Kommentar, 2009, n° 2 ad art. 13 LPGA). Selon le système de la loi, une personne n'a par conséquent pas déjà droit à des prestations d'assurance sociale du seul fait qu'elle séjourne en Suisse, notamment dans le but de s'y faire soigner. Cela ne vaut d'ailleurs pas seulement en Suisse mais dans tous les pays, ainsi que dans les rapports internationaux. En particulier, le droit des ressortissants turcs à une allocation pour impotent ou à une rente extraordinaire selon le droit suisse est soumis à l'exigence d'un domicile en Suisse (cf. art. 3, 8 et 11 de la Convention de sécurité sociale du 1er mai 1969 entre la Suisse et la République de Turquie; RS 0.831.109.763.1). En principe, la mise sous tutelle ne crée pas un domicile au siège de l'autorité tutélaire mais c'est l'inverse qui découle de la loi. L'art. 376 al. 1 CC prévoit en effet que le for tutélaire est celui du domicile du mineur ou de l'interdit. Le domicile au for de l'autorité tutélaire selon l'art. 25 al. 2 CC n'a une portée propre que si le pupille reste au lieu où il avait son domicile au moment de la mise sous tutelle, sous réserve d'un changement de domicile au sens de l'art. 377 CC (DANIEL STAEHELIN, Basler Kommentar, 2002, n° 13 s. ad art. 25 CC). Le domicile dérivé au siège de l'autorité tutélaire ne fonde dès lors pas un domicile s'il n'en existait pas déjà un avant la mise sous tutelle. Lorsque le pupille ne dispose pas d'un domicile en Suisse au moment de sa mise sous tutelle, ce sont, en dérogation à l'art. 376 al. 1 CC, les autorités de l'Etat dans lequel le pupille a sa résidence habituelle qui sont compétentes pour prononcer une telle mesure (cf. art. 85 al. 2 LDIP en liaison avec l'art. 1 de la Convention de la Haye du 5 octobre 1961 concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs; RS 0.211.231.01). Or, si l'on interprétait l'art. 13 al. 1 LPGA selon son sens littéral, cela aurait pour conséquence que, dans les cas où le pupille n'a pas de domicile en Suisse au moment de sa mise sous tutelle, c'est le lieu de sa résidence habituelle qui fonderait son domicile dérivé selon l'art. 25 al. 2 CC. En d'autres termes, un ressortissant étranger s'établissant en Suisse aux seules fins de s'y faire soigner, sans s'être constitué préalablement un domicile, pourrait demander sa mise sous tutelle aux fins de prétendre à des prestations de l'assurance sociale. Ce résultat n'a précisément pas été voulu par le législateur puisqu'il découle du système ainsi que du sens et du but des lois d'assurance sociale, dont fait partie la LPGA, que le droit d'être assujetti ou de percevoir des prestations des différentes lois d'assurance sociale suppose le rattachement à la notion de domicile et non pas seulement au lieu de séjour ou de résidence. Au demeurant, si l'on devait admettre que le domicile dérivé était également visé par l'art. 13 al. 1 LPGA, on contredirait également le sens et le but du système de l'assurance sociale sous l'angle du droit international privé, lequel se borne à désigner des règles de conflit de lois et non pas à fixer les conditions d'accès à des prestations de droit matériel qui n'existent pas en droit interne.
4.5 Si la lettre de l'art. 13 al. 1 LPGA inclut la notion de domicile dérivé au sens de l'art. 25 al. 2 CC, il ressort cependant du but et de la systématique de cette disposition que la volonté du législateur ne consiste pas à permettre à des ressortissants étrangers venus séjourner en Suisse aux fins d'une prise en charge spécialisée de prétendre aux prestations de l'AVS ou de l'AI parce que leur état a nécessité la mise en place d'une tutelle. Il découle ainsi de l'interprétation de l'art. 13 al. 1 LPGA que la notion de domicile selon les art. 23 à 26 CC n'inclut pas celle du domicile dérivé des personnes sous tutelle selon l'art. 25 al. 2 CC.
5.
En l'espèce, la recourante a sa résidence habituelle en Suisse depuis le 9 décembre 1983, date à laquelle elle est entrée dans l'Institut P.__ situé sur la commune de Mollie-Margot. Elle y séjourne du reste encore actuellement où elle a apparemment le centre des ses intérêts. Au vu de ces circonstances, il y a lieu d'examiner si, depuis la décision de l'OAI du 18 juillet 2001 par laquelle sa demande de prestations avait été refusée faute pour elle de disposer un domicile en Suisse, la recourante a pu se créer un domicile volontaire au sens de l'art. 23 al. 1 CC en Suisse.
5.1 Le domicile d'une personne est au lieu où elle se trouve avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 CC). Cela suppose une résidence, soit un séjour d'une certaine durée en un endroit déterminé, et une volonté, soit une intention de se fixer en cet endroit. Selon la jurisprudence, ce dernier élément n'est pas purement subjectif; il doit au contraire ressortir des circonstances extérieures et objectives (ATF 127 V 237 consid. 1 p. 238 et les arrêts cités). Selon l'art. 26 CC, le séjour dans une localité en vue d'y fréquenter les écoles, ou le fait d'être placé dans un établissement d'éducation, un hospice, un hôpital, une maison de détention, ne constituent pas le domicile. Ces dispositions légales distinguent le lieu de séjour du domicile. Le lieu de séjour est celui où une personne se trouve pour un motif déterminé et limité, qui n'implique pas l'intention d'y fixer le centre de son existence (JACQUES-MICHEL GROSSEN, Les personnes physiques, Traité de droit civil suisse, II, 2, p. 72). Le lieu de séjour devient le domicile, dès qu'il existe entre ce lieu et la personne qui y réside un lien fixe, étroit, fondé sur l'intention de s'y établir (TUOR/SCHNYDER, Das Schweizerische Zivilgesetzbuch, 10e éd., p. 78).
5.2 Pour savoir si une personne réside à un endroit avec l'intention de s'y établir, ce qui importe n'est pas la volonté interne de cette personne mais les circonstances, reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire qu'elle a cette intention ( ATF 113 II 5 consid. 2 p. 7-8; 97 II 1 consid. 3 p. 3). Selon la doctrine et la pratique, l'art. 26 CC n'exclut pas la création d'un domicile au lieu de séjour. Il pose uniquement la présomption réfragable que le séjour dans une localité en vue d'y faire des études ou dans l'un des établissements mentionnés par cette disposition n'entraîne pas le transfert à cet endroit du centre des intérêts. Lors du placement dans un établissement, on devra donc exclure régulièrement la création d'un domicile à cet endroit, l'installation dans l'établissement relevant de la volonté de tiers et non de celle de l'intéressé (ATF 71 I 158 concernant un séjour de 33 ans dans un établissement). En revanche, il n'en va pas de même lorsque l'intéressé majeur et capable de discernement à cet égard décide de son plein gré de séjourner dans un établissement qu'il choisit librement (STAEHELIN, Basler Kommentar, n° 6 ad art. 26). Tel est par exemple le cas d'une personne atteinte de sclérose en plaques s'installant de son propre chef et pour une période indéterminée dans un établissement afin de bénéficier d'assistance et de soins ( ATF 133 V 309 ).
5.3 En l'espèce, s'il ne fait pas de doutes que la première des deux conditions cumulatives de l'art. 23 al. 1 CC, soit le séjour d'une certaine durée dans un établissement est réalisée dans le cas de la recourante, il n'est pas possible d'être aussi affirmatif au sujet de la seconde condition sur la base des constatations de fait des premiers juges, lesquelles sont incomplètes sur ce point. Il convient dès lors de leur renvoyer la cause afin qu'ils déterminent si, à partir de la décision de refus de prestations de l'OAI du 18 juillet 2001, la recourante avait l'intention de résider en Suisse".
e) Reprenant l’instruction de la cause, la Cour de céans a, après avoir consulté les différentes parties impliquées et procédé le 1er décembre 2009 à une audience d’instruction, décidé de confier la réalisation d’une expertise psychiatrique aux doctoresses I.__ et E.__, respectivement directrice médicale et cheffe de clinique à la Fondation de Nant (Secteur psychiatrique de l’Est vaudois).
f) Dans leur rapport d'expertise du 15 juin 2011, les doctoresses I.__ et E.__ ont posé les diagnostics de retard mental sans précision et d'infirmité motrice-cérébrale. Elles ont retenu ensuite ce qui suit dans leur appréciation du cas:
"Votre première question nous demande d’examiner si […] la recourante a pu se créer un domicile volontaire en Suisse. Nous avons vu dans le dossier que cette question dépasse ce qui peut apparaître comme un simple acte civil, soit le fait de déposer ses papiers dans un lieu précis. La question évolue dans le sens de « se créer un domicile » et devient une question juridique très discutée dans cette situation ou Mme vivait déjà précédemment dans un lieu avant qu’il ne soit prévu que ce lieu devienne son domicile au sens civil. Si, comme nous le comprenons à partir du dossier qui nous a été transmis, la notion de « se créer un domicile » est liée au fait d’y avoir le centre de ses intérêts et d’avoir l’intention de s’y établir, les éléments rapportés ci-dessus montrent que Mme D.__ a le centre de ses intérêts en Suisse et qu’elle a l’intention d’y rester, d’y vivre. L’intention de faire sa vie en Suisse, à P.__, est exprimée clairement par l’expertisée (cf. paragraphe « Citations de Mme D.__ sur sa vie en Suisse et en Turquie ») et peut être constatée par des tiers à travers les éléments suivants: investissement très important de son lieu de vie, de ses activités, de ses liens; investissement plus important de sa vie en Suisse qu’en Turquie; l’avenir est imaginé en Suisse; angoisses à l’idée de devoir y renoncer; explication cohérente de ses motivations à vivre ici, etc. L’expertise a permis la récolte de ces éléments rapportés dans les paragraphes ci-dessus, mais ces éléments ne relèvent pas à proprement parler d’une expertise psychiatrique. A noter qu’à notre sens, ils relèvent d’autant moins d’une expertise psychiatrique que ces propos apparaissent de manière claire, cohérente, répétée, concordante avec les faits, qu’ils ne sont pas nuancés par une pathologie psychiatrique quelconque, que nous n’avons pas de raison d’avoir des doutes sur leur authenticité et qu’à aucun moment l’expertisée n’était influencée dans ses propos par des tiers. Le handicap mental et le retard mental dont elle souffre n’altèrent aucunement l’authenticité des propos tenus par l’expertisée.
On remarque aussi que ce qu’elle vit en Suisse prend beaucoup plus de place dans son discours que ce qu’elle vit en Turquie, et ceci autant quant elle est ici que quand elle est chez sa mère. Tout ce que l’expertisée évoque spontanément concerne sa vie ici, alors que ce qu’elle fait quand elle est en vacances en Turquie n’apparaît que quand on l’interroge à ce sujet, et ceci même la première fois que nous avons rencontré l’expertisée, peu de semaines après son retour des vacances d’été. Tout son discours montre qu’elle a clairement le centre de ses intérêts en Suisse.
En résumé, à nos yeux, Mme D.__ a clairement l’intention de se fixer en Suisse, et, hormis la dimension de sa capacité de discernement que nous développons ci-dessous, il n’y a aucune problématique psychiatrique qui permettrait de mettre en doute cette affirmation.
La question que vous nous posez plus formellement (point 2 et 3), et qui relève foncièrement du champ de l’expertise psychiatrique, est la question de la capacité de discernement de l’expertisée pour pouvoir se créer un domicile volontaire au sens juridique, c’est-à-dire « avec l’intention de s’y établir ».
La capacité de discernement est une notion relative qui s’apprécie en fonction du cas d’espèce et par rapport à un acte déterminé. En droit suisse, toute personne est présumée capable de discernement jusqu’à preuve du contraire. Le droit donne par contre peu d’informations par rapport à cette notion de capacité de discernement, si ce n’est que la personne doit être « capable d’agir raisonnablement », soit de se rendre compte de la portée de ses actes et d’agir en fonction de cette compréhension, selon sa libre volonté.
Par exemple, avant d’administrer un traitement, le médecin doit déterminer si le patient est ou non capable de discernement et peut donc valablement accepter ou refuser le traitement en question. Cette évaluation de la capacité de discernement appartient au seul médecin. La principale difficulté dans le domaine de la santé psychique réside dans le fait que la seule existence d’une maladie mentale ou d’un handicap mental n’est pas suffisante pour priver le patient de son discernement, celui-ci devant aussi être privé de la faculté d’agir raisonnablement en raison de sa maladie pour qu’on parle d’une perte de capacité de discernement. Dans le domaine médical, le droit de pouvoir consentir ou non est de nature strictement personnelle, il appartient au patient capable de discernement, même si celui-ci est mineur ou sous tutelle. En ce qui concerne les enfants, les juristes situent actuellement l’âge auquel un mineur peut consentir aux soins « aux alentours de 14 ans ». Mais comme cette notion s’apprécie de manière concrète, on pourrait envisager qu’un enfant plus jeune mais très mature soit capable de discernement (le Tribunal fédéral a par exemple admis en 2009 qu’une fillette de 13 ans avait le droit de s’opposer, contre l’avis de sa mère, à un traitement douloureux car elle avait clairement et en pleine connaissance de cause exprimé son refus au thérapeute), ou à l’inverse qu’un enfant plus âgé mais très immature ou particulièrement sous l’emprise de ses parents, n’en soit pas capable. Aucune règle absolue n’est valable dans ce genre de situations. La capacité doit être évaluée concrètement, notamment au regard de la nature des problèmes que peut poser le traitement et de sa nécessité thérapeutique. Il faut ainsi tenir compte, du problème spécifique de domicile qui se pose dans la situation de D.__.
La capacité de discernement est appréciée en deux dimensions: la dimension cognitive, c’est-à-dire la capacité de comprendre et d’apprécier une situation, d’apprécier le sens et la portée d’un acte déterminé; d’autre part, la dimension volitive, c’est-à-dire la capacité d’agir en fonction de cette compréhension, selon sa propre volonté, en résistant normalement à l’influence ou la pression des autres. La capacité de discernement est présumée, et c’est l’incapacité de discernement qui doit être prouvée. La capacité de discernement n’est pas une notion absolue, elle doit être appréciée pour chaque acte, face à chaque question: quelqu’un peut avoir sa capacité de discernement dans un domaine, pour certaines questions, mais pas pour d’autres (par exemple, il est reconnu qu’un jeune adolescent n’a pas la capacité de gérer l’entier de ses finances de manière indépendante, mais qu’il peut avoir sa capacité de discernement par rapport à des questions personnelles ou des questions de prise en charge médicale simple). En revanche, par rapport à une question donnée, une personne a sa capacité de discernement ou ne l’a pas, mais on ne peut pas parler de diminution partielle de la capacité de discernement.
Puisque la capacité de discernement doit être déterminée par rapport à un acte particulier, une situation bien précise, une question ou une décision à prendre, il n’existe pas de test, de score qui permettrait de déterminer la capacité de discernement. C’est pourquoi nous n’avons pas fait de test de QI. C’est l’exploration des deux dimensions de la capacité de discernement autour d’un problème donné qui est déterminante.
Dans la situation qui nous occupe, la question est donc la capacité ou l’incapacité de discernement de Mme D.__ quant au choix de son domicile, tel que défini par le code civil: « le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir ».
Mme D.__ souffre d’une infirmité motrice cérébrale séquellaire de complications obstétricales à la naissance. Il est clair qu’elle présente des troubles cognitifs tels que dans certains domaines, elle n’a pas sa capacité de discernement: par exemple, elle n’a certainement pas sa capacité de discernement quant à la gestion de l’entier de ses finances. Néanmoins, comme exposé ci-dessus, on peut avoir sa capacité de discernement dans un domaine et non dans un autre.
L’exploration de la capacité de discernement de l’expertisée quant au choix de son domicile comprend donc les éléments suivants:
Sur le plan cognitif
L’exploration de sa capacité à comprendre les différences et à se représenter les différentes possibilités; la possibilité d’expliquer les raisons de son choix, le fait que ces raisons soient rationnelles, cohérentes; la compréhension des avantages et des inconvénients de son choix, ses conséquences à court et moyen terme; et donc sa capacité à se projeter dans l’avenir.
Il n’est pas aisé d’explorer cette question, la diminution des capacités cognitives (retard mental) dont souffre l'expertisée, ayant comme conséquence qu’elle ne comprend pas toujours les questions abstraites telle qu’on peut avoir l’habitude de les formuler. Néanmoins, l’observation clinique permet de constater qu’elle peut comprendre certains liens de cause à effet, soit que certaines décisions la concernant pourraient avoir des conséquences, ceci même si elle ne peut pas l’exprimer par une phrase construite avec la conjonction « parce que ». Certaines de ses réponses à nos questions montrent clairement qu’elle comprend qu’il y a des relations de cause à effet et elle peut nommer les éléments qui motivent ses choix. Par exemple, elle comprend et se représente les différences entre sa vie en Suisse et sa situation en Turquie, que ce soit la vie qu’elle mène en vacances ou celle qu’elle mènerait si elle y vivait. Elle différencie les activités qu’elle fait ici et ce qu’elle fait là-bas, elle différencie aussi comment sont organisées ses journées ici et en Turquie, avec qui elle vit, de quelle aide elle peut bénéficier, quelle activité elle arrive à développer et elle évalue bien ces deux lieux comme différents.
Elle affirme de manière répétée que « sa vie est à P.__ », que « c’est là qu’est sa maison », c’est là qu’elle « veut vivre », qu’elle veut continuer à y vivre, qu’elle « veut y rester » et qu’elle s’imagine à P.__ dans quelques années. Quand on lui demande pourquoi elle veut vivre à P.__, ce qui la motive, elle cite son travail (ateliers, manifestement extrêmement investis qui constituent sa fierté et une activité qu’elle aime), le fait de ne pas être seule (dans le sens qu’elle est consciente qu’elle a besoin d’aide et ne peut pas vivre seule) et elle cite les différentes personnes auxquelles elle est attachée, tant parmi le personnel que parmi les autres résidents. Quand nous parlons de ce sujet avec elle, ses réponses sont claires, franches, directes, sans nuance, sans contradiction, et ne sont pas influencées par quiconque. Il n’y a à ce moment-là aucun doute sur l’authenticité de ses réponses. Nous pourrions nous demander, si ses réponses pourraient être influencées par l’environnement géographique dans lequel elle vit sur le moment et où elle se sent bien. Ainsi on pourrait supposer un discours identique, quand elle réside en Turquie, qui serait inhérent à une possible difficulté à se projeter ailleurs en raison de son retard mental, dans un autre environnement que celui de l’actualité. Cependant, cette hypothèse est infirmée par les contacts téléphoniques que nous avons eus avec la mère de l’expertisée, cette dernière évoquant que, si sa fille se sent bien en Turquie lorsqu’elle y réside pour les vacances, elle parle néanmoins de P.__ comme sa maison et parle de « rentrer en Suisse ».
L’expertisée possède également la capacité de prévoir le fait de ne pas revenir en Suisse et d’en envisager les conséquences. Elle évoquera durant nos entretiens, le fait de se retrouver seule et de ne plus pouvoir travailler dans les ateliers (si elle ne revenait pas), ce qu’elle cite souvent comme constituant la chose la plus importante de sa vie.
On apprend aussi par son entourage éducatif et thérapeutique, qu’elle est angoissée au moment de quitter la Suisse, mais que ce n’est pas le cas au moment du retour. Ainsi, il ne s’agit pas d’angoisses irrationnelles liées au changement de cadres ou de repères structurels, mais bien d’angoisses liées à sa perception des différences entre sa vie ici et en Turquie et surtout à la perception de ce qu’elle perdrait si elle ne rentrait pas, ce qui compte pour elle (en particulier l’aide au quotidien et les ateliers de travail). Si c’était le seul changement de cadre de vie qui l’angoissait, elle serait angoissée de la même manière au moment de quitter la Turquie, ce que sa mère nous infirme.
Elle a clairement le centre de ses intérêts en Suisse et c’est cela qui l’amène à avoir l’intention de continuer à résider en Suisse, à choisir d’y rester. Elle peut nommer les éléments qui mènent à ce choix de manière parfaitement cohérente. Cela démontre une capacité de discernement conservée sur ces points particuliers du domaine cognitif, malgré la présence du retard mental. Dans ces éléments, il est remarquable de noter qu’elle est consciente d’avoir besoin d’aide et qu’elle ne peut vivre seule; elle a aussi conscience qu’elle a moins d’aide quand elle est en Turquie et que cette aide est moins assurée, dépendant entièrement de sa mère âgée. Choisir un endroit adapté à ses difficultés et à ses besoins est aussi faire preuve d’une capacité de discernement conservée sur le plan cognitif.
Sur le plan de la dimension volitive de la capacité de discernement
Nous considérons la capacité à ne pas se laisser influencer par autrui, une fois la situation appréciée sur le plan cognitif.
La volition, à notre avis, n’est pas spécifiquement remise en question par les troubles cognitifs de l’expertisée. On différencie cette deuxième dimension de la capacité de discernement en particulier pour pouvoir protéger des gens dont la problématique est telle qu’ils ont des capacités cognitives préservées, mais qu’ils ne peuvent pas prendre des décisions par rapport à ce qu’ils ont compris rationnellement en raison de leur pathologie psychiatrique (par exemple, dépendance affective importante ou dépendance à une substance). Dans la situation qui nous occupe, cette dimension apparaît en filigrane des éléments évoqués ci-dessus: nous n’avons pas constaté que l’expertisée cherche l’approbation de l’autre; elle répond avec ce qu’elle ressent; tient le même discours dans différentes circonstances aux deux expert et co-expert. On pourrait penser que l’expertisée puisse être influencée par la préoccupation maternelle visant à assurer de bonnes conditions de vie à sa fille, après son décès, et qu’elle puisse reproduire par imitation le discours maternel. Cette dernière hypothèse étant à notre avis invalidée par la distance géographique qui sépare mère et fille, par des contacts téléphoniques qui même s’ils sont réguliers, restent d’une fréquence raisonnable (1x/mois) et ne permettent pas qu’elle soit influencée durablement, et enfin par la fierté manifeste que l’expertisée éprouve spontanément à l’évocation de son travail à P.__.
Nous n’avons pas connaissance d’écrits qui s’intéressent au cas particulier de la capacité de discernement quant au choix du domicile. La bioéthique est l’un des domaines où des experts ont le plus largement réfléchi à la question de la capacité de discernement et de l’éventuelle perte de capacité de discernement. Si nous nous référons au « Rapport sur le consentement » établi par le groupe de travail du Comité International de Bioéthique de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, nous pouvons tenter de reprendre et d’extrapoler dans la situation présente les critères qu’ils définissent: « les critères employés pour la capacité à consentir incluent l’aptitude à comprendre les questions que soulèvent les décisions à prendre, l’aptitude à les évaluer rationnellement, un résultat raisonnable de la décision et la preuve qu’une décision a été prise ». « Dans chaque cas, il est besoin de procéder à une évaluation en fonction des critères décrits ci-dessus tout en ayant conscience de la nature de la décision à prendre. Ce n’est que dans des cas d’une gravité extrême qu’une personne ayant ce problème [de déficience intellectuelle grave] sera incapable de prendre une décision sur n’importe quel sujet ».
Si on extrapole ces définitions à la situation qui nous occupe: « l’aptitude à comprendre les questions que soulèvent les décisions à prendre » correspond à la capacité à différencier la Suisse et la Turquie, ses conditions de vie à P.__ ou chez sa mère, la conscience de son besoin d’aide et la capacité à imaginer son avenir à P.__ ou chez sa mère ainsi que les conséquences d’une telle décision (aptitudes conservées chez Mme, comme décrit ci-dessus).
« L’aptitude à les évaluer rationnellement » correspond à la capacité à citer et tenir compte des motivations de son choix, des avantages et des inconvénients des différentes possibilités. Comme décrit ci dessus, Mme D.__ peut citer les raisons qui l’amènent à affirmer que P.__ est sa maison et qu’elle veut y rester (autant par rapport à ce qui l’attache à P.__ que par rapport à ce dont elle a besoin et qui lui manquerait ailleurs).
Quant au « résultat raisonnable de la décision » : les motivations mises en avant par l’expertisée peuvent sans aucun doute être qualifiées de raisonnables et rationnelles.
Le rapport du comité de bioéthique cite également comme critère, « la preuve que la décision a été prise », mais le Comité de Bioéthique est confronté à des questions différentes où il est nécessaire de s’assurer qu’une « décision a été prise » pour protéger quelqu’un qui n’aurait pas sa capacité de discernement. La question de la décision ne se pose pas en ces termes dans la situation qui nous occupe.
Pour les raisons expliquées ci-dessus, nous considérons que Mme D.__ possède actuellement sa capacité de discernement concernant le choix de son domicile et que ce choix se porte clairement sur son domicile en Suisse, à P.__, où elle a l’intention de rester et de vivre.
En revanche, il est difficile de dire depuis quand elle y avait « l’intention de s’y établir ». Il nous apparaît artificiel que de vouloir reconstituer sa trajectoire de vie pour déterminer à partir de quel moment elle aurait pu considérer que P.__ constituait effectivement son domicile et le centre de ses intérêts, ceci en raison d’une capacité d’abstraction limitée par le retard mental.
Questionnée sur ce point, elle évoquera s’être tout de suite sentie bien quand elle est arrivée à P.__, mais ne peut répondre à la question à partir de quand elle a considéré y être chez elle. Cette question suppose une capacité d’abstraction, une capacité intellectuelle à considérer le temps écoulé et le passé pour historiciser sa propre trajectoire de vie. A l’évidence les limitations intellectuelles de l’expertisée ne lui permettent par cet exercice. Tout au plus les experts considèrent qu’il est probable que ce n’est que progressivement que P.__ a constitué véritablement son foyer, et qu’elle a développé l’intention de s’y établir.
Il ne nous est donc pas possible de déterminer depuis quand Mme D.__ possède sa capacité de discernement concernant la question de son domicile, sinon par une reconstruction approximative subjective".
Les expertes ont ensuite répondu comme suit aux questions qui leur étaient posées:
"En rapport avec la discussion menée ci-dessus, il apparaît clairement que Mme D.__ a le centre de ses intérêt en Suisse, a l’intention de s’y fixer et de continuer à y vivre. Cela correspond à la notion de se créer un domicile volontaire.
Au vu de la discussion menée ci-dessus, nous considérons que Mme D.__ a actuellement sa capacité de discernement, au sens du droit civil, quant à la question spécifique de se créer un domicile volontaire en Suisse. Elle a l’intention de se fixer au lieu de sa résidence où elle a le centre de ses intérêts. A propos de cette question spécifique elle possède pleinement sa capacité de discernement, ceci malgré la déficience intellectuelle avérée dont elle souffre.
Comme exposé dans la discussion ci-dessus, nous considérons que Mme D.__ a actuellement sa capacité de discernement, au sens du droit civil, quant à la question spécifique d’avoir l’intention de se créer un domicile volontaire en Suisse. Elle a l’intention de se fixer au lieu de sa résidence où elle a le centre de ses intérêts.
Nous ne pouvons par contre pas nous prononcer sur le moment à partir duquel elle a pu se constituer cette conviction de constitution d’un domicile volontaire: il est probable que la question du domicile ne s’est pas posée d’emblée en ces termes de domicile « légal » ou d’intention de s’établir en Suisse, mais d’abord plus simplement d’adaptation à la vie communautaire dans un foyer socio-éducatif prévu pour assister le handicap mental. Ainsi ce n’est que progressivement que son lieu de résidence est devenu le centre de ses intérêts et l’intention de s’y établir à long terme est vraisemblablement devenue de plus en plus claire au cours des années. Nous ne pouvons pas reconstituer à partir de quel moment elle avait sa capacité de discernement à ce sujet, parce que ses capacités cognitives n’ont pas changé au cours du temps, mais ses capacités à comprendre les enjeux de ce choix ont augmenté progressivement avec les expériences et les constats qu’elle a pu faire à P.__ et en Turquie".
g) Dans ses déterminations du 21 septembre 2011, l’OAl a conclu au maintien de la décision querellée. Se référant à la prise de position de son Service médical régional (ci-après: le SMR; rapport du Dr B.__ du 8 septembre 2011), il a allégué qu’il n’était pas possible d’accorder pleine valeur probante à l’expertise des doctoresses I.__ et E.__. Celle-ci ne permettait pas de savoir, dans l’hypothèse où il était admis que la situation s’était modifiée à propos de la capacité de discernement, si ce changement s’était déroulé avant ou après juillet 2001, question incontournable en l’espèce. Sans cela, il n’était pas possible de déterminer, au degré de la vraisemblance prépondérante requis dans le domaine des assurances sociales, s’il existait depuis cette date une modification significative de la situation, qui permettrait de prendre une décision différente de celle, négative, datée du 18 juillet 2001, confirmée en son temps par jugement du Tribunal cantonal des assurances puis arrêt du Tribunal fédéral. Il convient de rappeler qu’en juillet 2001, la recourante résidait depuis dix-sept ans en tant que personne adulte à P.__.
h) Dans ses déterminations du 28 septembre 2011, la CCVD s’est ralliée aux déterminations de l’OAl du 23 septembre 2011.
i) Dans ses déterminations du 25 août 2011, la recourante a considéré pour sa part que l’expertise établissait à satisfaction que, depuis plusieurs années, elle avait le centre de ses intérêts en Suisse, qu’elle avait l’intention de s’y fixer et de continuer à y vivre, et qu’elle jouissait d’une capacité de discernement suffisante quant à la question spécifique relative à la création d’un domicile volontaire en Suisse. S’agissant du moment à partir duquel elle a pu se constituer cette volonté, moment qui n’a pas été précisé par les expertes, il était permis d’admettre sur la base du rapport d’expertise qu’il pouvait en tout cas être fixé aux alentours de l’année 2000, année durant laquelle elle a eu 38 ans, après avoir passé 18 ans à P.__. Un tel laps de temps lui avait certainement suffi pour se forger la conviction que c’était bien dans cette institution qu’elle désirait vivre, au regard des expériences qu’elle avait pu faire.
E n d r o i t :
1. La Cour des assurances sociales doit statuer à nouveau dans cette affaire, après l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral du 10 juin 2009.
En substance, le Tribunal fédéral a considéré que l’existence d’un domicile dérivé au sens de l’art. 25 al. 2 CC ne suffisait pas à créer un domicile au sens du droit des assurances sociales. Il y avait lieu d’examiner si, nonobstant l’existence de ce domicile dérivé, la recourante remplissait les conditions pour se créer un domicile volontaire au sens de l’art. 23 al. 1 CC.
2. a) D’après l’art. 23 al. 1 CC, le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir. La jurisprudence a déduit deux éléments de la notion de domicile au sens de l’art. 23 al. 1 CC: d’une part, la résidence, soit un séjour d’une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d’autre part, l’intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d’un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d’une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l’ensemble des circonstances (ATF 135 I 233 consid. 5.1; 132 I 29 consid. 4). Le lieu où les papiers d’identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l’emporter sur le lieu où se focalise un maximum d’éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 136 II 405 consid. 4.3; 125 III 100 consid. 3).
b) L’intention de se constituer un domicile volontaire suppose que l’intéressé soit capable de discernement au sens de l’art. 16 CC. Cette exigence ne doit pas être appréciée de manière trop sévère (ATF 127 V 237 consid. 2c) et peut être remplie par des personnes présentant une maladie mentale, dans la mesure où leur état leur permet de se former une volonté (ATF 134 V 236 consid. 2.1 et les références citées).
c) Aux termes de l’art. 26 CC, le séjour dans une localité en vue d’y fréquenter les écoles, ou le fait d’être placé dans un établissement d’éducation, un hospice, un hôpital, une maison de détention, ne constituent pas le domicile. Cette disposition contient une présomption réfragable selon laquelle le séjour dans une localité en vue d’y faire des études ou dans l’un des établissements mentionnés n’entraîne pas le transfert à cet endroit du centre des intérêts. Lors du placement dans un établissement par des tiers, on devra donc exclure régulièrement la création d’un domicile à cet endroit, l’installation dans l’établissement relevant de la volonté de tiers et non de celle de l’intéressé. Il en va en revanche autrement lorsqu’une personne majeure et capable de discernement décide de son plein gré, c’est à dire librement et volontairement, d’entrer dans un établissement pour une durée illimitée et choisit par ailleurs librement l’établissement ainsi que le lieu de séjour. Dans la mesure où, lors de l’entrée dans un établissement qui survient dans ces circonstances, le centre de l’existence est déplacé en ce lieu, un nouveau domicile y est constitué. L’entrée dans un établissement doit aussi être considérée comme le résultat d’une décision volontaire et libre lorsqu’elle est dictée par « la force des choses (Zwang der Umstände) », tel le fait de dépendre d’une assistance ou d’avoir des difficultés financières (ATF 134 V 236 consid. 2.1; 133 V 309 consid. 3.1).
3. En l’espèce, le Tribunal fédéral a constaté qu’il ne faisait pas de doutes que la première des deux conditions cumulatives de l’art. 23 aI. 1 CC, soit le séjour d’une certaine durée dans un établissement, était réalisée dans le cas de la recourante. En revanche, il a considéré qu’il n’était pas possible d’être aussi affirmatif s’agissant de la seconde condition, soit l’intention de résider en Suisse. C’est la question qu’il convient désormais d’examiner.
4. Ainsi qu’on l’a vu, l’intention de se constituer un domicile volontaire suppose que la personne intéressée soit capable de discernement au sens de l’art. 16 CC.
a) Est capable de discernement au sens du droit civil celui qui a la faculté d’agir raisonnablement (art. 16 CC). Cette disposition comporte deux éléments, un élément intellectuel, la capacité d’apprécier le sens, l’opportunité et les effets d’un acte déterminé, et un élément volontaire ou caractériel, la faculté d’agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté (ATF 134 II 235 consid. 4.3.2; 124 III 5 consid. 1a; 117 Il 231 consid. 2a). La capacité de discernement est relative: elle ne doit pas être appréciée dans l’abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l'acte (ATF 134 II 235 consid. 4.3.2; 118 la 236 consid. 2b).
b) La preuve de la capacité de discernement pouvant se révéler difficile à apporter, la pratique considère que celle-ci doit en principe être présumée, sur la base de l’expérience générale de la vie (ATF 134 II 235 consid. 4.3.3; 124 III 6 consid. 1b; 117 Il 231 consid. 2b). Cette présomption n’existe toutefois que s’il n’y a pas de raison générale de mettre en doute la capacité de discernement de la personne concernée, ce qui est le cas des adultes qui ne sont pas atteints de maladie mentale ou de faiblesse d’esprit, à savoir des états anormaux suffisamment graves pour altérer effectivement la faculté d’agir raisonnablement en relation avec l’acte considéré (ATF 117 Il 231 consid. 2a). Pour ces derniers, la présomption est inversée et va dans le sens d’une incapacité de discernement (ATF 134 II 235 consid. 4.3.3; TF 5A_204/2007 du 16 octobre 2007 consid. 5.2; TF 5C.32/2004 du 6 octobre 2004 consid. 3; TF 6B_152/2010 du 23 avril 2010 consid. 2.1).
5. a) Afin de déterminer si la recourante disposait de la capacité de discernement suffisante pour pouvoir se constituer un domicile volontaire en Suisse, la Cour de céans a décidé de confier une expertise à des médecins de la Fondation de Nant. Dans leur rapport du 15 juin 2011, les doctoresses I.__ et E.__ ont retenu en substance que l'assurée possédait la capacité de discernement quant au choix de son domicile, qui se portait clairement en Suisse, respectivement au sein de l'association P.__, où elle avait l'intention de rester et de vivre. Les expertes n'ont en revanche pas pu se prononcer à propos du moment à partir duquel l'assurée avait considéré y être chez elle.
b) L’OAl a confié au SMR le soin d’examiner le bien-fondé de cette expertise. D’après le rapport que celui-ci a rendu le 8 septembre 2011, l’expertise fournissait des renseignements très partiels et ne permettait pas d’appréhender concrètement le niveau de fonctionnement de l'assurée, ni le niveau de ses acquisitions sur les plans intellectuel (lecture, écriture, calcul) et moteur. Le SMR a reproché en particulier aux expertes de n’avoir pas procédé à un test de QI, alors même qu’elles avaient retenu le diagnostic de « retard mental sans précision ». Or, selon le SMR, c’est sur cette seule base qu’il aurait été possible de quantifier l’importance du retard mental en léger, moyen, grave ou profond. Il était d’autant plus important de disposer du QI que celui-ci est corrélé avec l’âge mental, qui lui-même intervient dans la détermination de la capacité de discernement. Il manquait par conséquent le seul élément mesurable qui aurait permis d’argumenter sur une base objective quant à la capacité de discernement. A la lecture de l’expertise, il semblait par ailleurs que les expertes avaient d’emblée pris le parti de démontrer que l'assurée avait sciemment choisi son lieu de vie à P.__. Elles basaient leur conclusion sur les seuls propos de l’intéressée, sans aucune analyse critique et sans arguments médicaux démontrant l’intention de l’expertisée ou sa capacité de discernement. Au contraire, les expertes mentionnaient que « ces éléments ne relèvent pas à proprement parler d’une expertise psychiatrique ». La seule transcription des éléments anamnestiques récoltés par les expertes ne pouvait cependant pas suffire à produire une expertise médicale. Enfin, alors que le mandat d’expertise exigeait de déterminer « si, à partir de la décision de refus de prestations de l’OAI du 18 juillet 2001, la recourante avait l’intention de résider en Suisse », les expertes ne se sont pas prononcées sur l’entier de la question, puisqu’elles n’ont pas pu préciser le moment à partir duquel l'assurée avait eu l’intention de résider en Suisse.
c) En l’occurrence, il n’y a pas lieu de remettre en cause le bien-fondé des conclusions auxquelles sont parvenues les doctoresses I.__ et E.__. L’expertise procède en effet à une analyse détaillée et rigoureuse de la problématique soulevée par l’affaire, tout en mettant en évidence les difficultés posées sur le plan méthodologique par les questions posées et l’approche particulière qu’elles nécessitaient. L’examen se fonde sur une pleine connaissance des principes dégagés par la jurisprudence en matière de capacité de discernement (dimension cognitive et volitive de la capacité de discernement). Sur la base des entretiens avec la recourante, de son comportement et des témoignages recueillis auprès de ses proches, les expertes ont mis en évidence la capacité de la recourante à exprimer de manière claire, cohérente et authentique qu’elle avait le centre de ses intérêts en Suisse; elles ont en particulier souligné que le retard mental dont souffrait la recourante n’altérait aucunement la cohérence de ses propos.
De son côté, le SMR se contente de remarques générales et abstraites et ne discute d’aucune manière le fond de l’expertise et le raisonnement qui a conduit les expertes à retenir que la recourante possédait la capacité de discernement suffisante en lien avec la question du choix de son domicile. A cet égard, les expertes ont expliqué de façon convaincante que dans la mesure où la capacité devait être déterminée par rapport à une situation bien précise – soit par rapport à un acte particulier et non, abstraitement, de façon générale –, il n’existait pas de test qui permettait de déterminer la capacité de discernement; seule l’exploration de la dimension cognitive et volitive en relation avec la question à examiner était déterminante. En tant que le SMR déplore l’absence d’un test de QI, il ne prend pas position sur les explications des expertes. Il n’explique d’ailleurs pas véritablement en quoi le résultat d’un tel test, singulièrement la détermination du degré de sévérité du retard mental, était décisif pour juger si la recourante était en mesure de se déterminer sur le choix de son domicile. De même, on ne voit pas en quoi le niveau de ses acquisitions sur les plans intellectuel (lecture, écriture, calcul) et moteur serait susceptible de jouer un rôle sur la problématique à résoudre. Par ailleurs, on ne perçoit objectivement aucun élément – et le SMR ne mentionne aucun indice concret – qui laisserait à penser que les expertes ont pris le parti de l'assurée. Le fait qu’elles se soient fondées sur leurs observations et sur les entretiens qu’elles ont eus avec la recourante résulte de la nature même de l’expertise menée. Sauf à critiquer le résultat auquel a abouti cette expertise, le SMR est d’ailleurs bien en peine de proposer une autre méthodologie que celle appliquée par les expertes.
d) S’agissant de la date à partir de laquelle il y a lieu de considérer que la recourante a eu l’intention de résider en Suisse, les expertes ont souligné qu’il était particulièrement difficile de répondre à une telle question, la recourante ne disposant pas de la capacité d’abstraction suffisante pour considérer le temps écoulé et historiciser sa trajectoire de vie. Elles ont toutefois relevé que l'assurée avait évoqué s'être tout de suite bien sentie à son arrivée à P.__ et que ce n'était probablement que progressivement que cette institution avait constitué son foyer et que l'intéressée avait développé l'intention de s'y établir. Dès lors, il convient d’admettre, en se fondant sur l’expérience générale de la vie, qu’une telle intention peut à tout le moins être fixée après une présence d’une vingtaine d’années en Suisse, soit en l’espèce aux alentours de l’année 2000. Un tel laps de temps est à l’évidence suffisant, au regard des expériences que la recourante a pu vivre, pour qu’elle puisse se forger la conviction que c’est bien à cet endroit qu’elle désirait désormais vivre. Dans la mesure toutefois où l’arrêt de renvoi exige d’examiner la situation à compter du 18 juillet 2001, c’est donc à compter de cette date qu’il convient d’admettre que la recourante a eu l’intention de résider en Suisse.
6. Sur le vu de ce qui précède, les recours formés par l'assurée à l’encontre des décisions rendues par la CCVD et l’OAl doivent être admis et les décisions rendues par ces deux autorités annulées. Les dossiers leur sont renvoyés, afin que, d’une part, la CCVD procède à l’affiliation de la recourante à compter du 18 juillet 2001 et que, d’autre part, l’OAl procède à l’examen des conditions du droit aux prestations à compter de cette date.
Il n'y a pas lieu de percevoir des frais de justice.
L’avocat désigné comme curateur ou tuteur qui mène avec succès le procès de son pupille peut prétendre à des dépens (ATF 124 V 345 consid. 4). Vu l'issue du litige, il y a lieu de fixer les dépens à 2'500 fr. et de les mettre à charge de la CCVD et de l'OAI, à parts égales entre eux.
Par ces motifs,
la Cour des assurances sociales
prononce :
I. Les recours sont admis.
II. La décision sur opposition du 22 juillet 2005 de la Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS est annulée. La cause est renvoyée à ladite caisse pour qu’elle procède au sens des considérants.
III. La décision sur opposition du 25 avril 2005 de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud est annulée. La cause est renvoyée audit office pour qu’il procède au sens des considérants.
IV. Il n’est pas perçu de frais de justice.
V. Une indemnité de 2’500 fr. (deux mille cinq cents francs), à verser à la recourante à titre de dépens, est mise à la charge de la Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS et de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, à raison de 1'250 fr. (mille deux cent cinquante francs) chacun.
Le président : Le greffier :
Du
L'arrêt qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié à :
Me Jean-Louis Duc, avocat à Château-d'Oex (pour D.__)
Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS
- Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud
- Office fédéral des assurances sociales
par l'envoi de photocopies.
Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral au sens des art. 82 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF).
Le greffier :
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
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