Instanz: | Bundesverwaltungsgericht |
Abteilung: | Abteilung I |
Dossiernummer: | A-2350/2020 |
Datum: | 17.01.2022 |
Leitsatz/Stichwort: | Taxe sur la valeur ajoutée |
Schlagwörter : | ésent; ’un; ’art; ’au; être; écis; Cité; écité; été; ’est; ésentation; Tribunal; édé; écision; évrier; ’AFC; ’une; ’il; édéral; ’autorité; érieure; ’elle; ’assujetti; établi; également; ’en; ésentant; ération; ’assujettie; édure |
Rechtsnorm: | Art. 20 MWSTG ; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: | - |
B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
Cour I
A-2350/2020
Composition Raphaël Gani (président du collège),
Keita Mutombo, Annie Rochat Pauchard, juges, Jérôme Gurtner, greffier.
Parties A. ,
représentée par
Maître Daniel de Vries Reilingh,
KGG & ASSOCIES, Rue de la Serre 4, 2001 Neuchâtel 1,
recourante,
contre
Objet Taxe sur la valeur ajoutée (2013 à 2017) ; décision du 26 février 2020.
A. (ci-après : la Société ou l’assujettie) est une société anonyme ayant son siège ***, inscrite au registre du commerce depuis le *** 1987. La Société a pour but la gestion, l’administration et les prestations de services en matière de sociétés. Elle est immatriculée depuis le *** 1995 au registre de l’Administration fédérale des contributions (ci-après : l’AFC ou l’autorité inférieure) en qualité d’assujettie au sens de la loi fédérale du 12 juin 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA, RS 641.20). B. est directeur et membre du conseil d’administration de la Société.
B.a Les 17 et 18 décembre 2018, la Société a fait l’objet d’un contrôle pour les périodes fiscales des années 2013 à 2017. L’AFC a constaté que, s’agissant des années 2015 à 2017, l’assujettie avait notamment omis d’imposer la mise à disposition de personnel (un jardinier-concierge, C. , et un forgeron, D. ) à B. . A l’issue de ce contrôle, l’AFC a fixé la créance fiscale et le montant de la correction d’impôt en sa faveur.
Par courrier du 8 février 2019, l’assujettie, agissant par l’entremise de son conseil, a contesté la reprise d’impôt de CHF *** opérée sous le chiffre 1 de l’annexe à la notification d’estimation concernant la mise à disposition de personnel pour les années 2015 à 2017. Elle conteste avoir procédé à une mise à disposition de personnel et affirme s’acquitter des charges salariales du personnel (un jardinier-concierge et un forgeron), en agissant au nom et pour le compte de B. . Elle précise qu’elle aurait agi
« comme n’importe quelle gérance d’immeuble ». Elle a joint à son envoi un document intitulé « procuration », daté du 7 février 2019, signé deux fois par B. , une première fois en sa qualité de représentant de l’assujettie, une seconde fois en son propre nom. Sa teneur était la suivante :
« […]
B. est propriétaire à ***. Cette propriété qui est également son domicile, nécessite du personnel pour en assurer l’entretien. A ce jour, B. emploie à plein temps un jardinier-concierge et un forgeron.
Afin d’éviter à B._ des démarches administratives fastidieuses, il est convenu que A._ représente B. , en vue de l’engagement du personnel, du paiement des salaires, de l’établissement des certificats de salaires et des annonces auprès des différentes assurances sociales.
Dans ce sens, A.
agit en (sic !) nom et pour le compte de
B. . Les charges en lien avec ces démarches correspondent à des
frais privés de B. et sont refacturés en tant que tels par A._ à B. , via son compte courant actionnaire.
Cette représentation peut être dénoncée en tout temps par les deux parties. […] ».
Par courrier du 12 février 2019, l’AFC a accordé à l’assujettie un délai pour lui faire parvenir les contrats de travail, les fiches de salaire mensuel du 1er janvier 2016 au 31 mars 2016 et les certificats de salaire des deux travailleurs prétendument engagés par B. . L’assujettie était en outre invitée à indiquer à l’AFC qui est inscrit en qualité d’employeur de ces travailleurs auprès de la Caisse cantonale *** de compensation, de la Caisse cantonale *** d’assurance-chômage, et de l’institution de prévoyance. L’AFC demandait enfin à l’assujettie de lui indiquer qui assure ces deux travailleurs auprès de la SUVA.
Par courrier du 3 juillet 2019, l’assujettie, agissant par l’intermédiaire de son mandataire, a répondu à l’AFC. Elle indique qu’elle est inscrite en qualité d’employeur des deux employés auprès de la Caisse de compensation pour l’AVS et le chômage, ainsi que pour la Caisse de pension, et que les deux employés sont assurés auprès ***, sous le contrat de l’assujettie, pour l’assurance accident. Elle répète qu’elle n’a été que la représentante de B. et qu’elle a agi comme toute gérance d’immeubles : elle est inscrite comme employeur auprès des assurances sociales et elle a payé le salaire des employés de B. .
L’assujettie a joint à son envoi deux avenants aux contrats de travail, non signés, en précisant que B. est « sur le point » de les faire signer à ses deux employés, ajoutant qu’aucun contrat de travail écrit n’avait encore été établi à ce jour, les contrats ayant été conclus oralement. Elle a encore remis des fiches de salaire mensuel du 1er janvier au 31 mars 2016, des certificats de salaire des deux employés pour l’année 2016, datés du 13 juin 2019, ainsi qu’un contrat de bail à loyer d’habitation du 10 juin 2015, non signé, entre B. et les époux E. et C. .
En ce qui concerne les deux avenants au contrat de travail, sous le chiffre 2 intitulé « Représentation », la clause suivante a été prévue :
« En apposant sa signature en dernière page du présent avenant, l’Employé reconnaît avoir été informé à l’engagement qu’il est salarié de B. , mais que pour des raisons de simplification administrative son salaire et les charges sociales seront décomptés par la société A. qui ne fait que représenter B._ .
Tout litige avec l’employeur doit se régler avec B. . L’entreprise A. n’intervient que pour l’établissement des décomptes ».
Il est par ailleurs précisé que les fiches de salaire et les certificats de salaire des deux employés remis par l’assujettie mentionnent uniquement cette dernière en tant qu’employeur, sans référence à B. .
Enfin, le contrat de bail à loyer d’habitation du 10 juin 2015, à la page 2, sous le chiffre 5, intitulé « Dispositions spéciales », précise qu’il s’agit d’un appartement de fonction et que « le présent bail est lié au contrat de travail qui débute le 1er août 2015, que le locataire signera avec le propriétaire », étant précisé que le « bail prendra fin en cas de résiliation du contrat de travail » (ch. 5.1).
Par décision du 26 février 2020 (datée par erreur du 26 février 2019), l’AFC a confirmé la créance fiscale de CHF *** de TVA plus intérêt moratoire dès le 24 septembre 2016. Elle a en substance nié l’existence d’un rapport de représentation directe entre l’assujettie et B. et constaté que l’assujettie a réalisé une opération de mise à disposition de personnel en faveur de B. imposable en tant que prestation de services.
Par acte du 27 avril 2020, l’assujettie (ci-après : la recourante), par l’intermédiaire de son conseil, a formé réclamation à l’encontre de la décision précitée. Elle demande à l’AFC de transmettre sa réclamation au Tribunal
administratif fédéral (ci-après : le TAF ou le Tribunal) pour être traitée comme un recours omisso medio au sens de l’art. 83 al. 4 LTVA, et au Tribunal d’annuler la décision de l’AFC du 26 février 2020. A l’appui de sa
« réclamation », elle a produit un bordereau de plusieurs pièces et requis le témoignage des deux employés, C. et D. .
Par courrier du 4 mai 2020, l’AFC a transmis au Tribunal, à titre de recours omisso medio, l’acte précité du 27 avril 2020 de la recourante avec ses pièces. Elle indique que la décision attaquée est motivée en détail par une argumentation précise sur chaque grief pris séparément et, d’autre part, que la recourante ne fait pas valoir de nouveaux arguments de fait ou de droit, de sorte qu’elle considère que le Tribunal doit entrer en matière sur le recours.
Dans sa réponse du 22 juin 2020, l’AFC a conclu au rejet du recours, sous suite de frais, et transmis au Tribunal le dossier de la cause, accompagné d’un bordereau de pièces.
Les autres faits et arguments des parties seront repris, pour autant que nécessaire, dans la partie en droit.
1.1 En vertu de l’art. 31 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32) et sous réserve des exceptions non réalisées en l’espèce mentionnées à l’art. 32 LTAF, le Tribunal administratif fédéral connaît des recours contre les décisions au sens de l’art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021) prises par les autorités mentionnées à l’art. 33 LTAF, notamment celles rendues par l’AFC (art. 33 let. d LTAF). Selon l’art. 37 LTAF, la procédure est régie par la PA, pour autant que la LTAF n’en dispose pas autrement.
En matière de taxe sur la valeur ajoutée, l’art. 82 al. 2 LTVA dispose que les décisions sont notifiées par écrit à l’assujetti. Elles doivent être adéquatement motivées et indiquer les voies de recours. L’art. 83 al. 1 et 2 LTVA prévoit notamment que les décisions de l’AFC peuvent faire l’objet d’une réclamation dans les 30 jours qui suivent leur notification et que la réclamation doit être adressée par écrit à l’AFC. Finalement, aux termes
de l’art. 83 al. 4 LTVA, si la réclamation est déposée contre une décision de l’AFC motivée en détail, elle est transmise à titre de recours, à la demande de l’auteur de la réclamation ou avec son assentiment, au Tribunal administratif fédéral.
Le recours omisso medio (ou « recours sautant » ou « Sprungbeschwerde ») prévu par l’art. 83 al. 4 LTVA est soumis à deux conditions cumulatives : l’une formelle, la volonté de l’assujetti, et l’autre matérielle, une décision motivée en détail (cf. arrêt du Tribunal fédéral [TF] 2C_543/2017 du 1er février 2018 consid. 2.3 et 3.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral [TAF] A-1912/2021 du 10 juin 2021 consid. 2.2 ; cf. également FELIX GEIGER, in : Geiger/Schluckebier [édit.], MWSTG Kommentar, 2e éd., 2019 [cité ci-après : MWSTG Kommentar], ch. 18 s. ad art. 83 ; LYSANDRE PAPADOPOULOS/CÉCILIA SIEGRIST, Le recours omisso medio en matière de TVA : un saut vers l’économie de procédure ?, in : RDAF 2019 II 479).
Toute décision de l’AFC ne saurait ainsi d’emblée faire l’objet d’un tel recours. Seules des décisions présentant une motivation qualifiée sont susceptibles d’être directement portées devant le Tribunal administratif fédéral (cf. arrêt du TF 2C_659/2012 du 21 novembre 2012 consid. 3.3.1 ; arrêt du TAF A-1912/2021 du 10 juin 2021 consid. 2.2). La possibilité de déposer un recours omisso medio suit un but d’économie de procédure, mais uniquement dans les cas où la procédure de réclamation constituerait un allongement inutile de la procédure. Un tel risque d’allongement inutile de la procédure n’existe que lorsque l’autorité décisionnelle, c’est-à-dire en l’occurrence l’AFC, a déjà traité exhaustivement la cause, dans une décision
« motivée en détail » (einlässlich begründete Verfügung; decisione già esaustivamente motivata), prenant en particulier position sur les arguments juridiques de l’assujetti et excluant de ce fait la nécessité d’explications supplémentaires. Cela a pour corollaire l’intérêt de l’autorité de recours qui, sur la base de la décision entreprise et portée devant elle au moyen d’un recours omisso medio, doit pouvoir aisément déterminer l’objet du litige et comprendre l’argumentation de l’autorité décisionnelle. S’il s’avère nécessaire, pour l’autorité de recours, de requérir une prise de position détaillée auprès de l’autorité administrative, il ne saurait être question d’une accélération significative de la procédure. L’art. 83 al. 4 LTVA pose des exigences de motivation accrues par rapport à celles prévues à l’art. 82 al. 2 LTVA (cf. arrêt du TF 2C_543/2017 du 1er février 2018 consid. 3.2 ; arrêts du TAF A-1912/2021 du 10 juin 2021 consid. 2.2 et A-5044/2017 du 23 novembre 2018 consid. 1.2).
En l’occurrence, le Tribunal relève que la recourante a clairement manifesté dans son mémoire du 27 avril 2020 sa volonté de voir sa réclamation directement traitée à titre de recours par le Tribunal de céans. La condition formelle est ainsi remplie. En ce qui concerne la condition matérielle (motivation en détail), le Tribunal note que les arguments figurant dans la réclamation du 27 avril 2020 ont déjà été traités en détail par l’AFC dans sa décision du 26 février 2020, dès lors qu’ils n’étaient pas nouveaux et avaient déjà été exprimés dans les courriers du 8 février et du 3 juillet 2019 de la recourante. Préalablement à sa décision du 26 février 2020, l’AFC avait déjà procédé à des mesures d’instruction (cf. Faits, let. D. supra). Par ailleurs, compte tenu du dossier de la cause, d’une part, et de la motivation de la décision entreprise, d’autre part, le Tribunal estime que les faits pouvaient être considérés comme suffisamment établis pour rendre une décision. D’ailleurs, dans son courrier du 4 mai 2020, l’AFC a invité le Tribunal à entrer en matière sur le recours interjeté par la recourante. Partant, à l’examen de la décision entreprise, il y a lieu de considérer qu’elle contient une motivation qualifiée au sens de la jurisprudence citée précédemment (cf. consid. 1.2.1 supra) et que la recourante était en droit, par économie de procédure, de déposer à son endroit un « recours sautant » au sens de l’art. 83 al. 4 LTVA auprès du TAF.
Aux termes de l’art. 50 al. 1 PA, le recours doit être déposé dans les 30 jours qui suivent la notification de la décision. En l’espèce, la décision attaquée a été notifiée à la recourante le 27 février 2020. L’art. 1 de l’ordonnance du 20 mars 2020 sur la suspension des délais dans les procédures civiles et administratives pour assurer le maintien de la justice en lien avec la coronavirus (COVID-19) (RO 2020 848) prévoyait que, lorsqu’en vertu du droit fédéral ou cantonal de procédure applicable, les délais légaux ou les délais fixés par les autorités ou par les tribunaux ne courent pas pendant les jours qui précèdent et qui suivent Pâques, leur suspension commence dès l’entrée en vigueur de la présente ordonnance et dure jusqu’au 19 avril 2020 inclus. Compte tenu de la prolongation exceptionnelle des féries de Pâques, le délai de recours était échu le 28 avril 2020. Déposé le 27 avril 2020, le recours a donc été interjeté en temps utile.
En sa qualité de destinataire de la décision du 26 février 2020, la recourante est spécialement touchée par celle-ci et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (cf. art. 48 al. 1 PA). Pour le reste, le recours répond aux exigences de contenu et de forme de la procédure administrative (cf. art. 52 al. 1 PA). Il convient donc d’entrer en matière.
La recourante peut invoquer la violation du droit fédéral, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation, la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents ou l’inopportunité (art. 49 PA ; cf. ULRICH HÄFELIN/GEORG MÜLLER/FELIX UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7e éd., 2016, n. 1146 ss ; ANDRÉ MOSER/MICHAEL BEUSCH/LORENZ
KNEUBÜHLER, Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht, 2e éd.,
2013, n. 2.149).
Le Tribunal constate les faits et applique le droit d’office, sans être lié par les motifs invoqués à l’appui du recours (art. 62 al. 4 PA), ni par l’argumentation juridique développée dans la décision entreprise (cf. PIERRE MOOR/ETIENNE POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3e éd., 2011, ch. 2.2.6.5
p. 300 s. ; parmi d’autres : arrêt du TAF A-2661/2019 du 27 mai 2020 consid. 1.3 et les références citées).
La procédure est régie par la maxime inquisitoire, ce qui signifie que le Tribunal définit les faits d’office et librement ; cette maxime doit toutefois être relativisée par son corollaire, à savoir le devoir des parties de collaborer à l’établissement des faits (cf. art. 12 et 13 PA, applicables eu égard à l’art. 81 al. 1 LTVA), en vertu duquel celles-ci doivent notamment indiquer les moyens de preuve disponibles et motiver leur requête (art. 52 PA). En conséquence, l’autorité saisie se limite en principe aux griefs soulevés et n’examine les questions de droit non invoquées que dans la mesure où les arguments des parties ou le dossier l’y incitent (cf. ATF 135 I 91 consid. 2.1 ; ATAF 2014/24 consid. 2.2 et 2012/23 consid. 4).
L’appréciation des preuves est libre en ce sens qu’elle n’obéit pas à des règles de preuve légales prescrivant à quelles conditions l’autorité devrait admettre que la preuve a abouti et quelle valeur probante elle devrait reconnaître aux différents moyens de preuve les uns par rapport aux autres. Le tribunal de céans forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu’il a recueillis et en indiquant les motifs de son choix (cf. ATF 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêts du TF 2C_709/2017 du 25 octobre 2018 consid. 3.3 et 9C_55/2016 du 14 juillet 2016 consid. 3.2 ; arrêts du TAF A-2888/2016 précité consid. 3.1.2 et A-1679/2015 du 24 mai 2016 consid. 2.3 ; ERNST BLUMENSTEIN/PETER LO-
CHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 7e éd., 2016, p. 502 s.).
En droit fiscal, les documents écrits revêtent une importance considérable, dès lors qu’ils sont les plus à même d’apporter une preuve précise et immédiate (cf. arrêts du TF 2C_709/2017 précité consid. 3.3 et 2C_947/2014
du 2 novembre 2015 consid. 7.2.4 ; arrêt du TAF A-2286/2017 du 8 mai 2020 consid. 2.2.2). A contrario, les témoignages, en particulier lorsqu’ils émanent de personnes proches de l’administré, ont une valeur probante quasi nulle en droit fiscal (cf. not. arrêts du TAF A-4642/2020 du 5 octobre 2021 consid. 2.5, A-1679/2015 précité consid. 5.1.2 in fine). Il en va de même des preuves, certes écrites, mais établies après coup et des documents non contemporains aux faits sur lesquels porte le litige (cf. ATF 133 II 153 consid. 7.2 ; arrêts du TF 2C_614/2007 du 17 mars 2008 consid. 3.4 et 2C_470/2007 du 19 février 2008 consid. 3.4 ; arrêts du TAF A-2286/2017 précité consid. 2.2.2, A-1679/2015 précité consid. 2.3 et A-4388/2014 du 26 novembre 2015 consid. 1.6).
Après une libre appréciation des preuves en sa possession, l’autorité (administrative ou judiciaire) se trouve à un carrefour. Si elle estime que l’état de fait est clair et que sa conviction est acquise, elle peut rendre sa décision. Dans cette hypothèse, elle renoncera à des mesures d’instruction et à des offres de preuve supplémentaires, en procédant si besoin à une appréciation anticipée de celles-ci. Un rejet d’autres moyens de preuve est également admissible s’il lui apparaît que leur administration serait de toute façon impropre à entamer la conviction qu’elle s’est forgée sur la base de pièces écrites ayant une haute valeur probatoire (cf. ATF 137 III 208 consid. 2.2 ; arrêt du TF 2C_806/2017 du 19 octobre 2017 consid. 4.1 ; arrêts du TAF A-5865/2017 du 11 juillet 2019 consid. 1.3.2, A-3821/2017 du 24 avril 2019 consid. 1.4 et A-2826/2017 du 12 février 2019 consid. 1.4 ; MOSER/BEUSCH/KNEUBÜHLER, op. cit., n. 3.140 ss, en particulier 3.144). Une telle manière de procéder n’est pas jugée contraire au droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS 101 ; cf. ATF 137 III 208 consid. 2.2, 124 V 90 consid. 4b et 122 V 157 consid. 1d ; arrêt du TF 9C_272/2011 du 6 décembre 2011 consid. 3.1). Par ailleurs, il n’est pas nécessaire que la conviction de l’autorité confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité. Il suffit qu’elle découle de l’expérience de la vie et du bon sens et qu’elle soit basée sur des motifs objectifs (cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 128 III 271 consid. 2b/aa ; arrêt du TF 2C_1201/2012 du 16 mai 2013 consid. 4.5 ; arrêt du TAF A-704/2012 du 27 novembre 2013 consid. 3.5.3 ; MOSER/BEUSCH/KNEUBÜHLER, op. cit., n. 3.141).
En revanche, lorsque l’autorité de recours reste dans l’incertitude après avoir procédé aux investigations requises, elle appliquera les règles sur la répartition du fardeau de la preuve. Dans ce cadre, et à défaut de dispositions spéciales en la matière, le juge s’inspire de l’art. 8 du Code civil suisse
du 10 décembre 1907 (CC, RS 210), en vertu duquel quiconque doit prouver les faits qu’il allègue pour en déduire un droit. Autrement dit, il incombe à l’administré d’établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l’administration de démontrer l’existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur. Le défaut de preuve va au détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait non prouvé (cf. arrêts du TAF A-2648/2019 du 27 mai 2020 consid. 1.4 et A-3945/2013 du 2 avril 2014 consid. 1.5.2 ; MOOR/POLTIER, op. cit., p. 299 s. ; RHINOW/KOL-
LER/KISS/THURNHERR/BRÜHL-MOSER, Öffentliches Prozessrecht, 3e éd.,
2014, n. 996 ss ; THIERRY TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 1563).
Rapportée au droit fiscal, cette règle suppose que l’administration supporte la charge de la preuve des faits qui créent ou augmentent la charge fiscale, alors que l’assujetti assume pour sa part la charge de la preuve des faits qui diminuent ou lèvent l’imposition (cf. ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du TF 2C_784/2017 du 8 mars 2018 consid. 8.3 ; arrêts du TAF A-2786/2017 du 28 février 2019 consid. 1.3.2 et A-2826/2017 précité consid. 1.4). Elle ne s’applique toutefois que s’il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d’établir un état de fait qui correspond avec un degré de vraisemblance suffisant à la réalité (cf. ATF 139 V 176 consid. 5.2 ; arrêts du TAF A-6029/2017 du 7 septembre 2018 consid. 1.4 et A-3945/2013 précité consid. 1.5).
En l’espèce, le litige porte sur une créance de TVA, d’un montant total de CHF *** de TVA plus intérêt moratoire à partir du 24 septembre 2016, ensuite d’une correction opérée par l’AFC en sa faveur. L’autorité inférieure a notamment estimé que, s’agissant des années 2015 à 2017, la recourante avait omis d’imposer la mise à disposition de personnel en faveur de B. . La recourante conteste avoir procédé à une mise à disposition de personnel et affirme avoir agi au nom et pour le compte de B. .
Dans un premier temps, le Tribunal présentera la notion d’opération TVA (cf. consid. 3 infra), plus particulièrement les concepts de prestation, de contre-prestation, de rapport d’échange, d’attribution des prestations et d’interprétation d’une situation sous l’angle économique. Il sera ensuite question de la réglementation de la représentation en matière de TVA (cf. consid. 4 infra). Finalement, la Cour s’attachera à exposer quelques
considérations relatives à l’opération de mise à disposition de personnel et à son traitement fiscal (cf. consid. 5 infra).
La TVA est un impôt général sur la consommation, qui trouve ses fondements à l’art. 130 Cst. et frappe la consommation finale non entrepreneuriale sur le territoire suisse. Elle vise la taxation de l’utilisation du revenu par le consommateur final (cf. PIERRE-MARIE GLAUSER, Les principes régissant la TVA : de l’utopie à la réalité, in : Archives de droit fiscal suisse [Archives] 84 p. 97 ss, p. 103). Sont soumises à la TVA les prestations que les assujettis fournissent à titre onéreux, c’est-à-dire moyennant une contre-prestation, sur le territoire suisse, pour autant que la loi n’exclue pas leur imposition (cf. art. 1 al. 2 let. a et art. 18 al. 1 LTVA).
Le caractère onéreux est une condition essentielle de l’opération TVA : une prestation imposable n’existe que pour autant qu’elle s’effectue en échange d’une contre-prestation. Celle-ci, qui sert de base au calcul de l’impôt (dimension quantitative ; cf. art. 24 al. 1 LTVA), est définie à l’art. 3 let. f LTVA comme la « valeur patrimoniale que le destinataire, ou un tiers à sa place, remet en contrepartie d’une prestation » (dimension qualitative ; cf. arrêt du TF 2C_307/2016 du 8 décembre 2016 consid. 5.3). Savoir si le montant perçu par l’assujetti a le caractère d’une contre-prestation est une question qu’il convient d’examiner du point de vue du destinataire de la prestation, ce qui correspond à la conception de la TVA comme impôt de consommation. Il convient en définitive de vérifier si la dépense est effectuée par le destinataire en vue d’obtenir la prestation du fournisseur (cf. Message du Conseil fédéral sur la simplification de la TVA du 25 juin 2008 [ci-après : Message], in : Feuille fédérale [FF] 2008 p. 6277 ss,
p. 6331 ss ; arrêts du TF 2C_585/2017 du 6 février 2019 consid. 3.2, 2C_307/2016 précité consid. 5.3 et 2C_100/2016 du 9 août 2016 consid. 3.2 ; arrêts du TAF A-2648/2019 précité consid. 3.1 et A-239/2016 du 22 février 2017 consid. 3.1.4 ; GEIGER, MWSTG Kommentar, n° 1 ad art. 24). La contre-prestation est ainsi un élément constitutif de l’opération imposable, au même titre que l’échange entre prestation et contre-prestation (cf. ATF 132 II 353 consid. 4.1 ; arrêt du TF 2C_826/2016 du 6 avril 2018 consid. 2.3 ; arrêts du TAF A-2648/2019 précité consid. 3.1 et A-239/2016 précité consid. 3.1.2 ; DANIEL RIEDO, Vom Wesen der Mehrwertsteuer als allgemeine Verbrauchsteuer und von den entsprechenden Wirkungen auf das schweizerische Recht, 1999, ch. 6 p. 223 ss, en particulier ch. 6.4.2 p. 239 ss).
Un tel rapport d’échange suppose qu’il existe entre la prestation et la contre-prestation un rapport causal direct, en ce sens que la prestation engendre la contre-prestation (cf. ATF 141 II 182 consid. 3.3 [traduit in : RDAF 2016 II 458] et 138 II 239 consid. 3.2 ; arrêt du TF 2C_323/2019 du 20 septembre 2019 consid. 5.2 ; arrêts du TAF A-2648/2019 précité consid. 3.1 et A-3156/2017 du 30 janvier 2019 consid. 2.1.3 ; SONJA BOSSART/DIEGO CLAVADETSCHER, in : Zweifel/Beusch/Glauser/Robinson [édit.], Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die Mehrwertsteuer, 2015 [ci-après cité: MWSTG-Kommentar 2015], n° 22 ad art. 18 ; ALOIS CAMENZIND et AL., Handbuch zum Mehrwertsteuergesetz, 3e éd., 2012, n° 591 ; GEIGER, MWSTG Kommentar, n° 2 ad art. 18). La pratique exige un rapport économique étroit (« innere wirtschaftliche Verknüpfung »), qui se caractérise en principe par l’existence de prestations de valeurs économiques égales, la loi et la jurisprudence n’exigeant cependant pas une équivalence absolue (cf. ATF 141 II 182 consid. 3.3 et 140 I 153 consid. 2.5.1 ; arrêt du TF 2C_323/2019 précité consid. 5.2 ; arrêts du TAF A-2648/2019 précité consid. 3.1 et A-3156/2017 précité consid. 2.1.3 ; voir aussi BOSSART/CLAVADETSCHER, MWSTG-Kommentar 2015, n° 23 ad art. 18 et la jurisprudence citée, pour lesquels l’équivalence économique entre prestation et contre-prestation n’est pas une condition essentielle de l’opération TVA ; dans ce sens également, cf. arrêt du TAF A-849/2014 du 15 juillet 2015 consid. 3.2.2 i.f.).
Les prestations sont en principe attribuées à celui qui, vis-à-vis de l’extérieur, en apparaissant comme prestataire, agit en son propre nom (cf. art. 20 al. 1 LTVA : « Une prestation est réputée fournie par la personne qui apparaît vis-à-vis des tiers comme le fournisseur de la prestation » ; arrêts du TAF A-412/2013 du 4 septembre 2014 consid. 2.2.3 et A-704/2012 précité consid. 4.1 ; RALF IMSTEPF, Die Zuordnung von Leistungen gemäss Art. 20 des neuen MWSTG, in : Archives 78 p. 757 ss [p. 761 s.] ; PASCAL MOLLARD/XAVIER OBERSON/ANNE TISSOT BENEDETTO,
Traité TVA, 2009, p. 148 n. 472 ss). La question déterminante est de se demander comment la prestation offerte apparaît pour le public de manière générale, autrement dit, comment elle est objectivement perçue par un tiers neutre (cf. arrêts du TAF A-412/2013 précité consid. 2.2.3 et A-5747/2008 du 17 mars 2011 consid. 2.4.1).
A ce titre, il convient de relever l’importance déterminante que revêt la facturation en matière de TVA. Selon un principe admis, elle constitue un indice important, voire une présomption, qu’une opération TVA a eu lieu et qu’elle a été effectuée par l’auteur de la facture, agissant en principe en son propre nom. Cela dit, aux termes de l’art. 81 al. 3 LTVA, l’acceptation
d’une preuve ne doit pas dépendre exclusivement de la présentation de moyens de preuve précis. Autrement dit, tout formalisme de la part des autorités chargées d’appliquer la LTVA est interdit (cf. MOLLARD/OBERSON/ TISSOT BENEDETTO, Traité TVA, 2009, p. 1194). Il n’existe ainsi pas de liste exhaustive de moyens de preuve admis. Cela étant, malgré l’abolition du formalisme en matière de preuve prévu par la LTVA, les documents écrits continuent de jouer un rôle considérable, la jurisprudence récente ayant déjà posé certains jalons en la matière (cf. ATF 131 II 185 consid. 3.3 et 5 ; arrêts du TF 2C_309/2009 et 2C_310/2009 du 1er février 2010 consid. 6.7 et 2C_285/2008 du 29 août 2008 consid. 3.2 ; arrêts du TAF A-2888/2016 du 16 juin 2017 consid. 3.3.2 et A-704/2012 précité consid. 4.2 ; MOLLARD/OBERSON/TISSOT BENEDETTO, op. cit., p. 144 ch. 459 ; PASCAL
MOLLARD, La TVA : vers une théorie du chaos ? in : Festschrift SRKMélanges CRC, Lausanne 2004, p. 47 ss, ch. 4.2.2 ; RAPHAËL BAGNOUD, La théorie du carrefour - Le juge administratif à la croisée des chemins, in : Au carrefour des contributions, Mélanges de droit fiscal en l’honneur de Monsieur le Juge Pascal Mollard, 2020, p. 503).
S’agissant de la qualité de destinataire, il faut donc, tout d’abord, rappeler la présomption selon laquelle le destinataire de la facture est également le destinataire des prestations fournies. Pour déterminer le destinataire matériel de prestations données, il convient de considérer les choses dans une perspective économique, les rapports de droit privé qui peuvent être à la base des prestations ayant en principe seulement une valeur d’indice et ne pouvant à eux seuls justifier une classification ayant valeur générale (cf. arrêt du TF 2A.202/2004 du 28 avril 2005 consid. 5.1 et les références citées ; arrêts du TAF A-4321/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1 et A-1524/2006 du 28 janvier 2008 consid. 2.3.2). Il faut ainsi rappeler la prééminence de l’appréciation économique sur l’analyse de droit civil (cf. décision de l’ancienne Commission fédérale de recours en matière de contributions [ci-après : CRC] 2005-021 du 20 mars 2006 consid. 3b et 4b, confirmée par arrêt du TF 2A.202/2006 du 27 novembre 2006 ; arrêt du TAF A-412/2013 précité consid. 2.2.5). Cela étant, ce clivage est parfois simplement apparent, dans la mesure où perspective économique et civile se rejoignent bien souvent en pratique (voir arrêt du TAF A-1341/2006 du 7 mars 2007 consid. 2.3.1 et 3.3).
La réglementation de la représentation en matière de TVA a été entièrement modifiée depuis l’entrée en vigueur de la LTVA. Comme sous l’ancien droit, le critère décisif dans le cadre de la représentation est cependant
toujours la manière d’apparaître aux yeux des tiers : il ne peut y avoir représentation directe, au sens de la TVA, que si le représentant n’apparaît pas comme le prestataire (Message, in : FF 2008 p. 6277 ss, ad art. 20
p. 6351). L’art. 20 LTVA – à la manière, avant lui, de l’art. 11 aLTVA – est ainsi une règle d’imputation qui permet notamment de déterminer à qui la prestation doit être attribuée lorsqu’un assujetti l’effectue pour le compte d’un autre, dans le cadre d’un rapport de représentation (arrêts du TF 2A.620/2004 du 16 septembre 2005 consid. 4.1 et 2A.215/2003 du 20 janvier 2005 consid. 3 ; arrêt du TAF A-5720/2012 du 19 février 2014
consid. 2.3.1).
Conformément à l’art. 20 al. 1 LTVA, une prestation est réputée fournie par la personne qui apparaît vis-à-vis des tiers comme le fournisseur de la prestation. Cette disposition fixe donc le principe suivant : si le prestataire de services se présente au bénéficiaire du service sous son propre nom, la prestation lui est imputée. Cet article reprend ainsi la règle jurisprudentielle selon laquelle le prestataire TVA est en principe celui qui, apparaissant comme tel vis-à-vis de l’extérieur, agit en son propre nom (cf. consid. 3.2 ci-avant ; arrêt du TAF A-5720/2012 précité consid. 2.3.7). C’est aussi le cas lorsqu’il agit pour le compte d’un tiers, c’est-à-dire en cas de représentation indirecte (cf. Message, in : FF 2008 p. 6351). Ainsi, lorsque le représentant apparaît vis-à-vis du tiers comme le fournisseur de la prestation, celle-ci lui est attribuée et il y a donc deux rapports de prestations semblables successifs au sens de l’art. 20 al. 3 LTVA, à savoir un premier rapport entre le représenté (fournisseur effectif de la prestation) et le représentant (destinataire de la prestation) et un second entre le représentant (nouveau fournisseur de la prestation) et le destinataire de la prestation (arrêts du TAF A-4614/2014 du 27 janvier 2015 consid. 2.2.3, A-886/2014 du 23 septembre 2014 consid. 2.4 et A-5720/2012 précité consid. 2.3.7).
Lorsqu’une personne agit pour le compte d’une autre, l’art. 20 al. 2 LTVA prévoit que la prestation est réputée fournie par la personne représentée si celle qui la représente remplit les conditions cumulatives suivantes : elle peut prouver qu’elle agit en qualité de représentant et peut clairement communiquer l’identité de la personne qu’elle représente (let. a) et elle porte expressément le rapport de représentation à la connaissance du destinataire de la prestation ou ce rapport résulte des circonstances (let. b). Comme c’était le cas de l’art. 11 al. 1 aLTVA, cette disposition fixe ainsi les conditions auxquelles une prestation est directement attribuée au représenté qui la fournit par l’intermédiaire d’un tiers. Mais la nouvelle réglementation est fondée sur l’idée que le fait de nommer le représenté ne
doit plus être une obligation pour le partenaire commercial, comme c’était le cas sous l’angle de l’aLTVA (Message, in : FF 2008 p 6351 ; arrêts du TAF A-4614/2014 précité consid. 2.2.1 et 2.2.2, A-886/2014 du 23 septembre 2014 consid. 2.4 et A-5720/2012 précité consid. 2.3.1).
L’entrée en vigueur de la LTVA a donc définitivement aboli l’exigence pour le représentant d’agir « expressément » au nom et pour le compte du représenté dans le cadre de la représentation directe, puisque ce rapport de représentation peut à présent également résulter des circonstances en vertu de l’art. 20 al. 2 let. b LTVA. La nouvelle formulation s’inspire ainsi de très près de celle de l’art. 32 al. 2 du Code des obligations du 30 mars 1911 (CO, RS 220 ; cf. Message, in : FF 2008 p. 6351). Concernant les rapports entre ces deux dispositions, on relèvera qu’une application purement analogique ou comparative de l’art. 32 al. 2 CO en matière d’attribution des prestations TVA n’est pas évidente (sur ce point, cf. Message, in : FF 2008 p 6351 ; MOLLARD/OBERSON/TISSOT BENEDETTO, op. cit., p. 1107 n. 94 ; ar-
rêts du TAF A-4614/2014 précité consid. 2.2.2 i.f., A-5720/2012 précité consid. 2.3.4, 2.3.6 et les références citées et A-6437/2012 du 6 novembre 2013 consid. 2.2.2).
Cela dit, la question des relations entre l’art. 20 al. 2 LTVA et l’art. 32 al. 2 CO peut en l’état demeurer ouverte. Dans le cadre du présent arrêt, il suffit de rappeler qu’il existe une distinction fondamentale entre les règles régissant la représentation sous l’angle de l’aLTVA et celles du nouveau droit de la TVA. En effet, la nouvelle réglementation permet désormais au représentant de ne pas communiquer au bénéficiaire le nom du représenté, cette exigence paraissant en effet formellement exagérée (cf. consid. 4.3.1 supra ; cf. également le rapport SPORI à l’attention du chef du Département fédéral des finances du 12 mai 2006, p. 35).
En outre et conformément à l’objectif de simplification de la nouvelle loi (cf. Message, in : FF 2008 p. 6279), les exigences formalistes posées à la reconnaissance d’un rapport de représentation directe ont été assouplies, le rapport de représentation pouvant à présent être prouvé par tous les moyens de preuves admissibles, au sens de l’art. 81 al. 1 et al. 3 LTVA (cf. MOLLARD/OBERSON/TISSOT BENEDETTO, op. cit., p. 1106 n. 92 et 93 ; IVO P. BAUMGARTNER/DIEGO CLAVADETSCHER/MARTIN KOCHER, Vom alten
zum neuen Mehrwertsteuergesetz, Einführung in die neue Mehrwertsteuerordnung, 2010, n. 13913-48). Cela étant, il n’en demeure pas moins que la condition nécessaire à l’application de l’art. 20 al. 2 LTVA est que le représentant signifie clairement au bénéficiaire de la prestation qu’il agit au nom et pour le compte d’une tierce personne et qu’il ne supporte pas les
coûts et les bénéfices relatifs à l’affaire (Message, in : FF 2008 p. 6351), respectivement que cela résulte clairement des circonstances (cf. consid. 4.3.1 et 4.3.2 ci-avant), considérées d’un point de vue objectif (cf. arrêts du TAF A-5720/2012 précité consid. 2.3.6.2 et A-6437/2012 précité consid. 2.2.2 ; IMSTEPF, op. cit., p. 775 ; CAMENZIND/HONAUER/VALLEN-
DER/JUNG/PROBST, Handbuch zum Mehrwertsteuergesetz, 3ème éd. 2012,
p. 359 n. 983 ; FELIX GEIGER/REGINE SCHLUCKEBIER, MWSTG Kommentar,
2ème éd. 2019, n. 17 ad art. 20 LTVA).
A cet égard, on précisera enfin qu’en dépit du fait que le rapport de représentation puisse à présent résulter des circonstances en vertu de l’art. 20 al. 2 let. b LTVA (cf. consid. 4.3.2 supra), celui-ci doit être envisagé selon la perception objective d’une tierce personne et non selon celle du destinataire de la prestation (arrêts du TF 2C_767/2018 du 8 mai 2019 consid. 2.1.1 et 2C_206/2015 du 16 novembre 2015 consid. 2.2 ; arrêt du TAF A-5720/2012 du 19 février 2014 consid. 2.3.6.2). En effet, la manière dont le destinataire final de la prestation interprète le rapport de représentation existant entre le représenté et le représentant n’est pas décisive au regard du droit de la TVA et c’est bien la perspective d’un tiers raisonnable,
« résultant des circonstances » au sens de l’art. 20 al. 2 let. b LTVA, qui se révèle primordiale.
La location de services se définit comme le système par lequel une personne (le bailleur de services) met un ou plusieurs travailleurs à la disposition d’une autre personne (le locataire de service) moyennant une rémunération due au bailleur de services (cf. ROMAIN FÉLIX, Location de services versus autres contrats de prestations : critères de distinction, in : Suat Ayan [édit.], Panorama III en droit du travail : recueil d’études réalisées par des praticiens, Berne 2017, p. 781 ; voir également PIERRE TERCIER/LAURENT BIERI/BLAISE CARRON, Les contrats spéciaux, 5e éd., 2016, n. 2736).
La location de services est soumise à la loi fédérale du 6 octobre 1989 sur le service de l’emploi et la location de services (LSE, RS 823.11) et notamment l’ordonnance du 16 janvier 1991 sur le service de l’emploi et la location de services (OSE, RS 823.111). Elle consiste en un rapport triangulaire entre un travailleur loué, un bailleur de services et un locataire de services. Elle est soumise à la forme écrite en vertu de l’art. 22 al. 1 LSE et doit en principe être conclue avant l’entrée en fonctions des travailleurs (cf. art. 50 OSE). La loi énumère également les indications qui doivent impérativement figurer au contrat (cf. art. 22 al. 1 LSE). Si ces exigences de forme ne sont pas satisfaites, le contrat est nul (cf. art. 11 al. 2 CO ; LUC
THÉVENOZ, La location de services dans le bâtiment, in : Droit de la construction [ci-après : DC] 1994 p. 68, p. 70, qui suggère toutefois d’opérer une distinction entre bailleurs « professionnels » et « occasionnels », la nullité du contrat lui paraissant une sanction disproportionnée pour les seconds ; décision CRC 2002-063 précitée consid. 3a/dd). Si le bailleur de services ne possède pas l’autorisation nécessaire, le contrat de location de services est nul et non avenu (art. 22 al. 5 LSE).
Selon l’art. 19 al. 1 LSE, la forme écrite est en outre également prescrite s’agissant du contrat de travail au sens des art. 319 ss CO liant le bailleur de services et le travailleur (cf. art. 320 al. 1 CO). Contrairement à ce qui vaut pour le contrat de location de services, le non-respect de cette forme et/ou des exigences de contenu du contrat (cf. art. 19 al. 2 LSE) n’entraîne pas la nullité de celui-ci (cf. art. 19 al. 3 LSE ; arrêt du TF 4C.245/2006 du 12 décembre 2006 consid. 3 ; RÉMY WYLER/BORIS HEINZER, Droit du travail, 4e éd., 2019, p. 75 ; THÉVENOZ, op. cit., p. 70 ; décision de la CRC 2002-063 précitée consid. 3a/dd ; cf. également art. 320 al. 2 et 3 CO). Par ailleurs, on rappellera que le salaire est la contre-prestation principale de l’employeur dans le cadre du contrat de travail (WYLER/HEINZER, op. cit.,
p. 183). On notera enfin que le travailleur et le locataire de services, entre lesquels se noue pourtant la « véritable » relation de travail, ne sont liés par aucun contrat et ce, bien que le locataire assume la plupart des droits et des obligations propres à l’employeur et se voit en particulier déléguer le pouvoir de direction à l’égard du travailleur (cf. art. 12 al. 1 LSE ; arrêt du TF 4C.245/2006 précité consid. 3 ; TERCIER/BIERI/CARRON, op. cit., n. 2741).
Dans la mesure où elle s’inscrit dans le cadre d’un échange de prestations, la mise à disposition de personnel constitue une opération en principe imposable sous l’angle de la TVA (cf. consid. 3 supra ; arrêts du TF 2C_612/2007 du 7 avril 2008 consid. 7.4 et 2A.502/2004 du 28 avril
2005 consid. 5.1 et 5.2 ; arrêts du TAF A-7029/2013 du 20 février 2015
consid. 6.2, A-7032/2013 du 20 février 2015 consid. 6.2, A-1137/2012 du
novembre 2013 consid. 3.3.1 et A-5232/2012 du 21 août 2013 consid. 2.3 ; voir déjà, pour la pratique antérieure, Instructions 2008 sur la TVA, ch. 128, valable jusqu’au 31 décembre 2009 ; cf. toutefois art. 21 al. 2 ch. 12 LTVA), l’impôt étant calculé sur la base de la rémunération versée au bailleur par le locataire (cf. art. 24 LTVA ; cf. consid. 3 supra). On notera que les prestations réalisées par le travailleur – pour le compte et sous la direction du locataire de services – en contrepartie du salaire versé par le bailleur de services ne sont quant à elles pas soumises à la TVA (cf. art. 19
al. 2 LSE ; art. 322 ss CO). En tant qu’il n’exerce pas son activité professionnelle de manière indépendante (cf. à ce propos ATF 121 I 259 consid. 3a), le travailleur ne fait en effet pas partie du cercle des personnes assujetties (cf. art. 10 al. 1 LTVA ; cf. également arrêt du TF 2A.502/2004 précité consid. 5.1).
A l’appui de sa réclamation transmise à titre de recours sautant, la re-
courante a requis le témoignage des deux employés, C. et D. .
En l’espèce, le Tribunal estime, par appréciation anticipée des preuves (cf. consid. 1.8 supra), que l’audition des deux employés requise par la recourante n’est pas nécessaire, dès lors que le dossier est suffisamment complet pour lui permettre de statuer en toute connaissance de cause, au vu des considérants qui suivent. De toute manière, les déclarations de ces témoins devraient être accueillies avec réserve (cf. consid. 1.7 supra), compte tenu des rapports contractuels qui les lient à la recourante ou, comme cette dernière tente de le soutenir, à B. , étant rappelé que ce dernier est directeur et membre du conseil d’administration de la recourante. Les déclarations des deux employés devraient être appréciées avec d’autant plus de réserve que le rapport contractuel en question est un contrat de travail qui implique par définition un rapport de subordination des employés envers leur employeur.
Par conséquent, la réquisition d’audition des témoins précités formulée par la recourante est rejetée.
Sur le fond, il s’agit d’abord d’examiner si c’est à bon droit que l’autorité inférieure a estimé que la recourante réalise, d’un point de vue économique, une opération de mise à disposition de personnel imposable en tant que prestation de services au sens de l’art. 18 al. 1, respectivement l’art. 3 let. e LTVA.
Le Tribunal constate en premier lieu que toutes les pièces au dossier établies antérieurement au contrôle de l’AFC et à la naissance du litige ou, à tout le moins, qui auraient dû l’être, désignent expressément et sans ambiguïté la recourante comme l’employeuse des deux travailleurs.
En effet, les fiches de salaire des deux employés pour les mois de janvier à mars 2016 mentionnent, en haut à gauche des documents, le nom et l’adresse de la recourante, sans aucune référence à B. . Le constat est identique en ce qui concerne les certificats de salaire des deux employés pour l’année 2016 sur lesquels figurent le nom et l’adresse de la recourante, toujours sans aucune référence à B. . On peut certes s’étonner que les certificats précités soient datés du 13 juin 2019. Cette date n’est cependant pas déterminante, dès lors que les documents en question portent sur des faits antérieurs au contrôle de l’AFC et à la naissance du litige. De plus, une valeur probante doit être reconnue aux indications figurant sur le certificat de salaire. Que le certificat de salaire puisse être qualifié de titre (cf. Conférence suisse des impôts [CSI] et Administration fédérale des contributions [AFC], Guide d’établissement du certificat de salaire et de l’attestation de rentes, en vigueur dès le 1er janvier 2021,
n. 73 et les dispositions légales citées) ou pas (RAPHAËL GANI, Le certificat de salaire : un instrument au seul service du fisc ?, in : Dunand/Mahon [édit.], Les certificats dans les relations de travail : certificat de travail et certificat de salaire, certificat médical et expertise médicale, aspects de droit pénal, 2018, p. 60-61, en particulier la note de bas de page 50 et les réf. cit.), le fait d’avoir indiqué à l’époque de l’établissement de ces pièces que l’employeur était la recourante démontre que c’est bien cette dernière, pour les périodes fiscales ici litigieuses, qui doit être considérée comme employeur, et pas B. . On rappellera également que ce n’est que si le rapport de droit peut être qualifié de contrat de travail qu’une obligation de remise d’un certificat de travail naît (GANI, op. cit, p. 49). Les pièces précitées permettent en outre d’établir que les salaires perçus par les deux employés ont été versés par la recourante, ce que cette dernière n’a du reste pas contesté. Le versement du salaire étant la contre-prestation principale de l’employeur dans le cadre d’un contrat de travail (cf. consid. 5.1 supra), la recourante, en tant que source de ces versements, ne peut être que l’employeuse des deux travailleurs.
D’autre part, toujours d’après les documents précités, c’est la recourante qui est soumise à l’obligation de payer les cotisations sociales usuelles dues par l’employeur. La recourante a ainsi répondu à l’obligation découlant de la Loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS, RS 831.10) en matière de retenue et de paiement des cotisations correspondantes aux assurances sociales dues par les deux travailleurs sur la totalité de leur salaire (voir en particulier les déductions mentionnées sur les fiches de salaire pour les mois de janvier à mars 2016). Il ressort des fiches de salaire précitées que c’est également la recourante qui assure les deux employés contre les accidents et les maladies
professionnels. La recourante a enfin confirmé dans son courrier du 3 juillet 2019 adressé à l’autorité inférieure ce qui ressort des documents précités, à savoir qu’elle est inscrite en qualité d’employeuse des deux employés auprès de la Caisse de compensation pour l’AVS et le chômage, ainsi que pour la Caisse de pension, et que les deux employés sont assurés par celle-ci pour l’assurance accidents auprès de ***. En résumé, l’examen des documents précités, dont la valeur probante n’est pas remise en cause par le Tribunal, indique que c’est bien la recourante qui est l’employeuse des deux travailleurs.
Le Tribunal estime en revanche que le document intitulé « procuration », daté du 7 février 2019, signé deux fois par B. , une première fois en sa qualité de représentant de la recourante, une seconde fois en son propre nom, ainsi que les avenants aux contrats de travail, non signés, ont une valeur probante nulle pour les raisons suivantes.
Tout d’abord, force est d’admettre que les deux documents précités, qui tendent à établir que B. aurait prétendument engagé les deux employés, ont été établis postérieurement au contrôle de l’AFC et à la naissance du litige (cf. consid. 1.7 supra).
Concernant la procuration, même si la recourante et B. sont deux personnes distinctes, il ne faut pas perdre de vue que le second est également directeur et membre du conseil d’administration de la première, avec signature individuelle selon l’extrait du registre du commerce, ce qui signifie qu’il a le pouvoir, à lui seul, de représenter et d’engager dite société (cf. art. 718 al. 1 CO). B. peut donc aisément contracter avec la recourante.
Le Tribunal constate par ailleurs que les avenants au contrat de travail n’ont été signés ni par B. ni par les deux employés, la recourante se bornant à indiquer dans son courrier du 3 juillet 2019 que B. était
« sur le point » de les faire signer à ses deux employés. On ignore du reste s’ils ont été signés à ce jour, ce qui ne ressort pas du dossier. Au demeurant, comme cela a été relevé plus haut (cf. consid. 6.2), il convient de rappeler que les deux employés sont proches, non seulement de la recourante, étant liés à cette dernière par un contrat de travail, mais également de B. , en tant que directeur et membre du conseil d’administration de la recourante. Les déclarations des deux employés doivent par conséquent être examinées avec circonspection, à plus forte raison dans la mesure où, comme c’est le cas en l’occurrence, les documents précités
produits par la recourante ont été établis postérieurement au contrôle de l’AFC et à la naissance du litige.
Enfin, la production d’un contrat de bail à loyer d’habitation entre les époux E. et C. et B. , document une fois encore non signé, daté du 10 juin 2015, ne permet pas d’établir que C. a été engagé par B. . Le document en question se borne à préciser, sous ses dispositions spéciales (chiffre 5.1) et de manière lapidaire, que le locataire signera un contrat de travail avec le propriétaire. On relèvera, d’une part, que deux locataires sont parties au contrat de bail, E. et C. , ce qui démontre déjà que le contrat n’a pas été adapté au cas d’espèce. D’autre part et surtout, il apparaît que ce contrat de travail est simplement évoqué dans ce document, sans que la recourante ne soit en mesure de démontrer sa conclusion. Dans ce cadre, on relèvera encore que D. , en vertu du principe de la relativité des conventions (cf. déjà, PIERRE ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., 1997,
p. 18-19, 23, 103, 105, 275 et 454), n’est de toute manière pas concerné par ledit contrat, qui demeure pour lui une res inter alios acta (« une chose faite par d’autres »).
Au vu de ces différents éléments, le constat de l’autorité inférieure selon lequel la recourante doit être considérée comme l’employeuse de C. et D. ne prête pas le flanc à la critique et doit être confirmé.
Le Tribunal constate qu’il ressort du dossier que C. et
D. , l’un effectuant des tâches de jardinier-concierge, l’autre celles de forgeron, ont fourni leur prestation [au domicile de B], sous la direction de son propriétaire B. , ce que la recourante ne conteste pas.
Ainsi, compte tenu du rapport de travail entre la recourante et les deux employés (cf. consid. 7.1 supra), du travail effectué par ces derniers [au domicile de B], sous la direction de son propriétaire B. (cf. consid. 7.2 supra), il apparaît très clairement, à tout le moins au niveau économique, que cette situation équivaut à une mise à disposition de personnel de la recourante (en tant que bailleresse de services) en faveur de B. (en tant que locataire de services). La question de savoir si les exigences prévues dans la LSE ont été respectées peut demeurer indécise en l’espèce, dès lors que l’étendue et l’existence d’une opération TVA doit avant tout être appréciées sous un angle économique (cf. consid. 3.1 et 3.3 supra).
Par ailleurs, comme l’a relevé à juste titre l’autorité inférieure, le dossier révèle que la mise à disposition de personnel décrite ci-dessus revêt un caractère onéreux, dès lors qu’elle engendre une obligation pécuniaire à la charge de B. (le destinataire de la prestation), à savoir le remboursement des salaires versés avec les charges correspondantes. Il ressort en effet du dossier que les montants remboursés à ce titre sont portés au crédit du compte n° 50600 « Mise à disposition de personnel » de la recourante. Le fait que cette dernière ne réalise aucun bénéfice sur la prestation de mise à disposition de personnel – et se contente du remboursement de ses frais (à prix coûtant) – ne saurait modifier le résultat auquel est parvenu l’autorité inférieure. Cette situation peut du reste s’expliquer, selon le Tribunal, en raison du fait que B. est directeur et membre du conseil d’administration de la recourante. Quoi qu’il en soit, et comme l’a relevé l’autorité inférieure, cette circonstance n’a aucune importance pour déterminer le caractère onéreux d’une opération et est étrangère au système de la TVA, qui est fondé sur le chiffre d’affaires, indépendamment du bénéfice réalisé (cf. art. 10 al. 1, 2 et 2bis LTVA ; cf. également consid. 3.1 supra).
Le Tribunal relève encore qu’il est vrai que d’après le dossier aucune facture formelle n’a été établie par la recourante en lien avec cette mise à disposition de personnel. Malgré l’importance fondamentale que revêt ce document en matière de TVA (cf. consid. 3.2 supra), l’obligation de livrer une facture n’est cependant pas générale et il peut y avoir opération soumise à TVA en l’absence même d’un tel titre (arrêts du TAF A-7029/2013 du 20 février 2015 et A-1656/2006 du 19 mars 2009 consid. 5.1.1 [annulé par l’arrêt du TF 2C_299/2009 du 28 juin 2010, mais non contredit sur ce point] ; JEAN-MARC RIVIER/ANNIE ROCHAT PAUCHARD, Droit fiscal suisse, La taxe sur la valeur ajoutée, 2000, p. 220), l’existence d’un échange de prestations étant à cet égard déterminant (cf. consid. 3.1 et 5.2 supra). Cette conclusion s’impose par ailleurs d’autant plus en l’espèce entre personnes étroitement liées si l’on considère que le bailleur de services est contrôlé par le locataire de services : si l’assujettissement à l’impôt de la location de services devait être conditionnée à l’existence d’un contrat cela reviendrait à permettre à l’assujetti de choisir s’il veut ou non soumettre ses prestations à la TVA, ce que le législateur n’a pas voulu.
Enfin, à l’appui de son mémoire, la recourante ne conteste pas que le fait de mettre ses propres salariés à la disposition d’un tiers est une prestation de services au sens de l’art. 3 let. e LTVA et que cette dernière est localisée en Suisse (art. 8 al. 1 LTVA).
Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que l’autorité inférieure a constaté que la recourante réalise, d’un point de vue économique, une opération de mise à disposition de personnel imposable en tant que prestation de services au sens de l’art. 18 al. 1, respectivement l’art. 3 let. e LTVA.
Il s’agit ensuite d’examiner si c’est à juste titre que l’autorité inférieure a nié l’existence d’un rapport de représentation au sens de l’art. 20 al. 2 LTVA entre la recourante et B. .
C’est le lieu de souligner l’état de fait particulier du cas d’espèce. Il ne s’agit en effet pas d’une situation dans laquelle une prestation est effectuée
« à double » par deux assujetties potentielles et dans laquelle il y aurait lieu de déterminer si seule l’une ou au contraire les deux doivent être assujetties à raison de la prestation effectuée. Il n’est en effet pas ici question d’une double prestation de services. La question de la représentation intervient d’une manière différente. Si, comme le soutient la recourante, elle a conclu les contrats de travail avec les deux employés au nom et pour le compte de B. , alors la seule prestation déterminante sous l’angle de la TVA consistera dans ces rapports de travail entre les employés et ce dernier, prestations qui ne sont pas imposables dans le chef de la recourante. Si, à l’inverse, un tel rapport de représentation devait être nié, cela conduirait à admettre, compte tenu de l’état de fait, que la recourante a effectué une prestation de services au bénéfice de B. , en lui mettant à disposition les deux employés. Or, dans cette dernière hypothèse, cette prestation serait soumise à la TVA.
Au vu de la particularité de l’état de fait rappelé ci-dessus, les règles sur la représentation contenues à l’art. 20 LTVA, mises en place pour déterminer à qui une prestation doit être attribuée (Message, FF 2008 p. 6351), ne peuvent donc être appliquées directement. Cela étant, force est de constater qu’en l’espèce, il n’est guère déterminant de savoir si les règles de la représentation de l’art. 20 LTVA doivent être appliquées par analogie ou si l’existence d’un rapport de représentation ne doit être déterminé que sur la base des règles du droit civil (art. 32 ss CO). Dans les deux cas, en effet, un tel rapport de représentation doit être nié pour les motifs qui suivent.
Il convient de rappeler au préalable qu’en l’espèce, il a été établi que la recourante est bien l’employeuse des deux travailleurs (cf. consid. 7.1 supra). En effet, comme cela a été vu ci-dessus, la recourante apparaît clairement et sans ambiguïté sur les certificats de travail et les fiches de salaire
des deux employés comme l’employeuse de ces derniers, alors que le document intitulé « procuration », daté du 7 février 2019, signé deux fois par B. , a une valeur probante nulle, dès lors qu’il a été établi postérieurement au contrôle de l’AFC et à la naissance du litige (cf. consid. 7.1 supra).
Sous l’angle de l’art. 20 LTVA, un examen du dossier permet de s’apercevoir que les deux conditions cumulatives (cf. consid. 4.3.1 supra) prévues à l’art. 20 al. 2 LTVA ne sont de toute évidence pas remplies.
S’agissant de la première condition prévue à l’art. 20 al. 2 let. a LTVA (« la prestation est réputée fournie par la personne représentée si celle qui la représente […] peut prouver qu’elle agit en qualité de représentant […] »), comme cela a été vu ci-dessus (cf. consid. 7), force est d’admettre que la recourante n’a pas été en mesure de prouver qu’elle a agi en qualité de représentante de B. , ce qui permet déjà d’écarter l’existence d’un rapport de représentation directe au sens de l’art. 20 al. 2 LTVA.
La deuxième condition prévue à l’art. 20 al. 2 let. b LTVA (« la prestation est réputée fournie par la personne représentée si celle qui la représente […] porte expressément le rapport de représentation à la connaissance du destinataire de la prestation ou ce rapport résulte des circonstances ») n’est pas davantage réalisée en l’espèce.
D’une part, il ne ressort en effet pas du dossier que la recourante aurait
« expressément » porté un rapport de représentation à la connaissance des deux employés. Comme l’a relevé à juste titre l’autorité inférieure, aucun élément au dossier n’atteste que la recourante, au moment de conclure, aurait déclaré aux deux travailleurs qu’elle agirait au nom et pour le compte de B. .
D’autre part, il est vrai que la nouvelle réglementation permet au représentant de ne pas communiquer au bénéficiaire le nom du représenté (cf. consid. 4.3.3 supra). Cependant, comme l’explique le Message sur la simplification de la TVA du 25 juin 2008, « [l]a condition nécessaire à l’application de cette disposition [l’art. 20 al. 2 LTVA] est que le représentant signifie clairement au bénéficiaire de la prestation qu’il agit au nom et pour le compte d’une tierce personne et qu’il ne supporte pas les coûts et les bénéfices relatifs à l’affaire […] » (cf. consid. 4.3.3 supra). Au vu du dossier, cette condition n’est de toute évidence par remplie.
Il convient également de garder à l’esprit que les deux travailleurs ont perçu leur salaire de la part de la recourante, qui a également assumé envers ces derniers ses obligations découlant de la LAVS et les a assurés contre les accidents et les maladies professionnelles. Ainsi, un tiers ne pouvait raisonnablement pas inférer des circonstances l’existence d’un rapport de représentation directe entre la recourante et B. . Il ne faut pas non plus perdre de vue que B. est inscrit au registre du commerce comme directeur et membre du conseil d’administration de la recourante, ce qui signifie qu’il représente dite société à l’égard des tiers (cf. art. 718 al. 1 CO), ce qu’un tiers raisonnable pouvait aisément constater. Les registres publics font en effet foi des faits qu’ils constatent et dont l’inexactitude n’est pas prouvée (art. 9 al. 1 CC).
Force est ainsi d’admettre qu’aucun rapport de représentation ne peut en l’espèce résulter des circonstances, ce que la recourante n’a de surcroit pas été en mesure de démontrer.
Aux yeux d’un tiers raisonnable, la recourante agissait en son propre nom, et très certainement pas au nom et pour le compte d’une tierce personne ou de B. , comme la recourante tente de le soutenir à l’appui des pièces qu’elle a produites, étant rappelé que la valeur probante de la procuration datée du 7 février 2019 et des avenants au contrat de travail établis postérieurement au contrôle de l’AFC et à la naissance du litige est insuffisante (cf. consid. 7 supra). Au demeurant, et par surabondance de moyens, on peut douter qu’une société commerciale comme la recourante, rompue aux affaires, laisserait inférer des circonstances qu’elle agit en son propre nom, alors qu’elle souhaitait en réalité agir au nom et pour le compte d’un tiers. Ainsi, comme l’a relevé à juste titre l’autorité inférieure, un rapport de représentation directe au sens de l’art. 20 al. 2 LTVA entre la recourante et B. doit être exclu.
Enfin et par surabondance, la solution serait identique en application des règles sur la représentation contenues dans le droit civil. En effet, pour les mêmes motifs qu’évoqués en lien avec l’art. 20 LTVA, on ne peut admettre que la recourante ait agi, lorsqu’elle a engagé les deux employés, comme une représentante, en sens des art. 32 ss CO, de son actionnaire, B. . La procuration certes produite au dossier a, comme mentionné ci-dessus (consid. 7.1.2), une valeur probante quasi nulle de telle sorte qu’aucun rapport de représentation ne peut être admis en l’espèce, pour les périodes fiscales litigieuses.
Au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que l’autorité inférieure a nié l’existence d’un rapport de représentation entre la recourante et B. .
Enfin, la recourante ne contestant pas les calculs effectués par l’autorité inférieure, le bien-fondé de la reprise d’impôt d’un montant total de CHF 34'755.00 de TVA plus intérêt moratoire à partir du 24 septembre 2016 doit être confirmé.
Les considérants qui précèdent conduisent le Tribunal administratif fédéral à rejeter le recours. Vu l’issue de la cause, les frais de procédure arrêtés à 3'000 francs sont mis à la charge de la recourante qui succombe, en application de l’art. 63 al. 1 PA et des art. 1 ss du Règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2). Les frais de procédure sont prélevés sur l’avance de frais déjà versée. Une indemnité à titre de dépens n’est allouée ni à la recourante (art. 64 al. 1 PA a contrario et art. 7 al. 1 FITAF a contrario) ni à l’autorité inférieure (art. 7 al. 3 FITAF).
(Le dispositif est porté à la page suivante)
Le recours est rejeté.
Les frais de procédure fixés à 3'000 (trois mille) francs sont mis à la charge de la recourante. Ils sont prélevés sur l’avance de frais du même montant versée par la recourante.
Il n’est pas alloué de dépens.
Le présent arrêt est adressé :
à la recourante (Acte judiciaire)
à l'autorité inférieure (n° de réf. […] ; Acte judiciaire)
L'indication des voies de droit se trouve à la page suivante.
Le président du collège : Le greffier :
Raphaël Gani Jérôme Gurtner
La présente décision peut être attaquée devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss, 90 ss et 100 LTF). Ce délai est réputé observé si les mémoires sont remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF). Le mémoire doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. La décision attaquée et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains de la partie recourante (art. 42 LTF).
Expédition :
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
Hier geht es zurück zur Suchmaschine.