Instanz: | Bundesverwaltungsgericht |
Abteilung: | Abteilung V |
Dossiernummer: | E-3257/2017 |
Datum: | 30.07.2020 |
Leitsatz/Stichwort: | Asile et renvoi |
Schlagwörter : | écution; Rsquo;un; Macédoine; être; Tribunal; ;asile; Suisse; ;exécution; écision; Rsquo;il; éressés; ;origine; ésent; édical; ément; été; état; également; Rsquo;ils; ;intéressé; éré; Rsquo;intéressé; Rsquo;asile; éfugié; Rsquo;art; Rsquo;en; Rsquo;une; édonien; Rsquo;intéressée; ésente |
Rechtsnorm: | - |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: | - |
Cour V
E-3257/2017
Composition Emilia Antonioni Luftensteiner (présidente du collège), Yanick Felley, Barbara Balmelli, juges,
Thierry Leibzig, greffier.
Parties A. , né le ( ),
, née le ( ),
, né le ( ),
, née le ( ),
, née le ( ), Macédoine du Nord,
tous représentés par ( ), recourants,
contre
autorité inférieure.
Objet Asile et renvoi ;
décision du SEM du 29 mai 2017 / N ( ).
Le 6 février 2011, A.
et B.
ont déposé une demande
d'asile en Suisse. Cette demande a été rejetée par décision du 19 juin 2013, l’Office fédéral des réfugiés (actuellement le Secrétariat d’Etat aux migrations [ci-après : SEM]) ayant considéré que les intéressés n’avaient pas rendu vraisemblables leurs motifs d’asile.
Le ( ) 2013, les recourants, accompagnés de leurs deux enfants nés entretemps, sont retournés dans leur pays d’origine, avec l’aide de la Suisse.
Par écrit du 1er mars 2017, les intéressés ont déposé une nouvelle demande d’asile en Suisse, pour eux-mêmes et leurs trois enfants, C. , D. et E. .
Entendus sur leurs motifs d’asile, le 22 mai suivant, les intéressés ont
allégué, en substance, que A.
avait assisté, le
( ) décembre 2016, à une bagarre survenue à F.
entre des
partisans de deux partis politiques opposés, à savoir l’Organisation révolutionnaire macédonienne intérieure - Parti démocratique pour l'unité nationale macédonienne (ci-après : VRMO-DPMNE) et l’Union socialedémocrate de Macédoine (ci-après : SDSM). Suite à cette altercation ayant entraîné plusieurs blessés, l’intéressé aurait été entendu par la police, qui aurait relevé son nom. Au mois de février 2017, il aurait été convoqué pour participer, en tant que témoin, à une audience devant un tribunal de F. , prévue le ( ) 2017. Il aurait cependant été abordé à deux reprises dans la rue par des membres du VRMO-DPMNE, qui lui auraient demandé de présenter un faux-témoignage en faveur d’un des leurs. Suite au refus du recourant, ces personnes auraient essayé de l’étrangler et l’auraient menacé de mort. Le recourant se serait rendu à deux reprises au
commissariat central de F.
pour dénoncer ces faits, mais les
policiers auraient refusé de l’aider en raison de son appartenance à la communauté rom. Les inconnus qui le menaçaient se seraient également rendus à plusieurs reprises à son domicile. Lors de leur dernière visite, en l’absence du recourant, ils auraient séquestré et violé la recourante dans une forêt. Celle-ci aurait ensuite réussi à rentrer seule à la maison. Suite à cet événement, et après s’être adressés en vain aux autorités policières, les intéressés auraient décidé de quitter leur pays. Deux jours plus tard, le ( ) ou le ( ) février 2017, ils auraient pris un taxi en direction de
G. , en Serbie, puis auraient voyagé à bord d’un camion jusqu’en Suisse.
A l’appui de leur demande, les intéressés ont notamment produit une convocation du tribunal de 1ère instance de F. , enjoignant le recourant à témoigner lors d’une audience prévue le ( ) 2017, les certificats de naissance de toute la famille, l’acte de mariage des recourants ainsi que la carte d’identité de A. . Durant son audition du 22 mai 2017, le recourant a en outre joint plusieurs photos d’événements politiques (altercations entre partisans du VRMO-DPMNE et du SDSM) qui se sont déroulés le 27 avril 2017, soit après son départ du pays.
Par décision du 29 mai 2017, notifiée le lendemain, le SEM a refusé de reconnaître la qualité de réfugié aux recourants, a rejeté leur demande d’asile, a prononcé leur renvoi de Suisse et a ordonné l’exécution de cette mesure.
Le SEM a constaté que la Macédoine du Nord avait été désignée comme un pays d’origine ou de provenance sûr (« safe country »), soit exempt de persécutions, au sens de l'art. 6a al. 2 let. a LAsi, par décision du Conseil fédéral. Il était dès lors présumé qu'il n'existait pas de persécution étatique déterminante en matière d'asile et que des garanties de protection contre des persécutions non-étatiques étaient données dans ce pays.
Le SEM a estimé que, dans le cas des recourants, aucun indice ne permettait de renverser cette présomption de sécurité. Il a relevé que les menaces et faits allégués par les intéressés n’étaient pas pertinents sous l’angle de l’asile et que ceux-ci pourraient en outre se soustraire à ce contexte en transférant leur domicile dans une autre région de leur pays d’origine. Le SEM a également considéré que l'exécution du renvoi des recourants et de leurs enfants était licite, possible et raisonnablement exigible.
Le 7 juin 2017, les intéressés ont, par l'intermédiaire de leur mandataire entretemps constituée, interjeté recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal). Ils ont conclu, à titre principal, à l'annulation de cette décision, à la reconnaissance de la qualité de réfugié ainsi qu’à l’octroi de l’asile et, subsidiairement, au prononcé
d’une admission provisoire. A titre préalable, ils ont requis l’exemption du versement d’une avance de frais et l’octroi de l’assistance judiciaire totale.
Les intéressés ont, en substance, fait valoir que leurs motifs d’asile devaient être considérés comme pertinents au sens de l’art. 3 LAsi et que les autorités étatiques macédoniennes n’avaient pas la volonté de leur offrir une protection adéquate. Renvoyant à plusieurs articles et rapports généraux portant sur la situation en Macédoine du Nord, ils ont soutenu que le SEM ne pouvait se dispenser d’examiner concrètement la réalité des menaces invoquées ainsi que la possibilité d’obtenir une protection adéquate contre celles-ci.
Ils ont également fait valoir que B. souffrait de graves problèmes psychiques et ont soutenu qu’un renvoi dans leur pays les placerait dans une situation de précarité extrême. Ils ont en outre allégué que les Roms faisaient l’objet de discriminations en Macédoine du Nord et que la recourante ne pourrait dès lors pas avoir accès aux soins adéquats. A l’appui de leurs déclarations, ils ont produit un certificat médical daté du ( ) 2017, dont il ressort que l’intéressée souffrait alors d’un syndrome de stress post-traumatique (PTSD) et d’un épisode dépressif moyen à sévère, sans symptômes psychotiques, nécessitant un suivi psychothérapeutique et une prise en charge médicamenteuse. Ils ont annoncé la production d’un rapport médical plus détaillé concernant la recourante et ont conclu à l’inexigibilité de l’exécution de leur renvoi.
Par décision incidente du 29 juin 2017, le juge instructeur a imparti aux recourants un délai au 31 juillet 2017 pour produire le rapport médical annoncé dans leur recours. Il a par ailleurs renoncé à la perception d’une avance de frais de procédure et a réservé son prononcé sur la demande d’assistance judiciaire totale.
Par courriers des 25 juillet et 6 août 2017, les recourants ont fait parvenir au Tribunal un rapport médical daté du ( ) 2017, ainsi qu’un complément daté du ( ) suivant, tous deux concernant B. et établis par la Dresse H. , médecin en cheffe de clinique au département de psychiatrie de I. . Dans ces rapports, la Dresse confirme les diagnostics de PTSD et d’épisode dépressif moyen à sévère. Elle relève notamment que sa patiente nécessite un suivi psychiatrique et psychothérapeutique rapproché, ainsi que la prise régulière d’un antidépresseur (Brintellix) et d’un neuroleptique (Seroquel). Elle préconise
la poursuite de la prise en charge entreprise en Suisse. Elle souligne en outre que l’intéressée ressent et exprime de réelles angoisses à l’idée d’un retour dans son pays d’origine, car elle craindrait de subir de nouvelles violences de la part de ses agresseurs et aurait peur pour ses enfants. La recourante aurait par ailleurs menacé à plusieurs reprises de se suicider. Un renvoi de l’intéressée en Macédoine du Nord placerait dès lors cette dernière dans une situation de détresse psychologique importante, susceptible d’aggraver son état de santé psychique.
En complément au rapport médical précité, les recourants ont également joint un rapport de l'OSAR portant sur la prise en charge des dépressions sévères en Macédoine du Nord, publié en décembre 2015.
Par courrier du 23 novembre 2017, les recourants ont transmis au Tribunal la carte d’adhésion au SDSM de A. , ainsi que sa traduction. Selon ce document, l’intéressé serait membre de ce parti depuis le ( ) 2008. Il explique par ailleurs que ce document lui a été envoyé par un ami au sein du parti et qu’il s’agit d’une version récente, cette carte de membre étant régulièrement renouvelée.
Par décision incidente du 21 novembre 2019, le juge instructeur a admis la requête d’assistance judiciaire totale et a imparti à la mandataire des intéressés un délai afin d’établir qu’elle remplissait les conditions personnelles pour pouvoir être désignée comme mandataire d'office dans la présente cause (art. 110a al. 3 LAsi). Il a en outre invité les recourants à actualiser leur situation médicale.
Par écrit du 23 décembre 2019, la mandataire des recourants a précisé qu’elle n’était pas titulaire d’un diplôme universitaire en droit et qu’elle travaillait à titre bénévole. Elle a en outre précisé que ses mandants allaient rechercher un représentant remplissant les conditions de l’art. 110a al. 3 LAsi et que, le cas échéant, ils en informeraient le Tribunal.
Par courrier du 15 janvier 2020, les recourants ont déposé un certificat médical concernant B. , établi le ( ) 2020 par la Dresse H. . Ce document fait état, chez la recourante, d'un PTSD (ICD10 : F43.1), ainsi que d’un épisode dépressif sévère, avec symptômes psychotiques (ICD-10 : F32.3). L’intéressée continue à bénéficier d’un suivi
psychothérapeutique, comprenant des séances régulières de thérapie comportementale et de thérapie du traumatisme, ainsi que d’un traitement médicamenteux (psychopharmacologie). Selon la Dresse, si la prise en charge de l’intéressée a certes permis une amélioration de sa symptomatologie, la thérapie actuelle doit être poursuivie, notamment en raison du lien de confiance que l’intéressée a tissé avec ses thérapeutes.
Dans leur courrier, les recourants ont souligné qu’une interruption de la
prise en charge de B.
et son renvoi en Macédoine du Nord
conduirait à une aggravation sérieuse de son état de santé. Ils ont par ailleurs réitéré qu’ils seraient victimes de discriminations dans leur pays, en raison de leur appartenance à la communauté rom, et ont renvoyé à ce titre à plusieurs vidéos publiées sur Youtube et portant sur la situation des Roms en Macédoine du Nord, dont une montrant une manifestation contre la pauvreté des Roms, sur laquelle apparait le recourant. Ils ont également joint un rapport établi par l’ONG « Minority Group International », publié en novembre 2018, et intitulé « Briefing - Roma in the Republic of Macedonia : Challenges and Inequalities in Housing, Education and Health », dénonçant notamment l’existence de discriminations institutionnelles et de violences policières à l’encontre des Roms en Macédoine du Nord.
Constatant que les recourants ne lui avaient toujours pas communiqué le nom d’un représentant remplissant les conditions pour être nommé d’office dans la présente cause, le juge instructeur a, par décision incidente du 20 mai 2019, imparti aux intéressés un délai pour indiquer s’ils souhaitaient renoncer à la nomination d’un mandataire d’office et continuer à être valablement représentés par leur mandataire actuelle ou s’ils désiraient au contraire maintenir leur requête, auquel cas ils devraient produire une révocation du mandat confié à J. et indiquer au Tribunal le nom d’un mandataire répondant aux exigences légales.
Par courrier du 29 mai 2020, les intéressés ont précisé qu’ils souhaitaient renoncer à leur demande de nomination d’un mandataire d’office dans la présente cause et qu’ils désiraient continuer à être représentés par leur mandataire actuelle.
Invité à se déterminer sur le recours, le SEM en a proposé le rejet, le 29 mai 2020.
L'autorité de première instance a considéré que le recours ne contenait aucun élément ou moyen de preuve nouveau susceptible de modifier son point de vue. S'agissant de l'état de santé de B. , le SEM a d'abord relevé que les affections psychiques dont souffrait la recourante n’étaient pas de nature à mettre sa vie en danger en cas de retour dans son pays d’origine. Il a ajouté que les médicaments prescrits à l’intéressée étaient courants et disponibles en Macédoine et que ses allégations selon lesquelles elle n’aurait pas accès aux soins en raison de son ethnie rom n’étaient que de simples suppositions de sa part. Il a par ailleurs retenu que les articles et rapports auxquels les recourants avaient renvoyé ne traitaient que de sujets généraux sur les Roms en Macédoine du Nord et ne concernaient pas personnellement la situation des intéressés. S’agissant de la carte de membre du SDSM produite par l’intéressé, le SEM a relevé qu’elle semblait avoir été remise pour les besoin de la cause, dans la mesure où elle avait été déposée plus de huit mois après le dépôt de la demande d’asile et six mois après le prononcé de la décision attaquée. Il a en outre souligné qu’un tel document était aisément falsifiable et qu’il ne pouvait dès lors être considéré comme un moyen de preuve probant des activités politiques de A. . Enfin, le SEM a rappelé que sa décision du 29 mai 2017 était fondée sur l’application de l’art. 6a al. 2 let. a LAsi et que les motifs invoqués par les recourants, soit des menaces et un viol, ne sont pas pertinents sous l’angle de l’octroi de l’asile.
Par décision incidente du 9 juin 2020, le juge instructeur a pris acte de la décision des intéressés de renoncer à leur demande de nomination d’un mandataire d’office dans la présente procédure, a révoqué l’assistance judiciaire totale accordée par décision incidente du 21 novembre 2019, a informé les recourants qu’ils demeuraient au bénéficie de l’assistance judiciaire partielle et leur a imparti un délai pour se déterminer sur la réponse du SEM du 29 mai 2020.
Faisant usage de leur droit de réplique, le 17 juin 2020, les intéressés ont, en substance, contesté l’appréciation du SEM relative à l’état de santé de
B.
et aux moyens de preuve produits durant la procédure de
recours. Ils ont une nouvelle fois fait valoir que le SEM devait examiner de manière concrète leurs motifs d’asile ainsi que la possibilité d’obtenir une protection de leur part des autorités de leur pays d’origine. Ils ont réitéré à ce titre que leurs tentatives d’obtenir une telle protection auprès des autorités macédoniennes n’avaient pas abouti et qu’un retour en Macédoine du Nord aurait pour conséquence de péjorer gravement l’état
de santé de la recourante. Ils ont en outre relevé qu’il y avait lieu de tenir compte de l’intérêt supérieur des enfants et ont fait valoir que ceux-ci s’étaient désormais intégrés en Suisse. Ils ont à ce titre produit plusieurs courriers de connaissances et d’enseignants, confirmant leurs efforts d’intégration.
Les autres faits et arguments de la cause seront examinés, pour autant que besoin, dans les considérants en droit qui suivent.
Sous réserve des exceptions prévues à l’art. 32 LTAF, le Tribunal, en vertu de l’art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l’art. 5 PA, prises par les autorités mentionnées à l’art. 33 LTAF.
En particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l’asile peuvent être contestées devant le Tribunal, lequel statue alors définitivement, sauf demande d’extradition déposée par l’Etat dont le requérant cherche à se protéger (art. 105 en relation avec l’art. 6a al. 1 LAsi ; art. 33 let. d LTAF et art. 83 let. d ch. 1 LTF), exception non réalisée en l’espèce.
Les dernières dispositions de la modification du 25 septembre 2015 de la LAsi sont entrées en vigueur le 1er mars 2019 (cf. ordonnance du 8 juin 2018 portant dernière mise en vigueur de la modification du 25 septembre 2015 de la loi sur l'asile [RO 2018 2855]). Elles ne s'appliquent pas à la présente procédure, régie par l'ancien droit (al. 1 des dispositions transitoires de la modification du 25 septembre 2015, RO 2016 3101).
Les intéressés ont qualité pour recourir. Présenté dans la forme (art. 52 al. 1 PA) et le délai (art. 108 al. 2 LAsi [dans sa teneur en vigueur jusqu’au 28 février 2019]) prescrits par la loi, le recours est recevable.
En matière d'asile et sur le principe du renvoi (art. 44 1ère phr. LAsi), le Tribunal examine, conformément à l'art. 106 al. 1 LAsi, les motifs de recours tirés d'une violation du droit fédéral, notamment pour abus ou excès dans
l'exercice du pouvoir d'appréciation (let. a), et d'un établissement inexact ou incomplet de l'état de fait pertinent (let. b).
En revanche, en matière d'exécution du renvoi, le Tribunal examine en sus le grief d'inopportunité (art. 112 al. 1 LEI [RS 142.20] en relation avec l'art. 49 PA; cf. ATAF 2014/26 consid. 5).
Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d’origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l’être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques. Sont notamment considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l’intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable. Il y a lieu de tenir compte des motifs de fuite spécifiques aux femmes (art. 3 al. 1 et 2 LAsi ; cf. également ATAF 2007/31 consid. 5.2-5.6).
Conformément à une jurisprudence constante, l'asile n'est pas accordé en guise de compensation à des préjudices subis, mais sur la base d'un besoin avéré de protection. La reconnaissance de la qualité de réfugié au sens de l'art. 3 LAsi implique, par conséquent, l'existence d'un besoin de protection actuel, sur la base de la situation prévalant au moment de la décision ou, sur recours, au moment du prononcé de l'arrêt (cf. ATAF 2011/50 consid. 3.1.2 et jurisp. cit.).
La crainte face à des persécutions à venir, telle que comprise à l'art. 3 LAsi, contient un élément objectif, au regard d'une situation ancrée dans les faits, et intègre également dans sa définition un élément subjectif. Ainsi, sera reconnu comme réfugié, celui qui a de bonnes raisons, c'est-à- dire des raisons objectivement reconnaissables pour un tiers (élément objectif), de craindre (élément subjectif) d'avoir à subir selon toute vraisemblance et dans un avenir prochain une persécution (cf. ATAF 2011/50 consid. 3.1.1 ; 2010/57 consid. 2.5 ; 2010/44 consid. 3.3).
Quiconque demande l'asile doit prouver ou du moins rendre vraisemblable qu'il est un réfugié (art. 7 LAsi).
Conformément à l'art. 6a al. 2 let. a LAsi, le Conseil fédéral désigne les Etats d'origine ou de provenance sûrs, à savoir ceux dans lesquels il estime que le requérant est à l'abri de toute persécution, et soumet à un contrôle périodique les décisions qu'il prend sur ce point (art. 6a al. 3 LAsi).
En date 23 juin 2003, le Conseil fédéral a désigné la Macédoine du Nord (ex-République yougoslave de Macédoine) comme Etat exempt de persécutions, au sens de la disposition précitée, avec effet au 1er août 2003. Cette décision n'a depuis lors pas été modifiée lors des contrôles périodiques. Ce pays est donc présumé offrir à ses ressortissants une protection efficace et effective contre des persécutions de tiers (acteurs non étatiques).
La présomption découlant de la provenance d'un Etat d'origine ou de provenance sûr peut toutefois être renversée en présence d'indices concrets et circonstanciés de persécutions.
En l’espèce, il convient donc de vérifier si c'est à juste titre que le SEM a retenu qu'il n'existait, dans le dossier des recourants, aucun indice de persécution susceptible de renverser la présomption de sécurité dont jouit la Macédoine du Nord.
En l’espèce, le Tribunal considère, à l’instar du SEM, que les recourants ne sont pas en mesure de se prévaloir de motifs d’asile pertinents au sens de l’art. 3 LAsi.
Force est tout d’abord de constater que l’appartenance à la minorité ethnique rom ne permet pas, à elle seule, d’admettre une crainte fondée de futures persécutions telle que définie à l’art. 3 LAsi. Certes, l’hostilité d’une partie de la population de souche macédonienne envers ses concitoyens d’ethnie rom est notoire (cf. notamment arrêts du Tribunal E-3161/2014 du 21 juin 2017 consid. 3.3, D-4095/2012 du 7 août 2013 et E-3192/2012 du 22 juin 2012), et ce malgré les importants efforts accomplis ces dernières années par le gouvernement macédonien en vue de développer et d’améliorer le statut de la communauté rom, ainsi que de diminuer les comportements discriminatoires envers elle (cf. notamment Conseil des droits de l'homme, Groupe de travail sur l'Examen périodique universel, 32ème session, Rapport National soumis conformément au
paragraphe 5 de l'annexe à la résolution 16/21 du Conseil des droits de l'homme, Ex-République yougoslave de Macédoine, A/HRC/WG.6/32/MKD/1, p. 8 s., disponible sur <https://documents-ddsny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G18/343/59/PDF/G1834359.pdf>, consulté le 21.07.2020). Il ne peut toutefois être considéré que les membres de la minorité rom en Macédoine du Nord sont systématiquement l’objet d’actes de violence ou de graves discriminations entraînant une pression psychique insupportable.
S’agissant ensuite des préjudices allégués par les recourants - à savoir des menaces de la part de partisans du parti VRMO-DPMNE, visant à
contraindre A.
à présenter un faux-témoignage en leur faveur
devant une instance judiciaire, ainsi qu’un viol perpétré sur B. par ces mêmes personnes - le Tribunal constate que ces préjudices émanent non pas d’une autorité étatique mais de tierces personnes.
Selon la jurisprudence, il convient d'imputer à l'Etat le comportement non seulement de ses agents, mais également celui de tiers infligeant des préjudices déterminants en matière d'asile, lorsque l'Etat n'entreprend rien pour les empêcher ou pour sanctionner leurs agissements ou, sans intention délibérée de nuire, parce qu'il n'a pas la capacité de les prévenir (cf. Jurisprudence et informations de la Commission suisse de recours en matière d'asile [JICRA] 2006 n° 18 consid. 7 à 9 p. 190 ss ; cf. également arrêts du Tribunal E-4938/2017 du 26 juin 2019 consid. 4.3, E-3289/2015 du 9 juin 2017 consid. 3.3.1, E-4797/2016 du 19 janvier 2017 consid. 3.4 et E-2943/2016 du 2 novembre 2016 consid. 3.7). Autrement dit, les persécutions infligées par des tiers ne sont pertinentes pour l'octroi de l'asile que si l'Etat d'origine n'accorde pas une protection adéquate. En effet, selon le principe de subsidiarité de la protection internationale (in casu celle offerte par la Suisse) par rapport à la protection nationale, principe consacré à l'art. 1A ch. 2 de la Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 (Conv. réfugiés, RS 0.142.30), on est en droit d'attendre d'un requérant qu'il fasse appel en priorité à la protection du pays dont il a la nationalité (cf. à ce propos JICRA 2006 n° 18 consid. 10.1
p. 201 et JICRA 2000 n°15 p. 107 ss, spéc. consid. 7). La protection nationale sera considérée comme adéquate lorsque la personne concernée bénéficie sur place d'un accès concret à des structures efficaces de protection et qu'il peut être raisonnablement exigé d'elle qu'elle fasse appel à ce système de protection interne (cf. ATAF 2013/5 consid. 5.1 ; 2011/51 consid. 7.1 à 7.4 et la jurisp. cit., 2008/12 consid. 5.3 p. 155, 2008/5 consid. 4.1 p. 60, 2008/4 consid. 5.2 p. 37).
En Macédoine du Nord, le viol est criminalisé et est passible d’une peine allant d’une à dix années de prison. Ces dernières années, la Macédoine du Nord a en outre procédé à plusieurs réformes en vue de lutter contre les violences familiales et sexuelles dans ce pays. En décembre 2017, la Macédoine du Nord a ainsi ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), entrée en vigueur le 1er juillet 2018. Cette ratification a été suivie de l’adoption de plusieurs plans d’application, valables jusqu’en 2023, lesquels prévoient notamment une nouvelle définition du viol dans le code pénal ainsi que le développement de procédures de coopération et de coordination intersectorielles portant sur l’orientation des victimes de violence sexuelle, la formation de professionnels du domaine de la santé, le développement de procédures de traitement des victimes de violence sexuelle ainsi que l’adoption de directives médicales pour les personnes travaillant au contact desdites victimes. En 2018, la Macédoine du Nord a en outre mis sur pied plusieurs structures engagées dans la lutte contre les violences faites aux femmes, ainsi que des centres dans lesquels les victimes de violence sexuelle peuvent être orientées et prises en charge, y compris médicalement (cf. Woman Againt Violence Europe [WAVE], Mapping of sexual violence services in the western Balkans and Turkey - Executive summary, septembre 2019, p. 20 s., disponible sur
<https://cssplatform.org/wp-content/uploads/2019/10/CSSPWAVE_SVRe port190927_web.pdf>, consulté le 21.07.2020).
Selon les informations à disposition du Tribunal, les autorités judiciaires ou policières macédoniennes ne renoncent en outre pas, en règle générale, à poursuivre les auteurs d’exactions ou de crimes (y compris les violences sexuelles) commis à l’encontre de membres de minorités ethniques, ni ne tolèrent ou cautionnent de tels agissements. Il convient de préciser que cette volonté de protection de tous les citoyens macédoniens - y compris ceux issus d’ethnies minoritaires - doit d’autant plus être admise que la Macédoine du Nord a été désignée par le Conseil fédéral comme Etat exempt de persécutions, au sens de l’art. 6a al. 2 let. a LAsi (cf. consid. 4 supra), et a déposé, en mars 2004, une demande d’adhésion à l’Union européenne. Récemment, le 25 mars 2020, l'Union européenne a par ailleurs donné son accord pour ouvrir les négociations d'adhésion. Dès lors, la capacité et la volonté des autorités macédoniennes d’empêcher la survenance d’agissements tels que ceux allégués par les recourants, ou de poursuivre leurs auteurs, ne peuvent être déniées (cf. également arrêts du Tribunal E-3289/2015 précité consid. 3.5 ; D-4095/2012 du 7 août 2013 ; E-3192/2012 du 22 juin 2012 et E-1871/2012 du 11 mai 2012).
Compte tenu de ce qui précède, l'affirmation des recourants, selon laquelle ils se seraient adressés aux autorités policières de leur pays, sans toutefois obtenir une protection adéquate suite aux menaces et violences qu’ils auraient subies, ne repose sur aucun élément concret et convaincant. En premier lieu, force est de constater que les intéressés n'ont produit aucun document attestant de démarches qu’ils auraient effectuées auprès de la police ou de la justice. En outre, leurs allégations, selon lesquelles les autorités policières n’auraient pas voulu les aider, notamment en raison de leur appartenance à la communauté rom, sont demeurées particulièrement inconsistantes, voire contradictoires (cf. procès-verbal d’audition de B. du 22 mai 2017, Q. 65 et 66 ; procès-verbal de l’audition de A. du 22 mai 2017, Q. 103, 104 et 132 à 136). La recourante a par exemple affirmé qu’ils avaient dénoncé le viol auprès de la police mais que celle-ci ne les avait « pas aidés » (cf. procès-verbal
d’audition de B.
du 22 mai 2017, Q. 65 et 66), alors que le
recourant a déclaré que la police avait mené des recherches, sans succès (« ils n’ont pas réussi à retrouver leur trace » ; cf. procès-verbal d’audition de A. du 22 mai 2017, Q. 132 à 134), ce qui tend au contraire à démontrer que les autorités macédoniennes n’étaient pas demeurées complètement passives ou avaient refusé d’emblée d’engager des mesures afin de les protéger. Toujours selon les déclarations des recourants, ceux-ci seraient partis à peine un ou deux jours après que l’intéressée aurait été victime de violences sexuelles, ce qui n’aurait de toute manière pas laissé suffisamment de temps aux autorités macédoniennes pour donner suite à une éventuelle plainte pénale (cf. idem, Q. 133).
Le Tribunal constate dès lors que les recourants n’ont pas renversé, par un faisceau d’indices objectifs, concrets et convergents, la présomption selon laquelle les autorités macédoniennes accordent la protection nécessaire à leurs ressortissants contre les préjudices infligés par des tiers, autrement dit que les menaces et violences sexuelles qu'ils auraient subies, et surtout craignent de subir à nouveau en cas de retour au pays, avaient été et seront à l’avenir encore tolérées par les autorités macédoniennes, quel qu’ait été et sera le lieu de leur domicile.
Dans ces conditions, faute pour les intéressés d'avoir démontré qu’ils s’étaient réellement employés à chercher une protection dans leur pays d'origine et que les autorités de celui-ci ne seraient pas en mesure de la leur apporter, le Tribunal constate que les faits allégués par les intéressés ne revêtent pas un caractère déterminant pour la reconnaissance de la qualité de réfugié, indépendamment de la question de leur vraisemblance.
Au demeurant, le Tribunal relève que les sources citées par les intéressés dans leur recours, concernant les discriminations dont les Roms feraient l’objet en Macédoine, ne sauraient se révéler déterminantes en matière d’asile, dans la mesure où les informations relatées sont de portée générale et ne les concernent dès lors pas personnellement. Ils ne sauraient dès lors remettre en cause l’appréciation qui précède.
Il s’ensuit que le recours, en tant qu’il conteste le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié aux recourants et le rejet de leur demande d’asile, doit être rejeté et la décision attaquée confirmée sur ces points.
Lorsqu'il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en matière à ce sujet, le SEM prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité de la famille (art. 44 LAsi).
Aucune exception à la règle générale du renvoi, énoncée à l'art. 32 al. 1 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l'asile relative à la procédure (OA 1, RS 142.311), n'étant en l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer cette mesure.
L'exécution du renvoi est ordonnée si elle est licite, raisonnablement exigible et possible. Si ces conditions ne sont pas réunies, l'admission provisoire doit être prononcée. Celle-ci est réglée par l'art. 83 LEI.
L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son Etat d'origine ou de provenance ou dans un Etat tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEI). Aucune personne ne peut être contrainte, de quelque manière que ce soit, à se rendre dans un pays où sa vie, son intégrité corporelle ou sa liberté serait menacée pour l'un des motifs mentionnés à l'art. 3 al. 1 LAsi, ou encore d'où elle risquerait d'être astreinte à se rendre dans un tel pays (art. 5 al. 1 LAsi). Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants (art. 3 CEDH).
L'exécution du renvoi ne peut pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de
provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).
L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son Etat d'origine, son Etat de provenance ou un Etat tiers, ni être renvoyé dans un de ces Etats (art. 83 al. 2 LEI).
L'exécution du renvoi est illicite, lorsque la Suisse, pour des raisons de droit international public, ne peut contraindre un étranger à se rendre dans un pays donné ou qu'aucun autre Etat, respectant le principe du nonrefoulement, ne se déclare prêt à l'accueillir; il s'agit d'abord de l'étranger reconnu réfugié, mais soumis à une clause d'exclusion de l'asile, et ensuite de l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou encore l'art. 3 de la convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Conv. torture, RS 0.105).
En l’espèce, l'exécution du renvoi ne contrevient pas au principe de non-refoulement de l'art. 5 LAsi. Comme dit plus haut, les recourants n'ont pas rendu vraisemblable qu'en cas de retour dans leur pays d'origine, ils seraient exposés à de sérieux préjudices au sens de l'art. 3 LAsi.
En ce qui concerne les autres engagements de la Suisse relevant du droit international, il sied d'examiner particulièrement si l'art. 3 CEDH, qui interdit la torture, les peines ou traitements inhumains, trouve application dans le présent cas d'espèce.
Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, l'expulsion d'un étranger peut soulever un problème sous l'angle de l'art. 3 CEDH, à la teneur duquel nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Tel est le cas lorsqu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, s'il est expulsé vers le pays de destination, y courra un risque réel d'être soumis à un mauvais traitement, atteignant un minimum de gravité, prohibé par l'art. 3 CEDH. S'agissant des mauvais traitements qui pourraient être infligés par des tiers, la jurisprudence européenne insiste sur la nécessité de démontrer que le risque existe réellement (real risk) et qu'il n'y a aucun moyen d'y parer, soit parce que le risque existe de la même manière sur l'ensemble du territoire de l'Etat de destination, soit encore parce que les
autorités de cet Etat sont empêchées d'adopter des mesures de protection élémentaires.
Comme exposé au consid. 5 ci-dessus, auquel il est renvoyé, les recourants peuvent obtenir dans leur pays une protection effective contre les préjudices qu’ils disent craindre.
Selon l’art. 83 al. 4 LEI, l’exécution de la décision ne peut pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.
Cette disposition s’applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu’ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu’elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin. Malgré sa formulation, l'art. 83 al. 4 LEI n'est pas une disposition potestative et ne confère pas à l'autorité de liberté d'appréciation ("Ermessen") ; dans l'appréciation de l'inexigibilité de l'exécution du renvoi, elle dispose d'une marge d'appréciation ("Spielraum") réduite au point qu'elle ne peut pas procéder à une pesée des intérêts dans le cas concret (cf. ATAF 2014/26 consid. 7.9 et 7.10). En revanche, elle doit tenir compte de l’appartenance à un groupe de personnes spécialement vulnérables, lesquelles peuvent être touchées, suivant leur situation économique, sociale ou de santé, par une mesure d’exécution de renvoi d’une manière plus importante qu’usuelle et, pour cette raison, concrètement mises en danger, en l’absence de circonstances individuelles favorables (cf. ATAF 2014/26 consid. 7.5 in fine et consid. 7.7.3 ) ; de même, lorsqu’il y a lieu de réserver à l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale (art. 3 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant [CDE, RS 0.107]), il convient d’admettre une mise en danger concrète sur la base d’exigences
moins élevées que pour des personnes non spécifiquement vulnérables (cf. ATAF 2014/26 consid. 7.6 et réf. jur.).
En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier en matière de pénurie de logements et d'emplois, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (cf. notamment ATAF 2010/41 consid. 8.3.6).
En l'occurrence, il est notoire que la Macédoine du Nord ne connaît pas une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée qui permettrait d’emblée - et indépendamment des circonstances du cas d’espèce - de présumer, à propos de tous les ressortissants du pays, l’existence d’une mise en danger concrète au sens de l’art. 83 al. 4 LEI.
Le Conseil fédéral a par ailleurs désigné la Macédoine du Nord comme un Etat vers lequel l’exécution du renvoi est en principe raisonnablement exigible (art. 83 al. 5 LEI ; cf. annexe 2 à l’ordonnance sur l’exécution du renvoi et de l’expulsion d’étrangers [OERE ; RS 142.281]).
Cela étant, il convient encore d’examiner si les recourants pourraient renverser cette présomption pour des motifs qui leur seraient propres, autrement dit si leur retour dans leur pays équivaudrait à les mettre concrètement en danger en raison de leur situation personnelle.
En l'espèce, les recourants font valoir que l’état de santé de B. s’oppose à l’exécution de leur renvoi.
Le Tribunal rappelle à ce titre que l'exécution du renvoi de personnes nécessitant des soins médicaux ne devient inexigible qu’à la double condition que leurs affections puissent être qualifiées de graves et que ces personnes ne pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (cf. GABRIELLE STEFFEN, Droit aux soins et rationnement, 2002, pp. 81 s. et 87).
La Santé publique de la Macédoine est en mesure d’offrir à ses affiliés de bonnes prestations médicales en général, y compris des traitements psychothérapeutiques. Le pays n'est pas dépourvu de moyens en hôpitaux psychiatriques, psychiatres, infirmiers en soins psychiatriques, psychologues et travailleurs sociaux (cf. arrêt du Tribunal E-2883/2019 du 28 juin 2019 ; cf. également arrêt du TF 2C_972/2011 du 8 mai 2012 et les
références citées). Les principales villes de Macédoine, y compris F. , disposent en outre d’infrastructures en mesure d’offrir à ceux qui en ont besoin des soins psychiatriques, disponibles dans les départements de neuropsychiatrie des hôpitaux généraux du pays. De plus, plusieurs organisations non-gouvernementales sont également actives dans ce domaine. Quand bien même le niveau de qualité des soins dans ce domaine ne correspond pas à celui assuré en Suisse, un effort de développement a été entrepris dans le sens d'une amélioration et une prise en charge des frais est possible, selon certaines modalités, par le biais de l'assurance-maladie obligatoire, à laquelle la quasi-totalité de la population est affiliée, y compris les personnes d’ethnie rom (voir, sur ces questions, arrêt du Tribunal E-3161/2014 du 21 juin 2017 consid. 6.5.2 s. et les références citées).
En l’occurrence, s’il ressort des documents médicaux produits
durant la procédure de recours que B.
nécessite un suivi
psychiatrique et psychothérapeutique régulier et un traitement médicamenteux à base d’antidépresseur et de neuroleptique, son état de santé est stable et n'apparaît pas d'une gravité telle qu'il nécessiterait une prise en charge médicale particulièrement lourde, qui ne pourrait pas être poursuivie en Macédoine du Nord. Il n’y a en outre pas d’indices au dossier que l’intéressée soit intransportable en ce moment.
A cela s’ajoute que, en vue de faciliter son retour au pays, la recourante pourra non seulement se constituer une réserve de médicaments avant son départ de Suisse, mais également présenter au SEM, après la clôture de la présente procédure, une demande d'aide au retour au sens de l'art. 93 LAsi, et en particulier une aide individuelle telle que prévue à l'al. 1 let. d de cette disposition et aux art. 73 ss de l'ordonnance 2 du 11 août 1999 sur l'asile relative au financement (OA 2, RS 142.312), en vue d'obtenir un lot de médicaments ou un forfait consacré aux prestations médicales pour un laps de temps convenable.
Dans ces conditions, l’intéressée disposera de suffisamment de temps pour obtenir une consultation psychothérapeutique et un suivi médical auprès des structures de soins précitées, sans pour autant devoir suspendre son traitement médicamenteux.
Enfin, s’agissant des envies suicidaires de l’intéressée, relevées par la Dresse H. dans ses rapports des ( ) et ( ) juillet 2017 (cf. faits let. F. supra), le Tribunal constate que celles-ci n’ont plus été mentionnées dans les rapports médicaux les plus récents (cf., en particulier, le rapport
médical du [ ] 2020, faits let. J. supra) et qu’elles ne semblent dès lors plus d’actualité. A cela s’ajoute que, même à l’époque, les menaces de suicide de l’intéressée demeuraient à l'état d'hypothèse, sans aucune démonstration de leur caractère grave et imminent (cf. rapport médical du [ ] 2017, faits let. F. supra).
En tout état de cause, selon la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH), valable mutatis mutandis en matière d'exigibilité de l'exécution du renvoi, les menaces de suicide n'astreignent pas la Suisse à s'abstenir d'exécuter le renvoi, mais à prendre des mesures concrètes pour en prévenir la réalisation (cf. notamment arrêt affaire A. S. c. Suisse du 30 juin 2015, n°39350/13, par. 34 et réf. cit.).
Ainsi, lors de la mise en œuvre du renvoi, il appartiendra aux autorités chargées de l'exécution de bien l'organiser et, en particulier, de veiller à ce que la recourante soit pourvue des médicaments dont elle a besoin, voire de prévoir un accompagnement par une personne dotée de compétences médicales ou par toute autre personne susceptible de lui apporter un soutien adéquat, s’il devait résulter d'un examen médical effectué par le médecin mandaté par le SEM, avant le départ, qu'un tel accompagnement est nécessaire, notamment parce qu'il faudrait prendre très au sérieux des menaces auto-agressives (art. 93 al. 1 let. d LAsi et art. 11 al. 4 OERE).
Au vu de ce qui précède, le Tribunal constate qu'en cas de besoin, la recourante pourra bénéficier d'un suivi médical satisfaisant en Macédoine, même si les soins donnés et les médicaments prescrits ne correspondent pas nécessairement aux standards élevés de qualité prévalant en Suisse.
S’agissant d’une famille avec plusieurs enfants, il s’impose par ailleurs de tenir compte également de l’art. 3 de la CDE.
En effet, selon la jurisprudence, l’intérêt supérieur de l’enfant - tel que découlant de l'art. 3 al. 1 CDE - peut entrer en contradiction avec l'exécution de son renvoi, et rendre cette mesure inexigible. Ce principe ne fonde toutefois pas, en soi, un droit à une autorisation de séjour, respectivement à une admission provisoire (cf. ATAF 2014/26 consid. 7.6 in fine, ATAF 2009/28 consid. 9.3.2).
Les éléments à considérer, dégagés par la jurisprudence (cf. ATAF 2009/28 consid. 9.3.2 à 9.3.5), sont l'âge de l'enfant, son degré de maturité, ses liens de dépendance, la nature de ses relations avec les personnes
qui le soutiennent (proximité, intensité, importance pour son épanouissement), l'engagement, la capacité de soutien et les ressources de celles-ci, l'état et les perspectives de son développement et de sa formation scolaire, respectivement pré-professionnelle, le degré de réussite de son intégration, les chances et les difficultés d'une réinstallation dans le pays d'origine, ainsi que la durée du séjour en Suisse.
Une forte intégration en Suisse, découlant en particulier d'un long séjour et d'une scolarisation dans ce pays d'accueil, peut en effet avoir comme conséquence, en cas de renvoi, un déracinement qui serait de nature, selon les circonstances, à rendre son exécution inexigible (cf. JICRA 2006 n° 13 consid. 3.5). Ce n’est en principe que lorsqu'il atteint l'adolescence, période essentielle du développement personnel, qu’un retour forcé dans le pays d'origine peut représenter pour l’enfant une mesure d'une dureté excessive (cf. ATF 123 II 125 consid. 4 ; a contrario ATAF 2007/16 consid. 9).
En l’occurrence, les trois enfants des recourants sont aujourd’hui âgés de ( ) ans (C. ), ( ) ans (D. ) et de ( ) ans (E. ). C. et D. sont tous deux nés en Suisse, lors du précédent séjour des recourants dans ce pays. Les intéressés sont cependant retournés en Macédoine du Nord en ( ) 2013, alors que C. et D. étaient âgés respectivement de moins de ( ) ans et de ( ). La famille est ensuite revenue en Suisse en février 2017. Les trois enfants des recourants vivent donc depuis maintenant un peu plus de trois ans sur le territoire suisse.
Il n’en reste pas moins qu’ils sont encore jeunes et vivent de manière constante avec leurs parents. Des enfants de cet âge sont en général encore influencés par leurs parents (ou le parent qui en a le soin). Sauf si ceux-ci ont vécu longtemps en Suisse et s'y sont parfaitement intégrés
- ce qui ne ressort pas du dossier, nonobstant les lettres produites par les intéressés, décrivant les efforts d’intégration consentis par les recourants et leurs enfants dans leur commune -, leur emprise ira souvent dans le sens du maintien d'une certaine continuité avec le milieu socio-culturel d'origine (cf. arrêt E-3008/2014 du 11 janvier 2016 consid. 4.6.2 et réf. cit.) ; tel sera d’autant plus le cas en l’espèce que les phases décisives du développement des trois enfants, devant intervenir à l’adolescence, sont encore devant eux. La scolarité de E. vient seulement de débuter. Quant aux deux aînés, s’ils ont certes été scolarisés durant plusieurs années en Suisse, aucun élément au dossier ne permet toutefois de retenir que leur renvoi représenterait un déracinement à ce point grave que leur
exécution ne serait plus raisonnablement exigible, dès lors qu’ils ont également vécu durant près de quatre ans dans leur pays d’origine et qu’ils y ont débuté leur scolarité. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de retenir une assimilation à la culture et aux valeurs suisses telle que l'exécution du renvoi de ces enfants vers la Macédoine du Nord en deviendrait illicite ou inexigible. Le principe de l'intérêt supérieur de l’enfant reste d'ailleurs, dans l'appréciation du caractère exécutable du renvoi, un élément parmi d'autres, qui n'est pas forcément prépondérant (cf. ATAF 2014/20 consid. 8.3.6).
Au regard de ce qui précède, le Tribunal en arrive à la conclusion que le renvoi des trois enfants en Macédoine du Nord, en compagnie de leurs parents, ne représenterait pas un déracinement d'une telle ampleur que son exécution en deviendrait inexigible.
Enfin, les recourants sont en possession de documents suffisants pour rentrer dans leur pays ou, à tout le moins, sont en mesure d'entreprendre toute démarche nécessaire auprès de la représentation de leur pays d'origine en vue de l'obtention de documents de voyage leur permettant de quitter la Suisse. L'exécution du renvoi ne se heurte donc pas à des obstacles insurmontables d'ordre technique et s'avère également possible (cf. ATAF 2008/34 consid. 12).
Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le SEM a ordonné l'exécution du renvoi des intéressés, de sorte que, sur cette question également, la décision querellée doit être confirmée.
En conclusion, la décision attaquée ne viole pas le droit fédéral, a établi de manière exacte et complète l'état de fait pertinent (art. 106 al. 1 LAsi) et, dans la mesure où ce grief peut être examiné (art. 49 PA ; cf. ATAF 2014/26 consid. 5), n'est pas inopportune. En conséquence, le recours est rejeté.
Compte tenu de l’issue de la cause, il y aurait lieu de mettre les frais de procédure à la charge des recourants, conformément aux art. 63 al. 1 PA et art. 2 et 3 let. b du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2).
Toutefois, l'assistance judiciaire partielle ayant été admise par décision incidente du 21 novembre 2019, il n'en est pas perçu (art. 65 al. 1 PA).
Il n'est pas alloué de dépens (art. 64 al. 1 PA).
(dispositif : page suivante)
Le recours est rejeté.
Il n'est pas perçu de frais de procédure.
Le présent arrêt est adressé aux recourants, au SEM et à l'autorité cantonale.
La présidente du collège : Le greffier :
Emilia Antonioni Luftensteiner Thierry Leibzig
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