Instanz: | Bundesverwaltungsgericht |
Abteilung: | Abteilung V |
Dossiernummer: | E-2682/2017 |
Datum: | 26.03.2018 |
Leitsatz/Stichwort: | Asile (sans exécution du renvoi) |
Schlagwörter : | Rsquo;; Rsquo;a; écision; être; écution; Tribunal; ément; ;asile; éressés; été; Rsquo;en; érant; Suisse; éfugié; érieur; écutions; élément; épart; Rsquo;il; Rsquo;un; Rsquo;audition; écit; éter; Rsquo;est; ;origine; Rsquo;asile; éclarations; Rsquo;une; ;être; érieurs |
Rechtsnorm: | Art. 54 arg; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: | - |
Cour V
E-2682/2017
Composition Emilia Antonioni Luftensteiner (présidente du collège), Yanick Felley, Barbara Balmelli, juges,
Sophie Berset, greffière.
Parties A. , né le ( ), et son épouse B. , née le ( ),
Irak,
représentés par François Miéville, Centre Social Protestant (CSP), ( ),
recourants,
contre
autorité inférieure.
Objet Asile (sans exécution du renvoi) ; décision du SEM du 6 avril 2017 / N ( ).
A. et son épouse, B. , ont déposé une demande d’asile au Centre d’enregistrement et de procédure de C. , le 29 juillet 2015. Ils ont été entendus sur leurs données personnelles, le 4 août 2015.
Par décision du 14 octobre 2015, le SEM n’est pas entré en matière sur leurs demandes d’asile en application de l’art. 31a al. 1 let. b LAsi et a prononcé leur transfert vers la Hongrie. Le 9 mars 2016, le SEM a annulé la décision précitée et repris la procédure d’asile nationale. Il s’ensuit qu’en date du 14 mars 2016, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal) a radié du rôle le recours interjeté par les recourants, le 9 novembre 2015 (réf. E-7174/2015).
Par courrier du 7 décembre 2015, le SEM a informé le mandataire des recourants de la saisie notamment de leurs passeports et cartes d’identité irakiens par l’Administration fédérale des douanes (AFD) et de leur dépôt au dossier.
Les 20 décembre 2016 et 31 janvier 2017, les recourants ont été entendus sur leurs motifs d’asile, déclarations que la recourante a complété par un témoignage écrit au sujet de ses neuf jours de captivité, retranscrit par une tierce personne.
Les intéressés ont affirmé être originaires D. (sis dans la province de Diyala), où ils ont vécu chez les parents de A. depuis leur mariage en été 2000, avant d’acquérir une maison voisine en 2014. Tous les deux d’ethnie arabe, le recourant se serait converti au christianisme en 2009 et son épouse en 2012 ou 2013, sans toutefois se faire baptiser.
En mai ou juin 2015, le frère de la recourante, prénommé E. et membre du parti F. , aurait surpris une conversation entre les intéressés et en aurait déduit qu’ils s’étaient convertis au christianisme. Le soir-même, l’oncle de B. , un homme politique influent (responsable du parti F. pour la province de Diyala) nommé G. , accompagné de E. et de deux hommes armés, auraient enlevé
l’intéressée à son domicile, en l’absence de son époux, et l’auraient séquestrée durant neuf jours, la frappant et la privant de nourriture ; ils l’auraient aussi contrainte à divorcer devant l’autorité compétente. Le père du recourant aurait immédiatement informé celui-ci des faits, l’enjoignant à se réfugier chez un de ses amis à H. et d’y attendre son épouse. Après avoir avoué la conversion religieuse de son mari, celle-ci aurait pris la fuite avec l’aide de sa sœur et rejoint son époux à H. avant qu’ils ne quittent ensemble l’Irak, le ( ) 2015. Ils auraient notamment transité par la Turquie et la Grèce avant d’entrer en Suisse aux alentours du 18 juillet 2015.
Le recourant a appris, depuis la Suisse, que G. avait fait jeter en prison son père (I. ) et son frère J. , détenus illégalement pendant plusieurs mois au poste de police de K. avant d’être relâchés en échange d’une importante somme d’argent. J. aurait été frappé à D. par un proche de B. et il vivrait désormais caché à H. avec son père et son épouse.
A l’appui de leurs déclarations, les intéressés ont notamment produit, outre leurs documents d’identité, un témoignage écrit de Monsieur L. (envoyé de l’Eglise [ ]), une photographie montrant cet homme d’église aux côtés de I. , ainsi que trois photographies des blessures de J. .
Un peu plus d’un an après leur arrivée en Suisse, les recourants se sont fait baptiser à M. , le ( ) 2016. Ils ont déposé leurs certificats de baptême, une photographie prise à cette occasion ainsi qu’une attestation de fréquentation de l’Eglise ( ).
Par décision du 6 avril 2017, le SEM a rejeté les demandes d’asile des recourants et refusé de leur reconnaître la qualité de réfugié en raison de l’invraisemblance de leurs propos et du manque de pertinence des motifs invoqués. Il a prononcé leur renvoi de Suisse (sur le principe) et les a mis au bénéfice d’une admission provisoire pour cause d’inexigibilité de l’exécution de cette mesure.
Interjetant recours contre la décision précitée, le 10 mai 2017, les intéressés ont conclu à l’octroi de l’asile ainsi qu’à la reconnaissance de la qualité de réfugié, subsidiairement, à l’audition des recourants par le Tribunal et,
plus subsidiairement, au renvoi de la cause au SEM pour complément d’instruction et nouvelle décision. Ils ont demandé l’assistance judiciaire totale. Dans le but d’établir la vraisemblance de leurs propos, ils ont produit différents échanges (SMS et lettres) avec Monsieur L. .
Par décision incidente du 12 septembre 2017, le Tribunal a joint la présente cause à celles des frères et de la mère du recourant et, estimant après un examen prima facie des dossiers que les persécutions alléguées étaient invraisemblables, a imparti un délai aux intéressés pour se déterminer sur les éléments relevés.
Exerçant leur droit d’être entendu, le 6 octobre 2017, les recourants se sont opposés à la jonction de la présente cause aux autres, tout en demandant une prise en considération de l’ensemble de la situation ainsi que des dossiers connexes. Ils ont admis que leurs déclarations comportaient des divergences et des contradictions et ont apporté certaines précisions. Ils ont affirmé que leur conversion était connue de leurs oncles à N. , des ressortissants irakiens musulmans de Suisse et fort probablement de leurs proches en Irak. Ils ont déposé des témoignages de deux pasteurs et quatre documents attestant de leur engagement au sein de la communauté religieuse, ainsi que leur jugement de divorce, rendu le ( ) 2015 par le tribunal du ( ) de D. (en copie accompagné d’une traduction).
Par décision incidente du 7 novembre 2017, la disjonction de la présente cause de celles des autres membres de la famille de A. a été prononcée.
Par décision incidente du lendemain, le Tribunal a admis la demande d’assistance judiciaire totale et nommé Monsieur François Miéville en qualité de défenseur d’office des recourants dans la présente procédure.
Dans sa réponse du 21 novembre 2017, le SEM, constant l’absence de moyens de preuve probants et déterminants, a conclu au rejet du recours.
Dans leur détermination du 12 décembre 2017, les recourants ont contesté
cette appréciation. Ils ont déposé une photographie supplémentaire montrant une cicatrice sur le front de J. ainsi qu’une note de frais de leur mandataire.
Les autres faits éléments contenus dans les écritures précitées seront examinés, si nécessaire, dans les considérants en droit qui suivent.
Le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF.
En particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l'asile peuvent être contestées, par renvoi de l'art. 105 LAsi, devant le Tribunal, lequel statue alors définitivement, sauf demande d'extradition déposée par l'Etat dont le requérant cherche à se protéger (cf. art. 83 let. d ch. 1 LTF), exception non réalisée en l’espèce.
Les recourants ont qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA). Présenté dans la forme (cf. art. 52 al. 1 PA) et dans le délai (cf. art. 108 al. 1 LAsi) prescrits par la loi, le recours est recevable.
D’entrée de cause, le Tribunal estime que les faits sont établis de manière complète, ce qui lui permet d’exercer pleinement son contrôle. Ainsi, la requête des intéressés d’être entendus personnellement par le Tribunal doit être rejetée.
Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques. Sont notamment considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité corporelle ou de la
liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable. Il y a lieu de tenir compte des motifs de fuite spécifiques aux femmes (art. 3 al. 1 et 2 LAsi; cf. également ATAF 2007/31 consid. 5.2 à 5.6).
La crainte face à des persécutions à venir, telle que comprise à l'art. 3 LAsi, contient un élément objectif, au regard d'une situation ancrée dans les faits, et intègre également dans sa définition un élément subjectif. Sera reconnu comme réfugié, celui qui a de bonnes raisons, c'est-à-dire des raisons objectivement reconnaissables pour un tiers (élément objectif), de craindre (élément subjectif) d'avoir à subir selon toute vraisemblance et dans un avenir prochain une persécution (cf. ATAF 2010/44 consid. 3.4, ATAF 2008/34 consid. 7.1, ATAF 2008/12 consid. 5.1).
Quiconque demande l'asile (requérant) doit prouver ou du moins rendre vraisemblable qu'il est un réfugié (art. 7 al. 1 LAsi). La qualité de réfugié est vraisemblable lorsque l'autorité estime que celle-ci est hautement probable (art. 7 al. 2 LAsi). Conformément à l'art. 7 al. 3 LAsi, des allégations sont vraisemblables, lorsque, sur les points essentiels, elles sont suffisamment fondées, concluantes et plausibles et que le requérant est personnellement crédible. Les allégations sont fondées, lorsqu'elles reposent sur des descriptions détaillées, précises et concrètes, la vraisemblance de propos généraux, voire stéréotypés étant généralement écartée. Elles sont concluantes, lorsqu'elles sont exemptes de contradictions entre elles, d'une audition à l'autre ou avec les déclarations d'un tiers (par exemple, proche parent) sur les mêmes faits. Elles sont plausibles, lorsqu'elles correspondent à des faits démontrés (en particulier aux circonstances générales régnant dans le pays d'origine) et sont conformes à la réalité et à l'expérience générale de la vie.
Quand bien même la vraisemblance autorise l'objection et le doute, ceux-ci doivent toutefois paraître d'un point de vue objectif moins importants que les éléments parlant en faveur de la probabilité des allégations. Lors de l'examen de la vraisemblance des allégations de fait d'un requérant d'asile, il s'agit pour l'autorité de pondérer les signes d'invraisemblance en dégageant une impression d'ensemble et en déterminant, parmi les éléments militant en faveur ou en défaveur de cette vraisemblance, ceux qui l'emportent (cf. ATAF 2012/5 consid. 2.2, ATAF 2010/57 consid. 2.3 et réf. cit.).
En l’occurrence, le SEM considère que les problèmes invoqués par les recourants comme étant à l’origine de leur départ d’Irak ne sont pas vraisemblables et écarte les moyens de preuve produits au motif qu’ils n’établissent pas la réalité des persécutions invoquées. Les intéressés contestent cette appréciation et maintiennent avoir été exposés à de sérieux préjudices en Irak en raison de la découverte de leur conversion et risquer de l’être à nouveau en cas de retour. Ils font valoir les persécutions postérieures à leur fuite à l’encontre du père et du frère de A. par les membres de la famille de son épouse, afin de démontrer la réalité des motifs à l’origine de leur départ du pays.
Le Tribunal estime que les persécutions alléguées comme étant à l’origine de leur départ d’Irak sont invraisemblables.
D’abord, la recourante a tenu un discours divergent au sujet de la date à laquelle son oncle et son frère, accompagnés d’hommes armés, l’auraient enlevée à son domicile, puisqu’elle a parlé du premier jour du Ramadan, qu’elle a situé aux alentours du ( ) 2015, alors que cette année-là, le Ramadan débutait à l’aube du jeudi 18 juin, soit ( ) (cf. <http://www.linternaute.com/actualite/societe/1235373-ramadan -
2015-une-date-unique-cette-annee />, consulté le 26 mars 2018). Quant à son époux, il n’a pas pu dater l’événement (cf. pv de son audition sur les motifs Q51). Il a cependant dit que c’était le jour de la prière, c’est-à-dire un dimanche, ce qui ne correspond pas non plus au 1er jour du Ramadan de l’an 2015.
Ensuite, le récit de B. paraît récité et, bien qu’invitée à plusieurs reprises à exposer en détail le déroulement de la journée de son enlèvement, elle s’est contentée de répéter à chaque occasion la même histoire que celle relatée lors de sa première audition, sans aucune nuance qui permettrait de croire au réel vécu des événements invoqués (cf. pv de son audition sur les motifs Q47 et Q58 ; cf. pv de d’audition sur les données personnelles pts 7.01 et 7.02). Ainsi, lorsqu’il lui est demandé de décrire exactement et précisément le jour de son enlèvement, ses déclarations se résument à deux reprises en huit lignes (cf. pv de son audition sur les motifs Q47 et Q58). N’importe qui serait capable de décrire une journée sans événement particulier avec plus de détails et de précisions que l’a fait la recourante d’une journée ayant marqué un tournant dans son existence,
puisque l’ayant conduite à l’exil. En outre, les intéressés ont tenu des propos divergents au sujet de la conversation qu’ils tenaient au moment où le
frère de B.
les épiait, A.
déclarant avoir prié avec sa
femme, rompu le pain et bu le vin, alors que celle-ci affirme qu’ils parlaient du christianisme et de leur souhait de voir ériger une église près de chez eux (cf. pv de leurs auditions respectives sur les motifs Q52s. / Q63).
Par ailleurs, la recourante n’a pas été plus prolixe au sujet des neuf jours passés dans sa famille contre son gré, se contentant de mentionner le manque de nourriture, ce qui n’était pourtant, comme elle l’a dit, pas sa priorité (cf. pv de son audition sur les motifs Q80 et Q82 à Q84). De même, sa fuite du domicile familial où elle était détenue n’est nullement détaillé et ne permet pas de rendre cet allégué crédible (cf. pv de l’audition sur les motifs Q114). Par ailleurs, elle n’a, à plusieurs reprises, pas répondu aux questions qui lui étaient posées (cf. pv de son audition sur les motifs Q83, Q105 et 106) et elle se souvient de certains éléments en cours d’audition. Par exemple, elle ignore dans un premier temps à combien de reprises sa sœur lui a apporté à manger, se rappelant par la suite qu’elle est venue deux fois (cf. pv de l’audition sur les motifs Q84 et Q108). Son récit est également incohérent, sa sœur lui ayant ou non parlé d’organiser sa fuite avant de passer à l’acte (cf. pv de l’audition sur les motifs Q108s. et Q112).
Au demeurant, les problèmes psychiques de A.
ne sont pas
propres à lever les nombreux éléments d’invraisemblance relevés.
Les recourants n’ont produit aucun moyen de preuve susceptible d’établir la véracité de leurs déclarations au sujet des persécutions dont ils auraient été victimes. A cet égard, les différents témoignages de tierces personnes déposés au dossier ne sont pas déterminants, dans la mesure où il s’agit de dires de connaissances, dont l’objectivité n’est pas garantie. Quant à la copie du jugement de divorce, elle ne revêt aucune valeur probante et n’établit de surcroît pas les persécutions invoquées dans les circonstances décrites.
Au vu de ce qui précède, B. et son époux n’ont pas rendu vraisemblable les persécutions alléguées de la part de la famille de celleci à leur encontre, en raison de la découverte de leur conversion au christianisme.
D’ailleurs, ce constat est corroboré par des incohérences et contradictions relevées dans les récits des autres membres de leur famille. Ainsi, selon
, le frère de B.
n’aurait pas surpris la conversation des
intéressés à leur insu, mais aurait poliment sonné à la porte (cf. pv de l’au-
dition sur les motifs de O.
Q38 p. 6). Par ailleurs, d’après
, sa famille ne connaissait ni ne pratiquait les rites chrétiens, ce qui contredit l’allégué précité de A. . Il en est de même au sujet du lieu de l’enlèvement de B. , puisque celle-ci déclare avoir été enlevée dans sa propre demeure, alors que son beau-frère Q. affirme qu’elle se trouvait dans la demeure familiale à ce moment-là (cf. pv de l’audition sur les motifs de Q. Q70). A cela s’ajoute que R. n’évoque nullement l’enlèvement et la séquestration de B. , alors que cet événement serait à l’origine des problèmes de cette famille.
Par surabondance, les recourants se sont contredits au sujet de la manière et de la date de leur départ du pays. Ainsi, ils ont d’abord affirmé avoir quitté l’Irak avec un réseau de passeurs, munis de passeports d’emprunt, puisque les leur étaient en possession de la famille de B. . Or, postérieurement à la saisie de leurs passeports irakiens par l’AFD et leur transmission au SEM, ils ont été forcés d’admettre avoir quitté leur pays légalement, munis de leurs documents d’identité et ont donc sciemment modifié leur récit en cours de procédure. L’argument du recourant selon lequel il ignorait, au moment de sa fuite, être détenteur de son propre passeport ne saurait convaincre. En conclusion, les déclarations des intéressés se révèlent mensongères sur ce point, ce qui contribue à accentuer le discrédit de leurs allégués au sujet des motifs à l’origine de leur départ d’Irak. En outre, ils ont dit être partis le ( ) 2015 alors que leurs passeports comportent un tampon de sortie d’Irak et d’entrée en Turquie daté du lendemain. A. affirme que sa femme l’a rejoint à H. , alors que d’après son frère Q. , les époux seraient partis ensemble depuis leur propre maison (cf. pv de l’audition sur les motifs de Q. Q66). Par ailleurs, le discours des intéressés à propos de leur voyage est inconsistant, puisqu’aucun d’eux ne peut nommer les villes et villages traversés entre S. et la frontière alors qu’en revanche, ils détaillent tous les deux précisément la suite de leur parcours migratoire (cf. pv de leurs auditions sur les données personnelles pt 5.01).
Partant, la découverte de la conversion religieuse des recourants ainsi que les représailles de ce fait s’avérant invraisemblables, le Tribunal considère l’absence de motifs de persécutions antérieurs à leur départ du pays.
Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il conteste le refus d’octroi de l'asile, doit être rejeté.
Il reste à examiner si, en raison de la conversion des recourants au christianisme, intervenue en Suisse, la crainte des intéressés d’être exposés à de sérieux préjudices en cas de renvoi en Irak pour des motifs subjectifs postérieurs à leur départ est fondée.
Celui qui se prévaut d'un risque de persécution dans son pays d'origine ou de provenance, engendré uniquement par son départ de ce pays ou par son comportement postérieur audit départ, fait valoir des motifs subjectifs survenus après la fuite, au sens de l'art. 54 LAsi. Sont en particulier considérés comme des motifs subjectifs survenus après la fuite au sens de cette disposition les activités politiques indésirables en exil, le départ illégal du pays ("Republikflucht"), le dépôt d'une demande d'asile à l'étranger, lorsqu'ils fondent un risque de persécution future (cf. ATAF 2009/29 consid. 5.1 et réf. cit.). Ils doivent être distingués des motifs objectifs postérieurs à la fuite qui ne relèvent pas du comportement du requérant. Les motifs subjectifs postérieurs à la fuite sont déterminants pour la reconnaissance de la qualité de réfugié au sens de l'art. 3 LAsi. Le législateur a en revanche clairement exclu qu'ils puissent conduire à l'octroi de l'asile indépendamment de la question de savoir si le comportement du requérant peut ou non être qualifié d'abusif. L'exécution du renvoi d'un requérant qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié sur la base de motifs subjectifs postérieurs à la fuite s'avère illicite au sens de l'art. 83 al. 3 LEtr (RS 142.20). Enfin, la conséquence que le législateur a voulu attribuer aux motifs subjectifs intervenus après la fuite, à savoir l'exclusion de l'asile, interdit de les combiner avec des motifs antérieurs à la fuite, respectivement des motifs objectifs postérieurs à celle-ci, lorsque ceux-ci ne sont pas suffisants pour fonder la reconnaissance de la qualité de réfugié et conduire à l'octroi de l'asile (cf. ATAF 2009/28 consid. 7.1).
En l’espèce, le SEM estime que la seule conversion des recourants au christianisme, en Suisse, ne suffit pas pour fonder une crainte de sérieux préjudices en cas de retour (cf. art. 54 LAsi). Il argue qu’une pratique discrète et privée de leur religion est possible en Irak. Les recourants s’opposent à cette appréciation ; ils soutiennent que leur réseau social et familial au pays a très probablement connaissance de leur conversion religieuse,
notamment par l’intermédiaire de leurs oncles en Suisse, ce que confirment d’ailleurs les représailles infligées au père et au frère du recourant.
Le Tribunal considère qu’il est crédible que les deux oncles du recourant, qui résident à N. , soient informés de la conversion en Suisse des intéressés. De plus, les recourants sont baptisés depuis plus d’un an et demi et sont engagés dans leur communauté religieuse, ainsi qu’en atteste notamment l’écrit du pasteur l’Eglise ( ) du ( ) 2016. Partant, il ne peut être exclu, en l’état, que leur conversion, officialisée par leur baptême le ( ) 2016, n’ait pas été communiquée par les oncles en Suisse aux membres de leurs familles respectives en Irak, voire aussi à leur réseau social. Dès lors, le Tribunal estime que le SEM considère, à tort, que les recourants pourront pratiquer leur religion de manière privée et discrète à leur retour en Irak sans être inquiétés. A cela s’ajoute que, compte tenu notamment de la lettre de Monsieur L. du ( ) 2016, il n’est pas exclu que I. et J. fassent l’objet, en Irak, de représailles de la part de tiers, informés de la conversion de cette famille par les oncles en Suisse. Dès lors, un risque de persécutions futures en cas de retour ne peut, à ce stade, être écarté sans autre investigation.
Par conséquent, le recours, en tant qu’il conteste la décision de refus de reconnaissance de la qualité de réfugié, doit être admis.
En raison de l’ampleur des mesures d’instruction à entreprendre, il y a lieu de casser la décision du SEM du 6 avril 2017 sous l’angle de la qualité de réfugié, pour établissement incomplet de l’état de fait pertinent au sens de l’art. 106 al. 1 let. b LAsi et de lui renvoyer la cause pour complément d’instruction et nouvelle décision (art. 61 al. 1 PA).
Le SEM devra notamment vérifier si les intéressés doivent légitimement craindre d’être exposés, sur le plan objectif, à une persécution au sens de l’art. 3 LAsi en cas de retour en Irak. Pour ce faire, il devra procéder à des mesures d’instruction visant à compléter et clarifier l’état de fait et à statuer en connaissance de cause.
Lorsqu'il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en matière à ce sujet, le SEM prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité de la famille
(art. 44 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon l'art. 32 OA 1 (RS 142.311), lorsque le requérant d'asile dispose d'une autorisation de séjour ou d'établissement valable, ou qu'il fait l'objet d'une décision d'extradition ou d'une décision de renvoi conformément à l'art. 121 al. 2 Cst.
Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer cette mesure.
Les recourants étant au bénéfice d'une admission provisoire, il n'y a pas lieu d'examiner les questions liées à l'exécution du renvoi, notamment les problèmes médicaux du recourant.
Compte tenu de l’octroi aux recourants de l’assistance judiciaire totale, il n’est pas perçu de frais de procédure (cf. art. 65 al. 1 et 2 PA).
Le Tribunal fixe le montant de l'indemnité, sur la base des décomptes de prestations de mai 2017 et du 12 décembre 2017, compte tenu également d'un tarif horaire de 150 francs (cf. décision incidente du 8 novembre 2017, p. 3), à 2’900 francs.
Dans la mesure où les recourants obtiennent partiellement gain de cause, ils peuvent prétendre à une indemnité réduite, se montant à la moitié des frais indispensables et relativement élevés qui lui ont été occasionnés (cf. art. 64 al. 1 PA et art. 7 al. 2 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]). Partant, le SEM versera aux recourants des dépens à hauteur de 1’450 francs.
Compte tenu de l’indemnité allouée à la partie qui obtient partiellement gain de cause, au sens du considérant qui précède, le montant des honoraires s'élève à 1’450 francs, à charge du Tribunal (cf. art. 8 à 11 FITAF, applicables par renvoi de l'art. 12 FITAF).
(dispositif : page suivante)
Le recours est rejeté en tant qu’il porte sur l’asile et le prononcé du renvoi.
La conclusion requérant l’audition des intéressés est rejetée.
Le recours est admis en tant qu’il porte sur la qualité de réfugié. Le chiffre 1 du dispositif de la décision attaquée est annulé et la cause renvoyée au SEM pour nouvelle décision au sens des considérants.
Il n’est pas perçu de frais de procédure.
Le SEM versera aux recourants la somme de 1’450 francs à titre de dépens.
L'indemnité à verser par le Tribunal au mandataire d'office est fixée à 1’450 francs.
Le présent arrêt est adressé aux recourants, au SEM et à l'autorité cantonale.
La présidente du collège : La greffière :
Emilia Antonioni Luftensteiner Sophie Berset
Expédition :
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