Instanz: | Bundesverwaltungsgericht |
Abteilung: | Abteilung VI |
Dossiernummer: | BVGE 2018 VII/4 |
Datum: | 25.07.2018 |
Leitsatz/Stichwort: | Regroupement familial |
Schlagwörter : | Tribunal; édéral; CourEDH; édure; ;âge; être; Suisse; également; ;enfant; éjour; épôt; était; écembre; ;agissant; éré; érant; ément; Tuquabo-Tekle; étranger; ;arrêt; ;application; ;intéressé; âgé; ésence; Familiennachzug; âgée; écision; ;autorité; SPESCHA; éenne |
Rechtsnorm: | Art. 11 BGG ; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: | - |
Extrait de l'arrêt de la Cour VI
dans la cause X. contre Secrétariat d’Etat aux migrations
F-3045/2016 du 25 juillet 2018
Au mois d'octobre 2013, une ressortissante camerounaise, alors âgée de 16 ans, a déposé une demande de regroupement familial afin de rejoindre en Suisse sa mère, titulaire d'une autorisation de séjour.
Suite au rejet de cette demande par le service cantonal compétent, la mère de l'intéressée a recouru devant le Tribunal cantonal, qui a admis le pourvoi au mois de septembre 2015. A cette date, la fille était devenue majeure.
Au mois de novembre 2015, le service cantonal compétent a transmis le dossier de la cause au Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) pour approbation à l'octroi d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial.
Par décision du 12 avril 2016, le SEM a refusé de donner son approbation à l'octroi de ladite autorisation.
Par acte du 13 mai 2016, la mère a recouru contre cette décision. Le Tribunal administratif fédéral admet le recours.
Extrait des considérants:
le présent arrêt (consid. 10), qui, selon la conviction du Tribunal administratif fédéral, justifient un revirement de jurisprudence ([ ]).
6. Un revirement de jurisprudence doit être justifié par des raisons sérieuses et pertinentes, pour ne pas violer la prohibition de l'arbitraire et la protection de la bonne foi (art. 9 Cst.) ni commettre une sorte d'inégalité de traitement dans le temps (art. 8 al. 1 Cst.; MOOR/FLÜCKIGER/MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd. 2012, ch. 2.1.3.2 p. 86 et ch. 6.2.3.4
p. 862). En ce sens, l'intérêt à une correcte application du droit l'emporte sur le principe de la sécurité juridique lorsque le revirement de jurisprudence est fondé sur une connaissance plus approfondie de l'intention du législateur, la modification des circonstances extérieures, un changement de conception juridique ou l'évolution des mœurs. De plus, les conséquences préjudiciables du revirement pour le justiciable doivent être mises en balance avec les inconvénients de la jurisprudence à abandonner (VINCENT MARTENET, Géométrie de l'égalité, 2003, no 320 ss p. 143; MOOR/FLÜCKIGER/MARTENET, op. cit., ch. 2.1.3.2 p. 85 ss; HÄFELIN/
MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7e éd. 2016, p. 134 s.; ATF 137 V 282 consid. 4.2; 136 V 313 consid. 5.3.1; 136 III 6
consid. 3; 127 V 353 consid. 3a).
Les motifs du revirement doivent être d'autant plus sérieux que la précédente jurisprudence a été plus longue. La nouvelle jurisprudence sera appliquée immédiatement et aux affaires pendantes au moment où elle est adoptée (MOOR/FLÜCKIGER/MARTENET, op. cit., ch. 2.1.3.2 p. 86 s.).
C'est ici le lieu de rappeler que dans un système diffus de contrôle de constitutionnalité tel qu'en vigueur en Suisse, les instances judiciaires inférieures, respectivement l'ensemble des tribunaux ordinaires, sont habilités à examiner la constitutionnalité ainsi que la conventionalité des lois (cf. AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, 3e éd. 2013, no 1903 p. 643; [ ]).
Selon la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral, rendue aussi bien en application du droit matériel suisse qu'eu égard à la condition de recevabilité du recours en matière de droit public consistant en l'existence d'un droit à une autorisation dans le domaine du droit des étrangers (art. 83 let. c ch. 2 LTF a contrario), la circonstance qu'un requérant devienne majeur en cours de procédure ne change rien au fait que le moment déterminant du point de vue de l'âge de l'enfant dans le domaine du regroupement familial, soit moins de dix-huit ans, est celui du dépôt de la demande (ATF
136 II 497 consid. 3.2, 3.4, 3.7 et 3.9; ATF 129 II 11 consid. 2; 120 Ib 257
consid. 1f; arrêts du TF 2C_1102/2016 du 25 avril 2017 consid. 1.1; 2C_887/2014 du 11 mars 2015 consid. 2.1; 2C_195/2011 du 17 octobre
2011 consid. 4.2; 2C_214/2010 du 5 juillet 2010 consid. 1.2 et 1.3;
2C_606/2009 du 17 mars 2010 consid. 1; 2A.316/2006 du 19 décembre
2006 consid. 1.1.1 et 1.1.2, non publiés in ATF 133 II 6; arrêt du TAF F-4129/2015 du 28 décembre 2016 consid. 5.2, non publié in ATAF 2016/34).
En d'autres termes, le droit au regroupement familial ne s'éteint pas - s'il existait en vertu du droit interne au moment de la demande - lorsque l'enfant qui pouvait s'en prévaloir devient majeur durant la procédure (cf. en ce sens ATF 136 II 497 consid. 3.2).
De l'avis du Tribunal administratif fédéral, le raisonnement mené par le Tribunal fédéral sous l'angle du droit suisse, s'agissant du moment déterminant du point de vue de l'âge de l'enfant en faveur duquel le regroupement familial est requis, est tout aussi pertinent au regard de la recevabilité du recours en matière de droit public dirigé contre une décision de droit des étrangers concernant une autorisation à laquelle le droit international (en l'occurrence, l'art. 8 CEDH, qui impose des obligations à la Suisse en matière de droits de l'Homme [ATF 144 I 91 consid. 4.1]) donne droit (art. 83 let. c ch. 2 LTF).
La condition liée à l'âge, soumise à l'écoulement du temps, peut en effet cesser d'être réalisée pour des motifs entièrement indépendants de la volonté de l'intéressé et dont il n'a pas à répondre; elle peut placer l'intéressé dans une situation juridique défavorable. Ainsi, le maintien de la position adoptée jusqu'ici par la jurisprudence peut conduire à la déchéance d'un droit potentiel au regroupement familial du seul fait que la procédure n'a pas été menée avec la célérité requise (alors même que l'octroi de l'autorisation de séjour n'était en principe pas laissé à la seule appréciation de l'autorité [art. 44 LEtr {RS 142.20} cum art. 8 CEDH]), ce qui peut porter atteinte à la sécurité et à la prévisibilité du droit, ainsi qu'au principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 et art. 9 Cst.) devant présider aux relations entre particuliers et autorités, dans le sens d'une stabilité des relations juridiques (ATF 136 II 497 consid. 3.4 et 3.7; voir également: MARC SPESCHA, Handbuch zum Ausländerrecht, 1999, p. 217 s.). Cette situation peut également conduire à des résultats aléatoires, voire arbitraires (art. 9 Cst.).
De plus, faire dépendre le droit au regroupement familial de l'âge atteint au moment où l'autorité de recours statue est susceptible d'entraîner
une violation du principe de l'égalité de traitement (art. 8 Cst. et art. 8 cum 14 CEDH), étant donné que deux enfants mineurs du même âge, déposant
- le même jour - une demande d'autorisation de séjour au titre du regroupement familial, peuvent être traités différemment en fonction de la durée de la procédure et/ou de la charge de travail des autorités appelées à se déterminer sur leur requête, à supposer que l'un des deux intéressés ait déjà atteint l'âge de la majorité lorsque le SEM statue sur ses conditions de séjour ou lorsque le Tribunal fédéral doit examiner la recevabilité d'un recours en matière de droit public introduit par le SEM. Ainsi seraient établies entre les deux intéressés des distinctions juridiques qui ne se justifieraient par aucun motif objectif et raisonnable (ATF 140 I 201 consid. 6.5.1; 137 V 334 consid. 6.2.1; 105 Ia 91 consid. 4b; sur l'application de l'art. 14 CEDH [interdiction de discrimination] en lien avec l'art. 8 CEDH: arrêt de la CourEDH Glor contre Suisse du 30 avril 2009, 13444/04, Recueil 2009-III, § 44 ss; ainsi que: ATF 139 I 257 consid. 5.3.1 et 5.3.2; 130 II
137 consid. 4.2).
En ce même sens, la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) a récemment reconnu qu'un requérant d'asile mineur qui atteint l'âge de la majorité durant sa procédure d'asile conserve son droit au regroupement familial au sens du droit communautaire. Les développements juridiques effectués par la Cour de Luxembourg dans ce contexte permettent également de justifier, mutatis mutandis, la nouvelle pratique que le Tribunal administratif fédéral entend instaurer. En effet, la CJUE a insisté sur la nécessité d'éviter que deux requérants mineurs ne soient traités différemment du seul motif de la durée de la procédure administrative à laquelle ils étaient soumis, élément sur lequel ils n'avaient généralement aucune influence. Ainsi, faire (indirectement) dépendre le droit au regroupement familial de la plus ou moins grande célérité d'une procédure irait à l'encontre des principes d'égalité de traitement et de sécurité juridique; il s'agit bien au contraire de garantir que le succès ou l'échec d'une demande de regroupement familial dépende principalement de circonstances imputables aux intéressés (arrêt de la CJUE du 12 avril 2018 C-550/16, A et S contre Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie, publié au Recueil numérique (Recueil général) sur < https://curia.europa.eu >, points 55-60).
Quant à la CourEDH, elle déclare régulièrement recevables, s'agissant du grief tiré de l'art. 8 CEDH, des requêtes introduites par ou au nom de personnes majeures, mais qui étaient âgées de moins de dix-huit ans au moment des faits pertinents et/ou au moment de la saisine des autorités nationales de recours.
La Cour de Strasbourg l'a récemment confirmé dans son arrêt Hadzhieva contre Bulgarie du 1er février 2018 (45285/12, § 12, § 60,
§ 66 s.), dans lequel elle a reconnu une violation de l'art. 8 CEDH s'agissant d'une binationale turkmène et russe, née en 1988 et résidant en Bulgarie, laissée seule et sans aucune assistance alors que ses parents avaient fait
l'objet d'une arrestation. L'intéressée était âgée de quatorze ans au moment des faits, mais est devenue majeure durant la procédure en responsabilité
ouverte contre les autorités nationales.
La jurisprudence de la CourEDH portant sur l'art. 8 CEDH doit désormais, sur le terrain de la migration, être qualifiée de consolidée, s'agissant de cette problématique du passage à la majorité.
Ainsi dans l'arrêt El Ghatet contre Suisse du 8 novembre 2016 (56971/10,
§ 13, § 47, § 53 s.), la CourEDH a-t-elle reconnu une violation de l'art. 8 CEDH s'agissant du rejet, par les autorités suisses, d'une demande de regroupement familial présentée par un binational suisse et égyptien en faveur de son fils, né en 1990. Ce dernier était âgé de quinze ans et demi au moment du dépôt de la demande de regroupement familial, mais est devenu majeur pendant la procédure de recours devant les autorités nationales.
L'arrêt de la CourEDH Osman contre Danemark du 14 juin 2011 (38058/ 09, § 12, § 14, § 53 et § 77), concerne une requérante somalienne née en 1987, qui a déposé une demande de regroupement familial afin de rejoindre sa mère au Danemark quelques mois avant d'atteindre l'âge de dixhuit ans. L'intéressée avait dépassé l'âge de la majorité lorsque l'autorité migratoire a rejeté sa demande et, au vu de l'ensemble des circonstances de la cause, la Cour de Strasbourg a admis une violation de l'art. 8 CEDH. Au § 55 de cet arrêt, la CourEDH a expressément relevé que la relation de jeunes adultes (mineurs au moment du dépôt de leur demande de regroupement familial et devenus majeurs en cours de procédure) avec leurs parents tombait dans le champ de protection de l'art. 8 CEDH en ces termes: la Cour a accepté dans un certain nombre de cas concernant de jeunes adultes n'ayant pas encore fondé leur propre famille que leur relation avec leurs parents, ainsi qu'avec d'autres membres de la famille proche, constituait également une vie familiale (« The Court has accepted in a number of cases concerning young adults who had not yet founded a family of their own that their relationship with their parents and other close family members also constituted ‹ family life › »).
L'arrêt de la CourEDH Tuquabo-Tekle et autres contre Pays-Bas du 1er décembre 2005 (60665/00, § 11, § 41, § 44 s. et § 52), concerne une requérante érythréenne née en 1981, en faveur de laquelle sa mère - résidant aux Pays-Bas - a déposé une demande de regroupement familial. La fille de Madame Tuquabo-Tekle était alors âgée de quinze ans, mais elle est devenue majeure deux mois avant que la dernière autorité de recours nationale ne rende son verdict. La Cour de Strasbourg a admis en l'espèce une violation de l'art. 8 CEDH, en établissant un parallèle avec son arrêt Sen contre Pays-Bas du 21 décembre 2001 (31465/96, § 13, § 33, § 37 et
§ 42), une affaire de regroupement familial dans laquelle elle avait également admis une violation de l'art. 8 CEDH. Bien que l'enfant en cause fût âgée de neuf ans lors du dépôt de la demande de regroupement familial la concernant - et qu'elle fût encore mineure lors de la saisine de l'ancienne Commission européenne des droits de l'Homme, au mois de janvier 1996 -, la CourEDH a jugé que l'âge de la fille de Madame Tuquabo-Tekle au moment du dépôt de la demande de regroupement familial n'était pas un élément justifiant d'adopter une solution différente en l'espèce (arrêt Tuquabo-Tekle, § 48-50).
Dans son arrêt du 19 décembre 2006, partiellement publié à l'ATF 133 II 6, le Tribunal fédéral a certes tenu compte de la jurisprudence Tuquabo-Tekle, pour conclure qu'en matière de regroupement familial partiel et différé, il s'agissait de procéder à une pesée d'intérêts tenant notamment compte de la situation personnelle des enfants et de leurs chances de s'intégrer en Suisse. La Haute Cour a précisé qu'en ce sens, l'âge des enfants au moment de la demande de regroupement familial constituait un critère important parmi les éléments à prendre en considération au titre de leur situation personnelle (ATF 133 II 6 consid. 5.3). Cet examen différencié s'est toutefois déroulé au stade de l'analyse au fond du recours, sur lequel le Tribunal fédéral était entré en matière.
Le Tribunal fédéral a également exprimé, dans son arrêt du 19 décembre 2006, son désaccord avec un avis de doctrine largement consacré à une analyse des enjeux de la jurisprudence Tuquabo-Tekle (MARC SPESCHA, Familiennachzug: Restriktive schweizerische Praxis verstösst gegen Europäische Menschenrechtskonvention, Revue de l'avocat 4/2006
p. 144 ss, ci-après: Familiennachzug).
Néanmoins, il sied de préciser que les critiques exprimées par la Haute Cour à l'égard de SPESCHA portaient sur son appréciation du caractère décisif de l'âge des enfants concernés au regard de la pesée d'intérêts à effectuer - au stade de l'examen matériel des griefs - en matière de regroupement familial, et non pas sur la question de la recevabilité d'un recours fondé sur l'art. 8 CEDH ou sur celle de l'allégué d'un droit défendable à une autorisation au sens de l'art. 100 al. 1 let. b ch. 3 de l'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ, RS 3 521; ATF 133 II 6 consid. 4, 5.2 et 5.3). En effet, dans le cas d'espèce, le recours de droit administratif a été déclaré recevable dans la mesure où la mère des enfants - mineurs au moment du dépôt de leur demande de regroupement familial - avait obtenu une autorisation d'établissement avant que ceux-ci ne devinssent majeurs (arrêt 2A.316/2006 consid. 1.1.1, non publié in ATF 133 II 6).
La Haute Cour ne s'est donc pas exprimée directement sur la pertinence de la critique de SPESCHA s'agissant de la non-reconnaissance d'un droit à une autorisation de séjour tiré de l'art. 8 CEDH lorsque l'enfant a atteint l'âge de dix-huit ans au moment où l'autorité de recours statue, l'auteur rappelant en substance que la fille de Madame Tuquabo-Tekle avait vingt-quatre ans lorsque la CourEDH avait rendu son arrêt (SPESCHA, Familiennachzug, op. cit., p. 148).
S'agissant précisément de la cognition du Tribunal fédéral, considérée à l'aune des conditions de recevabilité d'une requête introduite devant la CourEDH, le Tribunal administratif fédéral tient, avec la déférence voulue, à mettre en avant les éléments suivants.
Conformément aux principes de l'unité de la procédure (art. 111 LTF) et de l'entonnoir (cf., à ce titre, BERNARD CORBOZ, in: Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, art. 111 no 25 p. 1315), les griefs invocables devant la CourEDH doivent pouvoir être examinés en amont par le Tribunal fédéral et les griefs qui peuvent être vérifiés par ce dernier doivent également pouvoir l'être par les instances inférieures; la personne qui s'estime lésée dans ses droits reconnus par la CEDH doit ainsi avoir la possibilité, avant le dépôt de toute requête auprès de la CourEDH, de faire constater cette violation alléguée dans le cadre d'un recours national interjeté contre l'acte litigieux. Cette jurisprudence concilie les critères de la recevabilité avec les exigences liées au droit à un recours effectif, au sens de l'art. 13 CEDH (ATF 137 I 296 consid. 4.3.2 et 4.3.4; 136 I 274 consid. 1.3; voir également ANNETTE DOLGE, in: Bundesgerichtsgesetz, 2e éd. 2013, art. 111 no 12 p. 564 s.).
Une partie de la doctrine a également insisté sur le fait que, tant sous l'angle de l'art. 29a Cst. (garantie de l'accès au juge) qu'au regard du principe de l'épuisement des voies de recours internes (art. 35 par. 1
CEDH), il ne saurait être admis que la cognition du Tribunal fédéral soit plus limitée que celle de la CourEDH, ni que les conditions de recevabilité d'un recours devant le Tribunal fédéral soient plus restrictives que celles qui prévalent devant la Cour de Strasbourg (HEINZ AEMISEGGER, Zur Umsetzung der EMRK in der Schweiz, jusletter 20 juillet 2009, spéc. ch. marg. 37 p. 10 et ch. marg. 98 p. 24. L'auteur évoque, en ce sens, la nécessité d'éviter la « disharmonie procédurale »).
D'un point de vue historico-téléologique, le revirement de jurisprudence auquel tend le présent arrêt en lien avec l'interprétation de l'art. 8 CEDH s'inscrit dans l'élargissement notable du champ d'application ratione personae de cette disposition conventionnelle, reconnu depuis quelques années par le Tribunal fédéral, à l'aune de la jurisprudence de la CourEDH.
Dans un premier temps, l'art. 8 CEDH ne pouvait être invoqué qu'en cas d'existence, pour le ressortissant étranger s'en prévalant, d'une relation familiale effective avec un membre de sa famille disposant d'un droit de présence assuré en Suisse, soit la nationalité suisse ou une autorisation d'établissement, voire un droit certain à une autorisation de séjour (ATF 137 I 351 consid. 3.1; 135 I 143 consid. 1.3.1).
L'exigence posée par le Tribunal fédéral d'un droit de présence assuré a été critiquée par la doctrine, laquelle a mis l'accent sur le fait que la CourEDH n'avait jamais requis, dans sa jurisprudence, une telle condition comme préalable à l'application de l'art. 8 CEDH et que ce critère était étranger à l'économie de la CEDH (CESLA AMARELLE, Aspects normatifs généraux et enjeux en matière de regroupement familial, in: Migrations et regroupement familial, 2012, p. 61 s.; MINH SON NGUYEN, Le séjour dans l'attente d'une décision, le droit de présence assuré et l'article 8 CEDH, in: Actualité du droit des étrangers, vol. I, 2013, p. 28 s.).
Reprenant la jurisprudence de la CourEDH (notamment arrêts de la CourEDH Gezginci contre Suisse du 9 décembre 2010, 16327/05; Agraw contre Suisse du 29 juillet 2010, 3295/06), le Tribunal fédéral semble avoir tempéré cette exigence: il a en effet estimé qu'en fonction des circonstances du cas d'espèce, le droit de présence assuré en Suisse ne pouvait plus être considéré comme une condition préalable à l'application de l'art. 8 CEDH. Dans certains cas, l'application stricte de ce critère devait s'effacer au profit d'une mise en œuvre de l'art. 8 CEDH tenant plutôt compte de la situation familiale de la personne concernée et d'éventuelles autres circonstances particulières, plutôt que de sa situation du point de
vue de l'asile ou du droit des étrangers. Le Tribunal fédéral a notamment retenu la réalité d'une présence effective et de longue durée dans le pays comme critère à la reconnaissance d'une telle situation exceptionnelle (ATF 130 II 281; 139 I 37).
C'est ainsi qu'il y a un peu plus de cinq ans, la Haute Cour a admis qu'un réfugié titulaire d'une simple admission provisoire - qui n'équivaut pas à une autorisation de séjour, mais fonde un statut provisoire qui réglemente la présence en Suisse de l'étranger tant et aussi longtemps que son renvoi n'est pas exécutable (art. 83 LEtr; ATF 141 I 49 consid. 3.5) - pouvait bénéficier de fait d'un statut durable permettant à sa famille de se prévaloir d'un droit au regroupement familial fondé sur l'art. 8 CEDH (arrêt du TF 2C_639/2012 du 13 février 2013 consid. 1.2.2; voir également arrêt du TF 2C_360/2016 du 31 janvier 2017 consid. 5.2 ainsi qu'arrêt du TAF D-7410/2014 du 24 août 2015 consid. 7.7).
Sous l'angle de la protection de la vie privée (indépendamment ou non de l'existence d'une vie familiale), le Tribunal fédéral veille également à une interprétation de l'art. 8 CEDH qui soit conforme à la jurisprudence de la CourEDH, ce qui a pour conséquence un assouplissement des exigences posées à la mise en œuvre de cette disposition conventionnelle (concernant la prise en compte de l'arrêt Agraw par le Tribunal fédéral sous l'angle de l'examen de la conformité avec l'art. 8 CEDH de l'interdiction pour un requérant d'asile débouté d'exercer une activité lucrative, voir ATF 138 I 246 consid. 3.3; s'agissant de la référence - entre autres - aux arrêts de la CourEDH Üner contre Pays-Bas du 18 octobre 2006, 46410/99 et Ukaj contre Suisse du 24 juin 2014, 32493/08 par le Tribunal fédéral dans le cadre de l'examen de l'ingérence à l'exercice du droit au respect de la vie privée, voir ATF 144 I 266 consid. 3.6-3.8).
En conclusion, il s'agit d'admettre que le droit au regroupement familial ne doit pas s'éteindre - s'il existait en vertu du droit interne ou en vertu du droit international (art. 8 CEDH) au moment du dépôt de la demande - lorsque l'enfant qui pouvait s'en prévaloir devient majeur en cours de procédure. La solution consistant à exiger que le SEM, cas échéant, conteste la décision de l'autorité cantonale de recours devant le Tribunal fédéral lorsque l'enfant qui requiert le regroupement familial pouvait, au moment du dépôt de sa demande, se prévaloir, de manière défendable, d'un droit à une autorisation de séjour en vertu du seul art. 8 CEDH, s'impose afin d'éviter que ce droit (Anspruch) potentiel ne se perde en raison de la seule durée de la procédure, sur laquelle l'intéressé n'a qu'une maîtrise très limitée.
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