Instanz: | Bundesverwaltungsgericht |
Abteilung: | Abteilung IV |
Dossiernummer: | D-1601/2018 |
Datum: | 03.05.2018 |
Leitsatz/Stichwort: | Asile et renvoi |
Schlagwörter : | Rsquo;a; été; être; ;intéressé; ;elle; était; Rsquo;elle; ;intéressée; Rsquo;intéressé; Rsquo;intéressée; écution; Rsquo;un; ;exécution; Suisse; ;asile; ;être; ;Etat; Rsquo;au; ésident; Rsquo;il; Allemagne; écis; éfugié; ément; ;origine; Rsquo;être; Rsquo;Etat; ;agissant; écision; Rsquo;en |
Rechtsnorm: | - |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: | - |
Cour IV
D-1601/2018
Composition Gérard Scherrer (président du collège), Markus König, Yanick Felley, juges, Yves Beck, greffier.
Parties A. , née le ( ), Togo,
représentée par Chloé Bregnard Ecoffey, Service d'Aide Juridique aux Exilé-e-s (SAJE), recourante,
contre
autorité inférieure.
Objet Asile et renvoi;
décision du SEM du 14 février 2018 / N ( ).
Le 6 octobre 2015, A. , ressortissante togolaise, est entrée en Suisse et a déposé une demande d'asile au centre d'enregistrement et de procédure (CEP) de Vallorbe.
Lors des auditions sur les données personnelles du 13 octobre 2015, complétée le 4 janvier 2016, et sur les motifs d’asile du 25 avril 2017, elle a déclaré être née à B. , ville de la région des Plateaux où elle avait vécu jusqu’à 18 ans, avoir poursuivi ses études à C. , jusqu’en 2006, et à D. , y obtenant son baccalauréat l’année suivante, puis à Lomé, y fréquentant la faculté ( ) durant une année, puis le E. ( ), y obtenant un diplôme ( ) en ( ) 2009. Elle avait ensuite travaillé à Lomé, au marché ou à son domicile, comme commerçante de produits alimentaires notamment, et avait également aidé les autres commerçants lors ( ).
Après s’être engagée dans le parti politique F. ( ) de 2012 à 2013, s’investissant particulièrement auprès de jeunes filles pour qu’elles puissent continuer leur scolarité après un accouchement, elle avait rejoint l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) après les élections législatives de 2013. Lors de la campagne pour l’élection présidentielle du 25 avril 2015, elle avait intégré le groupe des jeunes de l’ANC et avait activement soutenu le candidat de l’opposition Jean-Pierre Fabre, président de l’ANC. Notamment, lors des déplacements de ce dernier, afin que son discours soit mieux compris, elle allait à la rencontre de la population, des jeunes en particulier, pour leur expliquer les lignes du parti.
Le 16 avril 2015, à la demande de G. , secrétaire national à la jeunesse de l’ANC avec lequel elle avait collaboré depuis son adhésion au parti, elle s’était rendue à C. ( ), afin de distribuer des tracts signés du H. . Lors du passage du convoi de Jean-Pierre Fabre, elle les avait distribués, seule (les jeunes adhérents de l’ANC de cette ville, par peur, ayant refusé de l’aider), à la foule, mais aussi à l’intérieur de postes de police. Lors de son entrée dans l’un d’eux, elle avait été interrogée sur le contenu du tract par un agent de police, qui l’avait photographiée avec son smartphone.
Le même jour, le convoi étant passé, elle avait quitté C. pour se rendre en minibus à B. , y rendre visite à son père. A l’entrée de
cette ville, elle avait été fouillée par trois gendarmes qui, après avoir découvert les tracts, l’avaient fait descendre du véhicule pour l’emmener dans un hangar à côté de la gendarmerie. Là, elle leur avait répondu avoir milité pour l’ANC à C. et être à B. pour voir son père. A l’arrivée de celui-ci aux alentours de 17 heures, emmené par des policiers ou, selon la version, venu de lui-même après avoir reçu une convocation, il lui avait expliqué que le major I. désirait lui parler, sans lui vouloir du mal, puis était rentré chez lui. Dans l’attente de rencontrer ce major, l’intéressée avait attendu dans ce hangar, en compagnie des trois gendarmes. A 23 heures, elle avait été avertie par l’un des gendarmes appartenant à la même ethnie, dans leur langue maternelle, que l’affaire la concernant était grave, puisqu’elle devait être entendue par le major I. , et qu’elle devait s’enfuir. Apeurée, profitant de la complaisance de ce gardien et du probable assoupissement des deux autres, elle s’en était allée précipitamment chez son père, puis avait rejoint illégalement Hohoé, au Ghana. Depuis cette ville, elle avait téléphoné à G. , qui lui avait dit de rentrer à Lomé, ce qu’elle avait fait de suite, y poursuivant son militantisme en faveur de Jean-Pierre Fabre.
Après la proclamation des résultats pour l’élection présidentielle, elle avait en particulier participé à des conférences organisées par la Ligue togolaise des droits de l’homme (LTDH) et par le Mouvement Martin Luther King (MMLK), et s’était engagée auprès du Regroupement des Jeunes Africains pour la Démocratie et le Développement (REJADD), ( ), à la demande de son président, J. . Dans le cadre de cette association, qui n’avait pas d’activités concrètes sur le terrain, elle avait toujours travaillé en partenariat avec son président, rédigeant avec lui des pétitions et des tracts destinés aux associations partenaires. Elle avait toutefois signé seule, pour le compte du REJADD, une pétition et le texte d’accompagnement, mis en ligne sur internet le ( ) 2015, pour réclamer des réformes constitutionnelles et institutionnelles (moyen de preuve no 5, cité infra sous let. B.g).
Sollicitée également par l'Association des victimes de torture au Togo (ASVITTO), elle avait refusé d’en devenir membre, faute de temps, mais avait accepté de participer à leurs différentes activités. Ainsi, elle avait pris part à la semaine de lutte contre la torture organisée par cette association, du ( ) au ( ) 2015, dans les locaux d’Amnesty International. A cette occasion, elle avait en particulier participé, le vendredi, à une manifestation lors de laquelle elle tenait une bannière tout devant et qui avait été filmée et publiée sur le site internet YouTube (cf. infra, let. D : [ ]), et à un marathon, le samedi.
A la fin de cette semaine d’actions, le dimanche ( ) 2015 à la sortie de la messe, elle avait remarqué plusieurs appels en absence, provenant de numéros masqués, sur son téléphone portable. Par la suite, durant une semaine, elle avait répondu à d’autres appels téléphoniques, provenant également de numéros cachés, lors desquels ses interlocuteurs lui disaient savoir qu’elle avait distribué des tracts du H. et qu’elle avait été envoyée par lui pour contacter d’autres hauts gradés pour planifier un coup d’Etat, et lui intimaient l’ordre de leur donner les noms de ceux-ci. Elle leur avait répondu qu’elle ignorait ce dont ils parlaient. Durant cette période, elle avait pris langue téléphoniquement avec K. , le ( ) de l’ASVITTO, qui lui avait répondu recevoir également des appels, lui conseillant de ne pas trop sortir, et avec G. . Par ailleurs, le vendredi ( ) 2015, elle avait été contactée téléphoniquement par L. , membre fondateur de l’Union pour la République (UNIR), l’informant qu’elle avait été au centre d’une discussion « au siège » du parti s’agissant des tracts qu’elle avait distribués pour le compte de H. et de l’aide qu’elle lui avait apporté et lui apportait encore pour fomenter un coup d’Etat, et qu’il ne pouvait pas l’aider, ne désirant pas avoir de problèmes.
Le 11 juillet 2015, l’intéressée s’était rendue à B. _, au chevet de son père malade. Deux jours plus tard, aux environs de 16 heures, alors qu’elle se trouvait aux champs, elle avait été avertie par un ami d’enfance que, selon une information reçue d’une tante mariée avec un soldat, lequel avait proféré des menaces au téléphone, elle allait être arrêtée en raison de la planification d’un coup d’Etat avec H. . Sur recommandation de son père, elle s’était immédiatement rendue chez un ami à lui, dans le village de M. , pour y passer la nuit. Le lendemain matin, informée par cet ami, qui s’était rendu chez elle (au domicile de son père), que des soldats rôdaient autour de la maison, elle avait fui au Ghana, séjournant à Aflao du 14 juillet au 24 août 2015, puis à Accra. A Aflao, elle avait rencontré une première fois K. , après qu’elle lui ait téléphoné. Il lui avait alors expliqué qui était H. , lui indiquant notamment qu’il avait « des problèmes avec le gouvernement et [qu’]il [était] recherché », et lui avait promis son aide pour aller en Allemagne et y bénéficier de l’aide de connaissances qu’il avait dans ce pays au sein de la diaspora. Le ( ) 2015, il l’avait emmené à l’ambassade d’Allemagne pour requérir un visa, lequel lui fut octroyé, le ( ) suivant. Le 20 août 2015, l’intéressée avait appris de sa sœur, à qui elle avait téléphoné, que K. avait été arrêté. Le 24 août 2015, elle était partie à Accra, d’où elle avait pris l’avion, six jours plus tard, pour Munich, en Allemagne.
A son arrivée à Munich, ne sachant pas où aller, elle s’était approchée d’une voiture, qu’elle pensait être un taxi, dont le chauffeur était un homme noir et lui avait demandé de l’emmener dans un centre de requérants d’asile. Cet homme, peut-être d’origine peul, lui avait expliqué qu’elle risquait un refoulement vers son pays d’origine s’il la conduisait dans un tel centre. Il l’avait finalement amenée dans une maison, étant accueillie par une femme probablement de la même ethnie que lui, et lui avait notamment confisqué son passeport, exigeant qu’elle lui verse 1'000 euros, somme qu’elle n’avait pu lui donner, pour la délivrance de papiers d’identité. Enfermée par la suite dans une chambre, l’intéressée, constamment surveillée par cette femme, avait été contrainte de se prostituer, mais également frappée. Le 6 octobre 2015, face à sa détresse et en l’absence de l’homme, elle avait été emmenée à Vallorbe, en voiture, par dite femme.
Le 23 mai 2017, l’intéressée, par l’intermédiaire de sa mandataire, a déposé une attestation de prise en charge d’Astrée (Association de Soutien aux victimes de Traite et d’Exploitation), du 2 mai précédent, comportant également un récit complémentaire de l’intéressée sur les sévices subis en Allemagne (cf. moyen de preuve no 2, cité infra sous let. B.g).
A titre de moyens de preuve, l’intéressée a remis :
une carte d’identité ;
une attestation d’Astrée de prise en charge de l’intéressée, du 2 mai 2017, à laquelle était jointe un récit complémentaire de celle-ci sur les sévices subis en Allemagne (cf. supra, let. B.f) ;
un exemplaire du journal la Liberté du ( ) 2016, dont la septième page comporte un article sur H. , son exil et le mandat d’arrêt international qui pourrait être émis contre lui ;
un exemplaire du journal la Liberté du ( ) 2016, dont la septième page comporte un article sur la condamnation à un an de prison ferme, le 5 octobre précédent, de H. , accusé d’avoir appelé l’armée togolaise au soulèvement ;
l’impression de la pétition, signée par l’intéressée (cf. supra, let. B.c), et mise en ligne sur internet, le ( ) 2015 ;
le tract de H. let. B.b) ;
distribué le 16 avril 2016 (cf. supra,
une coupure du journal Actu Express du ( ) 2015, dont la deuxième page relate une pétition de REJADD en partenariat avec l’association Citoyens en Action pour la Démocratie et le Développement (CADD) et cite le nom de l’intéressée et son activité au sein du REJADD ;
un article du ( ) 2017 de K. , de l’ASVITTO, sur les actes de torture pratiqués au Togo par le Service de recherches et d’investigations (SRI) ;
une coupure de presse de la Liberté du 30 octobre 2017 concernant les détentions arbitraires et les tortures pratiquées par le SRI sur des membres du mouvement Nubueke ;
un article d’iciLome.com du vendredi 12 janvier 2018 sur l’arrestation, respectivement le décès de deux personnes proches du Parti national panafricain (PNP) ;
un rapport d’analyse de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) du 18 décembre 2015, sur la situation actuelle pour les membres de l’ANC ainsi que sur l’encadrement psychiatrique au Togo ;
un rapport de l’OSAR du 26 mai 2017 sur la situation des opposants au Togo, confirmant notamment l’existence d’un mandat d’arrêt contre H. pour tentative de coup d’Etat ainsi que le risque, pour les personnes soupçonnées de lui avoir apporté leur aide, d’être arrêtées et torturées ;
le compte-rendu du téléphone entre la mandataire de l’intéressée et K. du 8 février 2018, ainsi que le mail de celui-ci, du jour d’après, confirmant le contenu du compterendu, y apportant toutefois une correction.
un rapport médical de la N. du 22 février 2016 ;
les rapports médicaux de O. du 23 mai 2016, du 22 mai 2017 et du 22 octobre 2017, posant le diagnostic suivant : état de stress post-traumatique (F43.1), victime d’un crime (Z65.4).
Par décision du 14 février 2018, le SEM a rejeté la demande d’asile de l’intéressé, prononcé son renvoi de Suisse et ordonné l’exécution de cette mesure.
Il a estimé que les craintes de l’intéressée d’être arrêtée à son retour au Togo, parce qu’elle était soupçonnée d’avoir aidé H. à fomenter un coup d’Etat, n’était objectivement et subjectivement pas fondées.
Il a relevé que l’intéressée n’avait pas été la victime de persécutions des autorités togolaises, avant son départ du pays, en lien avec son appartenance politique. S’agissant de l’arrestation à B. par des gendarmes, qui auraient trouvé sur elle des tracts de H. , événement qui était loin d’être avéré tant il était difficilement concevable qu’elle ait pu prendre la fuite si facilement en étant surveillée par trois gendarmes, il a noté qu’elle était retournée à Lomé et qu’elle y avait repris ses activités politiques sans rencontrer de problèmes avec les autorités.
Au demeurant, l’intéressée n’avait joué qu’un rôle subalterne pour les divers groupes politiques pour lesquels elle avait travaillé et ne présentait pas un profil politique pouvant la distinguer de milliers de togolais actifs politiquement. Ainsi, elle avait exclusivement coécrit et signé des textes et des pétitions en tant que ( ) du REJADD et n’avait pas non plus eu rôle prépondérant au sein de l’ASVITTO. En outre, le fait qu’elle n’ait pas disposé d’une adresse électronique et qu’elle ne puisse rien dire de particulier sur G. , avec lequel elle avait travaillé, et sur I. , pourtant tristement connu dans la région des Plateaux dont elle provenait, confirmait la thèse selon laquelle elle n’avait pas eu d’activités politiques déterminantes. Aussi, n’était pas plausible la thèse selon laquelle l’intéressée était suspectée par les autorités d’être de mèche avec le H. concernant un projet de coup d’Etat, alors qu’elle n’avait fait que distribuer des tracts enjoignant ( ).
S’agissant des menaces téléphoniques prétendument reçues au Togo, elles n’étaient pas suffisantes pour justifier une crainte fondée de persécution. Ne l’étaient pas non plus, dans la mesure où elles avaient été apprises par un tiers, les menaces proférées à l’intéressée au téléphone, alors qu’elle était à B. , par un gendarme, lesquelles lui auraient été rapportées par un ami d’enfance. Au demeurant, l’intéressée avait ellemême déclaré que toutes les personnes soupçonnées d’être mêlées à ce coup d’Etat avaient été libérées et qu’elle n’avait pas connaissance d’un cas où des personnes auraient rencontré des problèmes en lien avec cette affaire.
Par ailleurs, le SEM a relevé que les circonstances du voyage de l’intéressée vers l’Allemagne étaient confuses, évasives et contradictoires, partant invraisemblables, renforçant ainsi la thèse selon laquelle celle-ci n’avait pas de crainte de persécution en cas de retour dans son pays d’origine. Ainsi, n’était pas crédible que l’intéressée, une femme active et éduquée, n’ait pas participé plus activement à son projet de fuite vers l’Allemagne, K. ayant tout organisé. En outre, l’intéressée avait décrit sans aucune suite logique et de manière hachée, comme si elle avait été complètement perdue ce jour-là, son passage à l’ambassade d’Allemagne pour y demander un visa. N’était pas non plus crédible que l’intéressée prenne l’avion sans savoir où elle allait se rendre exactement, sans plan précis et sans contact. De plus, s’agissant des jours passés au Ghana avant son départ, elle avait tenu des propos contradictoires, déclarant tantôt avoir passé toutes les nuits chez une dame à Aflao et chez une autre à Accra, tantôt avoir passé ses journées en brousse et ses nuits dans des voitures en bord de mer.
Enfin, le SEM a estimé que les moyens de preuve produits n’étaient pas susceptibles d’établir les craintes de l’intéressée. Notamment, les articles de presse ne la concernaient pas directement, respectivement ne faisaient que relayer des pétitions dont elle avait été la signataire, fait au demeurant non contesté. S’agissant de la déclaration de K. , selon laquelle l’intéressée risquait d’être arrêtée et torturée à son retour au Togo en raison de ses liens supposés avec H. , elle ne reposait sur aucun élément objectif.
En ce qui concerne les allégations de l’intéressée selon lesquelles elle avait été séquestrée, à son arrivée en Allemagne, et exploitée sexuellement par un homme et une femme noirs, faits susceptibles de lui valoir la qualité de réfugié à l’exclusion de l’asile (cf. 54 LAsi), le SEM a relevé que ceux-ci n’étaient pas pertinents, dès lors que les tortionnaires de l’intéressée n’avaient pas de lien avec le Togo, aucun élément ne permettant d’affirmer que leur réseau ait des ramifications dans ce pays susceptibles de la retrouver et de lui causer du tort. Par ailleurs, il n’y avait aucune raison objective que l’intéressée puisse encourir, en cas de retour au Togo, un risque quelconque de la part de sa famille en lien avec cet épisode de sa vie, étant notamment la seule à le connaître.
Dans la même décision, le SEM a estimé qu’aucun obstacle n’entravait l’exécution du renvoi, mesure qu’il a considérée commet licite, raisonnablement exigible et possible.
Notamment, le Togo ne connaissait pas une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, malgré le climat sociopolitique tendu qui y régnait.
S’agissant de la situation personnelle de l’intéressée, le SEM a considéré que celle-ci ne souffrait pas de graves affections psychiques (syndrome de stress post-traumatique nécessitant un suivi psychothérapeutique auprès de O. ) de nature à mettre sa vie ou son intégrité physique ou psychique en danger, en l’absence de soins. En outre, l’intéressée avait la possibilité d’accéder à ceux dont elle pourrait avoir besoin au Togo, la ville de Lomé en particulier disposant d’établissements psychiatriques publics (en particulier le Centre Hospitalier Universitaire [CHU] Sylvain Olympio, le CHU Campus ou la clinique Barruet), et de les financer, compte tenu de la possibilité pour elle de retrouver relativement vite une activité lucrative dans le petit commerce. S’agissant du rapport de l’OSAR du 18 décembre 2015 (cf. moyen de preuve no 11, cité sous let. B.g), il ne faisait que confirmer l’existence de structures psychiatriques, faisant notamment référence à l’hôpital public de Zébé.
Dans le recours posté le 15 mars 2018, l’intéressée a conclu à la reconnaissance de la qualité de réfugié et à l’octroi de l‘asile, subsidiairement de l’admission provisoire, et a demandé l’assistance judiciaire totale, respectivement la dispense du paiement de l’avance de frais.
Elle a rappelé les faits à l’origine de sa demande de protection en Suisse et maintenu, en se référant aux rapports de l’OSAR du 18 décembre 2015 et du 26 mai 2017 (cf. moyens de preuve nos 11 et 12, cités sous let. B.g), que les militants politiques de l’opposition, en particulier ceux supposés avoir collaboré, dans la préparation d’un coup d’Etat, avec H. , ( ), un mandat d’arrêt international ayant été émis contre lui en ( ) 2016, risquaient d’être arrêtés, détenus arbitrairement et maltraités.
Contrairement au SEM, elle a soutenu avoir évoqué ses motifs d’asile de manière précise, chronologique, cohérente et détaillée.
S’agissant de l’unique contradiction relevée par le SEM, à savoir son lieu de vie au Ghana avant son départ pour l’Europe, elle a relevé avoir livré un récit complémentaire, et non contradictoire. En effet, elle avait vécu chez deux dames différentes au début et à la fin de son séjour dans ce pays ainsi que, au milieu de son séjour, dans la brousse et des voitures.
Elle avait pu s’évader, à B. , parce qu’elle n’était pas encore recherchée, qu’elle avait été détenue dans un lieu ouvert, sans menottes, et qu’une personne chargée de la surveiller, dans le cadre de l’élection présidentielle, avait été sensible à ses arguments, la laissant s’en aller. Elle avait ensuite pu retourner à Lomé en raison du contexte de l’époque, à savoir la tenue de l’élection présidentielle sous surveillance internationale.
Son identité était toutefois connue de la police de B. I. , en raison de ses liens avec H. .
et de
En ce qui concerne l’argument du SEM, selon lequel elle n’avait pas un profil politique la distinguant de milliers d’autres togolais, elle a objecté s’être engagée de manière visible et très active durant les élections présidentielles d’avril 2015, avoir donné des informations concordantes et détaillées sur le contenu de ses revendications, sur les actions menées tant au niveau de l’ANC que de la société civile (REJADD et ASVITTO notamment), étant du reste apparue sur les réseaux sociaux en train de participer à la marche silencieuse organisée ( ) 2015 par l’ASVITTO pour sensibiliser la population à la culture de l’impunité et à la banalisation de la torture au Togo (cf. le lien internet [ ]), et sur les personnes impliquées, le tout attesté par des moyens de preuve la citant directement ou corroborant ses propos. Par ailleurs, elle s’était distinguée des autres militants en étant la seule à avoir accepté de distribuer le tract signé de H. , lequel était toujours recherché et soupçonné de vouloir intenter un coup d’Etat.
Par ailleurs, contrairement à l’appréciation du SEM, sa réponse (cf. le procès-verbal de son audition du 25 avril 2017, questions 102 s.), selon laquelle les personnes liées au coup d’Etat avaient été libérées, avait trait à l’arrestation de H. _, de K. et d’autres personnes en 2009 (cf. à ce propos le jugement de la Cour de justice de la CEDEAO du [ ],
concernant notamment H.
et K.
condamnant l’Etat
togolais pour les tortures infligées). En ce qui concerne la tentative de coup d’Etat pour laquelle elle était actuellement recherchée, étant soupçonnée
d’avoir collaboré avec H. , seul K.
avait été libéré, en
raison de ses liens avec la communauté internationale, les autres militants n’ayant pas été inquiétés dans la mesure où ils n’avaient pas distribué le tract précité.
S’agissant de l’absence d’adresse électronique et d’ordinateur, l’intéressée a rappelé qu’au Togo, elle avait utilisé le téléphone et la messagerie
« WhatsApp » pour l’organisation des activités et des manifestations. Quant à sa prétendue méconnaissance de la vie privée et de la formation de G. , elle a argué s’être engagée au côté de ce monsieur, dont
elle connaissait les valeurs et les principes politiques, ne l’ayant toutefois jamais questionné sur sa vie privée.
Subsidiairement, en ce qui concerne le prononcé du SEM en matière d’exécution du renvoi, la recourante a estimé que cette mesure était inexigible, eu égard à son état de santé psychique. Souffrant en effet d’un état de stress post-traumatique suite à la séquestration et aux violences subies en Allemagne, elle a soutenu, en se référant au rapport de l’OSAR du 18 décembre 2015 (cf. moyen de preuve no 11, cité sous let. B.g), que l’offre en soins psychiatrique était insuffisante et excessivement chère, et qu’elle « ne pourra vraisemblablement pas bénéficier des soins dont elle a besoin ». En outre, se basant sur le rapport 2016 du Département d’Etat américain concernant le Togo, elle a fait valoir qu’elle serait exclue socialement, les femmes victimes de viols ou de prostitution étant ostracisées, stigmatisées ou discriminées, et que le risque de marginalisation dont elle serait victime serait susceptible d’entraîner chez elle « une re-traumatisation, un état de détresse psychique et un effondrement de ses ressources personnelles, face à un environnement social hostile ».
Par décision incidente du 20 mars 2018, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal) a rejeté les demandes d’assistance judiciaire totale et d’exemption du paiement de l’avance de frais, considérant que l’indigence de la recourante n’était pas établie, et a invité celle-ci à verser le montant de 750 francs jusqu'au 4 avril suivant, sous peine d'irrecevabilité du recours.
Par courrier du 23 mars 2018, auquel était annexée une attestation d'indigence, la recourante a requis la reconsidération de cette décision incidente et a conclu à l'octroi de l'assistance judiciaire totale.
Par ordonnance du 27 mars 2018, le Tribunal a admis la demande d'assistance totale et nommé Chloé Bregnard Ecoffey en tant que mandataire d’office.
Par courrier posté le 29 mars 2018, la recourante a déposé un rapport
médical de O.
du 25 mars précédent, modifiant le diagnostic
précédemment posé (cf. moyen de preuve no 15, cité sous let. B.g) comme suit : trouble panique [anxiété épisodique paroxystique] (F41.0), épisode
dépressif moyen avec syndrome somatique (F33.1 ; recte : F32.11), état de stress post-traumatique (F43.1) et victime d’un crime (Z65.4).
Dans sa prise de position du 6 avril 2018, le SEM a proposé le rejet du recours. Il a notamment estimé que la recourante, au vu du rapport médical du 25 mars 2018, ne souffrait pas de graves problèmes de santé, et a rappelé qu’elle pourrait avoir accès aux traitements qui lui sont nécessaires à Lomé, ville dont elle provenait.
Dans sa réplique du 20 avril 2018, la recourante, se référant à deux articles tirés d’internet, l’un du 18 avril 2018 sur la répression par les forces de l’ordre d’une manifestation pacifique à laquelle participaient notamment des femmes et des enfants, l’autre du 4 avril 2018 dénonçant l’arrestation de J. , [ ], après la publication d’un rapport sur les violences policières, a confirmé courir un risque de persécution en raison de son engagement politique.
S’agissant de l’exécution du renvoi, elle a soutenu que son état de santé, qui était grave et invalidant, nécessitait un traitement pointu dans un contexte sécurisant.
Le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF.
En particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l'asile peuvent être contestées, par renvoi de l'art. 105 LAsi (RS 142.31), devant le Tribunal, lequel statue alors définitivement, sauf demande d'extradition déposée par l'Etat dont le requérant cherche à se protéger (art. 83 let. d ch. 1 LTF), exception non réalisée en l’espèce.
L'intéressée a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA). Présenté dans la forme (cf. art. 52 al. 1 PA) et le délai (cf. art. 108 al. 1 LAsi) prescrits par la loi, son recours est recevable.
La Suisse accorde l'asile aux réfugiés sur demande, conformément aux dispositions de la LAsi. L'asile comprend la protection et le statut accordés en Suisse à des personnes en Suisse en raison de leur qualité de réfugié. Il inclut le droit de résider en Suisse (art. 2 LAsi).
Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques. Sont notamment considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable. Il y a lieu de tenir compte des motifs de fuite spécifiques aux femmes (art. 3 al. 1 et 2 LAsi ; cf. ATAF 2007/31 consid. 5.25.6).
Une persécution individuelle et ciblée pour un motif déterminant en matière d'asile est reconnue, lorsqu'une personne ne se contente pas d'invoquer les mêmes risques et restrictions que le reste de la population de son pays d'origine, et ainsi les conséquences indirectes non ciblées de la guerre ou de la guerre civile, mais de sérieux préjudices dirigés contre elle en tant que personne individuelle en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou d'un autre motif déterminant en droit d'asile (cf. ATAF 2011/51 consid. 7.1 et réf. cit. ; 2008/12 consid. 7 et réf. cit.).
La crainte face à des persécutions à venir, telle que comprise à l'art. 3 LAsi, contient un élément objectif, au regard d'une situation ancrée dans les faits, et intègre également dans sa définition un élément subjectif. Sera reconnu réfugié, celui qui a de bonnes raisons, c'est-à-dire des raisons objectivement reconnaissables pour un tiers (élément objectif), de craindre (élément subjectif) d'avoir à subir selon toute vraisemblance et dans un avenir prochain une persécution. Sur le plan subjectif, il doit être tenu compte des antécédents de l'intéressé, notamment de l'existence de persécutions antérieures, ainsi que de son appartenance à un groupe ethnique, religieux, social ou politique l'exposant plus particulièrement à des mesures de persécution ; en particulier, celui qui a déjà été victime de telles mesures a des raisons d'avoir une crainte subjective plus prononcée que celui qui en est l'objet pour la première fois. Sur le plan objectif, cette crainte doit être fondée sur des indices concrets qui peuvent laisser présager l'avènement, dans un avenir prochain et selon une haute probabilité, de mesures déterminantes selon l'art. 3 LAsi. Il ne suffit pas, dans cette optique, de se référer à des menaces hypothétiques, qui
pourraient se produire dans un avenir plus ou moins lointain (ATAF 2011/50 consid. 3.1.1 ; 2010/57 consid. 2.5 ; 2008/12 consid. 5.1).
Quiconque demande l'asile (requérant) doit prouver ou du moins rendre vraisemblable qu'il est un réfugié. La qualité de réfugié est vraisemblable lorsque l'autorité estime que celle-ci est hautement probable. Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui, sur des points essentiels, ne sont pas suffisamment fondées, qui sont contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou qui reposent de manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés (art. 7 LAsi).
La recourante soutient essentiellement être recherchée par les autorités de son pays qui la soupçonnent d’être la complice de H. , en exil et contre lequel un mandat d’arrêt international a été émis, dans la préparation dans coup d’Etat, au motif qu’étant active politiquement au Togo, elle y avait distribué un tract signé de cet individu, le 16 avril 2015, durant la campagne présidentielle. Etant la seule à avoir accepté cette mission, ses camarades ayant également milité pour le candidat JeanPierre Fabre n’avaient pas été inquiétés. Quant à K. , après son arrestation en date du ( ) août 2015, il avait été libéré, selon elle, en raison du soutien de la communauté internationale.
En l’occurrence, le Tribunal estime que la recourante n’a pas rendu crédibles les recherches menées contre elle pour les motifs allégués, partant avoir une crainte fondée de persécution en cas de retour au Togo.
En effet, la recourante a déclaré être membre de l’ANC et avoir milité, durant l’élection présidentielle d’avril 2015, en faveur du candidat Jean-Pierre Fabre, qui était président de ce parti et soutenu par une coalition de partis politiques (ANC, CDPA, PSR, Santé du Peuple, PDP et UDS-Togo) de l'opposition dénommée Combat pour l'alternance pacifique au Togo (CAP 2015). Dans ces conditions, il n’est pas crédible qu’elle ait distribué un tract, dont le contenu enjoignait ( ), non pas de voter pour le candidat de l’ANC et de la coalition de l’opposition, mais d’être ( ). Pour la même raison, elle n’aurait pas distribué un tract dont elle ignorait tout de son auteur, à savoir H. (cf. le pv de l’audition du 4 janvier 2016, question 1, p. 4, dernier paragraphe), pourtant membre ( ).
Au demeurant, même si la recourante avait distribué ce tract, aucun élément du dossier ne permet d’admettre qu’elle serait recherchée en raison de soupçons pesant sur elle d’avoir voulu fomenter un coup d’Etat avec H. .
En effet, ce tract devait être connu des autorités togolaises, dès lors qu’il était visible sur la toile sur divers sites internet dès le ( ) 2015. Eu égard au contenu de ce document (cf. supra), mais également à son caractère public, des recherches menées par celles-ci contre la recourante, pour les motifs invoqués, ne sont pas crédibles. En outre, comme le SEM l’a à juste titre relevé, la recourante n’aurait pu s’évader de la manière décrite, le 16 avril 2015, après avoir été arrêtée à B. le même jour ni, surtout, retourner à Lomé, participant de nouveau activement à la campagne présidentielle, et s’engager, à l’issue de celle-ci, au sein du REJADD, en devenant ( ), et participant à diverses manifestations organisées notamment par l’ASVITTO. L’explication sur ce point de la recourante (cf. le recours, ch. 72), selon laquelle elle avait pu continuer ses activités politiques et associatives en raison du contexte de l’époque, à savoir la tenue de l’élection présidentielle sous surveillance internationale, tombe à faux, dès lors que les résultats de l’élection présidentielle ont été rendu publics par la Commission Nationale Electorale Indépendante (CENI), le 28 avril 2015, puis rendus officiels par la Cour constitutionnelle du Togo, le 3 mai suivant. Ainsi, prétendument recherchée depuis le 16 avril 2015, la recourante aurait été arrêtée à Lomé et n’aurait pu y rester jusqu’au 11 juillet 2015, date de son départ à B. pour y rendre visite à son père malade. Autrement dit, elle n’aurait pas seulement été la victime de menaces, à partir du 28 juin 2015, mais aurait été arrêtée précédemment à son domicile, forcément connu des autorités, ou lors d’une manifestation à laquelle elle aurait participé.
Par ailleurs, se disant persécutée en raison de liens présumés avec H. , la recourante aurait dû savoir que K. avait été arrêté avec deux autres personnes, le ( ) août 2015, non parce qu’il avait luiaussi été soupçonné de liens avec H. , comme elle le prétend, mais parce qu’il était coresponsable de la plateforme P. et qu’il était allé manifester devant le siège ( ) pour dénoncer notamment ( ). De surcroît, informée immédiatement par sa petite sœur de l’arrestation de
K.
(cf. les procès-verbaux des auditions du 4 janvier 2016,
question 1, p. 5, et du 25 avril 2017, questions 124 ss), elle aurait dû savoir que, selon des sources concordantes (cf. en particulier [ ]), il avait été remis en liberté le même jour (cf. le procès-verbal de l’audition du 25 avril 2017, question 123 ; ), dès lors qu’elle était restée en contact avec sa sœur,
qui serait allée lui acheter son billet d’avion pour l’Allemagne. Elle aurait ainsi pu, selon ses explications, continuer à bénéficier de l’aide de K. pour partir en Allemagne et avoir le soutien dans ce pays de compatriotes.
En outre, à l’instar de H. , un mandat d’arrêt aurait forcément été émis contre la recourante, eu égard aux charges qui auraient prétendument pesées sur elle. Tel n’est pourtant pas le cas.
Ensuite, c’est à juste titre que le SEM a considéré que les moyens de preuve produits n’étaient pas de nature à rendre crédible l’arrestation de la recourante en date du 16 avril 2015, son évasion à la même date, et les recherches menées ensuite par les autorités, ni à fonder, en conséquence, une crainte de future persécution.
S’agissant de la déclaration de K. (cf. moyen de preuve no 13, cité sous let. B.g : compte-rendu de la conversation téléphonique entre la mandataire de l’intéressée et K. ), selon laquelle celui-ci considérait que la recourante était « toujours à risque d’être arrêtée, voire torturée ou tuée en cas de retour au Togo, de par ses liens supposés avec H. », elle ne repose, comme le SEM l’a relevé, sur aucun élément concret et probant et est très peu circonstanciée. Notamment, K. n’y mentionne pas les circonstances de la fuite de l’intéressée du Togo et de l’aide qu’il lui aurait apportée, preuve à l’appui. En outre, dans ce compte-rendu, s’il confirme avoir travaillé avec la recourante, il précise également « être resté régulièrement en contact avec elle depuis son départ du pays », ce qui ne correspond en aucun cas aux déclarations de la recourante (cf. le procès-verbal de l’audition du 25 avril 2017, question 65 en relation avec les questions 63 et 122). En outre, en raison de ses activités militantes, il a déclaré que les membres de sa famille avaient toujours subi des menaces et des pressions de militaires, certains s’étant vu refuser une promotion. Or la recourante, qui a de fréquents contacts avec ses proches (cf. le procès-verbal de l’audition du 25 avril 2017, questions 30 s.), n’a jamais allégué que ceux-ci avaient rencontré de problèmes en raison de ses activités militantes.
Au vu de ce qui précède, force est de retenir que la crainte de la recourante de subir de sérieux préjudices au sens de l’art. 3 LAsi en cas de retour au Togo n’est pas objectivement et subjectivement fondée.
Il s'ensuit que le recours, en tant qu'il porte sur le refus de reconnaissance de la qualité de réfugié et le rejet de la demande d'asile, doit être rejeté.
Lorsqu’il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en matière à ce sujet, le SEM prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité de la famille (art. 44 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon l'art. 32 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l’asile relative à la procédure (OA 1, RS 142.311), lorsque le requérant d’asile dispose d’une autorisation de séjour ou d’établissement valable, ou qu’il fait l’objet d’une décision d’extradition ou d’une décision de renvoi conformément à l’art. 121 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS 101).
Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant réalisée en l'espèce, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer cette mesure.
L'exécution du renvoi est ordonnée si elle est licite, raisonnablement exigible et possible. Si ces conditions ne sont pas réunies, l'admission provisoire doit être prononcée. Celle-ci est réglée par l'art. 83 LEtr.
L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son Etat d'origine ou de provenance ou dans un Etat tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEtr). Aucune personne ne peut être contrainte, de quelque manière que ce soit, à se rendre dans un pays où sa vie, son intégrité corporelle ou sa liberté serait menacée pour l'un des motifs mentionnés à l'art. 3 al. 1 LAsi, ou encore d'où elle risquerait d'être astreinte à se rendre dans un tel pays (art. 5 al. 1 LAsi). Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants (art. 3 CEDH).
L'exécution du renvoi ne peut pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEtr).
L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son Etat d'origine, son Etat de provenance ou un Etat tiers, ni être renvoyé dans un de ces Etats (art. 83 al. 2 LEtr).
L'exécution du renvoi est illicite, lorsque la Suisse, pour des raisons de droit international public, ne peut contraindre un étranger à se rendre dans un pays donné ou qu'aucun autre Etat, respectant le principe du non-refoulement, ne se déclare prêt à l'accueillir ; il s'agit d'abord de l'étranger reconnu réfugié, mais soumis à une clause d'exclusion de l'asile, et ensuite de l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou encore l'art. 3 Conv. torture.
Dans la mesure où le recours, en tant qu'il porte sur le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié et le rejet de l'asile, est rejeté, l’intéressée ne peut pas se prévaloir du principe de non-refoulement ancré à l'art. 5 LAsi, disposition qui s'applique uniquement aux réfugiés. Partant, l'exécution du renvoi ne contrevient pas au principe de non-refoulement tel que défini dans la disposition précitée.
En ce qui concerne les autres engagements de la Suisse relevant du droit international, il sied d'examiner plus particulièrement si l'art. 3 CEDH et l’art. 3 Conv. torture, qui interdit la torture, les peines ou traitements inhumains, trouve application dans le présent cas d'espèce.
Si l'interdiction de la torture, des peines et traitements inhumains (ou dégradants) s'applique indépendamment de la reconnaissance de la qualité de réfugié, cela ne signifie pas encore qu'un renvoi ou une extradition serait prohibés par le seul fait que dans le pays concerné des violations de l'art. 3 CEDH devraient être constatées ; une simple possibilité de subir des mauvais traitements ne suffit pas. Il faut au contraire que la personne qui invoque cette disposition démontre à satisfaction qu'il existe pour elle un véritable risque concret et sérieux d'être victime de tortures, ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays. Il en ressort qu'une situation de guerre, de guerre civile, de troubles intérieurs graves ou de tension grave accompagnée de violations des droits de l'homme ne suffit pas à justifier la mise en œuvre de la protection issue de l'art. 3 CEDH, tant que la personne concernée ne peut rendre hautement probable qu'elle serait visée personnellement - et non pas simplement du fait d'un hasard malheureux - par des mesures
incompatibles avec la disposition en question (JICRA 1996 no 18 consid. 14b let. ee).
En l'occurrence, le Tribunal considère, pour les mêmes raisons que celles déjà exposées au considérant 3 ci-dessus, que l’on ne peut retenir l’existence d’un risque sérieux et avéré, pour la recourante, d’être victime de traitements prohibés par les dispositions légales précitées de la part des autorités togolaises.
Dès lors, l'exécution de son renvoi sous forme de refoulement ne transgresse aucun engagement de la Suisse relevant du droit international, de sorte qu'elle s'avère licite (art. 44 LAsi et art. 83 al. 3 LEtr).
Selon l'art. 83 al. 4 LEtr, l'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.
Cette disposition s’applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu’ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu’elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin. Malgré sa formulation, l'art. 83 al. 4 LEtr n'est pas une disposition potestative et ne confère pas à l'autorité de liberté d'appréciation ("Ermessen") ; dans l'appréciation de l'inexigibilité de l'exécution du renvoi, elle dispose d'une marge d'appréciation ("Spielraum") réduite au point qu'elle ne peut pas procéder à une pesée des intérêts dans le cas concret (ATAF 2014/26 consid. 7.9 et 7.10). En revanche, elle doit tenir compte de l’appartenance à un groupe de personnes spécialement vulnérables, lesquelles peuvent être touchées, suivant leur situation économique, sociale ou de santé, par une mesure d’exécution de renvoi d’une manière plus importante qu’usuelle et, pour cette raison, concrètement mises en danger, en l’absence de circonstances individuelles favorables (ATAF 2014/26 consid. 7.5 in fine et consid. 7.7.3
) ; de même, lorsqu’il y a lieu de réserver à l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale (art. 3 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant [CDE, RS 0.107]), il convient d’admettre
une mise en danger concrète sur la base d’exigences moins élevées que pour des personnes non spécifiquement vulnérables (ATAF 2014/26 consid. 7.6).
En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier en matière de pénurie de logements et d'emplois, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (notamment ATAF 2010/41 consid. 8.3.6).
S'agissant plus spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l'exécution du renvoi ne devient inexigible qu'à la condition que leurs problèmes de santé soient graves et qu'ils nécessitent des soins essentiels, à savoir des soins de médecine générale et d'urgence garantissant des conditions minimales d'existence que ces personnes ne recevraient pas ou plus dans leur pays d'origine ou de provenance (arrêt du Tribunal E-3787/2015 du 17 novembre 2016 consid.
6.2 ; GABRIELLE STEFFEN, Droit aux soins et rationnement, 2002, p. 81 s. et 87).
Sont graves les troubles physiologiques ou psychiques qui, en l'absence de soins essentiels (et donc d'accès à de tels soins), dégraderaient de manière imminente l'état de santé de l'intéressé au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique.
S'agissant des soins essentiels, il pourra s'agir, le cas échéant, de soins alternatifs à ceux prodigués en Suisse, qui - tout en correspondant aux standards du pays d'origine - sont adéquats à l'état de santé de l'intéressé, fussent-ils d'un niveau de qualité, d'une efficacité clinique et d'une utilité (pour la qualité de vie) moindres que ceux disponibles en Suisse.
L'art. 83 al. 4 LEtr, disposition exceptionnelle tenant en échec une décision d'exécution du renvoi, ne saurait en revanche être interprété comme une norme qui comprendrait un droit de séjour lui-même induit par un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que les structures de soins et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (ATAF 2011/50 consid. 8.3 ; ATAF 2009/2 consid. 9.3.2).
En l'espèce, le Togo ne connaît pas une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée qui permettrait d'emblée - et
indépendamment des circonstances du cas d'espèce - de présumer, à propos de tous les ressortissants du pays, l'existence d'une mise en danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4 LEtr.
Sur le plan personnel, la recourante souffre de troubles psychiques (cf. le rapport médical du 25 mars 2018, cité sous let. F, pour le diagnostic le plus récent) essentiellement liés aux événements endurés lors de son passage en Allemagne durant lequel elle aurait été violentée, qui se manifestent par des troubles cognitifs (difficultés de concentration et de mémoire), un état d’hypervigilance (sursauts la journée lorsqu’elle perçoit des gens s’approchant d’elle dans la rue et la nuit lorsque des volets se baissent et les portes claquent), des flash-backs de son vécu en Allemagne, et des épisodes d’anxiété paroxystique durant la nuit. A l’évocation des sévices subis en Allemagne, elle se montre de plus en plus tendue, nerveuse, présente une hyperventilation, pleure, puis se dissocie massivement. En l’absence de traitements (entretiens psychothérapeutiques à une fréquence bimensuelle et médication [Inderal 10mg, Tranxillium 5mg en réserve, Citalopram 20mg]), les thérapeutes disent craindre une multiplication des épisodes dissociatifs pouvant mettre en danger la vie de la patiente.
En l’espèce, la recourante, sans en minimiser l’importance, ne souffre pas de troubles de la santé d'une gravité telle que l'absence de traitements puisse engendrer chez elle une mise en danger concrète et rapide de son état de santé au sens développé plus haut. En effet, il n'est pas question, dans les rapports médicaux au dossier, d'un traitement stationnaire, mais exclusivement d'un traitement ambulatoire, sous la forme d'un suivi médical psychothérapeutique bimensuel et d'une prescription médicamenteuse. S’agissant des épisodes dissociatifs, durant lesquelles elle n’est plus orientée dans le temps, l’espace ou la relation, ils ont essentiellement lieu lorsqu’elle évoque les sévices subis en Allemagne.
Surtout, comme le SEM l’a mentionné dans sa décision (cf. consid. III, ch. 2) et son préavis (cf. let. G), l'intéressée pourra accéder aux soins dont elle pourrait avoir besoin dans son pays, où les structures médicales à disposition sont suffisantes, en particulier à Lomé, sa ville natale, qui dispose d'établissements psychiatriques publiques susceptibles de lui assurer des soins appropriés, en particulier le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) Sylvanus Olympio de Lomé ou encore le CHU Campus ou la clinique Barruet (cf. notamment arrêt du Tribunal E-3520/2016 du 7 août 2017 consid. 7.3.3 et les arrêts cités).
Par ailleurs, il sera loisible à l'intéressée de solliciter du SEM, si nécessaire, une aide individuelle au retour. A ce titre, elle pourrait bénéficier, le cas échéant, d'une réserve de médicaments à emporter avec elle, voire d'un soutien financier destiné à assurer pour un temps limité les soins médicaux nécessaires dans son pays d'origine (art. 93 al. 1 let. d LAsi et 75 de l'Ordonnance 2 sur l'asile relative au financement du 11 août 1999 [OA 2,
RS 142.312]).
Ensuite, la recourante disposait d’un bon niveau de vie dans son pays d’origine, grâce notamment au diplôme ( ) qu’elle y avait obtenu. Elle pourra donc se réinstaller à Lomé et y reprendre une activité lucrative, lui permettant d’éviter de tomber dans le dénuement et de financer, en cas de besoin, des soins médicaux. Elle pourra aussi compter, à son retour, sur l’aide d'un large réseau familial et social. Sur ce point, ses craintes d’être exclue socialement et discriminée ne reposent sur aucun élément concret et ne sont pas fondées, dans la mesure notamment où elle entretient des contacts avec son père, qui lui téléphone souvent (cf. le pv de l’audition du
25 avril 2017, question 31), mais également avec sa mère (ibidem, questions 27 s.).
Pour ces motifs, l'exécution du renvoi doit être considérée comme raisonnablement exigible.
Enfin, la recourante est en mesure d'entreprendre toute démarche nécessaire auprès de la représentation de son pays d'origine en vue de l'obtention, le cas échéant, de documents de voyage lui permettant de quitter la Suisse. L'exécution du renvoi ne se heurte donc pas à des obstacles insurmontables d'ordre technique et s'avère également possible (cf. ATAF 2008/34 consid. 12).
Au vu de ce qui précède, il convient de considérer que les conditions de l'exécution du renvoi sont remplies (cf. art. 83 al. 1 à 4 LEtr a contrario).
Dès lors, la décision attaquée ne viole pas le droit fédéral, a établi de manière exacte et complète l'état de fait pertinent (art. 106 al. 1 LAsi) et, dans la mesure où ce grief peut être examiné (art. 49 PA, cf. ATAF 2014/26 consid. 5), n'est pas inopportune. En conséquence, le recours est rejeté.
La demande d’assistance judiciaire totale ayant été admise, par ordonnance du 27 mars 2018, il n’est pas perçu de frais de procédure.
En l’absence d’un décompte de prestations (cf. art. 14 al. 2 FITAF), l'indemnité due à la mandataire d’office de la recourante, pour les frais nécessaires liés à la défense de ses intérêts, est arrêtée à 1'200 francs.
(dispositif page suivante)
Le recours est rejeté.
Il n’est pas perçu de frais.
Le Tribunal versera à la mandataire d’office le somme de 1'200 francs.
Le présent arrêt est adressé à la mandataire de la recourante, au SEM et à l'autorité cantonale.
Le président du collège : Le greffier :
Gérard Scherrer Yves Beck
Expédition :
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