Instanz: | Bundesverwaltungsgericht |
Abteilung: | Abteilung V |
Dossiernummer: | E-4771/2014 |
Datum: | 13.08.2015 |
Leitsatz/Stichwort: | Levée de l'admission provisoire (asile) |
Schlagwörter : | ;intéressé; été; Tribunal; être; Suisse; édé; ;admission; ;autorité; écision; érêt; édéral; Kosovo; ;exécution; état; ;étranger; Quot;; étent; ésent; ;espèce; éjour; érieure; écembre; était; Selon; érêts; énéfice; étrangers; ;état; éter; élai |
Rechtsnorm: | Art. 59 or; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: | -, éd. , art., Art. 83 SR, 2012 |
Cour V
E-4771/2014
Composition William Waeber (président du collège), Walter Lang, Sylvie Cossy, juges, Camilla Mariéthoz Wyssen, greffière.
Parties A. , né le ( ),
Kosovo,
représenté par Me Audrey Wilson-Moret, avocate, ( )
recourant,
contre
Quellenweg 6, 3003 Berne, autorité inférieure.
Objet Levée de l'admission provisoire ;
décision de l'ODM du 28 juillet 2014 / N ( ).
Originaire du Kosovo, A.
est entré en Suisse, le
23 décembre 1991, avec ses parents et son frère aîné. Par décision du 19 juin 1992, l'Office fédéral des réfugiés (ODR, actuellement le SEM) a rejeté la demande d'asile déposée par la famille, motif pris que les faits allégués ne satisfaisaient pas aux conditions requises pour la reconnaissance de la qualité de réfugié au sens de l'art. 3 de la loi du
26 juin 1998 sur l'asile (LAsi, RS 142.31). Le recours interjeté le 23 juillet 1992 contre cette décision a été rejeté le 8 février 1996. Le 31 mai 2000, l'ODR a mis les intéressés au bénéfice de l'admission provisoire, dans le cadre de l'"Action humanitaire 2000".
Dès 2003, A. s'est rendu coupable de diverses infractions donnant suite à des condamnations pénales.
Il a été condamné, le 30 septembre 2005, par le Tribunal des mineurs, à B. , pour vol (art. 139 ch. 1 CP), tentative de vol (art. 22 et 139 ch. 1 CP), tentative de brigandage (art. 22 et 140 ch. 1 al. 1 CP), dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), violation de domicile (art. 186 CP) et dénonciation calomnieuse (art. 303 al. 1 CP) à trois mois de détention avec sursis à l'exécution de cette peine pendant le délai d'épreuve d'une année et demie. Ce sursis a été révoqué par l'autorité précédente.
Par jugement du 5 février 2009, le Tribunal ( ) l'a reconnu coupable de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP) et de violence ou menace contre les fonctionnaires (art. 285 al. 1 CP). Il l'a condamné à 120 heures de travail d'intérêt général et soumis à un traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP.
Par jugement du 1er juin 2012, le Tribunal ( ) a reconnu le recourant coupable de tentative de meurtre (art. 22 al. 1 et 111 CP), de vol en bande (art. 139 ch. 3 CP), de tentative de vol en bande (art. 22 al. 1 et 139 ch. 3 CP), de complicité de brigandage (art. 25 et 140 ch. 1 CP), de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), de diffamation (art. 173 ch. 1 CP), d'injure (art. 177 al. 1 CP), de menaces (art. 180 al. 1 CP), de violation de domicile (art. 186 CP), de délit à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 ch. 1 aLStup) et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19a ch. 1 aStup). Il a notamment relevé que selon les experts judiciaires, l'intéressé souffrait d'une schizophrénie paranoïde, laquelle
constituait une maladie mentale grave, ainsi que de troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de substances psycho-actives multiples, telles que cannabis, alcool, cocaïne et benzodiazépines. Il présenterait depuis l'enfance une inadaptation en lien avec de graves troubles du développement de la personnalité, qui aurait pris la forme, dès l'adolescence, de cette schizophrénie. Se fondant sur les constatations des experts, le Tribunal d'arrondissement a estimé que l'intéressé présentait, au moment des infractions commises, un trouble de la personnalité paranoïaque, qui avait altéré la faculté d'apprécier le caractère illicite de ses actes, de même que la capacité de se déterminer d'après cette appréciation, au sens de l'art. 19 al. 2 CP. Il a retenu qu'eu égard à sa responsabilité fortement diminuée, sa faute subjective devait être qualifiée de moyenne. L'intéressé a été condamné à une peine privative de liberté de huit ans (sous déduction de la détention avant jugement subie dès le 8 décembre 2010), à une peine pécuniaire de 10 jours-amende ainsi qu'à une amende de 300 francs. Un traitement institutionnel en milieu fermé a en outre été ordonné (cf. les art. 19 al. 3 et 59 al. 3 CP).
Le 17 décembre 2013, le Service de la population et des migrations du
canton C. l'intéressé.
a prié le SEM de lever l'admission provisoire de
Par écrit du 22 avril 2014, le SEM a informé A. qu'il envisageait de lever son admission provisoire sur la base de l'art. 83 al. 7 de la loi du 16 décembre 2015 sur les étrangers (LEtr, RS 142.20). Il a octroyé un délai à l'intéressé afin que celui-ci lui fasse parvenir ses éventuelles observations écrites ainsi qu'un rapport médical actualisé.
Dans son courrier du 15 mai 2014, transmis au SEM par l'intermédiaire du D. le 27 mai suivant, A. a rappelé, pour l'essentiel, qu'il était arrivé en Suisse avec sa famille à l'âge de deux ans, qu'il y avait suivi sa scolarité obligatoire et qu'il y avait tous ses repères (notamment familiaux). Il a ajouté qu'il ne possédait ni attaches ni soutien au Kosovo, pays dont il ne parlerait pas correctement la langue, précisant qu'un renvoi le mettrait dans une situation psychologique et sociale difficile. En outre, il a indiqué qu'il souhaitait poursuivre le traitement psychothérapeutique initié en Suisse et qu'il espérait, à plus long terme, pouvoir se réinsérer dans la société dans de bonnes conditions.
Le 1er juillet 2014, le E. a fait parvenir au SEM un rapport médical daté du 26 mai 2014 concernant l'intéressé. Ce document confirme que A. est atteint d'une schizophrénie paranoïde, de troubles mentaux et de troubles du comportement liés à l'utilisation de substances psychoactives multiples. La pathologie psychiatrique est qualifiée de grave, son évolution est chronique et nécessite, sur le long terme, une prise en charge dans un milieu spécialisé, associée à un traitement antipsychotique. L'intéressé doit pouvoir être vu quotidiennement par une équipe soignante. Selon le médecin en charge du suivi, l'éloignement de l'intéressé de Suisse, où vivent ses proches, représenterait un stress majeur susceptible d'entraîner une péjoration de sa maladie psychique.
Par décision du 28 juillet 2014, notifiée le lendemain, le SEM a levé l'admission provisoire de l'intéressé. Il s'est fondé sur la condamnation du 1er juin 2012 à une peine privative de liberté supérieure à une année pour estimer que les conditions d'application de l'art. 83 al. 7 let. a LEtr étaient remplies. Dans le cadre de la pesée des intérêts en présence, le SEM a retenu que, quand bien même A. pouvait se prévaloir d'un long séjour en Suisse et que sa famille y résidait, le comportement fautif adopté était très grave, en particulier étant donné la nature des biens juridiques touchés (notamment la vie). Il a par ailleurs souligné que l'intéressé n'avait pas fait valoir qu'il se trouvait dans un état d'interdépendance avec les membres de sa famille en Suisse et qu'il n'était pas établi qu'il n'avait aucun réseau familial susceptible de lui apporter un soutien au Kosovo, étant donné qu'à leur arrivé en Suisse, ses parents avaient mentionné l'existence de plusieurs frères et sœurs au pays. L'intégration professionnelle de l'intéressé ne plaiderait pas non plus en faveur de la poursuite de son séjour en Suisse. S'agissant des problèmes médicaux, l'autorité de première instance a retenu que la ville de Peja, proche du dernier domicile des parents de l'intéressé, disposait d'un hôpital régional avec un département psychiatrique et que les médicaments prescrits (comprenant comme principaux actifs le lorazépam et l'amisulpride) y était disponibles. Le SEM a considéré que l'intérêt public militant en faveur de l'éloignement de Suisse l'emportait sur l'intérêt privé de l'intéressé à poursuivre son séjour dans ce pays et que l'exécution du renvoi devait être considérée comme licite. Il a fixé le délai de départ au 22 septembre 2014 ou "au plus tard le jour de la sortie de prison".
Par acte déposé le 26 août 2014, A. a interjeté recours contre la décision précitée et a conclu à l'annulation de celle-ci. Il a fait valoir que la
pesée des intérêts qui avait été effectuée par l'autorité de première instance s'était basée sur un état de fait incomplet et inexact. D'une part, il était erroné de retenir qu'il pourrait compter sur le soutien de membres de sa famille au Kosovo, dans la mesure où il ne les avait jamais rencontrés, où les relations entre eux et ses parents étaient tendues et où il avait quitté ce pays depuis plus de vingt ans. D'autre part, il a exposé qu'il ne pourrait pas obtenir les soins adaptés à sa maladie en cas de renvoi. Finalement, il a argué que c'est à tort que le SEM avait fait application de l'art. 83 al. 7 let. a LEtr dans son cas, étant donné qu'il avait été mis au bénéfice d'un traitement institutionnel au sens de l'art. 59 CP et non d'une mesure au sens des art. 64 ou 61 CP.
Dans sa détermination du 18 septembre 2014, transmise à l'intéressé le lendemain, le SEM a proposé le rejet du recours. Il a relevé que quand bien même une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l'art. 59 CP avait été ordonnée, il n'en demeurait pas moins que le recourant avait été reconnu coupable de plusieurs infractions, dont celle de tentative de meurtre, et qu'il avait été condamné à une peine privative de liberté de huit ans.
Dans sa réplique du 2 octobre 2014, le recourant a contesté l'analyse du SEM et insisté sur le fait que l'art. 59 CP, appliqué par le Tribunal d'arrondissement dans le jugement à l'origine de la levée de son admission provisoire, concernait des personnes souffrant d'un grave trouble mental, qui nécessitent un traitement. Or, dit traitement ne pourrait, selon lui, en aucun cas être suivi au Kosovo. Il a enfin relevé que le fait de le priver de tout accès à des soins adaptés à son état était contraire au droit constitutionnel et à la CEDH.
En vertu de l’art. 31 LTAF, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal) connaît des recours contre les décisions au sens de l’art. 5 PA, prises par les autorités mentionnées à l’art. 33 LTAF.
En particulier, les décisions rendues par le SEM en matière de levée de l'admission provisoire peuvent être contestées devant le Tribunal, lequel statue alors définitivement (cf. art. 83 let. c ch. 3 LTF).
Partant, le Tribunal est compétent pour connaître du présent litige.
La procédure devant le Tribunal est régie par la PA, pour autant que la LTAF n'en dispose pas autrement (cf. art. 37 LTAF).
Le recourant a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA). Présenté dans la forme (cf. art. 52 al. 1 PA) et le délai (cf. art. 50 al. 1 PA) prescrits par la loi, le recours est recevable.
L'entrée en vigueur, le 1er janvier 2008, de la LEtr, a entraîné l'abrogation de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE). L'art. 126a al. 4 LEtr prévoit que les personnes admises à titre provisoire avant l'entrée en vigueur de la modification du 16 décembre 2005 de la LAsi et de la LEtr sont soumises au nouveau droit. C'est donc ce nouveau droit qui s'applique en l'espèce.
L'art. 84 al. 1 et 2 LEtr dispose que le SEM lève l'admission provisoire et ordonne l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'il constate, après vérification, que l'étranger n'en remplit plus les conditions.
Selon une jurisprudence constante, une admission provisoire ne peut être levée, en principe, que si l'exécution du renvoi est à la fois licite, raisonnablement exigible et possible (cf. art. 83 al. 1 LEtr a contrario). Il incombe alors à l'autorité appelée à statuer de vérifier que les conditions précitées sont cumulativement remplies (dans ce sens Jurisprudence et informations de la Commission suisse de recours en matière d'asile [JICRA] 2006 n° 23 consid. 7.3 ; 2005 n° 3 ; 2001 n° 17 ; aussi ATAF
2009/40 consid. 4.2).
Aux termes de l'art. 84 al. 3 LEtr, une admission provisoire accordée en vertu de l'art. 83 al. 2 (impossibilité) ou al. 4 (inexigibilité) peut également être levée, quand bien même les conditions à son maintien seraient toujours réalisées, si les motifs visés à l'art. 83 al. 7 LEtr sont réunis et qu'une autorité cantonale, l'Office fédéral de la police (fedpol) ou le Service de renseignements de la Confédération (SRC) en fait la demande.
Selon l'art. 83 al. 7 LEtr, l'admission provisoire visée aux al. 2 et 4 de cette même disposition n'est pas ordonnée lorsque l'étranger a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée en Suisse ou à l'étranger ou a fait l'objet d'une mesure pénale au sens des art. 64 ou 61 CP (let. a), lorsque l'étranger attente de manière grave ou répétée à la sécurité et à l'ordre publics en Suisse ou à l'étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse (let. b) ou lorsque l'impossibilité d'exécuter le renvoi ou l'expulsion est due au comportement de l'étranger (let. c).
En l'occurrence, dans son courrier du 17 décembre 2013, le Service de la population et des migrations du canton C. a proposé au SEM de lever l'admission provisoire accordée au recourant par décision du 31 mai 2000. Après avoir accordé le droit d'être entendu à l'intéressé, l'autorité de première instance a estimé que les conditions de l'art. 83 al. 7 let. a LEtr étaient réalisées, eu égard à la condamnation du recourant, le 1er juin 2012, à une peine privative de liberté de huit ans.
La notion juridique de "peine privative de liberté de longue durée", retenue dans la disposition précitée, est identique à celle figurant à l'art. 62 let. b LEtr s'agissant de la révocation d'une autorisation de séjour (ou d'établissement, vu le renvoi de l'art. 63 al. 1 let. a LEtr). Dans sa jurisprudence développée en relation avec l'art. 62 let. b LEtr, le Tribunal fédéral considère qu'il y a lieu de retenir l'existence d'une "peine privative de liberté de longue durée" dès le prononcé d'une peine supérieure à un an (resp. 360 jours) d'emprisonnement. Il s'agit d'une limite fixe, indépendante des circonstances du cas d'espèce (cf. ATF 135 II 377 consid. 4.2), qui doit impérativement résulter d'un seul jugement pénal (cf. ATF 137 II 297 consid. 2). En revanche, il importe peu que la peine ait été prononcée avec un sursis complet ou partiel, ou sans sursis (ATF 139 I 16 consid. 2.1 p. 18 s.). Cette définition peut être reprise mutatis mutandis pour l'interprétation de l'art. 83 al. 7 let. a LEtr (notamment PETER BOLZLI, in : Migrationsrecht Kommentar, 3e éd. 2012, art. 83 p. 237 ; RUEDI ILLES, in : Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, 2010, art. 83 al. 7 p. 804).
En l'espèce, le recourant a été condamné à une peine privative de liberté de huit ans. Il s'agit manifestement d'une peine de longue durée selon la jurisprudence précitée. Comme relevé à juste titre par le SEM dans sa détermination du 18 septembre 2014, le fait qu'il ait été mis au bénéfice
de mesures thérapeutiques institutionnelles au sens de l'art. 59 CP n'y change rien, une mesure étant une sanction que le juge prononce, en règle générale, en plus d'une peine (comme in casu). Quoi qu'il en soit, vu les antécédents du recourant et la gravité des infractions commises (atteinte à la vie), force est de constater qu'il remplit également les conditions de l'art. 83 al. 7 let. b LEtr, à teneur duquel l'admission provisoire n'est pas ordonnée lorsque l'étranger attente de manière grave ou répétée à la sécurité et à l'ordre publics en Suisse ou à l'étranger. Il peut donc en tous les cas être retenu que les conditions de l'art. 83 al. 7 LEtr sont remplies.
Cela dit, ce constat ne conduit pas automatiquement à faire application de cette disposition dans chaque cas d'espèce.
L'autorité doit en effet veiller à ce que sa décision soit conforme au principe de proportionnalité et procéder à une pesée des intérêts en présence, tenant compte de l'ensemble des circonstances (cf. ATAF 2007/32 consid. 3.2 relatif à l'ancien art. 14a al. 6 LSEE ; JICRA 2006 n° 30
p. 323 ss ; cf. également BOLZLI, op. cit., p. 237). Selon l'art. 96 al. 1 LEtr, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son degré d'intégration. Certes, cette disposition s'adresse aux autorités compétentes en matière de mesures d'éloignement, et donc plus spécifiquement aux autorités de police des étrangers compétentes en matière d'autorisations de séjour (cf. ATF 135 II 377 consid. 4.2 p. 380). Néanmoins, l'autorité compétente en matière d'asile, appelée à vérifier si la personne concernée remplit toujours les conditions de l'admission provisoire, le cas échéant si les motifs visés à l'art. 83 al. 7 LEtr sont réunis, et à prononcer la levée de l'admission provisoire conformément aux dispositions de la LEtr, doit nécessairement statuer en conformité avec le principe de proportionnalité. Cette disposition est d'ailleurs une concrétisation, en matière de police des étrangers, du principe de la proportionnalité inscrit à l'art. 5 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS 101; dans ce sens, voir ATF 139 I 16 consid. 2.2.1 in initio).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, relative à l'application de l'art. 62 let. b LEtr, le refus de l'autorisation, respectivement sa révocation, ne se justifie que si la pesée des intérêts à effectuer dans le cas d'espèce fait apparaître la mesure comme proportionnée aux circonstances.
Les critères déterminants se rapportent notamment à la gravité de l'infraction, à la culpabilité de l'auteur, au temps écoulé depuis l'infraction
et au comportement de l'auteur pendant cette période. La peine infligée par le juge pénal est le premier critère à utiliser pour évaluer la gravité de la faute et pour procéder à la pesée des intérêts en présence. Lors d'infractions pénales graves, notamment celles portant atteinte à l'intégrité physique, à l'intégrité sexuelle ou à la LStup, il existe - sous réserve de liens familiaux ou personnels prépondérants - un intérêt public digne de protection à mettre fin au séjour de l'étranger afin de préserver l'ordre public et à prévenir de nouveaux actes délictueux, le droit des étrangers n'exigeant pas que le public demeure exposé à un risque, même faible, de nouvelles atteintes à des biens juridiques importants. Les circonstances particulières dans lesquelles les actes reprochés ont été commis, le pronostic, le risque de récidive, et les antécédents de la personne jouent aussi un rôle (cf. ATF 139 I 16 consid. 2.2.1 ; 139 I 31 consid. 2.3.2 ; arrêts du TF 2C_459/2013 du 21 octobre 2013 consid. 3.2 ; 2C_977/2012 du 15 mars 2013 consid. 3.6).
Dans la pesée des intérêts à laquelle elle doit se livrer, l’autorité doit en outre déterminer si une mesure en soi adéquate pour protéger l’ordre et la sécurité publics n’induit pas, pour l’intéressé, un préjudice démesuré par rapport au bénéfice escompté au profit de l’intérêt général. Dans ce contexte, il y a lieu, pour apprécier l’incidence de la mesure sur la situation de la personne, de tenir compte, d’une part, de l’intensité du besoin de protection de cette dernière et, d’autre part, des effets qu’entraînerait pour elle et sa famille, la levée de l’admission provisoire, compte tenu de la durée de son séjour en Suisse, de son degré d’intégration, ou encore de l’importance de son déracinement par rapport à son pays d’origine (cf. JICRA 2006 n° 11 consid. 7.2.3). Les mesures d'éloignement sont soumises à des conditions d'autant plus strictes que l'intéressé a passé une longue période en Suisse (cf. ATF 139 I 31 consid. 2.3.1 ; arrêts du TF 2C_480/2013 du 24 octobre 2013 consid. 4.3.2 ; 2C_166/2013 du 12 novembre 2013 consid. 2.2).
En l'espèce, le recourant a notamment été condamné à une lourde peine de prison pour des infractions portant atteinte à la vie et à la santé publique (LStup). Au vu de la jurisprudence exposée plus haut (cf. consid. 3.4.3), il y a prima facie lieu de considérer qu'il existe un intérêt public important à son renvoi de Suisse. Par opposition, l'intéressé a fait valoir qu'il se trouvait dans un état de santé gravement déficient, qu'il vivait en Suisse avec ses proches depuis 24 ans et qu'il n'avait plus de liens avec le Kosovo, ne connaissant d'ailleurs pas correctement la langue qui y est parlée.
La réponse du SEM aux arguments soulevés est incomplète. Selon les informations au dossier, le recourant est, depuis son adolescence, atteint d'une schizophrénie paranoïde, de troubles mentaux et de troubles du comportement liés à l'utilisation de substances psycho-actives multiples. Il serait d'ailleurs même au bénéfice d'une rente invalidité. La pathologie psychiatrique est qualifiée de grave, son évolution est chronique et nécessite, sur le long terme, une prise en charge dans un milieu spécialisé, associée à un traitement antipsychotique. Selon le dernier rapport médical déposé, l'intéressé doit pouvoir être vu quotidiennement par une équipe soignante. S'agissant du pronostic, le médecin précise que non traitée, une schizophrénie paranoïde chez un patient ayant déjà présenté d'importants troubles du comportement du fait de sa pathologie (comme c'est le cas du recourant) est mauvais. En revanche, avec une prise en charge spécialisée, des possibilités de réhabilitation socio-professionnelles existent. Toutefois, il est difficile à ce stade d'en évaluer l'ampleur. L'autorité a certes exposé dans la décision entreprise que la ville de Peja, proche du dernier domicile de la famille de A. , disposait d'un hôpital régional avec un département psychiatrique et que les médicaments nécessaires à l'intéressé y étaient disponibles. Cependant, il n'a aucunement examiné si l'intéressé, qui nécessite un suivi régulier et spécialisé en milieu psychiatrique, peut effectivement être pris en charge au Kosovo, où l'accès aux soins, en ce qui concerne la santé mentale, demeure très problématique (cf. notamment arrêt du TAF E-4714/2013 du 31 mars 2014 et rapports cités). S'ajoute à cela le fait que le SEM s'est basé sur des déclarations des parents du recourant datant de 1991 pour retenir que l'intéressé disposait actuellement encore d'un réseau familial au Kosovo, alors que le recourant s'en défend. Il a en effet fait valoir de manière constante tant dans sa prise de position du 15 mai 2014 que dans son recours qu'il n'avait pas de contacts avec ses oncles et tantes au Kosovo et qu'il ne parlait pas correctement l'albanais. Les explications fournies par l'intéressé sur le sujet ne sont pas d'emblée dénuées de crédibilité (la famille de A. serait mal vue auprès des siens au Kosovo car elle ne leur aurait pas envoyé d'argent) et le SEM ne pouvait se dispenser d'examiner la question de manière sérieuse, surtout au vu de la particularité du cas d'espèce (grave maladie mentale et absence de vécu dans le pays de renvoi). Il ne pouvait se contenter de simples suppositions comme il l'a fait et aurait dû étayer son argumentation par des éléments concrets, au besoin en procédant à des mesures d'instruction complémentaires. Il ne s'agit certes surtout pas dans ce contexte de se prononcer sur la question de l'exigibilité de l'exécution du renvoi ou de mettre en cause l'intérêt public à l'éloignement de l'intéressé, dûment signalé par les autorités cantonales, mais les circonstances de fait exigent
sous l'angle de la proportionnalité un examen plus poussé. Quoi qu'il en soit, le Tribunal ne peut statuer et doit laisser la question indécise pour les motifs qui suivent (cf. consid. 4 ci-dessous).
Le recourant a été condamné à une peine privative de liberté de huit ans en juin 2012. En plus de celle-ci, il a été mis au bénéfice d'un traitement institutionnel en milieu fermé (cf. art. 19 al. 3 et 59 al. 3 CP). La durée de la privation de liberté entraînée par l'exécution de la mesure est imputée sur la durée de la peine (cf. art. 57 al. 3 CP). L'exécution d'une mesure au sens de l'art. 59 CP primant sur une peine privative de liberté (cf. art. 57 al. 2 CP), cette dernière n'est plus exécutée si la thérapie est menée à terme avec succès et si la mise à l'épreuve est concluante (cf. art. 62b CP). En tenant compte de la détention avant jugement subie dès le 8 décembre 2010, la peine de l'intéressé arrivera théoriquement à échéance fin 2018, peut-être plus tôt, dans l'hypothèse d'une libération conditionnelle ou du succès de la thérapie entamée.
Le SEM a prononcé la levée de son admission provisoire en date du 28 juillet 2014. Le premier délai de départ fixé dans la décision attaquée (22 septembre 2014) n'est à l'évidence pas réaliste. Le second est totalement indéfini ("au plus tard le jour de la sortie de prison"), mais échéant très probablement plusieurs années plus tard. Ce laps de temps est vraiment important. Le Tribunal relève que l'admission provisoire est, de par la loi, prononcée pour une durée d'une année (cf. art. 85 al. 1 LEtr et art. 20 al. 2 de l'Ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers [OERE, RS 142 281]). En s'inspirant de ce constat, lever une admission provisoire plusieurs années avant l'exécution de la mesure apparaît excessif (cf. JICRA 2006 n° 23 précitée, consid. 4). En statuant comme elle l'a fait, l'autorité de première instance a procédé à une pesée des intérêts en se basant sur une situation de fait qui ne correspondra pas, au moment de l'exécution du renvoi, à celle actuelle et qui devra assurément être réexaminée lors de la libération du recourant. Il n'est pour le moins pas judicieux de lever une admission provisoire sur la base d'une situation de fait susceptible de changer. Un tel procédé est certes concevable en présence d'une situation stable, le principe selon lequel l'autorité statue en connaissance des faits actuels tels que connus demeurant la règle. Tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce, l'évolution de l'état de santé psychique du recourant étant évolutive et la date de sa libération incertaine. Il y a par ailleurs lieu de relever que le SEM, dans le cadre de son examen relatif à la licéité de l'exécution du
renvoi de l'intéressé, s'est limité à relever que celle-ci ne violait pas l'art. 3 CEDH, alors que le cas d'espèce imposait de vérifier la compatibilité de la levée de l'admission provisoire également avec d'autres dispositions de droit international impératif (notamment l'art. 8 CEDH qui protège le droit à la vie privée et familiale).
Le Tribunal est compétent pour revoir les faits avec plein pouvoir de cognition (cf. art. 49 let. b PA). Il se base généralement sur la situation régnant au moment où il statue (cf. ATAF 2012/21 consid. 5). Il n'a pas à élucider des questions de fait essentielles en se substituant à l'autorité de première instance. L'art. 32 PA, qui porte sur l'appréciation de l'état de fait, vise la procédure devant les autorités de première instance et non directement la procédure de recours, ce que confirme la systématique de la loi. Le Tribunal doit donc se limiter à valider ou compléter l'état de fait pertinent, tel qu'il a été retenu par le SEM. En effet, si le Tribunal ne se limitait pas à éclaircir l'état de fait pertinent, mais établissait celui-ci au même titre que l'autorité inférieure, la partie se verrait privée de la garantie de la double instance. (cf. ATAF 2012/21 consid. 5 ; voir aussi arrêt du Tribunal administratif fédéral E-4157/2012 du 4 octobre 2012, consid. 4).
Au vu des développements qui précèdent, l'état de fait, tel que retenu dans la décision du 28 juillet 2014 ne peut pas être considéré comme établi de manière correcte et complète. Un nouvel examen de la situation s'imposera si la levée de l'admission provisoire est toujours envisagée lorsque l'intéressé sera sur le point d'être libéré dans un laps de temps raisonnablement défini, qu'il aura purgé sa peine ou que le traitement institutionnel en milieu fermé aura pris fin.
La décision attaquée doit donc être annulée pour constatation incomplète de l'état de fait pertinent et la cause renvoyée à l'autorité inférieure. Le recours doit dès lors être admis.
Le recourant ayant obtenu gain de cause, il n'y a pas lieu de percevoir de frais de procédure (cf. art. 63 al. 1 PA).
Il a par ailleurs droit à des dépens (cf. art. 64 al. 1 PA et art. 7 al. 1 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]). En l'absence de décompte de prestations et en tenant compte des activités essentielles menées par la mandataire du recourant, le montant de l'indemnité due à ce titre est arrêté, ex aequo et bono, à 1'500 francs.
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Le recours est admis.
La décision du SEM du 28 juillet 2014 est annulée. La cause lui est renvoyée, dans le sens des considérants.
Il n'est pas perçu de frais de procédure.
Le SEM est invité à allouer au recourant le montant de 1'500 francs à titre de dépens.
Le présent arrêt est adressé au recourant, au SEM et à l'autorité cantonale compétente.
Le président du collège : La greffière :
William Waeber Camilla Mariéthoz Wyssen
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