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Bundesverwaltungsgericht Urteil A-6784/2011

Kopfdaten
Instanz:Bundesverwaltungsgericht
Abteilung:Abteilung I
Dossiernummer:A-6784/2011
Datum:03.07.2012
Leitsatz/Stichwort:Aviation (divers)
Schlagwörter : Licence; Recourant; Trait; Retrait; ;art; Fédéral; Pilote; Sécurité; Tribunal; Disposition; Autorité; Consid; Porte; Arrêt; Lacune; Circulation; Matière; Décision; ;autorité; Inférieure; été; Dispositions; Règle; ;OFAC; Elles; Cours; Danger; Entre; Présent; CRINEN
Rechtsnorm: Art. 90 or;
Referenz BGE:-
Kommentar zugewiesen:
Spühler, Basler Kommentar zur ZPO, Art. 321 ZPO ; Art. 311 ZPO, 2017
Weitere Kommentare:-
Entscheid

B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t

T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l

T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l

Cour I

A-6784/2011

A r r ê t  d u  3  j u i l l e t  2 0 1 2

Composition Claudia Pasqualetto Péquignot (présidente du collège), Christoph Bandli, Jérôme Candrian, juges,

Myriam Radoszycki, greffière.

Parties A. , représenté par Me Laurent Schuler, avocat, Petit-Chêne 18, case postale 5111, 1002 Lausanne recourant,

contre

Office fédéral de l'aviation civile OFAC, Sécurité des opérations aériennes, 3003 Berne,

autorité inférieure.

Objet Rejet d'une demande de licence de pilote.

Faits :

A.

A. a déposé le 28 septembre 2011 une demande de licence dite "restreinte" de pilote privé d'avion RPPL(A) ("Restricted Private Pilot License - Aeroplane") auprès de l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC). Cette licence permet d'effectuer en Suisse et à l'étranger des vols non commerciaux en dehors de certaines zones contrôlées (p. ex. Genève et Zurich).

Par décision du 17 novembre 2011, l'OFAC a refusé de lui délivrer la licence requise au motif qu'il avait fait l'objet, en date des 25 mars 2009 et 16 mars 2010, de deux condamnations pénales pour violation grave des règles de la circulation routière (excès de vitesse importants en voiture [179 au lieu de 120 km/h] et à moto [159 au lieu de 80 km/h]) et qu'il était dès lors à craindre que dans l'exercice de son activité de pilote d'avion, il ne reproduise son comportement répréhensible et ne mette en danger l'ordre et la sécurité publics.

Dans sa décision, l'OFAC a toutefois relevé qu'il serait "prêt à entrer en matière" sur une nouvelle demande de licence déposée à partir du

16 novembre 2012, à moins que A.

ne soit une nouvelle fois

condamné dans l'intervalle, auquel cas dite demande serait "sans doute" également rejetée.

B.

Par acte du 16 décembre 2011, A.

(ci-après le recourant) a

recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral, concluant à son annulation et à la délivrance de la licence refusée. A l'appui de son recours, il invoque notamment la violation de l'ordonnance du 25 mars 1975 du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) concernant les licences du personnel navigant de l'aéronautique (OPN, RS 748.222.1), ainsi que du principe de la proportionnalité. Il conteste le parallèle opéré par l'OFAC (ci-après l'autorité inférieure) entre la circulation routière et la circulation aérienne. Il affirme que n'ayant jamais été condamné à une peine privative de liberté - mais bien uniquement à des peines pécuniaires et à des travaux d'intérêt général, qui plus est avec sursis - et n'ayant jamais mis en danger l'intégrité corporelle de tiers par son comportement sur la route, il n'y a nulle raison de craindre qu'il ne mette en danger l'ordre et la

sécurité publics au sens de l'OPN. Il regrette enfin l'absence de mise en œuvre d'une expertise psychologique par l'autorité inférieure.

C.

Par décision incidente du 19 janvier 2012, le Tribunal de céans a rejeté la requête de mesures provisionnelles du recourant tendant principalement à la délivrance d'une licence de pilote RPPL(A) provisoire pour la durée de la procédure de recours, subsidiairement au renouvellement provisoire de sa licence d'élève-pilote arrivée à échéance le 7 novembre 2011.

D.

L'autorité inférieure s'est déterminée sur le recours en date du 1er février 2012, concluant à son rejet et à la confirmation de la décision attaquée. Elle a rappelé que l'exercice d'une activité de pilotage exigeait non seulement un degré élevé de compétences techniques et théoriques, mais également une "aptitude morale" à respecter les règles de la sécurité et de la législation aériennes. Or à teneur de l'art. 5 al. 3 OPN, une telle condition ferait défaut si le requérant, comme c'est le cas en l'espèce, a déjà été "condamné plusieurs fois pour des infractions" - ce sans qu'il faille analyser plus avant l'état psychologique de l'intéressé. La mise à l'épreuve du recourant d'une durée d'un an serait donc pleinement justifiée, proportionnée - l'intéressé ne pilote que durant ses heures de loisirs - et conforme à la pratique de l'OFAC dans ce type de cas.

E.

Par mémoire complémentaire daté du 3 avril 2012, le recourant a précisé les motifs développés à l'appui de son recours, joignant également en annexe un "questionnaire" rempli le 22 mars 2012 par son instructeur de vol B. , qui atteste de ce que le recourant se serait toujours conformé à la législation en vigueur en matière aéronautique et ne présenterait aucun danger pour l'ordre et la sécurité publics.

F.

Les faits et autres arguments de la partie seront mentionnés en tant que de besoin dans les considérants en droit ci-après.

Droit :

1.

    1. En vertu des art. 31 et 33 let. d de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32) - et sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 LTAF -, le Tribunal administratif fédéral connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021) rendues par les départements et unités de l'administration fédérale qui leur sont subordonnées ou administrativement rattachées.

      L'OFAC est une unité de l'administration fédérale centrale au sens de l'art. 33 let. d LTAF (cf. annexe 2 de l'ordonnance sur l'organisation du gouvernement et de l'administration du 25 novembre 1998 [OLOGA, RS 172.010.1] par renvoi de son art. 8 al. 1). L'acte attaqué, qui porte sur le rejet d'une demande de licence de pilote conformément à la législation fédérale sur l'aviation, satisfait aux conditions de l'art. 5 PA et n'entre pas dans le champ d'exclusion de l'art. 32 LTAF. Le Tribunal administratif fédéral est donc compétent pour connaître du présent litige. La procédure est régie par la PA, pour autant que la LTAF n'en dispose pas autrement (art. 37 LTAF).

    2. Le recourant est spécialement atteint par la décision attaquée, dont il est le destinataire. Il a donc qualité pour recourir au sens de l'art. 48 al. 1 PA. Quant aux autres conditions de recevabilité du recours (délai et forme; cf. art. 50 et 52 PA), elles sont satisfaites, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond du litige.

2.

Le Tribunal administratif fédéral examine les décisions qui lui sont soumises avec un plein pouvoir de cognition. Son analyse porte non seulement sur l'application du droit - y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation - et sur les faits - constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents -, mais également sur l'opportunité de la décision attaquée (art. 49 PA). Le Tribunal fait cependant preuve d'une certaine retenue lorsque la nature des questions litigieuses qui lui sont soumises l'exige. C'est en particulier le cas lorsque celles-ci sont techniques, nécessitent des connaissances spéciales ou encore lorsqu'il s'agit d'apprécier des questions liées à la sécurité (ATF 131 II 683 consid. 2.3.2; ATAF 2008/18 consid. 4; cf. ANDRÉ MOSER/MICHAEL

BEUSCH/LORENZ KNEUBÜHLER, Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht, Bâle 2008, n. 2.154).

3.

En l'occurrence, il s'agit d'examiner si l'autorité inférieure était en droit de refuser de délivrer au recourant une licence restreinte de vol pour avion RPPL(A).

    1. La loi-cadre en matière d'aviation civile est la loi fédérale sur l'aviation du 21 décembre 1948 (LA, RS 748.0), qui est complétée par l’ordonnance du 14 novembre 1973 sur l’aviation (OSAv, RS 748.01), ainsi que par de nombreuses ordonnances du DETEC, dont celle du 25 mars 1975 concernant les licences du personnel navigant de l'aéronautique (OPN, RS 748.222.1).

      A teneur de l'art. 60 al. 1 let. a LA, les pilotes d'aéronef doivent obtenir une licence auprès de l'autorité inférieure pour exercer leur activité. Cette licence est de durée limitée (art. 60 al. 1bis LA). Le DETEC édicte les prescriptions relatives à l'octroi, au renouvellement et au retrait des licences (art. 25 al. 1 let. b OSAv en relation avec l'art. 60 al. 3 LA). Conformément à l'art. 57a OPN, pour obtenir une licence restreinte de pilote privé d'avion, le requérant doit (a) satisfaire aux conditions de l'art. 5 OPN, (b) satisfaire aux conditions d'âge et d'aptitude physique et mentale exigées du candidat à une licence de pilote privé par les règlements JAR-FCL 1 et 3 édictés par les autorités conjointes de l'aviation (JAA) et (c) avoir reçu l'instruction prescrite à l'art. 57b et réussi l'examen d'aptitude prévu aux art. 57c et 57d OPN.

      A teneur de l'art. 5 OPN ("aptitude morale"), l'autorité inférieure peut refuser de délivrer une licence de vol "s'il est à craindre que dans l'exercice de son activité soumise à autorisation, le requérant ne mette en danger l'ordre et la sécurité publics ou des intérêts militaires, et en particulier: s'il est sous tutelle (1er tiret), s'il s'adonne à l'alcoolisme ou aux stupéfiants (2ème tiret) ou s'il a été condamné à une peine privative de liberté pour un crime ou un délit ou condamné plusieurs fois pour des infractions (3ème tiret)".

    2. En l'occurrence, il n'est pas contesté que le recourant, né en 1975, a l'âge requis pour devenir pilote privé (17 ans selon l'art. 1.100 JARFCL) et a passé avec succès les examens médicaux et d'aptitude requis, et en particulier le "skill test" du 23 septembre 2011.

      Pour refuser la licence requise, l'autorité inférieure se fonde uniquement sur l'art. 5, 3ème tiret OPN. Elle soutient que les deux condamnations du recourant en 2009 et en 2010 pour violation grave des règles de la circulation routière permettent de craindre que l'intéressé ne reproduise dans les airs son comportement répréhensible et ne mette en danger la sécurité publique au sens de cette disposition.

    3. Le recourant invoque principalement la violation de l'art. 5 OPN. Selon lui, la décision attaquée n'expose pas de manière convaincante en quoi il représenterait concrètement un danger au sens de cette disposition. A cet égard, le simple fait qu'il ait été condamné à deux reprises en 2009 et en 2010 pour infraction à la loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR, RS 741.01) n'est selon lui pas suffisant. A le lire, les infractions commises ne seraient en effet pas d'une gravité particulière; à aucun moment il n'aurait mis en danger l'intégrité corporelle de tiers. Au demeurant, le pronostic émis par l'autorité pénale à son égard serait clairement favorable: seulement condamné à des jours-amendes avec sursis et non à une peine privative de liberté, il n'a pas fait l'objet d'un retrait de sécurité de son permis de conduire. Celui-ci lui a même été restitué après qu'il ait suivi un cours de sensibilisation à la circulation. Du point de vue du recourant, qui invoque un arrêt de la Commission fédérale de recours en matière d'infrastructures et d'environnement (CRINEN) du 24 octobre 2005 en la cause B-2003-163, il serait totalement incompréhensible que l'OFAC lui ait refusé la licence - mesure que le recourant considère comme un retrait de sécurité au sens de la législation en matière de circulation routière - alors qu'il n'aurait fait l'objet que de deux retraits d'admonestation pour ses infractions en matière de circulation routière et ce sans qu'aucune expertise n'ait été ordonnée pour déterminer son aptitude à être pilote.

    4. L'arrêt précité de la CRINEN visait à déterminer si le retrait de la qualification de virtuosité dont était titulaire le recourant - dans cette cause-là - était justifié, et ce plus particulièrement suite à un accident au cours duquel le fils du recourant - alors âgé de 11 ans - avait trouvé la mort alors qu'il se trouvait à bord avec son père. La CRINEN, après avoir décrété que l'accident était survenu en raison d'une "violation crasse" des règles de l'air, s'était interrogée sur la question de savoir si la LA - qui ne prévoit pas de distinction entre le retrait d'admonestation et le retrait de sécurité tels que définis par la jurisprudence relative à la LCR - contenait une lacune. Cet arrêt expose qu'il serait "arbitraire" de s'écarter des distinctions opérées par la jurisprudence relativement au retrait de permis

      de conduire car aussi bien le retrait de permis de la LCR que le retrait de la licence de pilote de la LA viseraient à assurer la sécurité (consid. 10.2 de l'arrêt en question). Cet arrêt poursuit ensuite en examinant si la LA présente une lacune dans la mesure où la distinction entre le retrait de sécurité et le retrait d'admonestation n'existe pas en matière de circulation aérienne; c'est ainsi que la CRINEN a considéré que "dans la LA, il n'y a aucune disposition qui indique la marche à suivre et les éléments qu'elle doit prendre en compte lorsqu'elle retire une licence ou une qualification" (consid. 11). Ceci posé, la CRINEN a dès lors considéré qu'il y avait une lacune dans la LA. Dans le cas d'espèce, la CRINEN avait ensuite considéré que le retrait de la qualification du pilote en question était un retrait d'admonestation et, faisant application de l'ancien art. 66bis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP; RO 54 781 pour l'ancien art. 66bis, actuellement art. 54 CP, RS 311.0), admis le recours du pilote et cassé la décision par laquelle l'OFAC avait retiré la qualification de virtuosité.

      1. C'est donc sur cette jurisprudence que le recourant s'appuie, a contrario, pour considérer que dans son cas, le refus de la licence de pilote serait un "retrait de sécurité" pour lequel - selon la jurisprudence développée en matière de LCR - une expertise serait absolument nécessaire.

      2. A titre liminaire, le Tribunal de céans notera que l'arrêt précité visait un retrait et non un refus, lequel, tant qu'à vouloir faire des analogies, est régi par l'art. 14 et non l'art. 16 LCR. Par ailleurs, force est de constater que cet arrêt de la CRINEN n'analyse guère de manière approfondie l'existence de la lacune retenue et encore moins sous l'angle de sa nature (lacune proprement dite ou improprement dite, ou encore silence qualifié du législateur). L'arrêt en question, rendu en date du 24 octobre 2005, ne précise pas expressément quelles dispositions de la LCR sont appliquées par analogie; en effet la LCR a été modifiée en date du 14 décembre 2001 avec effet au 1er janvier 2005, c'est-à-dire entre le moment où l'OFAC a rendu sa décision et le moment où la CRINEN a statué. La modification portait sur l'introduction des nouveaux art. 14 ss LCR. A la lecture de cet arrêt, il ressort cependant que l'application par analogie à laquelle a procédé la CRINEN concerne en fait l'ancienne mouture des dispositions concernées, et plus précisément l'ancien art. 16 LCR.

    1. Dans la mesure où le recourant invoque la jurisprudence relative à la LCR pour en inférer des conséquences quant au pouvoir d'examen ou aux obligations de l'OFAC quant à l'instruction des faits dans la présente cause, le Tribunal de céans examinera de manière plus approfondie l'arrêt précité de la CRINEN et en particulier si cette autorité était réellement fondée à considérer qu'il y avait une lacune dans la LA en matière de retrait de licence; en effet, si cette jurisprudence était réellement fondée s'agissant des retraits, il y aurait au moins une certaine logique à ce que l'on considère qu'il y a également une lacune en matière de délivrance des licences - et à ce que l'on procède à un comblement de cette supposée lacune en appliquant par analogie les dispositions en matière de délivrance du permis de conduire de la LCR (art. 14).

      1. Une loi contient une lacune - appelée aussi pure lacune ou lacune proprement dite - lorsqu'elle ne répond pas à une question nécessaire à son application (ANDRÉ GRISEL, Traité de droit administratif, vol. I, Neuchâtel 1984, p. 95 s. et 127 s.; ULRICH HÄFELIN/GEORG MÜLLER/FELIX

        UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., Zurich 2010, p. 51 s.).

        On peut également considérer qu'il y a une lacune lorsque dite loi ne se prononce pas sur un point et que ce silence est contraire à son économie (lacune proprement dite et occulte) (arrêt du Tribunal fédéral 2C_818/2009 du 9 juillet 2010 consid. 4.2; ATF 135 IV 113 consid. 2.4.2). En revanche, si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant à la lacune improprement dite, elle se caractérise par le fait que la loi offre certes une réponse, mais que celle-ci est insatisfaisante aux yeux du juge (cf. ATF 129 III 656 consid. 4.1; 128 I 34 consid. 3b; 125 III 42 5

        consid. 3a; 124 V 271 consid. 2a et les arrêts cités).

        D'après la jurisprudence précitée, seule l'existence d'une lacune proprement dite (apparente ou occulte) appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe interdit, selon la conception traditionnelle qui découle notamment du principe de la séparation des pouvoirs, de corriger les lacunes improprement dites (cf. ANDRÉ GRISEL, op. cit, p. 127, HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, op. cit., p. 51). Enfin, dans l'hypothèse où la loi comporterait un silence qualifié, le juge ne saurait la compléter sous peine de violer ladite loi.

      2. A bien lire les dispositions applicables à l'époque de cet arrêt de la CRINEN, à savoir l'art. 92 LA, précisé et complété par l'ancien art. 27 du règlement du DETEC concernant les licences du personnel navigant de

        l'aéronautique (RPN; RO 1975 p. 715 ss), ces dispositions permettent - contrairement à ce qui a été retenu par la CRINEN dans l'arrêt précité (consid. 11) - de définir la "marche à suivre" et les conditions d'un retrait de licence. L'art. 92 LA établit le principe du retrait ou des restrictions de licence, d'autorisation ou de certificat, que ce soit à titre temporaire ou définitif lorsque leur titulaire a violé les dispositions de la LA ou/et ses dispositions d'exécution, ou encore d'autres prescriptions édictées par les autorités compétentes, voire de dispositions découlant d'accords sur l'aviation. L'al. 1er de l'art. 92 prescrit en outre que l'office peut procéder au retrait ou apporter des restrictions aux licences, autorisations ou certificats en question indépendamment de l'introduction et du résultat de toute procédure pénale. En d'autres termes, l'office peut prononcer une mesure administrative à l'encontre de tout titulaire d'autorisation (ici au sens large) qui contreviendrait à la LA ou à ses dispositions d'exécution ou à d'autres réglementations. Ces dernières comportent non seulement des règles de comportement pour les pilotes, mais encore des règles sur les garanties que doivent offrir aussi bien les personnes - et pas uniquement les pilotes - qui œuvrent dans le domaine de l'aéronautique (formation, contrôles périodiques des connaissances, état de santé, etc.), que le matériel utilisé à des fins aéronautiques (état, normes d'entretien, certifications d'appareils ou de pièces, etc.). Il suffit pour s'en convaincre de consulter - même brièvement - les nombreuses dispositions d'exécution de la LA, sans parler des normes internationales, telles que celles émises par Eurocontrol (anciennement JAA) ou l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). Toutes ces normes visent un objectif qui est celui de la sécurité dans l'exercice des activités aéronautiques. Au demeurant, vu l'activité dont il s'agit, qui est encore plus risquée de par sa nature que la conduite sur route, le côté sécuritaire de ces normes prédomine assez clairement sur le côté punitif.

      3. Quant à la "marche à suivre", pour reprendre les termes de cet arrêt de la CRINEN, elle est claire également: l'office est compétent et il peut prendre ces mesures, ce qui signifie qu'il doit pour ce faire appliquer la procédure à laquelle il est soumis (à savoir la PA) et qu'il dispose - cela ressort clairement de la formulation potestative -, d'un large pouvoir d'appréciation. Il est clair, enfin, que dès lors qu'il s'agit d'une mesure administrative, l'office, ainsi que toute autorité appelée à statuer dans un cas d'application de cette disposition, devra respecter les principes généraux du droit constitutionnel et administratif en la matière. C'est dire si l'arsenal législatif est fourni.

      4. En ce qui concerne l'ancien art. 27 RPN, dont le contenu est rigoureusement le même que celui de l'actuel art. 27 OPN (à l'exception de la dénomination de la loi fédérale à laquelle il est renvoyé à l'al. 2 de cet art. 27), le Tribunal de céans peine également à voir quelle serait la lacune qui en empêcherait l'application. Cette disposition prescrit en effet diverses causes de retrait - définitif ou non - ou de restrictions possibles à une licence; certaines causes ont trait à l'état de santé ou aux connaissances du pilote et d'autres sont liées à un comportement, à savoir la violation des règles mentionnées à l'art. 92 LA précité. Dans ce cas également, la "marche à suivre" est la même que celle décrite cidessus relativement à l'art 92 LA.

      5. En l'état actuel, comme mentionné ci-dessus (consid. 3.4.2), la LCR a été modifiée en date du 14 décembre 2001, avec effet au 1er janvier 2005. Concernant la distinction entre retrait de sécurité et retrait d'admonestation, le législateur a introduit en particulier les art. 16a à 16d LCR; les trois premières dispositions prévoient en quelque sorte un "tarif" des retraits en fonction de la gravité de la faute commise et/ou de la répétition de comportements illégaux. Il s'agit de retraits d'admonestation. Quant à l'art. 16d LCR, en revanche, il concerne le retrait de sécurité. Ces modifications représentent d'une part une codification de la jurisprudence - en particulier sur la distinction entre retrait d'admonestation et retrait de sécurité -, d'autre part un durcissement de la législation ayant en outre pour but d'unifier les pratiques cantonales (cf. Feuille fédérale 1999 IV p. 4106 ss, spéc. 4130, 4136).

        De telles modifications n'ont pas été introduites par le législateur en matière de circulation aérienne et il n'en est du reste nullement question. Il y a dès lors lieu de constater qu'à l'heure actuelle, les dispositions applicables (LCR - LA) sont plus éloignées dans leur contenu que par le passé; par conséquent, aboutir à la conclusion de la présence d'une éventuelle lacune dans la LA par rapport à la LCR paraît encore plus malaisé à l'heure actuelle.

        A supposer, dès lors, ce qui n'est pas le cas (cf. consid. 3.5.1 et 3.5.2 cidessus), que la LA présente un manque, il y aurait bien plutôt lieu de supposer qu'il s'agit d'un silence qualifié et que par conséquent, introduire une telle distinction entre retrait d'admonestation et retrait de sécurité équivaudrait à une violation de la loi (consid. 3.5.1 ci-dessus).

      6. Il découle de ce qui précède que des distinctions telles que celles que contient la LCR ne s'imposent nullement en matière de circulation aérienne et plus spécifiquement en ce qui concerne le refus de délivrance ou le retrait de la licence de pilote. Par ailleurs, l'OFAC - qui est seul à être compétent pour toutes les licences de Suisse, contrairement à ce qui se passe dans le cadre de l'application de la LCR - dispose - comme déjà considéré (consid. 3.5.2 et 3.5.3) - de toute la palette juridique de droit administratif et de droit procédural pour pouvoir trancher. Les dispositions applicables laissent de fait un large pouvoir d'appréciation en la matière (ibidem), ce d'autant plus que le régime des licences de pilote répond principalement à un souci de sécurité. Il suffit, pour s'en convaincre, de relever par exemple que les licences de pilotes sont de durée limitée et renouvelables (art. 60 al. 1bis LA), et ce moyennant le respect de conditions assez strictes (nombre minimal annuel d'heures de vol, contrôles réguliers de l'état de santé, etc.; cf. en particulier des nombreuses dispositions de l'OPN). Le permis de conduire automobile, quant à lui, est délivré dans la règle pour une durée indéterminée - ou tout au moins tant que subsiste l'aptitude à la conduite, laquelle est présumée pour les titulaires d'un permis "ordinaire" jusqu'à l'âge de 70 ans (art. 27 al. 2 de l'ordonnance du 27 octobre 1976 réglant l'admission à la circulation routière [OAC, RS 741.51]). Compte tenu en particulier des changements législatifs et des différences fondamentales que l'on trouve dans les dispositions qui régissent la circulation routière d'une part et le domaine de l'aviation d'autre part, combler une lacune - par ailleurs inexistante - en appliquant par analogie les premières dispositions susmentionnées n'est guère indiqué.

      7. Par conséquent, vu ce qui précède, les analogies avec la circulation routière invoquées par le recourant pour prétendre que l'OFAC aurait dû ordonner une expertise de sa personne avant tout refus de la licence de pilote privé, ne sont pas fondées. Ce grief doit donc être rejeté.

4.

L'art. 5 OPN permet à l'autorité inférieure de refuser la licence de vol aux personnes dont l'aptitude "morale" ou "caractérielle" ("flugcharakterliche Tauglichkeit") - autrement dit la personnalité - est a priori incompatible avec la sécurité du trafic aérien. En effet, l'activité de pilote de l'air, hautement risquée, suppose un sens aigu des responsabilités et de l'ordre et une bonne maîtrise de soi; il est donc légitime que l'autorité inférieure restreigne les possibilités de vol de personnes ayant montré par le passé qu'elles n'étaient pas fiables (cf. arrêt du Tribunal

administratif fédéral A-2401/2011 du 6 janvier 2012 consid. 6.4.1 et les réf. citées).

Pour déceler une éventuelle inaptitude, il appartient à l'autorité inférieure d'examiner la situation personnelle du candidat et en particulier ses antécédents judiciaires - une précédente condamnation à une peine privative de liberté ou plusieurs condamnations "pour des infractions" seront des indices - ou d'éventuels problèmes connus de dépendance à l'alcool ou aux drogues.

Dans la mesure où, comme considéré ci-dessus (consid. 3.5 ss), l'OFAC n'a en aucune manière l'obligation d'ordonner systématiquement une expertise psychologique lorsqu'il envisage de refuser ou de retirer une licence de pilote, il y a lieu de retenir qu'il est habilité à juger de l'aptitude d'un pilote sur la base des éléments à sa disposition.

En l'espèce, les conclusions que tire l'autorité inférieure des infractions susmentionnées quant au risque que présente le recourant ne sont en rien insoutenables: un minimum d'expérience du cours ordinaire des choses et de la vie suffit pour admettre qu'un comportement à risque sur la route peut être reproduit en d'autres circonstances.

    1. En l'occurrence, il ressort du dossier que dans un passé récent, le recourant - qui a pourtant largement atteint l'âge dit de raison - a été condamné à deux reprises pour violation grave des règles de la circulation routière au sens de l'art. 90 ch. 2 LCR. Par ordonnance de condamnation du 25 mars 2009 du juge d'instruction de arrondissement de la Côte, il a ainsi écopé de 40 jours-amendes avec sursis durant deux ans et à une amende de 1'400 francs pour avoir circulé en voiture, dans le cadre d'un "jeu" avec un ami en juillet 2008, à une vitesse de 189 km/h au lieu de 120 km/h. Par ordonnance pénale du 16 mars 2010 du juge instruction du canton de Fribourg, il a également été condamné à 160 heures de travail d'intérêt général avec sursis durant 4 ans, à une amende de 2'000 francs, ainsi qu'à la révocation du sursis accordé en 2009 pour avoir circulé à moto à une vitesse de 159 km/h au lieu de 80 km/h en août 2009.

    2. Comme le relève à juste titre l'autorité inférieure, ces délits répétés ne sont pas anodins et donnent des indications intéressantes sur la personnalité du recourant, visiblement capable d'adopter, lorsqu'il est aux commandes d'un véhicule, un comportement inconscient face au danger. A cet égard, c'est en vain que le recourant - de manière presque

      caractéristique - soutient que les infractions commises ne sont "pas d'une gravité particulière" dans la mesure où elles n'ont "pas mis en danger la santé de tiers". Le Tribunal de céans ne saurait partager ce point de vue. En effet, une violation grave d'une règle de circulation au sens de l'art. 90 ch. 2 LCR, qui constitue un délit punissable de l'emprisonnement ou de l'amende, n'entre en ligne de compte que si le conducteur a "créé un sérieux danger pour la sécurité d'autrui ou en a pris le risque"; peu importe que ce risque ne se soit pas réalisé (concept de la mise en danger abstraite).

      Des excès de presque 60 et 80 km/h par rapport à la vitesse autorisée remplissent clairement une telle condition, comme le retiennent à juste titre les ordonnances pénales précitées (le Tribunal fédéral fixe en principe le seuil à 30 km/h de dépassement; cf. ATF 118 IV 188 consid. 2b).

      De même, peu importe que l'intéressé n'ait pas été condamné à une peine privative de liberté, mais bien (s'agissant de la première infraction) "uniquement" à des jours-amendes. Un tel élément n'est en effet nullement déterminant lorsqu'il s'agit d'évaluer la présence d'un risque pour la sécurité aérienne au sens de l'art. 5, 3ème tiret OPN. Au demeurant, la disposition précitée n'impose pas que les condamnations n'aient consisté qu'en des peines privatives de libertés: la dernière phrase "ou condamné plusieurs fois pour des infractions" n'exige en aucune manière la condamnation à une peine privative de liberté, mais seulement plusieurs condamnations. Partant, l'argumentation du recourant au sujet des distinctions qu'il y aurait lieu de faire s'agissant des jours-amende n'est pas pertinente non plus.

    3. Hormis le fait de minimiser la mise en danger occasionnée par son comportement routier, le recourant tente de démontrer qu'il présente les garanties nécessaires en matière de circulation aérienne en produisant - devant le Tribunal de céans - un témoignage écrit de son instructeur attestant de sa bonne conduite lorsqu'il est aux commandes d'un aéronef.

      La pertinence de ce document est cependant toute relative aux yeux du présent Tribunal: il ne fait pas de doute que le comportement du recourant puisse être exemplaire lorsqu'il est accompagné ou surveillé à bord d'un avion; l'expérience démontre plutôt que son comportement est sujet à caution lorsqu'il est seul aux commandes d'un véhicule. Dès lors, les déclarations recueillies par le recourant auprès de son instructeur - déclarations qui concernent nécessairement le comportement du

      recourant lorsque son instructeur le supervise - ne sont pas de nature à amener le Tribunal de céans à considérer que l'OFAC aurait apprécié les faits de manière erronée.

    4. Saisie du dossier en automne 2011, l'autorité inférieure était donc légitimée à douter de la fiabilité du recourant et de son aptitude à respecter, une fois sa licence de vol en poche, la législation aérienne et la sécurité des autres usagers de l'espace aérien.

De telles craintes étaient suffisantes pour que l'autorité inférieure décide de refuser temporairement sa licence de vol au recourant. Elle n'a donc pas violé la loi par une appréciation incomplète ou erronée des faits.

5.

Le recourant se plaint encore d'une violation du principe de la proportionnalité.

Pour qu'une mesure réponde au principe de la proportionnalité, il faut qu'elle soit apte à produire le résultat escompté (règle de l'aptitude), que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) et qu'il existe un rapport raisonnable entre le but d'intérêt public recherché par cette mesure et les intérêts privés en cause, en particulier la restriction à la liberté personnelle qui en résulte pour la personne concernée (principe de la proportionnalité au sens étroit; ATF 136 IV 97 consid. 5.2.2).

Ces conditions sont clairement remplies en l'occurrence. En effet, la sécurité aérienne est un intérêt public majeur face auquel les autres intérêts, notamment privés, doivent céder le pas (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.539/2003 consid. 5; arrêt du Tribunal administratif fédéral A-1983/2006 du 18 octobre 2010 consid. 8.3).

La décision attaquée ne porte au demeurant qu'une atteinte légère aux intérêts du recourant, sa seule conséquence étant que celui-ci doit attendre quelques mois (jusqu'au 16 novembre 2012) pour obtenir la licence requise, pour autant qu'il n'ait pas commis de nouvelles infractions d'ici là. Il résulte également des nouvelles dispositions de la LA (art. 61 abrogé avec effet au 1er avril 2011; cf. également décision incidente du Tribunal de céans du 19 janvier 2012 consid. 3.2.1) que le recourant peut continuer des vols d'entraînement sous la surveillance d'un instructeur, lequel n'a du reste même pas besoin d'être à bord. Il est fort probable que cette intervention d'un instructeur n'entraîne, durant

l'année d'attente imposée par l'OFAC, des coûts supplémentaires, coûts que le recourant ne chiffre du reste pas. Cet intérêt de nature économique doit cependant céder le pas à l'intérêt public à la sécurité de la circulation aérienne.

6.

Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, doit être rejeté et la décision attaquée confirmée.

En application de l'art. 63 al. 1 PA et de l'art. 4 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2), les frais de procédure, arrêtés à 1'500 francs, sont mis à la charge du recourant et compensés par l'avance de frais déjà versée du même montant. Dans la mesure où le recourant succombe, il n'y a pas lieu de lui allouer une indemnité de dépens (art. 64 al. 1 PA a contrario). Quant à l'autorité inférieure, elle n'a pas droit à une telle indemnité (art. 7 al. 3 FITAF).

[le dispositif se trouve à la page suivante]

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.

Le recours est rejeté.

2.

Les frais de procédure, d'un montant de 1'500 francs, sont mis à la charge du recourant et compensés par l'avance de frais déjà versée du même montant.

3.

Il n'est pas alloué de dépens.

4.

Le présent arrêt est adressé:

  • au recourant (Acte judiciaire)

  • à l'autorité inférieure (n° de réf. 1/18/18-02.03-D11-0094; Recommandé)

  • au DETEC (Acte judiciaire)

La présidente du collège: La greffière:

Claudia Pasqualetto Péquignot Myriam Radoszycki

Indication des voies de droit :

La présente décision peut être attaquée devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss, 90 ss et 100 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]). Le mémoire doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. La décision attaquée et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains du recourant (art. 42 LTF).

Expédition:

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