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Entscheid des Bundesstrafgerichts: SK.2022.52 vom 11.01.2023

Hier finden Sie das Urteil SK.2022.52 vom 11.01.2023 - Beschwerdekammer: Strafverfahren

Sachverhalt des Entscheids SK.2022.52


Urteilsdetails des Bundesstrafgerichts

Instanz:

Bundesstrafgericht

Abteilung:

Beschwerdekammer: Strafverfahren

Fallnummer:

SK.2022.52

Datum:

11.01.2023

Leitsatz/Stichwort:

Schlagwörter

Apos;a; édé; édéral; été; Tribunal; Apos;opposant; Apos;en; èces; Apos;un; énal; Apos;AFC; Apos;opposante; écis; édure; être; Apos;avocat; écision; Apos;une; écité; éférence; épertoriée; Apos;enquête; édérale; Apos;art; égal; ésente; Apos;il; égale; éans; également

Rechtskraft:

Zurzeit keine Rechtsmittel ergriffen

Kommentar:

Spühler, Basler Kommentar zur ZPO, Art. 321 ZPO ; Art. 311 ZPO, 2017

Entscheid des Bundesstrafgerichts

BE.2021.15B

Tribunal pénal fédéral

Tribunale penale federale

Tribunal penal federal

Numéro de dossier: BE.2021.15b

 

Décision partielle du 11 janvier 2023

Cour des plaintes

Composition

Les juges pénaux fédéraux

Roy Garré, président,

Daniel Kipfer Fasciati et Patrick Robert-Nicoud,

la greffière Joëlle Fontana

Parties

Administration fédérale des contributions,

requérante

contre

A.,

et

B. SA,

tous deux représentés par Maîtres Alexandre Faltin et Xavier Oberson, avocats,

opposants

 

Objet

Levée des scellés (art. 50 al. 3 DPA)

Vu:

A. Sur autorisation du Chef du Département fédéral des finances du 22 octobre 2020, l'Administration fédérale des contributions (ci-après: AFC) mène, depuis le 30 novembre 2020, une enquête pénale fiscale contre B. SA, C. et A. des chefs de graves infractions fiscales au sens des art. 190 ss de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD; RS 642.11), en relation avec l'art. 176 LIFD et de participation à ces infractions (art. 177 LIFD), ainsi que d'usage de faux (art. 186 LIFD), commises entre 2011 et 2019. L'AFC mène en parallèle une procédure pénale administrative à l'encontre des deux derniers nommés, des chefs d'escroqueries en matière de contributions, au sens de l'art. 14 al. 2 de la loi fédérale sur le droit pénal administratif du 22 mars 1974 (DPA; RS 313.0), et de soustraction d'impôt, au sens de l'art. 61 let. a de la loi fédérale sur l'impôt anticipé du 13 octobre 1965 (LIA ; RS 642.21), commises dans la gestion de la société B. SA de 2014 à 2019 (act. 1, 1.1 à 1.5).

B. Sur la base du mandat de perquisition du directeur de l'AFC du 31 août 2021, les enquêteurs de la Division affaires pénales et enquêtes de l'AFC ont procédé, le 23 septembre 2021, à la perquisition de la résidence suisse de A., à Z. Ce dernier, par l'intermédiaire de sa fille présente sur les lieux le 23 septembre 2021, s'est opposé à la perquisition visant les documents papier et électroniques, lesquels ont été placés sous scellés (répertoriés sous cotes YAC 001 à 005). En date du 15 novembre 2021, A. (ci-après: l'opposant) a maintenu son opposition sur l'ensemble des documents (act. 1, 1.6 à 1.9).

C. Le 29 novembre 2021, l'AFC a adressé une requête de levée de scellés à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (ci-après: la Cour de céans), portant sur les pièces répertoriées YAC 001 à 004 (act. 1).

D. En date du 30 novembre 2021, la Cour de céans a invité l'opposant à déposer des observations (act. 2).

E. Dans sa réponse du 20 janvier 2022, l'opposant conclut, en substance, principalement, à l'octroi d'un accès complet à l'ensemble de la documentation physique et informatique placée sous scellés par l'AFC à la suite de la perquisition du 23 septembre 2021, à ce qu'un nouveau délai pour déposer ses observations complémentaires sur le fond lui soit imparti et à la destruction des photographies sous cotes YAC 005; subsidiairement, au rejet de la demande de levée de scellés et à la restitution des pièces (act. 6.1). La société B. SA demande à participer à la procédure de levée de scellés (act. 6).

F. Invitée à ce faire, l'AFC a répliqué en date du 7 février 2022 (act. 10); la duplique spontanée du 18 février 2022 a été transmise à l'AFC le 21 février 2022 (act. 13 et 14).

G. A la requête de la Cour de céans du 3 mars 2022, l'AFC a transmis les pièces sous scellés, en dates des 15 et 24 mars 2022 (act. 15, 18 et 21).

H. L'opposant a fait parvenir des observations spontanées en date du 17 mars 2022, l'AFC en date du 25 mars 2022 (act. 19 et 22). Copies ont été transmises aux parties respectives les 21 et 29 mars 2022 (act. 20 et 23).

I. Par décision du 6 avril 2022, B. SA (ci-après: l'opposante) a été admise à participer à la procédure en qualité d'opposante (BP.2022.34; act. 26).

J. Par ordonnance du 6 avril 2022, le juge rapporteur a rejeté la demande de consultation des documents papier répertoriés sous cotes YAC 001, YAC 002 et YAC 003 et n'est pas entré en matière sur celle des supports de données sous cote YAC 004. Il a prolongé une ultime fois le délai pour répondre au 25 avril 2022 (BP.2022.18; act. 25).

K. Par décision du 6 avril 2022, la Cour de céans a levé les scellés sur la pièce enregistrée sous cote YAC 005 et l'a restituée à l'AFC, déclarant sans objet les demandes des opposants y relatives (BB.2021.15a).

L. Le 6 avril 2022, la Cour de céans a également informé les opposants qu'il serait procédé au tri des documents contenus dans la pièce répertoriée sous cote YAC 001 (act. 24).

M. Les déterminations spontanées des opposants du 8 avril 2022 ont été transmises à l'AFC le 11 avril 2022 (act. 28 et 29).

N. Le 25 avril 2022, les opposants ont complété leur réponse (act. 32). Ce document a été transmis à l'AFC, pour information, en date du 27 avril 2022 (act. 33).

O. Le 11 août 2022, la Cour de céans a informé les opposants avoir procédé au tri des documents contenus dans la pièce répertoriée sous cote YAC 001 et n'en avoir identifié aucun couvert par un secret. Elle leur a transmis une copie desdits documents et les a invités à se déterminer (act. 47), ce qu'ils ont fait en date du 8 septembre 2022 (act. 55). Ces déterminations ont été transmises, pour information, à l'AFC le 14 septembre 2022 (act. 56).

Les arguments et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris, si nécessaire, dans les considérants en droit.

La Cour considère en droit:

1.

1.1 Lorsque la poursuite d'infractions est confiée à une autorité administrative fédérale, le droit pénal administratif est applicable (art. 1 DPA). Dans la mesure où la DPA ne règle pas exhaustivement certaines questions, les dispositions du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP; RS 312.0) sont, en principe, applicables par analogie (ATF 139 IV 246 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_71/2019 du 3 juillet 2019 consid. 2.1 et références citées [non publié in ATF 145 IV 273]; décision du Tribunal pénal fédéral BV.2019.46-47+BE.2019.16 du 14 novembre 2019 consid. 2.2 et références citées). Les principes généraux de la procédure pénale et du droit constitutionnel doivent en tout état de cause être également pris en compte dans la procédure pénale administrative (ATF 139 IV 246 consid. 1.2 et 3.2; v. TPF 2016 55 consid. 2.3).

1.2 À teneur des art. 25 al. 1, 50 al. 3 DPA et de l'art. 37 al. 2 let. b de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010 (LOAP; RS 173.71), la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral est compétente pour statuer sur la présente requête de levée des scellés. L'AFC est, par ailleurs, indiscutablement légitimée à soumettre une telle requête à la Cour de céans.

1.3 Sont parties à la procédure de levée des scellés l'autorité requérante et le détenteur des documents et/ou objets placés sous scellés (art. 50 al. 3 DPA; arrêts du Tribunal fédéral 1B_487/2018 du 6 février 2019 consid. 2.3; 1B_106/2017 du 8 juin 2017 consid. 2.1; 1B_331/2016 du 23 novembre 2016 consid. 1.3), soit, en matière de droit pénal administratif, celui ayant la maîtrise effective des pièces en cause (v. arrêt du Tribunal fédéral 1B_91/2019 du 11 juin 2019 consid. 2.2).

1.4 Détenteur des pièces mises sous scellés suite à la perquisition de sa résidence suisse (v. supra Faits, let. B), l'opposant est légitimé à s'opposer à la requête de l'AFC tendant à la levée des scellés. Il en va de même de l'opposante, admise comme telle par la décision de la Cour de céans du 6 avril 2022, en tant que directement concernée par lesdites pièces (v. supra Faits, let. I).

1.5 Compte tenu de ce qui précède, il convient d'entrer en matière.

2.

2.1 Conformément à la LIFD, en cas d'enquête de l'AFC pour soupçon fondé de graves infractions fiscales, d'assistance ou d'incitation à de tels actes (art. 190 al. 1 LIFD), la procédure dirigée contre les auteurs, complices et instigateurs est réglée d'après les dispositions des art. 19 à 50 DPA (art. 191 al. 1, 1re phrase LIFD). L'art. 190 al. 2 LIFD précise que par grave infraction fiscale on entend, en particulier, la soustraction continue de montants importants d'impôt (art. 175 et 176 LIFD). Au nombre des mesures prévues par le droit pénal administratif figure, notamment, la perquisition visant des papiers (art. 50 DPA).

2.1.1 La perquisition de documents n'est admissible qu'en présence d'indices suffisants de l'existence d'une infraction (ATF 106 IV 413 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 1B_671/2012 du 8 mai 2013 consid. 3.7.1). La nécessité de la perquisition doit ainsi être justifiée par des soupçons précis et objectivement fondés et non pas reposer sur une suspicion générale ou une prévention purement subjective. Conformément à l'art. 45 DPA, les mesures, en tant qu'elles portent atteinte à la sphère privée, doivent respecter le principe de la proportionnalité et être appliquées avec une retenue particulière lorsqu'elles portent atteinte aux droits fondamentaux de personnes qui n'ont pas le statut de prévenu (arrêts du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.2.3; 1B_71/2019 précité consid. 2.3 et références citées; 1B_671/2012 précité consid. 3.8.1). L'objet de la perquisition doit être circonscrit de façon précise afin que l'on puisse contrôler sa connexité avec le soupçon précis et objectivement fondé qui pèse sur l'accusé et vérifier le respect du principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 1B_671/2012 précité consid. 3.8.1; 8G.116/2003 du 26 janvier 2004 consid. 5).

2.1.2 La saisie de documents suppose que ceux-ci soient importants pour l'instruction de la cause (art. 50 al. 1 DPA). Cette règle ne doit pas être interprétée de manière restrictive et, comme la formulation allemande le suggère de manière plus nuancée (« [...] Papiere [...] die für die Untersuchung von Bedeutung sind »), elle signifie simplement que des documents ne peuvent être saisis que s'ils sont pertinents pour l'enquête (décision du Tribunal pénal fédéral BE.2017.13 du 9 août 2017 consid. 2.3 et référence citée).

2.1.3

2.1.3.1 Dans le cadre d'une demande de levée des scellés selon l'art. 50 al. 3 DPA, la Cour des plaintes n'a pas à se prononcer sur la réalisation des infractions reprochées au prévenu. Elle se limite à déterminer si la perquisition concernant les documents mis sous scellés est admissible, soit si l'administration est légitimée ou non à y avoir accès (ATF 106 IV 413 consid. 3; v. arrêts du Tribunal fédéral 1B_167/2015 du 30 juin 2015 consid. 2.1; 1B_671/2012 précité consid. 3.7.1 et références citées). Pour ce faire, l'autorité de levée des scellés examine si les secrets – ou les autres empêchements légaux – invoqués par le détenteur pour obtenir la mesure de protection justifient de soustraire les documents et/ou objets de la procédure (art. 50 al. 2 et 3 DPA, ATF 144 IV 74 consid. 2.2 p. 77; 141 IV 77 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 1B_487/2018 précité consid. 2.2; 1B_433/2017 du 21 mars 2018 consid. 3.3; 1B_210/2017 du 23 octobre 2017 consid. 3.4).

2.1.3.2 Appelée à se prononcer sur une demande de levée des scellés, l'autorité de céans se doit d'examiner, d'une part, si des soupçons suffisants quant à la commission d'une infraction existent et, d'autre part, si les documents présentent « apparemment » une pertinence pour l'instruction en cours. Ces questions ne peuvent pas être résolues dans le détail, puisque le contenu même des documents mis sous scellés n'est pas encore connu. L'autorité doit s'en tenir, à ce stade, au principe de l'« utilité potentielle » des pièces saisies (arrêts du Tribunal fédéral 1B_539/2019 précité consid. 3.2.3 et références citées; 1B_180/2019 du 11 septembre 2019 consid. 2.1). À cet égard, tant l'autorité requérante que le détenteur des pièces mises sous scellés doivent fournir des explications circonstanciées sur l'éventuelle pertinence, respectivement le défaut de pertinence de dites pièces (ATF 143 IV 462 consid. 2.1). Lorsque le détenteur des pièces considère que celles-ci – ou certaines d'entre elles – ne sont pas pertinentes pour l'enquête, il doit justifier dans quelle mesure les documents ou objets en question sont manifestement inadaptés à l'enquête en cours (arrêt du Tribunal fédéral 1B_453/2018 du 6 février 2019 consid. 5.1 et références citées). Il doit ainsi, conformément à son obligation de collaborer, décrire, respectivement rendre vraisemblable, que les documents ne sont pas pertinents pour l'enquête. Si ledit détenteur ne satisfait pas à ces exigences, le juge de la levée des scellés n'est pas tenu à rechercher d'office d'éventuels obstacles matériels à la perquisition (arrêts du Tribunal fédéral 1B_243/2020 du 26 février 2021 consid. 3.2; 1B_433/2017 précité consid. 4.14).

2.1.3.3 Il est toutefois inévitable que la perquisition visant des papiers porte également sur des documents qui ne présentent aucun intérêt pour l'enquête (ATF 130 II 193 consid. 5.1 in fine; 108 IV 75 consid. 5; arrêts du Tribunal fédéral 1B_354/2009 et 1B_366/2009 du 2 mars 2010 consid. 3.2; 8G.116/2003 précité consid. 5). Dans la mesure où la perquisition se rapporte à des faits non encore établis, respectivement à des prétentions encore incertaines, on ne saurait exiger la démonstration d'un rapport de connexité concret entre l'infraction ciblée et l'objet de la perquisition (v. ATF 130 II 193 consid. 4.3, p. 197). Il est au contraire logique et naturel que, si le séquestre est fondé sur la vraisemblance (v. art. 263 al. 1 CPP), il doit en être à plus forte raison de même dans le cas d'une requête de levée des scellés (arrêts du Tribunal fédéral 1B_167/2015 précité consid. 2.1; 1B_206/2014 du 21 août 2014 consid. 4.1). Ce, d'autant plus que, dans les premiers temps de l'enquête, des soupçons même encore peu précis peuvent être considérés comme étant suffisants (décision du Tribunal pénal fédéral BE.2011.5 du 22 mai 2012 consid. 3.2).

2.1.4 En l'espèce, l'AFC reproche à l'opposante des tentatives de soustraction d'impôt sur le bénéfice (art. 176 LIFD) pour les périodes fiscales 2011 à 2019, portant sur des montants importants, pour avoir inscrit, dans ses comptes, des charges non justifiées par l'usage commercial, correspondant à des redevances de licence de commercialisation du logiciel D. rétrocédées successivement par la société à des société proches, sises à l'étranger, alors qu'elle serait en réalité propriétaire légale du logiciel en question. À l'opposant et C., tous deux administrateurs de l'opposante avec signature individuelle entre 2011 et 2019, l'AFC reproche, pour ces mêmes périodes fiscales, des délits d'usage de faux (art. 186 LIFD), pour avoir déposé ou fait déposer des comptes faux ou inexacts (bilans et comptes de résultat) à l'appui des déclarations fiscales de l'opposante dans le dessein de tromper l'autorité fiscale, ainsi qu'en qualité d'organe, d'avoir participé aux infractions commises par l'opposante (art. 177 LIFD en relation avec l'art. 176 LIFD). Les importantes redevances de licence non justifiées commercialement ainsi versées à la société E. SA, sise au Luxembourg, ont ensuite été, pour une part importante, reversées à la société F. BV, sise en Hollande, qui en a à son tour reversé la quasi-totalité à la société G. Ltd, sise aux Îles Vierges britanniques, où la fiscalité est nulle. Le mécanisme mis en place viserait à déplacer une part importante de bénéfices de l'opposante, dans un pays à fiscalité nulle et à en occulter les bénéficiaires finaux. La licence en question a été concédée, pour la Suisse, à l'opposante par E. SA, par contrat signé le 3 juillet 1989 par l'opposant pour cette dernière, dont il était administrateur délégué. Entre 2011 et 2019, l'opposante a versé à E. SA quelques CHF 133 millions de redevances pour cette licence. E. SA avait elle-même obtenu la licence, pour tous les Etats membres de la CEE et la Suisse, de F. BV, le 28 juin 1989, laquelle se l'était vue concéder par G. Ltd. G. Ltd l'avait obtenue de la société H. Ltd, sise aux Îles Vierges britanniques, pour GBP 1.--, le 8 novembre 1999, selon un contrat signé par deux collaborateurs d'une fiduciaire genevoise, mandatée par l'opposante. En outre, alors que le contrat signé par l'opposante avec E. SA délimite son droit de vendre des sous-licences du logiciel en Suisse et au Liechtenstein, une partie importante de son chiffre d'affaires en la matière proviendrait de nombreux pays étrangers. Des indices, parmi lesquels le nombre d'employés spécialisés et le niveau de leurs salaires, en comparaison avec ceux des employés de la société au Luxembourg, ainsi que la facturation à E. SA, tendent également à démontrer que l'opposante exercerait des fonctions de développement du logiciel et de maintien de sa valeur, faisant d'elle le propriétaire légal du logiciel. L'opposante ne recevrait aucune répercussion adéquate des coûts y liés de la part des sociétés étrangères qui exploitent également ce logiciel, lesquelles en versent à E. SA (act. 1). L'existence de soupçons suffisants de commission d'infractions fiscales est ainsi établie. Les opposants ne le contestent d'ailleurs pas (act. 6.1, p. 2).

2.1.5 La condition de l'utilité potentielle des données informatiques apparaît également réalisée en l'espèce. Il ressort, ainsi, du procès-verbal d'objets sous scellés du 23 septembre 2021 que les pièces référencées sous cotes YAC 001, YAC 002 et YAC 003 concernées par la demande de levée de scellés peuvent présenter, à ce stade, un intérêt manifeste pour l'enquête menée par l'AFC, en tant qu'il s'agit essentiellement de données de l'opposante, prévenue dans la procédure, durant la période sous enquête. La fourre répertoriée sous cote YAC 001 contient « une demande de I. contre B. SA (CH) 2016 concernant une procédure devant les Prud'Hommes » (act. 1.8, p. 2). I. a été directeur de l'opposante, jusqu'en 2016, soit durant la période visée par l'enquête de l'AFC (act. 55; fosc.ch, n. de publication 2867221). Le classeur référencé sous cote YAC 002 contient « divers documents au sujet de B. SA: informations sur la structure, la propriété intellectuelle et les royalties »; quant à la fourre en carton référencée sous cote YAC 003, elle contient « des documents sur l'organigramme de B. SA, compte n. 1 et sur J. Ltd » (act. 1.8, p. 2). Cette dernière société est une société-fille de K. SA, qui détient l'opposante (act. 1, p. 9, 18 et 19). Ces pièces sont, en particulier, de nature à permettre d'établir l'activité de l'opposante, s'agissant, notamment, de l'exercice de fonctions de développement du logiciel concerné et de maintien de sa valeur, ainsi que le pouvoir décisionnel et de contrôle de l'opposante, en matière d'exploitation et d'utilisation du logiciel. Le but d'une telle analyse fonctionnelle est de déterminer si l'opposante est propriétaire réelle du logiciel et si les redevances de licence de commercialisation du logiciel rétrocédées, correspondant à 25% de son chiffre d'affaires, sont justifiées. Partant, la pertinence des données, s'agissant tant de la période (2011-2019) que des personnes concernées, vu l'objet de la procédure, est ainsi établie. Les opposants, qui précisent eux-mêmes que les documents en question sont ceux de la société B. SA, ne font valoir aucun motif de nature à contredire cette appréciation (act. 6.1, p. 3). Ainsi que cela a été vu précédemment, il est inévitable que la perquisition visant des papiers porte également sur des documents et/ou données qui ne présentent aucun intérêt pour l'enquête. S'il s'avère, après analyse de la documentation que tel est le cas, ces pièces devront être restituées aux opposants par l'AFC.

3. Les opposants estiment que c'est à juste titre que les scellés ont été apposés sur les pièces répertoriées sous cotes YAC 001, YAC 002 et YAC 003, en tant qu'ils seraient susceptibles, comme l'indiquerait le libellé de l'inventaire des pièces, de contenir des documents d'avocats protégés par un secret professionnel (act. 6.1, p. 10-11). S'agissant de la première pièce (YAC 001), les opposants font valoir qu'elle contient des actes de procédure devant le Tribunal des Prud'hommes dans le cadre d'un litige entre la société B. SA et un ancien employé. De leur point de vue, la rédaction d'écritures juridiques entrerait pleinement dans le champ de l'activité typique d'avocat. Les écritures juridiques et les pièces déposées dans une procédure judiciaire s'inscriraient, par définition, dans le cadre d'un mandat professionnel de représentation et seraient ainsi couvertes par le secret professionnel de l'avocat. Ce serait en particulier le cas des mémoires en justice (act. 6.1, p. 18). S'agissant des documents contenus dans le classeur sous cote YAC 002, la seule mention de la présence de documents sur la propriété intellectuelle rendrait suffisamment vraisemblable que des échanges avec des avocats s'y trouvent également. En effet, la question de la marque et du nom du logiciel D. aurait fait l'objet de nombreux échanges avec des avocats, tant suisses que luxembourgeois, ainsi que cela aurait été vu dans la cause parallèle BE.2021.16 (act. 32, p. 3). Une fois en possession de copies des documents contenus dans la pièce répertoriée sous cote YAC 001, les opposants ont ajouté que cette pièce contenait, comme son libellé l'indique, un dossier reçu par la société B. SA du Tribunal des Prud'hommes de Genève, dans la perspective d'une audience de conciliation, lequel contenait la demande en justice de I., représenté par son défenseur, et les pièces y relatives. Parmi ces pièces figureraient des documents confidentiels subtilisés par le précité à l'opposante, qui avaient été transmis à un concurrent. I. aurait été reconnu coupable de violation du secret commercial à raison de ces faits. Plusieurs de ces documents en seraient la preuve. La pièce en question (YAC 001) contiendrait ainsi des secrets dignes de protection qui auraient été violés sans le consentement de B. SA (act. 55).

3.1

3.1.1 À teneur de l'art. 50 DPA, la perquisition visant des papiers doit être opérée avec les plus grands égards pour les secrets privés; en particulier, les papiers ne seront examinés que s'ils contiennent apparemment des écrits importants pour l'enquête (al. 1). La perquisition doit être opérée de manière à sauvegarder le secret de fonction, ainsi que les secrets confiés aux ecclésiastiques, avocats, notaires, médecins, pharmaciens, sages-femmes et à leurs auxiliaires, en vertu de leur ministère ou de leur profession (al. 2). Avant la perquisition, le détenteur des papiers est, chaque fois que cela est possible, mis en mesure d'en indiquer le contenu (al. 3, 1re phrase); s'il s'oppose à la perquisition, les papiers sont mis sous scellés et déposés en lieu sûr (al. 3, 2e phrase); la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral statue sur l'admissibilité de la perquisition (al. 3, 3e phrase).

3.1.2 À la suite d'une demande de levée des scellés, l'autorité en la matière examine si les secrets – ou les autres empêchements légaux – invoqués par le détenteur pour obtenir la mesure de protection justifient de soustraire les documents et/ou objets de la procédure (art. 50 al. 2 et 3 DPA, v. art. 248 al. 1 et 3 CPP; ATF 144 IV 74 consid. 2.2 p. 77; 141 IV 77 précité consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 1B_487/2018 précité consid. 2.2; 1B_433/2017 du 21 mars 2018 consid. 3.3; 1B_210/2017 du 23 octobre 2017 consid. 3.4). Lorsque l'autorité de levée des scellés est en présence d'un secret professionnel avéré, au sens de l'art. 50 al. 2 DPA, elle procède elle-même à un premier tri des documents afin d'écarter ceux qui sont sans utilité pour l'enquête; elle élimine ensuite les pièces couvertes par le secret professionnel et prend les autres mesures nécessaires visant à préserver, sur les documents remis aux enquêteurs, la confidentialité des tiers. Il incombe à celui ayant requis la mise sous scellés de démontrer, de manière suffisante, l'existence du secret professionnel dont il se prévaut, les exigences en matière de motivation et de collaboration à cet égard n'étant pas moindres ou différentes de celles qui prévalent, notamment, lorsque le défaut de pertinence est invoqué (ATF 145 IV 273 consid. 3.2 et références citées; v. supra consid. 2.1.3.2 et 2.1.3.3).

3.1.3 D'une manière générale, le secret de l'avocat ne couvre que son activité professionnelle typique et ne s'étend pas à une activité commerciale sortant de ce cadre (ATF 143 IV 462 consid. 2.2 et référence citée; 126 II 495 consid. 5e/aa; 120 Ib 112 consid. 4; 117 Ia 341 consid. 6a/cc). La protection du secret trouve sa raison d'être dans le rapport de confiance particulier liant l'avocat et son client, qui doit pouvoir se fier entièrement à la discrétion de son mandataire (ATF 147 IV 385 consid. 2.2 p. 388; 143 IV 462 consid. 2.2 p. 467; arrêt 1B_264/2018 du 28 septembre 2018 consid. 2.1 et les nombreux arrêts cités). Sont ainsi protégés les faits et documents qui présentent un rapport certain avec l'exercice de la profession d'avocat, rapport qui peut être fort ténu (ATF 143 IV 462 consid. 2.2; v. art. 321 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP; RS 311.0]). L'activité professionnelle spécifique de l'avocat – et dès lors celle protégée par le secret professionnel au sens de la DPA – consiste donc, entre autres, à fournir des conseils juridiques, à rédiger des projets d'actes juridiques, à défendre les intérêts de ses clients et à intervenir auprès des autorités administratives ou judiciaires afin de les assister ou les représenter (ATF 147 IV 385 consid. 2.2 p. 388; 143 IV 462 consid. 2.2 p. 467; 135 III 410 consid. 3.3 p. 414 et références citées). Sont, en outre, protégés les objets et les documents établis par l'avocat lui-même, son client ou un tiers dans le cadre d'un mandat professionnel de représentation. Cette protection s'étend également à l'existence même du mandat, aux notes d'honoraires, ainsi que, le cas échéant, aux confidences effectuées en raison de compétences professionnelles du mandataire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_264/2018 du 28 septembre 2018 consid. 2.1). Parmi ces documents, la correspondance classique (lettres et courriers électroniques), les notes prises par l'avocat, les expertises juridiques faites avant une procédure, les procès-verbaux d'entretien, les documents stratégiques ou encore les projets de contrat ou d'arrangement (Message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur l'adaptation de dispositions de procédure relatives au secret professionnel des avocats du 26 octobre 2011, FF 2011 7509, 7512; arrêt du Tribunal fédéral 1B_158/2019 du 25 juillet 2019 consid. 2.3; décisions du Tribunal pénal fédéral BV.2018.29 du 26 février 2019 consid. 2.2; BV.2016.21 du 12 décembre 2016 consid. 3.1 et références citées). S'agissant du secret professionnel de l'avocat, les exigences en matière de motivation et de collaboration ne sont pas différentes ou moindres que lorsque celui qui requiert le maintien des scellés se prévaut d'un autre motif. Celui qui l'invoque doit donc démontrer que le mandataire en cause a été consulté dans le cadre d'une activité professionnelle typique (arrêt du Tribunal fédéral 1B_539/2019 précité consid. 3.2.3 et référence citée).

3.2 En l'espèce, les documents contenus dans la pièce YAC 001 consistent en un mémoire d'avocat – de I. – et ses annexes, produits devant le Tribunal des Prud'hommes et remis par ce dernier à l'opposante. Dès l'instant où de tels actes d'un avocat, qui relèvent de son activité typique, sont produits devant une autorité judiciaire, ils sortent de la sphère de protection existant entre l'avocat et son client, de sorte qu'ils ne sauraient en principe plus être couverts par le secret de l'avocat. Dans leurs déterminations du 8 septembre 2022, après consultation des pièces, les opposants n'allèguent d'ailleurs plus l'existence d'un secret d'avocat.

3.3 Ils allèguent, en revanche, que cette même pièce (YAC 001) contiendrait des secrets dignes de protection de B. SA, en l'occurrence des secrets commerciaux ou d'affaires. De tels secrets ne bénéficient pas de la même protection que ceux de l'art. 50 al. 2 DPA (v. arrêt du Tribunal fédéral 1B_279/2021 du 4 février 2022 consid. 3.2.2). Les opposants ne rendent toutefois vraisemblable ni la présence de tels secrets, ni que l'intérêt au maintien de ceux-ci l'emporterait sur celui à la manifestation de la vérité. Les scellés ne sauraient ainsi être maintenus sur les pièces en question.

3.4 Les opposants ne sauraient non plus être suivis dans leur argumentation relative aux documents contenus dans la pièce répertoriée sous cote YAC 002, dont le libellé exact au procès-verbal est « divers documents au sujet de B. SA: informations sur la structure, la propriété intellectuelle et les royalties ». La seule mention des termes de propriété intellectuelle ou, plus précisément, informations sur la propriété intellectuelle dans le procès-verbal relatif à la perquisition du 23 septembre 2021 ne suffit pas à rendre vraisemblable l'existence de documents couverts par le secret d'avocat, quand bien même l'activité que peut déployer un avocat dans ce domaine entre dans le cadre de son activité spécifique et/ou que le dépôt de la marque et du nom du logiciel D. ait donné lieu à de nombreux échanges avec des avocats. En l'espèce, rien n'indique, et les opposants ne rendent pas vraisemblable, que les informations en question contenues dans la pièce YAC 002 concerneraient l'enregistrement dudit logiciel ou qu'il en aille de documents d'avocats. Quant à la référence à la procédure BE.2021.16, le tri de la pièce à laquelle les opposants se réfèrent a été décidé en premier lieu du fait que l'inventaire faisait état de la présence de documents d'avocats, non en raison du domaine concerné ou de l'enregistrement du logiciel D. (v. ordonnance du Tribunal pénal fédéral BP.2022.19 du 6 avril 2022).

3.5 Quant à la pièce répertoriée sous cote YAC 003, les opposants ne développent aucun argument relatif à l'éventuelle présence d'un secret protégé, en l'occurrence d'avocat, comme l'exige leur devoir de collaboration (v. supra consid. 3.1.2 et 3.1.3 in fine). Cela scelle le sort du grief.

 

4. Partant, la demande de levée de scellés portant sur les pièces répertoriées sous cotes YAC 001, YAC 002 et YAC 003 est admise. A l'entrée en force de la présente décision, lesdites pièces seront transmises à l'AFC. 

5. La demande de levée de scellés portant sur les pièces répertoriées sous cote YAC 004 fera l'objet d'une décision distincte.

6. Les frais de la cause sont joints au fond.

Par ces motifs, la Cour des plaintes prononce:

1. La demande de levée de scellés portant sur les pièces répertoriées sous cotes YAC 001, YAC 002 et YAC 003 est admise.

2. La Cour transmettra ces pièces à l'Administration fédérale des contributions dès l'entrée en force de la présente décision.

3. La demande de levée de scellés portant sur les pièces répertoriées sous cote YAC 004 fera l'objet d'une décision distincte.

4. Les frais de la cause sont joints au fond.

Bellinzone, le 12 janvier 2023

Au nom de la Cour des plaintes

du Tribunal pénal fédéral

Le président:                                                              La greffière:

Distribution

- Administration fédérale des contributions

- Mes Alexandre Faltin et Xavier Oberson, avocats

Indication des voies de recours

Dans les 30 jours qui suivent leur notification, les arrêts de la Cour des plaintes relatifs aux mesures de contrainte sont sujets à recours devant le Tribunal fédéral (art. 79 et 100 al. 1 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral; LTF). Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF). En cas de transmission électronique, le moment déterminant pour l'observation d'un délai est celui où est établi l'accusé de réception qui confirme que la partie a accompli toutes les étapes nécessaires à la transmission (art. 48 al. 2 LTF).

La procédure est réglée par les art. 90 ss LTF.

Le recours ne suspend l'exécution de l'arrêt attaqué que si le juge instructeur l'ordonne (art. 103 LTF).

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