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Entscheid des Bundesstrafgerichts: SK.2022.5 vom 03.01.2023

Hier finden Sie das Urteil SK.2022.5 vom 03.01.2023 - Beschwerdekammer: Strafverfahren

Sachverhalt des Entscheids SK.2022.5


Urteilsdetails des Bundesstrafgerichts

Instanz:

Bundesstrafgericht

Abteilung:

Beschwerdekammer: Strafverfahren

Fallnummer:

SK.2022.5

Datum:

03.01.2023

Leitsatz/Stichwort:

Schlagwörter

Apos;; Apos;a; écision; être; édé; écusation; Apos;en; édéral; énal; été; édure; Apos;art; ès-verbal; Apos;enquête; Apos;un; éter; Apos;il; Tribunal; évention; ément; Apos;être; Apos;une; Service; Apos;est; Apos;instruction; êteur; égal; Apos;autorité; énale; éterminer

Rechtskraft:

Kein Rechtsmittel gegeben

Kommentar:

Spühler, Basler Kommentar zur ZPO, Art. 321 ZPO ; Art. 311 ZPO, 2017

Entscheid des Bundesstrafgerichts

BV.2022.32

Tribunal pénal fédéral

Tribunale penale federale

Tribunal penal federal

Numéro de dossier: BV.2022.32

Décision du 3 janvier 2023

Cour des plaintes

Composition

Les juges pénaux fédéraux

Patrick Robert-Nicoud, vice-président,

Daniel Kipfer Fasciati

et Felix Ulrich,

la greffière Joëlle Fontana

Parties

A., représenté par Mes Andrew Garbarski et Adam Zaki, avocats,

plaignant

 

contre

B., Enquêteur, Département fédéral des finances, Service juridique,

Département fédéral des finances, Service juridique,

parties adverses

 

Objet

Récusation (art. 29 al. 1 et 2 DPA)

Faits:

A. Suite à une dénonciation pénale de l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers concernant la banque C., le Département fédéral des finances (ci-après: DFF) mène, depuis le 4 février 2021, une procédure de droit pénal administratif, pour soupçon de violation de l'obligation de communiquer (art. 37 de la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme du 10 octobre 1997; LBA; RS 955.0) contre inconnu, étendue le 7 mars 2022 à A. (dossier DFF n. 442.3-134, p. 010 0001 ss; 040 0001 et 0005).

B. Par lettre du 8 mars 2022, signée par le fonctionnaire enquêteur B., A. a été cité à comparaître en qualité de prévenu les 22 et 23 mars 2022 (act. 1.2; dossier DFF n. 442.3-134, p. 020 0001 et s.).

C. Le 15 mars 2022, B. a rejeté la demande de consultation du dossier avant son audition et de report de celle-ci formée par A. (act. 1.3 et 1.4; dossier DFF n. 442.3-134, p. 020 0004 et s.). Par plainte du 18 mars 2022 au chef du Service juridique du DFF, le précité a requis l'accès immédiat à l'intégralité du dossier de la procédure (act. 1.5; dossier DFF n. 442.3-134, p. 073 0001ss).

D. A. a été entendu le 22 mars 2022 par B. (act. 1.6; dossier DFF n. 442.3-134, p. 060 0001ss). Le dossier complet de la cause lui a été remis le 23 mars 2022 (act. 1.9; dossier DFF n. 442.3-134, p. 020 0012 et s.).

E. Le 25 mars 2022, A. a adressé une plainte au chef du Service juridique du DFF, contre l'injonction de garder le silence faite au terme de son audition. Le 31 mars 2022, l'injonction a été levée et la plainte déclarée caduque (act. 1. 7 et 1.8; dossier DFF n. 442.3-134, p. 074 0001ss).

F. Le 19 avril 2022, la plainte du 18 mars 2022 a été déclarée sans objet et rayée du rôle (act. 1.12; dossier DFF n. 442.3-134, p. 073 0032ss).

G. Le 23 juin 2022, le DFF a dressé un procès-verbal final, signé par B., à l'encontre de A., concluant à sa culpabilité du chef de l'art. 37 LBA. Ce procès-verbal final lui a été notifié par ordonnance du même jour, laquelle, constatant que l'enquête était complète et les éléments constitutifs de l'infraction considérés comme réalisés, invitait A. à se déterminer sur ledit procès-verbal final et requérir un complément d'enquête (act. 1.13 et 1.14; dossier DFF n. 442.3-134, p. 080 0001ss).

H. Le 1er juillet 2022, A. a demandé la récusation de B. et la nomination d'un autre fonctionnaire enquêteur, faisant valoir différents griefs à l'appui (act. 1.18; dossier DFF n. 442.3-134, p. 075 0001ss).

I. La prise de position de B. du 8 juillet 2022, par laquelle il déclare ne pas être tenu de se récuser, a été transmise à A. le 13 juillet 2022. A. s'est déterminé en date du 16 août 2022 (act. 1.19 et 1.26; dossier DFF n. 442.3-134, p. 075 0123-0129 et 0145-0149).

J. Le 15 août 2022, A., a fait valoir la prescription de l'action pénale, requis l'examen de cette question à titre préjudiciel et la suspension du délai pour se déterminer sur le procès-verbal final dans l'intervalle. L'informant que la question de la prescription serait traitée dans le cadre de la décision à rendre selon l'art. 62 al. 1 DPA, le DFF, par B., a octroyé un délai de grâce à A. pour faire parvenir ses déterminations sur le procès-verbal final (act. 1.25 et 1.27; dossier DFF n. 442.3-134, p. 080 0070-0075).

K. En date du 22 août 2022, A. a persisté dans sa requête du 15 août 2022 et estimé que le refus d'examen préjudiciel de la prescription et, en particulier, d'ordonner des actes d'instruction à cette fin, constituait une nouvelle apparence de prévention à l'encontre de B. (act. 1.30; dossier DFF n. 442.3-134, p. 080 0079-0084).

L. B. a pris position en date du 24 août 2022, concluant à l'inexistence d'un motif de récusation (dossier DFF n. 442.3-134, p. 075 0156).

M. Par décision du 25 août 2022, notifiée le lendemain, le chef du Service juridique du DFF a rejeté la demande de récusation de A. (act. 1.1; dossier DFF n. 442.3-134, p. 075 0157 ss).

N. Le 29 août 2022, A. (ci-après: le plaignant), a adressé une plainte à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral à l'encontre de la décision précitée, concluant à son annulation et, principalement, au renvoi au DFF pour nouvelle décision respectant le droit d'être entendu, subsidiairement, à la récusation de B., et, plus subsidiairement, au renvoi au DFF pour nouvelle décision au sens des considérants, le tout sous suite de frais et dépens (act. 1).

O. Invités à ce faire, B. et le DFF ont répondu en date des 22 et 23 septembre 2022, concluant au rejet de la plainte, sous suite de frais (act. 6 et 7).

P. Dans sa réplique du 17 octobre 2022, le plaignant persiste dans les conclusions de sa plainte (act. 10).

Q. La duplique de B. et du DFF du 28 octobre 2022, dans laquelle ils maintiennent leurs précédentes conclusions a été transmise, pour information, au plaignant, en date du 2 novembre 2022 (act. 12 et 13).

Les arguments et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris, si nécessaire, dans les considérants en droit.

La Cour considère en droit:

1.

1.1 En matière de récusation selon la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA; RS 313.0), la plainte à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral est ouverte contre la décision rendue par le supérieur hiérarchique du fonctionnaire qui conteste la demande de récusation (art. 29 al. 2 DPA en lien avec les art. 25 al. 1 et 27 DPA, l'art. 37 al. 2 let. b de la loi fédérale du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales [LOAP; RS 173.71] et l'art. 19 al. 1 du règlement du 31 août 2010 sur l'organisation du Tribunal pénal fédéral [ROTPF; RS 173.713.161]). En l'occurrence, la demande de récusation a été formée contre l'enquêteur en charge de la procédure à l'encontre du plaignant et la plainte déposée, à juste titre, contre le refus de récusation émanant du chef du Service juridique du DFF, également supérieur hiérarchique de B.

1.2 La plainte contre une décision au sens de l'art. 29 al. 2 DPA n'est possible que pour violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 29 al. 2, en relation avec l'art. 27 al. 3 DPA).

1.3 Les dispositions du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP; RS 312.0) sont applicables à titre subsidiaire ou par analogie dans la mesure où la DPA le prévoit expressément (v. art. 22, art. 30 al. 2 et 3, art. 31 al. 2, art. 41 al. 2, art. 43 al. 2, art. 58 al. 3, art. 60 al. 2, art. 80 al. 1, art. 82, art. 89 et art. 97 al. 1 DPA). Lorsque la DPA ne règle pas de manière exhaustive certaines questions, les dispositions du CPP sont, en principe, applicables par analogie (ATF 139 IV 246 consid. 1.2 p. 248, consid. 3.2 p. 249; arrêts du Tribunal fédéral 1B_433/2017 du 21 mars 2018 consid. 1.1; 1B_210/2017 du 23 octobre 2017 consid. 1.1; 1B_91/2016 du 4 août 2016 consid. 4.1). En matière de récusation, dans la mesure où l'administration concernée est compétente tant pour l'instruction (art. 20 al. 1 DPA) que pour le jugement (art. 21 al. 1 DPA), de sorte qu'elle revêt également, à rigueur de loi, des fonctions judiciaires (TPF 2009 84 consid. 2.3), il est possible de se référer aux art. 56 ss CPP pour interpréter l'art. 29 DPA (décision du Tribunal pénal fédéral BV.2014.36 du 21 octobre 2014 consid. 3.2).

1.4 A qualité pour déposer plainte quiconque est atteint par l'acte d'enquête qu'il attaque, l'omission qu'il dénonce ou la décision sur plainte et a un intérêt digne de protection à ce qu'il y ait une annulation ou modification (art. 28 al. 1 DPA). En l'espèce, le plaignant, atteint par les différents actes de l'enquêteur B. le concernant, est légitimé à se plaindre du refus de récusation (v. décisions du Tribunal pénal fédéral BV.2021.2-5 du 23 mars 2021 consid. 1.3; BV.2019.20 du 25 juillet 2019 consid. 1.3; BV.2018.4 du 25 juillet 2018 consid. 1.3; BV.2009.25-28 du 20 mai 2009 consid. 1.2).

1.5 Pour le surplus, la saisine de la Cour des plaintes intervient dans le respect des modalités et des délais prévus. La plainte est ainsi recevable.

2. Dans un grief qu'il convient de traiter en premier au vu de sa nature formelle, le plaignant invoque une violation de l'art. 29 al. 2 Cst. Le chef du Service juridique du DFF aurait violé le droit d'être entendu du plaignant en ne lui transmettant pas la prise de position de B. du 24 août 2022 et en ne lui offrant pas la possibilité de répliquer avant de refuser la récusation. Il n'aurait également pas traité les griefs du plaignant du 22 août 2022 (act. 1, p. 19 ss).

2.1

2.1.1 Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l'art. 29 Cst., le droit d'être entendu garantit au justiciable le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où il l'estime nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 et arrêts cités). Ce droit porte avant tout sur les questions de fait. Les parties doivent éventuellement aussi être entendues sur les questions de droit lorsque l'autorité concernée entend se fonder sur des normes légales dont la prise en compte ne pouvait pas être raisonnablement prévue par les parties (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et références citées; 129 II 497 consid. 2.2 et références citées).

2.1.2 Le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. implique également pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, la motivation d'une décision est suffisante lorsque l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité ne doit toutefois pas se prononcer sur tous les moyens des parties (ATF 138 IV 81 consid. 2.2; 137 II 266 consid. 3.2 p. 270; 136 I 229 consid. 5.2 p. 236). Elle peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige; il suffit que le justiciable puisse apprécier correctement la portée de la décision et l'attaquer à bon escient (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1; 139 IV 179 consid. 2.2; 134 I 83 consid. 4.1; 126 I 15 consid. 2a/aa; 124 V 180 consid. 1a et références citées). L'objet et la précision des indications à fournir dépendent de la nature de l'affaire et des circonstances particulières du cas (ATF 134 I 83 consid. 4.1; 126 I 97 consid. 2b). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter de la décision prise dans son ensemble (arrêts du Tribunal fédéral 6B_362/2019 du 21 mai 2019 consid. 2.1 et références citées; 1B_120/2014 du 20 juin 2014 consid. 2.1 et référence citée; 5A_878/2012 du 26 août 2013 consid. 3.1; 2C_23/2009 du 25 mai 2009 consid. 3.1).

2.2 Selon la jurisprudence, la violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Cependant, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée. Cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 145 I 167 consid. 4.4; 142 II 218 consid. 2.8.1. et les références citées).

2.3 En l'espèce, ainsi que l'admet le DFF dans sa réponse, la prise de position de B. du 24 août 2022, déposée, à l'invitation du chef du Service juridique du DFF, suite au nouveau motif de récusation invoqué par le plaignant le 22 août 2022, n'a pas été transmise au plaignant (act. 6, p. 2; dossier DFF n. 442.3-134, p. 075 0155-A et s.). Ce dernier n'a ainsi pas été en mesure de se déterminer à son égard, avant que n'intervienne le prononcé entrepris. La situation diffère en ce sens de celle ayant donné lieu à la décision BV.2018.4 du 25 juillet 2018; dans cette affaire, aucune prise de position n'avait été requise des fonctionnaires dont la récusation était demandée, avant le prononcé de l'autorité (consid. 2.3 de la décision en question).

2.4 Une violation du droit d'être entendu du plaignant doit ainsi être admise sur ce point, laquelle, en tant qu'il s'agit avant tout d'une question de droit, peut être réparée devant la Cour de céans, dans la mesure de sa cognition (v. supra consid. 1.2). Cela se justifie également pour des raisons d'économie de procédure (v. ATF 112 V 206 consid. 2), vu l'état du dossier. Le plaignant a eu l'occasion de se déterminer pleinement sur la prise de position du 24 août 2022 dans la présente procédure et pu s'exprimer sur les mêmes éléments que les autres parties à la procédure; en outre, il n'allègue  pas qu'il entendrait se prévaloir d'éléments de faits nouveaux. Dans ces conditions, le renvoi requis à l'autorité inférieure apparaît inopportun. Il sera tenu compte du fait que cet argument tiré de la violation du droit d'être entendu n'était pas infondé lors du calcul de l'émolument de justice.

2.5 Le grief de violation du droit d'être entendu doit, par contre, être écarté, s'agissant du fait que la décision attaquée ne contiendrait aucunes référence et motivation relatives aux arguments du plaignant du 22 août 2022. Dans la motivation de son prononcé du 25 août 2022, l'autorité s'est prononcée, brièvement, sur ce point, retenant partager les déterminations de B. du 24 août 2022 et renvoyant, en particulier, au chiffre 28 de son prononcé, qui résume la position du précité relative au nouveau motif de récusation (act. 1.1, ch. 41). Le plaignant l'a d'ailleurs lui-même admis (act. 1, n. 104 [v], p. 25).

3. Se prévalant des art. 6 par. 1 CEDH, 30 al. 1 Cst., 29 al. 1 let. c DPA et 56 let. f CPP, le plaignant estime que la motivation du prononcé entrepris est juridiquement erronée et contredite par les faits de la cause (act. 1, p. 23 ss).

3.1

3.1.1 La garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 6 par. 1 CEDH et 30 al. 1 Cst. permet d'exiger la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur son impartialité (ATF 126 I 68 consid. 3a). La jurisprudence reconnaît des garanties similaires pour les cas où une décision est prise, non pas par un tribunal, mais par une autorité administrative (ATF 125 I 119 consid. 3b et les arrêts cités). À cet égard, l'art. 29 al. 1 let. c DPA dispose que « [l]es fonctionnaires qui sont appelés à procéder à une enquête, à prendre une décision ou à la préparer, […] sont tenus de se récuser s'il existe des circonstances de nature à leur donner l'apparence de prévention dans l'affaire ».

3.1.2 L'art. 30 al. 1 Cst. n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du juge est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions purement individuelles d'une partie au procès ne sont pas décisives (ATF 143 IV 69 consid. 3.2; 141 IV 178 consid. 3.2.1; 138 IV 142 consid. 2.1). Des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que le juge est prévenu ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention (ATF 144 I 159 consid. 4.3; 143 IV 69 consid. 3.2; 138 IV 142 consid. 2.3). La procédure de récusation n'a pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises notamment par la direction de la procédure (ATF  143 IV 69 consid. 3.2; 138 IV 142 consid. 2.3).

3.1.3 Les art. 56 CPP et 29 DPA concrétisent ces garanties en énumérant divers motifs de récusation; les art. 56 let. f CPP et 29 let. c DPA ont la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes (ATF 143 IV 69 consid. 3.2; 141 IV 178 consid. 3.2.1; 138 IV 142 consid. 2.1).

3.1.4 Dans la phase de l'enquête préliminaire et de l'instruction, les principes applicables à la récusation sont ceux qui ont été dégagés à l'égard des juges d'instruction, avant l'introduction du CPP. Dans ce cadre, l'autorité d'instruction est tenue à une certaine impartialité même si elle peut être amenée, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête. Tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste tenu à un devoir de réserve. Il doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 138 IV 142 consid. 2.2.1).

3.1.5 Selon l'art. 37 DPA, le fonctionnaire enquêteur de l'administration constate les faits et veille à la conservation des preuves (al. 1). L'inculpé peut proposer en tout temps qu'il soit procédé à des actes d'enquête déterminés (al. 2). Si des actes d'enquêtes ne sont pas nécessaires, il est immédiatement dressé un procès-verbal final, selon l'art. 61 DPA (al. 3). À teneur de l'art. 61 al. 1 et 2 DPA, si le fonctionnaire enquêteur estime que l'enquête est complète et s'il estime qu'une infraction a été commise, il dresse un procès-verbal final, qu'il notifie à l'inculpé en lui donnant séance tenante l'occasion de s'expliquer, de consulter le dossier et de requérir un complément d'enquête. Le procès-verbal final ne constitue pas décision au fond, soit, au sens de la DPA, une décision de l'administration (v. Sous-chapitre III, art. 62 ss DPA) et, après sa notification, l'instruction peut reprendre, si le fonctionnaire donne suite aux compléments d'enquête requis (Capus/Beretta, Droit pénal administratif, Bâle, 2021, n. 797).

3.2 À l'appui du rejet de la demande de récusation, la décision entreprise retient les motifs suivants. L'argument selon lequel, en le convoquant à l'audition des 22 et 23 mars 2022, B. aurait considéré les déclarations du plaignant indispensables pour l'enquête constitue une impression subjective de ce dernier, sans fondement objectif. Il en va de même du refus d'accès au dossier du 15 mars 2022. La seule citation de l'art. 101 al. 1 CPP ne permet pas de retenir que B. aurait, comme le soutient le plaignant, très clairement manifesté que l'enquête n'en était qu'à ses débuts et que les preuves principales n'avaient pas encore été administrées. Ce d'autant que le fonctionnaire enquêteur a expliqué de manière crédible dans sa prise de position du 8 juillet 2022 que le refus d'accès avait pour but d'éviter que le plaignant n'adapte ses déclarations aux pièces du dossier. Le DFF considère infondé le grief relatif au fait qu'après l'audition du 22 mars 2022, B. aurait ignoré la volonté du plaignant de s'exprimer sur les faits de la cause et l'aurait tenu à l'écart, dès lors que B. a précisément invité le plaignant à exercer son droit d'être entendu en se déterminant sur le procès-verbal final et en requérant d'éventuels compléments d'enquête. La décision entreprise écarte ensuite le reproche d'arbitraire, qui fonderait la prévention de B., vu la conclusion de culpabilité tirée dans le procès-verbal final, alors que l'enquête serait incomplète (étant donné l'absence de réponses aux questions posées lors de l'audition du 22 mars 2022). Le DFF retient qu'une demande de récusation n'est pas le moyen adéquat pour contester le procès-verbal final. Renvoyant à l'argumentation de B. des 8 juillet et 24 août 2022, le DFF écarte également le dernier grief, selon lequel les comportements et décisions du fonctionnaire enquêteur antérieures et postérieures au procès-verbal final  du 23 juin 2022 (soit, notamment, les circonstances de la citation du 7 mars 2022, le refus d'accès au dossier du 15 mars 2022, le refus de déplacer l'audition à une date postérieure à la consultation des actes, l'injonction de garder le silence, la décision de renoncer à entendre une autre personne et le refus d'examiner la prescription de l'action pénale à titre préjudiciel) renforceraient l'apparence de prévention (act. 1.1, p. 9 ss).

3.3 Résumant ses arguments, le plaignant estime que, contrairement à ce que retient le prononcé entrepris, l'instruction des faits de la cause serait loin d'être complète et lui-même n'aurait jamais été mis en état de s'exprimer sur ceux-ci; l'établissement du procès-verbal final équivaudrait ainsi à un constat arbitraire de culpabilité, alors même que les preuves n'auraient (toujours) pas été administrées; B. ne serait pas disposé à instruire avec un soin égal les faits à charge et à décharge. Son activité serait partiale et empreinte de prévention à l'égard du plaignant, comme en témoigneraient les procédés déloyaux et les erreurs de procédures, ainsi que le refus d'instruire la question de la prescription. A défaut de récusation, le droit du plaignant à un procès équitable serait grossièrement violé (act. 1, p. 35).

3.4 D'emblée et ainsi que l'a, à juste titre, retenu le DFF dans sa décision entreprise (act. 1.1, p. 10), il sied de rappeler que la procédure de récusation ne constitue pas un moyen adéquat pour contester le procès-verbal final – contre lequel aucun recours n'est ouvert (art. 61 al. 4 DPA) – et, dans le même temps, le déroulement de l'instruction et les différents actes de procédure (v. supra consid. 3.1.2), eux-mêmes attaquables par la voie de la plainte (art. 26 à 28 DPA). Dans la mesure où il n'est pas d'accord avec le contenu et/ou les conclusions retenues dans le procès-verbal final, le plaignant a la possibilité de se déterminer et de requérir des actes d'enquêtes (v. supra consid. 3.1.5).

3.5 En l'espèce, lors de son audition du 22 mars 2022, le plaignant a, comme il en avait le droit, décidé de ne pas répondre aux questions posées, avant d'avoir consulté le dossier, ce qu'il a pu faire immédiatement après son audition, le dossier lui ayant été remis le 23 mars 2022 (v. supra Faits, let. D). Malgré l'absence de réponse aux questions, le fonctionnaire enquêteur n'était pas tenu de procéder à une nouvelle audition du plaignant, en tant qu'il ne l'estimait pas nécessaire. Contrairement à ce que soutient le plaignant, ni le contenu de la convocation à l'audition du 8 mars 2022, ni celui du refus de consulter le dossier du 15 mars 2022 ne sauraient objectivement donner l'impression que B. considérait que l'audition du plaignant était nécessaire, voire indispensable à l'établissement des faits. Il sied de relever que la lettre du plaignant du 5 avril 2022, par laquelle il estime avoir marqué son souhait de pouvoir s'exprimer sur les accusations portées contre lui n'était pas adressée à B., mais au chef du Service juridique du DFF et que ce « souhait » s'inscrivait dans une série de conditions que le plaignant posait au retrait de sa plainte du 18 mars 2022 (act. 1.11). Cela étant, avec la notification du procès-verbal final, laquelle peut intervenir à tout moment (v. supra consid. 3.1.5), le plaignant a été invité, selon la lettre de la loi, à se déterminer, à requérir des actes d'enquêtes (l'audition en étant un) et à consulter le dossier de la cause, ce qu'il n'a, en l'état du dossier en possession de la Cour de céans, pas fait, nonobstant les prolongations accordées. Le plaignant a, par contre, requis qu'il soit procédé à des mesures d'instruction s'agissant de la question de la prescription de l'action pénale, afin que celle-ci soit tranchée « à titre préjudiciel », soit avant même ses déterminations sur le procès-verbal final (act. 1.26), ce qui lui a été refusé. Là encore, aucune apparence de prévention ne saurait objectivement ressortir de la réponse de B. du 17 août 2022 (act. 1.27). Au contraire, en exposant que la question de la prescription serait examinée dans le cadre de la décision à rendre, selon l'art. 62 al. 1 DPA, B. a clairement indiqué que, comme le veut la loi, l'examen aurait lieu d'office et qu'il pourrait, le cas échéant, donner lieu à une suspension de la procédure (et à un non-lieu). L'art. 62 al. 1 DPA prévoit tant le mandat de répression (ou le renvoi devant un tribunal) que la suspension.

3.6 Au vu de ce qui précède, l'argument relatif à la cristallisation de l'apparence de prévention par l'établissement du procès-verbal final tombe également à faux. Le procès-verbal final, à l'instar de l'acte d'accusation en procédure pénale, est précisément un acte qui implique, pour son auteur, l'adoption d'une attitude plus orientée à l'égard du prévenu (v. supra consid. 3.1.4). Le caractère très péremptoire de la motivation de celui du 23 juin 2022 n'est au demeurant pas objectivement démontré par le plaignant. Quant à l'argumentation s'agissant, en particulier, de déterminer si l'instruction est complète, si des moyens de preuve doivent encore être administrés et, finalement, si les accusations sont fondées, elle relève de la compétence du juge du fond, non de celui de la récusation.  

3.7 S'agissant des comportements qui renforceraient l'apparence de prévention (act. 1, p. 33 ss), il ne saurait être distingué dans l'injonction de garder le silence, sous commination de l'art. 292 CP, formulée le 22 mars 2022 (v. supra Faits, let. E), une quelconque prévention de la part de B. Cette mesure, comme d'ailleurs les autres comportements énoncés par le plaignant, ont fait l'objet de plaintes, traitées de manière définitive (act. 1.8 et 1.12) ou auraient dû en être l'objet, sous peine de forclusion. Pour le surplus, les comportements déloyaux et erreurs de procédure invoqués ne sont pas décrits (act. 1, p. 35). La voie de la récusation ne saurait, en définitive, servir, comme cela semble être le cas en l'espèce, à faire porter la responsabilité des choix procéduraux du plaignant au fonctionnaire en charge de l'enquête.

3.8 Au vu de ce qui précède, le plaignant n'amène aucun élément concret ou objectif de nature à établir une prévention ou à redouter une activité partiale de la part de B., dont les actes de procédure apparaissent conformes au droit. La décision entreprise doit ainsi être confirmée.

4. En conséquence, la plainte est rejetée.

5. Le plaignant qui succombe supportera un émolument réduit, qui tient compte de la violation du droit d'être entendu guérie dans la présente procédure (v. supra consid. 2 et TPF 2008 172 consid. 6 et 7), lequel est fixé à CHF 1'500.-- (art. 73 LOAP applicable par renvoi de l'art. 25 al. 4 DPA; art. 5 et 8 du règlement du Tribunal pénal fédéral sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale; RS 173.713.162), réputé couvert par l'avance de frais acquittée. La caisse du Tribunal pénal fédéral restituera le solde de CHF 500.-- au plaignant.

Par ces motifs, la Cour des plaintes prononce:

1. La plainte est rejetée.

2. Un émolument de CHF 1'500.--, couvert par l'avance de frais acquittée, est mis à la charge du plaignant. La caisse du Tribunal pénal fédéral restituera le solde, par CHF 500.--, au plaignant.

Bellinzone, le 4 janvier 2023

Au nom de la Cour des plaintes

du Tribunal pénal fédéral

Le vice-président:                                                      La greffière:

Distribution

- Mes Andrew Garbarski et Adam Zaki, avocats

- B., Département fédéral des finances, Service juridique

- Département fédéral des finances, Service juridique

Indication des voies de recours

Il n'existe aucune voie de recours ordinaire contre la présente décision.

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