Instanz: | Bundesstrafgericht |
Abteilung: | Strafkammer |
Fallnummer: | SK.2018.47 |
Datum: | 26.04.2019 |
Leitsatz/Stichwort: | Renvoi du Tribunal fédéral. Violation de l'obligation de communiquer (art. 37 LBA). |
Schlagwörter : | Apos;; Apos;a; Apos;art; énal; Apos;un; édé; énale; été; édéral; Apos;une; Apos;au; Apos;en; être; édure; Tribunal; ésent; était; FINMA; édiaire; Apos;intermédiaire; Apos;obligation; Apos;il; LFINMA; ément; Apos;affaire; Apos;argent; Apos;est; Apos;affaires; çons; énales |
Rechtskraft: | Kein Weiterzug, rechtskräftig |
Rechtsnorm: | Art. 22 or; Art. 6 Or; |
Kommentar: | - |
Bundesstrafgericht Tribunal pénal fédéral Tribunale penale federale Tribunal penal federal | |
Numéro du dossier: SK.2018.47 |
Jugement du 26 avril 2019 Cour des affaires pénales | ||
Composition | La juge pénale fédéral e Nathalie Zufferey Franciolli, juge unique , la greffière Marine Neukomm | |
Parties | Ministère public de la Confédération , représenté par Sabrina Eberli, Juriste du Service juridique, et Département fédéral des finances , représentée par Fritz Ammann, Chef du Service juridique, | |
contre | ||
Banque A., assistée de Maître Nicolas Béguin, | ||
Objet | Renvoi du Tribunal fédéral Violation de l'obligation de communiquer (art. 37 LBA ) |
A. Procédure:
De la procédure pénale administrative
A.1 Par courrier du 25 juillet 2016, B., ancien administrateur de la société C. SA, a déposé plainte pénale auprès du Ministère public de l'Etat de Fribourg (ci-après: MPFR) contre les personnes responsables au sein de la banque A. pour blanchiment d'argent, éventuellement faux dans les titres, et non-respect des prescriptions en matière de blanchiment d'argent (DFF 010 0006 ss).
A.2 Considérant que les éléments constitutifs d'une infraction de droit commun n'étaient pas réunis, le MPFR a, en date du 22 août 2016, rendu une ordonnance de non-entrée en matière (F 16 7363) (DFF 010 0002 ss), confirmée le 16 mars 2017 par arrêt de la Chambre pénale du Tribunal cantonal de Fribourg (DFF 090 0023 ss), et a transmis la plainte de B. au Département fédéral des finances (ci-après: DFF), autorité compétente pour instruire la question d'une éventuelle violation de l'obligation de communiquer (DFF 010 0001 ss).
A.3 Par ordonnance datée du 10 février 2017, le DFF a ouvert une procédure de droit pénal administratif contre les personnes responsables au sein de la banque A. pour soupçons de violation de l'obligation de communiquer au sens de l'art. 37 LBA (DFF 040 0001).
A.4 Par requête d'entraide judiciaire du 10 février 2017, le DFF a sollicité du MPFR la transmission d'une copie de l'ensemble des pièces de la procédure pénale dirigée contre B. (F 11 10425, voir infra B.25) (DFF 033 0001 s.). Le 13 février 2017, le MPFR a transmis la requête du DFF au Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, alors chargé du dossier (DFF 033 0004 ss). Ce dernier a remis au DFF les documents requis en date du 16 février 2017 (DFF 033 0008 ss).
A.5 Le 3 mars 2017, l'enquêteur du DFF a rendu un procès-verbal final. A teneur de ce document, il a considéré que la banque A. s'était rendue coupable de violation de l'obligation de communiquer par négligence au sens de l'art. 37 al. 2 LBA du 4 juin 2010 au 29 juin 2010 et qu'elle devait être condamnée au paiement d'une amende (DFF 080 0003 ss). Le 16 mars 2017, la banque A. s'est déterminée par écrit en lien avec ledit procès-verbal. En substance, elle a fait valoir que les conditions d'application de l'art. 37 LBA n'étaient pas réunies, subsidiairement que la sanction était excessive (DFF 080 0017 ss).
A.6 Par ordonnance du 22 mars 2017, l'enquêteur du DFF a clôturé l'instruction et transmis le dossier pour décision au chef de groupe du Service de droit pénal du DFF (DFF 090 0001 s.). Le 31 mars 2017, ce dernier a décerné un mandat de répression à l'encontre de la banque A., par lequel il l'a condamnée, en lieu et place des personnes physiques punissables selon l'art. 49 LFINMA , à une amende de CHF 20'000.- pour violation de l'obligation de communiquer au sens de l'art. 37 al. 2 LBA, commise entre le 4 juin 2010 et le 29 juin 2010, ainsi qu'aux frais de la procédure de CHF 2'560.- (DFF 090 0003 ss).
A.7 Le 2 mai 2017, par la voie de son conseil, la banque A. a formé opposition au mandat de répression du 31 mars 2017, chargé de pièces à l'appui, concluant à l'annulation du mandat de répression, à ce qu'il soit constaté que la banque A. n'a pas violé une obligation de communiquer au sens de l'art. 9 LBA dans le cadre de sa relation d'affaires avec C. SA et à ce qu'un droit de réclamer une indemnité au sens des art. 99 et 100 DPA lui soit réservé (DFF 090 0010 ss).
A.8 En date du 19 juin 2017, le Chef du Service juridique du DFF a rendu un prononcé pénal, par lequel il a condamné la banque A., en lieu et place des personnes physiques punissables selon l'art. 49 LFINMA , à une amende de CHF 8'000.- pour violation de l'obligation de communiquer au sens de l'art. 37 al. 2 LBA commise entre le 4 juin 2010 et le 29 juin 2010 ainsi qu'au paiement des frais de procédure de CHF 3'670.- (DFF 100 0001 ss).
A.9 Par lettre du 28 juin 2017, la banque A. a demandé à être jugée par un tribunal, conformément à l'art. 72 al. 1 DPA (DFF 100 0019). En conséquence, le 19 juillet 2017, le DFF a transmis le dossier de la cause au Ministère public de la Confédération (ci-après: MPC), lequel l'a fait suivre à la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral (ci-après: la Cour) le 24 juillet 2017 (TPF 3.100 001 ss).
De la procédure judiciaire
A.10 Le 26 juillet 2017, la direction de la procédure a invité les parties à formuler leurs offres de preuve éventuelles (TPF 3.300.001). Le 28 juillet 2018, le DFF a informé la Cour qu'il renonçait à la présentation d'offres de preuve (TPF 3.511.001). Le 9 août 2017, le MPC en a fait de même, en précisant qu'il renonçait à comparaître aux débats, conformément aux art. 50 al. 3 LFINMA et 75 al. 4 DPA (TPF 3.510.001). Le 10 août 2017, la banque A. a également indiqué qu'elle n'avait pas d'offres de preuve à requérir (TPF 3.521.001).
A.11 Les débats se sont tenus le 23 octobre 2017. Devant la Cour ont comparu le DFF, représenté par Renaud Rini et Christian Heierli, membres du Service juridique dudit département, D., représentant de la banque prévenue, et Maître Nicolas Béguin, défenseur de cette dernière. D. a été entendu à titre de personne appelée à donner des renseignements (TPF 3.921.001 ss; 3.930.001 ss).
A.12 A l'issue des débats, le DFF a conclu à ce que la banque A. soit condamnée à une amende de CHF 8'000.- pour violation de l'obligation de communiquer (art. 37 al. 2 LBA ) commise du 4 juin 2010 au 29 juin 2010, en lieu et place des personnes physiques punissables en application de l'art. 49 LFINMA . Il a également requis la mise à la charge de la banque A. des frais de la procédure pénale administrative par CHF 3'670.-, des frais de soutenance de l'accusation par CHF 500.- ainsi que des frais de la procédure judiciaire (TPF 3.925.001).
A.13 La défense a conclu à l'acquittement de la banque A. du chef de violation de l'obligation de communiquer au sens de l'art. 37 al. 2 LBA, à l'annulation du prononcé pénal du 19 juin 2017 et à l'octroi d'une indemnité de CHF 30'000.- correspondant à une participation équitable à ses honoraires d'avocat (TPF 3.925.024 s.). Invité à prendre position sur dite indemnité, le DFF a, par correspondance du 30 octobre 2017, contesté le tarif horaire appliqué et s'en est remis à justice s'agissant du nombre d'heures facturées (TPF 3.511.004). Par courrier du 9 novembre 2017, la banque A. a alors modifié sa dernière conclusion, en chiffrant l'indemnité réclamée à CHF 25'174.15 (TPF 3.521.007 ss).
A.14 Par jugement du 23 novembre 2017, la Cour a classé la procédure pénale en raison de la prescription de l'action pénale, a mis les frais de procédure à la charge de la Confédération et a octroyé à la banque A. la somme de CHF 25'174.15 (TVA comprise) au titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées dans l'exercice de ses droits de procédure (TPF 3.970.005 ss).
A.15 Par acte du 21 décembre 2017, le DFF a déposé un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre le jugement du 23 novembre 2017, en concluant principalement à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision, subsidiairement à ce que la banque A. soit condamnée à une amende de CHF 8'000.- pour violation de l'obligation de communiquer (art. 37 al. 2 LBA cum art. 49 LFINMA) commise du 4 juin 2010 au 29 juin 2010, et à ce que les frais de la procédure soient mis à la charge de cette dernière (TPF 3.980 003 ss).
A.16 Par arrêt 6B_1453/2017 du 7 août 2018, le Tribunal fédéral a admis le recours du DFF, annulé le jugement attaqué et renvoyé la cause à la Cour pour nouvelle décision dans le sens des considérants. En substance, la Haute Cour a retenu que l'éventuelle obligation de communiquer de la banque A. n'avait pas pris fin par le seul fait que les autorités pénales avaient eu connaissance de la plainte pénale de B. et de ses annexes en date du 14 juin 2010. Une telle obligation subsistait en effet tant que les autorités pénales n'avaient pas connaissance du sort des valeurs pouvant être liées au blanchiment d'argent, soit tant que celles-ci pouvaient encore leur échapper. C'était donc à tort que la Cour avait considéré que la prescription de l'action pénale était acquise au moment où le DFF a rendu son prononcé pénal le 19 juin 2017. Le recours devait dès lors être admis (TPF 3.980 034 ss).
A.17 Par correspondance du 12 décembre 2018, la nouvelle direction de la procédure a consulté les parties s'agissant de la nécessité d'une éventuelle tenue de nouveaux débats (TPF 4.310.004). Par courriers du 20 décembre 2018, respectivement du 21 décembre 2018, la banque prévenue et le DFF ont tous deux renoncé à la tenue d'une audience au profit d'observations écrites (TPF 4.521.004, 4.510.003). Le MPC a pour sa part communiqué qu'il renonçait à présenter des propositions écrites et qu'il ne s'opposait pas à ce qu'il soit renoncé à la tenue de débats oraux (TPF 4.510.003).
A.18 Le DFF a fait parvenir à la Cour ses observations écrites en date du 4 février 2019. Il a conclu à ce que la banque A. soit condamnée à une amende de CHF 8'000.- pour violation de l'obligation de communiquer au sens de l'art. 37 al. 2 LBA commise du 4 juin 2010 au 29 juin 2010, en lieu et place des personnes physiques punissables en vertu de l'art. 49 LFINMA, et à ce que les frais de la procédure pénale administrative de CHF 3'670.-, les frais liés à la soutenance de l'accusation du 23 octobre 2017 de CHF 500.- et les frais de la procédure judiciaire soient mis à la charge de la banque (TPF 4.400.004; 4.511.010 ss).
A.19 Le 26 février 2019, la banque A. a à son tour adressé à la Cour ses déterminations. Elle a conclu à son acquittement du chef de violation de l'obligation de communiquer au sens de l'art. 37 al. 2 LBA , à l'annulation du prononcé pénal du 19 juin 2017 et à l'octroi d'une indemnité d'un montant de CHF 34'771.46 correspondant à une participation équitable à ses honoraires d'avocat (TPF 4.521.035 ss).
A.20 Le 7 mars 2019, le DFF a brièvement répliqué (TPF 4.511.018 ss). Le 18 mars 2019, la banque A. a également produit une brève duplique (TPF 4.521.041 ss). Les parties ont maintenu leurs conclusions. Par courrier du 22 mars 2019, la Cour a clos l'échange d'écritures (TPF 4.400.023).
B. Faits:
B.1 La banque A. est une entreprise inscrite au Registre du commerce du canton de Y. (DFF 031 0003).
B.2 C. SA était une société anonyme inscrite au Registre du commerce du canton de Y. depuis 2005. Elle était domiciliée auprès de la Fiduciaire E., société dont B. était associé gérant avec signature individuelle. C. SA avait pour but statutaire tous services financiers, de gestion de patrimoine, comptables et d'expertise comptable, fiscaux, de gestion, d'organisation et d'aide à la constitution de sociétés ou d'associations. B. en était l'administrateur unique jusqu'au 10 juin 2010 et disposait de la signature individuelle (DFF 031 0001 s.). L'ayant droit économique de C. SA était F., ressortissant français (DFF 033 0184 et 00028). La société a été dissoute en 2013 pour carences dans son organisation et mise en liquidation. Elle a été radiée en 2014 du Registre du commerce (DFF 031 0001 s.).
B.3 C. SA était titulaire, depuis avril 2008, de deux comptes auprès de la banque A., le compte 1 en euros et le compte 2 en francs suisses, dont F. était l'ayant droit économique (DFF 010 0002; 0033 0047 s.). Le compte 1 en euros affichait un solde négatif de EUR 1'463.13 à la fin du mois de mai 2010 (DFF 010 0008).
B.4 En mai 2010, F. a avisé B. que C. SA allait obtenir un prêt d'environ EUR 200'000.- d'une société française (DFF 033 0121; 033 0491). Par courrier électronique du 30 mai 2010, F. a indiqué à B. les virements qu'il devait effectuer avec près de la moitié de cette somme, soit EUR 15'000.- en faveur de la Fiduciaire E., EUR 20'000.- pour couvrir le découvert du compte en francs suisses de C. SA, EUR 25'000.- pour le «Bistrot G.», EUR 20'000.- pour «H.», deux fois EUR 3'000.- pour Western Union en faveur respectivement d'I. et de F., EUR 5'000.- en faveur d'un compte de F. et EUR 4'000.- en faveur d'un autre compte de F. Le courriel ajoutait que «pour les 95000 restant ils viendront les recupérer a LAUSANNE mardi 2 envellopes a prévoir» (sic) (DFF 033 0029).
B.5 Le 1 er juin 2010, un montant de EUR 190'000.- a été crédité sur le compte 1 en euros de C. SA auprès de la banque A. par l'établissement J., par l'intermédiaire de la banque K. (DFF 010 0008). L'avis de crédit mentionnait comme référence «792 ENGINS LOURDS PORT TRANSIT» (DFF 033 0031).
B.6 L'établissement J. est un établissement public de droit du pays Z. actif dans le domaine des services auxiliaires des transports par eau (DFF 031 0010 ss).
B.7 Le 2 juin 2010, B. a donné cinq ordres de virement à la banque A. par e-banking, pour un montant total de EUR 60'900.-, soit EUR 15'000.- en faveur du compte 2 en francs suisses appartenant à C. SA, EUR 15'000.- en faveur de la Fiduciaire E., EUR 25'000.- en faveur de L. SA, société appartenant à la Fiduciaire E., aux fins d'acquérir une participation dans le «Bistrot G.» en faveur de F., ainsi que EUR 40'000.- et EUR 1'900.- en faveur de F. (DFF 033 0136 ss; 033 0122 s.). Ces transactions ont été exécutées par la banque A. le jour même (DFF 010 0008).
B.8 Le 3 juin 2010, la banque K. à Paris a envoyé à la banque A. un message SWIFT indiquant que le virement de EUR 190'000.- effectué deux jours plus tôt devait être considéré comme nul et non avenu («null and void») (DFF 033 0178). Le même jour, à 15h47, la banque française a également adressé à la banque A. un courrier électronique, par lequel elle l'informait de ce que le virement en question était frauduleux et demandait en conséquence le retour des fonds crédités (DFF 033 0176).
B.9 La banque A. a pris connaissance du message SWIFT et du courrier électronique de la banque K. le 4 juin 2010, le 3 juin 2010 étant un jour férié dans le canton de Y. (DFF 080 0018; TPF 3.100.009).
B.10 Le 4 juin 2010, B. s'est rendu au guichet de la banque A. afin de retirer EUR 80'000.-. La banque A. a alors refusé d'accéder à sa demande et l'a informé du caractère suspect du transfert du 1 er juin 2010 (DFF 080 0018; 033 0015).
B.11 Le 4 juin 2010, B. a pris connaissance d'une convention de prêt que lui a envoyée F. et aux termes de laquelle la «ligue des gentilshommes zoulou zoulou» accordait un prêt de EUR 190'000.- à C. SA, dont EUR 95'000.- à rembourser immédiatement (DFF 033 0030; 033 0120). Le même jour, B. a démissionné de son poste d'administrateur de C. SA et a, au nom de la société, déposé plainte pénale à l'encontre de différentes personnes de nationalité congolaise auprès de l'Office des juges d'instruction, autorité de poursuite pénale alors compétente dans le canton de Fribourg (DFF 033 0032 s.; 033 0014 ss).
B.12 Dans sa plainte, B. a expliqué qu'un montant de EUR 190'000.- avait été viré le 1 er juin 2010 par une banque française sur le compte de C. SA auprès de la banque A. en provenance de l'établissement J. Ladite banque était dûment enregistrée au Registre du commerce français, ce qu'il aurait lui-même vérifié. Ce paiement avait été effectué en vertu d'un prêt obtenu par F. Afin de «faire le Compliance de ce montant», B. avait convoqué tout le monde au siège de sa fiduciaire le 4 juin 2010. F. lui avait donné auparavant un certain nombre de virements urgents à effectuer et lui avait demandé de préparer EUR 95'000.- en espèces «pour une opération dont le clearing serait fait [le 4 juin 2010] lors de la réunion prévue». Lorsqu'il s'est rendu au guichet de la banque A. le 4 juin 2010, M., conseiller à la clientèle, lui aurait indiqué que la banque K. avait demandé le rapatriement des EUR 190'000.- qui ont été virés de manière frauduleuse. B. aurait alors décidé de prévenir la police «pour cueillir les escrocs qui ont falsifié les signatures sur le paiement de l'établissement J.». Le représentant de l'établissement J. n'était pas présent; son prétendu mandataire se serait présenté sans pièce d'identité et aurait été invité par B. à aller la chercher à X., là où il l'aurait oubliée. B. aurait ensuite été cherché cette personne à W.. Le prétendu mandataire et un autre individu étaient présents. Selon B., «[a]u fil des informations que ces Messieurs ont bien voulu donner, un de leurs complices qui semble être un des instigateurs de l'escroquerie était toujours à X. et attendait leur retour» (sic). La police serait intervenue, mais n'aurait pas arrêté les deux individus. Enfin, en ce qui concerne le préjudice, B. a affirmé dans sa plainte: «Je pense que F. n'était pas du tout au courant de ces malversations. En toute bonne foi, il a engagé un certain nombre de paiements, ce qui fait que des EUR 190'000.- versés, il n'en reste que +/- EUR 135'000.- sur les comptes. La banque va certainement nous réclamer les EUR 190'000.-» (sic). B. a joint à sa plainte les copies des pièces d'identité de N. et d'O., une copie de la convention fiduciaire entre Fiduciaire E. et F. du 19 septembre 2007, une copie de la pièce d'identité de F., une copie du courrier électronique du 30 mai 2010 de F. par lequel celui-ci lui a ordonné d'effectuer des paiements, une copie de la convention de prêt entre la «ligue des gentilshommes zoulou zoulou» et C. SA, un extrait du compte 1 de C. SA auprès de la banque A. sur lequel figure l'écriture du crédit de EUR 190'000.- du 1 er juin 2010, une copie de sa lettre de démission de ses fonctions d'administrateur de C. SA et une copie de la réquisition correspondante au Registre du commerce (DFF 033 0014 ss). Une copie de la plainte a été remise par B. à la banque A. le 4 juin 2010 (DFF 080 0018 ss). L'Office des juges d'instruction a pour sa part reçu ladite plainte le 14 juin 2010 (DFF 033 0014).
B.13 A tout le moins le 6 juin 2010, la banque A. a procédé à un blocage interne préventif du compte 1 en euros. Elle a en revanche renoncé à effectuer une communication au Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (ci-après: MROS), considérant que la plainte du 4 juin 2010 était peu claire et ne créait pas de soupçons fondés (DFF 033 0041; 080 0018 ss).
B.14 Le 24 juin 2010, le juge d'instruction compétent a informé la banque A. avoir été saisi de la dénonciation pénale du 4 juin 2010 de B. au nom de C. SA et l'a invitée à lui fournir l'intégralité des informations en lien avec le virement du 1 er juin 2010 et avec le contact qu'il y aurait eu entre la banque K. et la banque A. (DFF 033 0173).
B.15 Par courrier du 29 juin 2010, la banque A. a remis au juge d'instruction l'avis de crédit relatif à la transaction des EUR 190'000.-, les échanges de messages SWIFT intervenus avec la banque K. entre le 3 juin 2010 et le 16 juin 2010 et le courrier électronique de la banque K. du 3 juin 2010 (DFF 033 0174 ss).
B.16 Le 21 juillet 2010, le directeur général de l'établissement J. a déposé plainte contre inconnu, à Paris, pour faux et usage de faux au motif que l'ordre d'effectuer le virement de EUR 190'000.- portait une signature falsifiée (DFF 033 0082 s.). Cette plainte a été classée sans suite, les auteurs étant demeurés inconnus (DFF 033 0887).
B.17 Par fax du 9 novembre 2010, le Directeur général de l'établissement J. a demandé à la banque A. que les fonds encore disponibles sur le compte 1 lui soient retournés dans les plus brefs délais. Une copie du prétendu faux ordre de virement du 28 mai 2010 et une copie du procès-verbal de la plainte du 21 juillet 2017 étaient notamment jointes audit fax (DFF 033 0078 ss; 033 0040).
B.18 Le même jour, soit le 9 novembre 2010, le département Compliance de la banque A. a effectué des recherches sur Internet concernant les divers protagonistes de l'affaire (DFF 033 0040; 033 0089 ss).
B.19 Le 11 novembre 2010, la banque A. a effectué une communication au MROS pour signaler des soupçons portant sur la transaction du 1 er juin 2010 par laquelle un montant de EUR 190'000.- a été crédité sur un des comptes de C. SA. Dans sa communication, la banque A. a indiqué que ce n'est qu'à réception du fax du 9 novembre 2010 du directeur général de l'établissement J. et après les recherches Internet effectuées au vu de ce document qu'elle a conçu un soupçon fondé. Etaient joints à la communication les documents d'ouverture et d'identification de la relation d'affaires, les formulaires A, les relevés de compte du 1 er juin 2010 au 11 novembre 2010, l'avis de crédit du 1 er juin 2010, le message SWIFT et le courrier électronique de la banque K., une copie de la plainte pénale du 4 juin 2010 de B., une copie du fax du 9 novembre 2010 du Directeur général de l'établissement J., l'extrait du Registre du commerce de C. SA, l'annonce sur la Feuille officielle du commerce (FOSC) du 10 juin 2010 et la copie des diverses recherches Internet effectuées par le département Compliance de la banque A. (DFF 033 0038 ss).
B.20 Le 15 novembre 2010, le MROS a transmis la communication de la banque A. à l'Office des juges d'instruction, estimant que «les éléments à [leur] disposition ne [leur] permettent pas de confirmer ou d'infirmer les soupçons émis par l'intermédiaire financier quant à une éventuelle origine criminelle du montant de EUR 190'000.-» (DFF 010 0009 ss).
B.21 Il ressort de la prise de position du MROS qu'au 15 novembre 2010, B. figurait dans plusieurs banques de données consultées par le bureau. Il était mentionné dans un dossier Q. (B 0210309) suite à une commission rogatoire du 22 octobre 2008 de la Belgique dans le cadre d'une enquête sur une organisation criminelle. Les membres de celle-ci auraient tenté de faire encaisser des chèques d'origine douteuse, d'une valeur totale de près de EUR 3 millions, notamment en sollicitant l'aide de B. Les autorités belges avaient demandé son audition en qualité de personne appelée à fournir des renseignements ainsi que la perquisition de son domicile. En outre, B. était mentionné dans la banque de données JANUS suite à une information d'IP Bruxelles selon laquelle il était soupçonné de faire partie d'une organisation uvrant dans la traite d'êtres humains. B. était par ailleurs mentionné dans la base de données IPAS pour abus de confiance. Enfin, dans le casier judiciaire (banque de données VOSTRA), B. était mentionné pour faux dans les titres et abus de confiance (DFF 010 0010 s.).
B.22 Le 19 novembre 2010, le juge d'instruction a ordonné le séquestre du solde du compte 1 en euros de C. SA auprès de la banque A. et la production de l'intégralité des pièces liées aux débits effectués sur ce compte depuis le 1 er juin 2010 (DFF 033 0131 s.).
B.23 Le 22 novembre 2010, la banque A. a remis au juge d'instruction les pièces requises, à savoir un relevé du compte pour la période du 1 er juin 2010 au 22 novembre 2010, les avis de débit de EUR 15'000.- en faveur de C. SA, de EUR 15'000.- en faveur de la Fiduciaire E., de EUR 25'000.- en faveur de L. SA, de EUR 4'000.- en faveur de F. et de EUR 1'900.- en faveur de F. (DFF 033 0135 ss).
B.24 En date du 5 mai 2011, le séquestre du compte 1 a été levé et le solde du compte, soit EUR 135'259.-, a été restitué à l'établissement J. (DFF 033 0146 ss). Par convention du 30 septembre 2011, B. s'est engagé à couvrir le dommage subi par l'établissement J. par le versement d'un montant de EUR 58'000.- (DFF 033 0670 ss). Le 6 décembre 2011, B. a en outre ouvert action en paiement à l'encontre de C. SA pour la somme de EUR 58'000.- (DFF 033 0660 ss).
B.25 B. a fait l'objet d'une procédure pénale conduite par le MPFR pour soupçons de blanchiment d'argent suite à sa plainte du 4 juin 2010. Par ordonnance pénale du MPFR du 24 janvier 2013, il a été reconnu coupable de blanchiment d'argent (art. 305 bis CP) et condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende assortie du sursis pendant deux ans, ainsi qu'à une amende de CHF 800.- (DFF 033 0600 ss).
B.26 Statuant sur l'ordonnance pénale du 24 janvier 2013, le Juge de police de l'arrondissement de la Broye a, par jugement du 17 septembre 2013, acquitté B. du chef de prévention de blanchiment d'argent (DFF 033 0710 ss).
B.27 Par arrêt du 27 avril 2015, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de Fribourg a annulé le jugement du Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye du 17 septembre 2013, a reconnu B. coupable de blanchiment d'argent et l'a condamné à une peine privative de liberté de neuf mois, assortie du sursis pendant trois ans (DFF 033 0795 ss). Après plusieurs procédures de recours, B. a finalement été reconnu coupable de blanchiment d'argent, respectivement de tentative de blanchiment d'argent, et a été condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende avec sursis pendant deux ans (arrêt de la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal du canton de Fribourg 501 2017 167 du 4 janvier 2018). Cette condamnation a été confirmée par le Tribunal fédéral dans un arrêt 6B_162/2018 du 27 mars 2018.
Dans la mesure où d'autres précisions de faits sont nécessaires au jugement de la cause, elles seront apportées dans les considérants qui suivent.
La Cour considère en droit:
L'art. 50 al. 2 LFINMA prévoit que si le jugement par le tribunal a été demandé ou si le Département fédéral des finances estime que les conditions requises pour infliger une peine ou une mesure privative de liberté sont remplies, le jugement relève de la juridiction fédérale. Dans ce cas, le Département fédéral des finances dépose le dossier auprès du Ministère public de la Confédération, qui le transmet au Tribunal pénal fédéral. Le renvoi pour jugement tient alors lieu d'acte d'accusation et les art. 73 à 83 DPA sont applicables par analogie.
En application des art. 2 al. 2 let. a et 35 al. 1 de la loi fédérale du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales fédérales de la Confédération (LOAP; RS 173.71), la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral est compétente pour connaître des affaires relevant de la juridiction fédérale de première instance.
Dans le cas d'espèce, dans la mesure où l'affaire en cause ne concerne pas un cas de récidive, la peine encourue par la banque A. est la même en application de l'ancien ou du nouveau droit.
Par conséquent, conformément à la jurisprudence susmentionnée, et sous réserve des considérations qui suivent, il convient d'appliquer l'ancien droit, soit celui en vigueur au moment des faits reprochés.
Dans la mesure où l'art. 9 LBA tel que modifié le 1 er janvier 2016 impose une obligation de communiquer plus étendue, sa nouvelle teneur n'apparaît pas plus favorable à la banque prévenue que celle qui était en vigueur jusqu'au 31 décembre 2015. Les extensions prévues concernent de surcroît des cas qui ne s'appliquent pas à la présente cause. Dès lors, sous l'angle de l'art. 9 LBA , c'est aussi l'ancien droit qui devrait trouver application.
Là encore, dans la mesure où l'art. 6 al. 2 LBA , dans sa version actuelle, prévoit un devoir de clarification plus étendu, il n'apparaît pas plus favorable à la banque prévenue. Par ailleurs, les extensions ne concernent nullement la présente cause, de sorte qu'il convient d'appliquer l'ancien droit, soit celui en vigueur au moment des faits reprochés pour apprécier le respect du devoir de clarification de la banque A.
Le prononcé pénal, qui succède au mandat de répression dressé en application de l'art. 64 DPA , équivaut à un jugement de première instance, dont la reddition a pour effet d'interrompre la prescription de l'action pénale (art. 97 al. 3 CP; ATF 142 IV 276 consid. 5.2; 139 IV 62 consid. 1.2; 130 IV 101 consid. 2.3).
Compte tenu de la récente jurisprudence, il y a lieu de considérer que la réception de la plainte pénale par les autorités fribourgeoises le 14 juin 2010 n'a pas mis fin à l'obligation de communiquer de la banque A. Cette obligation a en effet perduré au-delà du 14 juin 2010 puisqu'à cette date, comme l'a souligné le Tribunal fédéral, le juge ne disposait pas des informations lui permettant de séquestrer les valeurs patrimoniales litigieuses. Il convient donc de définir le moment à compter duquel il peut être considéré que toutes les informations nécessaires ont été transmises. Dans son prononcé pénal du 29 juin 2010, le DFF a arrêté la période incriminée au 29 juin 2010, date à partir de laquelle la banque A. s'est conformée à l'ordonnance de production de pièces du juge d'instruction du 24 juin 2010, en remettant à celui-ci l'avis de crédit relatif à la transaction de EUR 190'000.-, les échanges de messages SWIFT avec la banque K. ainsi que le courrier électronique de ce dernier du 3 juin 2010. La question peut demeurer ouverte de savoir si le 24 juin 2010, le juge d'instruction disposait effectivement de toutes les informations, illustrées à l'art. 3 aOBCBA , lui permettant de séquestrer l'intégralité des valeurs patrimoniales impliquées. La Cour est en effet liée par le prononcé pénal du 19 juin 2017 et retiendra dès lors que l'obligation de communiquer de la banque A. a pris fin le 29 juin 2010.
Par ces motifs, la Cour prononce:
I. La banque A. est acquittée de l'infraction de violation de l'obligation de communiquer.
II.
1. Les frais de procédure sont mis à la charge de la Confédération.
2. La Confédération versera à la banque A. une indemnité de CHF 31'693.40.
Au nom de la Cour des affaires pénales
du Tribunal pénal fédéral
La juge unique La greffière
Une expédition complète de la décision écrite sera adressée à
- Ministère public de la Confédération, Madame Sabrina Eberli, Juriste du Service juridique
- Département fédéral des finances, Monsieur Fritz Amman, chef du Service juridique
- Maître Nicolas Béguin
Après son entrée en force, la décision sera communiquée au Département fédéral des finances, en tant qu'autorité d'exécution.
Indication des voies de droit
Appel à la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral
L'appel est recevable contre les jugements de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral qui ont clos tout ou partie de la procédure. L'appel doit être annoncé par écrit ou oralement à la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral dans le délai de 10 jours à compter de la communication du jugement (art. 399 al. 1 en lien avec l'art. 398 al. 1 CPP ; art. 38a LOAP ).
La juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement. L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits ainsi que pour inopportunité (art. 398 al. 2 et 3 CPP ).
Lorsque seules des contraventions ont fait l'objet de la procédure de première instance, l'appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l'état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP ).
La partie qui annonce l'appel adresse à la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral une déclaration d'appel écrite dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé. Dans sa déclaration, elle doit indiquer si elle entend attaquer le jugement dans son ensemble ou seulement sur certaines parties, les modifications du jugement de première instance qu'elle demande et ses réquisitions de preuves. Quiconque attaque seulement certaines parties jugement est tenu d'indiquer dans la déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l'appel (art. 399 al. 3 et 4 CPP ).
Expédition: 26 avril 2019
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
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