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Entscheid des Bundesstrafgerichts: BB.2010.98 vom 27.12.2010

Hier finden Sie das Urteil BB.2010.98 vom 27.12.2010 - Beschwerdekammer: Strafverfahren

Sachverhalt des Entscheids BB.2010.98


Urteilsdetails des Bundesstrafgerichts

Instanz:

Bundesstrafgericht

Abteilung:

Beschwerdekammer: Strafverfahren

Fallnummer:

BB.2010.98

Datum:

27.12.2010

Leitsatz/Stichwort:

Capacité de postuler de l'avocat (art. 12 LLCA; art. 27 Cst.).

Schlagwörter

Apos;; Apos;a; été; érêts; Apos;un; édé; Apos;intérêts; être; édéral; écision; Apos;en; Tribunal; Apos;art; édure; Apos;une; ésente; énal; ération; Apos;avocat; étés; économique; Apos;autorité; Apos;est; Apos;existe; Confédération; ésenter; Apos;être; équestre; Apos;existence; Bohnet

Kommentar:

-

Entscheid des Bundesstrafgerichts

Bundesstrafgericht

Tribunal pénal fédéral

Tribunale penale federale

Tribunal penal federal

Numéro de dossier: BB.2010.98

(Procédures secondaires: BP.2010.64 ; BP.2010.66 )

Arrêt du 27 décembre 2010
Ire Cour des plaintes

Composition

Les juges pénaux fédéraux Tito Ponti, président,

Patrick Robert-Nicoud et Emanuel Hochstrasser,

le greffier Aurélien Stettler

Parties

A., avocat,

plaignant

contre

MinistÈre public de la ConfÉdÉration,

partie adverse

Objet

Capacité de postuler de l'avocat (art. 12 LLCA ;

art. 27 Cst.)


Faits:

A. Le 1 er février 2008, le Ministère public de la Confédération (ci-après: MPC) a ouvert une enquête de police judiciaire à l'encontre du dénommé B., ressortissant bulgare, et de son employeur C. pour soupçons de blanchiment d'argent (art. 305 bis CP), trafic aggravé de stupéfiants (art. 19 ch. 2 LStup ) et appartenance à une organisation criminelle (art. 260 ter CP ). L'enquête a été étendue à plusieurs autres personnes dont D. en date du 21 juillet 2009, veille de son arrestation par la Police judiciaire fédérale (ci-après: PJF). Le MPC suspectait alors D., intermédiaire financier - associé au sein de la fiduciaire E. -, d'être lié à l'organisation bulgare notamment par le fait d'avoir indiqué, en avril 2007, un certain F. comme ayant droit économique d'un compte ouvert auprès de la banque G., puis d'être revenu sur cette déclaration en juillet 2009, faisant état d'une « erreur » de sa part quant au véritable ayant droit économique du compte en question, et adressant à la banque un formulaire A antidaté au nom d'un dénommé H.

B. En date du 3 septembre 2009, le MPC a rendu une ordonnance de séquestre et de production de documents à l'attention de la banque G. aux termes de laquelle sont notamment ordonnées les mesures suivantes:

· « L'identification de toutes les relations bancaires (y compris les compartiments coffre) dont la société E. est ou a été titulaire ou ayant droit économique sur l'ensemble du territoire Suisse.

· Le séquestre des valeurs patrimoniales déposées sur les relations bancaires et des compartiments coffre identifiés sous point 1. » (act. 1.22).

Il ressort du dossier de la cause que, sur la base de l'ordonnance en ques­tion, divers comptes bancaires, dont notamment ceux des sociétés E., J., K., L., M., N., O. et P. auprès de la banque G. ou encore de la banque Q., ont fait l'objet d'une mesure de séquestre.

C. En date du 8 septembre 2009, le MPC a prononcé la disjonction de l'enquête ouverte le 1 er février 2008 à l'encontre de B. et consorts, des faits reprochés à D., dans la mesure où « l'implication de F. dans ce volet de l'affaire n'a en l'état pas pu être établie », et que, « s'agissant de deux complexes de faits différents, il se justifie [...] de disjoindre de la présente enquête, pour être instruits séparément, les faits reprochés à D., R. et inconnus. L'enquête dirigée contre D. et R. a été étendue aux dénommés S., T., AA. et BB., les chefs d'inculpation étant le soupçon de blanchiment d'argent (art. 305 bis CP ), le faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP ), le faux dans les certificats (art. 252 CP en relation avec l'art. 255 CP) et la corruption d'agents publics étrangers (art. 322 septies CP). Le MPC reproche en substance à S. et T. de s'être procuré - de manière illégitime -, auprès de AA. et BB., une identité irlandaise officielle complète (comprenant notamment un passeport, un acte de naissance et un permis de conduire) par l'intermédiaire de R. et D.

D. Dans le cadre de la procédure diligentée à son encontre, D. a confié la défense de ses intérêts à Me A., et ce par procuration du 20 août 2009.

E. Par procurations datées du 28 décembre 2009, chacune des sociétés suivantes, à savoir E., J., K., L., M., N., O. et P. a donné procuration, avec pouvoirs de substitution, à Me A. aux fins de la représenter et d'agir en son nom et pour son compte aux fins de procédures visant à lever le séquestre de leurs comptes bancaires respectifs bloqués sur ordre du MPC dans le cadre de la procédure ouverte à l'encontre de D.

F. Par courrier du 22 janvier 2010, le Procureur fédéral alors en charge du dossier a informé Me A. du fait que sa constitution pour la société E. paraissait problématique, dans la mesure où un conflit d'intérêts pourrait surgir avec le mandat assumé pour D. (act. 1.1).

Par courrier du 12 juillet 2010, ledit procureur a également rendu attentif Me A. que son mandat pour les sociétés K. et J. s'avérait problématique dans la mesure où pouvait exister un conflit d'intérêts avec le mandat déjà assumé pour D. (act. 1.2).

Le 12 août 2010, le MPC s'est adressé en ces termes à Me A.:

« Au vu de ce qui précède, il semble que les différents mandats que vous avez acceptés présentent un conflit d'intérêts concret et sont incompatibles avec l'art. 12 let. c LLCA . Il paraît en effet difficilement acceptable que le même avocat représente à la fois un prévenu, son employeur, et les compagnies de ses clients, ces derniers pouvant de surcroît revêtir à terme la qualité de prévenus dans la présente procédure . » (act. 1.4).

Par envoi du 13 août 2010, Me A. a informé le MPC que, d'une part, il contestait la compétence de ce dernier de rendre une décision pouvant lui interdire de représenter à la fois un prévenu et des tiers dans une même procédure, et que, d'autre part, il ne partageait aucunement son analyse quant à l'existence même d'un conflit d'intérêts dans le cas d'espèce (act. 1.5).

Par décision du 7 octobre 2010, le MPC a interdit à Me A. de représenter D. ainsi que les sociétés E., J., K., L., M., N., O. et P. dans la procédure pénale fédérale ouverte à l'encontre du premier cité (act. 1.0).

G. Par acte du 13 octobre 2010, Me A. s'est plaint de cette décision, en formulant les conclusions suivantes par devant l'autorité de céans:

« A la forme

Déclarer la présente plainte recevable.

Préalablement

Ordonner au Ministère public de la Confédération de verser aux débats la décision de levée du séquestre du compte de la ou des sociétés dont Monsieur CC. est ayant droit économique.

Au fond

Principalement

Constater la nullité de la décision du Ministère public de la Confédération du 7 octobre 2010, pour incompétence de cette autorité.

Constater que le plaignant, A., avocat, n'a aucun conflit d'intérêts à représenter à la fois D. et les sociétés E., J., K., L., M., N., O. et P.

Subsidiairement

Annuler la décision du Ministère public de la Confédération du 7 octobre 2010.

Dans tous les cas

Débouter tout opposant de toute autre conclusion.

Mettre les frais de procédure à charge de la Confédération.

Condamner la Confédération à indemniser le plaignant pour le temps que le Ministère public de la Confédération lui a inutilement fait perdre en prétendant de mauvaise foi qu'il aurait un conflit d'intérêts. » (act. 1).

Invité à répondre, le MPC a, par écriture du 5 novembre 2010, conclu au rejet de la plainte, le tout sous suite de frais (act. 8). L'autorité de poursuite considère en substance qu'elle était bel et bien habilitée à rendre la décision entreprise, d'une part, et que les conflits d'intérêts sur lesquels cette dernière repose sont concrets, tant entre D. et la société E., qu'entre le premier et les clients de la seconde (act. 8).

Appelé à répliquer, Me A. a, par envoi du 18 novembre 2010 - et en substance -, persisté dans l'entier de ses conclusions prises dans sa plainte, non sans avoir préalablement mis en doute la recevabilité de la réponse du MPC (act. 11).

Dans sa duplique du 29 novembre 2010, le MPC a pour sa part persisté dans les termes de sa décision, invitant notamment Me A. « à lire attentivement l'article "Les conflits d'intérêts en matière de défense au pénal - TF 1B_7/2009 du 16 mars 2009" de François Bohnet » (act. 14).

Par envoi du 30 novembre 2010, le Tribunal de céans a adressé au plaignant une copie de la duplique du MPC (act. 15).

Il sied encore de préciser, d'une part, que la requête d'effet suspensif déposée par le plaignant le 4 novembre 2010, de même que sa demande de « réexamen » du 8 novembre 2010, ont été rejetées par ordonnances présidentielles des 5 et 22 novembre 2010 (dossier BP.2010.64 et BP.2010.66 ), et, d'autre part, que le MPC a, par décision du 3 novembre 2010, désigné à D. un défenseur d'office en la personne de Me DD., lequel a accepté sa mission en date du 5 novembre 2010 (act. 10).

Les arguments et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris, si nécessaire, dans les considérants en droit.

La Cour considère en droit:

1.

1.1 La Cour des plaintes examine d'office et avec un plein pouvoir d'examen la recevabilité des plaintes qui lui sont adressées (ATF 132 I 140 consid. 1.1; 131 I 153 consid. 1; 131 II 571 consid. 1).

1.2 Aux termes des art. 214 ss PPF (applicables par renvoi de l'art. 105 bis al. 2 PPF et en vertu de l'art. 28 al. 1 let. a LTPF ), il peut être porté plainte contre les opérations ou les omissions du MPC. Lorsque la plainte concerne une opération du MPC, elle doit être déposée dans les cinq jours à compter de celui où le plaignant a eu connaissance de cette opération (art. 217 PPF). La décision attaquée, qui date du 7 octobre 2010, a été reçue le lendemain par le plaignant, soit le 8 octobre 2010. La plainte déposée le 13 octobre 2010, l'a été en temps utile. Le plaignant, auquel la décision entreprise fait interdiction de postuler dans une procédure pénale ouverte devant le MPC, est en outre directement concerné par ladite décision. La plainte est donc recevable en la forme.

1.3 En présence de mesures non coercitives, la Cour des plaintes examine les opérations et les omissions du MPC avec un pouvoir de cognition restreint et se borne ainsi à examiner si l'autorité saisie de la cause a agi dans les limites de ses compétences ou si elle a excédé son pouvoir d'appréciation ( TPF 2005 145 consid. 2.1). Dans le cas d'espèce, c'est donc avec un pouvoir de cognition limité que les griefs soulevés par le plaignant seront analysés.

2.

2.1 Le plaignant dénie au MPC la compétence pour statuer sur la conformité du mandat confié à un avocat aux règles professionnelles découlant de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (LLCA; RS 935.61). Cette question doit être examinée en premier lieu, car il en va de la validité de la décision attaquée. Il est en effet de jurisprudence bien établie que l'incompétence qualifiée de l'autorité qui a rendu la décision est un motif de nullité absolue qui peut être constaté d'office, en tout temps et par toute autorité, notamment par les instances de recours (ATF 133 II 366 consid. 2 et référence citée).

2.2 Contrairement à ce qu'affirme le plaignant avec une véhémence se situant aux limites de la bienséance et de la témérité - allant jusqu'à accuser l'autorité de poursuite d'être « de mauvaise foi » (act. 11, p. 1) -, le MPC est bel et bien compétent pour empêcher de plaider l'avocat confronté à un conflit d'intérêts. La Cour de céans a en effet eu l'occasion de poser on ne peut plus clairement ce principe à réitérées reprises, s'inspirant en ce sens des règles posées en son temps par le Tribunal fédéral ( TPF 2005 69 consid. 8; arrêt du Tribunal pénal fédéral BK_B 109 + 110/04 du 18 août 2004, consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 1A.223/2002 du 18 mars 2003, consid. 3.2; voir également Bohnet , Les conflits d'intérêts en matière de défense au pénal - TF 1B_7/2009 du 16 mars 2009, Revue de l'avocat 2009, p. 265 ss, 266 ch. IV.3). Il en résulte que le grief d'incompétence ainsi soulevé, en plus d'apparaître inutilement blessant dans sa formulation, se révèle manifestement infondé.

3. Le plaignant demande qu'il soit ordonné au MPC de verser aux débats la décision de levée du séquestre du compte de la ou des sociétés dont le dénommé CC. est ayant droit économique (act. 1, p. 1 et 5).

Outre le fait que le plaignant omette d'indiquer clairement la réelle nécessité qu'il y aurait à faire verser ladite pièce à la procédure - ce qui soulève d'emblée de sérieux doutes quant à la recevabilité de sa réquisition -, il ressort des considérants à venir que la question de la levée ou non du séquestre des avoirs dudit CC. n'est aucunement de nature à influer sur le sort de la cause. Il ne sera dès lors pas fait droit à la requête de production de pièce du plaignant.

4. Le plaignant conteste en substance l'existence d'un risque concret de conflit d'intérêts au sens de l'art. 12 LLCA. Il soutient qu'en l'absence d'un tel conflit, la décision entreprise viole sa liberté économique garantie par l'art. 27 Cst .

4.1 Parmi les règles professionnelles que doit respecter l'avocat, l'art. 12 let. c LLCA prévoit que celui-ci doit éviter tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé. L'interdiction de plaider en cas de conflit d'intérêts est une règle cardinale de la profession d'avocat (arrêt 1A.223/2002 du 18 mars 2003 consid. 5.2). Elle est en lien avec la clause générale de l'art. 12 let. a LLCA , selon laquelle l'avocat exerce sa profession avec soin et diligence, de même qu'avec l'obligation d'indépendance rappelée à l'art. 12 let. b LLCA (ATF 134 II 108 consid. 3 p. 110). L'avocat a ainsi notamment le devoir d'éviter la double représentation, c'est-à-dire le cas où il serait amené à défendre les intérêts de deux parties à la fois, car l'opposition entre les intérêts des deux clients interdit en pareil cas à l'avocat de respecter pleinement son obligation de fidélité et son devoir de diligence. Cette règle est absolue en matière de représentation en justice; le consentement éventuel des parties n'y change rien. L'avocat qui s'aperçoit qu'en acceptant un deuxième mandat, il risque d'être pris dans un conflit d'intérêts, doit renoncer au deuxième mandat. S'il accepte le deuxième mandat, il doit se défaire des deux mandats (arrêt du Tribunal fédéral 1B_7/2009 du 16 mars 2009, consid. 5.7 non publié in ATF 135 I 261). Il n'est au surplus pas déterminant, pour qu'un conflit d'intérêts au sens de l'art. 12 let. c LLCA surgisse, que deux parties soient constituées, au sens du droit de procédure. Il suffit que dans une affaire quelconque, deux personnes au moins liées au même avocat aient maille à partir et se trouvent objectivement à poursuivre des intérêts opposés (arrêt du Tribunal fédéral 1A.223/2002 précité, consid. 5.3 repris dans l'arrêt du Tribunal fédéral 1B_7/2009 précité, consid. 5.7).

A propos du risque de conflit d'intérêts, la Haute Cour a eu l'occasion de préciser dans un passé assez récent qu'un risque purement abstrait ne suffit pas. Le risque de conflit d'intérêts doit être concret. Ainsi, dès qu'un conflit d'intérêts survient et que ses clients se trouvent opposés l'un à l'autre, l'avocat doit arrêter de les représenter (cf. ATF 135 II 145 consid. 9.1 p. 154 s.; 134 II 108 consid. 4.2.1 p. 112).

En matière pénale, les limites du conflit potentiel s'avèrent beaucoup plus délicates à cerner que dans les autres branches du droit. Il est à cet égard généralement admis que le risque de conflit est grand en cas de représentation de co-prévenus, lesquels sont susceptibles de se rejeter mutuellement les responsabilités (arrêt du Tribunal fédéral 1B_7/2009 du 16 mars 2009, consid. 5.8; Bohnet , op. cit., p. 266 ch. IV.1; Bohnet/Martenet , op. cit., n o 1420; cf. également Valticos , Commentaire romand - Loi sur les avocats, Valticos/Reiser/Chappuis [éd.], Bâle 2010, n o 160 ad art. 12).

4.2 En l'espèce, le MPC met en exergue l'existence d'un double conflit d'intérêts, soit, d'une part, celui existant entre D. et la société E., et, d'autre part, celui existant entre le premier et certaines sociétés clientes de la seconde, à savoir J., K., L., M., N., O. et P.

Il s'agit donc de déterminer, à la lumière du dossier soumis à l'autorité de céans, si l'un ou l'autre des conflits, voire les deux, sont en l'espèce réalisés, et ce au regard des principes jurisprudentiels venant d'être rappelés (supra, consid. 4.1).

4.2.1 A l'appui de sa décision du 7 octobre 2010 - ici entreprise - le MPC énonce que « les intérêts de la société E. en tant que personne morale ayant une personnalité juridique propre sont opposés à ceux de D. » (act. 1.0, p. 3), et ce en substance pour trois motifs.

Il apparaîtrait d'abord que D. aurait utilisé le compte de la société E. auprès de la banque G. comme véhicule pour ses clients alors que ledit compte ne devait être utilisé que pour l'activité propre de la société. Ensuite, D. aurait utilisé pour ses propres intérêts - dans le cadre du remboursement d'une somme due à un ancien client -, par le biais d'une opération de compensation, une partie des avoirs déposés sur ledit compte. Enfin, un rapport de la PJF a mis en lumière le fait que le compte en question, soit celui dont la société E. est titulaire auprès de la banque G., n'apparaît nulle part dans la comptabilité de la société E., et ce alors que le formulaire A mentionne expressément la société en tant qu'ayant droit économique (act. 1.0, p. 3).

4.2.2 Le plaignant considère pour sa part que le conflit d'intérêts entre D. et la société E. dont se prévaut le MPC est « purement théorique », les deux parties n'étant nullement en litige (act. 11, p. 2). Il ajoute encore que « à supposer même que E. ait subi un préjudice quelconque du fait des paiements intervenus sur ordre de son actionnaire et administrateur Monsieur D. au débit de son compte auprès de la banque G., il n'est concevable que cette dernière agisse en responsabilité contre Monsieur D. que si elle fait faillite et que ses créanciers se font céder les droits de la masse à agir contre un administrateur », pour parvenir à la conclusion que « [p]uisqu'à ce jour, ce litige n'existe que dans l'imagination du MPC, il n'y a aucun conflit concret à représenter Monsieur D. et la société E. » (act. 11, p. 2 s.). Le plaignant estime bien au contraire que la société E., dont le rôle dans la procédure pénale ouverte contre D. se limite à celui d'un tiers-saisi, doit pouvoir profiter des connaissances qu'il a acquises dans le cadre de la défense des intérêts de ce dernier, et ce pour des raisons d'économie de procédure, de rentabilité et d'égalité des armes (ibidem).

4.3 Il ressort du dossier de la cause que D. est fortement soupçonné d'avoir - à des fins personnelles - retiré un montant important d'un compte ouvert au nom de la société E. auprès de la banque G. Les investigations menées jusqu'ici ont ainsi permis de mettre à jour le fait que D. a, en date du 8 mai 2009, prélevé EUR 300'000.-- en cash sur le compte n o 1 dont l'ayant droit économique indiqué sur le formulaire A du compte est la société E. Il existe de forts soupçons selon lesquels le prélèvement en question était destiné à rembourser une première tranche d'une dette personnelle contractée par D. auprès du dénommé AA. (supra, let. C), un ancien client avec lequel il a conclu un accord (« Settlement agreement ») en date du 9 avril 2009, document aux termes duquel D. s'engageait notamment à verser une somme de Fr. 500'000.-- d'ici au 30 mai 2009 au plus tard (act. 1.14, ch. 1.2 let. A). Si le paiement des Fr. 500'000.-- convenus n'a pas eu lieu de main à main entre D. et AA., les éléments recueillis par le MPC à ce stade, et en particulier les auditions de AA. et du dénommé EE., lui aussi client de D., laissent fortement à penser que le compte dudit EE. a été utilisé pour verser le montant en question, ensuite de quoi un versement au comptant des EUR 300'000.-- retirés par D. sur le compte de la société E. a été opéré en sa faveur.

N'en déplaise au plaignant, le comportement ici reproché à D., s'il devait être dûment prouvé, est susceptible de tomber sous le coup de l'art. 158 CP, disposition réprimant la gestion déloyale. En effet, de par son comportement, D. a potentiellement causé un préjudice à la société E., en utilisant à des fins personnelles de l'argent déposé sur un compte dont on vient de voir que l'ayant droit économique indiqué sur le formulaire d'ouverture est précisément la société E. Il en découle que, au stade actuel de l'enquête, il existe des soupçons étayés selon lesquels la société E. aurait pu être - à un moment ou un autre - victime des agissements de D., étant rappelé qu'un préjudice uniquement « temporaire » n'exclut aucunement l'application de l'art. 158 CP (ATF 120 IV 122 consid. 6b; Favre/Pellet/Stoudmann , Code pénal annoté, 3 ème éd., Lausanne 2007, n o 1.9 ad art. 158).

Pareil constat suffit à conclure à l'existence d'un risque concret de conflit d'intérêts entre D. et la société E., à savoir entre l'auteur présumé d'une infraction et la victime au préjudice de laquelle ladite infraction aurait pu être commise. En effet, si la jurisprudence du Tribunal fédéral admet, en matière de représentation de co-prévenus, que des exceptions peuvent exister au principe selon lequel ce procédé ne doit pas être autorisé vu le risque de conflits d'intérêts intrinsèquement élevé dans cette hypothèse (arrêt du Tribunal fédéral 1B_7/2009 du 16 mars 2009, consid. 5.8; Bohnet , op. cit., p. 266 ch. IV.1; Bohnet/Martenet , op. cit., n o 1420), force est de constater que le risque en question se concrétise d'emblée et inéluctablement dès lors qu'un seul et même représentant entend défendre les intérêts tant de l'auteur que de la victime potentiels d'une infraction. Il tombe en effet sous le sens que les intérêts de l'auteur - présumé soit-il - d'une infraction et de sa victime potentielle divergent par essence. Le fait que D. n'ait, à ce stade, pas été inculpé formellement par le MPC du chef de gestion déloyale, ne saurait en rien changer le constat ainsi posé, et ce dans la mesure où les éléments soumis à l'autorité de céans suffisent à conclure à l'existence de soupçons allant dans ce sens.

4.4 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que l'autorité inférieure n'a aucunement erré en concluant à l'existence d'un risque concret de conflit d'intérêts entre D. et la société E., et partant, en interdisant au plaignant de représenter tant le premier que la seconde dans la procédure pénale fédérale ouverte à l'encontre du premier cité (arrêt du Tribunal fédéral 1B_7/2009 précité, consid. 5.7; Bohnet , op. cit., p. 266, ch. IV.4).

5. S'agissant de l'existence ou non d'un conflit d'intérêts entre D. et les clients de la société E., à savoir J., K., L., M., N., O. et P., il convient de relever ce qui suit:

Toutes ces sociétés sont des clientes de la société E. (act. 1, p. 5). Dans la mesure où, à ce stade de l'enquête, il existe des soupçons suffisants selon lesquels D. pourrait s'être rendu coupable de gestion déloyale envers la société E. (supra consid. 4), société dont il était à l'époque des faits - et dont il est encore à ce jour - administrateur, force est d'admettre que cet élément suffit déjà à concrétiser à lui seul le risque de conflit d'intérêts pouvant exister entre ledit D. et les sociétés clientes de la société E., personne morale dont l'une des activités s'avère précisément être la gestion de fortune (act. 1.8). Pareil risque s'avère d'autant plus concret que, de l'aveu même d'une ancienne administratrice et actionnaire de la société E., en fonction à l'époque des faits reprochés à D., « il y a [effectivement] eu un certain nombre de clients qui nous ont contacté[s] pour faire part de doléances quant à la manière de D. de gérer leur fonds en gestion à la société E. », d'une part, et que « [a]pparemment, la gestion de D. ne correspondait pas toujours aux instructions initiales des clients ».

6. Sur le vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que c'est à bon droit que l'autorité inférieure a rendu la décision du 7 octobre 2010 interdisant au plaignant de représenter D. ainsi que les sociétés E., J., K., L., M., N., O. et P. dans la procédure pénale fédérale ouverte à l'encontre du premier cité.

Si le plaignant persistait dans sa volonté de défendre tout ou partie de ses actuels clients et ne se tenait donc pas à la décision rendue par le MPC le 7 octobre 2010, et confirmée ici, ledit MPC serait en droit de dénoncer son comportement à l'autorité de surveillance compétente, afin qu'elle prenne les mesures qui s'imposent.

7. L'acte attaqué n'est au surplus nullement contraire à l'art. 27 Cst ., dès lors que l'atteinte portée à la liberté économique de l'avocat remplit à l'évidence les conditions de l'art. 36 Cst ., et ce pour les motifs développés aux considérants précédents.

8. La plainte est partant rejetée.

9. Le plaignant, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF , applicable par renvoi de l'art. 245 al. 1 PPF ), lesquels sont en l'occurrence fixés à Fr. 1'500.-- (art. 3 du règlement du 11 février 2004 fixant les émoluments judiciaires perçus par le Tribunal pénal fédéral; RS 173.711.32), réputés entièrement couverts par l'avance de frais déjà versée.


Par ces motifs, la Ire Cour des plaintes prononce:

1. La plainte est rejetée.

2. Un émolument de Fr. 1'500.--, réputé couvert par l'avance de frais acquittée, est mis à la charge du plaignant.

Bellinzone, le 27 décembre 2010

Au nom de la Ire Cour des plaintes

du Tribunal pénal fédéral

Le président: Le greffier :

Distribution

- Me A., avocat

- Ministère public de la Confédération

- Me DD., avocat

Indication des voies de recours

Il n'existe pas de voie de recours ordinaire contre cet arrêt.

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